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N° 1864

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 octobre 2004.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2005 (n° 1800)

TOME III

EMPLOI, TRAVAIL et COHÉSION SOCIALE

FORMATION PROFESSIONNELLE

Par M. Christian PAUL,

Député.

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Voir le numéro : 1863 (annexe n° 5).

INTRODUCTION 5

I.- UN BUDGET INADAPTÉ AUX ENJEUX DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET AUX BESOINS SOCIAUX 7

A. LA BAISSE CONFIRMÉE DE LA PARTICIPATION DE L'ÉTAT AU FINANCEMENT DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE : À TERME, UNE MENACE POUR LA COHÉSION SOCIALE ? 8

1. La réforme de la taxe d'apprentissage financée par les régions ? 8

a) La diminution de la dotation de décentralisation en contrepartie de l'augmentation de la taxe d'apprentissage 8

b) Une aubaine pour les grandes entreprises ? 10

c) Quels effets à long terme sur l'enseignement professionnel, les salaires, l'emploi ? 11

2. La réforme de l'alternance : un budget qui n'est pas à la hauteur des ambitions affichées 11

a) Une forme de « recyclage » plus que des mesures réellement nouvelles 11

b) Le contrat de professionnalisation : un calcul des exonérations reposant sur des bases fragiles 13

c) Une diminution globale des crédits du chapitre consacré au financement de la formation professionnelle 13

3. Quelle utilisation de la formation professionnelle pour lutter contre le chômage et promouvoir l'insertion des jeunes ? 14

a) Des incertitudes sur la pérennité des engagements de l'Etat pour financer le programme de relance de l'accompagnement des jeunes dans le cadre du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale 14

b) Quel droit à la formation « différée » pour offrir une deuxième chance à tous ? 16

c) La validation des acquis de l'expérience : l'insuffisance des crédits 17

B. LES PERSPECTIVES BUDGÉTAIRES DANS LE CONTEXTE DE LA DÉCENTRALISATION : DES RÉGIONS ÉTRANGLÉES, TROP D'INCERTITUDES SUR L'AVENIR DE L'AFPA 17

1. Les effets incertains de la réforme de la décentralisation : de nombreuses questions encore sans réponses 17

a) La théorie : la loi du 13 août 2004 parachèverait le processus de décentralisation de la formation professionnelle, dans le respect du principe constitutionnel de compensation financière des compétences transférées 18

b) La pratique : la loi du 13 août 2004 ne reçoit aucune traduction budgétaire dans le projet de loi de finances pour 2005 19

2. Un thème récurrent et préoccupant : l'AFPA service public soumis aux règles du marché ? 20

a) Les incertitudes pesant sur la nature des compétences effectivement transférées et sur l'avenir de la gestion du patrimoine de l'AFPA 21

b) Les incertitudes relatives à la mise en concurrence de l'AFPA avec les opérateurs privés présents sur le marché 23

II.- UN OBJECTIF PRIORITAIRE : RÉFORMER LE SYSTÈME DE FINANCEMENT PRIVÉ DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET ASSURER SA TRANSPARENCE 27

A. L'ÉTAT DES LIEUX : UN PAYSAGE ÉVOLUTIF ET MORCELÉ 27

1. Les mutations contemporaines du système de formation professionnelle français 28

a) L'importance du financement par les entreprises dans le système de formation professionnelle français 28

b) La complexité des processus de mutualisation 30

2. La question spécifique du financement de l'apprentissage 31

a) Un système marqué par la complexité, l'opacité et les disparités 31

b) La réforme du financement de l'apprentissage en 2002 : une réforme indispensable mais encore très insuffisante 32

B. DES PROPOSITIONS POUR ASSURER L'ADÉQUATION ENTRE LE FINANCEMENT ET LES BESOINS DE FORMATION 32

1. Accompagner la mise en œuvre du droit à la formation tel qu'il est prévu par la loi du 4 mai 2004 32

a) La délicate question du financement du droit individuel à la formation (DIF) dans les entreprises 33

b) Un certain nombre d'autres questions encore en suspens 33

2. Parfaire l'entreprise de simplification et de rationalisation du système de financement privé 33

a) Simplifier et rendre plus transparent le financement privé de la formation professionnelle 34

b) Aller au-delà de la réforme du système de financement de l'apprentissage en 2004 35

3. Assurer l'efficacité réelle du financement privé de formation professionnelle ainsi qu'une véritable « sécurité sociale professionnelle » 36

a) Prendre comme point de départ les besoins sociaux et démographiques pour évaluer les politiques 36

b) Réduire les inégalités territoriales, sociales et sectorielles 37

TRAVAUX DE LA COMMISSION 39

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 41

INTRODUCTION

Le budget de la formation professionnelle affiche cette année une diminution de 3,06 %. Véritable paradoxe, à l'heure où la formation professionnelle est considérée de toutes parts comme une priorité et fait l'objet des « réformes » portées par le gouvernement, de la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social au projet de loi de programmation pour la cohésion sociale en passant par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

A moins que le paradoxe ne soit qu'apparent et que la diminution quantitative soit, peu ou prou, compensée par les avancées qualitatives réalisées en la matière. Il est vrai que la transcription dans la loi du 4 mai 2004 d'un certain nombre de mesures contenues dans l'accord interprofessionnel du 5 décembre 2003, tel le droit individuel à la formation, a été saluée par beaucoup. De même, la poursuite du mouvement de décentralisation engagé en 1983 pourrait paraître conforter une certaine continuité. Enfin, la philosophie du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale et, surtout, son objectif final - la lutte contre le chômage - peuvent faire consensus.

Mais un examen plus attentif des dispositions de ces différents textes ainsi que de leur traduction budgétaire telle qu'elle figure dans le présent projet de loi de finances déçoit. Sans entrer de manière détaillée dans l'étude des crédits, force est de constater que la diminution de ceux-ci, par-delà les effets de « modifications de périmètre », est bien réelle. Elle s'accompagne en outre moins de la mise en place d'instruments efficaces au service du développement de la formation professionnelle et, partant, de l'emploi, que d'incertitudes affectant tant la pérennisation de dispositifs existants que la création de nouveaux outils, dans le contexte mouvant de la décentralisation.

Est-ce à dire que le financement public de la formation professionnelle - voire l'action publique en la matière - soit, en l'espace de quelques années, voire de quelques mois, devenu vain ? Le rapporteur pour avis ne partage pas cette vision pessimiste des choses. En s'interrogeant, dans un deuxième temps, de manière certes un peu iconoclaste, sur le financement privé de la formation professionnelle et son développement, on peut montrer en effet combien il est encore possible aujourd'hui, au plan budgétaire en particulier, mais législatif aussi en général, d'accompagner ces changements, au service de la simplification et de la transparence, de façon à garantir l'adéquation entre le financement et les besoins de formation. Manière d'assurer, aux plans tant public que privé, un pilotage efficace du système, tout en assortissant celui-ci des garde-fous nécessaires. Tel est aussi l'un des enjeux fondamentaux du développement de la formation professionnelle et de l'emploi pour les années à venir.

L'article 49 de la loi organique du 1er août 2001 fixe une date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires : au plus tard huit jours francs à compter du dépôt du projet de loi de finances, soit le 9 octobre 2004. A cette date, 86  % des réponses étaient parvenues au rapporteur pour avis.

I.- UN BUDGET INADAPTÉ AUX ENJEUX DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET AUX BESOINS SOCIAUX

L'évolution générale des moyens affectés à la formation professionnelle dans le projet de loi de finances pour 2005 est négative (- 3,06 % entre la loi de finances initiale pour 2004 et le projet de loi de finances pour 2005).

Il convient, afin de procéder à une analyse plus affinée de ce premier constat - qui, en soi, est un objet de préoccupation -, d'examiner plus avant l'évolution des différents chapitres budgétaires constituant la dépense de formation professionnelle de l'Etat (1), telle qu'elle résulte du tableau suivant.

(en millions d'euros)

Titres/Chapitres/Articles

LFI 2002

Exécution 2002

LFI 2003

Exécution 2003

LFI 2004

PLF 2005

39-02 : Programme « accompagne-ment des mutations économiques, sociales et démographiques » - Expérimentation en régions Champagne-Ardennes et Franche- Comté (nouveau)

3,89

43-06 : Dotation de décentralisation : formation professionnelle, apprentissage et insertion profession-nelle des jeunes

1 307,23

1 307,23

1 389,43

1 388,48

1 862,40

2 052,50

43-70 : Financement de la formation professionnelle

2 586,73

2 243,72

2 542,08

2 351,90

2 042,32

1 801,73

43-71 : Formation professionnelle des adultes

710,51

728,48

722,73

723,83

721,38

720,28

44-70 : Dispositifs d'insertion des publics en difficultés

489,62

484,40

450,13

437,11

297,84

224,61

44-80 : Expérimentation région Centre

6,35

4,35

6,35

0

Dotations en capital (crédits de paiement)

64,99

61,13

46,98

60,46

72,64

46,93

Total du budget de la formation professionnelle

5 159,08

4 824,96

5 157,70

4 966,13

5 002,93

4 849,93

Source : annexe « jaune » au projet de loi de finances pour 2005 consacrée à la formation professionnelle.

Il importe d'analyser ces évolutions en distinguant entre les dépenses de l'Etat et celles des régions et de l'agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA).

A. LA BAISSE CONFIRMÉE DE LA PARTICIPATION DE L'ÉTAT AU FINANCEMENT DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE : À TERME, UNE MENACE POUR LA COHÉSION SOCIALE ?

Trois thèmes principaux président à l'évolution de la dépense de formation professionnelle de l'Etat dans le projet de loi de finances pour 2005 : l'évolution de la dotation de décentralisation ; la réforme de l'alternance ; le développement des politiques d'insertion professionnelle, en particulier à l'égard des jeunes.

1. La réforme de la taxe d'apprentissage financée par les régions ?

La dotation de décentralisation figurant aux articles 10 et 20 du chapitre 43-06 est en diminution : moyen de retirer aux régions ce qu'elles sont supposées retrouver dans la création d'une contribution au développement de l'apprentissage. Sans doute existe-t-il par ailleurs un certain nombre de mesures positives affectant l'évolution des crédits de ce même chapitre, mais celles-ci sont, le plus souvent, liées à des engagements préexistants au présent projet de loi de finances (2).

a) La diminution de la dotation de décentralisation en contrepartie de l'augmentation de la taxe d'apprentissage

L'article 20 du projet de loi de finances pour 2005 crée dans le code général des impôts un nouvel article 1599 quinquies A instituant une taxe additionnelle à la taxe d'apprentissage, appelée « contribution au développement de l'apprentissage », dont le taux est fixé à 0,06 % pour les rémunérations versées en 2004, 0,12 % pour celles versées en 2005 et sera de 0,18 % pour les rémunérations versées à compter du 1er janvier 2006.

