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N° 1864

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 octobre 2004.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2005 (n° 1800)

TOME IX

ÉDUCATION NATIONALE, ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
et RECHERCHE

ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

Par Mme Corinne MARCHAL-TARNUS,

Députée.

___

Voir le numéro : 1863 (annexe n° 29).

INTRODUCTION 5

I.- UN PROJET DE BUDGET QUI AMORCE UN RÉÉQUILIBRAGE DES DÉPENSES EN FAVEUR DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR 7

A. L'EFFORT GLOBAL DE LA NATION POUR L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR EST INFÉRIEUR À LA MOYENNE DES PAYS MEMBRES DE L'OCDE 7

1. la France n'investit pas assez dans la dépense d'éducation pour le supérieur 7

2. La démocratisation de l'accès à l'enseignement supérieur ne s'est pas accompagnée d'une démocratisation de la réussite 9

a) Les effectifs dans l'enseignement supérieur sont de nouveau en progression 9

b) Des filières générales pas assez performantes 13

B. LE PROJET DE BUDGET POUR 2005 RENFORCE LES MOYENS DES UNIVERSITÉS 14

1. Un accroissement des moyens en personnels et des mesures de requalification 14

a) Des créations d'emplois conformes aux engagements pris 14

b) Des mesures importantes de requalification et d'amélioration des carrières 16

2. Une hausse des crédits de fonctionnement 16

3. L'avancement de certains chantiers de construction 17

4. La poursuite de la mise en place de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) 17

C. L'EFFORT FINANCIER POUR AMÉLIORER LA VIE ÉTUDIANTE EST RÉEL 18

1. Les bourses 18

2. Le logement 19

II.- LA CONSTRUCTION DE L'ESPACE EUROPÉEN DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR OFFRE UNE CHANCE DE RÉNOVATION À L'UNIVERSITÉ FRANÇAISE 21

A. LE SYSTÈME EUROPÉEN DE DIPLÔMES DEVRAIT RENDRE LES UNIVERSITÉS EUROPÉENNES PLUS ATTRACTIVES 21

1. Des principes communs qui doivent s'appliquer dans toute l'Europe 22

2. La mise en place du système licence, master, doctorat (LMD) est plutôt en avance en France 23

3. La mise en œuvre du LMD donne lieu à une concertation renforcée 25

4. Le dispositif LMD est applicable aux grandes écoles et aux écoles de commerce 25

5. L'intégration des IUT et des IUP au schéma LMD reste problématique 26

B. LA MOBILITÉ DES ÉTUDIANTS EUROPÉENS SE HEURTE ENCORE À DE NOMBREUSES DIFFICULTÉS 27

1. Au niveau européen l'harmonisation du processus est loin d'être achevée 28

2. Les bourses et les aides sont trop faibles 29

3. La France est faiblement attractive pour les bons étudiants étrangers 31

C. L'ESPACE EUROPÉEN : LEVIER DE LA RÉFORME DES UNIVERSITÉS ? 31

1. Les étudiants doivent être mieux accompagnés dans leur nouveau cursus 31

2. L'évaluation est un impératif 33

TRAVAUX DE LA COMMISSION 35

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 39

INTRODUCTION

Le projet de budget de l'enseignement supérieur pour 2005 s'élève à 9,36 milliards d'euros, ce qui représente une progression de 3,02 % par rapport à 2004 (9,087 milliards d'euros).

Cette augmentation concerne les dépenses de fonctionnement, en hausse de 1,62 % par rapport à la loi de finances 2004, mais plus encore les crédits de paiement des dépenses en capital, qui progressent de plus de 18 % afin d'assurer le respect par l'Etat de ses obligations en matière de construction, telles qu'elles résultent notamment des contrats de plan Etat-régions (CPER), et de renforcer le plan de mise en sécurité des bâtiments universitaires.

Ce projet de budget permet également des avancées significatives pour l'accompagnement social des étudiants. Les bourses d'enseignement supérieur sont revalorisées, les contingents de bourses de mérite et des prêts d'honneur sont augmentés et une allocation d'aide d'urgence est créée. De plus, les crédits consacrés à la réhabilitation des logements étudiants connaissent une forte hausse.

Cependant il reste beaucoup à faire tant pour donner un nouveau souffle à l'enseignement supérieur que pour améliorer la vie étudiante. L'Observatoire de la vie étudiante a estimé l'an passé que 1,3 % d'entre eux sont en situation de pauvreté grave et durable et que pour l'ensemble les conditions de vie se dégradent.

D'autres problèmes pèsent sur le fonctionnement de l'université auxquels il va falloir apporter des réponses dans les années à venir. Les jeunes se détournent de plus en plus des études universitaires en sciences et en ingénierie faute de perspective claire sur les débouchés professionnels. Pourtant la recherche française a un besoin énorme de matière grise dans la mesure où 40 % des chercheurs partiront à la retraite d'ici 2014.

Un gouffre culturel s'est creusé entre le monde de l'entreprise et le monde universitaire. En France 80 % des décideurs ne sont jamais passés par la recherche et n'ont jamais fait de thèse.

Enfin aucune université française n'atteint aujourd'hui la taille optimale qui lui permettrait de lutter à armes égales sur la scène internationale avec les grandes universités étrangères et d'attirer les meilleurs étudiants étrangers.

La mise en place de l'espace européen de l'enseignement supérieur avec la réforme des diplômes et des cursus (passage au système européen LMD (1)) et le renforcement de l'évaluation et de la contractualisation constitue une obligation mais aussi une chance historique de rénovation de notre système d'enseignement supérieur.

La mise en place de ce nouveau dispositif dans l'enseignement supérieur, les avantages qu'il faut en attendre et les difficultés perceptibles feront l'objet de la seconde partie du rapport.

L'article 49 de la loi organique du 1er août 2001 fixe une date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires : au plus tard huit jours francs à compter du dépôt du projet de loi de finances, soit le 9 octobre 2004. A cette date, 85 % des réponses étaient parvenues à la rapporteure pour avis.

I.- UN PROJET DE BUDGET QUI AMORCE UN RÉÉQUILIBRAGE
DES DÉPENSES EN FAVEUR DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

L'enseignement supérieur est le parent pauvre de l'éducation nationale. Ce constat, formulé par de nombreux acteurs du système se retrouve également dans un récent rapport du Conseil d'analyse économique « Education et croissance » (2) qui considère que l'insuffisance des moyens affectés à l'enseignement supérieur constitue un handicap pour la croissance française notamment face à la nouvelle vague technologique.

Alors qu'un élève du secondaire coûte 36 % de plus en France qu'en moyenne dans les pays membres de l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), un élève de l'enseignement supérieur, toutes formations confondues, coûte 11 % de moins que dans la moyenne de l'OCDE.

A. L'EFFORT GLOBAL DE LA NATION POUR L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR EST INFÉRIEUR À LA MOYENNE DES PAYS MEMBRES DE L'OCDE

1. la France n'investit pas assez dans la dépense d'éducation pour le supérieur

Historiquement la France a toujours consacré une part plus importante de son budget à l'enseignement scolaire.

Depuis 1975 la dépense pour l'enseignement supérieur a connu une forte croissance de 3,1 % en moyenne annuelle (en prix constants). Son poids dans la dépense intérieure d'éducation (DIE) (3) est passé de 14,2 % en 1975 à 17,0 % en 2003. Sur l'ensemble de la période, la DIE au profit du supérieur a été multipliée par 2,4 mais compte tenu d'un quasi doublement des effectifs, la dépense moyenne par étudiant n'a augmenté que de 25 % atteignant 8 370 euros en 2003. Dans le même temps, la dépense moyenne par élève, tous niveaux scolaires confondus, augmentait de 82 %.

Selon le rapport annuel de l'OCDE sur l'éducation, si on calcule en dollars et en parité de pouvoir d'achat, la France dépense annuellement 6 965 dollars par étudiant, les Etats-Unis 20 098 dollars, le Royaume-Uni 8 101 dollars, l'Australie 9 200 dollars et la Suède 8 356 dollars. L'Allemagne (6 370 dollars), l'Italie (5 064 dollars) et l'Espagne (5 951 dollars) ont des financements inférieurs.

La collectivité nationale a consacré, en 2003, 18,9 milliards d'euros à l'enseignement supérieur (totalité des activités liées à la formation initiale), soit 1,2 % du PIB. En prix constants, cette dépense a augmenté de 0,5 % par rapport à 2002.

La part de l'Etat est prépondérante dans le financement de la dépense intérieure d'éducation pour l'enseignement supérieur (plus de 75,4 %). Certaines aides directes ou indirectes, financées par l'Etat, qui bénéficient aux étudiants ou à leur famille n'apparaissent pas dans la DIE car elles sont soit d'ordre fiscal (majoration du quotient familial), soit non directement liées au statut d'étudiant (allocation personnalisée au logement social). Les collectivités territoriales contribuent à hauteur de 5,7 %, les entreprises de 6,1 % et les ménages 11,5 %.

L'évolution et la structure de la dépense intérieure (DIE) pour l'enseignement supérieur depuis 1975 sont retracées dans le tableau suivant.

La dépense d'éducation pour le supérieur

métropole + DOM

1975

1985

1995

1999

2002

2003

DIE pour le supérieur

aux prix courants

(en milliards d'euros)

2,1

8,0

15,4

17,2

18,6

18,9

aux prix de 2003

(en milliards d'euros)

8,0

11,7

17,1

18,3

18,8

18,9

Part dans la DIE (en %)

14,2 %

15,7 %

16,9 %

16,7 %

16,9 %

17,0 %

Dépense moyenne par étudiant aux prix de 2003 (en euros)

6 560

7 220

7 440

8 360

8 500

8 370

Structure de financement initial (en %)

Etat

75,8 %

75,3 %

75,4 %

- dont ministère de l'éducation nationale

66,9 %

66,3 %

66,4 %

Collectivités territoriales

6,0 %

5,7 %

5,7 %

Autres administrations publiques et CAF

1,2 %

1,2 %

1,3 %

Entreprises

5,6 %

6,1 %

6,1 %

Ménages

11,4 %

11,7 %

11,5 %

Source : Direction de l'enseignement supérieur

Les coûts moyens par étudiant sont très variables selon les filières de formation, ils sont deux fois plus élevés en classe préparatoire aux grandes écoles (CPGE) qu'en université. En 2003, un étudiant effectuant une année dans une université publique coûte en moyenne à la collectivité nationale 6 820 euros, alors qu'une année en institut universitaire de technologie (IUT) revient à 9 320 euros et une année en CPGE à 13 170 euros. Ainsi le coût théorique de trois années menant à la licence est évalué à 113 750 euros en 2003, celui de deux années menant à un diplôme universitaire technologique (DUT) est de 112 820 euros et de 117 250 pour les deux ans de brevet de technicien supérieur (BTS).

