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N° 1868

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 octobre 2004.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2005 (n° 1800),

TOME V

JUSTICE

SERVICES PÉNITENTIAIRES
et PROTECTION JUDICIAIRE de la JEUNESSE

PAR MME VALÉRIE PECRESSE,

Députée.

--

Voir le numéro : 1863 (annexe 31).

L'article 49 de la loi organique du 1er août 2001 fixe comme date butoir, pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires, au plus tard huit jours francs à compter du dépôt du projet de loi de finances. Cette date était donc le 9 octobre. À cette date, environ 64 % des réponses étaient parvenues à votre rapporteure qui remercie les services du ministère de la Justice de leur collaboration.

INTRODUCTION 5

I. - L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE 7

A. UN BUDGET CONFORME AUX EXIGENCES DE LA LOI D'ORIENTATION ET DE PROGRAMMATION POUR LA JUSTICE 7

1. D'importants recrutements en faveur d'un personnel revalorisé 7

a) Des créations d'emplois nombreuses dans un contexte budgétaire pourtant contraint 7

b) De nombreuses vacances de postes 8

b) Des mesures renforçant l'attractivité des métiers pénitentiaires 9

e) Des créations permettant une amélioration des conditions de travail des personnels et de la prise en charge des détenus 13

2. Des dépenses d'équipement au service de la rénovation et de l'extension du parc pénitentiaire 18

a) Les grands programmes de rénovation se poursuivent 18

b) Les précédents programmes de construction sont quasiment achevés 20

c) Le plan 13 000 est initié 21

c) La sécurisation des établissements est renforcée 25

B. QUELLE PRISE EN CHARGE FACE À L'AUGMENTATION DU NOMBRE DES DÉLINQUANTS SEXUELS ET DES PERSONNES SOUFFRANT DE TROUBLES MENTAUX INCARCÉRÉS 26

1. La délinquance sexuelle, première cause d'incarcération 26

a) Une augmentation continue des délinquants sexuels depuis dix ans 26

b) Un accroissement concomitant des personnes incarcérées souffrant de troubles mentaux 28

2. Une prise en charge inadaptée 29

a) L'insuffisance des moyens psychiatriques 29

b) La méconnaissance de la dangerosité et des risques de récidive 31

C. QUELLES PERSPECTIVES POUR L'INSERTION PROFESSIONNELLE DES DÉTENUS ? 32

1. Des actions en matière de formation professionnelle nombreuses 32

a) Une population carcérale qui cumule les difficultés 32

b) Des actions de formation professionnelles nombreuses et diversifiées 33

2. Une baisse préoccupante de l'emploi pénitentiaire 35

a) En dépit des objectifs assignés au programme d'augmentation du travail pénitentiaire... 35

b) ...La situation de l'emploi en détention se dégrade 36

II. - LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE 38

A. UNE ACTIVITÉ MARQUÉE PAR L'ACCROISSEMENT DES MESURES PÉNALES ET LA DIMINUTION DU NOMBRE DES MINEURS INCARCÉRÉS 38

1. Une activité des services en hausse 38

a) Un secteur public spécialisé dans la prise en charge des mesures pénales 38

b) Un nombre des mesures en attente en baisse mais un délai de prise en charge stable 39

c) Un budget qui conforte les moyens alloués à la PJJ 41

2. Une diminution du nombre des mineurs incarcérés 44

a) Le nombre des mineurs incarcérés diminue depuis deux ans 44

b) Une évolution qui s'explique par la diversification de la réponse pénale 45

B. UNE INTERVENTION DANS LES QUARTIERS MINEURS RÉUSSIE ET PRÉFIGURANT LE RÔLE DE LA PJJ AU SEIN DES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES POUR MINEURS 50

1. Vers la présence continue des éducateurs de la PJJ en quartier mineur 50

2. ... préfigurant le rôle de la PJJ au sein des futurs établissements pénitentiaires pour mineurs 51

C. UNE DIVERSIFICATION DES RECRUTEMENTS ENGAGÉE 53

1. Un profil des éducateurs trop généraliste 53

2. La nécessaire diversification des modes de recrutement 54

D. VERS UN CONTRÔLE ET UNE ÉVALUATION DE L'ACTIVITÉ DE LA PJJ RENFORCÉS ? 56

1. Des capacités de contrôle confortées 56

a) La déconcentration de la gestion des ressources humaines est en cours 56

b) Vers la mise en place d'un outil de gestion du patrimoine immobilier 57

2. Une démarche d'évaluation et de mise en œuvre de référentiels est engagée 58

a) En l'attente des premiers résultats du panel des mineurs 58

b) ...la PJJ s'engage dans l'élaboration de référentiels professionnels 59

AUDITION DE M. DOMINIQUE PERBEN, GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DE MME NICOLE GUEDJ, SECRÉTAIRE D'ÉTAT AUX DROITS DES VICTIMES 61

PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEUR POUR AVIS 87

DÉPLACEMENTS DE LA RAPPORTEURE POUR AVIS 88

MESDAMES, MESSIEURS,

Le budget pour 2005 est le dernier présenté sous la forme traditionnelle du « bleu » budgétaire. En effet, comme le prévoit la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 (lolf), le prochain budget comprendra des « projets annuels de performance » répartissant les crédits par programme et par nature et comprenant des objectifs ainsi que des indicateurs de résultats.

Afin de s'assurer de la préparation des administrations concernées et de permettre aux élus de la représentation nationale de présenter en temps utile leurs observations, le ministre de la Justice a décidé, dès cette année, de distribuer, parallèlement au « bleu » budgétaire, un avant-projet préfigurant la mise en œuvre de la lolf. Cette démarche est la bienvenue car elle offre l'occasion de s'interroger sur les missions, les objectifs et les indicateurs à construire pour ces deux importants services publics que sont l'administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse.

Le programme « administration pénitentiaire » est construit sur le fondement de cinq actions : la garde et le contrôle des personnes placées sous main de justice, l'accueil des personnes en détention, l'accompagnement et la réinsertion de ces personnes, le soutien et, enfin, la formation des personnels de cette administration.

Bien évidemment, ces programmes ne sont pas d'importance égale, puisque la mission de garde des détenus concentre plus de 80 % des personnels de l'administration pénitentiaire et consomme plus de 50 % des crédits qui lui sont alloués. Pour sa part, l'action tendant à l'accueil des détenus mobilise le quart des ressources et concerne un cinquième des effectifs de l'administration pénitentiaire. Il ressort de ce qui précède que les trois dernières actions, dont celle relative à la réinsertion des détenus, ne se partagent qu'un quart des ressources, ce qui est révélateur des priorités assignées au système carcéral.

S'agissant des objectifs de performance retenus, ils sont au nombre de sept et tendent à :

- renforcer la sécurité des établissements pénitentiaires (n° 1) ;

- adapter le parc immobilier aux catégories de populations (n° 2) ;

- augmenter l'effectif des personnes placées sous main de justice et qui exécutent leur peine dans le cadre d'un aménagement (n° 3) ;

- permettre le maintien des liens familiaux (n° 4) ;

- améliorer l'accès aux soins (n° 5) ;

- favoriser les conditions d'insertion professionnelle des détenus (n° 6) ;

- améliorer le délai de mise en œuvre du suivi du condamné (n° 7).

À ces différents objectifs sont adossés plusieurs indicateurs sur lesquels votre rapporteure souhaite présenter les remarques suivantes.

S'agissant du premier objectif, les deux indicateurs proposés sont le nombre d'évasions ainsi que le taux d'incident par 10 000 détenus. Or, une vision moins restrictive de la sécurité aurait du conduire à prendre en considération le nombre des suicides ainsi que celui des agressions entre détenus qui participent de la sécurité globale des établissements pénitentiaires et, partant, de la mesure de la qualité de la garde.

En ce qui concerne l'adaptation du parc immobilier aux catégories de populations accueillies (n° 2), l'unique indicateur retenu mesure le coût de la journée de détention qui n'épuise pas, loin s'en faut, cette question. En effet, une approche plus qualitative pourrait également être engagée afin d'évaluer l'adéquation entre la dangerosité des détenus et le degré de sécurité de l'établissement dans lequel ils séjournent. Il convient de rappeler ici que la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 prévoit la création d'établissements pénitentiaires au régime de détention « allégé », ces établissements ayant le double avantage d'être mieux adaptés au profil des détenus les moins dangereux tout en étant moins coûteux pour les finances publiques.

Enfin, votre rapporteure regrette que la question de la récidive soit la grande absente des différents objectifs et indicateurs retenus tant par l'administration pénitentiaire que par la protection judicaire de la jeunesse. En effet, si ces administrations ne sauraient être tenues pour seules responsables de la récidive des personnes qu'elle ont pris en charge, il n'en demeure pas moins que le taux de retour en prison pour l'une, ou le taux de nouvelle mesure prononcée à l'égard d'un mineur délinquant pour l'autre, participent de l'évaluation de l'efficacité dans le temps des actions qu'elles ont entreprises et devraient, à ce titre, figurer parmi les indicateurs choisis.

I. - L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

A. UN BUDGET CONFORME AUX EXIGENCES DE LA LOI D'ORIENTATION ET DE PROGRAMMATION POUR LA JUSTICE

1. D'importants recrutements en faveur d'un personnel revalorisé

a) Des créations d'emplois nombreuses dans un contexte budgétaire pourtant contraint

Sur les 3 000 emplois dont la création est prévue par le projet de loi de finances pour 2005, plus de 1 100 sont alloués à la Justice qui conforte ainsi son statut de priorité pour le Gouvernement. En effet, si le budget global de l'État progresse de 1,5 % en 2005, celui de la Justice connaît une augmentation de 4 %. Ce traitement favorable est d'autant plus remarquable en matière de création d'emplois en faveur de l'administration pénitentiaire, puisque cette dernière bénéfice de 536 créations de postes dont 210 emplois de surveillance.

Il convient de rappeler que la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 (lopj) prévoit la création de 3 740 emplois au profit de l'administration pénitentiaire entre 2003 et 2007. Compte tenu des créations prévues en 2005, le taux de réalisation de la lopj s'élèvera à 68,28 % fin 2005, à comparer à un taux de réalisation théorique qui devrait atteindre 60 %.

Le tableau suivant récapitule le total des emplois obtenus au titre de la lopj de 2003 à 2005 :

2003

2004

2005

Total 2003-2005

Fonctionnaires

870

1 111

533

2 514

ENAP

20

17

3

40

TOTAL

890

1 128

536

2 554

Sur le fond, ces recrutements devraient permettre de renforcer :

la surveillance en établissements pénitentiaires, grâce à l'affectation de 60 emplois à cette fin, dont 58 surveillants et 2 chefs de service pénitentiaire de 2e classe ;

les missions des services pénitentiaires d'insertion et de probation, au travers des 200 emplois de travailleurs sociaux dont la création est prévue. Ces effectifs supplémentaires devraient permettre la mise en oeuvre dans des conditions satisfaisantes de la réforme de l'application des peines prévue par la loi du 9 mars 2004, introduite à l'initiative de notre collègue Jean-Luc Warsmann et que votre rapporteure a présentée en détail dans son précédent rapport. Il convient cependant de souligner que, selon les déclarations faites par le garde des Sceaux devant l'Assemblée nationale lors de la séance des questions au Gouvernement du 19 octobre 2004, près de 13 000 détenus seraient susceptibles d'être concernés chaque année par le dispositif du « sas » de sortie. Prévu par les articles 723-20 à 723-28 du code de procédure pénale, ce dispositif tend à lutter contre les sorties « sèches » de détention en confiant aux spip l'organisation de la sortie progressive du condamné grâce à son placement à l'extérieur, sous surveillance électronique ou en semi-liberté ;

les capacités de gestion et d'intervention des services déconcentrés, grâce aux 120 emplois de personnel administratif créés dont 8 attachés d'administration et d'intendance, 15 secrétaires administratifs, 18 adjoints administratifs principaux et 75 adjoints administratifs ;

les capacités d'accueil et de prise en charge des détenus, grâce à l'affectation de 150 emplois à cette mission dont 130 surveillants et 20 premiers surveillants.

b) De nombreuses vacances de postes

Si la lopj, et les budgets successifs qui la mettent en œuvre depuis 2002, prévoit des créations d'emplois massives, la portée de ces dernières est fragilisée par les nombreuses vacances de postes observées.