L'article 1599 quinquies A nouveau précise que cette contribution est reversée aux fonds régionaux de l'apprentissage et de la formation professionnelle continue mentionnés à l'article L. 4332-1 du code général des collectivités territoriales. Or cet article fait lui-même l'objet d'une modification par le même article 20 du projet de loi de finances. L'article L. 4332-1 prévoit en effet que les charges en matière de formation professionnelle et d'apprentissage sont compensées en application de la législation de droit commun en matière de compensation financière des transferts de compétences. A cette fin, il existe dans chaque région un fonds régional de l'apprentissage et de la formation professionnelle continue, alimenté chaque année, notamment, par « les crédits transférés par l'Etat au titre de la formation professionnelle continue et de l'apprentissage ».

L'article 20 du projet de loi de finances modifie cet article L. 4332-1 d'une double manière :

- tirant les conséquences de la création de la nouvelle contribution au développement de l'apprentissage, il ajoute à la liste des ressources du fonds régional le produit de cette nouvelle contribution, étant entendu que chaque région se voit attribuer une part de l'ensemble d'abord recueilli au niveau national : cette part est calculée au prorata de la part de la dotation reçue en 2004 et supprimée partiellement par le même article ;

- c'est qu'en effet, conséquence de la création de cette contribution nouvelle, l'article 20 supprime une part de la dotation constituée par « les crédits transférés par l'Etat au titre de la formation professionnelle continue et de l'apprentissage ». Cet article introduit dans l'article L. 4332-1 la précision selon laquelle les crédits de cette dotation sont « diminués en 2005, 2006 et à compter de 2007 d'un montant de respectivement 197,92 millions d'euros (3), 395,84 millions d'euros et 593,76 millions d'euros, en valeur 2005 et à indexer chaque année selon le taux d'évolution de la dotation globale de fonctionnement ». A l'augmentation progressive sur trois années de la contribution au développement de l'apprentissage correspond donc une diminution, elle aussi progressive et sur trois années, de la dotation budgétaire de l'article L. 4332-1.

Globalement, cette opération constitue donc une substitution, ainsi que le précise expressément l'exposé des motifs de l'article 20 du projet de loi de finances : il s'agit de « conférer aux régions, en lieu et place des deux dotations budgétaires correspondantes, une ressource propre (...) ». Toute la question est de savoir dans quelle mesure, dans les faits, les régions ne pâtiront pas de cette mesure annoncée comme équitable. On apprécie mal encore, par exemple, les effets de la substitution d'une ressource qui dépend du niveau de la masse salariale, la nouvelle contribution au développement de l'apprentissage, à une autre, la dotation de décentralisation, dont la diminution sera indexée chaque année sur le taux d'évolution de la dotation globale de fonctionnement.

b) Une aubaine pour les grandes entreprises ?

On peut en effet s'interroger sur les raisons qui ont motivé cette présentation assez complexe. Pourquoi n'avoir pas affecté directement à l'Etat la nouvelle contribution au développement de l'apprentissage, sans passer par la diminution du montant de la dotation de décentralisation ? Les choses auraient été plus simples, mais il est vrai également que la présentation retenue a le mérite d'afficher une diminution du montant des dépenses de l'Etat.

Au surplus, le dispositif est plus global encore et doit être apprécié compte tenu également des éléments suivants :

- une suppression des mécanismes exonératoires de la taxe d'apprentissage, d'une complexité telle qu'ils portent préjudice à la fois aux entreprises et aux administrations en charge du contrôle. C'est ainsi que l'article 14 du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale vise à supprimer les deux exonérations de caractère législatif, liées aux salaires des membres des conseils, des comités, des commissions et des jurys d'apprentissage, ainsi qu'aux dépenses de formation pédagogique des maîtres d'apprentissage. Subsiste toutefois la possibilité pour les entreprises d'imputer les dépenses correspondantes sur la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle. Ces mesures sont estimées à 123 millions d'euros ;

- l'article 15 du même projet institue un crédit d'impôt au bénéfice des entreprises employant des apprentis, fixé à 1 600 euros par apprenti employé, et 2 200 euros lorsque l'apprenti est un jeune sans qualification faisant l'objet, au moment de la signature de son contrat, de l'accompagnement renforcé prévu à l'article L. 322-4-17-1 du code du travail. Le montant total pour l'année 2005 est évalué à 472 millions d'euros.

Pour être complet, il faut encore mentionner la budgétisation de 10 millions d'euros au titre des compensations d'exonérations de charges sociales pour la création d'une filière d'apprentissage dans les fonctions publiques, dans le cadre de la mise en œuvre du programme d'accès aux carrières de la fonction publique territoriale, hospitalière et de l'Etat (Pacte), ainsi que l'économie de 32 millions d'euros réalisée sur les compensations d'exonérations de charges sociales du fait de la suppression de l'exonération pour la période courant entre le moment où l'apprenti a obtenu son diplôme et celui où son contrat d'apprentissage prend fin.

On peut d'ores et déjà observer que le système ainsi présenté comme équilibré (le crédit d'impôt de 472 millions d'euros étant censé compenser les quelque 320 millions que devront acquitter les entreprises au titre de la contribution au développement de l'apprentissage ou de la suppression des exonérations) est en fait subordonné à l'embauche effective d'apprentis : au plan micro-économique, l'entreprise qui ne satisferait pas à ce qui représente bien une forme d'injonction financière paierait le prix fort.

A l'inverse, d'autres entreprises, et notamment les grandes, qui disposent de marges de manœuvre financières importantes, pourraient bénéficier d'« effets d'aubaine » étant donnée l'attractivité du crédit d'impôt - jusqu'à 2 200 euros par apprenti : pour celles-ci, compte tenu des exonérations et des indemnités compensatrices déjà existantes, la rémunération d'un apprenti pourrait tendre vers zéro. D'une certaine manière, le système ainsi établi n'est à l'origine que de nouveaux déséquilibres, déséquilibres économiques qui pourraient aller jusqu'à devenir territoriaux, au détriment des régions dont le tissu économique serait le plus fragile.

c) Quels effets à long terme sur l'enseignement professionnel, les salaires, l'emploi ?

De manière plus prospective, mais non moins fondamentale, force est de constater que les effets à plus long terme de ces mesures sont incertains. Celles-ci contribuent à faire peser sur les régions des charges qui, à terme, mettent en péril l'ensemble d'un système qui va de l'enseignement dans toutes ses composantes, et avant tout professionnelle, à l'emploi et aux salaires en général. Ces questions méritent, au moins, d'être posées.

2. La réforme de l'alternance : un budget qui n'est pas à la hauteur des ambitions affichées

Les crédits du chapitre 43-70 sont en diminution de 12 %. Ce chiffre global ne doit pas occulter l'existence de mesures nouvelles, ou annoncées comme telles, pour financer la réforme de l'alternance, malheureusement compensées par une diminution des crédits de nombreux autres articles du même chapitre.

a) Une forme de « recyclage » plus que des mesures réellement nouvelles

Le contrat de professionnalisation tel qu'il résulte de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 a pour objet de favoriser l'insertion professionnelle des jeunes de 16 à 25 ans révolus et des demandeurs d'emploi de 26 ans et plus. L'employeur assure aux titulaires de ce contrat une formation leur permettant d'acquérir une qualification professionnelle et leur fournit un emploi en relation avec cet objectif, le titulaire du contrat s'engageant à travailler pour le compte de l'employeur et à suivre la formation prévue au contrat.

Les contrats de professionnalisation peuvent être conclus à compter du 1er octobre 2004, cependant que la conclusion d'un contrat de qualification, d'adaptation ou d'orientation - auxquels ils viennent se substituer - ne sera plus permise après le 15 novembre 2004. Il en résulte une période d'un mois et demi pendant laquelle les deux types de contrats pourront être conclus.

Les effectifs des contrats de qualification constatés en 2004 sont inférieurs à ceux qui étaient pris en compte en loi de finances initiale pour 2004, alors que les contrats de professionnalisation, qui apparaissent en 2004, ne se développent véritablement qu'en 2005.

Le tableau suivant retrace les entrées dans les dispositifs de formation telles qu'elles étaient prévues puis constatées (en prévision) pour l'année 2004 et telles qu'elles sont estimées pour l'année 2005. La baisse continue des effectifs entrant dans le dispositif du contrat de qualification peut laisser songeur au regard de l'évolution parallèle des chiffres de l'emploi, en particulier des jeunes.

Entrées dans les dispositifs de formation

Contrats en alternance

Effectifs constatés
en 2002

Effectifs constatés
en 2003

Effectifs prévus en LFI 2004

Effectifs constatés
en 2004 (prévisions)

Projet de loi de finances pour 2005

Evolution PLF 2005/
LFI 2004

Contrats d'apprentissage

227 831

231 100

235 000

235 000

250 000

6,38 %

PACTE (parcours d'accès à la fonction publique)

4 000

Contrats de qualification jeunes

122 902

109 254

125 000

80 000

0

-100 %

Contrats de qualification adultes

8 524

8 676

13 000

8 840

0

-100 %

Contrats de professionnalisation jeunes

40 000

160 000

Contrats de professionnalisation adultes

3 250

20 000

Totaux

359 257

349 030

373 000

367 090

434 000

16,35 %

Source : ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale

On peut par ailleurs d'ores et déjà légitimement mettre en cause la « nouveauté » des mesures en faveur de l'alternance. Début 2004, plus de 380 millions d'euros étaient inscrits, en loi de finances initiale, au bénéfice des contrats de qualification (4). C'est aussi au regard de cette somme qu'il faut considérer les près de 280 millions d'euros inscrits dans le projet de loi de finances pour 2005 au bénéfice des contrats de professionnalisation. Sans même aller jusqu'à parler de diminution des crédits affectés à l'alternance, on peut, à tout le moins, s'interroger sur l'existence d'une forme de « recyclage » des crédits.

b) Le contrat de professionnalisation : un calcul des exonérations reposant sur des bases fragiles

La charge résultant pour l'Etat de la conclusion de ces contrats provient des exonérations de cotisations sociales patronales auxquelles ils donnent droit. En effet, tout employeur, à l'exception de l'Etat, des collectivités locales et de leurs établissements publics administratifs, peut bénéficier de l'exonération de cotisations sociales s'il emploie un jeune âgé de moins de vingt-six ans ou un demandeur d'emploi âgé de quarante-cinq ans et plus. Cette exonération porte sur les cotisations dues au titre des assurances sociales (maladie, maternité, invalidité, vieillesse, décès), des accidents du travail et des maladies professionnelles ainsi que des allocations familiales. L'exonération est totale pour les salariés rémunérés sur la base du SMIC, mais les cotisations sont dues pour la partie du salaire qui serait au-delà. L'exonération n'est cumulable avec aucune autre exonération totale ou partielle de cotisations patronales.

C'est la raison pour laquelle deux mesures nouvelles sont prévues : d'une part, pour le paiement des exonérations des contrats de professionnalisation jeunes, des crédits à hauteur de 240 millions d'euros (article 23), pour une estimation de 160 000 contrats ; d'autre part, pour le paiement des exonérations des contrats de professionnalisation adultes, des crédits à hauteur de 39,2 millions d'euros (article 33), pour une estimation de 20 000 contrats : soit un total de 279,2 millions d'euros. Ce montant résulte du produit de la rémunération moyenne (un pourcentage du SMIC pour les contrats jeunes, le SMIC pour les adultes), du temps de travail, du taux de cotisations patronales et du stock de contrats pris en charge en cours d'année, cette dernière variable étant par hypothèse difficile à apprécier.

