N° 260
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2002.
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES,
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2003 (n° 230)
TOME III
DÉFENSE
ESPACE, COMMUNICATION ET RENSEIGNEMENT
PAR M. Yves FROMION,
Député.
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Voir le numéro : 256 (annexe n° 40)
Lois de finances.
S O M M A I R E
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Pages
INTRODUCTION 5
I. - UNE POLITIQUE SPATIALE FRANÇAISE QUI RESTE VOLONTARISTE 7
A. UN PROJET DE BUDGET SATISFAISANT 7
1. Le niveau des dotations budgétaires 7
2. Le maintien, contestable, d'une imputation des crédits duaux 8
B. LA CONSOLIDATION DES PRIORITÉS NATIONALES DANS LA CONDUITE DES PROGRAMMES 9
1. La poursuite du programme d'observation optique 9
a) Hélios I : une réussite opérationnelle 10
b) Hélios II : une relève plus performante 10
c) L'après Hélios II 11
2. L'avenir à présent assuré du système de télécommunications militaires 12
3. Le maintien d'une veille technologique dans les autres domaines 13
C. UN CONTEXTE INTERNATIONAL MARQUÉ PAR UN REGAIN D'INTÉRÊT EN FAVEUR DES APPLICATIONS MILITAIRES DE L'ESPACE 16
1. Des financements européens disparates 16
a) Des budgets pas toujours suffisants chez les partenaires de la France 17
b) Des coopérations essentiellement opérationnelles et encore limitées 18
c) Des programmes européens à vocation duale préservés 19
d) Pour une politique spatiale militaire véritablement commune à moyen terme 20
2. Des ambitions américaines très fortes 22
3. La persistance d'une certaine expertise russe 24
4. La compétence avérée des pays asiatiques dans le domaine spatial 25
II. - LES ORIENTATIONS JUSTIFIÉES DE LA FRANCE EN MATIÈRE DE COMMUNICATIONS, DE CONDUITE DES OPÉRATIONS ET DE RENSEIGNEMENT 29
A. LES PRINCIPAUX SYSTÈMES DE TRANSMISSION, DE LIAISON ET DE COMMANDEMENT 29
1. Les programmes de communication de niveau interarmées 29
2. Les programmes d'information et de commandement 30
a) Le système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA) 30
b) Le système d'information et de commandement des forces (SICF) et les systèmes informatiques régimentaires (SIR) 31
3. La nécessité de nouer des coopérations européennes pour les programmes futurs 31
B. L'ÉVOLUTION DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES CONSACRÉS AUX SYSTÈMES DE RECUEIL DE RENSEIGNEMENT 32
1. Les programmes stratégiques d'écoute 33
2. Les moyens à vocation tactique 33
3. Les drones 35
a) Un concept d'emploi intéressant 36
b) Les systèmes en service 36
c) D'importantes perspectives d'avenir 37
C. LE RENSEIGNEMENT HUMAIN : UN SECTEUR PRIORITAIRE 38
1. Les services de renseignement 38
a) La direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) 38
b) La direction du renseignement militaire (DRM) 40
c) La direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD) 42
2. Les unités chargées du renseignement dans la profondeur 43
CONCLUSION 47
TRAVAUX DE LA COMMISSION 49
Le système de forces « commandement, communications, conduite des opérations et renseignement », que les experts militaires désignent par l'acronyme C3R, est au c_ur du fonctionnement des armées modernes. Il permet de maîtriser l'information, c'est-à-dire le recueil, le traitement, la diffusion et le stockage des ordres et renseignements indispensables à tous les échelons, du niveau décisionnel jusqu'au commandement sur le terrain.
L'espace, les communications et le renseignement sont les supports essentiels de ce système de forces. Bien que chacun de ces domaines présente des spécificités importantes, ils s'analysent tous comme un ensemble, dont la cohérence générale est indispensable.
La France consent depuis plusieurs années un effort significatif dans les secteurs du C3R. D'ailleurs, la priorité accordée à la réalisation d'une chaîne complète de commandement (aux niveaux stratégique et tactique) permet d'envisager un rôle de nation-cadre pour la planification et la conduite d'une ou plusieurs opérations d'envergure, qui seraient menées par la force de réaction rapide de l'Union européenne, dont la mise en place a été décidée lors du Conseil européen d'Helsinki en 1999. Cette capacité suppose une certaine continuité des investissements, tant dans les systèmes d'information et de communication, dont les exigences en débits sont toujours croissantes, que dans la chaîne des capteurs du renseignement ou la formation des états-majors de forces.
D'une manière générale, les programmes destinés à la prévention des crises, et tout particulièrement le renseignement, qu'il soit d'origine spatiale, technologique ou humaine, se poursuivent sans trop de difficultés. Pour autant, les attentats commis contre les Etats-Unis, le 11 septembre 2001, invitent à réfléchir sur l'adéquation des structures et des moyens aux menaces nouvelles (risques NBC de masse, vulnérabilité de sites industriels ou économiques) que fait peser le terrorisme international sur les pays développés et ouverts aux échanges. Le projet de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008 met tout particulièrement l'accent sur ce défi majeur et il y apporte un début de réponse, en optant résolument pour des coopérations européennes plus étroites.
D'ores et déjà, le projet de loi de finances initiale pour 2003, première concrétisation du projet de loi de programmation militaire qui a été déposé par le Gouvernement sur le bureau de l'Assemblée nationale le 11 septembre dernier, confirme l'attention dont fait l'objet le système de forces C3R, en ce qu'il permet :
- de continuer ou d'achever les programmes spatiaux majeurs ;
- de poursuivre et d'amplifier le renouvellement des moyens de commandement et de communication ;
- de conforter les financements des unités et des services de renseignement pour renforcer leur efficacité.
La loi de programmation militaire pour les années 1997-2002 fixait le montant des annuités budgétaires consacrées au C3R à un niveau supérieur à ce qu'il a effectivement été jusqu'à ce jour ; la revue des programmes de 1998 est d'ailleurs à l'origine de l'abandon du projet de satellite radar national (Horus). Ni le projet de loi de finances pour 2003, ni le projet de loi de programmation militaire ne combleront l'écart, mais telle n'est pas leur prétention. Pour pallier une certaine révision du niveau des dépenses, il n'est pas forcément obligatoire de sacrifier les ambitions : une coopération accrue au niveau européen est le gage d'économies substantielles, pour peu qu'une véritable politique commune soit conduite en ce domaine. Les instruments de cette coopération existent pour partie ; de même, les militaires échangent leurs analyses et leurs points de vues. Reste à l'Union européenne de se saisir de cette question et d'ébaucher une véritable convergence des programmes, de manière à garantir un niveau suffisant d'interopérabilité entre les différentes forces armées des Etats membres et avec les forces armées américaines.
Dans ce vaste chantier, la France, qui dispose d'un savoir-faire technologique et militaire qui l'a placée au premier rang européen aérospatial et qui reste l'un des rares Etats membre de l'Union européenne à consacrer un montant significatif de crédits au C3R, a un rôle de premier plan à jouer.
I. - UNE POLITIQUE SPATIALE FRANÇAISE QUI RESTE VOLONTARISTE
La dissémination des zones d'instabilité et de crises, l'internationalisation de l'économie et des menaces font de l'espace un des éléments clés de l'efficacité des systèmes de défense. En effet, les capacités d'observation, de communication, d'écoute et de localisation, qui dépendent des équipements spatiaux, sont désormais des préalables à toute prise de décision de déploiement des forces, d'emploi des armes, de présence dans le monde. C'est pourquoi la France conduit, depuis plusieurs décennies, une politique spatiale militaire ambitieuse en y consacrant un budget qui la place au premier rang de l'effort des pays européens. L'aspiration à jouer le rôle de nation-cadre du continent dans ce domaine n'en est que plus légitime et correspond d'ailleurs à son rang de membre permanent du Conseil de sécurité de l'Organisation des nations unies.
Le projet de loi de finances initiale pour 2003 est satisfaisant, puisque les crédits en faveur de l'espace confortent les programmes engagés. Le maintien de l'enveloppe des crédits de paiement à un niveau relativement élevé se justifie par la réalisation, voire l'achèvement, des principaux équipements de nouvelle génération ; l'accroissement très significatif du montant des autorisations de programme traduit la perspective d'investissements soutenus pour les exercices à venir.
Le projet de loi de finances pour 2003 est plutôt favorable à l'espace militaire. Certes, le niveau des crédits de paiement reste relativement stable, à 434,7 millions d'euros, en retrait toutefois de 3 % par rapport à l'exercice en cours qui se caractérisait par une dotation exceptionnellement avantageuse. Néanmoins, les dotations en autorisations de programme progressent de manière significative (+ 68,7 %), à 580 millions d'euros. L'évolution de l'enveloppe de crédits de paiement s'explique d'ailleurs par la diminution des besoins nécessaires à certains programmes, dans le domaine de l'observation optique notamment. L'augmentation des montants d'autorisations de programme s'avère indispensable pour rattraper le retard pris à l'occasion du budget en cours d'exécution.
ÉVOLUTION DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES AFFECTÉS À L'ESPACE
(en millions d'euros)
Lois de finances initiales |
Évolution en % |
||||||||
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2000/2001 |
2001/2002 |
2002/2003 | |||
Autorisations de programme |
315,8 |
482,3 |
343,8 |
580 |
+ 52,7 % |
- 28,7 % |
+ 68,7 % | ||
Crédits de paiement |
349,7 |
416,4 |
448,4 (1) |
434,7 |
+ 19,1 % |
+ 7,6 % |
- 3,0 % | ||
(1) Déduction faite du report de 3,51 millions d'euros votés en 2001 sur le budget 2002. |
Dans une démarche rétrospective, on ne manquera pas de souligner la forte volatilité des dotations budgétaires consacrées à l'espace ces dernières années. Les variations ont été très importantes d'un budget à l'autre. Sans doute faut-il y voir le fait que l'espace a été considéré comme une variable d'ajustement facile, parce que relativement indolore. C'est là oublier que la France possède des compétences industrielles et des intérêts stratégiques majeurs dans ce secteur d'activité, dont le plan de charge et les emplois dépendent pour une part essentielle des commandes publiques. Il serait donc opportun d'assurer, à l'avenir, l'indispensable stabilité budgétaire dans la durée.
Le projet de loi de finances pour 2003 prend aussi en considération l'importance des études-amont pour le secteur spatial militaire. Quand bien même les autorisations de programme prévues à cet effet diminueront de 10,1 %, les crédits de paiement augmenteront de 6,6 %. Ainsi, l'ensemble des recherches préparatoires aux programmes futurs concernant l'observation optique et radar, l'écoute, l'alerte avancée, le traitement et l'exploitation des images, les télécommunications et la navigation sera poursuivi.
ÉVOLUTION DES CRÉDITS EN FAVEUR DE L'ESPACE CONSACRÉS À LA RECHERCHE-DÉVELOPPEMENT
(en millions d'euros) | |||||
Loi de finances initiale pour 2002 |
Projet de loi de finances initiale pour 2003 |
Évolution 2003/2002 |
|||
Autorisations de programme |
44,4 |
39,9 |
- 10,1 % | ||
Crédits de paiement |
35,1 |
37,4 |
+ 6,6 % | ||
Source : ministère de la défense. |
Le projet de loi de finances pour l'année 2003 prévoit à nouveau une contribution importante du ministère de la défense au budget civil de recherche et de développement (BCRD), au titre des crédits de recherche duale. Depuis 1997, ces transferts du ministère de la défense aux budgets des ministères civils, qui sont inscrits au titre VI, bénéficient dans leur intégralité au centre national d'études spatiales (CNES).
La loi de programmation militaire du 2 juillet 1996 prévoyait d'y mettre fin de façon graduelle, mais une tendance inverse semble s'être instaurée depuis l'année 1999, comme l'illustre le tableau suivant.
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE
EN FAVEUR DU BCRD DEPUIS 1999
Montants des crédits inscrits en lois de finances initiales ou projet de loi de finances(1) |
Variations | |||||||
LFI 1999 |
LFI 2000 |
LFI 2001 |
LFI 2002 |
PLF 2003 |
2000/1999 |
2001/2000 |
2002/2001 |
2003/2002 |
137,2 |
228,7 |
190,56 |
190,56 |
190,56 |
+66,7 % |
- 16,7 % |
- |
- |
(1) En millions d'euros (crédits de paiement et autorisations de programme confondus). |
En soi, le principe d'une participation du ministère de la défense au BCRD est discutable :
- d'une part, en raison de l'ampleur de ces transferts ;
- d'autre part, du point de vue de la lisibilité des versements.
La participation des crédits du ministère de la défense aux dépenses spatiales civiles représente un véritable abondement du budget du CNES. Les montants transférés ne sont aucunement gérés par le ministère de la défense, d'autant plus qu'il n'était pas établi de comptabilité séparée par l'organisme récipiendaire, ce qui empêchait de connaître leur utilisation précise. En outre, ces crédits présentés comme duaux se trouvent comptabilisés deux fois puisqu'ils sont affichés dans la présentation des deux budgets (défense et recherche). Par voie de conséquence, le niveau des dotations consacrées à l'espace militaire se trouve calculé de manière quelque peu artificielle.
Pour toutes ces raisons, il apparaît nécessaire au minimum de clarifier et, si possible, de mettre un terme le plus rapidement possible à cette pratique de l'imputation au budget du ministère de la défense de crédits qui sont destinés en fait au BCRD.
En attendant que les partenaires européens s'engagent sur des projets, la France assure seule le déroulement des programmes majeurs qu'elle a engagés tout en préparant leur renouvellement. Les priorités portent essentiellement sur l'amélioration du système d'observation optique et la relève des moyens satellitaires de télécommunications actuels. Pour le reste, l'accès à des capacités d'observation radar et la poursuite de programmes de cohérence ne font pas partie des objectifs de court terme, même si une veille technologique est maintenue.
Réalisés sur la base des succès de l'imagerie optique française au cours des années 1980, les satellites militaires d'observation Hélios I permettent à la France, en tant qu'acteur majeur, et à ses partenaires dans ce programme d'affirmer leur autonomie de décision et de crédibiliser leur participation aux opérations de prévention des crises.
Les moyens d'observation optique par satellites participent à des missions d'intérêts stratégiques et tactiques de plus en plus évidents : la prévention des conflits bien sûr, la surveillance (volet qui prend une importance considérable dans le cadre d'une participation active à la lutte contre la prolifération d'armes de destruction massive), l'évaluation des dégâts causés à l'ennemi (le battle damage assessment), le guidage des munitions de haute précision, l'identification des auteurs d'éventuelles agressions (élément indispensable de toute politique de dissuasion).