Ainsi, au 1er janvier 2004, 2 250 postes étaient vacants, ce chiffre étant le résultat du cumul des créations d'emplois non pourvues et des libérations de postes en cours d'année provoquées, notamment, par les départs à la retraite qui demeurent à un niveau constant depuis 2001. Afin de remédier à ces vacances, les recrutements importants engagés depuis 1999 se sont poursuivis en 2004.

S'agissant du personnel de direction, il convient de préciser que les effectifs réels figurant dans le tableau suivant n'intègrent pas les effets du concours 2004 dont les 34 nominations ont eu lieu au cours de l'année 2004, l'effectif réel du corps devant ainsi être égal à l'effectif budgétaire.

Par ailleurs, les efforts de recrutement au sein du personnel administratif depuis 2001 se poursuivent, un concours de secrétaire administratif devant être organisé à la fin de l'année 2004 et permettre, ce faisant, de combler la plus grande partie des vacances de postes.

En ce qui concerne les personnels socio-éducatifs, la réforme de la filière actuellement en cours n'a pas permis l'organisation d'un concours de chef de service d'insertion et de probation. En revanche, 201 conseillers d'insertion et de probation, dont la scolarité dure 2 ans, ont été recrutés en 2004 et 360 au total sont actuellement en formation.

Selon les informations communiquées à votre rapporteure par la direction de l'administration pénitentiaire, la nouvelle campagne de publicité initiée en 2004 devrait permettre de résorber la quasi totalité des vacances de postes dans le grade de surveillant d'ici à la fin de l'année. Les concours organisés en juin 2003 (arrivés en formation en janvier 2004), janvier et juin 2004 auront permis d'accueillir près de 1 900 élèves alors même que, en raison du chevauchement des promotions, 1 940 surveillants sortiront de formation au cours de l'année.

Enfin, s'agissant du grade de premier surveillant, l'examen professionnel qui s'est déroulé au cours du 1er semestre 2004 devrait permettre de réduire le taux de vacance de 13,55 % au 1er janvier à 3,71 % au 31 décembre.

SITUATION DES EFFECTIFS BUDGÉTAIRES ET RÉELS AU 1ER JANVIER 2004

Effectifs réels dont enap au 01/01/2004

Total effectif
budgétaire
(y compris enap)

Milieu fermé

spip

Vacances
(budgétaire/réel)

Personnel de direction

429

393

0

36

Personnel administratif

2 766

2 191

245

330

Personnel technique

745

610

0

135

Personnel socio-éducatif
(personnel d'insertion et de probation,
y compris les directeurs des SPIP
et les personnels de service social

2 633

0

2248

385

Personnel de surveillance

23 146

21 784

17

1 345

Contractuels (y compris les professeurs)

209

182

8

19

TOTAL

29 928

25 160

2 518

2 250

27 678

b) Des mesures renforçant l'attractivité des métiers pénitentiaires

Afin de parvenir à pourvoir les nombreux postes offerts dans des conditions satisfaisantes, notamment en termes de niveau et de motivation des candidats, la direction de l'administration pénitentiaire a développé deux initiatives : le lancement d'une vaste campagne de promotion de l'image des métiers pénitentiaires au travers du slogan « la prison change, changez avec elle » d'une part, et le renforcement de l'attractivité des métiers par des mesures statutaires et indemnitaires d'autre part.

-  une campagne de communication ambitieuse aux effets positifs :

Lancée en octobre 2002, la campagne nationale d'information sur les métiers pénitentiaires a été une première dans l'histoire de cette administration. Cette campagne, qui s'est déroulée en deux phases, s'est achevée en avril 2003 et avait pour objet de faciliter le recrutement de 10 000 fonctionnaires sur 5 ans, dont près de 8 000 surveillants, en améliorant leur image.

Il convient de rappeler qu'au cours des années précédant son lancement, le nombre de candidats se présentant aux épreuves des concours de surveillant pénitentiaire ne suffisait plus à pourvoir l'ensemble des postes offerts.

De septembre à mi-novembre 2002, la première phase de cette opération a consisté à développer une campagne publicitaire dans la presse écrite, tant nationale que régionale, elle-même accompagnée de la diffusion de publicités gratuites sur certains sites internet, du publipostage de brochures et d'affiches en direction des partenaires institutionnels et des organismes spécialisés dans le recrutement. Un module interactif accessible sur le site du ministère de la Justice et sur celui de l'agence nationale pour l'emploi renvoyant à un formulaire de demande de dossier d'inscription a été concomitamment mis en ligne.

Aux mois de mars et avril 2003, ce dispositif a été reconduit tout en étant complété par la diffusion de spots télévisés. Deux films publicitaires ont été diffusés du 5 au 30 mars sur TF1, France 2 et 3, Canal + et M6 et mettaient en scène deux authentiques gardiens surveillants parlant de leur métier.

Ces initiatives ont permis une augmentation de près de 100 % du nombre des personnes inscrites et présentes au concours de gardien surveillant dont les épreuves écrites se sont déroulées le 8 janvier 2003. Ainsi, 20 338 candidats se sont inscrits à ce concours et 13 847 se sont présentés aux épreuves d'admissibilité. À titre de comparaison, 10 422 personnes s'étaient inscrites au concours précédent, 7 631 ayant participé aux épreuves écrites. S'agissant de la 2e session 2003 du concours de surveillant, 28 114 personnes s'y sont inscrites et 18 526 se sont présentées aux épreuves d'admissibilité organisées le 18 juin 2003. À l'issue de ces épreuves, 1 038 candidats ont été déclarés admis sur la liste principale et 904 personnes ont été inscrites sur la liste complémentaire.

Au total, 1 384 élèves surveillants ont été nommés, constituant 2 promotions. Ils ont débuté leur formation à l'École nationale d'administration pénitentiaire (enap) à Agen (47) les 11 décembre 2003 et 12 janvier 2004. Ces promotions, respectivement composées de 693 et 691 élèves, sont d'ailleurs les plus importantes jamais formées par l'école.

Le budget global de la campagne s'est élevé à 2,28 millions d'euros pour un résultat qui semble correspondre aux objectifs poursuivis. En effet, les concours organisés postérieurement à la campagne ont permis de pourvoir tous les postes offerts à leurs sessions, ce qui n'était plus le cas depuis 1999. Par ailleurs, un rééquilibrage des profils des candidats, au regard des objectifs recherchés par l'administration, a pu être observé : une moindre féminisation des effectifs ainsi qu'une meilleure adéquation entre les origines géographiques des candidats et leurs futures affectations.

Au-delà de ces résultats aisément mesurables, cette opération de communication a également permis de valoriser l'image des personnels pénitentiaires auprès de l'opinion publique. Cet effet a été confirmé par un sondage mené dans les jours qui ont suivi la fin de la diffusion des spots télévisés. Il ressort de cette étude que, si 45 % des Français ont vu la campagne, cette proportion atteint 55 % des hommes jeunes qui constituent le public « cible » de l'opération. Sur le fond, 74 % des personnes ont appréciée la campagne, l'estimant « pédagogique » et « valorisant le métier de surveillant, en en donnant une autre image » et 95 % l'ont jugée « utile ». Un quart des sondés s'est senti concerné et en a parlé à son entourage, cette proportion atteignant 31 % chez les jeunes.

Le tableau suivant illustre clairement l'augmentation du nombre des candidats résultant de la campagne de communication.

Printemps 2003
(télé)

Automne 2002
(1ère phase campagne)

Printemps 2002

2 sessions
de 2001

Dossiers demandés

60 000

45 000

15 000

7 000 et 8 000

Inscrits

28 100

20 800

10 400

6 000 et 6 500

Présents aux écrits

18 500

1400

7 600

4 500 et 4 800

Reçus

1 942

1 300

899
(sur 1 020 postes offerts)

377
(sur 500 postes offerts) et 726 (sur 726)

- des réformes statutaires engagées :

Compte tenu de l'entrée en vigueur des dispositions relatives à l'application des peines figurant dans la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, la réforme statutaire de l'ensemble de la filière d'insertion et de probation est désormais indispensable. En effet, l'accroissement des responsabilités dévolues à ces personnels en matière de préparation à la sortie de détention et de suivi en milieu ouvert des condamnés libérés doit s'accompagner d'une revalorisation statutaire garante de l'attractivité de ces métiers. À cette fin, des provisions de 1,5 million d'euros ont d'ores et déjà été obtenues en lois de finances initiales pour 2003 et 2004.

À la suite d'un arbitrage interministériel intervenue le 15 avril 2004, le projet statutaire retenu comprend :

- la création d'un véritable corps d'encadrement, les directeurs d'insertion et de probation (dip) classé en catégorie A ;

- l'amélioration du statut d'emploi de directeur des services pénitentiaires d'insertion et de probation (dspip) ;

- la revalorisation indiciaire de l'indice brut sommital du corps des chefs des services d'insertion et de probation (csip).

Au total, 1,68 million d'euros ont été obtenus en 2005 pour réaliser cette réforme.

Par ailleurs, l'administration pénitentiaire s'est dotée d'un plan d'adaptation structurelle et fonctionnelle permettant de répondre à un climat carcéral difficile pour les personnels par l'engagement d'une réforme statutaire du corps de direction des services pénitentiaires.

La réforme de 2002 a sensiblement amélioré le statut des directeurs des services pénitentiaires, notamment grâce à des durées de carrière plus courtes, un pyramidage et un volet indemnitaire plus avantageux. Cependant, ces personnels demeurent fortement sollicités, et le seront plus encore à l'avenir en raison des exigences liées à la modernisation de l'administration pénitentiaire. C'est pourquoi, afin de développer des passerelles entre des corps homologues, l'administration pénitentiaire prévoit une revalorisation indiciaire des directeurs de service pénitentiaire hors classe et de 2e classe, proche de celle obtenue par la police nationale. L'augmentation, à hauteur de cinq emplois, du nombre d'emplois de directeurs des services pénitentiaires hors classe inscrite au budget 2005 participe également de cette volonté.

Il en est de même pour les personnels de surveillance dont la réforme statutaire envisagée a pour objet de répondre à l'accroissement des besoins en personnels qualifiés et d'encadrement.

Il convient de souligner que la direction de l'administration pénitentiaire conduit cette réforme dans une perspective d'alignement statutaire avec les corps homologues de la police nationale, ce qui suppose qu'il n'y ait pas de décrochage indiciaire entre ces catégories. En effet, un décrochage unilatéral des corps de référence aurait, dans le contexte actuel, un effet démobilisateur lourd de conséquence pour des personnels qui assurent leur mission de sécurité sans défaillance au sein des établissements pénitentiaires.

Le coût total de cette réforme s'élève à 3,4 millions d'euros mais, compte tenu de la provision de 1 million d'euros obtenue antérieurement, le projet de budget pour 2005 prévoit l'inscription d'une enveloppe de 2,4 millions d'euros.

des mesures indemnitaires programmées pour 2005 :

Dans un contexte d'accroissement des responsabilités des personnels affectés au sein des spip, une indemnité spécifique pour les 2 086 agents concernés, d'un montant de 275 euros par agent, est prévue, soit une enveloppe globale de 573 650 euros.