Par ailleurs, une dotation subsiste dans le projet de loi de finances pour 2005 aux articles 22 et 31 consacrés aux contrats de qualification de manière à prendre en charge les dépenses dues au titre des entrées des années antérieures.

A l'inverse, les contrats de professionnalisation conclus dès l'année 2004 seront financés par les articles 23 et 33 du chapitre 43-70, qui seront créés en gestion en 2004. Le remboursement des exonérations aux organismes de sécurité sociale se fera par redéploiement, à partir de l'article 22 du chapitre 43-70 consacré à l'exonération des contrats de qualification jeunes.

On mesure ainsi les incertitudes qui pourraient bien affecter les modalités du développement du contrat de professionnalisation.

c) Une diminution globale des crédits du chapitre consacré au financement de la formation professionnelle

Globalement, les crédits du chapitre 43-70 sont en diminution. Sans entrer dans l'analyse de chacun des articles du chapitre, il convient de faire mention de la diminution de 32 % des dépenses de fonctionnement, réduction qui correspondrait tant à des mesures de modification du périmètre qu'à des mesures d'ajustement. En tout état de cause, il faut rappeler l'existence d'une diminution des dépenses de fonctionnement des actions de formation au titre des contrats de plan Etat-régions de 15,2 millions d'euros, des diminutions de 41 millions d'euros au titre des mesures dites « de périmètre » (5) ainsi qu'une baisse des crédits de paiement des dotations en capital de 16 %.

3. Quelle utilisation de la formation professionnelle pour lutter contre le chômage et promouvoir l'insertion des jeunes ?

Le présent développement s'entend d'une acceptation large de la formation professionnelle : l'ensemble des dispositifs d'insertion des publics en difficulté ne font pas systématiquement - et c'est souvent bien dommage - la part belle aux dispositifs de formation. Mais l'insertion et l'accompagnement sont toujours une manière de formation. C'est bien dans ce sens que l'annexe « jaune » laisse fort légitimement place à ces dispositifs dans le projet de budget de la formation professionnelle, en particulier concernant les jeunes (6). Il est d'autant plus regrettable que les moyens ne soient pas à la hauteur des ambitions affichées.

a) Des incertitudes sur la pérennité des engagements de l'Etat pour financer le programme de relance de l'accompagnement des jeunes dans le cadre du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale

Le présent projet de loi de finances et le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale visent, à titre principal, l'accompagnement vers l'emploi des jeunes sans qualification. L'« accompagnement personnalisé » est le maître mot de cette démarche. C'est pour concrétiser ce nouveau droit que sont mis en œuvre des moyens nouveaux au chapitre 44-70 regroupant les dispositifs d'insertion des publics en difficulté. Il s'agit principalement d'une somme de 66 millions d'euros pour les missions locales et les permanences d'accueil, d'information et d'orientation (PAIO), destinée à permettre le recrutement de 2 000 référents et de coordonnateurs - en plus des 800 emplois actuellement financés dans le cadre du programme TRACE -, ainsi que d'une mesure d'un montant de 52 millions d'euros pour le financement de bourses intermédiaires permettant aux jeunes de ne pas subir de perte complète de revenu entre deux périodes de travail, tant que l'accès à l'emploi pérenne n'est pas acquis. On se trouve ici à la limite de la formation professionnelle : ce seul constat montre combien les mesures ainsi envisagées gagneraient à être mieux articulées sur l'accès à l'emploi.

Sans doute une mesure nouvelle de 32 millions d'euros est-elle prévue pour le financement de « plates-formes de vocation », afin d'orienter les jeunes vers les métiers où le potentiel de recrutement est avéré. Le projet de loi pour la cohésion sociale crée également un fonds d'insertion professionnelle des jeunes, doté de 75 millions d'euros, qui sera utilisé par les missions locales et les PAIO au profit des jeunes les plus en difficulté.

Mais dans le même temps, les crédits consacrés aux emplois jeunes continuent à diminuer en passant de 1,590 milliard d'euros à 996 millions d'euros, le projet pour la cohésion sociale prévoyant l'extinction du dispositif de remplacement des jeunes qui quittent leur poste d'emploi jeune avant le terme de la convention, tandis que le dispositif du contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS), dans son volet « emplois d'utilité sociale », est mis en extinction.

Au plan qualitatif, le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale insiste sur l'engagement réciproque du jeune et de son référent, et conçoit un cadre global par la signature d'un contrat annuel ou pluriannuel d'objectifs et de moyens signé entre l'Etat, la région et les organisations syndicales d'employeurs et de salariés. En outre, le projet précise les conditions d'adaptation de la durée et des conditions de renouvellement du CIVIS dans le cadre duquel l'accompagnement personnalisé pourra être organisé.

L'avis rendu sur l'ensemble du projet par le Conseil économique et social dans sa séance du 31 août 2004 est assez éclairant. Si en effet le Conseil approuve l'institution d'un accompagnement renforcé, dans la perspective de l'acquisition d'un emploi durable, il relève un certain nombre de limites du projet.

Il insiste en particulier sur ses insuffisances quantitatives. S'agissant de la poursuite du programme TRACE, il considère que « les moyens mis en place (5000 euros par jeune) et le nombre de jeunes ciblés (100 000, soit en moyenne 1 000 par département) n'apparaissent pas suffisants ». Même constat concernant la création de postes de référents supplémentaires. Le Conseil s'interroge à cet égard sur « la modicité du nombre de personnes destinées, dans une perspective de cohésion sociale, à assurer l'accompagnement de qualité nécessaire à la réussite du dispositif ».

C'est que la critique quantitative se double d'une critique qualitative : l'« expérience professionnelle [des référents] ne se substitue en effet pas à la nécessité d'avoir, conformément à la loi d'orientation de 1998, « une connaissance concrète des situations d'exclusion et de leurs causes ». Aujourd'hui, rares sont les professionnels qui peuvent bénéficier d'une telle formation dans leur cursus, pourtant essentielle à l'efficacité de leur action ». Ou encore, concernant le changement de régime du CIVIS : « le Conseil regrette fortement que le CIVIS, dans cette forme qui répondait à la fois aux aspirations des jeunes et aux besoins des associations et au-delà de la société, ne puisse plus être facilement proposé aux intéressés et fait part de ses plus vives inquiétudes sur l'avenir même de ce dispositif ».

De manière plus générale, il est possible de s'interroger sur la qualité de la gestion de ces dispositifs et de déplorer l'absence d'une véritable mesure à l'égard des publics jeunes en très grande difficulté.

b) Quel droit à la formation « différée » pour offrir une deuxième chance à tous ?

Le ministère présente la dotation de 66 millions d'euros pour le recrutement d'accompagnateurs de jeunes en difficulté, l'institution d'un système de « bourse intermédiaire » ou la création d'un fonds d'insertion des jeunes comme l'émergence de « marges de manœuvre financières pour qu'une « deuxième chance » puisse être donnée à chaque jeune en difficulté » (7). Ce serait là les mesures constitutives d'un droit à la deuxième chance, tel qu'il était annoncé depuis des mois par le président de la République (8) ou le ministre chargé du travail.

Il ne faut pourtant pas se méprendre. La prolongation de dispositifs existants - au premier rang desquels le dispositif TRACE - sous une autre dénomination ne doit pas faire illusion. Le droit à une deuxième chance pour tous n'est toujours pas envisagé. Pourtant, tous les éléments pour une réforme importante existent. Le rapporteur pour avis ne peut que regretter de devoir renvoyer aux développements qu'il avait consacrés à cette question dans son avis budgétaire dans la perspective de la préparation de la loi de finances pour 2003 (9). On pourrait par exemple envisager de développer la contractualisation entre les salariés, jeunes ou moins jeunes, et leur entreprise à cet effet. Il est possible de s'interroger également sur l'opportunité de créer, au niveau de chaque région, une forme d'école supérieure des métiers, dans un cadre interprofessionnel, à l'image du centre national des arts et métiers (CNAM) au niveau national.

Le rapporteur pour avis note qu'en l'absence de réforme, il conviendrait à tout le moins de prendre en considération les dispositifs existants susceptibles de constituer des pistes en vue de ce droit à une deuxième formation. S'agissant des jeunes, on peut ainsi rappeler l'existence du congé jeune travailleur, régi par les dispositions de l'article L. 931-29 du code du travail, qui permet à tout jeune âgé de moins de vingt-cinq ans ne possédant pas de diplôme professionnel de bénéficier, de droit, d'un congé de deux cents heures par an, sa rémunération étant maintenue. Sans doute s'agit-il là d'un public spécifique. Mais ce dispositif trop méconnu devrait être davantage utilisé et pourrait par ailleurs servir de source d'inspiration au développement d'un réel droit à une formation « différée » pour offrir une deuxième chance à tous.

c) La validation des acquis de l'expérience : l'insuffisance des crédits

Outre ces crédits consacrés à l'alternance, il faut mentionner l'existence d'une mesure nouvelle de 9,18 millions d'euros au profit de la validation des acquis de l'expérience (VAE), du programme IRILL (insertion, réinsertion, lutte contre l'illettrisme) et des ateliers de pédagogie personnalisés. Là encore, une certaine déception accueille cette mesure bien insuffisante, et qui de plus ne prend pas en compte les effets de la décentralisation, concernant notamment la validation des acquis.

B. LES PERSPECTIVES BUDGÉTAIRES DANS LE CONTEXTE DE LA DÉCENTRALISATION : DES RÉGIONS ÉTRANGLÉES, TROP D'INCERTITUDES SUR L'AVENIR DE L'AFPA

En cette année de réforme de la décentralisation, l'analyse budgétaire ne peut se limiter aux seuls crédits de l'Etat. Le financement régional de la formation professionnelle est - en théorie au moins - au cœur d'un certain nombre de préoccupations ainsi que, dans ce nouveau contexte, l'avenir de l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA).

1. Les effets incertains de la réforme de la décentralisation : de nombreuses questions encore sans réponses

L'objet du présent avis n'est pas de revenir sur l'économie générale de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, qui se place dans le long processus de décentralisation initié en 1983. En revanche, il est important, s'agissant de l'un des principaux éléments - pour ne pas dire du principal d'entre eux - affectant aujourd'hui l'évolution des crédits de la formation professionnelle, de revenir sur ses implications financières.

En effet, à l'évidence, ni l'adoption définitive du texte au cours de l'été, ni l'élaboration du projet de loi de finances pour 2005, n'ont pour l'instant été l'occasion d'une clarification des enjeux financiers de la réforme, enjeux pourtant rappelés il y a plus de six mois, en février 2004, à l'occasion de la publication de l'avis (n° 1434) de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales présenté par M. Dominique Tian : « Au total, les dépenses au statut « ambigu » vis-à-vis du transfert aux régions et donc de la détermination de la base de la compensation représentent jusqu'à un milliard d'euros ».

a) La théorie : la loi du 13 août 2004 parachèverait le processus de décentralisation de la formation professionnelle, dans le respect du principe constitutionnel de compensation financière des compétences transférées

Aux termes de la loi du 13 août 2004, il est possible de distinguer entre deux types de transferts de crédits en matière de formation professionnelle.