Fort de son expertise en la matière, le ministère de la défense continue de marquer son intérêt pour ce type d'équipements à travers la réalisation des satellites Hélios II. Les orientations de plus long terme n'en sont qu'au stade de la réflexion, mais l'hypothèse de la réalisation d'un satellite radar national est définitivement écartée.
Le programme trinational Hélios I, qui associe la France, l'Italie et l'Espagne, a permis la réalisation de deux satellites d'observation optique, dont le contrôle s'effectue à partir d'un centre principal sur la base de Francazal à Toulouse, et d'installations au sol qui comprennent, dans chaque pays partenaire, une station de réception (Colmar, Iles Canaries et Lecce) et un centre de traitement des images (Creil, Torrejon et aux environs de Rome). Le satellite Hélios I-A a été mis en orbite le 7 juillet 1995 et il est entré en phase opérationnelle le 11 octobre 1995 ; le deuxième satellite, Hélios I-B, a été placé en orbite le 3 décembre 1999 et mis en service le 25 février 2000. Depuis cette date, la France et ses partenaires disposent de deux satellites d'observation optique opérationnels, Hélios I-A restant en activité puisqu'il n'a pas encore consommé la totalité de ses équipements de secours, malgré le dépassement de sa durée de vie initialement prévue.
Dans leur définition actuelle, les satellites Hélios I emportent une caméra à très haute résolution et des enregistreurs magnétiques spécialisés, qui sont destinés à conserver les informations entre deux passages successifs au-dessus des stations de réception. Ils comprennent aussi un système d'écoute électronique Euracom, réalisé uniquement dans le cadre national français. L'orbite polaire héliosynchrone et les capacités de man_uvre garantissent une possibilité d'observation d'un site donné tous les deux jours (à l'équateur). Les capacités sont limitées à l'observation de jour et par temps clair. Chaque satellite ne repasse exactement à la verticale d'un point donné que tous les vingt-six jours, mais, compte tenu du fait que les deux satellites sont situés sur des positions orbitales complémentaires, le balayage est plus fréquent.
Des améliorations ont été incorporées au système Hélios I-B : emport d'une mémoire de masse statique, en complément des deux enregistreurs magnétiques, pour stocker les images ; modifications apportées aux composantes sol, les rendant aptes à recevoir les images civiles (SPOT, ERS ou LANDSAT) et intégrant des logiciels de photo-interprétation assistée par ordinateur ; mise au point de la station de théâtre transportable à partir d'un démonstrateur de station de réception et de traitement des images.
La prochaine génération de satellites d'observation optique, Hélios II, doit intégrer des améliorations technologiques pour la prise de vues, avec notamment une capacité infrarouge pour la nuit, la réduction des délais d'accès aux informations recueillies et la résolution des images. Le premier exemplaire, Hélios II-A, sera disponible au lancement en mars 2004. Depuis le 13 juillet 2001, la France conduit ce programme avec la Belgique. L'Espagne, quant à elle, a signé un accord de participation le 6 décembre 2001, qui porte également le niveau de sa participation à 2,5 %.
Programme actuellement au c_ur des coopérations européennes, Hélios II sera doté de stations au sol permettant la confidentialité des programmations de chaque partie prenante. Pour recouper les images d'Hélios II avec SAR-Lupe, Cosmo-Skymed et Pléiades, un programme de segment sol d'observation spatiale (SSO) a été engagé, afin de centraliser la programmation française de l'ensemble des satellites, dont les données relèveront d'un système d'exploitation et de valorisation des images ; si sa mise en service est prévue pour 2008, une version intermédiaire sera opérationnelle en 2005.
Le coût total d'Hélios II a été estimé à 1 742 millions d'euros, y compris le financement de l'adaptation nécessaire des installations au sol dans une démarche d'interopérabilité. Dans la lignée des enseignements du conflit du Kosovo, il a été décidé de doter les deux satellites d'une résolution plus précise, ce qui s'est traduit par un surcoût de quelque 121,95 millions d'euros et un report de la date de lancement du premier exemplaire, initialement prévue pour juin 2003. Outre un raccourcissement significatif des délais de circulation des données, l'accent a particulièrement été porté sur la décentralisation de la programmation et de la diffusion des renseignements, grâce à la mise en place de 24 stations déportées.
Le projet de loi de finances pour 2003 prévoit 7,94 millions d'euros d'autorisations de programme et 100,89 millions d'euros de crédits de paiement pour ce programme ; malgré une diminution assez marquée de ses dotations
(- 42,8 % en crédits de paiement), qui résulte de l'achèvement des satellites, le programme Hélios II représentera encore l'un des postes de dépense les plus importants des crédits consacrés à l'espace militaire en 2003.
Le satellite Hélios II-A devrait être opérationnel jusqu'en 2008, tandis qu'Hélios II-B devrait l'être jusqu'en 2012. Le problème de leur remplacement ne se posera donc pas avant quelques années. Cette question fait pourtant déjà l'objet de réflexions importantes, puisqu'à l'horizon 2008-2009, la permanence de l'observation, y compris en infrarouge, de chaque point du globe sera plus hypothétique. De même, à cette échéance, la complémentarité radar-optique ne sera plus optimisée. Il faut donc réfléchir dès à présent à l'éventualité de concevoir un successeur à Hélios II.
Certes, à partir de 2007, les deux satellites Pléiades d'observation optique de résolution métrique, moins performants qu'Hélios II, seront placés en orbite et pourront relayer les besoins de la défense nationale. Cependant, Pléiades est un système dual, qui n'a pas pour unique vocation de servir des intérêts militaires ou de sécurité. De sources industrielles, il est possible d'esquisser le coût de deux satellites d'1 à 1,3 tonne, de résolution décimétrique dans le visible et métrique dans l'infrarouge, avec une capacité de prise de vues supérieure à Hélios II, plus lourd donc moins maniable : ce coût avoisinerait les 600 millions d'euros, soit trois fois moins que le coût d'Hélios, lancement et composante sol inclus.
S'il ne tranche pas les options techniques, le projet de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008 prévoit néanmoins le lancement d'études-amont et la recherche d'une coopération européenne pour assurer la pérennisation d'une capacité globale tout temps. Un tel système devant entrer en service à l'horizon 2012-2013, il aurait été souhaitable que les premiers crédits y soient consacrés à partir de 2006. Cependant, il y a tout lieu de croire que, compte tenu des redondances technologiques des équipements, la durée de vie d'Hélios II sera supérieure à ce qui était initialement envisagé, ce qui laisse un peu de temps pour aboutir à un programme de remplacement.
Dans la lignée du projet de loi de programmation 2003-2008, le projet de loi de finances initiale pour l'année 2003 conforte le renouvellement des moyens spatiaux de télécommunications des armées. Alors que la réalisation du satellite Syracuse III-A est en voie d'achèvement, le développement de Syracuse III-B sera bien engagé. Une telle mesure, décidée par le projet de loi de programmation, était nécessaire, car la réalisation en Europe d'équipements exploitant des fréquences d'ondes radioélectriques millimétriques, dites extremely high frequencies (EHF), est indispensable pour garantir l'autonomie des systèmes de transmission et de communication des armées du continent, tout en assurant à la France un rôle de nation-cadre en matière de renseignement d'origine spatiale.
Les communications spatiales militaires reposent depuis le milieu des années 1980 sur des charges utiles intégrées aux satellites civils Télécom. L'actuelle génération Télécom II-Syracuse II a assuré la continuité du service, grâce à quatre satellites lancés successivement en décembre 1991 (Télécom II-A), avril 1992 (Télécom II-B), décembre 1995 (Télécom II-C) et août 1996 (Télécom II-D). Les caractéristiques techniques actuelles assurent une liaison protégée contre l'écoute, l'intrusion et les brouillages. Elles permettent également d'étendre les capacités du système par la réalisation d'un ensemble complet de stations, terrestres ou navales : leur parc final atteint 94 stations sol et 23 stations mobiles.
La durée de vie des satellites, fixée initialement à dix ans, limitait à 2001 la continuité du service, mais les actions de complément permettront de prolonger les derniers éléments du système jusqu'en 2005. Compte tenu de ces développements, le coût total du programme Syracuse II est estimé à 2 190 millions d'euros.
La nouvelle génération de satellites de télécommunications doit favoriser une meilleure interopérabilité avec les autres pays membres de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN). Les crises du Kosovo et, plus récemment, de l'Afghanistan ont montré les limites du système pour ce qui est des hauts débits, insuffisants pour transmettre des images numériques, et de la couverture. La loi de programmation militaire pour les années 1997-2002 avait inscrit l'équivalent de 609,8 millions d'euros de crédits de paiement pour le développement de cette troisième génération de satellites. A la suite de l'abandon par le Royaume-Uni du projet Trimilsatcom en 1998, la France a fait le choix d'une solution nationale intermédiaire, qui préserve l'éventualité d'une coopération ultérieure. La démarche retenue pour la réalisation du système successeur de Syracuse II s'articule donc en deux étapes :
- la première, sous maîtrise d'_uvre nationale, consiste à mettre en orbite un satellite de nouvelle génération (Syracuse III-A), exclusivement consacré aux télécommunications militaires, à la fin de 2003 ;
- la seconde, ménageant la possibilité d'un financement conjoint et d'une coopération industrielle, complétera d'ici à 2006, fin de vie de Télécom II-D, la constellation des satellites et impliquera la conception de nouvelles stations ainsi que la mise en _uvre d'un nouveau système de gestion de l'ensemble.
Le coût total prévisionnel du programme, dont la réalisation est supervisée par Alcatel Space, est estimé à 2 051 millions d'euros. Or, 419,02 millions d'euros d'autorisations de programme et 191,01 millions d'euros de crédits de paiement ont été inscrits dans le projet de loi de finances pour 2003. Le premier satellite du programme, Syracuse III-A, représente un saut technologique important par rapport aux satellites du programme antérieur. Alors que les charges utiles Syracuse II disposaient de cinq canaux de fréquences d'ondes centimétriques, ou super high frequencies (SHF), le satellite qui leur succédera contiendra neuf canaux SHF et six canaux EHF, conférant ainsi à ses équipements une rapidité plus importante des débits et une possibilité de connexion accrue. Syracuse III-A possédera en outre une antenne active antibrouillage SHF de nouvelle génération. Le nombre de stations de réception au sol devrait également être significativement accru : 460 stations navales, terrestres et aéroportées sont prévues.
Grâce au premier satellite de ce programme, la continuité du service du système Syracuse sera assurée jusqu'en 2005-2006. Le financement du second satellite est prévu par le projet de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008 ; la multiplication par quatre des autorisations de programme dans le projet de loi de finances initiale pour 2003 par rapport aux montants prévus par l'exercice 2002 en est la première concrétisation. Cependant, il serait à présent souhaitable, pour favoriser l'interopérabilité du système, de réfléchir à la possibilité d'intégrer au programme une capacité de réception de fréquences d'ondes décimétriques, ou ultra high frequencies (UHF), aujourd'hui inexistante, alors même qu'elle constitue le support de la liaison 16, vecteur de communications et de gestion tactique en temps réel qui sera essentiel pour les opérations extérieures de demain.
Les programmes complémentaires de l'observation optique et radar, s'ils ne font pas partie des objectifs prioritaires poursuivis par la politique spatiale française, sont essentiels en ce qu'ils précisent la nature des informations recueillies. Le renseignement d'origine électromagnétique (ROEM) est indispensable à l'alerte d'une crise en gestation ; néanmoins, il est difficile d'anticiper sur des technologies nouvelles et par conséquent une réflexion au sujet des efforts nationaux et européens en la matière apparaît nécessaire. Il en va de même dans le domaine de la guerre informatique, volet qui devrait être essentiel pour le renseignement à l'avenir. En ce qui concerne les programmes destinés à baliser le cadre d'intervention des forces, il apparaît que l'importance de tels systèmes n'est pas mésestimée puisqu'ils bénéficient d'un effort d'application maintenu, à travers la réalisation de démonstrateurs ou le recours à des moyens civils.
Un système d'écoute permet de localiser les sources d'émission, de surveiller les déplacements et les variations significatives d'intensité. Ce type d'équipement présente en outre l'avantage de n'être ni visible, ni intrusif, et de constituer de manière continue des bases de référence. A défaut d'engager un programme spécifique, une veille technologique a été maintenue. Dans une première étape, deux microsatellites scientifiques d'environ 50 kilogrammes ont été développés de manière exploratoire et financés au titre des études-amont spatiales :
- l'un, Cerise, a été lancé en même temps qu'Hélios I-A. Il était chargé, jusqu'à l'achèvement de sa mission en 2000, d'effectuer des mesures d'impulsion électromagnétique dans certaines gammes de fréquences. Il a contribué à une meilleure connaissance de l'environnement radioélectrique, tout en préparant l'insertion des futurs satellites d'observation dans un spectre de fréquences actuellement encombré. Les dépenses liées à sa réalisation, son lancement et son maintien en condition opérationnelle se sont élevées à 13,1 millions d'euros ;
- l'autre, Clémentine, qui évoluait sur des bandes de fréquences différentes, a été lancé avec Hélios I-B. Le coût total de sa réalisation et de son lancement, supporté au titre des études et de la recherche-amont, s'est élevé à 15,2 millions d'euros. Il est probable que le poids financier de son maintien en condition opérationnelle, jusqu'au terme de sa période d'exploitation en 2003, avoisinera celui de Cerise, soit quelque 609 000 euros.
La seconde étape consistera à mettre en _uvre le programme de démonstrateurs Essaim. Ces quatre microsatellites d'écoute des communications en constellation rapprochée et en bande basse devraient être lancés en 2004 et exploités jusqu'en 2009. Cet essaim remplira la fonction d'un indice d'alerte dans la gestion des crises, tout en favorisant l'évaluation des dommages. Le coût total du programme est évalué à 79,3 millions d'euros, dont environ 70,1 millions d'euros pour le développement, la réalisation et le lancement conjoint avec Hélios II-A. Les coûts d'exploitation du système sur cinq ans s'élèveraient à 9,2 millions d'euros. A plus long terme, la réalisation d'un ensemble satellitaire d'écoute électromagnétique ne semble pouvoir être envisagée que dans un cadre multinational. Les premières discussions avec l'Allemagne montrent à l'évidence que ses responsables privilégient le cadre de l'OTAN, dans la mesure où des accords secrets de défense lient déjà la République fédérale aux Etats-Unis pour l'analyse des signaux électromagnétiques.