Par ailleurs, l'indemnité horaire versée pour le travail effectué les dimanches et jours fériés va bénéficier d'une revalorisation de son montant, inchangé depuis 1995 alors même que la charge de travail supportée par les personnels pénitentiaires n'a fait qu'augmenter. Rappelons que cette indemnité est versée aux agents appelés à assurer, au sein d'équipes de jour, leur service les dimanches ou les jours fériés dans le cadre de la durée hebdomadaire réglementaire de travail, pendant au moins six heures consécutives. Le coût de cette mesure devrait atteindre 930 094 euros.

Enfin, la prime de surveillance de nuit, allouée au personnel de surveillance accomplissant ses fonctions entre 21 heures et 6 heures pendant au moins six heures consécutives, va également bénéficier d'une mesure de revalorisation dont le coût est évalué à 1 495 591 euros.

des transformations d'emplois liées aux besoins des services :

Une mesure de transformation d'emplois est inscrite permettant de créer 10 emplois de conseiller d'insertion et de probation et 5 emplois de chefs de services d'insertion et de probation et supprimant, en conséquence, 10 emplois d'assistants de service social et 5 emplois de conseillers techniques de service social. En outre, le projet de budget pour 2005 prévoit de transformer 10 emplois de surveillants inscrits au budget voté en 2004 en emplois de contractuels et de personnels techniques au bénéfice du service de l'emploi pénitentiaire.

Par ailleurs, l'entrée en vigueur de l'article 76 de la loi portant réforme des retraites du 21 août 2003 modifie le régime additionnel des retraites de la fonction publique. En effet, la loi a créé un régime additionnel obligatoire pour les agents titulaires de l'État permettant l'acquisition de droits à la retraite assis sur l'ensemble des rémunérations de toute nature. Il est ainsi prévu qu'un taux de cotisation globale de 10 % (5 % à la charge de l'agent, 5 % à la charge de l'employeur) s'applique à une assiette représentant l'ensemble des éléments de rémunération de toute nature perçus au cours de l'année civile et dans la limite de 20 % du traitement indiciaire brut total de l'année considérée. À ce titre, un abondement de crédits de 3,3 millions d'euros sur le chapitre 33-90 (cotisations sociales) est inscrit au projet de loi de finances pour 2005.

e) Des créations permettant une amélioration des conditions de travail des personnels et de la prise en charge des détenus

L'accroissement de la population carcérale a pour double effet de rendre plus délicate la mission de garde des surveillants tout en complexifiant la mise en œuvre du suivi individualisé des détenus. À cette aune, la création de 3 750 emplois dans l'administration pénitentiaire prévus par la lopj devrait considérablement améliorer la situation des personnels et l'encadrement des détenus.

Ainsi, le nombre des détenus au 1er janvier de chaque année est passé de 47 837 en 2001 à 55 407 en 2003 pour atteindre 59 246 cette année. Ces chiffres ne rendent pas compte des traditionnelles variations de la population carcérale au cours de l'année, celle-ci culminant en juillet et diminuant quelque peu à la suite du décret de grâce présidentiel. Ainsi, en 2004, le nombre des personnes détenues a atteint 64 000 en juillet mais s'établit désormais à près de 60 000. Le tableau suivant illustre ces tendances.

ÉVOLUTION DEPUIS 1990 DE LA POPULATION DÉTENUE SELON LA CATÉGORIE PÉNALE
AU 1ER JANVIER

Prévenus

Condamnés

Contraintes par corps

Ensemble

Outre-mer

Métropole

Ensemble

Outre-mer

Métropole

Ensemble

Outre-mer

Métropole

Ensemble

Outre-mer

Métropole

Ensemble

1990

671

19 909

20 580

834

23 797

24 631

2

207

209

1 507

43 913

45 420

1991

817

19 047

19 864

1 104

27 976

29 080

2

137

139

1 923

47 160

49 083

1992

860

19 550

20 410

1 140

28 334

29 474

2

229

231

2 002

48 113

50 115

1993

1042

20 101

21 143

1 134

27 667

28 801

2

396

398

2 178

48 164

50 342

1994

933

20 026

20 959

1 378

29 934

31 312

-

280

280

2 311

50 240

52 551

1995

917

22 159

23 076

1 393

29 166

30 559

2

298

300

2 312

51 623

53 935

1996

1018

20 899

21 917

1 383

31 509

32 892

3

250

253

2 404

52 658

55 062

1997

1155

21 366

22 521

1 473

30 033

31 506

1

241

242

2 629

51 640

54 269

1998

1290

20 301

21 591

1 809

30 175

31 984

2

268

270

3 101

50 744

53 845

1999

1240

19 212

20 452

2 046

30 215

32 261

3

245

248

3 289

49 672

52 961

2000

1110

16 990

18 100

2 278

30 848

33 126

4

211

215

3 392

48 049

51 441

2001

1027

15 080

16 107

2 186

29 445

31 631

6

93

99

3 219

44 618

47 837

2002

878

15 246

16 124

2 395

30 049

32 444

2

24

26

3 275

45 319

48 594

2003

1069

19 783

20 852

2 508

32 021

34 529

3

23

26

3 580

51 827

55 407

2004

1209

20 540

21 749

2 681

34 798

37 479

1

17

18

3 891

55 355

59 246

Source : statistique trimestrielle

L'augmentation de la population carcérale conduit, toutes choses égales par ailleurs, à la dégradation du taux d'encadrement des personnes détenues. Comme l'illustrent les tableaux suivants, ce taux, qui avait atteint son niveau le plus bas en 2002 (2,45 détenus pour un surveillant), progresse légèrement depuis et atteint 2,84 en 2004. Toutefois, il convient de noter que ce niveau demeure inférieur à celui observé au milieu des années 90 et devrait se stabiliser, voire décroître grâce à l'arrivée sur le terrain des nouvelles et nombreuses promotions de gardiens surveillants.

En effet, lorsque l'on rapporte le nombre des détenus à l'effectif budgétaire de surveillants, et non à l'effectif réel (tableau 2), le taux d'encadrement atteint alors 2,58 en 2004, soit un niveau nettement inférieur à celui prévalant dans les années 90.

Tableau 1 : Évolution du taux d'encadrement
(calculé à partir des effectifs réels de surveillants) depuis 1994

au 1er janvier

Nombre de détenus (1)

Effectifs réels des personnels de surveillance (2)

Taux d'encadrement* (1)/(2)

1994

52 551

18 147

2,90

1995

53 935

18 396

2,93

1996

55 062

18 763

2,93

1997

54 269

19 072

2,85

1998

53 845

19 331

2,79

1999

52 961

19 215

2,76

2000

51 441

19 165

2,68

2001

47 837

19 278

2,48

2002

48 594

19 845

2,45

2003

55 407

20 074

2,76

2004

59 426

20 902

2,84

Tableau 2 : Évolution du taux d'encadrement
(calculé à partir des effectifs budgétaires de surveillants) depuis 1994

au 1er janvier

Nombre de détenus (1)

Effectifs budgétaires
des personnels de surveillance (2)

Taux d'encadrement* (1)/(2)

1994

52 551

18 795

2,80

1995

53 935

19 146

2,82

1996

55 062

19 622

2,81

1997

54 269

19 727

2,75

1998

53 845

19 771

2,72

1999

52 961

19 987

2,65

2000

51 441

20 256

2,54

2001

47 837

20 529

2,33

2002

48 594

21 749

2,23

2003

55 407

22 358

2,48

2004

59 426

23 065

2,58

* Nombre de détenus par surveillant

(1) Champ : métropole et outre-mer

(2) Source : nombre de détenus (statistique trimestrielle), nombre de surveillants (RH3)

Bien évidemment, l'accroissement de la population carcérale possède également un impact financier sur le budget 2005 à plusieurs titres :

- au titre des dépenses de fonctionnement des établissements. Le nombre de détenus supplémentaires pris en charge accroît mécaniquement les dépenses de fonctionnement des établissements qui sont déterminées par le coût de la journée de détention (jdd). Ce surcoût, qui prend également en considération l'évolution du taux d'inflation, est estimé à 13,9 millions d'euros pour 2005 contre 17,4 millions d'euros en 2004 ;

- au titre des dépenses liées à la gestion mixte.  L'évolution des dépenses allouées aux marchés de gestion déléguée doit tenir compte de l'effet volume de la population carcérale, de l'indice de révision des prix et de la prise en charge des nouveaux établissements pénitentiaires. À cette fin, 9,7 millions d'euros sont inscrits dans le budget 2005 contre 12,8 millions d'euros en 2004 ;

- au titre des dépenses de santé des détenus. Si le service public hospitalier assure les soins dispensés aux détenus, l'administration pénitentiaire doit cependant acquitter à l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (acoss) des cotisations sociales pour chaque détenu. Là encore, la croissance de la population carcérale conduit, de façon mécanique, à l'augmentation de la dépense : 2 millions d'euros sont demandés pour 2005 tandis que 11 millions d'euros l'avaient été en 2004.

les DISPOSITIFS d'accès aux soins somatiques des détenus

Le service public hospitalier assure, depuis 2001, les soins dispensés aux personnes détenues, y compris dans les établissements pénitentiaires à gestion mixte. Cette réforme constitue l'aboutissement d'une politique de décloisonnement de l'administration pénitentiaire engagée depuis plus de 10 ans dans le domaine de la santé. En effet, depuis 1984 le ministère de la Santé a été constamment associé par le ministère de la Justice à l'élaboration de sa politique sanitaire, notamment au travers du comité interministériel de coordination de la santé en milieu pénitentiaire.

L'enquête « un jour donné » de la drees, citée par le rapport des Inspections générales des services judiciaires (igsj) et des affaires sociales (igas) de juin 2001, fait apparaître l'état de très grande précarité sanitaire dans lequel se situent les personnes détenues :

-  15 % d'entre elles déclarent avoir un domicile précaire ou être sans abri ;

-  17,2 % des entrants en détention déclarent ne disposer d'aucune protection sociale ;

-  40 % des entrants déclarent n'avoir eu aucun contact avec le système de soins dans les 12 mois précédant leur incarcération ;

-  30 % des personnes nouvellement incarcérées cumulent des consommations à risque (alcool - drogue - tabac - psychotrope).

L'offre de soins disponible est donc une question déterminante dans l'analyse de la prise en charge sanitaire des détenus. Elle s'organise selon que la nature des soins dispensés requière, où non, l'hospitalisation du détenu.

Ainsi, une unité de consultations et de soins ambulatoires (ucsa), qui est une unité fonctionnelle du service hospitalier territorialement compétent, est désormais implantée dans chaque établissement pénitentiaire. Les soins, tant somatiques que psychiatriques ne nécessitant pas l'hospitalisation du détenu, y sont prodigués par des équipes pluridisciplinaires de l'hôpital. Au plan local, cette organisation nouvelle est formalisée au travers d'un protocole signé par le directeur de l'établissement pénitentiaire et le directeur de l'hôpital, sous l'égide des autorités régionales sanitaires (agence régionale de l'hospitalisation) et pénitentiaires (direction régionale des services pénitentiaires).

La charge de l'organisation des soins aux détenus est financée par les budgets des hôpitaux à partir des cotisations sociales versées chaque année par le ministère de la Justice pour l'ensemble de la population pénale et du montant des frais, non pris en charge par la sécurité sociale, payé par le ministère de la Justice aux hôpitaux au titre du remboursement du ticket modérateur et du forfait journalier.

Lorsque l'état de santé du détenu exige une mesure d'hospitalisation, la structure ayant vocation à l'accueillir dépend de la durée du séjour et du caractère prévisible de l'opération.

S'agissant des hospitalisations d'urgence et de courte durée, elles sont réalisées dans l'hôpital signataire du protocole avec l'établissement pénitentiaire. Il est donc nécessaire de sécuriser certaines chambres. À ce sujet une enquête nationale destinée à dresser l'état des lieux et des besoins sur la base d'un cahier des charges à été confiée aux Préfets et à la direction générale de la police nationale. Ses résultats, établis en 2002, sont les suivants :

- 44 chambres sont aux normes dans 24 sites hospitaliers ;

- 190 chambres sont à rénover ou à créer dans 110 sites hospitaliers ;

- 52 chambres (parmi les 190) ont été classées prioritaires en 2002 et 138 autres l'ont été en 2004. À cette fin, l'administration pénitentiaire dispose d'un crédit de 2,72 millions d'euros pour réaliser les travaux de sécurisation nécessaires.