2. La démocratisation de l'accès à l'enseignement supérieur ne s'est pas accompagnée d'une démocratisation de la réussite

a) Les effectifs dans l'enseignement supérieur sont de nouveau en progression

A la suite du progrès de la scolarisation dans le second degré général et technologique, l'enseignement supérieur s'est développé à un rythme soutenu jusqu'en 1993. La rentrée 1994 a amorcé une phase de décélération (+ 2,3 % en 1994, + 1,6 % en 1995) et, pour la première fois en 1996, le nombre d'inscrits a diminué (- 0,6 %). Ce recul s'est poursuivi jusqu'en 1998 (- 0,8 %), mais en 1999 et 2000 les inscriptions étaient en hausse (+ 0,5 % puis + 1,1 %) avant de se stabiliser en 2001 à 2 165 000 inscriptions tous établissements publics et privés confondus.

Depuis 2002, le nombre d'étudiants est reparti à la hausse (+ 2,0 % en 2002-2003 et + 2,1 % en 2003-2004) et atteint un niveau historique. En 2003-2004, 1 430 000 étudiants étaient inscrits dans une des 85 universités françaises alors que l'année précédente ils étaient 33 500 de moins.

Cette hausse est proportionnellement moins importante dans les établissements publics relevant du budget de l'enseignement supérieur (+ 3,8 % en deux ans), que dans les autres établissements d'enseignement supérieur (+ 4,9 % en deux ans). Cette hausse est pour plus de moitié expliquée par l'augmentation du nombre d'étudiants étrangers.

Dans les universités la croissance a, dans un premier temps, concerné surtout les premier et second cycles des disciplines générales qui avaient la préférence des bacheliers généraux. Cette tendance était nette à la rentrée 1993, tout particulièrement en lettres et sciences humaines. La création en 1991 des instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) a entraîné un afflux d'étudiants dans ces formations.

Cette tendance s'est complètement inversée entre 1995 et 2001 (sauf en 2000) puisque sur cette période, les universités ont perdu près de 100 000 étudiants. Ce recul s'explique, principalement, par le développement des filières professionnelles, instituts universitaires professionnels (IUP) et licences professionnelles qui en 2001 accueillaient 8,2 % des étudiants en second cycle.

L'augmentation des effectifs constatée en 2002 et 2003 (+ 1,7% et + 2,7 %) s'est concentrée quasi exclusivement dans les formations de la santé, en raison de l'augmentation du numerus clausus et de la réforme des formations paramédicales. La hausse exceptionnelle constatée à la rentrée 2003 s'explique par les résultats exceptionnels de la session 2003 du baccalauréat général.

La hausse du nombre d'étrangers en troisième cycle se poursuit (+ 12,1 % en rythme annuel en 2002 et 2003). Ils représentaient en 2003 près de 24,5 % des étudiants en troisième cycle à l'université, soit 5,4 points de plus qu'en 1998.

Les formations technologiques courtes (IUT et les sections de techniciens supérieurs [STS]) se sont développées tout au long des années 90 grâce au plan Université 2000, à la création de nombreux départements dans les IUT, mais également grâce au fort développement du nombre d'établissements publics proposant des classes STS. Depuis la rentrée 2001, ces effectifs sont en baisse (- 2,9 % en 3 ans).

Le succès des classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) à la suite de la réforme de 1995, s'est prolongé en 1996 et 1997. De 1998 à 2001, les effectifs étaient plutôt stables. A la rentrée 2002, le nombre d'étudiants en CPGE a connu sa plus forte progression depuis 1996 (+ 1,9 %) et s'est stabilisé depuis. Le développement des formations d'ingénieurs, notamment universitaires et privées, après une inflexion en 1994, a repris progressivement à la rentrée 1998. De la même façon la reprise est nette depuis 1998 pour les écoles de commerce (gestion, vente et comptabilité). L'évolution des effectifs d'étudiants depuis 1990, par cycle et par filière et l'évolution des effectifs universitaires par discipline sont rappelées dans les deux tableaux ci-après.

Effectifs étudiants par cycle dans les principales filières de l'enseignement supérieur
(France métropolitaine + DOM public)

1990

1995

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

Université (hors IUT et IUFM)

1 108 456

1 382 492

1 331 182

1 309 808

1 302 228

1 307 687

1 285 954

1 309 468

1 346 398

- dont premier cycle

549 334

686 353

631 282

616 493

606 320

600 223

576 184

576 984

588 971

- dont deuxième cycle

376 011

490 090

494 423

487 621

484 243

487 583

483 707

497 604

510 494

- dont troisième cycle

183 111

206 049

205 477

205 694

211 665

219 881

226 063

234 880

246 933

IUT

74 328

103 092

112 857

114 587

117 407

119 246

118 060

115 465

113 722

- dont IUT secondaire

35 504

47 256

50 651

50 679

51 879

51 917

50 588

48 579

47 532

- dont IUT tertiaire

38 824

55 836

62 206

63 908

65 528

67 329

67 472

66 886

66 190

IUFM

86 068

83 134

80 869

82 184

80 184

84 009

89 062

85 808

INGENIEURS

57 653

75 640

79 098

82 954

85 751

89 403

91 734

95 430

98 038

- dont universitaires

17 325

24 186

25 979

27 520

29 378

30 795

31 699

34 920

35 365

- dont non universitaires rattachés au ministère de l'éducation nationale

15 461

19 650

20 239

21 022

20 962

21 742

22 574

20 985

21 945

- dont autres

24 867

31 804

32 880

34 412

35 411

36 866

37 461

39 525

40 728

CPGE

64 514

70 388

73 102

71 373

70 855

70 263

70 703

72 015

72 053

STS

204 920

236 426

245 325

246 595

248 877

248 889

246 914

245 186

243 721

- dont STS production

63 809

87 049

90 036

89 904

90 036

89 686

88 689

86 709

85 235

- dont STS services

141 111

149 377

155 289

156 691

158 841

159 203

158 225

158 477

158 486

Ensemble (1)

1 492 546

1 929 820

1 898 719

1 878 666

1 877 924

1 884 877

1 865 675

1 891 706

1 924 375

(1) Hors préparations intégrées, écoles de commerce, d'art, d'architecture, de notariat, facultés privées, écoles paramédicales et sociales et autres écoles.

Effectifs universitaires par discipline

1990

1995

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

Droit

161 400

197 665

186 356

183 839

184 586

182 544

177 340

175 249

177 032

Sciences éco., AES

126 907

161 709

153 327

153 171

158 135

165 329

167 276

175 775

184 757

Lettres, sc. humaines

410 739

529 413

512 449

502 498

493 797

489 853

478 574

483 525

494 510

Sciences

256 741

340 896

336 246

328 481

326 586

329 297

322 739

328 634

333 456

Disciplines générales

955 391

1 229 683

1 188 378

1 167 989

1 163 104

1 167 023

1 145 929

1 163 183

1 189 755

Santé

153 065

152 811

142 803

141 819

139 124

140 670

140 025

146 285

156 643

Toutes disciplines

1 108 456

1 382 494

1 331 181

1 309 808

1 302 228

1 307 693

1 285 954

1 309 468

1 346 398

Les prévisions d'effectifs pour les rentrées 2004 et 2005 vont dans le sens d'une légère progression, respectivement, de 0,86 % et 1,11 % : 27 000 étudiants supplémentaires étaient attendus lors de la présente rentrée, cette augmentation touchant autant les universités que les autres établissements.

Au-delà, les projections à long terme révèlent une grande stabilité du nombre d'étudiants avec moins de bacheliers généraux et plus de bacheliers professionnels d'ici dix ans et une forte attraction des études médicales et paramédicales.

Les trois tableaux suivants présentent, les projections d'effectifs de bacheliers jusqu'en 2013, celles des effectifs étudiants dans les principales filières et celles des effectifs universitaires par discipline toujours jusqu'en 2013.

Projections d'effectifs des bacheliers (scénario de long terme)

France métropolitaine + Dom

2003

2004

2005

2008

2013

Constat

Prévisions

Bacheliers généraux

268 335

256 300

258 900

262 300

245 500

Bacheliers technologiques

142 799

143 000

145 200

145 900

136 700

Bacheliers généraux et technologiques

411 134

399 300

404 100

408 200

382 200

Bacheliers professionnels

91 537

92 700

95 900

101 200

97 900

Ensemble

502 671

492 000

500 000

509 400

480 100

Source : ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Projection d'effectifs dans les principales filières

2003*

2004

2005

2008

2013

Université (hors IUT)

1 346 398

1 362 000

1 379 200

1 407 800

1 389 900

- dont premier cycle

588 971

586 700

588 900

596 500

572 700

- dont deuxième cycle

510 494

520 700

526 500

536 400

536 500

- dont troisième cycle

246 933

254 600

263 800

274 900

280 700

IUT

113 722

113 400

113 700

116 300

111 100

- dont IUT secondaire

47 532

47 000

47 100

48 400

46 000

- dont IUT tertiaire

66 190

66 400

66 600

67 900

65 100

CPGE

72 053

72 300

72 700

74 500

70 600

STS

243 721

243 500

245 500

252 100

242 000

- dont STS production

85 235

84 400

84 800

88 700

85 100

- dont STS services

158 486

159 100

160 700

163 400

156 900

Ensemble

1 775 894

1 791 200

1 811 100

1 850 700

1 813 600

* constat en 2003, prévisions pour les années suivantes

Source : ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

Projection d'effectifs universitaires par discipline

2003*

2004

2005

2008

2013

Droit

177 032

175 900

175 200

175 700

172 900

Sc. éco., AES

184 757

188 900

191 900

195 400

193 500

Lettres, Sc. humaines

494 510

499 400

506 200

519 300

511 600

Sciences

333 456

334 500

335 200

341 100

336 700

Disciplines générales

1 189 755

1 198 700

1 208 500

1 231 500

1 214 700

Santé

156 643

163 300

170 700

176 300

175 200

Toutes disciplines

1 346 398

1 362 000

1 379 200

1 407 800

1 389 900

* constat en 2003, prévisions pour les années suivantes

Source : ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

b) Des filières générales pas assez performantes

Malgré la forte progression du nombre d'étudiants au cours des vingt dernières années, le taux d'accès à l'université reste inférieur en France à ce qu'il est dans la moyenne des pays de l'OCDE. Selon les chiffres de l'OCDE, seuls 37 % des jeunes ayant l'âge d'entrer à l'université entreprennent en France des études supérieures dans les filières générales, contre 51 % en moyenne dans les pays de l'OCDE : 64 % aux Etats-Unis, 77 % en Australie et 75 % en Suède par exemple.