Ces programmes, non spécifiquement militaires, sont devenus de précieux outils dans la conduite des opérations.
La météorologie et l'océanographie sont considérées comme des éléments majeurs de la planification des opérations militaires. Les besoins actuels en données météorologiques sont couverts par les satellites civils géostationnaires Meteosat (renouvelés à partir de cette année et complétés par les satellites à orbite polaire Metop à l'horizon 2005) ; les capacités satellitaires en matière d'océanographie, quant à elles, reposent sur Jason I. Ces équipements suffisent aux forces armées en termes d'infrastructures, mais un meilleur accès aux informations est en cours d'étude, afin de recevoir et de traiter les données sur site. Une réflexion est actuellement menée au sujet du système européen d'information global monitoring for the environnement and security (GMES), dont l'objet déborde le seul cadre de la météorologie et de l'océanographie pour englober la surveillance des changements climatiques, le contrôle des risques naturels, la gestion des ressources en eau et la sécurité des approvisionnements alimentaires. L'intérêt stratégique global de ce système justifie que l'agence spatiale européenne (ESA) lui accorde des financements : d'ailleurs, le satellite Envisat, lancé en 2001, joue un rôle majeur pour la mise en _uvre du plan d'action GMES.
La surveillance de l'espace constitue un facteur essentiel de sécurité, car elle permet d'apprécier les menaces des systèmes adverses en service et de se prémunir contre elles. En 1998, il a été décidé d'arrêter le programme de système de surveillance de l'espace (SSE), mais d'en conserver les acquis. C'est pourquoi le projet de démonstrateur radar Graves, proposé par l'office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA), mais financé sur crédits de la délégation générale pour l'armement (DGA), a été achevé. Cette capacité pré-opérationnelle donnera un certain niveau d'autonomie en matière de détection ; cependant, elle devra être ultérieurement complétée par un moyen d'identification et de poursuite pour constituer véritablement un premier ensemble opérationnel.
La navigation et le positionnement ne cessent de prendre de l'importance dans la conduite des opérations militaires. Le système américain de navigation par satellites Global Positioning System (GPS), dont l'accès est gratuit, est de plus en plus utilisé par les forces armées. Dans la mesure où les Etats-Unis peuvent refuser dans certains cas l'utilisation de leur système sans préavis et sans motivation, les conseils des ministres de l'ESA et de l'Union européenne ont décidé de lancer le développement d'un système indépendant du GPS : Galileo. Composé d'une constellation de 30 satellites à orbite intermédiaire ou, alternativement, de 24 satellites à orbite intermédiaire couplés à 8 satellites en orbite géostationnaire, Galileo sera opérationnel en 2008. Ses incidences militaires seront réelles puisqu'il permettra aux forces des pays européens de s'abstraire du contrôle indirect du Pentagone et de garantir ainsi l'efficacité des futurs systèmes européens de missiles de croisière et de bombes guidées par satellites.
Enfin, l'alerte et le contrôle du départ des missiles balistiques paraissent hors de portée d'un seul pays, à l'exception notable peut-être des Etats-Unis. La France a renoncé à poursuivre sa participation au projet medium exended air defense system (MEADS), élaboré au sein de l'OTAN et ne réunissant plus que les Etats-Unis, l'Allemagne et l'Italie, en raison du coût prohibitif qui serait à sa charge. Néanmoins, des réflexions relatives à la défense antimissiles et à la détection infrarouge des tirs ont quand même lieu au niveau national ; d'ailleurs, on voit mal comment les industriels européens pourront éviter que l'écart technologique avec leurs partenaires américains soit considérablement accru d'ici dix ans s'ils ne participent pas aux études et aux recherches engagées par les Etats-Unis sur la défense antimissiles.
Il serait donc opportun que les Etats membres de l'Union européenne les plus impliqués dans les technologies spatiales et militaires (France, Allemagne, Italie et Royaume-Uni, notamment) financent des recherches sur les techniques essentielles pour un système de défense antimissiles (l'alerte avancée, les radars de suite, les méthodes d'interception hit to kill, entre autres) ; ce faisant, ils apparaîtraient comme des partenaires crédibles aux autorités américaines. De surcroît, ils se placeraient favorablement pour la réalisation de capacités de protection de sites ponctuels ou d'une force déployée sur un théâtre d'opérations extérieures face à des missiles balistiques, dont le Président de la République a souhaité, lors de son discours à l'institut des hautes études de la défense nationale (IHEDN), le 8 juin 2001, que la France se dote à l'horizon 2010.
C. UN CONTEXTE INTERNATIONAL MARQUÉ PAR UN REGAIN D'INTÉRÊT EN FAVEUR DES APPLICATIONS MILITAIRES DE L'ESPACE
L'accès à l'espace et la maîtrise des technologies spatiales ne sont plus l'apanage de certains pays occidentaux ou de la Russie. Le niveau des dépenses budgétaires, ainsi que la priorité accordée à certains programmes, témoignent de l'ambition de certains États asiatiques de devenir des acteurs spatiaux majeurs. Forts de ce constat, les Etats-Unis ont réorienté leurs priorités en direction de l'espace, afin de conforter leur prépondérance militaire, voire d'assurer une véritable « domination spatiale », pour reprendre les termes du rapport de la commission Rumsfeld, publié le 11 janvier 2001. L'Europe, quant à elle, cherche avant tout à préserver ses acquis technologiques, sans pour autant mettre en _uvre une véritable stratégie de long terme.
Les principaux pays membres de l'Union européenne ne semblent pas consacrer un effort à la hauteur de l'ambition d'une Europe spatiale de la défense : l'espace est au nombre des capacités reconnues par les Quinze comme étant actuellement insuffisantes pour garantir l'autonomie totale des moyens de renseignement et de communication de la future force européenne de réaction rapide. La France, seul pays du continent à consentir un niveau significatif de crédits dans le domaine spatial (1,8 milliard d'euros de crédits de paiement aux termes du projet de loi de finances pour l'année 2003, dont 1,17 milliard d'euros pour le ministère de la recherche), ne peut pas assurer à elle seule une capacité spatiale autonome à l'Union européenne.
Les coopérations européennes dans le domaine spatial sont affectées par l'insuffisance des orientations budgétaires des principaux pays européens.
La politique britannique est certes marquée par un regain d'intérêt en faveur de l'espace ces dernières années, mais le budget global en faveur de l'espace civil et militaire n'excédera pas 500 millions d'euros en 2003. Le budget spatial militaire s'élève à environ 190 millions d'euros. Les priorités du ministère de la défense britannique portent principalement sur le renouvellement des satellites de télécommunications Skynet (la réalisation de Skynet V, dont le coût total est estimé à 3,3 milliards d'euros sur la période 2003-2018, a récemment été attribuée au consortium Paradigm, dont fait partie Astrium) et, dans une moindre mesure, l'accès aux données météorologiques au travers du programme Metop, ainsi que l'imagerie et l'observation (un microsatellite d'observation dual, TOPSAT, sera lancé courant 2004). La defence procurement agency (DPA) du ministère de la défense supervise également des programmes spatiaux dans le domaine de l'écoute. Des coopérations internationales avec les nations alliées sont certes recherchées, mais l'option européenne n'est pas prioritaire. Le Royaume-Uni semble préférer une coopération avec les États-Unis.
Si la participation de l'Allemagne à l'ensemble des grands projets spatiaux européens depuis vingt ans s'est appuyée sur un engagement financier, qui a connu une croissance régulière jusqu'en 1993 et a permis à ce pays d'être le second contributeur à l'ESA, les dépenses de la République fédérale en faveur de l'espace militaire restent modestes. Le budget de la Deutsche Luft Raumfahrt (DLR), agence fédérale qui gère toutes les activités civiles depuis 1997, s'élève à 1 milliard d'euros depuis 2001. Au-delà de cette apparente dynamique, l'Allemagne a décidé de réorienter ses priorités spatiales autour des initiatives industrielles et de la recherche scientifique. Bien que le concept spatial élaboré au printemps 1997 ait reconnu que les télécommunications et l'observation de la terre prennent un rôle croissant dans la sécurité du pays, ce sont les événements du Kosovo qui semblent avoir décidé les pouvoirs publics allemands à financer un programme de satellites d'observation radar, à partir des études menées dans le cadre du projet SAR-Lupe. Le coût total des cinq satellites du système SAR-Lupe, qui seront lancés entre 2005 et 2007 et auront une durée de vie de dix ans, est estimé à 300 millions d'euros. L'Allemagne envisage également de développer son propre satellite de télécommunications militaires. Néanmoins, cette évolution doit être envisagée avec prudence, compte tenu des mesures d'économies qui affectent de manière récurrente le budget de la défense.
Enfin, si l'Italie cherche depuis quelques années déjà à affirmer sa présence sur la scène spatiale européenne (l'agenzia spaziale italiana-ASI a été créée à cet effet en 1988), le budget annuel moyen prévu par le plan spatial national, de l'ordre de 925 millions d'euros sur la période 2003-2005, n'est pas atteint. L'ASI disposera seulement d'un budget global de 877 millions d'euros en 2003. En outre, ces montants ont autant vocation à apurer la dette de l'agence qu'à permettre le développement de programmes spatiaux d'envergure. Néanmoins, même si elle y consacre une part assez réduite de son budget spatial, l'Italie a aussi des ambitions militaires. Pour preuves, sa participation à Hélios I, sa maîtrise des télécommunications spatiales à vocations civile et militaire (le premier satellite du programme Sicral, équivalent à Syracuse, a été mis en orbite en février 2001) et ses investissements dans le domaine de l'observation radar (projet Cosmo-Skymed).
Les coopérations pour la réalisation et l'acquisition d'équipements se justifient, car elles favorisent :
- un partage des coûts de développement et d'industrialisation ;
- un rapprochement des armées des pays coopérants, en raison de l'interopérabilité des moyens ;
- une restructuration des pôles industriels, qui sont amenés à se regrouper afin d'exploiter leurs synergies.
Cependant, des difficultés, parfois importantes, existent. Il est souvent nécessaire de préserver les intérêts économiques des parties. Or, l'exigence de juste retour industriel constitue une contrainte, qui conduit de temps à autre certains Etats à privilégier la conception de programmes nationaux, au détriment de la rationalité économique et budgétaire d'une collaboration. Les incertitudes relatives aux ressources budgétaires accordées par chaque participant aux projets communs sont autant d'écueils supplémentaires.
C'est la raison pour laquelle les coopérations spatiales européennes consistent actuellement davantage à exploiter en commun les équipements de chaque pays qu'à réaliser des programmes ensemble. L'exemple des systèmes d'observation est révélateur. Aux termes du mémorandum d'accord signé lors du sommet de Turin, le 29 janvier 2001, la France et l'Italie se sont engagées à mettre en _uvre de concert une constellation de deux satellites d'observation optique Pléiades, réalisés par la France pour un coût évalué à 440 millions d'euros, et de quatre satellites radar Cosmo-Skymed, produits par les industriels italiens pour un coût estimé à 570 millions d'euros. Un accord franco-allemand de fédération des programmes spatiaux d'observation Hélios II et SAR-Lupe a également été conclu le 30 juillet dernier, lors du sommet de Schwerin.
Pour dépasser à plus long terme ce cadre limité de coopérations bilatérales et favoriser l'émergence d'un système européen de reconnaissance par satellites qui soit complet, les états-majors des armées de plusieurs pays membres de l'Union européenne ont défini un besoin opérationnel commun (BOC). Dans un premier temps, la construction d'un système commun s'appuiera sur les échanges bilatéraux ou multilatéraux de capacités, à travers des segments sols interopérables ; par la suite, le système pourrait être conçu et financé à l'échelle européenne. Ce document d'orientation a été signé par les chefs d'état-major des armées français, allemand, italien et espagnol.
Mais, pendant que les coopérations européennes se renforcent dans le domaine de l'observation, le secteur des télécommunications spatiales militaires n'a donné lieu à aucun rapprochement, chaque pays poursuivant la réalisation de son propre programme national (Syracuse III pour la France, Skynet V pour le Royaume-Uni, Sicral II pour l'Italie, Spainsat pour l'Espagne), alors même que la convergence des besoins de renouvellement constituait une conjoncture idéale pour une coopération européenne efficace et économe. C'est dire le chemin qu'il reste à parcourir pour favoriser la convergence des politiques européennes d'équipement spatial.
Le conseil ministériel de l'ESA des 14 et 15 novembre 2001 a adopté le budget spatial de l'Europe pour les prochaines années. Les programmes majeurs de dimension duale ont été préservés avec l'octroi de 699 millions d'euros au programme Ariane V « évolution », soit 27,80 millions de plus que demandé, sur la période 2002-2007, 302,97 millions d'euros au programme d'accompagnement de recherche et de technologie Ariane V (ARTA V) sur la période 2003-2006, 1 043 millions d'euros à l'observation de la terre et 527 millions d'euros à la phase de développement (2002-2005) d'un système européen de navigation par satellites (Galileo).
Programme de lanceurs commerciaux, Ariane fonde l'indépendance spatiale des principaux pays européens. A partir de l'automne 2002, Ariane V devrait être en mesure de lancer une charge utile de 9 tonnes, contre 6 auparavant, grâce à son nouvel étage supérieur à propulsion cryotechnique. A l'horizon 2004-2005, le moteur Vulcain II, actuellement mis au point par Snecma, devrait permettre à la fusée (programme Ariane V « évolution ») d'emporter 11 tonnes de charge utile en orbite géostationnaire. En complément, le conseil ministériel de l'ESA a accepté d'accompagner l'effort d'adaptation des infrastructures du centre spatial guyanais en y affectant 423,2 millions d'euros. A terme, il est envisagé d'autoriser le lancement de fusées russes Soyouz à partir de Kourou. Cette option présente deux avantages majeurs : tout d'abord, les coopérations russo-européennes seront maintenues, évitant ainsi une marginalisation totale de l'industrie européenne des lanceurs, tout en préservant une voie d'accès à des technologies avancées ; ensuite, l'exploitation d'Ariane V bénéficiera d'un lanceur complémentaire, capable d'offrir à faible coût une solution de remplacement en cas d'impossibilité d'effectuer certains tirs doubles.
Néanmoins, compte tenu de la crise durable qui affecte le marché des lancements commerciaux, il y a lieu de croire que cet effort, si nécessaire et utile soit-il, devra être complété. En fait, il est indispensable que les Etats membres de l'ESA privilégient à l'avenir le recours à Arianespace pour les lancements dits institutionnels, afin de lisser les perspectives d'activité et de revenus de la filière spatiale européenne. Il y va de l'indépendance européenne pour l'accès à l'espace.