En ce qui concerne les hospitalisations programmées ou de longue durée, les ministères de la Justice et de la Santé ont confié en 1995 une mission conjointe à l'inspection générale des affaires sociales (igas) et à l'inspection générale des services judiciaires (igsj), afin d'évaluer les besoins en cette matière.

Cette mission a proposé un schéma national d'hospitalisation des détenus reposant sur la création de huit unités inter régionales d'hospitalisation sécurisées (uhsi) implantées en chu, destinées à concentrer l'ensemble des hospitalisations de détenus, en dehors des situations d'urgences. D'une capacité globale de 182 lits, les huit uhsi seront sises à Bordeaux (16 lits), Lille (21 lits), Lyon (23 lits), Marseille (45 lits), Nancy (17 lits), Rennes (19 lits), Toulouse (16 lits) et Paris (groupe hospitalier de la Pitié-Salpêtrière pour 25 lits).

Les travaux nécessaires à la création de ces structures sont pilotés par les services techniques des chu. Le calendrier de la construction des uhsi, tel qu'arrêté par la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins en liaison avec l'administration pénitentiaire, prévoit leur ouverture d'ici à 2007. Le 17 février 2004, l'uhsi de Nancy a accueilli ses premiers patients. En 2005, l'uhsi de Lyon devrait entrer en fonction tandis qu'en 2006 les unités de Bordeaux et Toulouse devraient être opérationnelles, l'année 2007 étant celle de l'ouverture des structures de Marseille, Rennes et du groupe hospitalier de la Pitié-Salpêtrière.

En termes budgétaires, la sécurisation des unités d'hospitalisation est à la charge de l'administration pénitentiaire, les personnels et les infrastructures nécessaires relevant de la direction des hôpitaux. Une partie du budget nécessaire à la sécurisation a été allouée à l'administration pénitentiaire en 2002 (5 117 714 euros). Les crédits nécessaires à la construction de l'uhsi du groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière ont été alloués en 2003, soit 980 250 euros.

Par ailleurs, le Conseil de Sécurité Intérieure du 6 décembre 1999 a décidé que le transport et l'escorte des détenus se rendant ou revenant de l'uhsi, la sécurité périphérique des unités ainsi que l'escorte et la garde des détenus devant se rendre sur des plateaux externes à l'uhsi sont à la charge des forces de police et de gendarmerie nationales. En revanche, l'administration pénitentiaire doit prendre en charge le transport, l'escorte et la garde des personnes détenues se rendant en consultation spécialisée dans un hôpital externe ainsi que la garde interne des uhsi.

À ces missions nouvelles doivent correspondre des moyens supplémentaires. C'est pourquoi, 103 créations d'emplois ont été obtenues en loi de finances 2002 et 2003 pour assurer le transfert et les escortes des détenus en consultation médicale. En outre, 50 créations d'emplois destinées à accompagner les ouvertures des premières uhsi ont été prévues par la loi de finances pour 2003.

S'agissant du fonctionnement concret des uhsi, que votre rapporteure a pu observer à Nancy, il est le suivant :

-  il s'agit d'une unité de soins classique mais dont toutes les circulations sont contrôlées visuellement et de façon permanente ;

-  l'accès à l'uhsi se fait par une porte unique dont le contrôle est assuré par un poste central protégé, situé dans l'unité ;

-  la sécurité du périmètre extérieur est renforcée afin d'empêcher toute évasion, intrusion ou communication avec l'extérieur.

Enfin, la notion de sécurité applicable aux uhsi a pour objet, d'une part, de prévenir toute tentative d'évasion des détenus hospitalisés ou toute effraction dans l'unité provenant depuis l'extérieur et, d'autre part, d'assurer la sécurité interne de l'unité et des personnels hospitaliers y travaillant.

S'il semble prématuré de dresser un bilan du fonctionnement de l'unique uhsi opérationnelle, plusieurs difficultés semblent toutefois se faire jour.

La première tient à la sous-occupation de ces locaux, particulièrement modernes et bien équipés. Cette situation résulte vraisemblablement de la permanence d'habitudes médicales anciennes qui tendent souvent à reporter la date de l'hospitalisation après la levée d'écrou.

La seconde concerne la charge du transfèrement des détenus depuis leur lieu de détention jusqu'à l'uhsi qui incombe aux forces de la police et de la gendarmerie nationales. À cette fin, ces forces doivent être réquisitionnées par le préfet selon une procédure qui ne peut être mise en œuvre dans un délai inférieur à 48 heures ce qui alourdit considérablement son utilisation. C'est pourquoi, votre rapporteure estimerait souhaitable que le transfèrement des détenus aux uhsi relève de l'administration pénitentiaire, sous réserve, bien entendu, que celle ci soit dotée des moyens supplémentaires nécessaires pour assumer ces nouvelles missions.

2. Des dépenses d'équipement au service de la rénovation et de l'extension du parc pénitentiaire

a) Les grands programmes de rénovation se poursuivent

L'administration pénitentiaire dispose d'un parc de 188 établissements comprenant 118 maisons d'arrêt, 23 centres de détention, 6 maisons centrales, 26 centres pénitentiaires, 14 centres de semi-liberté et 1 hôpital national pénitentiaire.

Ce patrimoine, qui représente un peu plus de 2.800.000 m², se caractérise, notamment, par son ancienneté puisque 57 % des établissements ont été construits avant 1920, mais également par son hétérogénéité architecturale, certaines prisons étant établies dans l'enceinte d'anciens couvents ou d'abbayes à l'instar de la maison d'arrêt de Nancy dans laquelle s'est rendue votre rapporteur. Ces caractéristiques, conjuguées avec l'absence d'entretien pendant de longues années, ont provoqué une dégradation de l'état du parc, elle-même aggravée par une surpopulation carcérale structurelle au regard des capacités d'accueil. Cette situation a conduit au lancement, en 1998, d'un important chantier de rénovation des principaux établissements pénitentiaires.

Ce programme de rénovation concerne les cinq plus grands établissements pénitentiaire, à savoir : les maisons d'arrêt de Fleury-Mérogis, de Fresnes et de la Santé, les centres pénitentiaires de Marseille-Baumettes et de Loos-les-Lille. Ces établissements représentent près du cinquième de la capacité de détention des prisons françaises et leur rénovation possède un coût budgétaire global particulièrement élevé, de l'ordre de 776 millions d'euros.

Initialement destiné à garantir la remise à niveau des bâtiments, ce programme a progressivement été réorienté vers une remise aux normes fonctionnelles (la référence étant le programme de construction en cours) dont les principaux éléments sont l'encellulement individuel, l'installation de la douche en cellule et la création d'espaces communs nécessaires à la mise en oeuvre des actions de réinsertion.

Après avoir dressé un état des lieux, l'administration a élaboré un cahier des charges nécessaire aux différentes études, comportant quatre phases :

- le relevé topographique des établissements ;

- l'établissement d'un schéma directeur de restructuration ;

- le diagnostic puis la définition des travaux de rénovation, ainsi que des améliorations fonctionnelles et techniques à apporter ;

- le choix des maîtres d'oeuvre.

Notons que l'Agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la Justice (amotj) est le mandataire.

S'agissant de l'état d'avancement des opérations, il diffère substantiellement selon les établissements concernés.

Ainsi, pour la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, si les deux premières phases sont achevées, en revanche, les deux dernières (choix des maîtres d'œuvre et travaux) ne sont pas engagées. Compte tenu de l'ensemble des améliorations fonctionnelles à effectuer mais également des contraintes de réalisation, le coût final de l'opération est évalué à 382,15 millions d'euros. Cependant, une première tranche de travaux urgents, concernant la réfection du réseau électrique principal, est d'ores et déjà initiée et devrait s'achever pendant l'automne 2004. À l'issue de la rénovation, la capacité de Fleury-Mérogis devrait atteindre 3 847 places.

En ce qui concerne le centre pénitentiaire de Marseille-Baumettes, là aussi, les deux premières phases sont achevées, la troisième, relative au choix du maître d'œuvre, n'est pas encore achevée. Le permis de construire a été déposé au cours du premier semestre 2003 et l'élaboration du dossier de consultation des entreprises est en cours. Selon les informations communiquées à votre rapporteure, les travaux devraient débuter au 1er trimestre 2005 et porter la capacité du centre pénitentiaire à 1 287 places.

Quant à la situation de la maison d'arrêt de Fresnes, elle est plus délicate. En effet, compte tenu de l'état d'avancement du projet de rénovation de Fleury-Mérogis et des déficits de places de détention, qui ont fortement augmenté ces deux dernières années, il paraît difficile de mener à bien la rénovation de cette maison d'arrêt simultanément à celles des autres grands établissements de la région parisienne. C'est pourquoi l'administration pénitentiaire a proposé de retarder ce programme, cet établissement se trouvant d'ailleurs dans un état moins préoccupant que les autres.

Enfin, le programme de rénovation de la maison d'arrêt de la Santé à Paris rencontre également certaines difficultés. Rappelons que l'objectif du programme de restructuration est de conserver, à proximité du Palais de Justice de Paris, un lieu de première incarcération. À l'issue des études de schéma directeur, deux scénarii d'aménagement ont été proposés : soit la restructuration de l'établissement, soit la démolition et la reconstruction d'une nouvelle maison d'arrêt.

Entre ces deux options, quelque peu « extrêmes », des solutions intermédiaires sont également explorées. Ainsi, les équipes de maîtrise d'œuvre envisagent la possibilité de maintenir une partie de l'établissement en fonction pendant les travaux afin d'être en mesure d'accueillir 400 à 600 détenus. Toutefois, la mise en œuvre d'un chantier en site occupé entraînera un surcoût et des délais supplémentaires qui sont actuellement à l'étude. La mise en oeuvre de ce projet sera donc nécessairement étalée dans le temps et devra tenir compte des contraintes induites par la rénovation simultanée d'autres établissements en région parisienne, sans que votre rapporteure n'ait eu communication d'informations plus précises.

b) Les précédents programmes de construction sont quasiment achevés

Lancé au cours de l'année 1997, le « programme 4 000 » prévoyait la construction de près de 4 000 places en détention devant apporter une réponse, certes partielle, à l'état de dégradation des prisons unanimement constaté.

Premier élément d'un vaste plan de modernisation et de réhabilitation du parc immobilier, ce programme était divisé en deux phases successives : d'une part, la construction de six nouveaux établissements et, d'autre part, la fermeture, corrélative, des maisons d'arrêt d'Avignon et de Toulouse ainsi que la reconversion des maisons d'arrêt de Toulon, Meaux et Melun et du centre de détention national de Liancourt. Le tableau suivant présente ce double mouvement de fermeture et d'ouverture d'établissements pénitentiaires.

Ouverture

Fermeture

Solde

Établissement

Nombre de places

Établissement

Nombre de places

Nombre de places

Toulouse-Seysses (A)

596

Toulouse

290

305

Avignon-le Pontet (A)

605

Avignon

256

349

Lille-Sequedin (A)

635

-

-

635

Liancourt (B)

616

Liancourt

0

616

Toulon-la Farlède (B)

587

Toulon

50

537

Meaux-Chauconin (B)

578

Meaux

Melun

0

0

578

Total

3617

-

596

3 021

(A) : première tranche

(B) : seconde tranche

S'agissant de la répartition des places entre celles prévues en maison d'arrêt et celles créées en établissement pour peine, elle s'établit ainsi :

Ouverture

Fermeture

Solde

Maisons d'arrêt

2545*

563*

1 982

Établissements pour peines

978*

0*

978

Total

3523*

563*

2 960

* total calculé hors la capacité des quartiers d'accueil et des SMPR

Les travaux ont débuté de façon échelonnée, au cours de l'hiver 2000 pour les premiers établissements de la tranche A (Toulouse et Avignon) et en novembre 2002 pour le dernier établissement du programme (Lille-Sequedin). La livraison a également été étalée dans le temps, le premier établissement opérationnel étant celui de Toulouse (octobre 2002), le dernier étant celui de Meaux-Chauconin dont l'ouverture est prévue cet hiver.