La proportion d'abandon est très élevée et supérieure aux autres pays. Seuls 59 % des étudiants inscrits en première année obtiennent une licence. Si les bacheliers français peuvent s'inscrire librement à l'université sans sélection, ils subissent dès la première année du DEUG une sélection redoutable. La moyenne d'obtention d'un examen au niveau de la licence est, dans les pays industrialisés étudiés par l'OCDE, de 70 %.

En revanche, la France est l'un des pays qui compte le plus d'inscrits dans les filières courtes normalement destinées à une insertion professionnelle rapide (IUT et BTS) puisque 22 % des bacheliers s'y inscrivent.

Comme le font observer les auteurs du rapport du Conseil d'analyse économique précité, l'éclatement de l'enseignement supérieur en deux secteurs parallèles, celui des universités et celui des grandes écoles, constitue le péché originel du système français. Ils ajoutent que cette dualité a rendu possible voir légitime l'indifférence publique au sort des universités. Les classes préparatoires et les grandes écoles avec les filières médicales et une partie des formations juridiques remplissent la fonction assurée dans les autres pays par l'université, à savoir la formation des élites.

Une autre coupure préjudiciable au système français et qui n'est pas sans lien avec ce qui précède est le trop fréquent découplage entre recherche et enseignement. Les grandes écoles, en effet, n'ont pas le plus souvent la taille optimale pour constituer de véritables pôles de recherche autonomes et les chercheurs des organismes de recherche n'ont pas d'obligation d'enseignement.

Paradoxalement, même les IUT, qui devaient à l'origine être le débouché prioritaire des bacheliers technologiques, ont abouti en pratique à dévitaliser encore davantage l'université en devenant des filières sélectives.

Le tableau ci-dessous, présente la situation des bacheliers un an après leur entrée en première année d'études universitaires. Toutes filières confondues, le taux de passage en deuxième année est de 44,7 %, le taux de redoublement, 21 % et le taux de sortie, 24,8 %.

Devenir, un an après, des bacheliers (toutes séries) entrés en première année
de premier cycle universitaire en 2001-1002

Base 2001/2002

Taux de passage

Taux de redoublement

taux de sortie

même filière

autre filière

même filière

autre filière

Droit - Sciences politiques

36.9

0.8

27.2

9.0

26.1

Sciences économiques - Gestion (hors AED)

43.6

1.2

18.2

9.7

27.3

AES

30.3

1.6

20.3

11.2

36.6

Lettres - Sciences du langage - Arts

44.6

2.6

13.9

6.4

32.5

Langues

38.1

2.2

19.0

8.3

32.4

Sciences humaines et sociales

42.2

1.3

19.5

7.0

30.0

Sciences et structure de la matière

44.9

2.4

18.8

10.8

23.1

Sciences et technologie - Sciences pour l'ingénieur

43.0

5.8

13.0

11.5

26.7

Sciences de la nature et de la vie

42.5

1.1

22.2

9.6

24.6

Sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS)

50.2

0.5

27.5

4.4

17.4

Médecine

12.5

1.5

60.7

11.1

14.2

Pharmacie

16.3

0.4

58.2

9.6

15.5

IUT

71.9

0.3

9.0

4.7

14.0

Ingénieurs

76.3

1.1

2.8

16.1

3.7

Toutes filières

44.7

1.4

21.0

8.0

24.8

Source : ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

B. LE PROJET DE BUDGET POUR 2005 RENFORCE LES MOYENS DES UNIVERSITÉS

L'enseignement supérieur constitue bien cette année, une priorité puisque dans un environnement budgétaire contraint, ses crédits, portés à 9,36 milliards d'euros, augmentent de 3 % ce qui permet des créations d'emplois, une hausse des crédits de fonctionnement et l'avancement de différents chantiers de construction. Par ailleurs des avancées significatives sont réalisées pour l'accompagnement social des étudiants.

1. Un accroissement des moyens en personnels et des mesures de requalification

a) Des créations d'emplois conformes aux engagements pris

Les mesures gouvernementales décidées en avril 2004 afin de soutenir la recherche universitaire sont consolidées dans le projet de loi de finances 2005 pour un coût de 40,61 millions d'euros.

Il s'agit d'une part, de 700 emplois d'enseignants chercheurs et 150 postes d'attachés temporaires d'enseignement et de recherche (ATER) et, d'autre part, de 150 emplois de personnels ingénieur, administratif, technique, ouvrier et de service (IATOS) qui sont ouverts au budget à compter du 1er janvier 2005 : 363 enseignants-chercheurs et 55 ATER ont été attribués aux disciplines scientifiques, 16 enseignants-chercheurs et 2 ATER à la pharmacie, 159 enseignants-chercheurs et 46 ATER au secteur « lettres et sciences humaines » 81 enseignants-chercheurs et 33 ATER, au secteur « droit, économie, gestion ».

Par ailleurs, le projet de loi de finances prévoit la création de 150 emplois supplémentaires de maîtres de conférence à la rentrée 2005 pour un montant de 2,02 millions d'euros afin de renforcer l'encadrement des étudiants (dont les effectifs devraient augmenter de 17 600 à la rentrée 2005). Ces emplois nouveaux ont également pour but de soutenir les activités de recherche et de favoriser la professionnalisation des formations.

Ces décisions constituent une première réponse au défi constitué par l'accélération des départs à la retraite au cours des dix prochaines années.

Les professeurs des universités sont au nombre de 18 037. D'ici 2014, 9 424 partiront à la retraite, soit près de 52 %, pour une moyenne annuelle de 886 entre 2005 et 2009, et de 998 entre 2010 et 2014. Les disciplines les plus touchées sont les lettres et sciences humaines (67,1 %), l'odontologie (57,9 %) puis la pharmacie (53,2 %). A la différence des autres disciplines, les sciences devraient connaître, après l'année 2009, une baisse très sensible du nombre des départs en retraite.

Les maîtres de conférences sont au nombre de 34 201. D'ici à 2014, 9 203 partiront à la retraite, soit un peu plus du quart de l'effectif actuel, pour une moyenne annuelle de 922 entre 2005 et 2009, et de 918 entre 2010 et 2014. Les disciplines les plus touchées sont par ordre décroissant, la médecine, la pharmacie et les lettres. Les disciplines juridiques, économiques et de gestion connaîtront un taux de départ en retraite le plus faible, de l'ordre de 23,1 %. Dans les disciplines scientifiques, le nombre de départs en retraite des maîtres de conférences diminuera à compter de l'année 2008, soit un mouvement analogue et anticipé par rapport à celui constaté pour les professeurs des universités.

L'âge moyen des personnels IATOS, de bibliothèques et de musées en fonction dans l'enseignement supérieur est de 44 ans pour un nombre total de 54 527 agents titulaires en fonction dans l'enseignement supérieur.

Des études réalisées par la direction de l'évaluation et de la prospective en 2003 estiment que plus de 36 % de ces agents pourraient partir à la retraite entre 2004 et 2012, soit environ 2 100 départs par an. Les départs seront plus nombreux en fin de période notamment à partir de 2007. Cette projection a été réalisée sur une hypothèse d'effectif constant et en tenant compte de la législation précédente sur les retraites.

Une nouvelle étude prenant en compte la réforme des retraites est en cours d'élaboration.

b) Des mesures importantes de requalification et d'amélioration des carrières

Compte tenu de la technicité accrue et de la diversification des métiers des personnels non enseignants dans l'enseignement supérieur, deux importantes mesures de requalification d'emplois de catégorie C en catégories B et A sont proposées dans le projet de budget : 370 transformations d'emplois pour un coût de 2,23 millions d'euros devraient avoir lieu dans les établissements d'enseignement supérieur et le réseau des œuvres universitaires et scolaires.

La revalorisation des rémunérations et des régimes indemnitaires et l'amélioration des perspectives de carrière des principales catégories de personnels enseignants-chercheurs et IATOS sont proposées pour un montant total de près de 12 millions d'euros.

L'amélioration des déroulements de carrière porte sur l'augmentation du nombre des emplois dans les grades d'avancement des corps d'enseignants-chercheurs et assimilés (2,40 millions d'euros), la poursuite de l'intégration des assistants de l'enseignement supérieur dans le corps des maîtres de conférences (250 transformations d'emplois pour 0,23 million d'euros). La revalorisation de la carrière des personnels ingénieurs pour un montant de 0,48 million d'euros est également prévue.

L'amélioration des régimes indemnitaires, concerne les personnels administratifs des établissements d'enseignement supérieur (3,40 millions d'euros) et les personnels des œuvres universitaires et scolaires (4,08 millions d'euros), afin de combler une partie de l'écart qui sépare les régimes indemnitaires de l'éducation nationale de ceux des autres ministères.

Par ailleurs, une mesure de 14,4 millions d'euros est prévue au titre de la cotisation de l'Etat au régime additionnel de retraites de la fonction publique.

Enfin, dans le cadre de la mise en œuvre de la résorption de l'emploi précaire dans les établissements d'enseignement supérieur, 750 emplois nouveaux sont créés pour permettre la titularisation de personnels non titulaires (emplois gagés sur les ressources propres des établissements).

2. Une hausse des crédits de fonctionnement

A structure constante, c'est-à-dire hors l'effet de l'expérimentation de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) sur la nomenclature budgétaire, la subvention de fonctionnement aux établissements d'enseignement supérieur et aux bibliothèques (chapitre 36-11) est abondée de 20,870 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2004.