L'enveloppe affectée par la conférence d'Edimbourg à l'observation de la terre comprend un volet scientifique et des aspects commerciaux. Cependant, dans ce domaine, les applications sont le plus souvent duales, l'observation météorologique et topographique participant à l'information des forces sur leur environnement.
Enfin, le lancement de la phase de développement (2002-2005) de Galileo constitue une étape importante dans la réalisation du système européen de navigation par satellites. Le 26 mars 2002, les ministres des transports des Quinze ont mis un terme à plusieurs mois d'atermoiements en entérinant définitivement ce projet, dont le coût global est évalué entre 2,47 et 3,75 milliards d'euros, selon que le service comportera des applications duales durcies ou non. Alors que les pays européens définissent le partage des responsabilités de chacun, il apparaît nécessaire, au regard du caractère stratégique de ce programme et de ses implications industrielles, que la France, qui contribuera à hauteur de 25 % du coût du projet, adopte une position de parité avec ses partenaires. A défaut, les compétences reconnues des entreprises implantées sur le territoire national (Alcatel Space, Astrium ou même Thales) pourraient en pâtir d'autant plus sérieusement que le marché commercial des satellites traverse actuellement une crise grave.
Les objectifs affichés aux Conseils européens d'Helsinki, en décembre 1999, et de Nice, en décembre 2000, supposent la mise en _uvre de capacités collectives de commandement, de contrôle, de renseignement et de projection pour 50 000 à 60 000 hommes appuyés par des moyens aériens et navals. Le plan pluriannuel spatial militaire avait, en son temps, évalué les moyens spatiaux nécessaires à ce type de projection de forces, à savoir une composante de deux satellites de télécommunications sécurisée par un élément redondant, une composante d'observation optique et radar et une orientation minimale dans le domaine de l'écoute. Le niveau actualisé des crédits nécessaires était alors compris entre 533,6 et 609,8 millions d'euros chaque année. Certains paramètres ont changé depuis lors : le prix des satellites a été réduit, la technicité des composants s'est accrue et les coopérations industrielles ont connu quelques vicissitudes. Parallèlement, de nouveaux besoins sont apparus dans les domaines de la navigation et du positionnement, de l'alerte avancée ou de la surveillance de l'espace. Désormais, comme le montre le tableau ci-dessous, ce sont donc 730 millions d'euros par an, qui seraient indispensables pour satisfaire aux exigences d'Helsinki.
COÛT D'UNE CAPACITÉ SPATIALE MILITAIRE EUROPÉENNE
Application |
Coût du programme (1) |
Durée de vie |
Coût annuel (1) |
Télécommunications |
3 100 |
15 ans |
207 |
Observation |
2 300 |
10 ans |
230 |
Ecoute |
1 220 |
10 ans |
122 |
Surveillance de l'espace |
760 |
10 ans |
76 |
Alerte |
760 |
10 ans |
76 |
Navigation |
150 |
8 ans |
19 |
TOTAL |
8 290 |
- |
730 |
(1) En millions d'euros. |
Ce poids financier important resterait néanmoins supportable s'il était réparti entre les Etats impliqués dans le processus d'Helsinki. Le barème de répartition des contributions le plus équitable, et peut-être le plus susceptible de faire consensus, est celui qui s'applique au budget de l'ESA. Transposé au financement d'une politique spatiale militaire commune, il se traduirait par des taux de participation de l'ordre de 30 % pour la France, 25 % pour l'Allemagne, 13,7 % pour l'Italie, 8 % pour le Royaume-Uni, 5,3 % pour la Belgique et 4,5 % pour l'Espagne.
CONTRIBUTIONS ANNUELLES (1) DES PRINCIPAUX PAYS EUROPÉENS
À L'ACQUISITION D'UNE CAPACITÉ SPATIALE MILITAIRE COMMUNE,
PAR ANALOGIE AU SYSTÈME DE FINANCEMENT DE L'ESA
France |
Allemagne |
Italie |
Royaume- |
Belgique |
Espagne | |
Télécommunications |
62,1 |
51,75 |
28,0 |
16,2 |
11,0 |
9,0 |
Observation |
69,0 |
57,5 |
31,0 |
18,4 |
12,2 |
10,3 |
Écoute |
5,7 |
4,75 |
2,6 |
1,5 |
1,0 |
0,9 |
Surveillance de l'espace |
36,6 |
30,5 |
16,5 |
9,8 |
6,5 |
5,5 |
Alerte |
22,8 |
19,0 |
10,3 |
6,1 |
4,0 |
3,4 |
Navigation |
22,8 |
19,0 |
10,3 |
6,1 |
4,0 |
3,4 |
TOTAL |
219,0 |
182,5 |
98,7 |
58,1 |
38,7 |
32,5 |
(1) En millions d'euros. |
Les chiffres présentés ci-dessus sont indicatifs, car les taux varient légèrement d'une année à l'autre ; ils donnent néanmoins un ordre de grandeur des contributions financières annuelles qui seraient supportées par chacun. Il apparaît que le montant des différentes contributions n'est pas incompatible avec les efforts financiers actuels de ces pays en faveur de l'espace : à titre d'exemple, la participation de la Belgique représenterait l'équivalent de onze annuités de 2,5 % au programme Hélios II, niveau de contribution défini par l'accord franco-belge du 13 juillet 2001 ; l'investissement du Royaume-Uni serait égal à un peu moins du tiers de son budget spatial militaire ; quant à la participation française, elle correspondrait à un flux annuel moyen très inférieur aux dépenses réalisées au cours de la loi de programmation militaire 1997-2002, de l'ordre de 350 millions d'euros par an en moyenne.
Un projet spatial militaire européen équivaudrait à 32 % des ressources annuelles de l'ESA (2,3 milliards d'euros). Il est donc financièrement acceptable. Il resterait néanmoins à adapter les institutions européennes pour gérer efficacement la planification et la conduite des programmes : l'état-major de l'Union européenne devrait se voir attribuer des fonctions de définition des systèmes spatiaux ; un organisme intergouvernemental, l'ESA, l'organisme conjoint de coopération en matière d'armement -OCCAR- ou un CNES européen, devrait être en charge de l'expertise technique et de la maîtrise d'ouvrage, conformément à un mandat donné par les Etats membres. Actuellement, les instances européennes manquent de vision stratégique sur leurs objectifs en matière de défense, ainsi que sur les partenariats qui pourraient en découler. Alors qu'un livre vert sur la politique spatiale civile est en cours de rédaction aux niveaux de l'ESA et de l'Union, aucune réflexion parallèle n'est menée au sujet de l'espace militaire et du développement de l'industrie spatiale en Europe, ce qui est fort regrettable et appelle des initiatives politiques.
L'espace civil et militaire est au rang des priorités américaines. Tant le projet de station spatiale internationale que celui d'une défense antimissiles du territoire illustrent une volonté de consolidation de la prééminence spatiale américaine dans le monde. Il est vrai que les investissements américains dans le secteur ne souffrent pas la comparaison puisque, selon une étude d'Euroconsult en 2002, le budget spatial civil américain est trois fois plus important que celui de l'ensemble des pays européens, budget de l'ESA inclus, et six fois supérieur à celui des agences japonaises. Pour les budgets militaires, l'écart est encore plus grand, de l'ordre de vingt fois plus important que l'ensemble des budgets des Etats européens ou cent soixante quinze fois celui de la Russie.
La politique spatiale américaine répond à deux préoccupations de sécurité : assurer une veille permanente et globale permettant de détecter les menaces qui pèsent sur les intérêts américains ; sanctuariser le territoire national contre toute attaque balistique d'un « Etat voyou » susceptible de posséder des armes bactériologiques, chimiques ou même nucléaires, de longue portée. Cependant, les Etats-Unis sont également conscients de l'intérêt économique et technologique du secteur spatial et c'est la raison pour laquelle ils cherchent, depuis le milieu des années 1990, à conforter leur suprématie technique et à affirmer leur présence dans toutes les applications liées à l'espace.
Signe révélateur de l'attention portée par les pouvoirs publics américains à l'espace, une commission parlementaire présidée par M. Donald Rumsfeld, avant qu'il devienne secrétaire à la défense de l'administration Bush, a été créée par le Congrès américain, afin de redéfinir les contours de la politique spatiale du pays à des fins de sécurité nationale. Le 11 janvier 2001, cette commission a rendu publiques ses conclusions, qui insistent plus particulièrement sur le fait que l'espace militaire doit être élevé au rang de priorité nationale. Comme la dépendance croissante à l'égard de capacités spatiales vulnérables fait partie des enjeux du XXIème siècle, une coordination des principaux acteurs de l'espace militaire est nécessaire. En outre, étant donné que l'espace deviendra tôt ou tard le théâtre d'affrontements (à cet égard le rapport de la commission évoque le risque d'un « Pearl Harbor spatial »), il est suggéré au gouvernement américain d'encourager le développement de technologies particulièrement innovantes, indispensables au maintien de la prééminence des Etats-Unis dans l'espace.
Ainsi, la réflexion stratégique outre Atlantique place l'espace parmi les secteurs clés de la sécurité des nations occidentales au XXIème siècle. Dans de telles conditions, et compte tenu du traumatisme national causé par les attentats du 11 septembre 2001, il n'est pas étonnant que le choix politique d'un effort financier soutenu en faveur de l'espace et de ses applications militaires fasse l'objet d'un certain consensus aux Etats-Unis.
_ Les fonds accordés par les Etats-Unis aux activités spatiales, au développement et à l'exploitation des systèmes en orbite, toutes institutions confondues, s'élèvent à environ 45 milliards de dollars au titre de l'année fiscale 2002. Deux tiers de cette somme sont consacrés aux activités militaires classifiées (les « black programs ») et non classifiées.
Le budget spatial civil américain se situe aux alentours de 16 milliards de dollars, en progression de 2 % par rapport à 2001. Les crédits de la national aeronautics and space administration (NASA) s'élèvent à 14,5 milliards de dollars et devraient avoisiner les 15 milliards en 2003 ; ceux de la national oceanographic and atmospheric administration (NOAA) représentent environ 700 millions de dollars. En ce qui concerne le budget des programmes spatiaux militaires, les chiffres officiels (environ 14 milliards de dollars) ne reflètent pas la réalité de l'effort spatial américain puisque, en incluant l'ensemble des lignes budgétaires qui concernent l'espace, les évaluations se rapprochent du chiffre de 30 milliards de dollars. Ainsi, les Etats-Unis consacrent 8 à 9 % de leur budget de défense à l'espace. Le tableau ci-après fournit le détail des principaux financements votés ou prévus entre les années fiscales 2001 et 2003.
LES PRIORITÉS BUDGÉTAIRES DES ETATSUNIS
DANS LE DOMAINE SPATIAL
(en millions de dollars courants) | |||
Années Fiscales (1) |
2001 |
2002 |
2003 |
Renseignement |
7 163,2 |
7 618,8 |
9 360,0 |
Communications |
1 289,7 |
2 028,9 |
2 862,4 |
Alerte avancée et |
1 164,4 |
1 038,5 |
1 386,9 |
Lanceurs et services de lancement |
1 765,2 |
1 642,5 |
1 307,7 |
Navigation |
506,9 |
518,0 |
772,6 |
Météorologie |
187,8 |
237,6 |
324,3 |
Suivi et contrôle des satellites |
89,5 |
175,4 |
156,5 |
Recherche générique |
85,3 |
92,0 |
96,6 |
TOTAL |
12 252,0 |
13 351,7 |
16 267,0 |
Variations |
- |
+ 9,0 % |
+ 21,8 % |
(1) Douze mois commençant le premier octobre de l'année calendaire précédente. |
_ Une analyse sectorielle des crédits américains en faveur de l'espace appelle les précisions suivantes :
- la politique américaine en matière de lanceurs vise à combler le retard vis-à-vis de la filière européenne Ariane. Si le département de la défense reste chargé de l'amélioration des lanceurs lourds ou semi-lourds existants (Delta-IV de Boeing, Atlas II-A et Titan de Lockheed Martin), c'est la NASA qui est responsable de la recherche et de la préparation de lanceurs futurs, dans le cadre de la space launch initiative, qui ambitionne de remplacer d'ici 2012 les navettes en service depuis 1981 par de nouveaux lanceurs réutilisables. Malgré quelques difficultés techniques ces dernières années, les États-Unis disposent désormais d'une flotte de lanceurs modernisée et concurrentielle par rapport à Ariane V, puisque l'Atlas V est opérationnel depuis le 21 août 2002 ; le Delta IV, quant à lui, procèdera à son vol inaugural fin 2002 ;
- le programme de communication Milstar est poursuivi, même si le bien-fondé de ses orientations technologiques est sujet à caution, compte tenu du montant des budgets en cause (22 milliards de dollars au total depuis 1981) ;
- les programmes de renseignement et d'observation du futur (futur imagery architecture -FIA- et space-based radar) sont désormais lancés : plus de 4 milliards de dollars ont été dégagés pour les premiers développements du FIA depuis 1999, alors que 72 millions de dollars ont été votés en 2002 pour les études portant sur une constellation de satellites radar capables de suivre des cibles mobiles ;
- dans le domaine de la navigation par satellites, la dernière génération GPS Block 2 devrait reposer sur 33 plates-formes en cours de développement, dont le lancement est prévu entre 2003 et 2010 ;
- les moyens consacrés à la défense antimissiles sont considérables, la nouvelle administration américaine ayant fait de ce programme l'une de ses priorités en matière de défense : pour la seule année 2002, 6,8 milliards de dollars y sont consacrés. La phase de tests, inaugurée avec succès le 3 octobre 1999, a connu quelques vicissitudes, mais elle se poursuit. A cet effet, les Etats-Unis ont unilatéralement dénoncé le traité ABM de 1972, qui en aurait entravé le cours ; ce retrait, annoncé le 13 décembre 2001, est devenu effectif six mois plus tard, le 13 juin 2002. Des travaux d'aménagement de sites d'installation des batteries de missiles de défense ont commencé en Alaska ;
- en ce qui concerne la défense anti-satellites, des essais de neutralisation de mini-satellites au laser (MIRACL) ont été réalisés avec succès fin 1997.
Indéniablement, cette politique qui reste volontariste quant aux moyens budgétaires devrait creuser l'écart technologique entre les Etats-Unis et leurs alliés, si ceux-ci ne consentent pas les investissements nécessaires dans le domaine d'avenir que constitue l'espace.