Rappelons que les tranches A et B, ont fait l'objet de la passation d'un marché public de conception-construction, pour un coût final 355 millions d'euros, qui ne comprend pas la pose de filins de protection anti-hélicoptères, dont le coût serait de 15 millions d'euros. On le voit, la durée moyenne de construction d'un établissement pénitentiaire selon les procédures classiques est de près de 7 ans, ce qui est considérable et qui justifie pleinement la volonté du Gouvernement de recourir à des procédures innovantes, plus rapides bien que complexes, pour son programme de construction de 13 000 places.

c) Le plan 13 000 est initié

La lopj a prévu un ambitieux programme de construction de 13 200 places en détention, dont 10 800 au sein de nouveaux établissements pénitentiaires. À ce titre, 1 130 millions d'euros d'autorisations de programme et 565 millions de crédits de paiement sont prévus pour la période allant de 2003 à 2007.

Ce programme prévoit la construction de deux types d'établissements pénitentiaires : les premiers, que l'on peut qualifier de « classiques », regroupent des maisons d'arrêt, des centres de détention ou des centres pénitentiaires pour adultes (8 900 places), les seconds étant des maisons centrales à haut niveau de sécurité.

S'agissant des établissements « classiques », quatre d'entre eux sis à Bourg en Bresse, Rennes, Mont de Marsan et Ajaccio seront réalisés dans le cadre du dispositif de conception réalisation. Ainsi, une convention de mandat a été approuvée le 7 juillet 2004 lors du conseil d'administration de l'amotj, les livraisons de ces établissements devant intervenir avant la fin de l'année 2008. Pour sa part, l'établissement pénitentiaire d'Ajaccio devrait s'adjoindre à cette convention en 2005.

Quatre autres établissements seront construits en application des dispositions de la loi d'orientation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002 (lopsi) dites « aot-loa » (autorisation d'occupation temporaire du domaine public-location avec option d'achat). Rappelons que ces dispositions permettent à l'État de conclure, avec le titulaire d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public, un bail portant sur des bâtiments à construire pour les besoins de la police, de la gendarmerie nationale et de la justice. Une option lui permet d'acquérir les installations ainsi édifiées avant le terme fixé dans l'aot. Le bail doit également comprendre des clauses permettant de préserver les exigences du service public.

Compte tenu de la complexité de ce nouveau dispositif, le ministère de la Justice a décidé de faire appel à deux prestataires extérieurs, l'un en tant que conseil juridique, économique et financier, l'autre en tant qu'expert technique. Par ailleurs, le pilotage de ces deux marchés d'assistance à maîtrise d'ouvrage a été confié à l'amotj.

En outre, le décret n° 2004-357 du 22 avril 2004 a modifié les missions de l'amotj afin de l'autoriser à se voir confier par l'État une mission d'assistance administrative, technique, juridique et financière. C'est en application de ces nouvelles compétences que la convention du 22 juillet 2004 a dévolu à l'agence les missions de préparation et de gestion des procédures de mise en concurrence et de sélection relatives à l'attribution des conventions de bail, et ce, jusqu'à la proposition du choix des attributaires.

Pour sa part, le décret n° 2004-732 du 26 juillet 2004 a introduit la procédure de dialogue compétitif prévue par la directive européenne du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics. C'est en application de ces dispositions que la procédure de mise en concurrence a été initiée pour un premier lot de 4 établissements (Hérault, Loire, Meurthe et Moselle, Rhône) et devrait conduire à une réception des candidatures au mois d'octobre 2004.

S'agissant des maisons centrales dont la construction est envisagée, le Gouvernement a décidé, dès 2003, de les réaliser en maîtrise d'ouvrage publique compte tenu de leur nature très spécifique et notamment, des exigences en matière de sécurité des bâtiments. Une convention de mandat a été conclue avec l'agence début octobre 2003. Leur coût devrait être de 92 millions d'euros pour une capacité de 320 places.

Enfin, en ce qui concerne les mineurs incarcérés, il convient de rappeler que la lopj a prévu la construction de 7 établissements pénitentiaires pour mineurs (epm) représentant 420 places. Les sites d'implantation des epm ont d'ores et déjà été identifiés et se trouvent à : Chauconin, Lyon-Mézieux, Marseille, Nantes, Toulouse, Valenciennes et Porcheville.

En outre, la lopj prévoit l'accroissement de la capacité d'accueil des quartiers mineurs existants. A cet égard, notons qu'il existait, au début de l'année 2003, 853 places mineurs dont 361 aux normes. La capacité totale d'accueil des quartiers mineurs devrait être portée à 1 160 places dont 886 aux normes soit une création de 307 places. À la fin 2004, 983 places devraient être opérationnelles dont 653 aux normes.

Les tableaux suivants récapitulent l'état d'avancement de ces différents programmes ainsi que les moyens financiers afférents.

Opérations prévues

par la LOPJ

Répartition des
financements prévue par l'arbitrage LOPJ

État d'avancement

des opérations (*)

Autorisations de programmes prévues par la LOPJ en Millions d'euros

AAP (1)

CCP (2)

Ouverts par les LFI 2003-2004

Engagés au 30 juin 2004

Demandes PLF 2005

Engagés en 2005

PLF 2006 prévision

Engagés en 2006

PLF 2007 prévision

Engagés en 2007

Total ouvert 2003-2007

Total
engagé 2003-2007

Quartiers Mineurs

225

112,5

- Création en 2003 d'un quartier mineur à la ma de Bonneville
- Aménagement en cours des quartiers mineurs des ma de Strasbourg, de Grenoble...

25,00

10,27

0,00

 

0,00

 

0,00

 

25,00

10,27

Établissements pour mineurs

990

445

- consultation des groupements de constuction-réalisation en cours, le jury retiendra les groupements le 26 juillet 2004

90,00

1,60

0,00

 

0,00

 

0,00

 

90,00

1,60

Moyens d'enseignement

115

77,5

- Extension de l'enap: programme approuvé, travaux en cours

15,00

10,30

0,00

 

0,00

 

0,00

 

15,00

10,30

Programme de construction neuve d'établissements pénitentiaires (programme 13 200 places)

11130

5565

- amo juridique et financier désigné
- Convention de mandat amotmj de 90 M€ pour 2 Maisons Centrales
- ppp (aot-loa) : lancement d'un 1er lot de 4 ep pour 276 M€
- Convention de mandat amotmj de 218 M€ pour 3 ep en conception-réalisation

632,00

2,40

353,00

 

72,00

 

73,00

 

1130,00

2,40

Intervention sur le parc
pénitentiaire

553

226,5

-Nombreuses opérations de sécurisation conduites en 2003 et 2004 sur tout le territoire français (ma Moulins, cp Marseille, cp Guyane, cp Perpignan...)

31,00

20,30

12,00

 

5,00

 

5,00

 

53,00

20,30

Sous-total administration pénitentiaire

11313

6656,5

 

793,00

44,87

365,00

 

77,00

 

78,00

 

1313,00

44,87

Opérations
prévues

par la lopj

Répartition des financements prévue par l'arbitrage lopj

État d'avancement

des opérations (*)

Crédits de paiement prévus par la LOPJ en Millions d'euros

aAP

cCP

Ouverts par les LFI 2003-2004

Consommés au 30 juin 2004

Demandes PLF 2005

Consommés en 2005

PLF 2006 prévision

Consommés en 2006

PLF 2007
prévision

Consommés en 2007

Total ouvert 2003-2007

Total cso
2003-2007

Quartiers Mineurs

225

112,5

-Création en 2003 d'un quartier mineur à la ma de Bonneville
-Aménagement en cours des quartiers mineurs des ma de Strasbourg, de Grenoble...

7,80

0,96

0,00

 

2,40

 

2,30

 

12,50

0,96

Établissements pour mineurs

990

445

- consultation des groupements de constuction-réalisation en cours, le jury retiendra les groupements le 26 juillet 2004

6,00

0,10

20,00

 

9,00

 

10,00

 

45,00

0,10

Moyens d'enseignement

115

77,5

-Extension de l'enap: programme approuvé, travaux en cours

6,00

3,20

1,00

 

0,30

 

0,20

 

7,50

3,20

Programme de construction neuve d'établissements pénitentiaires (programme 13 200 places)

11130

5565

- amo juridique et financier désigné
- convention de mandat amotmj de 90 M€ pour 2 maisons centrales
- ppp (aot-loa) : lancement d'un 1er lot de 4 ep pour 276 M€
- convention de mandat amotmj de 218 M€ pour 3 ep en conception-réalisation

13,00

1,12

51,00

 

250,00

 

251,00

 

565,00

1,12

Intervention sur le parc pénitentiaire

553

226,5

-Nombreuses opérations de sécurisation conduites en 2003 et 2004 sur tout le territoire français (MA Moulins, cp Marseille, cp Guyane, cp Perpignan...)

8,40

8,12

8,00

 

5,00

 

5,10

 

26,50

8,12

sous-total
administration
penitentiaire

11313

6656,5

 

41,20

13,50

80,00

 

266,70

 

268,60

 

656,50

13,50

c) La sécurisation des établissements est renforcée

Les crédits alloués à la sécurisation du parc pénitentiaire pour la période 2003-2007 sont de 53 millions d'euros en autorisations de programme et de 26,5 millions d'euros en crédits de paiement. Les crédits ouverts en 2003, soit 9 millions d'euros en autorisations de programme et 0,9 million d'euros en crédits de paiement, ont été totalement engagés, et même dépassés, puisque 12,2 millions d'euros ont été finalement mis en place en autorisations de programme et 2,3 millions d'euros consommés en crédits de paiement.

Pour 2005, une enveloppe de 17 millions de crédits d'équipement est affectée à l'ensemble des opérations de sécurisation. Celles-ci privilégient quatre priorités :

la mise aux normes des miradors. Des événements récents, à Fresnes en mai 2001 et en mars 2003, ont démontré que la conception actuelle des miradors est dépassée et peut s'avérer dangereuse pour les personnels. C'est pourquoi, l'administration pénitentiaire a défini des nouvelles normes de sécurisation des miradors dont la mise en œuvre se déroulera sur 5 années.

Une enveloppe de 14 millions d'euros a été votée pour financer cette mesure dans la lopj. En 2003, le financement a atteint la somme de 3 millions d'euros et 6 millions d'euros ont été réservés à cette mesure en 2004. L'équipement des prisons doit se poursuivre en 2005, le choix des sites demeurant toutefois à déterminer.

le brouillage des téléphones portables. La présence de téléphones portables au sein des enceintes pénitentiaires est un phénomène préoccupant qui tend à se développer à la faveur de la miniaturisation des appareils difficilement décelables par les moyens de détection traditionnels.