Ces montants sont répartis de la façon suivante : 14,53 millions d'euros pour les établissements d'enseignement supérieur, 2 millions d'euros pour les bibliothèques et l'Institut national de l'histoire de l'art (INHA), 340 000 euros pour l'établissement public du campus de Jussieu et 4 millions d'euros pour le musée du quai Branly. En outre, 300 000 euros sont prévus pour l'ouverture d'une antenne de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) à Nice.

Enfin, les établissements d'enseignement supérieur privés bénéficient de 5 millions d'euros supplémentaires par rapport au projet de loi de finances 2004.

3. L'avancement de certains chantiers de construction

Le projet de loi de finances 2005 met particulièrement l'accent sur la couverture des besoins en crédits de paiement (CP) liés à l'avancement des chantiers de construction et aux engagements pris par l'Etat dans le cadre des CPER.

A périmètre constant, le montant des crédits inscrits au projet de budget pour les dépenses en capital s'élève à 931,2 millions d'euros en autorisations de programme (AP) et 912,4 millions d'euros en CP (+18 % par rapport à 2004).

330,39 millions d'euros devraient être consacrés en 2005 à des travaux de maintenance et de mise en sécurité des bâtiments des établissements d'enseignement et des laboratoires de recherche.

Par ailleurs, un effort tout particulier (163 millions d'euros d'AP et 131 millions d'euros de CP) est programmé pour permettre l'accélération du chantier du campus de Jussieu. Il s'agit des travaux de désamiantage du secteur ouest du campus et de la construction d'un bâtiment de 16 000 m² sur le campus. En outre, le projet de loi de finances prévoit l'inscription d'une enveloppe additionnelle pour l'opération de construction du musée du quai Branly de 8 millions d'euros.

4. La poursuite de la mise en place de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF)

Selon les principes retenus par la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la présentation des crédits est faite par programme et par action. Deux programmes sont prévus pour les crédits de l'enseignement supérieur, celui des « formations supérieures et recherche universitaire » et celui de la « vie étudiante ».

Quatre établissements d'enseignement supérieur (Aix-Marseille-III, Orléans, Rennes-I et l'Institut national agronomique Paris-Grignon [INPG]), expérimentent, en 2005, le programme « formations supérieures et recherche universitaire », en vue de l'application de la LOLF, pour le budget 2006. De même, le centre national des œuvres universitaires et scolaires (CNOUS) et les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Nice, Rennes et Poitiers, expérimentent en 2005, le programme « vie étudiante ».

Pour cela, il a été créé des chapitres budgétaires supplémentaires correspondant aux crédits (dépenses de personnels, de fonctionnement, et d'investissement) de ces établissements expérimentateurs. Pour le programme « formations supérieures et recherche universitaire », les crédits de ce nouveau chapitre (39-10) s'élèvent à 296,36 millions d'euros. L'expérimentation concerne la gestion des emplois, des personnes et de la masse salariale, les modalités de déclinaison de l'architecture LOLF dans le budget des établissements, les contrats d'objectifs et la qualité des comptes des établissements.

Pour le programme « vie étudiante », les crédits de ce nouveau chapitre (39-11) s'élèvent à 307 millions d'euros. Dans les documents budgétaires, cela se traduit par des transferts internes de crédits.

C. L'EFFORT FINANCIER POUR AMÉLIORER LA VIE ÉTUDIANTE EST RÉEL

Les conditions de vie et principalement de logement des étudiants sont souvent précaires et génèrent de graves inégalités face aux chances de réussite des études. L'Etat finance des aides directes (bourses, prêts d'honneur et fonds de solidarité universitaire) qui représentaient en 2004, 1,32 million d'euros et des aides indirectes (fonctionnement et réhabilitation de logement, restauration universitaire, transports) à travers le réseau des œuvres universitaires et scolaires et les crédits versés au syndicat des transports d'Ile-de-France pour un montant de 287 millions d'euros en 2004.

Le projet de loi de finances pour 2005 prévoit des améliorations dans ces différents domaines.

1. Les bourses

Les taux des bourses progresseront de 1,5 % à la rentrée 2005 et, afin de ne pas faire sortir mécaniquement du dispositif certains bénéficiaires, les plafonds de ressources seront relevés de 1,5 % (+6,32 millions d'euros globalement). De plus, 300 bourses de mérite supplémentaires seront allouées aux boursiers ayant obtenu une mention très bien au baccalauréat pour un montant de 0,34 million d'euros.

Pour répondre aux propositions formulées dans le cadre des groupes de travail avec les associations étudiantes, le financement de l'allocation unique d'aide d'urgence destinée à faire face aux situations difficiles auxquelles ne répond pas de manière satisfaisante le système des bourses sur critères sociaux (rupture familiale, reprise d'études, indépendance avérée,...) est complété par un apport de 1,1 million d'euros.

Enfin 4 millions d'euros supplémentaires seront consacrés à la rénovation du dispositif des prêts d'honneur qui devraient constituer à terme un véritable financement du cursus de l'étudiant et non pas seulement un complément de financement.

2. Le logement

Les conclusions du rapport sur le logement étudiant remis en janvier 2004 par notre collègue Jean-Paul Anciaux au Premier ministre sont édifiantes : 1 300 000 jeunes de statut étudiant ont besoin de trouver un logement. Les résidences universitaires publiques offrent 150 000 places dont 100 000 chambres de 9,5 m2 largement vétustes et inadaptées aux normes actuelles de confort que peuvent légitimement attendre les étudiants. Les fortes tensions constatées sur la majorité des marchés de locations privées les rendent le plus souvent inaccessibles aux étudiants les moins favorisés.

L'augmentation rapide du nombre des étudiants étrangers contribue également à rendre la situation de plus en plus précaire. Il y a cinq ans, les CROUS accueillaient 15 000 étudiants étrangers, aujourd'hui ils en accueillent 34 000.

Des mesures urgentes sont indispensables à la fois pour construire et réhabiliter des logements mais aussi pour rendre les aides au logement plus efficaces.

Dans le projet de loi de finances, les crédits jusqu'alors spécifiquement réservés à la maintenance et à la mise en sécurité des résidences universitaires devraient augmenter de 35 % et passer ainsi de 9,36 millions d'euros en 2004 à 12,64 millions en 2005.

Lors de sa conférence de presse sur la vie étudiante, le 29 septembre, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, a annoncé le lancement de plusieurs projets, dont certains sont déjà en cours.

Ainsi 4 000 places supplémentaires en résidence universitaire devraient être livrées à la rentrée 2005, contre 1 100 cette année. Par ailleurs, 3 700 chambres et studios entièrement rénovés ont été livrés à la rentrée 2004, contre 3 000 en 2003. L'objectif annuel de 7 000 places rénovées devrait donc pouvoir être atteint à partir de 2005.

Enfin, s'agissant des résidences dont l'état ne correspond pas aux normes acceptables, une enveloppe de plus de 2,7 millions d'euros (dont 700 000 provenant des ressources propres des CROUS) a permis d'engager des travaux de remise en état dans plus de 20 résidences.

D'autres mesures devraient également permettre d'améliorer la situation.

Le dispositif « LOCAPASS » qui dispense les étudiants boursiers d'avancer la caution à la signature d'un contrat de location, va être réactivé. Grâce à la mobilisation des CROUS et des collectivités territoriales il a été possible de recueillir plusieurs milliers d'offres supplémentaires de la part des bailleurs privés, dans le cadre du dispositif « logement en ville » géré par les CROUS.

Enfin la rapporteure pour avis salue l'opération « micro-portable-étudiant » qui devrait fortement contribuer à démocratiser l'outil informatique puisque tous les étudiants pourront acquérir dans des conditions financières très avantageuses un ordinateur portable et avoir accès gratuitement à l'Internet depuis leur campus qui seront équipés en conséquence.

II.- LA CONSTRUCTION DE L'ESPACE EUROPÉEN
DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR OFFRE UNE CHANCE
DE RÉNOVATION À L'UNIVERSITÉ FRANÇAISE

La politique de l'enseignement supérieur ne doit plus se concevoir autrement que dans un cadre européen voire mondial. La compétitivité d'un pays dépend de plus en plus de la qualité de son système d'enseignement supérieur et de recherche, de la reconnaissance à l'étranger de cette qualité et de l'attractivité corrélative qu'il exerce sur les étudiants et les scientifiques du monde entier. L'intégration d'une dimension internationale dans l'enseignement supérieur devient dès lors une ardente nécessité. Pour le système français dont les failles sont le manque de lisibilité, la trop grande dispersion, le découplage entre la recherche et l'enseignement et l'absence d'évaluation, l'occasion de se réformer est historique.

Le classement mondial des 500 meilleures universités, basé sur leurs capacités de recherche en 2004, effectué par l'université de Shanghai, confirme la suprématie nord-américaine (55 parmi les 100 premières). 209 universités européennes sont classées parmi les 500 mais pas aux meilleures places à l'exception de Cambridge classée troisième et de l'institut technologique de Zurich classé vingt-septième. Quant à la France, quatre universités seulement figurent parmi les 100 premières : Paris VI (41e), Paris-11 (48e), Strasbourg-I (82e), l'École normale supérieure (Ulm) (85e). Si ce type de classement est discutable compte tenu des indicateurs retenus, il révèle néanmoins la faible notoriété internationale des universités françaises, en raison de leur taille, de leurs ressources et de leur organisation (séparation entre universités et écoles, entre universités et hôpitaux, entre universités et organismes de recherche, entre sciences dures et sciences humaines...). Il n'y a rien de commun entre les financements (publics et privés) des cinq premières universités mondiales (Harvard, Stanford, Cambridge, Berkeley et MIT (4)) et ceux des universités et écoles françaises. Les revenus que les universités américaines tirent de leurs fonds placés sont supérieurs aux ressources toutes sources confondues (dotations, droits d'inscription, taxe d'apprentissage...) de la plupart des universités françaises.

A. LE SYSTÈME EUROPÉEN DE DIPLÔMES DEVRAIT RENDRE LES UNIVERSITÉS EUROPÉENNES PLUS ATTRACTIVES

La construction de l'Espace européen de l'enseignement supérieur est une initiative intergouvernementale, initiée à la Sorbonne en 1998, poursuivie à Bologne en 1999, à Prague en 2001 et à Berlin en septembre 2003.