Le secteur spatial russe étant exclusivement financé par l'Etat jusqu'au début des années 1990, il a durement souffert de la transformation économique et financière de la Russie. Actuellement, les crédits alloués à Rosaviacosmos demeurent largement en-deçà du niveau qu'exigerait le déroulement du programme spatial national. En 2002, le montant des crédits consacrés à l'espace devait s'élever à environ 200 millions d'euros ; dans les faits, le montant réel des moyens budgétaires a été inférieur. L'interprétation de ce budget doit néanmoins tenir compte des spécificités du taux de change dollar-rouble, ainsi que du faible niveau des coûts de production en Russie. Le budget spatial militaire avoisine 100 millions d'euros. De fait, la Russie dispose de satellites de reconnaissance optique (HIRES), d'écoute électronique, d'alerte en orbite et de surveillance des océans. Néanmoins, faute de crédits suffisants, elle n'est pas en mesure d'aligner le nombre de plates-formes indispensable au bon fonctionnement de ses constellations.
Les capacités de défense antimissiles sont certes plus étoffées : la gamme des moyens russes traite une partie importante du spectre de la menace, qu'elle soit aérobie (avions ou missiles de croisière) ou balistique. Trois systèmes de défense antimissiles de théâtre ont ainsi été développés : le S-300 PMU (SA 10 C) contre les missiles de portée de moins de 600 kilomètres ; le S-300 V (SA 12 B) contre les missiles d'une portée inférieure à 1 000 kilomètres ; le S-400 Triomf, dont la capacité d'interception concerne les missiles balistiques de moins de 3 500 kilomètres de portée. Il semble tout de même difficile de porter une appréciation objective sur l'efficacité réelle de ces systèmes, les difficultés budgétaires du pays devant probablement, là aussi, avoir des incidences.
De fait, la commercialisation des savoir-faire et des lancements de fusées russes constitue un appoint non négligeable au budget spatial de la Russie pour les entreprises du secteur. Son produit est passé de l'équivalent de 46,8 millions d'euros en 1993 à 842,4 millions d'euros au cours de l'année 2000. De nombreux partenariats ont été noués avec des industriels ou opérateurs étrangers depuis le début des années 1990. Parmi l'éventail des activités spatiales russes, certains domaines se sont moins bien prêtés que d'autres à des coopérations commerciales.
C'est surtout dans le domaine de la propulsion et des lanceurs, plus directement concerné par des retombées commerciales, que les partenariats se sont le plus développés. Les Américains ont saisi de nombreuses opportunités, comme en attestent l'association entre le motoriste américain Pratt & Whitney et la société russe Ergonomast pour le moteur destiné à équiper le lanceur américain Atlas III, la création de la société International Launch Service, qui regroupe des actifs du centre Khrounitchev, d'Energuia International et de Lockheed Martin, afin de commercialiser le lanceur Proton-K, ou encore la mise en place du projet Sea Launch, commun à Boeing et différents actionnaires russes, afin de réaliser des lancements à partir d'une plate-forme maritime Cependant, les Européens n'ont pas été inactifs, grâce à la mise sur pied de la société franco-russe Starsem pour commercialiser et exploiter les lanceurs de la famille Soyouz sur le marché international, ou celle de la société germano-russe Eurockot, constituée afin d'exploiter le missile balistique SS-19 reconverti en petit lanceur Rockot.
Plusieurs pays d'Asie affichent depuis une dizaine d'années de sérieuses ambitions dans le domaine de l'espace. Longtemps relégués à un rang secondaire, ils ont démontré par de réels succès techniques que des investissements soutenus peuvent rapidement déboucher sur une compétence en matière spatiale. Néanmoins, le niveau de leurs équipements est en-deçà de celui des puissances spatiales occidentales et russe.
L'augmentation régulière du budget spatial japonais correspond au souhait de développer une base industrielle et technologique avancée, grâce à un programme complet d'applications spatiales. S'élevant à un peu plus de 2,9 milliards d'euros pour l'année fiscale 2002, le budget spatial japonais sera en augmentation de 10,3 % en 2003, puisque son enveloppe avoisinera 3,2 milliards d'euros. Le développement des lanceurs mobilise l'essentiel de ces financements. Deux programmes sont conduits sous l'autorité de la national space development agency (NASDA) et de l'institute of space and astronautical sciences (ISAS) :
- le lanceur lourd H II-A, d'une capacité d'emport de 4 à 5 tonnes, qui a effectué avec succès son vol inaugural le 29 août 2001 et a procédé à son premier vol commercial réussi le 10 septembre dernier ;
- le petit lanceur J I, capable de placer des satellites de taille moyenne (environ 1 tonne) sur orbite basse et dont une version améliorée (J I-U) est en cours de développement.
Le programme de fusée à trois étages à poudre M V, dont le vol inaugural a eu lieu en février 1997 et qui pouvait lancer en orbite basse une charge utile de 2 tonnes ou envoyer 400 kg dans l'espace plus éloigné, a été abandonné en raison de difficultés techniques et d'un coût de production trop élevé.
Le national aerospace laboratory (NAL), agence se consacrant à la recherche, développe également un programme de lanceur réutilisable, depuis 1994. Les travaux préparatoires portant sur un démonstrateur d'avion spatial automatique HOPE-X ont été engagés afin d'aboutir, d'ici 2008-2010, à la construction d'une navette habitée, HOPE.
La NASDA participe également à la conception de satellites scientifiques ou d'application dans les domaines des télécommunications (satellites relais de données pour 2004), de la météorologie (MOS, GMS) ou de la télédétection (JERS I et ALOS en 2005). Une constellation régionale de navigation par satellites pourrait entrer en service à l'horizon de 2008. La NASDA est aussi présente dans la conduite des programmes liés aux vols habités, qui portent notamment sur un module expérimental de la station orbitale internationale (le japanese experimental module-JEM).
Traditionnellement, le programme spatial japonais ne pouvait traiter de questions de sécurité nationale. A la suite du lancement, en 1998, par la Corée du Nord d'un missile Taepo-Dong, qui a échappé aux moyens de détection classiques, le gouvernement japonais a décidé d'envisager une utilisation des applications spatiales à des fins militaires. Jusqu'à présent, la japan defense agency (JPA) utilisait l'imagerie satellitaire commercialement accessible ; à partir de cette année, le Japon sera doté de six satellites d'observation de résolution métrique (quatre satellites optiques et deux radars). Le coût de ce système baptisé information gathering satellites (IGS) est estimé à 2,3 milliards d'euros.
L'Inde cherche à démontrer son appartenance aux pays capables de maîtriser les technologies les plus complexes, au premier rang desquelles figurent le nucléaire, mais aussi l'espace. Ainsi, le budget spatial du pays a presque doublé au cours des quatre années passées ; les dotations de l'indian space research organisation (ISRO) s'élèveront à 600 millions d'euros pour l'année fiscale 2002-2003, soit une augmentation de 20,2 % par rapport à l'exercice antérieur.
Sur ces financements, 265 millions d'euros (44,17 % exactement) étaient destinés à renforcer l'indépendance du pays en matière de lanceurs. Les générations actuellement en service (ASLV, PSLV, et GSLV-MkI) ou en développement (GSLV versions Mk2 et III) s'appuient sur des coopérations avec la France ou la Russie. Les progrès opérés laissent à penser que l'Inde sera capable d'offrir des services commerciaux de lanceurs, même si cet objectif n'est pas affiché. D'ailleurs, un accord entre l'agence indienne ISRO et Arianespace a été conclu pour le lancement réciproque de petits satellites. L'Inde affecte la majorité de son budget spatial (295 millions d'euros, soit 49,16 % du total) au développement de satellites. Quatre familles de satellites (filières SROSS, GRAMSAT, INSAT et IRS) ont été développées depuis vingt ans dans les domaines de la science, des télécommunications et de l'observation optique.
En définitive, l'Inde maîtrise sans conteste de nombreuses technologies de manière autonome. Si son programme spatial est principalement orienté vers les applications civiles, il n'y a pas de doute que les connexions avec les applications militaires sont nombreuses, notamment en ce qui concerne les missiles balistiques (l'Agni emprunte de nombreuses technologies au programme spatial de l'ISRO) et les satellites d'observation (les autorités militaires ne cachent pas l'utilisation à des fins militaires, des satellites civils d'imagerie IRS I-B, IRS I-C, IRS I-D et IRS-P III). L'engagement du développement de la filière haute résolution CARTOSAT, dont le premier exemplaire a été lancé en 2002, répond très probablement, lui aussi, à des besoins militaires.
La politique spatiale de la Chine répond à trois objectifs : le renforcement de l'indépendance nationale du pays, l'affirmation de son rôle régional et l'intégration des technologies spatiales dans son développement économique. Il est difficile d'en chiffrer le budget. Les faits montrent néanmoins que l'espace constitue un secteur d'activité de très haute importance pour la République populaire de Chine. En témoignent les efforts chinois en faveur d'un programme de vols habités : le succès du démonstrateur de rentrée Shenzhou-I en novembre 2000 a mis en exergue l'état d'avancement du programme, qui devrait connaître son aboutissement en 2003.
La fiabilité des lanceurs a été améliorée de façon significative. Ainsi, les fusées Longue Marche LM III-B ont placé sur orbite plusieurs satellites, dont certains de la constellation Iridium, ce qui a accru la crédibilité du programme spatial chinois tout en relançant la crainte d'une offre à des prix de dumping, même si la République populaire de Chine ne développe pas de lanceur similaire à Ariane V.
Pour résoudre les difficultés techniques rencontrées, par exemple dans le développement d'un réseau propre de satellites de météorologie, ou pour satisfaire des besoins spécifiques, notamment en télécommunications, la Chine est décidée à poursuivre un effort d'envergure et à recourir plus largement à la coopération internationale. Toutefois, dans l'attente d'une autonomie technique complète qui n'est pas acquise à l'heure actuelle, la République populaire doit acheter plusieurs satellites sur étagère aux Européens (Sinosat) et aux Américains (Chinasat VII, Chinastar), même si les règles d'exportation de composants incorporant des technologies sensibles ont été considérablement durcies ces dernières années outre-Atlantique. L'Allemagne, le Brésil, avec lequel la Chine a signé un programme de quatre satellites d'observation de la terre CBERS, et la Russie sont des partenaires privilégiés.
La politique spatiale chinoise devrait être marquée dans les années qui viennent par la poursuite d'investissements importants et un recours toujours significatif à la coopération internationale.
II. - LES ORIENTATIONS JUSTIFIÉES DE LA FRANCE EN MATIÈRE DE COMMUNICATIONS, DE CONDUITE DES OPÉRATIONS ET DE RENSEIGNEMENT
L'efficacité opérationnelle des armées repose sur l'articulation de leurs capacités respectives et sur la maîtrise de l'information ; d'où l'importance du concept de « cohérence interarmées », de plus en plus déterminant pour permettre aux forces françaises de participer à des opérations en coalition internationale et d'assurer une défense efficace du territoire. Par conséquent, une attention croissante doit être portée aux moyens non spatiaux, qui remplissent les fonctions de commandement, de communications, de conduite des opérations et de renseignement.
La fin de la guerre froide a conduit à une redéfinition des systèmes de communication de la défense, afin d'intégrer les contraintes liées aux nouvelles menaces, à la projection des forces et au caractère interarmées des opérations. La refonte des systèmes fait appel à la complémentarité des moyens civils et militaires, même si elle préserve toujours un noyau militaire. Privilégiant les réseaux et les services interarmées, les nouveaux systèmes de transmission, de liaison et de commandement reposent sur une confidentialité, une sécurité et une fiabilité plus grandes, tant au sein des forces qu'entre celles-ci et les différents échelons de commandement. Cependant, en ce domaine comme dans de nombreux autres, l'avance américaine est considérable, ce qui suppose à l'avenir que des coopérations au moins ponctuelles puissent voir le jour au niveau européen.
Hormis le système de radiocommunications par satellites Syracuse, les moyens de communication de niveau interarmées et du haut commandement incluent trois systèmes :
- le réseau interministériel de base uniformément durci (RIMBAUD), qui est un système interministériel au service des plus hautes autorités civiles et militaires impliquées dans la défense nationale. Les matériels utilisés s'appuient sur des concessions civiles de France Télécom, mais sont durcis aux impulsions électromagnétiques. Le secrétariat général pour la défense nationale (SGDN), qui gère le système, a lancé un programme de valorisation, portant notamment sur l'amélioration des serveurs du centre de sécurité (2000-2002) et la remise à niveau des terminaux (2002-2003) ;
- le réseau interarmées d'infrastructure (RETIAIRE), qui est principalement orienté vers les unités nucléaires spécialisées. Il supporte aussi certaines applications de l'état-major des armées. Comme le réseau RIMBAUD, il est durci à l'impulsion électromagnétique et assure un niveau de confidentialité secret-défense, mais ses fonctions seront progressivement transférées au système SOCRATE au fur et à mesure de la montée en puissance de celui-ci ;
- le réseau SOCRATE, qui, compte tenu de l'obsolescence ou de l'insuffisance des réseaux de transit propres à chaque armée, essentiellement RITTER pour l'armée de terre, RA 70 pour l'armée de l'air et réseaux en concessions pour la marine, devrait remplacer les services existants par un seul système interarmées. Le nouveau réseau fournira des services modernes de téléphonie, de télégraphie et de transmission de données. Le déploiement complet du système sur le territoire métropolitain, avec ses jonctions transfrontalières, s'achèvera fin 2002. Le coût total de ce programme est estimé à 1 041 millions d'euros. Le projet de loi de finances initiale prévoit un financement s'élevant à 49,5 millions d'euros en autorisations de programme et 37,7 millions d'euros en crédits de paiement.
Il convient d'ajouter qu'un réseau national permet des échanges essentiellement télégraphiques et téléphoniques entre la métropole, les départements et territoires d'outre mer (DOM-TOM) et les points d'appui de la France en Afrique (Djibouti, Dakar, Libreville et Abidjan). Ce réseau (OMIT) est d'autant plus important qu'il pallie parfois l'absence de couverture satellitaire et reste, en ce cas, le seul moyen militaire national de communication. Actuellement vieillissant, il fait l'objet d'une rénovation par l'intermédiaire du programme de modernisation et d'amélioration des télécommunications interarmées de longue distance (Mathilde), dont le déploiement doit se dérouler de 2002 jusqu'à 2005.
Les moyens de commandement, de contrôle de l'information et de gestion des données bénéficient d'un traitement budgétaire plutôt favorable. Pour ce qui concerne la connexion des armées en réseaux informatiques, le système informatique de commandement des armées (SICA) doit doter les forces d'un outil moderne de commandement et de gestion des situations, avec des paramètres de sécurité renforcés. Le projet de loi de finances pour 2003 y affectera 27,6 millions d'euros en autorisations de programme et 21,9 millions d'euros en crédits de paiement. Il comprendra des systèmes modulaires et interopérables.