Un certain nombre de dispositions pouvaient sembler d'application immédiate. Il s'agit de nouveaux transferts de compétences aux régions, inconditionnels, prévus pour le 1er janvier 2005. D'autres, ainsi que le montrera l'analyse de la situation de l'AFPA, sont subordonnées, jusqu'au 31 décembre 2008, à la signature de conventions entre l'Etat, la région et l'AFPA.

La compensation financière des transferts de compétences répond aujourd'hui, dans son principe comme dans ses modalités, à une triple exigence, constitutionnelle, organique et législative :

constitutionnelle : le quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution dispose en effet désormais que « tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités locales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi » (10;

organique : l'article 36 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 dispose que « l'affectation, totale ou partielle, à une autre personne morale d'une ressource établie au profit de l'Etat ne peut résulter que d'une disposition de loi de finances » ;

législative : depuis la loi de décentralisation de 1983, l'article L. 1614-4 du code général des collectivités territoriales impose que les transferts de compétences soient suivis d'une compensation des charges « par le transfert d'impôts d'Etat, par les ressources du Fonds de compensation de la fiscalité transférée et, pour le solde, par l'attribution d'une dotation générale de décentralisation ».

C'est à l'aune de ces principes que doit être évaluée la réalité des transferts effectués. L'article 119 de la loi du 13 août 2004 obéit à ces exigences en prévoyant les modalités de la compensation financière des transferts de compétences, qui doivent s'opérer, « à titre principal, par l'attribution d'impositions de toute nature, dans des conditions fixées par la loi de finances ».

En application de l'article 119, l'article 33 du projet de loi de finances pour 2005 prévoit donc les modalités de compensation financière, notamment aux régions, des transferts de compétences résultant de la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales. C'est ainsi que pour l'année 2005, ainsi que le précise l'exposé des motifs de l'article 33, « les régions bénéficieront d'un partage d'impôt avec l'Etat, sous la forme d'une fraction de la TIPP sur les supercarburants sans plomb et le gazole. Cette fraction, qui compensera intégralement les transferts de charges, représentera une part du produit national de l'impôt, elle-même ventilée entre les régions en fonction de la charge réelle transférée à chaque région (...).

« Pour l'année 2006, les régions seront alimentées au fur et à mesure de l'acquittement de la TIPP par les assujettis ».

La mise en application de la loi, concernant ces domaines de compétence, devrait donc se traduire d'une part par une diminution des crédits des articles concernés du chapitre 43-70 consacré au financement de la formation professionnelle, d'autre part par la mise en œuvre d'un dispositif de partage d'impôt avec l'Etat.

b) La pratique : la loi du 13 août 2004 ne reçoit aucune traduction budgétaire dans le projet de loi de finances pour 2005

Dans les faits, il n'en est rien. Le projet de loi de finances pour 2005 ne comporte en effet, ainsi que l'ont confirmé les services du ministère, interrogés sur cette question par le rapporteur pour avis, aucune traduction financière des dispositions de la loi du 13 août 2004 dans le domaine de la formation professionnelle :

- La compétence reconnue désormais par l'article 10 de la loi du 13 août 2004 aux conseils régionaux pour procéder à l'enregistrement des contrats d'apprentissage et recueillir les déclarations préalables des entreprises embauchant des apprentis va certes engendrer des dépenses de personnel au niveau régional. Mais une circulaire de la direction générale des collectivités locales du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en date du 10 septembre 2004 a précisé le calendrier et les modalités d'entrée en vigueur de l'ensemble des dispositions de la loi du 13 août et rappelé la teneur du chapitre V de la loi : aux termes de celui-ci, c'est au premier trimestre 2006 seulement que chaque ministère établira un schéma de partition définitive des services transférés. La traduction budgétaire de ces transferts ne devrait donc apparaître, au mieux, que dans le projet de loi de finances pour l'année 2006. Il y a là une certaine ironie s'agissant de compétences qui, par ailleurs, revêtaient un caractère régalien et dont le principe même du transfert était largement discutable.

- La compétence reconnue par l'article 8 à la région d'organiser « sur son territoire le réseau des centres et points d'information et de conseil sur la validation des acquis de l'expérience » et de contribuer à « assurer l'assistance aux candidats à la validation des acquis de l'expérience » peut être considérée comme l'apport d'« une base législative au dispositif existant », selon l'expression du rapport précité établi par la commission des lois. Cette dernière interprétation est retenue par le ministère pour justifier l'absence de ressources nouvelles attribuées aux régions pour financer la validation des acquis de l'expérience.

- L'article 14 de la loi supprime le fonds de la formation professionnelle et de la promotion sociale (FFPPS), institution qui n'avait aucune existence dans la réalité, mais n'en était pas moins dotée de crédits aux articles 41 et 51 à 62 du chapitre 43-70 du projet de loi de finances pour 2004. On peut s'interroger, au moins, sur ces financements qui persistent par-delà la suppression de l'organisme auquel ils étaient rattachés ainsi que sur la teneur des actions ainsi financées.

- S'agissant du financement de la rémunération de la formation professionnelle, en application de l'article L. 961-1 du code du travail, l'Etat, les régions, les organismes paritaires agréés et l'UNEDIC concourent au financement de la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle. On peut se demander si le transfert aux régions de ce type de charges n'entraînerait pas, également, une compensation financière. Des éclaircissements sur cette question seraient aussi les bienvenus.

Au total, une réelle incertitude entoure encore les conditions dans lesquelles doivent être mises en œuvre ces dispositions. Dès lors, il n'est pas étonnant que l'Association des régions de France, associée à l'Association des départements de France, ait demandé aux services de l'Etat « de procéder à une évaluation des nouvelles charges financières que les textes sur la décentralisation adoptés en août 2004 ou en cours d'examen vont représenter pour chaque région et chaque département », de sorte que les collectivités territoriales connaissent, en toute transparence, les ressources financières dont elles auront besoin pour faire face aux nouvelles compétences transférées par l'Etat.

2. Un thème récurrent et préoccupant : l'AFPA service public soumis aux règles du marché ?

D'autres dispositions - et non les moindres en masses financières - ne sont quant à elles pas d'application immédiate au 1er janvier 2005. L'article 13 de la loi du 13 août 2004 dispose en effet que les compétences nouvellement attribuées aux régions en matière de formation professionnelle et « donnant lieu à l'organisation et au financement, par l'Etat, de stages de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes leur seront transférées au plus tard le 31 décembre 2008 ».

Ce n'est que sous réserve de la conclusion d'une convention entre le représentant de l'Etat dans la région, la région et l'AFPA définissant le schéma régional des formations et le programme d'activité régional de l'AFPA, que sera effectuée la compensation financière par l'attribution de ressources équivalentes aux subventions versées par l'Etat à l'AFPA pour l'exercice de ses compétences.

Or à ce jour, aucune convention n'a encore été conclue et il est donc compréhensible qu'aucun transfert n'ait été réalisé. Il n'est donc pas davantage étonnant que la subvention de l'Etat à l'AFPA soit reconduite globalement. Si une diminution de la dotation apparaît, celle-ci ne correspond en effet qu'à une mesure de transfert interne de 480 000 euros correspondant au remboursement des agents de l'AFPA qui avaient été mis à disposition du Centre d'études et de recherches sur les qualifications (CEREQ), somme transférée vers le titre III, au chapitre 36-61 consacré aux subventions aux établissements publics et autres organismes. A périmètre constant, les crédits destinés au financement de l'AFPA, contrats de plan Etat-région inclus, sont donc pour ainsi dire stables.

Il est néanmoins essentiel de décrire les enjeux pour l'AFPA de la loi du 13 août 2004, car de nombreuses incertitudes pèsent sur l'étendue du champ de ce qui constitue le principal transfert proposé et sur les conditions de mise en concurrence de l'AFPA avec les autres opérateurs privés.

a) Les incertitudes pesant sur la nature des compétences effectivement transférées et sur l'avenir de la gestion du patrimoine de l'AFPA

L'article 8 de la loi semble poser une compétence exclusive de la région pour définir et mettre en œuvre la formation professionnelle, qui pourrait laisser penser à un transfert de l'intégralité de la subvention de fonctionnement de l'AFPA.

Or, ainsi que le relevait le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles dans l'avis précité préparatoire à la discussion de la loi du 13 août 2004, « la distinction, à l'intérieur de la subvention à l'AFPA, d'une dotation « déconcentrée » (...) et d'une dotation « non déconcentrée » (...), instituée à l'occasion du projet de loi de finances pour 2004, a été présentée à cette occasion comme une préfiguration de la partition entre les formations AFPA destinées à être transférées aux régions et celles qui resteraient prises en charge par l'Etat. L'Etat, dans ce schéma, continuerait à conventionner l'AFPA pour des programmes correspondant à des priorités nationales ».

Dès lors, les risques sont nombreux. Tout d'abord, on peut s'interroger sur la prise en compte des publics spécifiques, tels les réfugiés, gens du voyage, détenus, illettrés, personnes handicapées ou encore militaires en reconversion : c'est ce qu'a illustré le long débat sur cette question en séance publique opposant ceux qui ne souhaitaient pas que cette compétence de l'Etat soit expressément mentionnée dans la loi, au motif que « l'Etat n'a pas à définir ses propres compétences, puisqu'il les a toutes, par définition », selon les termes du ministre délégué aux libertés locales, à ceux qui, tels M. Pierre Albertini, répliquaient qu'« à partir du moment où la loi donne une compétence générale à la région en matière de formation professionnelle, si l'on ne prévoit pas des exceptions, on pourra considérer que celle-ci incombera désormais aux régions pour la totalité des publics (...) (11).

Ensuite, la loi vise les compétences donnant lieu « à l'organisation et au financement » des stages de l'AFPA, ce qui correspond aux subventions de fonctionnement actuelles. Mais rien n'est dit expressément des dépenses de rémunération des stagiaires et des dépenses d'investissement, même si, en application de la règle selon laquelle l'amortissement des investissements doit être comptabilisé dans le coût des stages, les crédits d'investissement devraient être transférés au même titre que les crédits de fonctionnement.

Cette dernière question n'est pas anodine, car l'AFPA ne possède pas de patrimoine immobilier propre : la quasi-totalité des immeubles qu'elle utilise appartient à l'Etat. La situation patrimoniale de l'AFPA est la suivante sur le plan immobilier.

Evaluation du patrimoine de l'AFPA

Nombre d'implantations sur le territoire

416

Locaux à disposition de l'AFPA

2 175 101 m2

Valeur d'origine

1 985 069 132 

Valeur nette

508 561 430 

Taux d'amortissement

74,4 %

Affectation :

Formation - validation

1 290 397 m2

60 %

Gestion - orientation

391 691 m2

18 %

Hébergement - restauration - animation

493 013 m2

22 %

Source : ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.