Fondée sur une volonté commune des Etats, cette politique lancée en 1998 par quatre pays (Allemagne, Grande-Bretagne, Italie et France) concerne désormais 38 Etats de la Grande Europe. Elle a deux objectifs principaux, faire du continent européen un vaste espace permettant facilement la mobilité des étudiants, des enseignants et des chercheurs et rendre cet espace lisible et attractif à l'échelle du monde entier.

Tout en préservant la culture propre de chaque pays, la méthode choisie vise à faciliter une adaptation progressive pour conduire au niveau de chaque nation les évolutions nécessaires.

1. Des principes communs qui doivent s'appliquer dans toute l'Europe

Des axes directeurs de construction de l'édifice commun ont été fixés lors des Conférences ministérielles de la Sorbonne, de Bologne, de Prague et de Berlin.

Les deux principaux leviers de cette construction concernent l'architecture des diplômes et le développement de l'évaluation.

Il s'agit tout d'abord d'adopter une architecture comparable des études supérieures fondée sur trois grands niveaux : la licence, le master, le doctorat (LMD), ces niveaux devant être atteints selon des durées analogues dans chaque pays.

Les études se déroulent sous la forme de formations modulaires selon un système de crédits européens transférables (ECTS). Il s'agit d'unités capitalisables selon une échelle de valeurs retenue au plan européen : 60 crédits = 1 année ; 180 crédits = 1 licence ; 300 crédits = 1 master).

Cette architecture commune doit déboucher sur la reconnaissance mutuelle des diplômes au niveau européen et donc faciliter la mobilité des étudiants et des enseignants.

Le second levier vise à développer des méthodologies d'évaluation de la qualité des enseignements, cette démarche devant aller de pair avec le renforcement de l'autonomie des établissements et le renforcement des liens entre les formations supérieures et la recherche.

Les systèmes d'assurance qualité prônés par la politique commune reposent sur la définition des responsabilités des organismes et des institutions concernés, l'évaluation des programmes et des institutions et la publication des résultats, des systèmes d'accréditation et de certification des formations comparables et enfin la coopération et la mise en réseau internationale.

2. La mise en place du système licence, master, doctorat (LMD) est plutôt en avance en France

En France, l'ajustement du système d'enseignement supérieur au système européen a été initié dès 1999 avec la création, d'une part, du grade de master et, d'autre part, de la licence professionnelle qui est venue enrichir l'offre de formation située à Bac + 3 en application du principe, retenu au plan européen, de professionnalisation du premier cursus d'études.

En 2002, une réforme globale de l'enseignement supérieur français est intervenue avec la perspective d'entrer définitivement dans l'espace européen de l'enseignement supérieur d'ici à 2010.

Le décret n° 2002-482 du 8 avril 2002 définit les principes majeurs qui sous-tendent l'organisation du nouveau système.

L'architecture des études supérieures est fondée sur quatre grades (au lieu de trois), le baccalauréat, la licence, le nouveau grade de master, et le doctorat (d'où la dénomination LMD). Le fait que le baccalauréat, droit d'entrée à toutes les formations universitaires, constitue le 1er grade de l'enseignement supérieur, est l'une des particularités du système d'enseignement supérieur français, dont l'autre caractéristique fondamentale est le dualisme Universités/Grandes Ecoles.

Cette architecture est complétée par la semestrialisation et l'organisation modulaire des enseignements, la généralisation du système de crédits ECTS et la délivrance du « supplément au diplôme » ou annexe descriptive du diplôme, pour faciliter la mobilité internationale des étudiants.

Un décret pris à la même date fixe en corollaire les notions juridiques de grade, titre et diplôme national en définissant, notamment, comme diplôme national tout diplôme délivré sous l'autorité de l'Etat. Il établit le principe général de l'évaluation périodique nationale et confie au ministre chargé de l'enseignement supérieur la mission générale d'assurer la cohérence du système français.

Enfin, deux derniers décrets organisent une prise en compte généralisée dans les formations des acquis antérieurs des étudiants, qu'il s'agisse d'études effectuées à l'étranger ou des acquis issus de l'expérience professionnelle. La mise en place de ce système de validation des acquis de l'expérience (VAE) devrait permettre de mieux articuler, dans une vision d'ensemble, formation initiale et formation continue.

Le nouveau grade de master est délivré de plein droit aux titulaires d'un DEA ou DESS et d'un diplôme d'ingénieur délivré par un établissement habilité.

Le master, quelle que soit son orientation (master professionnel ou master recherche), sanctionne l'acquisition de 120 « crédits » après la licence, c'est-à-dire de 300 « crédits » après le baccalauréat, ce qui correspond à un niveau Bac + 5, il peut également être délivré par les grandes écoles.

C'est donc à une véritable recomposition en profondeur de l'offre de formation que les établissements d'enseignement supérieur en France sont invités à se livrer afin de proposer, pour chaque cursus, un ensemble de parcours flexibles et cohérents dans des champs disciplinaires établis en fonction de la stratégie propre à chaque établissement.

Cette réforme va s'intégrer dans les négociations des prochains contrats quadriennaux entre l'État et les établissements relevant de la tutelle du ministère de l'éducation nationale, et pourrait donc être effective sur l'ensemble du territoire en 2005/2006.

Les textes rendent possible, au plan d'un établissement, l'adoption d'un calendrier progressif étalé sur plusieurs années mais il est très souhaitable, par souci de simplicité et d'efficacité, que les formations relevant d'un même domaine puissent procéder au basculement au même moment.

L'entrée dans ce dispositif n'est pas, à ce jour, une obligation, elle relève du libre choix de chaque établissement.

Les procédures de mise en œuvre du LMD reposent sur la volonté de laisser s'exprimer les dynamiques propres des établissements et leurs capacités d'action et d'innovation dans le cadre d'une évaluation renforcée et de grandes orientations générales diffusées par circulaires.

Dès 2002, trois universités du nord de la France, (Lille 2, Valenciennes et Artois), ont, dans le cadre d'une procédure expérimentale, réorganisé une partie de leur offre de formation selon les modalités du LMD.

A la rentrée 2004, 66 universités sur 85 ont fait le choix d'entrer dans l'espace européen de l'enseignement supérieur.

En fait l'entrée dans le nouveau système semble vivement souhaitée par la majorité des établissements. Dès 2005 les trois-quarts des universités devraient proposer à leurs étudiants une offre de formation rénovée. Si l'on ajoute les instituts et écoles de différents statuts, plus de 120 établissements sont concernés dès cette année.

Cette rapide mise en œuvre est louable, toutefois certains interlocuteurs de la rapporteure pour avis font observer que la tentation est forte de reconduire les mêmes formations sous une nouvelle dénomination.

3. La mise en œuvre du LMD donne lieu à une concertation renforcée

Au niveau national, la concertation sur la mise en place et l'habilitation des nouvelles formations s'effectue au sein du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), des comités de suivi et lors de rencontres au niveau ministériel avec les organisations étudiantes représentatives.

Les comités de suivi ont été créés par un arrêté du 23 avril 2002 pour les licences, et un arrêté du 25 avril pour les masters. Ils sont composés d'un représentant de chacune des organisations membres du CNESER, de représentants des établissements et des secteurs de formation et de personnalités qualifiées.

Leur mission consiste à examiner les questions posées par le déploiement des nouvelles formations dans le cadre d'un schéma LMD cohérent au niveau national mais respectueux des politiques d'établissement.

Ils adressent des recommandations aux universités qui portent sur l'enregistrement des diplômes et titres qui seront délivrés par l'Etat, sur l'adossement à la recherche des formations conduisant au master et le renforcement du partenariat entre établissements. Mais ces propositions n'ont pas de caractère normatif. Ce sont des pistes de réflexion qui apportent aux établissements des éléments de référence et doivent leur permettre de mieux intégrer le nouveau dispositif et de renforcer leur politique pédagogique et scientifique.

La concertation se déroule également au niveau de chaque établissement, avec un rôle nouveau pour le Conseil des études et de la vie universitaire (CEVU), qui est le conseil de l'université dans lequel les étudiants sont le plus représentés.

Enfin au niveau de chaque formation doit se mettre en place une évaluation obligatoire des formations et des enseignements associant les étudiants.

4. Le dispositif LMD est applicable aux grandes écoles et aux écoles de commerce

Dès l'origine le LMD avait vocation à bénéficier aux écoles d'ingénieurs ainsi qu'aux écoles de commerce et de gestion. Il a néanmoins fallu procéder à certains aménagements. Les diplômes des écoles ont été assimilés à des diplômes nationaux, reconnus par l'Etat et seuls susceptibles de conférer les grades universitaires européens. Ces grades universitaires et, notamment, le master ne sont donc plus réservés aux universités.

Ces établissements peuvent donc, en complément de leurs filières traditionnelles conduisant à la délivrance du diplôme d'ingénieur, créer de nouveaux cursus valorisant leurs compétences au niveau master et permettant d'atteindre de nouveaux objectifs.

Un dispositif spécifique d'évaluation périodique de la qualité de ces diplômes a été mis en place par la création de commissions nationales spécialisées dans l'évaluation des masters des écoles d'ingénieur d'un côté et des formations et diplômes de gestion de l'autre.

L'ouverture d'un grade universitaire par des établissements qui ne sont pas des universités constitue un atout indéniable pour les grandes écoles qui, une fois reconnues, pourront se prévaloir des standards universitaires européens.

En 2004, 62 dossiers de demande d'habilitation ont été déposés par des écoles d'ingénieurs et la commission en a retenu 32. Pour ce qui est des écoles de commerce et de gestion, 33 d'entre elles ont reçu en 2004 un avis favorable de la commission d'évaluation.

La perspective pour les écoles de commerce et de gestion et les écoles d'ingénieurs privées, de délivrer le doctorat soulève deux difficultés. Une difficulté politique car les universités sont très attachées à leurs prérogatives relatives à la délivrance du doctorat et peuvent craindre que des écoles de médiocre qualité scientifique en revendiquent la possibilité. Une difficulté juridique car les textes n'autorisent la délivrance du doctorat que par des établissements publics. L'article L 612-7 du code de l'éducation précise que « le titre de docteur est accompagné de la mention de l'université qui l'a délivré ».

La situation pourrait évoluer vers la constitution d'écoles doctorales associant toutes les forces scientifiques disponibles sur un site afin d'accroître la puissance, la visibilité, l'intensité et donc la qualité de leur formation.