En outre, les évolutions technologiques récentes facilitent la transmission d'informations, l'intégration des modems permettant de communiquer une quantité d'informations considérable. Face à l'impossibilité technique de détecter l'ensemble des téléphones portables entrés illégalement dans les établissements, le brouillage des appareils de télécommunications mobiles de tous types dans l'enceinte des établissements pénitentiaires a été autorisé par la lopj. Une enveloppe de 25 millions d'euros est consacrée à cette mesure pour la période allant de 2003 à 2007. Ainsi, en 2003, le financement s'est élevé à 3,1 millions d'euros et 20 sites ont été équipés. Ces opérations vont se poursuivre en 2005, les sites retenus devant être déterminés au début de l'année prochaine.

la sécurisation des maisons centrales. L'administration pénitentiaire doit faire face à l'évolution d'une population pénale de plus en plus violente qui se trouve détenue pour des périodes extrêmement longues dans un petit nombre d'établissements. Il s'agit donc de s'efforcer de préserver l'intégrité physique du personnel tout en rendant beaucoup plus difficile les évasions. A cet effet, une somme de 5 millions d'euros a été prévue par la lopj. En 2003, le financement a atteint 0,7 millions d'euros, 2,8 millions d'euros ayant été consacrés à la sécurisation de ces établissements en 2004. Les opérations doivent se poursuivre en 2005 mais, là encore, le choix de la maison centrale retenue n'est pas encore intervenu.

la mise en œuvre d'un dispositif de contrôle biométrique des détenus. Au cours de ces dernières années, trois évasions par substitution se sont déroulées dans des parloirs : au centre pénitentiaire de Ducos, le 18 décembre 2001 ; à la maison d'arrêt de Nanterre, le 20 décembre 2001 et à celle de la Santé à Paris, le 17 août 2002. Le système de contrôle par l'encre sympathique sensible aux rayons ultraviolets, actuellement mis en place dans tous les établissements, n'est donc plus satisfaisant.

C'est pourquoi, l'administration pénitentiaire envisage de recourir à de nouvelles technologies de reconnaissance morphologique des personnes, notamment grâce à l'enregistrement de la cartographie de la taille et de la forme de la main. Ces données, couplées avec une carte d'identité intérieure infalsifiable comprenant une photo numérisée, devraient substantiellement améliorer les conditions de sécurité des établissements pénitentiaires.

Le programme de l'administration pénitentiaire tend, sur une période de quatre années, à équiper d'un tel système les 71 établissements dotés de miradors armés. Le coût moyen par établissement est estimé à 58 000 euros, soit une dépense totale de 4,12 millions d'euros. En 2004, 1,6 million d'euros ont été consacrés à ces opérations, qui vont se poursuivre en 2005, sans que, là encore, la liste des sites retenus ne soit d'ores et déjà fixée.

B. QUELLE PRISE EN CHARGE FACE À L'AUGMENTATION DU NOMBRE DES DÉLINQUANTS SEXUELS ET DES PERSONNES SOUFFRANT DE TROUBLES MENTAUX INCARCÉRÉS

1. La délinquance sexuelle, première cause d'incarcération

a) Une augmentation continue des délinquants sexuels depuis dix ans

La délinquance sexuelle est la première cause d'incarcération en France. La part des délinquants sexuels au sein de la population des condamnés a crû de plus de 100 % entre 1994 et 2004 et concernait 7 446 personnes en métropole, excédant de beaucoup les 5 903 condamnés pour coups et blessures ainsi que les 4 897 condamnés pour infraction à la législation sur les stupéfiants qui furent pourtant, jusqu'en 1998, les plus nombreux.

Le tableau suivant illustre ces tendances.

RÉPARTITION DE LA POPULATION CONDAMNÉE EN MÉTROPOLE
SELON L'INFRACTION DEPUIS 1991 - AU 1er JANVIER DE CHAQUE ANNÉE

Année

Crimes
de sang*

Infraction à la législation sur les stupéfiants

Violence sur mineurs, violence

Viols et autres agressions sexuelles

Proxénétisme

Homicide involontaire

Vol

qualifié

Escroquerie, abus de confiance, faux et usage, recel

Vol

simple

Autres**

Ensemble

1990

2 808

4 211

1 278

2 413

482

374

2 299

1 528

5 292

3 112

23 797

1991

3 018

4 819

1 590

2 758

455

473

2 331

1 915

6 545

4 072

27 976

1992

2 919

5 326

1 403

2 887

309

422

2 462

1 769

6 845

3 992

28 334

1993

3 080

5 447

1 392

3 257

227

374

2 305

1 670

6 191

3 724

27 667

1994

3 103

6 383

1 575

3 711

241

420

2 483

1 689

6 607

3 722

29 934

1995

2 925

6 118

1 897

3 786

220

637

2 778

1 582

5 936

3 287

29 166

1996

3 038

6 550

2 028

4 418

199

774

2 916

1 634

6 340

3 612

31 509

1997

3 044

6 150

1 969

4 823

235

539

3 203

1 363

5 444

3 263

30 033

1998

3 058

5 654

2 189

5 523

126

467

3 646

1 452

4 820

3 240

30 175

1999

3 127

5 207

2 428

6 103

139

411

3 907

1 408

4 343

3 142

30 215

2000

3 259

4 674

2 735

6 763

123

516

3 871

1 440

3 795

3 672

30 848

2001

3 144

4 085

3 184

7 135

107

719

3 458

1 320

3 253

3 040

29 445

2002

3 133

3 593

3 800

7 061

102

962

3 467

1 606

3 529

2 796

30 049

2003

3 022

3 930

4 897

7 331

86

1501

3 186

1 935

3 546

2 587

32 021

2004

3 238

4 897

5 903

7 446

107

1 913

3 276

2 315

3 126

2 577

34 798

* meurtre, assassinat, assassinat ou meurtre commis sur mineur de moins de 15 ans, empoisonnement
** infraction à la législation sur chèques, infraction à la législation sur étrangers, incendie volontaire, atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, infractions d'ordre militaire

Confronté à ces évolutions, le législateur (3) a mis en place des instruments spécifiques de contrôle des condamnés sexuels ayant exécuté leur peine, à l'instar du suivi socio-judiciaire. Dans ce cadre, le condamné, une fois libéré, peut être contraint :

- de s'abstenir de paraître en certains lieux accueillant des mineurs ou de fréquenter certaines personnes ;

- de ne pas exercer une activité professionnelle impliquant un contact habituel avec les mineurs ;

- de se soumettre à une injonction de soins qui est prononcée par la juridiction de jugement comme le prévoit l'article 131-36-4 du code pénal. Le dispositif de l'injonction de soins est mis en oeuvre par deux médecins, le premier, psychiatre et « coordonnateur », est désigné dans le ressort de chaque tribunal de grande instance par le procureur de la République, le second, médecin traitant étant conseillé au condamné par le coordonnateur. À la différence des obligations précédemment énumérées, il convient toutefois de souligner que l'article 131-36-4 du code pénal prévoit que le traitement du condamné peut débuter en détention.

Rappelons que, bien qu'aucun traitement ne puisse être entrepris sans le consentement de l'intéressé, son refus de s'y soumettre peut entraîner son incarcération. Cette menace, complétée par la durée du suivi socio-judiciaire pouvant désormais atteindre vingt ans en matière correctionnelle et trente ans en matière criminelle, devrait faire de cet instrument un moyen efficace de lutte contre la récidive. Or, force est de constater que le suivi socio-judiciaire en général, et l'injonction de soins en particulier, se heurte à de nombreuses difficultés et est, de ce fait, peu prononcé et mal appliqué (4).

Ainsi, la direction de l'administration pénitentiaire (dap) du ministère de la Justice ne dispose pas de statistiques sur le nombre de mesures de suivi assorties d'une injonction de soins dont les services pénitentiaires d'insertion et de probation ont pourtant la charge.

Par ailleurs, le rôle des spip n'est pas défini par le décret pris en application de la loi du 17 juin 1998 précitée(5), alors même que ces services doivent assurer l'accompagnement des condamnés astreints au suivi socio-judiciaire en vue de leur éventuelle démarche vers l'offre de soins.

b) Un accroissement concomitant des personnes incarcérées souffrant de troubles mentaux

Certes, les délinquants sexuels doivent d'abord être considérés comme des criminels devant être châtiés, et non comme des malades souffrant d'une pathologie de nature à expliquer leur comportement, mais votre rapporteure ne peut s'empêcher de rapprocher, sans que cette corrélation vaille nécessairement causalité, l'accroissement du nombre des délinquants sexuels avec la dégradation de l'état mental d'une part grandissante des détenus. Plusieurs données attestent de ce phénomène :

un détenu sur deux entrant en détention souffre de troubles de la santé mentale selon une étude menée en 2001 au sein de 23 smpr (service médico-psychologique régional). Cette proportion particulièrement élevée a conduit l'administration pénitentiaire a souhaiter approfondir sa connaissance de la santé mentale des détenus afin d'améliorer l'accès à l'offre de soins psychiatriques.

À cette fin, une convention a été conclue en 2003 avec le ministère de la Santé, de la famille et des personnes handicapées tendant à la mise en œuvre d'une étude épidémiologique sur la santé mentale des détenus. Ce projet, portant sur deux années et 1 400 détenus, est en cours de réalisation et ses premières conclusions devraient être établies à la fin de l'année. Toutefois, votre rapporteure a eu communication des premiers résultats provisoires de cette étude qui font apparaître une très nette aggravation de la santé mentale des détenus. Ainsi, la part des détenus présentant des troubles psychotiques excéderait de beaucoup celle mesurée par les études précédentes. Il en serait de même pour la proportion des détenus présentant un syndrome dépressif :

10 % des nouveaux détenus déclarent avoir fait l'objet d'un suivi psychiatrique régulier dans les 12 derniers mois précédant l'incarcération. Là aussi, l'étude en cours précitée semble attester du spectaculaire accroissement des détenus ayant des antécédents psychiatriques ;

l'augmentation des agressions subies par les personnels pénitentiaires qui sont passées de 127 en 1996 à 580 en 2002 et 462 en 2003 constitue également un indice car les personnels pénitentiaires tendent à considérer que nombre de ces agressions sont liées à des troubles mentaux ;

le nombre des suicides en détention en augmentation régulière depuis plus de dix ans (59 en 1990 à 120 en 2003) n'est vraisemblablement pas sans lien avec les troubles mentaux dont souffrent nombre de détenus.

2. Une prise en charge inadaptée

a) L'insuffisance des moyens psychiatriques

Alors même que près d'un détenu sur deux entrant en détention souffre de troubles mentaux et que les besoins en matière de prise en charge psychologique et psychiatrique sont donc immenses et croissants, l'offre psychiatrique en général et en détention en particulier se fait plus rare.

En effet, comme l'a rappelé à votre rapporteure M. Patrice Molle, directeur de l'administration pénitentiaire, près de 800 postes de psychiatres sont vacants dans le secteur public. Il s'agit donc d'une situation de pénurie, voire de crise d'ensemble, dont le secteur pénitentiaire ne fait que pâtir.

S'agissant plus spécifiquement de la prise en charge des pathologies et des troubles mentaux en milieu carcéral, elle repose actuellement sur les smpr dont le nombre est insuffisant et qui se heurtent aux difficultés suivantes :

- l'impossibilité d'assurer la prise en charge de nuit, donc complète, des détenus souffrants de troubles psychiatriques graves ;

- l'impossibilité d'assurer la mise en œuvre d'un traitement médicamenteux sans le consentement du détenu ;

- les réticences des établissements de santé à recevoir des personnes détenues en hospitalisation d'office en l'absence de garde statique par les forces de l'ordre ;

- l'évolution des méthodes en psychiatrie ayant privilégié les services ouverts au détriment des services fermés, elle a rendu plus difficile l'accueil des personnes détenues en raison des risques d'évasion. Cette situation a souvent conduit à des séjours plus courts en chambre d'isolement, ce qui n'est pas sans affecter la qualité des soins dispensés.

Désireux de remédier à cette situation, l'article 48 de la lopj du 9 septembre 2002 a modifié les conditions d'hospitalisation pour troubles mentaux des personnes détenues en créant des unités hospitalières spécialement aménagées (uhsa). Ces unités permettent l'hospitalisation complète des détenus, avec ou sans leur consentement. À cet égard, il convient de souligner l'élargissement des critères conduisant à l'hospitalisation non consentie, puisque la loi prévoit l'application aux personnes détenues des dispositions relatives à l'hospitalisation à la demande d'un tiers applicable au milieu libre.