Le SCCOA est destiné au recueil, à la gestion, au traitement et à la diffusion de l'information pour l'ensemble des missions conventionnelles de l'armée de l'air. Il regroupe des capteurs (radars principalement), des centres d'opérations associés aux différents échelons de commandement et des moyens de transmission. Le financement de certains capteurs devrait être assuré par l'OTAN dans le cadre de son programme inter-opérable air control and command system (ACCS), dont le SCCOA est la partie française.
Le programme a été scindé en trois étapes, dont la première a été lancée en février 1993 et est opérationnelle depuis 2001. Le coût total du système est aujourd'hui estimé à environ 2 330 millions d'euros, dont 794 millions d'euros pour l'étape n°1, 337 millions d'euros pour l'étape n°2 et 1 199 millions d'euros pour l'étape n°3. A ce jour, 755 des 884 millions d'euros inscrits dans la loi de programmation militaire 1997-2002 ont été consommés au titre de la réalisation de cet équipement. Le projet de loi de finances pour l'année 2003 prévoit 214,68 millions d'euros en autorisations de programme et 135,34 millions d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation par rapport à l'exercice en cours, qui marque une accélération du déroulement du programme.
Le SICF a pour objectifs de fédérer les moyens d'information et de commandement des postes de commandement (PC) des divisions et de fournir tous les éléments de stockage et de traitement des informations. Ce programme est destiné à améliorer la cohérence et le rendement de la chaîne de commandement par automatisation des manipulations, des transferts et des traitements, qui sont réalisés avec les autres systèmes d'information de l'armée de terre, des autres armées et des alliés de la France.
La première version du SICF, qui équipe déjà deux brigades depuis octobre 2000 et mars 2001, comprend deux PC de niveau brigade, deux plates-formes d'entraînement et une plate-forme de référence : son coût total de réalisation s'élève à 64,6 millions d'euros. La seconde version, dont la mise en service est prévue pour décembre 2003, doit équiper 11 PC de différents niveaux : son coût total est estimé à 78,9 millions d'euros. Les autorisations de programme du projet de loi de finances pour 2003, qui concernent ce programme, s'élèvent à 14 millions d'euros ; les crédits de paiement atteignent 17,31 millions d'euros. Au 31 décembre 2002, 40 modules opérationnels auront été commandés et 29 livrés.
Pour assurer le commandement des régiments et des unités élémentaires lors de leur engagement, des systèmes modulaires d'information sur véhicules (programme SIR) ont été commandés. Leur livraison est intervenue, elle aussi, à partir de l'année 2000. Une cible de 441 véhicules de série a été retenue pour un coût de 141,4 millions d'euros en ce qui concerne le développement et un coût de 219,2 millions d'euros en faveur de la production. Le projet de loi de finances pour l'année 2003 prévoit 96 millions d'euros en autorisations de programme et 36,1 millions d'euros en crédits de paiement pour mener à bien le SIR.
Désormais, les interventions des forces armées s'inscrivent le plus souvent dans un contexte de coalition. Etre nation-cadre dans le domaine du C3R suppose de disposer d'outils de télécommunication et de renseignement très performants. Les nouveaux concepts d'opérations font de plus en plus appel aux nouvelles technologies de l'information et des communications, lesquelles permettent de raccourcir considérablement les délais de circulation des renseignements et des ordres de commandement.
Les ambitions de la France sont légitimes, car elle dispose de réels atouts en la matière. Le projet de loi de programmation militaire 2003-2008 prévoit la poursuite de programmes structurants et importants d'un point de vue technologique. Les industriels français possèdent un savoir faire réel, comme le montre la réussite du programme SICF, par exemple. Cependant, le fossé technologique qui sépare les Etats-Unis de l'ensemble de leurs alliés conduit à penser que, dans le domaine des technologies de l'information et des communications aussi, l'avenir ne peut être qu'européen. A titre d'illustration de cette avance américaine, on mentionnera que lors de l'intervention des forces spéciales en Afghanistan, il ne fallait pas plus de 20 minutes au centre de commandement de Tampa, en Floride, pour diffuser ses instructions au niveau du commandement : les ordres étaient transmis en temps quasi réel, grâce à des moyens sans équivalent en Europe. Pour mémoire, au cours du conflit du Kosovo trois ans auparavant, la chaîne de décision nécessitait un délai de réaction de 48 heures.
L'écart entre les deux rives de l'Atlantique est d'ailleurs appelé à s'accentuer puisque les Etats-Unis ont réorienté leurs priorités en privilégiant :
- l'exploitation des informations, grâce au développement de technologies de text minding, c'est-à-dire de sélection des renseignements ;
- la guerre centrée sur les réseaux (concept de « network centric warfare »), à travers la mise en _uvre du programme war information network-tactical (WIN-T) ;
- le développement d'une radio logiciel tactique (le joint tactical radio system ou JTRS), qui a vocation à devenir le nouveau standard de radio pour les forces armées en assurant une diffusion de l'information au plus bas de l'échelon opérationnel, afin de favoriser une réactivité immédiate et une mobilité accrue.
Devant les investissements à consentir pour ne pas se voir imposer des technologies sur étagère, la solution pour les Etats européens passe nécessairement par une coopération, portant dans un premier temps sur la recherche-amont. La réalisation de démonstrateurs de systèmes de communication portatifs, intégrant différents modes de diffusion et de gestion de l'information, constitue une étape indispensable pour conserver un minimum d'interopérabilité entre les armées européennes et les troupes américaines dans les années à venir.
Le renseignement stratégique assiste les autorités politiques dans leur prise de décision. En revanche, les moyens de renseignement tactique apportent un soutien aux unités engagées sur le terrain ; mis à contribution lors des opérations extérieures, menées notamment en Afghanistan et dans les Balkans, ils ont donné pleinement satisfaction aux forces qui les ont employés.
Les moyens d'écoute stratégiques peuvent être mis en _uvre par les forces elles-mêmes, grâce à certains équipements très spécifiques.
La composante aéroportée est constituée principalement du système Sarigue, qui a pour mission essentielle de recueillir des informations électromagnétiques à vocation opérationnelle. Ce système, de nouvelle génération, a été mis en service cette année, à la suite de difficultés liées à la définition du porteur DC 8-72 remotorisé. Le coût total de réalisation du programme est estimé à 232,3 millions d'euros. Des économies de 1,07 million d'euros au niveau des capteurs et de 10,67 millions d'euros grâce aux évolutions techniques ont été dégagées par rapport au devis initial. La somme des crédits déjà consommés s'élève à plus de 200 millions d'euros.
D'autres moyens aéroportés contribuent aussi au renseignement stratégique : il convient de citer à cet égard les Mirage IV-P à long rayon d'action et équipés de dispositifs de prises de vues très performants.
La composante navale du renseignement stratégique repose essentiellement sur les moyens interarmées de renseignements électromagnétiques (programme MINREM), qui sont un ensemble d'équipements d'écoute pour l'interception et la goniométrie de signaux électromagnétiques. La loi de programmation militaire 1997-2002 a inscrit en faveur de ce programme l'équivalent de 51 millions d'euros afin de moderniser la charge utile existante, transférée en 2001 sur le Bougainville, et d'assurer la continuité du service jusqu'à la livraison du nouveau système, qui devrait intervenir fin 2005. A cette date, les équipements seront embarqués sur un bâtiment de 3 200 tonnes environ, baptisé Dupuy de Lôme, qui assurera la présence de longue durée à la mer : l'objectif de disponibilité qui a été défini par la DGA est très ambitieux, puisqu'il avoisine 350 jours par an.
Le coût de réalisation et de maintien en condition opérationnelle du programme, qui a été notifié à Thales naval France le 14 janvier 2002, est de 122,3 millions d'euros. Le projet de loi de finances pour 2003 prévoit 9,6 millions d'euros en autorisations de programme et 22,6 millions d'euros de crédits de paiement pour la réalisation de cet équipement.
Le conflit du Kosovo et l'intervention alliée en Afghanistan ont illustré l'importance des moyens de renseignement tactique pour la gestion de l'emploi des forces et de leurs équipements. Le recours aux hélicoptères Horizon, aux avions de reconnaissance Hawkeye ainsi que l'utilisation de drones ont été l'occasion de démontrer l'efficacité et la pertinence du dispositif français. Etant donné que les évolutions technologiques sont rapides dans ce domaine, un effort budgétaire minimal doit être consenti.
Les avions de patrouille maritime Atlantique 2, qui ont remplacé les Atlantic 1, ont deux missions prioritaires : la sûreté des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE) pour la mise en _uvre de la force océanique stratégique (FOST) et le soutien des forces, notamment dans la lutte anti-sous-marine. Pour ce faire, ils disposent d'un radar panoramique de plus de 200 kilomètres de portée, d'un capteur infrarouge Flir, de moyens d'écoute électronique (Elint), d'un détecteur d'anomalies magnétiques (MAD) et de moyens de prises de vue photographiques puissants. Ils sont également armés de torpilles MK-46 et de missiles AM-39 Exocet.
La cible du programme a été réduite par la loi de programmation militaire 1995-2000 de 42 à 28 appareils. Les trois derniers exemplaires ont été livrés en 1998. Il a été prévu d'en maintenir six « sous cocon », afin de réduire les besoins d'entretien programmé. Les Atlantique 2 ont vocation a rester en service jusqu'en 2027 ; or, aucun budget n'est prévu pour moderniser cette flotte et la mettre aux standards alliés, en matière de radars et de télécommunications notamment, d'ici 2007, opération chiffrée par le commandement organique de l'aéronavale à 52,5 millions d'euros environ.
L'avion de reconnaissance Hawkeye, embarqué sur le porte-avions, assure la sécurité de la force navale en détectant et en identifiant tout aéronef ou bâtiment de surface à une distance suffisante pour favoriser leur neutralisation éventuelle. Il contrôle aussi les avions d'interception. Il permet enfin, grâce à ses moyens de détection lointaine, de guider les aéronefs au cours de leurs missions d'assaut et de les informer des menaces aériennes. Deux appareils ont été livrés à la France à ce jour. Le système est devenu opérationnel en mai 1999 et il a été engagé lors de l'opération Héraclès, de décembre 2001 à juillet 2002. A cette occasion, les appareils français ont été les seules unités de la coalition internationale en mesure de prendre le relais des moyens américains (AWACS ou Hawkeye) et ils ont rempli leurs missions à la grande satisfaction du commandement allié.
La commande du troisième appareil, qui équipera l'aéronavale, a été passée en 2001 ; sa livraison interviendra en 2003. Le projet de loi de finances pour 2003 prévoit à cet effet un montant de crédits de paiement s'élevant à 100 millions d'euros. Le coût total des trois avions de guet du groupe aéronaval est estimé à 958,4 millions d'euros.
Le programme héliporté Horizon, destiné à la surveillance du champ de bataille, est adapté aux besoins interarmées dans les domaines du recueil et de la circulation du renseignement tactique. Chaque système comprend deux hélicoptères Cougar Mk-1 équipés de radar Doppler, d'une portée de 150 kilomètres, et une station au sol. Les deux systèmes prévus ont été livrés, l'un en décembre 1996, l'autre en mars 1998 ; l'escadrille d'hélicoptères d'observation radar (EHOR), créée en 1999, a été déclarée opérationnelle à l'automne de l'année 2000.
Malgré une qualification opérationnelle effectuée en conditions réelles lors du conflit du Kosovo, le système de surveillance de théâtre Horizon présente encore quelques carences : retards d'informations en matière de guerre électronique ; manques en moyens de soutien électroniques capables de détecter, classifier et enregistrer les signaux rencontrés ; absence de liaison 16.
Concourt également à l'acquisition du renseignement sur le champ de bataille, le radar de contre batterie COBRA. Installé sur un véhicule de dix tonnes, il permet de localiser les moyens de tir adverses avec une grande précision. La France prévoit d'acquérir 10 systèmes pour un montant total de 394 millions d'euros. Développé depuis 1988, avec pour échéance butoir l'année 2005, ce programme est entré en phase de production. Les premières livraisons, d'abord escomptées en 2001, puis 2002, sont désormais repoussées à 2003 au mieux, en raison de problèmes de mise au point. Le projet de loi de finances pour 2003 prévoit à cet effet 27,5 millions d'euros d'autorisations de programme et 26,78 millions d'euros de crédits de paiement.
S'ajouteront à ces moyens, aux termes de la période couverte par le nouveau projet de loi de programmation militaire, 23 nacelles de reconnaissance aéroportées de nouvelle génération, 15 d'entre elles étant dévolues à l'armée de l'air et le reste à la marine. Ces équipements permettront de mener à bien des missions de reconnaissance d'objectifs militaires, en transmettant des informations en temps quasi réel et en cours de vol. Grâce à la maniabilité et à la vitesse de déplacement des avions de combat qui emporteront ces nacelles, le commandement disposera d'une capacité d'information très réactive et performante, dont les crises récentes ont montré la nécessité.
Les drones sont des systèmes réutilisables par principe, télépilotés ou programmés à partir du sol, d'une plate-forme aérienne ou navale. Ils regroupent des composants articulés (un vecteur, une charge utile, un système de liaison des données, un segment-sol d'exploitation et de conduite, un ou plusieurs opérateurs), qui peuvent voler, pour des missions d'ordre stratégique, à haute altitude avec une longue endurance (HALE) et à moyenne altitude avec une longue endurance (MALE) ou, à des fins purement tactiques, à basse altitude.
Le ministère français de la défense ainsi que les industriels nationaux, tel Sagem, se sont intéressés de longue date à ce type d'équipements. Certains programmes ont ainsi été conçus et développés en France, que ce soit dans un cadre strictement national, comme le Crécerelle (Sagem), ou en coopération, à l'image du CL 289 (EADS avec Canadair et Dornier). La compétence française est reconnue au niveau européen, et ce n'est sans doute pas un hasard si le groupe chargé de réfléchir sur les besoins des Etats membres de l'Union européenne en matière de drones, dans le cadre du plan d'action européen sur les capacités (ECAP), est animé par la France.