5. L'intégration des IUT et des IUP au schéma LMD reste problématique

Le diplôme universitaire de technologie (DUT) et le brevet de technicien supérieur (BTS) sont des diplômes nationaux de l'enseignement supérieur qui attestent d'une qualification professionnelle et sanctionnent un niveau d'études à bac +2. Les IUT ont pris part de manière très significative à la mise en œuvre des licences professionnelles au sein de leurs universités.

Le DUT comme le BTS sont conçus dans un objectif d'insertion professionnelle. Ces diplômes, dont le maintien est nécessaire, prennent en compte d'une part la volonté des étudiants qui souhaitent s'insérer rapidement sur le marché du travail, d'autre part les besoins du monde économique en techniciens supérieurs.

Les IUT assurent, dans les faits, à la fois la préparation à l'insertion professionnelle - environ 40 % des titulaires de DUT entrent dans la vie active - et la préparation à des études plus longues - 60 % des titulaires de DUT poursuivent des études. Ainsi, de longue date, des étudiants titulaires du DUT poursuivent leurs études, que ce soit dans le cadre du 2e cycle universitaire ou dans des écoles d'ingénieurs.

La nouvelle architecture modulaire du cursus licence permet la construction de parcours de formation adaptés à la diversité des projets personnels et professionnels des étudiants, facilitant les réorientations et favorisant l'insertion professionnelle aux divers niveaux.

Cette architecture modulaire du LMD impose un renforcement de l'intégration des cursus développés en IUT dans les offres de formation des universités. Ces dernières devront s'appuyer davantage sur la richesse pédagogique et le savoir-faire des IUT dans le domaine de la professionnalisation de l'enseignement supérieur, comme le prévoit d'ailleurs l'arrêté du 23 avril 2002 relatif aux études universitaires conduisant au grade de licence.

La pluralité des parcours possibles ainsi que l'organisation des passerelles imposent une pleine intégration des IUT à l'offre de formation des universités afin d'assurer la meilleure cohérence possible du cursus licence.

Une réflexion est en cours en vue de faire évoluer le DUT pour renforcer sa double vocation d'insertion professionnelle immédiate d'un côté et de préparation à une poursuite d'étude en licence professionnelle.

S'agissant des instituts universitaires professionnalisés (IUP) créés il y a douze ans, ils constituent au sein de l'enseignement supérieur une formation originale rapprochant enseignements théoriques et stages professionnels.

En 2003, 44 000 étudiants environ étaient inscrits dans la préparation des diplômes de la filière IUP. Ils représentaient le tiers de l'ensemble des inscrits des formations professionnalisées de l'université. L'évolution du dispositif s'est poursuivie de manière régulière et à la rentrée 2003, cinq filières nouvelles ont été ouvertes, ce qui a porté le total à 397.

Pour les universités qui ont basculé dans le LMD, certaines ont fait le choix du maintien d'une structure IUP parallèle non intégrée à l'offre de formation LMD, d'autres ont pris le parti de les intégrer.

Les universités devraient pouvoir offrir aux étudiants engagés dans des formations IUP des parcours de formation professionnalisés jusqu'au niveau master. Ces parcours masters seront organisés en 120 crédits après le grade de licence toujours en étroite liaison avec le monde professionnel.

L'entrée dans ces formations sera possible pour des étudiants d'origines diversifiées par l'aménagement de passerelles aux différents niveaux.

B. LA MOBILITÉ DES ÉTUDIANTS EUROPÉENS SE HEURTE ENCORE À DE NOMBREUSES DIFFICULTÉS

La rapporteure pour avis tient à souligner une difficulté spécifique aux étudiants français qui ne maîtrisent pas suffisamment au minimum une autre langue européenne. Il conviendrait donc de rendre obligatoire dans tous les cursus et dans toutes les filières la poursuite de l'apprentissage d'une langue étrangère.

1. Au niveau européen l'harmonisation du processus est loin d'être achevée

A la rentrée 2004, 70 % des établissements français ont basculé dans le nouveau système. Ce pourcentage place la France en tête, devant l'Italie (67 %), l'Allemagne (65 %), la Grande Bretagne (58 %) et les pays nordiques, puis le Portugal et l'Espagne ainsi que tous les pays nouvellement adhérents au dispositif européen.

Si la structure des diplômes en trois niveaux est assez largement répandue, au-delà des spécificités terminologiques propres à chaque pays, se pose avec acuité la question des contenus des modules de formation et de leur valeur académique. Comme le processus de construction de l'espace européen de l'enseignement supérieur vise essentiellement à rendre comparables et compatibles les formes et les contenus des savoirs acquis à l'université, l'application du système de crédits (ECTS) n'a donc pu être mise en place et en œuvre de manière synchrone dans les divers pays concernés. D'une manière générale on constate encore de nombreuses disparités.

La situation la plus en retrait, concernant la mise en place du système européen, est sans doute celle du Royaume Uni.

Au Royaume-Uni, l'architecture des diplômes d'enseignement supérieur est historiquement structurée autour du first degree, ou bachelor of education, équivalent de la licence française, obtenu en trois ou quatre ans, et du master, qui a vocation à permettre à ses titulaires un accès direct au marché au travail. Le master comprend un volume d'enseignements académiques (soit une durée moyenne de deux semestres), assorti d'un volume variable de formation professionnalisante, soit un cursus d'une durée de 12 mois, le plus souvent, et de 16 mois, dans certains cas. Au niveau du 3e cycle, le diplôme de doctorat (Ph. D) est en général obtenu à l'issue d'une période de recherche de 3 ans (comme dans la plupart des pays européens), bien qu'une grande souplesse dans l'organisation des formations doctorales, mises en œuvre au niveau de chaque université, demeure la règle.

La plus récente des réformes de l'enseignement supérieur, la loi-cadre sur le financement des universités, adoptée le 24 juin 2004, ne fait aucune référence au processus dit de « La Sorbonne-Bologne-Prague » ni à la promotion de la mobilité étudiante au niveau européen.

Dans le domaine des formations supérieures de premier cycle, les innovations en matière de diplômes professionnels entre 2001 et 2004 ont porté sur la création de diplômes supérieurs professionnalisés préparés en deux ans après la fin des études secondaires. Ces diplômes, sont des équivalents du BTS français et restent très éloignés de l'architecture commune des diplômes d'enseignement supérieur définie lors des Conférences de la Sorbonne et de Bologne en 1998-1999.

Au niveau des formations supérieures de second cycle (ou postgraduate), il n'existe pas à l'heure actuelle de projet de réforme relatif aux diplômes post-licence, et la plupart des diplômes de niveau master continueront à l'avenir à être préparés en un an. Les universités britanniques restent attachées à cette structure qui convient à leur politique en matière d'attractivité vis-à-vis des étudiants étrangers (ces masters de type court ont contribué à développer largement depuis dix ans le nombre d'étudiants étrangers accueillis en second cycle, et notamment le contingent issu de Chine et d'Asie du Sud-Est, estimé à 40 000 étudiants).

Les autorités britanniques restent fortement hostiles à l'idée d'un système d'accréditation européen. Le Royaume-Uni apparaît, parmi les vingt-cinq Etats membres de l'Union, comme le pays le plus attaché à une culture de diplômes d'établissements (par opposition à une culture de diplômes nationaux que défendent, au niveau européen, la France, l'Espagne ou l'Italie).

Les directives de l'Union Européenne mentionnent que le supplément au diplôme doit être mis en place en 2005. Toutefois, aucune université britannique n'a commencé à mettre en œuvre ce dispositif en 2004. Son coût inquiète la plupart des établissements, qui délivrent déjà, dans le cadre de leur communication, des « programme files », documents plus complets et remplissant un rôle analogue.

En matière de système européen de transferts de crédits (ECTS), les universités britanniques ont tendance à considérer que l'interprétation qui en est faite par les autres pays européens (en France avec le LMD, par exemple) tend à figer les qualifications dans une durée stricte (celle-ci est généralement plus courte au Royaume-Uni). Les Britanniques ne veulent pas que la durée d'obtention d'un diplôme soit la norme d'évaluation de qualité. Ils préfèrent que l'on s'attache davantage à ce qu'est capable de faire l'étudiant diplômé au sortir de son parcours de formation.

2. Les bourses et les aides sont trop faibles

ERASMUS est le volet « enseignement supérieur » du programme Socrates II en matière d'éducation en Europe, pour la période 2000-2006.

Ce programme encadre et soutient financièrement la mobilité des étudiants et des enseignants (une semaine au minimum pour ces derniers) de l'enseignement supérieur.

Les étudiants qui ont achevé leur première année d'études universitaires dans un établissement public ou privé délivrant un diplôme national de l'enseignement supérieur peuvent participer au système d'échanges. Ils doivent être citoyens de l'un des pays éligibles (soit à ce jour, les vingt-cinq Etats membres de l'UE, les trois de l'AELE - Islande, Liechtenstein, Norvège -, mais aussi la Bulgarie et la Roumanie, sans oublier la Turquie avec laquelle de premiers échanges Erasmus seront noués à titre expérimental en 2004-2005).

Avec ERASMUS, les étudiants peuvent effectuer une partie de leurs études dans un autre établissement européen, pendant 3 mois au minimum ou 1 an au maximum. Les études ainsi effectuées hors de France, sans que des droits d'inscription supplémentaires soient exigés par l'université partenaire, sont reconnues et prises en compte, pour l'obtention du diplôme en France, par l'université d'origine, notamment grâce au système « ECTS » (crédits d'unités capitalisables et transférables) et au contrat d'études qu'un étudiant Erasmus signe avant son départ avec les deux universités concernées.

Depuis 1987, un million d'étudiants ont bénéficié de cette mobilité. Le Plan d'action pour la mobilité, élaboré à l'initiative de la présidence française de l'Union européenne et adopté par le Conseil des chefs d'Etat et de gouvernement réunis à Nice en Décembre 2000, a fixé comme objectif de passer de 5 % à 10 % d'étudiants européens dits « mobiles » grâce à un ensemble de mesures réglementaires, fiscales, juridiques et statutaires, qui devraient être progressivement mises en œuvre par les Etats membres.

Pour sa part, en 2002-2003, la France comptait, près de 20 000 étudiants partis dans une université européenne et avait accueilli près de 19 000 étudiants ERASMUS.