Il est vrai qu'un diagnostic sur l'état des locaux a été lancé à la fin du premier trimestre 2004, de manière à « répertorier précisément l'état des locaux en indiquant leur degré de vétusté et mettre en place un plan de maintenance pluriannuel de remise en état », comme l'ont indiqué au rapporteur pour avis les services du ministère. Ce chantier, qui devrait s'achever fin 2004, doit permettre d'assurer une meilleure maîtrise des investissements de l'AFPA.

Interrogés sur l'ensemble de ces questions par le rapporteur pour avis, les services du ministère ont toutefois apporté les éléments d'appréciation suivants : « les crédits attribués par l'Etat à l'AFPA et qui entrent dans le périmètre de la décentralisation [sont constitués par] :

les crédits consacrés à la formation qualifiante, l'enseignement à distance et la formation ouverte et à distance (à l'exception des actions au profit des publics prioritaires) ;

ceux consacrés au financement des prestations associées à la formation : accompagnement pendant la formation, hébergement, restauration, gestion des rémunérations ;

les crédits relatifs à la rémunération des stagiaires accueillis en formation à l'AFPA (livre IX du code du travail). »

Il reste à savoir, une fois de plus, ce qu'il en sera effectivement dans les faits. L'article 118 de la loi du 13 août 2004 porte certes création d'une commission consultative sur l'évaluation des charges, formation restreinte du Comité des finances locales. Il faut souhaiter qu'elle sera à même de veiller à la sincérité des charges transférées.

b) Les incertitudes relatives à la mise en concurrence de l'AFPA avec les opérateurs privés présents sur le marché

Cette question est au moins autant juridique que budgétaire. Elle n'en revêt pas moins une importance réelle dans la présente discussion.

Sans doute l'AFPA a-t-elle aujourd'hui engagé une entreprise assez vaste de restructuration, rendue nécessaire par sa situation présente : un plan d'entreprise couvrant la période 2005-2009 vise à permettre à l'AFPA de réduire ses coûts de 70 millions d'euros d'ici 2009 (12).

Le financement de l'AFPA est assuré à 70 % environ par l'Etat (13). Sur l'ensemble des crédits de l'Etat, 60 % des fonds sont reversés aux régions, tandis que 40 % restent au niveau de la commande étatique. L'offre de l'AFPA présente il est vrai un certain nombre de spécificités d'ordre qualitatif : un service de formation qui s'adresse, notamment, aux bas niveaux de qualification ; des formations validées par des certifications et titres du ministère ; des publics prioritaires tels les handicapés, les militaires, les détenus et les ressortissants des DOM-TOM ; des formations lourdes dans des domaines comme le bâtiment et l'industrie ; une offre globale mêlant à la formation hébergement et restauration ; une large implantation territoriale ; une pédagogie spécifique centrée sur le concret.

La mise en œuvre du plan d'entreprise correspond à un pari qui est avant tout juridique : il importe de déterminer dans quelles conditions l'AFPA pourra rester compétitive sur le marché face aux opérateurs privés.

Mais l'enjeu est dans le même temps économique : l'AFPA doit encore, en effet, intégrer des préoccupations de compétitivité. Aujourd'hui, les tarifs pratiqués par l'AFPA sont environ de 20 à 25 % supérieurs aux pratiques d'achat des collectivités territoriales. Or la nature des prestations ne justifie qu'une partie de cet écart. C'est la raison pour laquelle il convient de supprimer certaines lourdeurs :

- la double obligation de tenue des comptes, à la fois selon la comptabilité des établissements publics administratifs et selon celle des associations : désormais, l'AFPA ne devrait plus être soumise qu'aux seules règles de comptabilité applicables aux associations ;

- l'organisation du siège administratif de Montreuil ne pourra subsister, car elle date d'une époque où l'AFPA constituait presque une direction du ministère du travail : une diminution des effectifs est donc requise ;

- la mutualisation des modalités de gestion des différentes implantations est elle aussi nécessaire, dans un souci de rationalisation de certaines opérations, la politique des achats par exemple ;

- la réalisation de gains de productivité dans la mise en œuvre des formations : il doit être possible de diminuer la valeur du prix unitaire d'un certain nombre de formations.

Par ailleurs, il est nécessaire de réduire la masse salariale, qui représente une partie importante des coûts : cela passe par la mise en place d'une forme de modération salariale, une gestion plus étroite des contrats à durée déterminée, une réduction de 615 emplois à l'horizon 2009 - soit, sur un total de 12 000 emplois, 5 % de l'effectif environ.

Ce bref aperçu de la situation de l'AFPA permet de prendre la mesure des efforts entrepris mais aussi des menaces pesant sur l'institution.

En dépit des promesses, en effet, l'AFPA pourra-t-elle affronter la concurrence, non seulement des innombrables petits et moyens organismes de formation, mais aussi des groupements d'établissements publics locaux d'enseignement (les GRETA), des chambres de commerce ou encore des organismes de formation des branches ? Le risque est, à l'évidence, celui d'un désengagement de l'Etat et de la disparition pure et simple de l'AFPA dans certaines régions. Sans doute certaines régions procèdent-elles d'ores et déjà à un certain nombre de financements et d'investissements, et les gains de productivité promis augmenteront-ils leur capacité d'autofinancement. On veut bien le croire.

Il reste que la situation de l'AFPA, par-delà la diminution des crédits publics de la formation professionnelle, offre un exemple concret des menaces réelles qui pèsent sur l'ensemble d'un système qui, de plus en plus, fait la part belle à la gestion privée, au risque d'un effritement de l'offre de formation.

II.- UN OBJECTIF PRIORITAIRE : RÉFORMER LE SYSTÈME DE FINANCEMENT PRIVÉ DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET ASSURER SA TRANSPARENCE

Il pourrait paraître iconoclaste de consacrer, à l'occasion de la discussion d'un projet de loi de finances, des développements à la question du financement privé du système de formation professionnelle.

Mais l'examen de la situation du secteur privé retient l'attention du législateur à plusieurs titres : d'abord, parce que quantitativement, les acteurs du secteur privé occupent une place importante tant parmi les financeurs que parmi les bénéficiaires de la formation professionnelle ; ensuite, parce que le système privé constitue l'un des rouages essentiels du financement de la formation professionnelle en France, par-delà le rôle de l'Etat et des collectivités locales.

Dès lors, il est normal que le législateur s'y intéresse. Non seulement d'ailleurs comme contrôleur budgétaire, mais aussi, de plus en plus, comme accompagnateur de mutations qu'il a lui-même favorisées, ainsi que l'a montré récemment l'adoption de la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie.

C'est la raison pour laquelle il convient, après avoir dressé dans un premier temps un état des lieux du système français de formation professionnelle, de déterminer les mesures à même d'assurer une meilleure adéquation entre le financement et les besoins de formation.

A. L'ÉTAT DES LIEUX : UN PAYSAGE ÉVOLUTIF ET MORCELÉ

Les principales données quantitatives concernant l'ensemble du système de formation professionnelle sont connues.

Pour mémoire, on rappellera que la dépense globale de formation professionnelle en France représente environ 22 milliards d'euros - précisément, 21,8 milliards d'euros pour l'année 2002, soit une diminution de 0,7 % par rapport à l'année 2001.

Ce chiffre est relativement stable depuis le début des années quatre-vingt-dix, après une phase continue de hausse de 1970 à 1993. En revanche, la part que représente cette dépense globale par rapport au PIB (1,43 % en 2002) connaît une diminution depuis 1993.

S'agissant de l'analyse de la place du secteur privé au sein de cet ensemble, une étude de caractère dynamique est nécessaire, dans la mesure où tant le système français de formation professionnelle que le système du financement de l'apprentissage connaissent des mutations importantes aujourd'hui.

1. Les mutations contemporaines du système de formation professionnelle français

Mouvant, le système français fait également souvent l'objet de critiques visant sa complexité, voire son irrationalité - critiques en grande partie fort justifiées.

a) L'importance du financement par les entreprises dans le système de formation professionnelle français

On retiendra pour l'analyse l'examen de la situation des acteurs privés au sein du système de financement de formation professionnelle en tant que financeurs (14).

Les acteurs privés (les entreprises et, dans une bien moindre mesure, les ménages) occupent une place de plus en plus importante dans le système français, ainsi que l'illustre le tableau présenté ci-après, qui retrace l'évolution de la structure de la dépense globale par financeur final depuis 1997 :

Les financeurs de la formation professionnelle

(en millions d'euros)

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Structure
2002
(en  %)

Evolution
2002/2001
(en  %)

Etat

4 706

4 831

4 934

4 830

4 786

4 415

20,3

- 7,7

Régions

1 990

2 084

2 105

2 071

2 066

2 084

9,6

0,8

Autres collectivités territoriales

21,2

22,1

22,9

23,5

23,6

23,9

0,1

1,3

Autres administrations publiques et Unedic

2 134

1 747

1 702

1 531

1 542

1 719

7,9

11,5

dont : autres administrations publiques

1 318

1 306

1 146

1 028

677

3,1

- 34,1

Unedic

429

396

390

514

1 042

4,8

102,8

Entreprises

8 266

8 533

8 934

9 289

9 605

9 621

44,2

0,2

Ménages

436

498

535

531

599

629

2,9

5,0

TOTAL (hors fonction publique pour ses propres agents)

17 553

17 715

18 233

18 276

18 622

18 492

84,9

- 0,7

TOTAL (y compris fonction publique pour ses propres agents)

20 642

20 841

21 602

21 539

21 921

21 775

100,0

- 0,7

Source : Dares, données révisées et provisoires.

Le présent tableau montre que les entreprises sont, à partir de l'année 1999, devenues les premiers financeurs de la formation professionnelle - l'Etat n'occupant plus que la deuxième place - dans la mesure où elles représentent plus de 40 % des apports, pour une dépense d'environ 10 milliards d'euros (9,621 milliards pour l'année 2002).

Il convient cependant de relever que la quasi-stabilité des dépenses des entreprises en 2002 interrompt ce processus de croissance soutenue depuis dix ans (de + 4 % en moyenne). Ce changement est lié à la diminution, en 2002, des dépenses en faveur de l'alternance, le nombre des bénéficiaires des contrats de qualification et d'adaptation se réduisant au fil du ralentissement conjoncturel observé depuis 2001.

Cette appréciation globale de l'évolution doit en outre être affinée, dans la mesure où le taux de participation financière varie beaucoup en fonction de la taille des entreprises. Ce taux connaît une baisse depuis 1997 : la participation des entreprises à l'effort de formation diminue régulièrement dans les entreprises de plus de 2 000 salariés, cependant que la tendance à la baisse dans les petites entreprises (entre 10 et 19 salariés) s'est confirmée en 2001 et en 2003, malgré un très léger redressement en 2002, comme le montre le tableau suivant.

Evolution du taux de participation financière depuis 1996

(en %)

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003
(données provisoires)

10 - 19 salariés

1,73

1,69

1,77

1,84

1,69

1,62

1,64

1,62

20 - 49 salariés

1,87

1,90

1,89

2,01

1,94

1,95

1,85

1,74

50 - 249 salariés

2,52

2,52

2,53

2,44

2,39

2,40

2,37

2,28

250 - 499 salariés

2,99

2,89

2,94

2,78

2,71

500 - 1999 salariés

3,48

3,47

3,54

3,55

3,49

3,46

3,41

3,21

2000 salariés et plus

4,87

4,73

4,65

4,42

4,35

4,29

4,07

3,77

Ensemble

3,25

3,24

3,23

3,22

3,16

3,16

3,02

2,88

Source : Exploitation des déclarations fiscales des employeurs n° 24-83, Céreq.