Cette disposition novatrice devrait favoriser l'offre de soins aux détenus qui ne remplissent pas les conditions permettant leur hospitalisation d'office, dans la mesure où ils ne compromettent pas la sûreté des personnes ni l'ordre public, mais qui nécessitent pourtant une hospitalisation complète qu'ils refusent. Il est notamment escompté de ces dispositions une amélioration de l'offre de soins en direction de détenus que leur discrétion, ou leur effacement, écarte de la prise en charge idoine.

Afin d'évaluer les besoins en lits d'hospitalisation psychiatrique, de définir la configuration du schéma national d'hospitalisation psychiatrique et les conditions de fonctionnement des unités, un groupe de travail interministériel Santé - Justice a été mis en place. La conclusion de ses travaux a été présentée au début de l'année 2004 et l'ouverture des premières uhsa devrait avoir lieu en 2006. En l'attente de la mise en service des uhsa, le dispositif antérieur demeure en fonctionnement.

La création des uhsa, et la disparition corrélative des possibilités d'hospitalisation complète en milieu pénitentiaire (smpr), accentuent d'autant la nécessité de progresser dans l'accompagnement en détention des personnes détenues souffrant de troubles mentaux, mais pour autant n'étant pas hospitalisées. Ainsi les smpr recentreront, à terme, leur mission sur les soins ambulatoires.

Par ailleurs, il convient d'indiquer que trois groupes de travail interministériels santé-justice ont été lancés en avril 2004 afin d'apporter des réponses pratiques dans les trois domaines suivants :

- la prise en charge des mineurs auteurs d'infractions sexuelles ;

- l'expertise et les soins pénalement ordonnés ;

- le cadre fonctionnel et la formation des personnels (de santé et de justice) impliqués.

Notons qu'une mise à jour du guide méthodologique accompagnant la circulaire n° 45 du 8 décembre 1994, relative à la prise en charge sanitaire des détenus et à leur protection sociale, est également en cours de finalisation. Ce document, essentiel pour les praticiens intervenant en détention, contient des éléments d'information et des indications pratiques à leur attention, notamment s'agissant de la prise en charge des auteurs d'infractions sexuelles.

Enfin, ainsi que M. Canetti, psychiatre au smpr de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, l'a indiqué à votre rapporteure, le nombre des personnes incarcérées présentant des troubles mentaux est également le résultat de l'échec du système psychiatrique français et du démantèlement progressif des capacités d'hospitalisation en milieu ouvert et de suivi à domicile. En effet, ce démantèlement a pour conséquence d'orienter vers la prison des personnes qui ne devraient pas, de prime abord, s'y retrouver, à l'instar des malades en rupture de soins dont le comportement à, de ce fait, pu devenir constitutif d'une infraction ou encore des personnes en souffrance psychologique et qui, dans leur errance liée à leur incapacité à s'insérer dans la société, commettent des actes délictueux.

C'est pourquoi, si l'amélioration de l'offre psychiatrique globale doit être une priorité, votre rapporteure considère également qu'une réflexion interministérielle devrait être engagée afin d'assurer la prise en charge en amont de la prison des personnes en souffrance psychologique présentant un risque de passage à l'acte délictueux.

b) La méconnaissance de la dangerosité et des risques de récidive

Comme l'établit une étude récente sur les condamnés pour délits en 2001 (6), le taux de récidive est nettement plus élevé pour les condamnés pour vol (42 %), pour outrage (46,1 %) ou pour port d'armes (41 %) qu'en matière de conduite en état alcoolique (25 %), d'escroquerie (23 %) ou de mœurs (14,6 %).

Au-delà de ces proportions, deux catégories d'infractions regroupent plus de la moitié des réitérants pour délits puisque sur les 102 127 personnes concernées en 2001, 54 051 étaient des réitérants pour vols ou conduite en état alcoolique, soit près de 53 % des cas.

S'agissant des condamnés pour crime et récidivistes, qui sont au nombre de 137 pour l'année 2001 (7), 87 d'entre eux (soit 63,5 % du total) l'ont été pour vol aggravé, 28 pour viol et 11 pour homicide. Le taux moyen de récidive criminelle s'établit donc à 4,7 %. Toutefois, comme l'indiquent les auteurs de l'étude d'août 2003 précitée, « le taux de récidive par type de crime varie de 14,7 % pour les vols aggravés à 1,8 % pour les viols. En matière criminelle la récidive à l'identique est fréquente (75,2 %) du fait de l'éventail réduit des types de crimes. Des différences de comportement apparaissent toutefois : près de 80 % des récidivistes condamnés pour viols avaient déjà été condamnés pour viol et 90 % des voleurs avaient déjà commis un vol criminel ».

Si l'on souhaite examiner de façon plus approfondie la question de la récidive en matière sexuelle, une autre étude menée en 1997 sur ce sujet (8) démontre que le taux de récidive des condamnés pour viols varient entre 2,5 % et 4 % selon l'année étudiée ce qui est donc légèrement supérieur au résultat obtenu en 2001. Comme l'expliquent les auteurs de cette étude « de tels taux relativisent l'idée selon laquelle la plupart des violeurs récidivent après leur libération. Toutefois, compte tenu du volume annuel élevé des condamnations pour crimes sexuels, les récidives restent trop nombreuses : au cours de chacune des années 1993, 1994 et 1995, entre 15 et 20 condamnés pour viols étaient ainsi des récidivistes ».

Compte tenu de l'accroissement du nombre de détenus pour crime sexuels, le maintien du taux de récidive à ces niveaux est lourd de menaces pour notre société. Or, force est de constater que l'évaluation de la dangerosité sociale des détenus au cours de l'exécution de leur peine n'est pas pratiquée dans notre pays.

En effet, l'évaluation actuelle de la personnalité des détenus privilégie leur dangerosité pour eux-mêmes (risque suicidaire), pour les gardiens surveillants et leurs codétenus (risque d'agression) ou pour l'administration pénitentiaire (risque d'évasion ou de trafics divers) mais nullement pour la société et les victimes potentielles (risque de récidive). La pratique en vigueur, bien que nécessaire, n'en demeure pas moins partielle et dépourvue de tout caractère prospectif sur la dangerosité du détenu qui est généralement définie comme « un phénomène psychosocial caractérisé par les indices révélateurs de la grande probabilité pour un individu de commettre une infraction contre les personnes ou les biens. »(9).

Bien évidemment, s'agissant de comportements humains, l'établissement d'une probabilité de cette nature est fort délicat, ne peut être certain et doit être le résultat d'une discipline aussi scientifique et sérieuse que possible. Ainsi, à titre d'exemple, l'appréciation par les médecins, les magistrats ou les policiers d'un acte exhibitionniste que l'auteur risque de renouveler va être fort diverse, certains ne le considérant pas comme dangereux et contestant l'opportunité de leur intervention sur le sujet, d'autres, à l'inverse, jugeant cet acte comme hautement nuisible sur le plan social et estimant que le risque de renouvellement des faits rend le mise en cause d'autant plus dangereux. À tout le moins, une réflexion en ce sens devrait-elle être menée.

C. QUELLES PERSPECTIVES POUR L'INSERTION PROFESSIONNELLE DES DÉTENUS ?

1. Des actions en matière de formation professionnelle nombreuses

a) Une population carcérale qui cumule les difficultés

Comme l'a indiqué à votre rapporteure M. Patrice Molle, directeur de l'administration pénitentiaire, l'insertion professionnelle des populations placées sous main de justice se heurte à de nombreuses difficultés qui tiennent, en particulier, à leurs caractéristiques sociologiques ainsi que l'attestent les quelques chiffres suivants :

60 % des détenus ont un niveau scolaire n'excédant pas celui correspondant à la fin des études primaires ;

30 % sont en difficultés de lecture et 20 % sont illettrés. Les personnes en difficulté face à l'écrit seraient trois fois plus nombreuses en détention qu'à l'extérieur ;

65 % sont sans activité professionnelle et 15 % déclarent avoir un domicile précaire ou être sans abri ;

16 % sont indigents, ce qui signifie qu'ils disposent d'un compte nominatif dont le solde est inférieur à 45 euros ;

- 20 % des détenus sortants de détention avaient moins de 8 euros sur leur pécule de sortie selon un diagnostic établi en 1997.

Pour autant, de nombreuses actions de formation sont menées par l'administration pénitentiaire qui s'appuie sur un important réseau de partenaires.

b) Des actions de formation professionnelles nombreuses et diversifiées

En 2003, 26 098 personnes détenues ont bénéficié d'une formation professionnelle, soit 3 531 stagiaires de plus qu'en 2002 (+ 13 %) pour un total de 3 206 708 heures dispensées. Le nombre de stagiaires varie en fonction des régions pénitentiaires, du fait d'une répartition inégale des établissements sur le territoire ainsi que l'atteste le tableau suivant :

DRSP

Nombre de stagiaires

Bordeaux

2 380

Dijon

1 188

Lille

3 901

Lyon

1 366

Marseille

3 928

Paris

5 564

Rennes

1 015

Strasbourg

1 889

Toulouse

4 867

Total

26 098

Les niveaux d'entrée en formation sont assez faibles puisque 60 % des stagiaires ont un niveau infra V, 30 % un niveau V et 10 % un niveau supérieur à IV.

Sur le fond, les actions de formation professionnelle continue engagées dans le cadre pénitentiaire, généralement rémunérées, ont une durée moyenne de 400 heures et s'adressent à des groupes restreints de 10 à 15 personnes, ayant le statut de stagiaires de la formation professionnelle. Assurées par des organismes extérieurs à l'établissement pénitentiaire, tels que l'afpa, elles peuvent être regroupées en trois grands secteurs :

Les formations pré qualifiantes et qualifiantes. Orientées vers l'acquisition de savoirs professionnels, théoriques et pratiques, ces formations représentent 60 % des actions mises en place au sein des établissements pénitentiaires. Parmi celles-ci, il est possible d'établir la typologie suivante :

Actions qualifiantes et pré-qualifiantes

Pourcentage

Métiers de bouche

14,7 %

Électricité - Électrotechnique

11,1 %

Bâtiment

28,4 %

Métallerie

3,4 %

Informatique - Bureautique - Comptabilité

15,9 %

Vente

1,7 %

Hygiène nettoyage

7,7 %

Mécanique - Maintenance

4,6 %

Magasinier

5,9 %

Confection

1,0 %

Espaces Verts - Agriculture

5,7 %

Total

100 %

Les actions d'insertion et d'accompagnement, centrées sur la définition d'un projet d'insertion sociale et professionnelle, sur l'acquisition de savoirs de base devant concourir à la préparation à la sortie.

Elles concernent l'ensemble des initiatives tendant à l'évaluation et l'orientation du détenu ou favorisant son alphabétisation, la lutte contre l'illettrisme, l'accompagnement vers l'emploi ou l'aide à l'élaboration d'un projet professionnel. Ces actions peuvent précéder, ou conclure, une formation pré-qualifiante ou qualifiante et sont généralement de courte durée. Elles représentent 24 % des actions de formation. Le tableau suivant décrit la répartition des actions entre ces différentes catégories :

Type de formation

%

Bilan Évaluation Orientation

6%

Alphabétisation

1%

Aide au projet professionnel

3%

Lutte contre l'illettrisme

6%

Préparation à la sortie

8%

Total

24%

L'adaptation à l'emploi. Ces actions de formation, également de courte durée, privilégient l'acquisition de gestes professionnels nécessaires pour accéder à un emploi pénitentiaire. Elles sont délivrées sur le lieu de travail et s'appuient sur un dispositif de tutorat.

Afin de valider ces dispositifs de formation, l'administration pénitentiaire recoure largement à l'attestation de stage ainsi qu'au carnet de compétence. Ainsi, les attestations de stage sont délivrées pour 48 % des formations, 32 % des formations sont validées par la délivrance d'un titre homologué, 12 % se concluent par un certificat de compétences et seulement 1 % d'entre elles aboutissent à l'obtention d'un diplôme de niveau supérieur ou égal au niveau IV.