Une bourse communautaire peut être attribuée à un étudiant ERASMUS, au titre d'une contribution aux coûts supplémentaires induits par la période d'études effectuée à l'étranger. Cette bourse, conçue comme une aide incitative, ne couvre jamais l'intégralité des frais engagés. Un étudiant qui a été sélectionné par son établissement pour participer à ERASMUS peut solliciter une bourse complémentaire soit auprès de son université, soit auprès des collectivités territoriales. Un quota de bourses communautaires est attribué par pays et par filière d'études.

Le dispositif des bourses de mobilité renforce le système d'aides depuis la rentrée universitaire 2001. Ces bourses ont été créées pour les étudiants boursiers sur critères sociaux de premier et second cycle, ou bénéficiaires d'une allocation d'études, afin de les aider à effectuer un séjour de formation en Europe.

Un contingent de 4 000 bourses a été attribué en 2002 à 134 établissements d'enseignement supérieur, universités, instituts et écoles. Ces bourses représentent une aide mensuelle de 389 euros que l'étudiant cumule avec sa bourse sur critères sociaux, à laquelle peut s'ajouter éventuellement une bourse ERASMUS ou une aide d'une collectivité territoriale.

Depuis la rentrée universitaire 2002, les bourses de mobilité sont gérées directement par les établissements d'enseignement supérieur et intégrées dans les contrats quadriennaux. Cette démarche permet aux établissements d'élaborer une politique de mobilité pluriannuelle en incitant les étudiants à effectuer en plus grand nombre un parcours de formation européen ou extra- continental.

3. La France est faiblement attractive pour les bons étudiants étrangers

M. Didier Truchet, professeur de droit à Paris II, a fait observer à la rapporteure pour avis que les universités françaises attirent peu de très bons étudiants étrangers. Cela résulte tout d'abord de la faible notoriété et de la faible attractivité des universités françaises comparées, notamment, aux universités américaines et de leur refus de dispenser certaines formations en anglais. A quoi s'ajoutent les mauvaises conditions d'accueil en matière de logement, de restauration, d'accès aux bibliothèques.

C. L'ESPACE EUROPÉEN : LEVIER DE LA RÉFORME DES UNIVERSITÉS ?

1. Les étudiants doivent être mieux accompagnés dans leur nouveau cursus

A la multiplication des formations liées à la professionnalisation, s'ajoute l'ouverture de plus en plus large de l'éventail d'autres formations universitaires. Cette diversité tient en premier lieu à l'émergence de champs disciplinaires nouveaux tels que les formations STAPS (sciences et techniques des activités physiques et sportives) ou AES (administration économique et sociale). Parallèlement, la création des DEUST a répondu à la nécessité d'accueillir à l'université un flux croissant de bacheliers technologiques ou professionnels. La diversification et la spécialisation des cursus ont enfin pour corollaire un accroissement sans précédent de l'offre de formation : plus de 10 000 formations différentes sont aujourd'hui habilitées dans les universités, sans compter les quelque 610 départements d'IUT.

Cet ensemble déjà très disparate risque d'être encore compliqué, au moins dans les prochaines années, par les nouvelles offres de formation consécutives à la mise en place du système LMD.

Cette diversité est sans doute souhaitable, dans la mesure où elle permet d'offrir des parcours de formation continus et adaptés aux souhaits individuels, comme aux besoins de la société. Elle rend cependant le système universitaire peu lisible. Dans le domaine des filières professionnalisantes, l'articulation entre les instituts universitaires professionnels (IUP), les maîtrises spécialisées (MST, MIAGE, etc.) et les licences professionnelles, ainsi que les finalités et les débouchés de ces différentes formations ne sont pas simples à comprendre. Les diplômes d'établissements, qui correspondent à des formations spécialisées, propres à chaque université, se multiplient et viennent se superposer aux diplômes nationaux, parfois même les concurrencer, comme c'est le cas pour certains magistères. L'aménagement de passerelles entre les différents niveaux de formation, ainsi que la coexistence de diplômes universitaires classiques et de diplômes qualifiant permettant une sortie vers le monde professionnel (mais n'empêchant pas les poursuites d'études au niveau supérieur) conduisent enfin à des parcours de plus en plus complexes et favorisent les cursus atypiques. Dans ce contexte, l'information et l'orientation préalable des étudiants deviennent des enjeux essentiels, qui ne sont, pour l'instant, que très insuffisamment pris en compte par les établissements.

La rapporteure pour avis a rencontré les représentants de tous les syndicats étudiants. Ils sont unanimes pour considérer que la mise en place du dispositif LMD exige, pour réussir, un accompagnement et un suivi pédagogique des étudiants qui font encore cruellement défaut. Un véritable tutorat pour guider les étudiants en début de licence dans la conduite de leur cursus et favoriser le travail en petit groupe est plus que jamais nécessaire.

Une information tout au long du déroulement des cursus devrait éclairer les étudiants sur le développement de leur projet et les paliers de sélection auxquels ils doivent s'attendre.

La rapporteure pour avis regrette que des moyens spécifiques ne soient pas prévus dans le projet de budget pour cet accompagnement.

Dans le même ordre d'idée, il serait souhaitable de porter à la connaissance des étudiants à chaque étape d'orientation, des statistiques sur l'intégration professionnelle correspondant au diplôme préparé.

Se pose alors la question des ressources nouvelles pour les universités. Faut-il par exemple augmenter les droits d'inscriptions ? L'organisation européenne des études supérieures a rendu indispensable l'adaptation des doits d'inscription. Un arrêté du 7 août 2004 a harmonisé les droits des filières professionnelles jusqu'ici plus élevés (ils s'élevaient à 278 euros en IUP, MIAGE, MST et DESS) et ceux des filières générales et augmenté l'ensemble de 4 %. Seule une distinction entre les niveaux d'étude demeure. Ces droits s'élèvent désormais à 150 euros pour la licence (+ 9 euros), 190 pour le master (+ 49 euros) et jusqu'à 290 euros pour un doctorat, ils pourront être acquittés par semestre et les étudiants boursiers en seront dispensés dès leur inscription. Le système harmonisé et progressif s'applique également aux études de santé.

Cette réforme entraîne une diminution sensible des ressources pour certaines universités et un très faible effort supplémentaire pour les étudiants des filières générales. Cependant une hausse plus importante des droits d'inscription n'est pas envisageable car contraire à la tradition française et européenne.

Tel n'est pas le cas aux Etat-Unis où une année dans une université privée de premier cycle coûte en moyenne 27 516 dollars, selon une étude du College board. Ces coûts prennent en compte l'inscription, le logement mais pas les livres ni les fournitures (environ 870 dollars). Les frais sont moins élevés dans les universités d'Etat, où ils ont néanmoins augmenté de 7,8 % pour atteindre 11 354 dollars en 2003-2004. Il faut toutefois précisé que la moitié environ des étudiants américains bénéficie de différentes formes d'aides ou de prêts qui permettent de ramener le coût d'une année d'étude à 1 800 dollars dans une université d'Etat et à 10 700 dollars dans une université privée.

La faible participation des entreprises au financement des universités françaises est en revanche un problème qui nécessite une réflexion approfondie et une évolution vers leur plus grande implication. Les entreprises doivent y trouver un intérêt car l'innovation et la recherche se concentrent essentiellement à l'université.

2. L'évaluation est un impératif

Plus le système se diversifie, plus l'offre de formation se modifie et se développe sous l'impulsion de la création de l'espace européen, plus les universités vont évoluer vers l'autonomie et plus l'évaluation devient un impératif de qualité et de performance.

Or l'évaluation est aujourd'hui absente, s'agissant de celle des professeurs, de celle des enseignements et de celle des cursus.

Il faut impérativement développer l'évaluation des politiques pédagogiques, scientifiques et institutionnelles des établissements d'enseignement supérieur. Cette évaluation devrait permettre de vérifier la qualité et la pertinence des formations mais aussi la réalité de l'articulation entre l'enseignement et la recherche garantissant ainsi la valeur des diplômes et leur reconnaissance internationale.

Cet impératif d'évaluation s'inscrit dans la perspective européenne puisqu'il existe, au niveau de la Commission la volonté d'établir un système commun de référence à l'échelle de l'Union européenne afin de rapprocher les méthodes, d'harmoniser les procédures d'expertise et de comparer les résultats.

*

A l'évidence, la construction de l'espace européen constitue une chance pour l'enseignement supérieur français. La dimension de plus en plus internationale de la recherche scientifique, la nécessaire émulation entre les établissements par-delà les frontières et la valorisation des diplômes sur le marché européen constituent autant de données déterminantes pour l'évolution de l'enseignement supérieur, dont le gouvernement s'est emparé. La mise en œuvre d'un espace européen d'enseignement supérieur nécessite toutefois de modifier profondément l'architecture du système français de formation. En effet, les principes sur lesquels celui-ci est bâti, sont éloignés de ceux qui ont été fixés à l'échelle européenne.

Cette nécessaire adaptation ne pourra qu'être salutaire et contribuer à apporter au plus grand nombre d'étudiants un niveau de connaissance et de qualification élevé, à renforcer l'égalité des chances dans le bon déroulement des études et à inscrire la recherche française dans une dimension internationale.

Ces perspectives nécessitent la mobilisation et la volonté d'aboutir de tous les acteurs concernés, Etat, collectivités territoriales, enseignants et étudiants mais aussi les entreprises et au-delà toute la collectivité nationale qui s'est trop longtemps désintéressée du sort de ses universités.

Le projet de budget pour 2005 est le meilleur possible dans un environnement budgétaire contraint et alors que l'approfondissement du processus LMD, l'évaluation, la contractualisation et le renforcement de la qualité des sites universitaires sont encore à mi-chemin.

Mais il est incontestable que le pays doit revoir ses priorités financières en matière d'éducation et que le monde économique doit s'impliquer davantage dans le financement de l'enseignement supérieur dont la qualité est le premier gage de compétitivité économique et sociale.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a examiné pour avis, sur le rapport de Mme Corinne Marchal-Tarnus, les crédits de l'enseignement supérieur pour 2005 au cours de sa séance du mardi 2 novembre 2004.

Un débat a suivi l'exposé de la rapporteure pour avis.