De plus, en 2002, pour la première fois depuis 1987, les dépenses directes des entreprises de plus de dix salariés diminuent sensiblement, en matière de formations internes et de formations externes.

Mais la seule prise en compte du point de vue des entreprises ne peut suffire. Des transferts importants de ressources résultent en effet de la mutualisation des fonds que les entreprises destinent à leurs salariés.

b) La complexité des processus de mutualisation

En 2003, les 99 organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) (15) ont ainsi comptabilisé une collecte de 4,187 milliards d'euros, en augmentation de 4 % par rapport à 2002.

Or cette mutualisation obéit, depuis l'adoption de la loi du 4 mai 2004, à des règles nouvelles, qu'il convient de retracer à grands traits ici, ne serait-ce que pour en anticiper les effets. On rappellera donc les grandes lignes du nouveau régime des obligations contributives des employeurs :

- concernant les entreprises de dix salariés et plus : elles continuent à être soumises à cette obligation à trois titres, mais pour un montant total de 1,6 % de la masse salariale et non plus de 1,5 % : d'une part, à hauteur de 0,2 % de la masse salariale, comme par le passé, au titre du congé individuel de formation (CIF), par un versement obligatoire à un OPCA - toutefois, en raison de la suppression du dispositif du capital de temps de formation, auquel pouvait être affecté jusqu'à 50 % de cette part, c'est désormais la somme totale qui reviendra aux OPCA au titre du CIF ; d'autre part, à hauteur de 0,5 % de la masse salariale, au titre des contrat et période de professionnalisation et du nouveau droit individuel à la formation, à hauteur de la totalité avec une obligation nouvelle de versement à un OPCA, toute dépense directe étant désormais interdite ; enfin, à hauteur de 0,9 % de la masse salariale, au titre des actions de formation et de qualification, notamment dans le cadre du plan de formation, mais également dans le cadre du droit individuel à la formation ;

- quant aux petites entreprises de moins de dix salariés, elles voient passer leur contribution de 0,15 % de la masse salariale brute à 0,40 % au 1er janvier 2004, puis 0,55 % au 1er janvier 2005. Cette contribution se décompose en deux parts, l'une de 0,15 % versée obligatoirement à un OPCA au titre de la professionnalisation ou du droit individuel à la formation, l'autre de 0,25 % (puis 0,40 %) versée à un OPCA également.

Ce nouveau dispositif entre en vigueur au 1er janvier 2004, mais les versements pour l'année 2004 ne doivent être effectués qu'avant le 1er mars 2005. Il est donc trop tôt pour tirer les conséquences de ces nouvelles dispositions. D'ores et déjà, il apparaît que les sommes transitant par les OPCA seront encore plus importantes qu'avant.

On peut affiner l'analyse en reprenant les perspectives tracées par le rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales dans le rapport (n° 1273) établi pour la préparation de la discussion de la loi du 4 mai 2004, pour ce qui concerne les entreprises de dix salariés et plus : « le point le plus marquant n'est pas l'augmentation du taux global d'effort, dépenses directes incluses, de 1,5 % à 1,6 %, car la plupart des entreprises sont déjà bien au-delà : le taux moyen d'effort des entreprises de dix salariés et plus dépasse 3 % depuis le début des années 1990. La principale incidence des mesures proposées concerne l'augmentation des sommes obligatoirement mutualisées (versées à un OPCA) qui passeront de 0,2 % à 0,7 % de la masse salariale (...) »  (16). Ce seul constat suffirait à rendre nécessaires des réformes attendues depuis longtemps, apportant la simplification et la transparence requises.

2. La question spécifique du financement de l'apprentissage

On ne peut achever cette brève présentation du système de financement de la formation professionnelle sans un mot du financement de l'apprentissage, en pleine mutation lui aussi - même s'il n'entre pas dans la vocation du présent avis de procéder à une description détaillée de ce système.

a) Un système marqué par la complexité, l'opacité et les disparités

Aujourd'hui, compte non tenu de la nouvelle contribution au développement de l'apprentissage, les entreprises sont soumises au versement de la taxe d'apprentissage à hauteur de 0,5 % de la masse salariale brute de l'entreprise. Ce versement est composé d'une part dite « quota », part représentant 40 % de la taxe, obligatoirement réservée au développement de l'apprentissage, et d'une part dite « hors quota », en représentant 60 %, destinée à assurer le financement des premières formations technologiques et professionnelles. Mais il faut garder à l'esprit que l'apprentissage est également financé en partie par des subventions des régions et du Fonds social européen ainsi que - spécificité française - des primes et exonérations de l'Etat.

Comme dans le cadre de la formation professionnelle générale, un système de collecte existe, composé des organismes collecteurs de la taxe d'apprentissage (OCTA). L'ensemble du système fait régulièrement l'objet de critiques : à cet égard, le rapport établi par Mme Perry en 1999 fait presque déjà figure de « classique », lorsqu'il insiste sur le fait que « les circuits de collecte et de redistribution de la taxe d'apprentissage » se traduisent par « une grande opacité », ce qu'ont répété bon nombre des personnes entendues au cours des auditions. A l'occasion de la discussion de la loi dite de modernisation sociale, on dénonçait encore régulièrement le nombre excessif de collecteurs ou la gestion perfectible des ressources des centres de formation des apprentis (CFA) et sections d'apprentissage.

517 organismes ont ainsi procédé à la collecte des versements opérés en 2003, pour un montant de 1 346 millions d'euros, ce qui représente une augmentation de 14,15 % par rapport à l'année 2002. Ces chiffres masquent toutefois des disparités importantes : par exemple, les OCTA d'Ile-de-France, qui représentent un peu moins de 15 % de l'appareil national de collecte, recueillent environ la moitié des versements nationaux.

b) La réforme du financement de l'apprentissage en 2002 : une réforme indispensable mais encore très insuffisante

La loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale a certes introduit plus de transparence dans la collecte de la taxe d'apprentissage. On rappellera qu'elle a permis la réduction significative du nombre des collecteurs, à hauteur de 75 %, le nombre d'organismes passant de 560 à 147. Elle a aussi mis en place des mesures pour améliorer la transparence et les contrôles du système, notamment en autorisant les prélèvements sur la collecte pour frais de gestion, donnant ainsi un fondement légal à une pratique courante. Elle a par ailleurs contribué à une refonte des mécanismes encadrant les pratiques de péréquation. Mais cette nouvelle organisation ne vaudra que pour la collecte des versements opérés en 2004 au titre des salaires payés en 2003 par l'intermédiaire des OCTA.

En tout état de cause, la réforme de 2002, salutaire, peut aujourd'hui encore être enrichie.

B. DES PROPOSITIONS POUR ASSURER L'ADÉQUATION ENTRE LE FINANCEMENT ET LES BESOINS DE FORMATION

Trois chantiers, notamment, s'ouvrent au législateur : l'accompagnement de la mise en œuvre de la loi du 4 mai 2004 ; la poursuite de l'action en faveur de la simplification et de la transparence des systèmes de financements ; la dynamisation du système de formation professionnelle, en particulier dans le sens d'une efficacité réelle du financement privé et d'une véritable sécurité sociale professionnelle.

1. Accompagner la mise en œuvre du droit à la formation tel qu'il est prévu par la loi du 4 mai 2004

Chose curieuse, la loi du 4 mai 2004 a été adoptée sans que soit réellement abordée la question du financement, non plus que bien des aspects des modalités de mise en œuvre du nouveau droit à la formation. Satisfait de la traduction dans un projet de l'accord des partenaires sociaux, le gouvernement ne s'est pas penché sur une question dont la responsabilité lui revenait et qui aujourd'hui met à mal le financement privé de la formation professionnelle.

a) La délicate question du financement du droit individuel à la formation (DIF) dans les entreprises

A l'heure de l'application de la loi du 4 mai 2004, la question du coût de sa mise en œuvre semble brusquement apparaître. Certes, cette question est désormais entre les mains des entreprises, et plus particulièrement des services de ressources humaines. Mais le législateur ne peut pour autant se désintéresser d'un effet qu'il a contribué à produire.

Selon une enquête réalisée à la suite de l'adoption de la loi (17), le surcoût pour une entreprise pourrait, dans l'hypothèse où les salariés choisiraient tous d'exercer ce droit, osciller entre 3,1 % et 0,7 % de la masse salariale, selon que le DIF serait exercé entièrement hors du temps de travail ou non, et selon que le DIF serait ou non pris en charge dans le cadre des congés individuels de formation. Selon la même enquête, d'autres difficultés entoureraient en outre l'exercice du DIF : « le syndrome du macramé », qui consisterait à distribuer des formations à bas prix à la demande, et sans cohérence avec les besoins de l'entreprise ; la « frustration sociale », engendrée par une volonté d'optimiser le coût du DIF par une pression sur les salariés pour orienter leurs choix vers les seuls stages proposés par le plan de formation.

Une des solutions pour prévenir ces difficultés consiste à orienter, comme l'ont déjà pratiqué certaines branches professionnelles, une part des fonds versés par les entreprises aux OPCA vers le financement des seuls DIF : 0,10 % de la masse salariale en 2005 par exemple, dans l'agriculture. Une autre possibilité pour les branches consiste à étendre la durée de formation des périodes de professionnalisation de son minimum de 15 % à 25 % voire 50 % pour les formations diplômantes, afin d'inciter les salariés à y utiliser le DIF.

b) Un certain nombre d'autres questions encore en suspens

Techniquement, les entreprises ne savent pas davantage quelles seront les modalités de paiement et de gestion du DIF. Il importerait notamment de préciser dans quelle mesure provisionner systématiquement un droit qui ne s'applique pourtant pas toujours. Autre écueil possible dans la mise en application de la loi du 4 mai 2004 : les questions d'applicabilité aux contrats à durée déterminée, aux cas de suspensions de contrat ou encore de transférabilité, du droit individuel à la formation, exemples supplémentaires de la subsistance de zones d'ombre.

2. Parfaire l'entreprise de simplification et de rationalisation du système de financement privé

La dénonciation des travers du système de financement de la formation professionnelle en général, et de l'apprentissage en particulier, est devenue aujourd'hui un lieu commun. Le problème, pour autant, n'est pas réglé. On rappellera brièvement les enjeux du débat dans les deux cas ainsi que les pistes principales permettant de régler les problèmes.

a) Simplifier et rendre plus transparent le financement privé de la formation professionnelle

Les travers du système de formation professionnelle sont bien connus : la coexistence de deux réseaux de collecte interprofessionnelle, les réseaux AGEFOS et OPCAREG, au détriment d'une gestion rationnelle ; la place prépondérante de la mutualisation de branche, au détriment de la territorialisation de la formation professionnelle ; les pratiques nombreuses à l'origine de distorsions de concurrence - pour ne citer que quelques-uns des principaux travers du système.