Les intérêts des drones sont nombreux : ils offrent une capacité continue d'observation et d'investigation dans la profondeur du dispositif, devenant indispensables à la man_uvre aéroterrestre ; ils présentent une souplesse d'emploi importante (relais de communications, surveillance, cartographie) ; ils permettent la préservation de personnels pour les missions d'évaluation des dommages après destruction d'un objectif ; enfin, par leur mobilité et leur faible coût unitaire, ils constituent un moyen complémentaire du renseignement tactique par voie aérienne ou spatiale. En outre, l'intervention américaine en Afghanistan a conféré une nouvelle vocation aux drones, puisque c'est à cette occasion que le système Predator a été équipé de missiles Hellfire, afin de raccourcir le délai entre la collecte d'informations et la frappe sur une cible d'opportunité.
Initialement fondées sur un concept d'emploi limité au recueil du renseignement, les conditions d'utilisation des drones pourraient s'élargir à des applications militaires bien plus diversifiées. C'est en ce sens que de nombreuses études sont actuellement menées par les industriels pour le compte de la DGA. Cependant, il est vrai qu'il existe certaines réticences à donner une plus large place aux appareils sans pilote dans les opérations.
Plusieurs systèmes de drones sont actuellement en service au sein des armées françaises, notamment au 61ème régiment d'artillerie de l'armée de terre et à l'escadron d'expérimentation des drones 56/330 de l'armée de l'air :
- le CL 289, qui est constitué d'un missile préprogrammé de portée moyenne (150 kilomètres), évoluant à grande vitesse (720 km/h) et à faible altitude (de 125 à 1 000 mètres), ainsi que d'un système de lancement-récupération au sol. L'armée de terre est équipée de 46 systèmes de renseignement dans la profondeur de ce type, qui resteront opérationnels jusqu'en 2008 ;
- le Crécerelle, qui s'apparente à un petit avion téléprogrammable évoluant à faible vitesse (180 km/h) et à moyenne altitude (300 à 3 000 mètres). Les 11 exemplaires opérationnels seront retirés du service en 2003 ;
- le Hunter, qui est un système polyvalent de surveillance et d'action (désignation optique et laser). La France a fait l'acquisition, pour 30,49 millions d'euros, d'une section de quatre unités affectées à l'armée de l'air. Une évaluation opérationnelle a eu lieu sur la base de Mont-de-Marsan entre 1998 et 2000, afin de préciser les spécifications des futurs MALE, car le Hunter vole à plus haute altitude (jusqu'à 6 000 mètres) et dispose d'une endurance plus longue (environ 10 heures), que les autres drones dont disposent les forces actuellement.
Les armées souhaitent remplacer les CL 289 et les Crécerelle par des drones multi-charges multi-missions (MCMM) à l'horizon de la fin de la décennie. Le projet de loi de programmation militaire 2003-2008 envisage à cet effet la commande de 40 drones et de 10 stations, avec une livraison de 10 drones et de 2 stations en 2008.
Cependant, étant donné la fin de service programmée des Crécerelle en 2003, l'armée de terre doit se doter à titre transitoire d'un système de drone lent et tactique intérimaire (SDTI). Le projet de loi de finances pour 2003 prévoit 17 millions d'euros d'autorisations de programme et 8,64 millions d'euros de crédits de paiement pour ce projet. Le drone Sperwer, petit avion lent (165 km/h), mais endurant (5 heures extensibles à 8) et évoluant à moyenne altitude (300 à 5 000 mètres), destiné à l'acquisition de jour comme de nuit des objectifs dans la zone de responsabilité d'une division, semblerait correspondre à ce besoin. Développé par Sagem au profit de l'armée de terre néerlandaise, il a également été acquis par la Suède. En outre, l'armée de l'air va acquérir, d'ici 2003, trois MALE Eagle avec une station sol afin d'en expérimenter les applications. Le contrat a été notifié à EADS en août 2001. Près de 24 millions d'euros de crédits de paiement sont inscrits à cet effet dans le projet de loi de finances pour 2003.
Compte tenu des évolutions des besoins des forces pour la maîtrise de l'information, du combat et du soutien aux opérations, la France s'est lancée dans plusieurs programmes d'études et de développement concernant :
- des drones très courte portée (TCP) Pointer, à voilure fixe ou tournante, en cours d'évaluation tactique par l'armée de terre qui envisage l'acquisition très prochaine de cinq drones et deux stations sol ;
- des mini-drones, d'une portée limitée à 6 000 mètres, dont un premier démonstrateur développé conjointement avec les armées allemandes devrait être disponible en 2003 pour une mise en service opérationnelle en 2005 ;
- des drones marine, à vocation de surveillance, de reconnaissance, de désignation d'objectifs, de brouillage et de connaissance du milieu maritime, en remplacement ou en complément des hélicoptères embarqués, avec l'année 2009 pour échéance opérationnelle.
Il semble regrettable qu'aucune étude concernant le potentiel offensif des MALE Eagle, dont l'armée de l'air sera prochainement dotée, ne soit actuellement prévue. Il est tout aussi dommageable que des financements ne soient pas envisagés pour conforter les recherches de la société Dassault Aviation, partenaire de Sagem depuis peu, sur les drones de combat à travers les concepts Petit Duc, Moyen Duc et Grand Duc. Une telle démarche permettrait pourtant de limiter le risque que les forces américaines ne creusent un trop grand écart technologique en ce domaine, puisque la mise en service des drones MCMM n'interviendra pas avant 2008, alors que le Predator équipé de missiles Hellfire est déjà opérationnel.
Le renseignement d'origine humaine présente un caractère stratégique pour la prévention des risques, l'adaptation de la posture de défense et l'intervention armée dans un contexte de crise. Bien que l'ensemble des structures consacrées au renseignement soit communément appelé « communauté du renseignement », il convient de faire la distinction entre les services, chargés de la collecte et de l'interprétation de renseignements d'intérêt national, et les unités de renseignement dans la profondeur, qui agissent à des fins tactiques sur le champ de bataille.
Les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis ont mis en exergue le rôle d'alerte, mais aussi la difficulté, des missions des services de renseignement. Ceux-ci dépendent, comme beaucoup d'autres composantes de la défense, des moyens financiers qui leur sont consacrés ; le projet de loi de finances pour l'année 2003 prévoit en leur faveur une augmentation des crédits d'équipement et des dotations de fonctionnement, comme l'illustre le tableau suivant. Toutefois, d'un point de vue méthodologique, l'agrégat considéré ne donne qu'un aperçu relatif des évolutions budgétaires concernant les différents services de renseignement, car ni les effectifs militaires de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), ni les fonds spéciaux destinés aux services de renseignement n'y sont retracés.
ÉVOLUTION DES CRÉDITS CONCERNANT
L'AGRÉGAT BUDGÉTAIRE DU RENSEIGNEMENT HUMAIN
(en millions d'euros) | ||||
Loi de finances |
Loi de finances |
Loi de finances |
Projet de loi | |
Personnel : |
105,30 |
112,87 |
123,65 |
125,50 |
Fonctionnement : |
31,10 |
30,87 |
37,69 |
47,69 |
TITRE III : |
136,40 |
143,96 |
161,34 |
173,19 |
TITRE V : |
103,71 |
125,54 |
114,18 |
130,67 |
(1) Ces chiffres intègrent les financements attribués à la DRM. |
_ Créée par le décret n° 82-306 du 2 avril 1982, la DGSE a pour missions de rechercher et d'exploiter les renseignements intéressant la sécurité de la France, et également de détecter et d'entraver les activités d'espionnage dirigées contre les intérêts français hors du territoire national, afin d'en prévenir les conséquences. On le voit bien, ce texte se réfère à une conception datée des menaces extérieures, limitées pour l'essentiel à l'espionnage, alors que d'autres formes de risques tels que le terrorisme ou la prolifération des armes de destruction massive sont devenues tout aussi dangereuses.
Le monde doit désormais affronter des menaces d'un type nouveau (terrorisme transnational, criminalité organisée, prolifération des armes de destruction massive) et des crises internationales à répétition (Golfe, Balkans, Afghanistan, Irak), lesquelles ont pour point commun de se centrer sur des zones géographiques complexes et d'accès difficile. A la fois parce que ces menaces nouvelles n'épargnent pas la France et que ces crises peuvent justifier l'engagement des forces armées nationales, le Président de la République et le Gouvernement doivent disposer d'éléments d'appréciation autonomes sur ces menaces et ces crises. A cet égard, les services de renseignement ont un rôle irremplaçable à tenir, particulièrement la DGSE, en raison de ses spécificités (clandestinité, réseau extérieur au contact des menaces, possibilité de recueil de renseignement opérationnel en zones dangereuses). Face à ces évolutions, la DGSE a adapté son dispositif. Elle a transformé ses structures, afin notamment de faire face aux enjeux du contre-terrorisme et de la prolifération ; elle s'est également dotée d'un centre de situation et de suivi des crises fonctionnant, le cas échéant, en temps réel, 24 heures sur 24.
_ En ce qui concerne les moyens budgétaires de la DGSE, le titre III est marqué par la stabilisation des effectifs militaires et civils, une suppression de 3 postes de cette dernière catégorie étant même opérée. En conséquence, les dépenses de rémunérations des personnels civils n'évolueront pratiquement pas
(- 0,2 %) ; cependant, il en ira autrement pour les indemnités et allocations diverses (+ 9,9 %) ; précisons que, pour ce qui concerne les personnels militaires, ce sont les armées qui ont la charge de payer le traitement de leurs effectifs mis à la disposition de la DGSE.
ÉVOLUTION DES EFFECTIFS BUDGÉTISÉS DE LA DGSE
Catégories de personnels |
Loi de finances initiale 2002 |
Projet de loi de finances 2003 |
Officiers |
505 |
505 |
Sous-officiers |
940 |
940 |
Militaires du rang |
12 |
12 |
Total militaires |
1 367 |
1 367 |
Personnels civils |
3 244 |
3 241 |
TOTAL |
4 611 |
4 608 |
Les crédits de fonctionnement augmenteront de 37,1 %, à 33,3 millions d'euros, afin d'accompagner l'extension des locaux immobiliers du service. En revanche, les crédits d'investissement sont inférieurs aux montants demandés, mais ils ne subissent pas de régression notable par rapport à la période antérieure. Ces dotations sont destinées à couvrir :
- les travaux d'infrastructure, qui dureront encore 2-3 ans, ce qui explique l'augmentation de 63,9 % des crédits de paiement prévus à cet effet, à 51,3 millions d'euros ;
- les contraintes technologiques qui pèsent sur les équipements : en la matière, la croissance des besoins est continue et très coûteuse, car les investissements immobiliers, humains et techniques doivent suivre les révolutions technologiques, et c'est la raison pour laquelle les crédits de paiement du titre V augmenteront en 2003 de 4,8 %, à 51,29 millions d'euros.
Les dotations budgétaires détaillées ci-dessus n'incluent pas les crédits des fonds spéciaux en provenance des services généraux du Premier ministre, qui sont destinés à financer certaines activités opérationnelles. Le contrôle de l'utilisation de ces fonds est assuré par les services financiers de la DGSE et, depuis le vote de la loi de finances initiale pour 2002 (), par une commission de vérification, composée de deux députés, deux sénateurs et deux hauts magistrats de la Cour des comptes. Bien que le Conseil constitutionnel ait réduit l'objet de ces vérifications comptables aux opérations qui ne sont pas en cours, des problèmes d'interprétation de ces dispositions se font jour, car certaines opérations passées ont parfois des prolongements dans le temps. Il est regrettable que ce mécanisme de contrôle, dont l'objet n'est pas en soi contestable, ait été voté dans la précipitation préélectorale de la session antérieure. L'association des parlementaires au contrôle de l'exécutif et de ses services les plus spéciaux mérite mieux qu'un débat à l'emporte-pièce ; sans doute faudrait-il revoir ce système dans un proche avenir.
_ La DRM a été créée à la suite de la guerre du Golfe, par le décret
n°92-523 du 16 juin 1992. Elle a pour principales missions de conduire et coordonner la recherche et l'exploitation du renseignement d'origine militaire et à caractère opérationnel.
Outre une direction centrale, à vocation administrative et d'exploitation du renseignement, elle dispose des organismes extérieurs suivants :
- l'école interarmées du renseignement et des études linguistiques (EIRL) ;
- le centre de formation et d'interprétation interarmées de l'imagerie (CF3I), qui rassemble les compétences dans le domaine de l'interprétation photo (capteurs Hélios, Mirage IV-P, drones) ;
- le centre de formation et d'emploi relatif aux émissions électromagnétiques (CF3E), qui est responsable du suivi et du traitement du renseignement d'origine électromagnétique ;
- l'unité interarmées Hélios (UIAH), qui centralise les demandes d'images Hélios, programme les satellites et, le cas échéant, procède à l'acquisition de photographies disponibles auprès d'opérateurs privés (Spot Images par exemple) ;
- les détachements avancés de transmissions (DAT).
La DRM reste d'une taille relativement modeste par rapport à la defense intelligence agency -DIA- américaine ou au defense intelligence staff -DIS- britannique (). Elle est néanmoins très sollicitée lors de chaque crise pour fournir des renseignements d'intérêt militaire indispensables à la préparation d'interventions ou de mesures de protection. Ce rôle stratégique justifie des moyens financiers significatifs.
_ La montée en puissance des effectifs de la DRM (+ 20 % aux termes de la loi de programmation militaire 1997-2002) est désormais achevée, comme l'illustre le tableau ci-après.
ÉVOLUTION DES EFFECTIFS BUDGÉTISÉS DE LA DRM
Catégories de personnels |
Loi de finances initiale 2002 |
Projet de loi de finances 2003 |
Officiers |
391 |
391 |
Sous-officiers |
881 |
881 |
Militaires du rang |
81 |
81 |
Total militaires |
1 253 |
1 253 |
Personnels civils |
237 |
237 |
TOTAL |
1 490 |
1 490 |
La DRM doit faire face à deux types de difficultés : d'une part, à l'horizon de 2008, une majoration de 200 postes par rapport aux dispositions du projet de loi de programmation militaire 2003-2008 ne serait pas inutile, car des besoins existent pour certaines spécialités géographiques ou en raison de la transformation à venir de la chaîne Hélios ; d'autre part, la ligne plafond d'effectifs qui avait été fixée par le ministre de la défense de 1997 à 2002 arrive à échéance et il serait utile de renouer sur plusieurs années avec ce mécanisme, dès 2003, afin de garantir un nombre suffisant de mises à disposition de personnels issus des armées ; en tout état de cause, la DRM devra prochainement mener des discussions internes avec les états-majors pour fixer la répartition de ses effectifs.