Le président Jean-Michel Dubernard a félicité la rapporteure pour avis, d'avoir développé un aspect précis du budget permettant de déboucher sur un débat intéressant en commission. Il conviendrait d'ailleurs à l'avenir que les rapporteurs pour avis centrent davantage leur intervention sur cette partie thématique, plutôt que sur la partie budgétaire, redondante avec le rapport spécial de la commission des finances.

Mme Martine David a nuancé l'optimisme de la rapporteure pour avis : l'augmentation du budget de l'enseignement supérieur est toute relative puisqu'elle n'est que de 1,6 % en tenant compte de l'inflation. Il s'agit donc d'un budget peu ambitieux qui mérite d'être critiqué au moins sur quatre points. Concernant l'aide sociale apportée aux étudiants, l'augmentation de 1,5 % des bourses est inférieure à l'inflation, alors que les frais d'inscription ont été augmentés de 4 % ; c'est donc une perte sèche de pouvoir d'achat pour les étudiants. Les départs en retraite de l'enseignement supérieur ne semblent pas avoir été anticipés, ni même simplement prévus ; les universités ne pourront faire face à ces départs l'an prochain, d'autant que la perte de ces personnels est tout aussi qualitative que quantitative. Par ailleurs, où en est-on de l'autonomie des universités ? Si ce sujet a été largement abordé au début de la législature par le prédécesseur de M. François Fillon, de manière sans doute un peu imprudente, il semble que le projet soit aujourd'hui au point mort, du fait notamment des réticences des organisations syndicales étudiantes. Quelles sont les intentions du gouvernement en la matière ? Enfin, la situation des étudiants salariés est préoccupante. Le statut des maîtres d'internat et surveillants d'externats (MISE) a été remplacé par celui d'assistant d'éducation, beaucoup moins intéressant pour les étudiants, tant financièrement qu'en termes de flexibilité des horaires. Un certain nombre d'étudiants se retrouve donc dans une situation sociale et financière critique.

M. Michel Herbillon a souligné l'intérêt de l'analyse thématique de la rapporteure pour avis portant sur le nouveau système de diplômes LMD. Effectivement, cette réforme est une chance de rénovation pour les universités françaises car le constat général est inquiétant. Il est donc aujourd'hui nécessaire de réformer le système sans attendre davantage, car ces questions font l'objet de débats anciens, jamais tranchés, la tendance des gouvernements étant toujours d'éviter d'aborder les questions sensibles. Or, dans le cas de l'enseignement supérieur, la feuille de route est fournie : il s'agit de refonder les liens entre les universités, la recherche et le monde de l'entreprise, de rénover les locaux, de mieux accueillir les étudiants étrangers, de permettre à tous les étudiants de disposer de meilleures conditions de vie - sur ces deux derniers points, nos insuffisances sont criantes par rapport aux autres pays européens, sans même parler des universités américaines -, mais aussi de s'attaquer à la question des bourses et des logements étudiants et d'aborder enfin de front la question de l'autonomie des universités. Ce dernier point est fondamental pour l'avenir de l'enseignement supérieur et conforme aux souhaits de la Conférence des présidents d'université ; il va de pair avec le développement de l'évaluation, préconisé par la rapporteure pour avis.

Il faudra effectivement modifier l'architecture du système français pour construire un système européen de recherche et d'enseignement. Si la mise en place du système LMD se passe relativement mieux en France que dans les autres pays de l'Union européenne, le classement mondial actuel de nos universités est peu flatteur. Le rapport en cours de rédaction sur ce sujet, au sein de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, est édifiant. Ainsi, la mise en place du processus de Bologne est une véritable chance pour l'université française si l'on sait affronter les véritables réformes. Il devrait d'ailleurs y avoir un réel consensus politique sur l'importance d'un enseignement supérieur de qualité, élément de notoriété, de puissance et de souveraineté pour un pays, comme l'ont compris nos voisins ainsi que les Etats-Unis.

M. Bernard Perrut a estimé que l'exposé de la rapporteure pour avis était objectif, proche des réalités, et donc sans complaisance. Les avancées de ce budget sont significatives en ce qui concerne l'accompagnement social des étudiants. Des efforts importants ont été réalisés pour les bourses, et les prêts d'honneur, sans oublier la création de l'allocation d'aide d'urgence. Les crédits de réhabilitation des logements étudiants sont également en hausse.

En revanche, trois points semblent plus inquiétants :

- La démocratisation de l'accès à l'enseignement supérieur ne s'est pas accompagnée d'une démocratisation de la réussite universitaire. L'égalité des chances est donc encore théorique, puisqu'un grand nombre de jeunes sortent chaque année de l'université sans diplôme. Il conviendrait de se pencher sur cette question fondamentale pour la démocratisation de l'enseignement supérieur.

- Les filières générales ne sont pas assez performantes, les proportions d'abandon ou de redoublement y étant très élevées. Quelles pistes sont envisageables pour modifier ces résultats ? L'objectif de l'université ne doit pas être seulement d'accueillir les étudiants en première année, mais de leur permettre de sortir de l'université avec un diplôme.

- Un certain nombre d'articles de presse se font l'écho des inquiétudes des régions concernant les retards de paiement de l'Etat dans la mise en œuvre des contrats de plan Etat-régions, dans le domaine de l'enseignement supérieur. Quelle est réellement la situation ?

En réponse aux différents intervenants, Mme Corinne Marchal-Tarnus, rapporteure pour avis, a apporté les précisions suivantes :

- La hausse du budget de l'enseignement supérieur est plus forte que la hausse de l'ensemble du budget de l'Etat pour 2005. C'est donc un point positif. Le nombre d'étudiants a été multiplié par cinq tous les trente ans depuis le début du XXe siècle et les budgets n'ont évidemment jamais pu être augmentés dans les mêmes proportions. Le déficit ne s'est donc pas creusé en un jour. La priorité accordée par le gouvernement au budget de l'enseignement supérieur est tout à fait réelle. Le nombre de bourses va augmenter cette année grâce au relèvement des plafonds de ressources, qui permettra à un plus grand nombre d'étudiants d'y prétendre. Sur les départs en retraite les prévisions de remplacements n'ont pas été communiquées et il est vrai qu'un problème majeur risque de se poser pour les 40 % de chercheurs qui devront être remplacés.

- La question de l'autonomie des universités n'a pas été tranchée par le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

- Les étudiants salariés posent un réel problème à l'institution universitaire, qui n'a pas su adapter son fonctionnement à cette réalité. Aujourd'hui, certains étudiants ne peuvent pas travailler du fait d'horaires de cours inadaptés. Or le travail salarié ne nuit pas aux études s'il est correctement organisé.

- Les différentiels d'années d'études entre pays européens dans le cadre du schéma LMD vont se négocier en nombre d'unités capitalisables selon le nouveau système de crédits européens (ECTS) à la base des nouveaux cursus.

- S'agissant de la question de l'égalité des chances, il est vrai que les filières générales produisent autant de jeunes sans diplôme, parfois après trois ou quatre années d'études, que l'enseignement secondaire, soit 150 000 par an environ. C'est intolérable. Il n'existe à l'heure actuelle aucune cohérence entre les enseignements dispensés dans le supérieur et ceux dispensés dans le secondaire, ce qui perturbe et fragilise certains étudiants durant leurs premières années d'études supérieures, d'autant qu'il n'existe aucun suivi adapté. Ces incohérences expliquent une partie des échecs.

- Enfin, l'augmentation de 18 % des dépenses en capital prévue par le projet de budget 2005 devrait permettre de combler les retards de paiement constatés dans les régions pour l'application des contrats de plan Etat - régions.

Conformément aux conclusions de la rapporteure pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement supérieur pour 2005.

ANNEXE

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

¬SGEN-CFDT : M. Michel Deyme, secrétaire fédéral, Mme Mylène Jacquot, secrétaire nationale, et Mme Odile Ravaux, secrétaire nationale

¬HEC : M. Bernard Ramanantsoa, directeur général

¬FERC-SUP CGT : Mme Martine Farner, secrétaire générale-adjointe, et Mme Martine Hanuche, secrétaire nationale

¬FAGE : M. Sylvain Broussard et M. Guillaume Müller

¬UNEF : M. Yassir Fichtali, président

¬UNI : M. Olivier Vial, délégué national

¬Université Paris II : Mme Dutheil de la Rochère, présidente, et M. Jean-Marie Croissant, chef du service financier

¬Université Paris II : M. Didier Truchet, professeur de droit, chargé de mission scientifique et pédagogique à la direction de l'enseignement supérieur (DES)

¬SNESUP : M. Pierre Duhacourt, secrétaire national et M. Christian Lamouroux

¬Confédération étudiante : Mme Julie Coudry et M. Jean Bernard

¬Promotion et défense des étudiants (PDE) : M. Jérome Mourroux, président, Mme Solenne Le Goaziou et Mme Nathalie Rumolo, administratrices

¬Ecole polytechnique : M. Gabriel de Nomazy, directeur général, M. Marcel Belloc, secrétaire général et M. Bernard Siméon

¬Université Paris VII : M. Benoit Eurin, président, Mme Joëlle Pichaud, conseillère du président pour les questions financières, et M. Jean-Gilles Hoarau, agent comptable

¬Université de Nancy II : M. Hervé Coillan, directeur de l'IUT Charlemagne

¬Pôle universitaire européen de Nancy : M. Michel Lucius, président

¬Lycée Frédéric Chopin de Nancy : M. Luc Kieffer, proviseur

¬IEP de Paris : M. Cédric Prunier, directeur du 1er cycle franco-allemand de Nancy

¬Lycée technique Henri Loritz de Nancy : M. Gérard Klein, proviseur

¬Institut national polytechnique de Lorraine : M. Louis Schuffenecker, président

N° 1864 - 09 - Rapport sur le projet de loi de finances pour 2005 - éducation nationale, enseignement supérieur et recherche : enseignement supérieur (rapporteure : Mme Corinne Marchal-Tarnus)

1 () Licence, master, doctorat.

2 () Rapport de Philippe Aghion et Elie Cohen.

3 () La dépense d'éducation pour l'enseignement supérieur comprend l'ensemble des dépenses pour les établissements publics et privés d'enseignement, les salaires des enseignants-chercheurs et les activités annexes : œuvres universitaires, bibliothèques universitaires, administration, fournitures.

Elle ne comprend pas les activités de formation continue ni de recherche des universités.

4 () Institut technologique du Massachusetts


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