Sans doute certains efforts ont-ils été entrepris, en particulier par la loi du 4 mai 2004. L'article 24 crée un fonds national habilité à gérer les excédents financiers dont peuvent disposer les organismes collecteurs paritaires gérant les contributions des employeurs au financement du CIF et de l'alternance : ce fonds national remplace donc désormais le comité paritaire du congé individuel de formation (COPACIF) et l'association de gestion du fonds des formations en alternance (AGEFAL), qui assuraient jusque-là cette fonction. Ce fonds national devrait permettre de dépasser les difficultés liées à l'existence d'un double niveau de péréquation.

Par ailleurs, le mécanisme selon lequel les OPCA interprofessionnels recevaient 35 % des contributions reçues des employeurs de dix salariés et plus par les OPCA de branche au titre de l'alternance, le reliquat étant reversé à l'AGEFAL, est supprimé. En contrepartie, un prélèvement compris entre 5 et 10 % de la collecte au titre de l'alternance par les OPCA est reversé au nouveau « fonds national ».

En outre, certaines dispositions de la même loi tendent à renforcer les procédures de contrôle. C'est ainsi que l'article 26 institue un dispositif de remontée d'information, à des fins statistiques, des organismes collecteurs vers l'Etat : ceux-ci doivent désormais transmettre des données physiques et comptables relatives aux actions qu'ils mènent ainsi que des données agrégées sur les bénéficiaires de ces actions. L'article 29, entre autres modifications, étend le contrôle administratif et financier de l'Etat à l'ensemble des dépenses de formation dès lors qu'elles bénéficient d'un financement public ou d'un financement effectué par le biais des organismes collecteurs. Ce contrôle dépasse donc le contrôle préexistant, qui ne portait que sur les dépenses engagées au titre de l'obligation financière légale.

On peut regretter toutefois l'importance des délais pour la publication du décret relatif à la transparence dans le fonctionnement des organismes collecteurs paritaires agréés, pris en application de la loi du 4 mai 2004, pour une mise en application concrète de l'ensemble de ces mesures. Ouvrir des pistes est une chose, les mettre en œuvre en est une autre.

Par-delà la loi du 4 mai 2004, il faut encore mentionner une autre évolution : la tendance au rapprochement des deux réseaux de collecte interprofessionnels, AGEFOS et OPCAREG. Ce rapprochement pourrait être assuré par la création d'une instance nationale paritaire de concertation (INPC). Cette instance garantirait la concertation et la coordination sur les questions de formation. C'est ce genre d'initiatives, dans le sens de la simplification, qu'il convient d'encourager et d'accompagner aujourd'hui.

b) Aller au-delà de la réforme du système de financement de l'apprentissage en 2004

Depuis la loi de modernisation sociale de 2002 précitée, aucune modification d'envergure du système de financement de l'apprentissage n'a été entreprise. Même les dispositions figurant dans le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale ne sont pas à même de résoudre l'ensemble des difficultés.

La loi du 4 mai 2004 comporte une mesure destinée à réformer le mode de financement des centres de formation d'apprentis. Jusqu'à présent, les OPCA pouvaient affecter aux CFA une partie de leur collecte au titre de l'alternance auprès des employeurs de dix salariés et plus, dans la limite de 35 % de ces fonds. Cette limite ne figure plus dans le nouvel article L. 983-4 du code du travail, qui donne donc désormais la possibilité aux OPCA de prendre en charge les dépenses de fonctionnement des CFA en dehors de tout plafond.

Le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale se présente comme un vaste plan destiné - entre autres - à réformer l'apprentissage en général et le dispositif de financement de l'apprentissage plus particulièrement.

L'exposé des motifs du projet annonce dans cette perspective rien moins qu'« une nouvelle étape vers une meilleure traçabilité des flux financiers et une simplification de [la taxe d'apprentissage visant à favoriser in fine] l'affectation optimale des ressources (...) ».

On citera les principales mesures de ce nouveau volet - qui s'ajoute au volet fiscal précédemment évoqué : la création de contrats d'objectifs et de moyens entre l'Etat, les régions, les organismes consulaires et les organisations représentatives d'employeurs et de salariés, destinés à un développement quantitatif et qualitatif de l'apprentissage, et donnant lieu au versement de financements complémentaires par le « fonds national de développement et de modernisation », qui se substitue par ailleurs à l'actuel fonds national de péréquation de la taxe d'apprentissage (article 16) ; l'obligation pour les conseils régionaux de présenter dans un état annexe au budget relatif au financement de l'apprentissage un document retraçant les fonds perçus par la région du fonds national et ensuite versés aux centres de formation (article 17) ; l'intermédiation obligatoire des organismes collecteurs de la taxe d'apprentissage pour les versements obligatoires aux CFA et sections d'apprentissage, mais sans remise en cause du principe de libre affectation de la taxe (article 18) ; l'exclusion des pratiques de courtage et le renforcement des pouvoirs des agents chargés du contrôle de la formation professionnelle (articles 20 et 21) ; la simplification du mécanisme de répartition de la taxe dit « du barème » (article 22).

Sans doute convient-il de saluer l'effort entrepris, car l'intention est louable et s'inscrit d'ailleurs dans la démarche engagée par le précédent gouvernement. Néanmoins, certaines difficultés apparaissent à la lecture de la mouture initiale du projet : concernant la signature des conventions d'objectifs et de moyens, on peut s'interroger sur l'opportunité de la participation des chambres consulaires, au regard de l'objectif affiché de transparence, dans la mesure où celles-ci sont à la fois collecteurs et formateurs, donc juges et parties ; au regard de ce même objectif, ne conviendrait-il pas d'interdire de façon générale  les mécanismes de compensation entre les organismes collecteurs portant sur les concours financiers destinés à des établissements bénéficiaires ?

En fait, il est légitime de se demander si ce projet de loi de programmation est à la hauteur de ses ambitions. Les quelques mesures proposées sont, nonobstant les remarques formulées plus haut, au mieux insuffisantes, tant restent encore grand ouverts certains chantiers. Pourquoi augmenter la taxe d'apprentissage sans se préoccuper dans le même temps de la question qualitative de l'utilisation de cette ressource, lorsque l'on connaît les inégalités de financement entre les centres de formation des apprentis, liées, entre autres, aux pratiques dites de « financements captifs » ou de « surfinancements » ? Autre proposition : la réforme du mécanisme que constitue le barème n'est qu'esquissée dans le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale ; or c'est une refonte beaucoup plus globale de ce système qu'il conviendrait d'engager.

3. Assurer l'efficacité réelle du financement privé de formation professionnelle ainsi qu'une véritable « sécurité sociale professionnelle »

On se limitera ici à présenter les principales pistes de réflexion au service d'un renouveau de la formation professionnelle.

a) Prendre comme point de départ les besoins sociaux et démographiques pour évaluer les politiques

Le rapporteur pour avis souhaite redire en effet l'importance d'une politique de la formation professionnelle qui soit centrée sur la demande et non sur l'offre. On a vu les dérives que pouvaient entraîner les politiques - jusqu'aux plus récentes - favorisant les comportements d'aubaine de certaines entreprises. Il est incontestable qu'on ne peut faire fi de l'attention aux besoins des entreprises. Pour autant, il est impossible de ne pas tenir compte en tout premier lieu de la demande effective de formation sur l'ensemble du territoire national, quel que soit l'acteur dont elle émane. En l'espèce, la diminution d'un certain nombre des moyens de la politique d'insertion des populations les plus fragilisées, au premier rang desquelles les jeunes, ou la mise en cause des équilibres sur lesquels reposait le fonctionnement de l'AFPA, tendront à accroître encore les inégalités existantes. La vigilance du Parlement législateur, mais aussi contrôleur, est plus que jamais de rigueur. Elle doit se fonder sur des priorités qui peuvent être ainsi définies :

- accroître les moyens destinés aux missions d'accompagnement et d'orientation de l'ensemble des publics ;

- réformer les procédures d'accueil afin de mieux tenir compte de la dimension qualitative nécessaire à la prise en charge des publics les plus défavorisés ;

- assurer les moyens d'une formation professionnelle effective tout au long de la vie, en prenant en compte l'ensemble des moyens existants de façon à bâtir un dispositif cohérent et efficace. A cet effet, un audit du système de formation professionnelle tout au long de la vie pourrait être lancé au cours des prochains mois, qui permettrait de prendre la mesure de l'existant tout en veillant à la bonne application des lois votées sur ce thème en 2004. Pourquoi ne pas envisager, dans la même perspective, la création d'une mission d'information à l'Assemblée nationale ?

Il est possible, dans le même ordre d'idées, d'imaginer la réunion d'assises ou d'états généraux de l'éducation permanente et de la formation professionnelle, de manière à donner naissance à une véritable politique régionale de la formation professionnelle, fondée sur les principes de la démocratie sociale.

b) Réduire les inégalités territoriales, sociales et sectorielles

C'est l'objectif ultime des moyens précédemment définis. De nombreuses personnes auditionnées par le rapporteur pour avis ont mis en lumière les inégalités, trop importantes encore, affectant le système de formation professionnelle, qu'elles soient territoriales, sociales (en fonction des différents publics) ou sectorielles, et qui nuisent à l'émergence d'une véritable « sécurité sociale professionnelle ».

L'exemple des professions sanitaires, sociales et médico-sociales à but non lucratif est assez révélateur des progrès restant à accomplir dans un secteur qui n'est pas assujetti à la taxe d'apprentissage et qui, de ce fait, se voit obligé de mettre en place des dispositifs alternatifs dans les différentes régions. Sans doute l'institution du contrat de professionnalisation est-elle saluée par ce secteur, mais celui-ci mesure dans le même temps toute la nécessité d'une adaptation continue des dispositifs à l'hétérogénéité des situations territoriales.

Autre exemple, lié à l'application d'une mesure déterminée, la validation des acquis de l'expérience : les crédits attribués en loi de finances ne permettent que la mise en place de permanences d'information, alors qu'une validation des acquis nationale, gratuite et indépendante serait un formidable moteur pour l'accès de tous à la formation professionnelle.

Ces quelques illustrations montrent combien la réforme du système de financement privé de la formation professionnelle comme le rappel d'un certain nombre de moyens et d'objectifs constituent des voies d'avenir pour la formation professionnelle dans son ensemble et l'avènement de ce qui constituerait une véritable « sécurité sociale professionnelle ».

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné pour avis, sur le rapport de M. Christian Paul, suppléé par Mme Hélène Mignon, les crédits de la formation professionnelle pour 2005 au cours de sa séance du lundi 25 octobre 2004.

Un débat a suivi l'exposé de Mme Hélène Mignon, suppléant le rapporteur pour avis.

M. Dominique Tian a considéré que le jugement porté par Mme Hélène Mignon sur la politique de formation professionnelle est excessivement sévère. Cette politique connaissait de grandes difficultés, liées notamment à sa complexité et son opacité. Le gouvernement l'a profondément réformée et clarifiée dans deux textes majeurs : la loi du 4 mai 2004 relative, notamment, à la formation professionnelle tout au long de la vie et la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

Il est inexact d'affirmer que l'Etat réduit son effort pour la formation professionnelle. Les crédits qu'il y consacre sur le budget du travail atteindront 3,75 milliards d'euros en 2005 ; plus de 130 000 entrées en alternance étaient programmées pour 2004, 180 000 en contrats de professionnalisation le seront en 2005, les crédits budgétaires pour l'alternance passant de 386 à 472 millions d'euros ; enfin, la dotation de décentralisation aux régions augmentera de 190 millions d'euros en 2005.