Dans l'ensemble, les dispositions du projet de loi de finances pour l'année 2003, hors rémunérations et charges sociales, sont plutôt satisfaisantes. Les dotations budgétaires de la DRM sont rattachées à l'agrégat relatif à l'état-major des armées, dont elle dépend. Ces dotations offrent une vision incomplète des moyens dont dispose ce service, qui bénéficie également de certains programmes de l'état-major, notamment en matière d'espace et de systèmes d'information et de communication. Les crédits de fonctionnement se situent, en crédits de paiement, à près de 6,75 millions d'euros, c'est-à-dire à un niveau identique à celui de l'exercice 2002. Les dotations prévues en faveur des équipements de la DRM devraient augmenter à 18,41 millions d'euros en autorisations de programme (+ 40,4 %) et 13,92 millions d'euros en crédits de paiement (+ 32,3 %). Ces crédits serviront principalement aux équipements et au renseignement d'origine électromagnétique (ROEM) stratégique.
De fait, le principal problème budgétaire rencontré par la DRM ne porte pas sur le niveau de ses dotations, mais plutôt sur la difficulté rencontrée par la direction à engager ses crédits et à passer ses contrats : la DRM est contrainte de déléguer la passation de ses marchés, qui portent sur des sommes relativement modestes, à d'autres organismes des armées (région aérienne nord ou service des moyens généraux, entre autres), ce qui engendre une complexité et une lourdeur administrative contraignantes. Il est indispensable de mettre fin à cette contrainte, en dotant cette direction des moyens d'engager ses crédits propres, de manière à faciliter la bonne conduite de son action.
_ Aux termes du décret n° 2001-1126 du 29 novembre 2001 fixant ses attributions, la DPSD, rattachée au ministre de la défense, est notamment chargée de participer à l'élaboration et à l'application des mesures à prendre en matière de protection et de sécurité, de prévenir et rechercher les atteintes à la défense nationale, de contribuer à assurer la protection des personnes susceptibles d'avoir accès à des informations protégées ou à des zones, des matériels ou des installations sensibles. Elle participe aussi aux études de sécurité en rapport avec le traitement, notamment automatisé, de l'information et elle en contrôle l'application. Sa compétence s'étend aussi aux entreprises titulaires de marchés intéressant la défense et aux établissements justifiant des précautions particulières, ainsi qu'au suivi des dispositions du décret de 1939 sur le commerce illicite de matériels d'armement.
Service interarmées, la DPSD est fortement implantée sur l'ensemble du territoire ; elle est également présente auprès des forces déployées sur des théâtres extérieurs. En conséquence logique de la réduction du format des armées, il a été décidé de réorganiser son implantation territoriale, afin de renforcer son efficacité opérationnelle. La coordination des organismes extérieurs est désormais assurée par des postes de zone au niveau des zones de défense. Sur la période 2002-2005, le dispositif territorial sera progressivement resserré et adapté aux nouvelles implantations des forces et de l'industrie de défense. Du personnel d'armées différentes pourra être affecté, selon les besoins, au sein d'un même organisme extérieur.
_ Les dispositions du projet de loi de finances pour l'année 2003 devraient permettre à la DPSD de remplir ses missions en assurant de manière satisfaisante la couverture de ses besoins prioritaires. Après avoir diminué de 10 % entre 1997 et 2002, les effectifs sont maintenus à leur niveau. Comme pour la DRM, les personnels de la DPSD sont rémunérés par les différentes armées dont ils relèvent, ce qui explique que la masse salariale de cette direction ne soit pas intégrée à son budget propre.
ÉVOLUTION DES EFFECTIFS BUDGÉTISÉS DE LA DPSD
Catégories de personnels |
Loi de finances initiale 2002 |
Projet de loi de finances 2003 |
Officiers |
245 |
245 |
Sous officiers |
750 |
750 |
Militaires du rang |
102 |
102 |
Total militaires |
1 097 |
1 097 |
Personnels civils |
378 |
378 |
TOTAL |
1 475 |
1 475 |
Pour ce qui concerne les dépenses de fonctionnement, les crédits de paiement du titre III inscrits à cet effet dans le projet de loi de finances initiale pour 2003 s'élèvent à près de 7,69 millions d'euros, soit une réévaluation de 14,9 % par rapport aux dotations de la loi de finances initiale pour 2002. Cette augmentation est la résultante de trois mesures nouvelles : la prise en compte de frais supplémentaires (entretien, gardiennage, par exemple) liés à l'implantation sur le fort de Vanves, l'abandon du site place Saint-Thomas d'Aquin - qui entraîne une économie - et l'externalisation de la maintenance du parc informatique pour permettre au personnel informaticien de se concentrer exclusivement sur l'activité opérationnelle du service.
Les abondements du titre V pour les dépenses d'équipement, 3,89 millions d'euros en crédits de paiement, diminuent très substantiellement, de l'ordre de 22,2 %, par rapport aux dispositions de la loi de finances pour 2002. Cette évolution s'explique principalement par l'achèvement des grands programmes informatiques et surtout par le retour des crédits à leur niveau antérieur à 2002, l'exercice en cours étant marqué par une dotation exceptionnelle destinée à financer les frais d'installation du service au fort de Vanves.
Les unités chargées du renseignement dans la profondeur ont une vocation tactique plus que stratégique. Elles interviennent directement sur le champ de bataille, en uniforme. Certaines unités, relevant des commandos, sont rattachées au commandement des opérations spéciales (COS), alors que d'autres, le 13ème régiment de dragons parachutistes (13ème RDP) essentiellement, conservent une certaine autonomie.
Le COS, dont l'organisation est détaillée dans un schéma ci-après, a été créé le 24 juin 1992, à la suite de la guerre du Golfe, au cours de laquelle les forces spéciales américaines et britanniques ont rendu de grands services à la coalition internationale.
Le général commandant les forces spéciales est directement rattaché au chef d'état-major des armées. Il peut recourir à un petit état-major d'une soixantaine de personnes et à un réservoir de forces dites du premier cercle (commando parachutiste de l'air n° 10 -CPA 10-, 1er régiment parachutiste d'infanterie de marine -1erRPIMa-, et commandement des fusiliers marins et commandos -Cofusco-), soit environ 2 000 hommes, qui dépendent sur un plan organique des différentes armées. Le commandant du COS sélectionne dans ces forces les éléments jugés les mieux adaptés à une mission donnée. A la différence de la composante terrestre du COS, les commandos de marine et de l'armée de l'air ne sont pas exclusivement consacrés aux missions relevant du COS.
En tant que de besoin, pour certaines actions spécifiques, le COS peut aussi avoir recours à d'autres unités qui n'appartiennent pas à son premier cercle et avec lesquelles il a l'habitude de travailler ; c'est le cas de la 11ème brigade parachutiste notamment. Le 13ème RDP est parfois utilisé par le COS, lorsque ce dernier programme des actions de renseignement ou de désignation d'objectifs en milieu hostile. Depuis le 1er juillet dernier, le 13ème RDP relève de la brigade des forces spéciales terre (BFST), qui regroupe également le 1er RPIMa et le détachement de l'aviation légère de l'armée de terre (ALAT) rattaché au COS.
NB : CPA 10 : commando parachutiste de l'air n° 10.
Du point de vue des équipements, il a été souligné à maintes reprises que ces unités ne disposaient pas des moyens héliportés nécessaires pour accomplir leurs missions dans de bonnes conditions. Les hélicoptères Cougar et Puma en dotation n'ont pas un rayon d'action très étendu (300 kilomètres au mieux). Dans l'attente de l'hélicoptère NH 90, le projet de loi de programmation militaire 2003-2008 prévoit fort opportunément la livraison aux forces spéciales de 10 EC-725 « Cougar Mk-2 + », dont le rayon d'action atteint 700 kilomètres avec une masse maximale de 11 tonnes, à partir de 2005.
D'autres unités relevant de chaque armée jouent également un rôle essentiel dans le domaine du renseignement : pour l'armée de terre, il s'agit entre autres des 54ème et 44ème régiments de transmissions, du 61ème régiment d'artillerie, qui met en _uvre les drones Crécerelle et CL 289, et du 2ème régiment de hussards (reconnaissance blindée rapide) ; sont notamment concernés pour l'armée de l'air, l'escadron qui met en _uvre le Sarigue de nouvelle génération, la 54ème escadre de Metz, qui sert les deux C 160 Gabriel et une composante sol de recueil, les escadrons de reconnaissance aériens de Mirage F1 CR et l'escadron de Mont de Marsan, qui met en _uvre les Mirage IV-P ; enfin, pour ce qui concerne la marine, il convient de citer l'équipage qui sert le Bougainville.
En tout état de cause, la France dispose de structures efficaces de renseignement et d'action dans la profondeur. Il faut néanmoins veiller à leur donner des moyens suffisants pour rester compétentes et interopérables avec leurs homologues américaines et britanniques, ce qui suppose davantage de crédits d'investissement et sans doute une augmentation de leurs effectifs.
L'examen des dispositions du projet de loi de finances initiale pour 2003 appelle à se prononcer en faveur de l'adoption des crédits de l'espace, des communications et du renseignement. Après des années de restrictions budgétaires, le rapporteur se réjouit de constater qu'un total renversement de tendance a été décidé, ce qui permet d'espérer que le modèle d'armée 2015 sera bien atteint. Le budget, qui est soumis au vote de la représentation nationale, garantit la pérennité du rang de la France parmi les grandes puissances spatiales, comme il conforte les moyens de fonctionnement des services et des unités spécialisés dans la collecte du renseignement.
D'ailleurs, les alliés de la France, au premier rang desquels les Etats-Unis, ne s'y trompent pas, puisqu'ils reconnaissent ces capacités de commandement, de coordination des actions et de renseignement, en n'hésitant pas à y faire appel le cas échéant, à l'image de la participation française à l'opération « liberté immuable », depuis octobre 2001.
Cet effort doit néanmoins se poursuivre au cours des autres annuités de la prochaine loi de programmation miliaire, voulue par le Président de la République et dont le contenu sera examiné par le Parlement dans les toutes prochaines semaines. Il serait en effet paradoxal que, dans les années qui viennent, la France et ses partenaires européens révisent à la baisse leurs ambitions dans les secteurs de l'espace et du renseignement, alors que les Etats-Unis ainsi que de nombreux pays en voie de développement en font une priorité de leurs politiques de défense.
Parce qu'il touche à ce qui est le moins matériel et visible, à savoir l'information, le système de forces C3R n'a pas toujours été considéré comme essentiel à l'efficacité de la défense. Rien n'est pourtant moins vrai, car sans moyens de reconnaissance, de communication et de renseignement performants, les forces armées ne peuvent accomplir en toute autonomie leurs missions. Néanmoins, au regard du poids des investissements à consentir, l'avenir passe par une coopération européenne accrue ; le Gouvernement doit donc s'employer à en relancer la dynamique.
La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Yves Fromion, les crédits de l'espace, des communications et du renseignement pour 2003, lors de sa réunion du mercredi 16 octobre 2002.
Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.
M. Jean-Michel Boucheron a souhaité connaître les solutions de remplacement qui permettraient de continuer à disposer d'une capacité photographique à haute altitude à l'issue du retrait du service des Mirage IV-P. Face à ce problème, il conviendrait de s'orienter vers une commande de drones opérant à haute altitude avec une longue endurance (HALE). Les drones constituent un enjeu essentiel de partage de la capacité mondiale d'évaluation des crises et le renseignement aura au XXIème siècle l'importance qu'a pu avoir l'arme nucléaire au XXème siècle.
M. Yves Fromion, rapporteur pour avis, a précisé que les Mirage IV-P devraient continuer à assurer leurs missions pendant la prochaine programmation, tout en admettant que la question de leur relève se posait effectivement. Une réflexion est en cours à ce sujet, mais aucun crédit n'est inscrit dans le projet de loi de programmation militaire 2003-2008. Cependant, les équipements de ce type existent déjà, avec notamment le Global Hawk. Ce dernier souffre pour l'instant d'une propulsion insuffisante. De toute manière, les missions des Mirage IV-P ne pourront être couvertes seulement par des drones HALE, car les Mirage IV-P effectuent également des missions d'observation à moyenne altitude. La couverture complète des besoins s'effectuera donc par une conjonction des capacités de drones HALE et de drones opérant à moyenne altitude avec une longue endurance (MALE). En outre, les drones joueront aussi un rôle de plus en plus important en matière d'appui-feu dans le cadre des premières vagues d'attaques. Dassault Aviation travaille sur cette piste avec ses programmes Grand Duc et Petit Duc, tandis que Northrop Grumman souhaite développer avec les industries européennes un système de surveillance du champ de bataille à partir des plates-formes que peuvent constituer les avions commerciaux.
M. Axel Poniatowski a considéré que le programme Galiléo était d'une importance capitale et que la représentation nationale devait veiller à sa bonne exécution. Les armées ont été très dépendantes des capacités américaines, notamment pour l'élaboration des dossiers d'objectifs, et Galiléo permettra d'obtenir une véritable indépendance de nos forces. Nos industries disposent d'atouts en matière de renseignement militaire et de communication. Quelle est la part des crédits du budget de l'espace, des communications et du renseignement allouée à la recherche ? Les lacunes sont plus importantes en matière de drones, pour lesquels nous dépendons de l'étranger pour l'approvisionnement. Il convient donc d'encourager la recherche dans ce domaine, particulièrement pour les drones hélitractés capables d'intervenir dans des zones urbaines, là où la menace est de plus en plus importante en raison du terrorisme.
M. Yves Fromion, rapporteur pour avis, a souligné que, si les industries nationales ne maîtrisaient pas la totalité des procédés d'industrialisation des drones, elles étaient malgré tout très présentes dans la recherche et la réalisation des systèmes actuels. Les crédits qui seront consacrés à la recherche spatiale militaire dans le budget pour 2003 s'élèvent à 39,9 millions d'euros en autorisations de programme et à 37,4 millions d'euros en crédits de paiement, ce qui représente 8,6 % du total des crédits de paiement du budget de l'espace et 8,7 % des crédits de paiement du ministère de la défense en faveur des études-amont. Si les industries françaises sont particulièrement performantes dans le domaine de l'observation optique, avec le programme Hélios, une impasse a été effectuée dans le domaine de la reconnaissance radar, mais elle a été compensée par des échanges avec des capacités italiennes et allemandes.
Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'espace, des communications et du renseignement pour 2003.
*
Au cours de sa réunion du mercredi 16 octobre 2002, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la défense pour 2003, les membres du groupe socialiste s'abstenant.
N° 0260 - 03 - Avis de M. Yves Fromion sur le projet de loi de finances pour 2003 - Espace, communication et renseignement
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() Article 154 de la loi n° 2001-1275, du 28 décembre 2001.
() Ces deux services emploient respectivement quelque 7 000 et 3 800 personnes.