Pour ce qui est de l'avenir, il est nécessaire d'évoquer le plan de cohésion sociale, à peine abordé par le rapport : ce plan propose une véritable revalorisation de l'apprentissage, voie d'excellence pour l'insertion des jeunes. Depuis trop longtemps, le nombre d'apprentis stagne aux alentours de 350 000 ; il s'agit de passer à 500 000 apprentis d'ici quelques années.

Bref, l'Etat a tout à la fois donné pleine compétence aux régions en matière de formation professionnelle, ce qui était demandé depuis longtemps, et a maintenu son effort propre. C'est une grande politique de la formation professionnelle.

Le président Jean-Michel Dubernard s'est tout d'abord félicité de ce que 86  % des réponses au questionnaire budgétaire aient été adressées dans les délais. Un rapporteur pour avis de l'opposition est dans son rôle en présentant un rapport critique, même si certaines expressions, comme celle de « régions étranglées », paraissent excessives. La deuxième partie du rapport, qui traite du financement privé de la formation professionnelle par les entreprises comporte des réflexions pertinentes, qu'il s'agisse de l'état des lieux ou des propositions ; la discussion du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale apportera beaucoup d'avancées dans certains domaines évoqués.

En réponse aux commissaires, Mme Hélène Mignon, suppléant le rapporteur pour avis, a souhaité insister sur trois points :

- Les chiffres cités relatifs à la diminution des crédits de la formation professionnelle dans le présent projet de loi de finances résultent de l'annexe « jaune » au projet de loi de finances, et incluent l'ensemble des crédits consacrés aux actions de formation professionnelle.

- L'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) dispense des formations de grande qualité et ses stagiaires trouvent le plus souvent un emploi. Il serait très dommageable que la décentralisation entraîne sa disparition dans certaines régions.

- Pour ce qui est de l'apprentissage, les approches peuvent être différentes - il est possible, en particulier, de s'interroger sur les effets d'aubaine liés à des allègements de charges ou des crédits d'impôts très généreux - mais chacun y est légitimement fort attaché. L'objectif principal est de cesser de considérer l'apprentissage comme une manière de se débarrasser des élèves dont on ne veut plus ailleurs ; un apprentissage attractif implique que soit également dispensée aux apprentis une formation générale de bon niveau qui leur donnera la possibilité de rebondir et de progresser dans leur vie professionnelle pour, le cas échéant, changer de métier, la validation des acquis de l'expérience prolongeant dans un deuxième temps fort opportunément ce dispositif.

Contrairement aux conclusions de Mme Hélène Mignon, suppléant le rapporteur pour avis, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la formation professionnelle pour 2005.

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

¬ FSU : M. Thierry Reygades et M. Georges Brissiaud, secrétaires nationaux

¬ UNSA : M. Jean-Claude Tricoche, délégué général, et M. Michel Bellandi, délégué

¬ CFTC : M. Lionel Dubois, secrétaire confédéral chargé de la formation professionnelle

¬ Fédération de la formation professionnelle (FFP) : Mme Marie-Christine Soroko, déléguée générale, et M. Pierre Courbebaisse, vice-président

¬ Ministère délégué aux relations du travail : M. Christophe Carol, conseiller technique en charge de la formation professionnelle, et M. Jérôme Lacaille, conseiller budgétaire

¬ MEDEF : M. Bernard Falck, directeur de la formation professionnelle, M. François Traisnel, en charge de la formation continue, et M. Guillaume Ressot, chargé des relations avec le Parlement 

¬ Secrétariat d'Etat à l'insertion professionnelle des jeunes : Mme Monique Guillon, conseillère technique, et Mme France Savelli, attachée parlementaire

¬ CGPME : M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales

¬ Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) : M. Pierre Boissier, directeur général, Mme Patricia Bouillaguet, directrice de la prospective et des relations auprès des pouvoirs publics, et M. François Payen, service finances

¬ CFE-CGC : M. Alain Lecanu, secrétaire national en charge du pôle emploi-formation, et M. Marcel Brouard, chargé de mission

¬ UNIFED : M. Didier Tronche, directeur général de la SNASEA, organisation patronale membre de l'UNIFED

¬ FO : M. Jean-Claude Quentin, secrétaire confédéral

¬ CGT : M. Régis Regnault, conseiller confédéral en charge de la formation professionnelle

¬ CFDT : M. Jean-Michel Martin, secrétaire confédéral en charge de la formation professionnelle

N° 1864 - tome III : avis de la commission des affaires culturelles sur le projet de loi de finances pour 2005 : emploi, travail et cohésion sociale - formation professionnelle (rapporteur : M. Christian Paul)

1 () Cette définition de la dépense de formation professionnelle résulte de l'annexe « jaune » établie par le ministère. Il s'agit d'une définition que l'on peut dire large, et va au-delà du seul agrégat « formation professionnelle » qui, entendu au sens strict, regroupe les deux seuls chapitres 43-06 relatif à la dotation de décentralisation et 43-70 relatif au financement de la formation professionnelle. On ne procèdera pas, dans cet avis, à une analyse de la nouvelle présentation des crédits qui n'entrera en vigueur que l'année prochaine.

2 () On peut, pour s'en tenir à l'essentiel, mentionner trois mesures qui tendent à revaloriser les crédits de ce chapitre : la revalorisation traditionnelle opérée en fonction du taux retenu pour l'évolution de la dotation générale de décentralisation, en l'espèce à hauteur de 3,29 % ; la compensation du coût de la prise en charge par les régions des aides aux employeurs d'apprentis pour les contrats conclus à compter du 1er janvier 2003, à hauteur de 245 millions d'euros (article 81), mais qui se traduit par une diminution équivalente des crédits dans le chapitre 43-70 ; la compensation aux régions du coût de la création du contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS), en application de l'article 138 de la loi de finances pour 2004, pour un montant de 70 millions d'euros (article 82).

3 () Cette diminution affichée dans l'annexe budgétaire « bleue » s'élève à 179 millions d'euros environ, mais il s'agit du montant d'une mesure nouvelle sans prise en compte de l'actualisation en fonction du taux d'évolution DGD (3,29 %) : avec actualisation, on trouve le montant annoncé de près de 198 millions d'euros. Par ailleurs, le montant final de près de 594 millions d'euros a été déterminé à partir du produit de la taxe d'apprentissage pour l'année 2002 : il représente 0,181 % de celui-ci.

4 () Le régime spécifique d'exonération de charges sociales relatif aux contrats de qualification pour les adultes a été abrogé à compter du 1er janvier 2002, ces contrats bénéficiant de l'exonération générale de cotisations sociales prévue par la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi.

5 () D'une part, la dotation de l'article 55 relative à la formation des syndicalistes a été transférée vers le chapitre 44-73 relatif aux relations du travail et à l'amélioration des conditions de travail, ce qui permet de regrouper au sein d'un même article et d'un même chapitre les crédits relatifs à la formation des organisations syndicales. Ce regroupement était souhaité par les organisations syndicales et avait été demandé par la Cour des comptes dans son rapport pour l'année 2002. D'autre part, les crédits de la politique contractuelle concernant les dépenses de fonctionnement des actions de formation de l'article 51 ont été transférés vers le chapitre 44-79 consacré à la promotion de l'emploi et à l'adaptation économique. Ce transfert s'inspire du deuxième projet de loi habilitant le gouvernement à simplifier le droit et permet, notamment, d'adapter les dispositions relatives à la définition des mesures destinées à anticiper et accompagner l'évolution des emplois et des compétences et organiser leur mise en œuvre par voie de conventions conclues entre l'Etat et les organisations professionnelles et syndicales.

6 () Mais il convient de garder à l'esprit qu'il revient, par exemple dans le cas des chômeurs de longue durée, tant aux contrats d'accès à l'emploi qu'aux contrats initiative emploi, de réserver une place plus systématique à l'effort de formation.

7 () Selon le document de présentation du budget édité par le ministère.

8 () Lors de son discours de vœux aux Français le 31 décembre 2003 par exemple : « ouvrons un droit à la formation et à la seconde chance pour les salariés sortis prématurément du système scolaire ».

9 () Avis budgétaire sur la formation professionnelle n° 257, tome III.

10 () Cet article, introduit dans la Constitution en mars 2003, répondait au souci de « donner une portée réelle aux principes posés dans le code général des collectivités territoriale », car on sait en effet, « en l'absence de toute prescription constitutionnelle, ce qu'il est advenu du principe de loyauté des transferts depuis les lois de décentralisation : l'Etat a cherché à réduire son déficit par une politique de transferts de compétences sans accorder l'équivalent en termes de ressources ». Voir le rapport (n° 1435) de la commission des lois de l'Assemblée nationale pour la préparation de la discussion du projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales en première lecture.

11 () Voir les débats de la 2e séance du jeudi 26 février 2004. A cet égard, on rappellera d'ailleurs la tendance actuelle inquiétante à la baisse des dépenses en faveur des publics spécifiques, depuis 1997. Or « cette baisse est imputable à la réduction de la dépense de l'Etat, qui n'est pas compensée par l'effort des régions » (DARES, Premières synthèses, avril 2004, n° 16.1).

12 () Sans même qu'il soit besoin d'évoquer longuement ici les objectifs plus généralement affichés par le contrat de progrès pour la période 2004-2008, contrat fixant les principales orientations stratégiques et politiques de l'établissement.

13 () On peut garder à l'esprit le chiffre simplifié, sur un total de ressources de 1 milliard d'euros, de 700 millions d'euros de subventions étatiques.

14 () On ne s'étendra donc pas ici sur la situation des acteurs privés comme bénéficiaires, tout en notant l'importance des actifs du secteur privé au sein des bénéficiaires de la formation professionnelle, 40 %, soit davantage que les jeunes (26 %), les agents de la fonction publique (17 %) et les demandeurs d'emploi (15 %), non plus que sur celle des entreprises entendues comme organismes de formation.

15 () On dénombre 99 OPCA, qui se répartissent entre 40 organismes nationaux professionnels, un organisme national interbranches, deux organismes nationaux interprofessionnels (AGEFOS-PME et IPCO), 25 organismes régionaux interprofessionnels (les OPCAREG), une trentaine d'organismes uniquement gestionnaires du congé individuel de formation.

16 () Même si, là encore, il faut nuancer cette appréciation, car on peut déjà noter « la tendance croissante des entreprises à privilégier les versements aux OPCA comme moyen de se libérer de l'obligation de financement de la formation professionnelle : la collecte globale des OPCA a dépassé 4 milliards d'euros en 2002, en augmentation de 6 % sur 2001 et 15 % sur 2000 ».

17 () Voir en particulier Le Monde, mardi 29 juin 2004, enquête réalisée par le cabinet CAA.


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