S'agissant du financement de la formation professionnelle en milieu carcéral, elle sollicite de nombreux autres organismes que l'administration pénitentiaire dont la contribution est d'ailleurs minoritaire. En effet, le ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale met à disposition des fonds pour la promotion sociale mais également pour les programmes « Insertion, Réinsertion et lutte contre l'Illettrisme » (irill) ainsi que des crédits destinés au fonctionnement des antennes des Ateliers de Pédagogie Personnalisée (app), des Stages d'Insertion et de Formation à l'Emploi (sife) et du Programme d'Action Subventionné (pas) de l'afpa.

Le fse (fonds social européen), les conseils régionaux et généraux, le ministère au droit des femmes, les directions départementales de l'emploi et de la formation professionnelle participent également au financement de la formation professionnelle en milieu carcéral. La répartition de la contribution de ces différents organismes est la suivante :

FINANCEMENT DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE EN 2003
(HORS OUTRE-MER)

Sources de financement

en milliers d'euros

Financement Administration Pénitentiaire  37-98

2135,39

Autres financements

13164,87

FSE

5181,51

Programme IRILL

5363,58

Autres (DDTEFP, FAS,...)

2619,79

Total des dépenses

15300,26

Part Administration Pénitentiaire

14 %

2. Une baisse préoccupante de l'emploi pénitentiaire

a) En dépit des objectifs assignés au programme d'augmentation du travail pénitentiaire...

Au-delà des initiatives tendant à la formation professionnelle des détenus, le développement du travail pénitentiaire constitue également un moyen favorisant la réinsertion des condamnés tout en contribuant à l'amélioration de leurs conditions matérielles de détention.

C'est pourquoi, l'administration pénitentiaire a tout d'abord adopté un programme visant à faire progresser l'emploi en production dans les établissements qui a permis d'augmenter de 25% le montant total des rémunérations versées entre 1997 et 1999 (43 millions d'euros versés pour 2 250 000 journées travaillées).

À l'expiration de ce programme, l'administration a ensuite adopté un Plan d'Amélioration des Conditions du Travail et de l'Emploi (pacte 2) s'efforçant d'accroître la mobilisation des services en charge du travail et de l'insertion professionnelle en détention. À cette fin, ce plan, qui a débuté en 2001 et s'est achevé en 2003, fixait 3 objectifs à l'ensemble des établissements :

- procurer une activité rémunérée à tout détenu qui en fait la demande ;

- améliorer la cohérence des dispositifs d'insertion professionnelle ;

- rapprocher les modalités du travail pénitentiaire du droit commun.

Or, force est de constater que ces différents objectifs n'ont pas été pleinement atteints et que, bien au contraire, la situation de l'emploi pénitentiaire s'est récemment dégradée.

b) ...La situation de l'emploi en détention se dégrade

Plusieurs indicateurs attestent de la récente dégradation du travail en prison. Ainsi, les rémunérations brutes versées durant l'année 2003, qui se sont élevées à 36 531 138 euros, sont en diminution de 4 % par rapport à 2002. Cette baisse atteint même 12 % si l'on compare la situation observée en 2003 à celle prévalant en 2001.

S'agissant des emplois en production, là encore une diminution par rapport à 2002 est observée puisque 1 071 postes de travail ont été supprimés en deux ans sur un total de 8 414 postes en équivalent temps plein en 2003.

Certes, ces résultats préoccupants sont obtenus dans un contexte de hausse significative de la population pénale au cours des deux périodes comparées (54 156 détenus en moyenne en 2003 contre 48 552 en 2002, soit + 12 %). En outre, de fortes disparités sont observées selon le mode de gestion des activités, le type d'établissement, et les régions étudiées. Ainsi, dans les établissements à gestion mixte où la fonction de travail pénitentiaire est gérée par un contractant, le montant des rémunérations versées a crû de 4 %.

Quant au parc public pénitentiaire, la baisse du nombre des journées travaillées est variable selon la catégorie d'établissement puisqu'elle atteint 21 % en maison d'arrêt et 9 % dans les établissements pour peine.

Toutefois, les résultats des activités de production dans les établissements pénitentiaires demeurent fortement influencés par l'évolution économique générale. Selon les informations communiquées à votre rapporteure, l'analyse des évolutions de l'emploi pénitentiaire sur les 10 dernières années fait apparaître un phénomène de « sur réactivité » du secteur pénitentiaire. En effet, si au cours des années 1997 à 2000, caractérisées par une forte croissance économique, l'offre de travail pénitentiaire a augmenté de 20 %, en revanche, en période de ralentissement conjoncturel, comme en 1993/94 et 2001/2003, la baisse atteint 12 %.

Par ailleurs, le travail pénitentiaire semble pâtir de certaines délocalisations des activités de main d'œuvre vers les pays de l'Europe centrale ainsi que de l'inadaptation du parc pénitentiaire en termes de modalités d'accès des véhicules, de surface des ateliers et de capacités de stockage. En outre, les contraintes particulières en matière d'horaires, ou de nature sécuritaire, constituent une difficulté structurelle supplémentaire préjudiciable au développement de l'emploi pénitentiaire. C'est pourquoi, votre rapporteure suggère qu'une réflexion soit engagée afin que le travail pénitentiaire soit considéré comme un travail « aidé ».

II. - LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

La mission de la protection judiciaire de la jeunesse (pjj) est de mettre en œuvre l'ensemble des décisions de justice prononcées par les juges des enfants, qu'il s'agisse des mesures d'investigations ou des jugements à l'égard des mineurs délinquants ou des mineurs en danger. Elle est également compétente pour les jeunes majeurs lorsque la décision judiciaire les concernant est intervenue avant l'âge de la majorité. Ces jeunes majeurs représentent 8 % des publics pris en charge.

A. UNE ACTIVITÉ MARQUÉE PAR L'ACCROISSEMENT DES MESURES PÉNALES ET LA DIMINUTION DU NOMBRE DES MINEURS INCARCÉRÉS

1. Une activité des services en hausse

a) Un secteur public spécialisé dans la prise en charge des mesures pénales

Les missions dévolues à la pjj évoluent, depuis une dizaine d'années, vers une prise en charge plus importante des mineurs délinquants, au point que les mesures prononcées en application de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante sont aujourd'hui majoritaires. Le renversement de tendance se situe en 1995 où, pour la première fois depuis la fin des années 60, le nombre de mesures pénales est, de très peu, supérieur à celui des mesures civiles. Les premières constituent près de 64 % des mesures confiées en 2003 aux services du secteur public alors qu'elles n'en représentaient qu'à peine le tiers en 1990.

Cette situation découle de l'augmentation du nombre des mineurs délinquants mis en cause par les services de police et de gendarmerie, dont la progression atteint 57,1 % entre 1993 et 1998. Corrélativement, le nombre de mesures concernant les mineurs délinquants a augmenté dans des proportions supérieures, de près de 77,1 %.

Le secteur associatif se voit également confier de plus en plus de mesures éducatives pénales (+ 33,7 % de mesures nouvelles en trois ans), même si celles ci représentent moins de 12 % en 2003 du total des mesures qui lui sont confiées. Rappelons que 88 % des mesures qu'il prend en charge sont prononcées par les juges des enfants sur le fondement de l'article 375 du code civil relatif à l'assistance éducative auprès des mineurs en danger.

Au sein de l'activité pénale, le suivi des mesures telles que la libération conditionnelle, la réparation, le sme (sursis avec mise à l'épreuve), le suivi socio-judiciaire et la liberté surveillée, absorbe désormais près de 60 % de l'activité des services.

b) Un nombre des mesures en attente en baisse mais un délai de prise en charge stable

Chaque année depuis 1996, la pjj effectue un recensement des mesures dites en « attente » d'exécution au 31 octobre. Rappelons qu'une mesure est considérée en « attente » lorsqu'elle n'a pas pu être prise en charge dans un délai de deux semaines après la notification de la décision du juge au service compétent.

La situation, pour les secteurs publics et habilités, s'améliore progressivement puisque la diminution sensible engagée depuis 1999 s'est substantiellement accélérée en 2003 (5 249 mesures), ce qui représente une réduction de 30 % du nombre des mesures en attente depuis 1998 (7 541 mesures). Le tableau suivant détaille ces évolutions :

Secteur public

Secteur associatif habilité

Total
général

Milieu ouvert

Mesures
d'investigation

Total

Milieu ouvert

Mesures
d'investigation

Total

1996

1 574

non recensé

1 574

2 119

non recensé

2 119

3 693

1997

2 545

483

3 028

2 852

1 371

4 223

7 251

1998

2 570

887

3 457

2 834

1 250

4 084

7 541

1999

2 953

673

3 626

2 483

1 395

3 878

7 504

2000

2 795

531

3 326

2 542

1 234

3 776

7 102

2001

2 541

573

3 114

2 557

1 183

3 740

6 854

2002

2 060

556

2 616

2 448

1 477

3 925

6 541

2003

1 528

450

1 978

2 122

1 249

3 271

5 249

Il convient de souligner que la réduction du taux des mesures en attente est particulièrement soutenue entre 2002 et 2003 (- 19,8 %), ce qui résulte de la mise en œuvre, par les directions régionales, des nouvelles priorités qui leur ont été signifiées par le Gouvernement. Le taux des mesures en attente, rapporté au nombre de mesures en cours, ne cesse d'ailleurs de diminuer alors même que l'activité globale progresse : 5,4 % en 1999, 5 % en 2000 et 2001, 4,6 % en 2002 et 3,6 % en 2003.

S'agissant des délais moyens de prise en charge des mesures, ils sont calculés par différence entre la date de décision du magistrat et la date de prise en charge effective par le service pjj.

Dans l'ensemble, les délais de prise en charge demeurent stables (24,1 jours en 2001 et 24,2 jours en 2003) après avoir atteint 24,7 jours en 2002. Cette stabilité se constate, d'une part, en ce qui concerne les mesures d'investigation et, d'autre part, lorsqu'il s'agit d'une mesure de placement ou de milieu ouvert civils. Il convient donc de mettre ces évolutions en regard avec celles intervenues dans les flux d'entrées entre 2001 et 2003 évoqués plus haut :

-  l'investigation civile devient une voie croissante d'entrée dans les dispositifs éducatifs. Elle est prise en charge de façon croissante par le secteur associatif et constitue une procédure d'enquête longue ;

-  si les délais globaux de placement demeurent de l'ordre de 2,5 jours, le placement pénal intervient toujours particulièrement rapidement, 1,5 jour en 2003, contre 2,6 jours en 2001 ;

-  le milieu ouvert pénal, activité principale du secteur public, voit ses délais se réduire de 55,1 à 51,5 jours en trois ans. Cependant, de tels délais demeurent excessifs car ils interviennent trop longtemps après la commission des faits, ce qui amoindrit la portée pédagogique et dissuasive de la sanction pénale.

À cet égard, rappelons que la loi d'orientation et de programmation pour la justice ambitionne de réduire le délai de prise en charge par le secteur public des mesures pénales de 51,9 jours, chiffre constaté en 2002, à 15 jours en 2007. En 2003, ce délai était de 48,5 jours comme l'atteste le tableau suivant. Les efforts d'ores et déjà consentis pour améliorer la situation doivent donc être poursuivis et amplifiés.

DÉLAIS DE PRISE EN CHARGE DES MESURES PAR LE SECTEUR PUBLIC
(
calculés en mesurant l'écart entre la date de la décision judiciaire
et le premier entretien du mineur avec un éducateur)

Mesures pénales

Mesures civiles

Ensemble

2001

2003

2001

2003

2001

2003

Ensemble des mesures

28,4

28,7

17,2

16,9

24,1

24,2

Investigations

4,8

5,0

16,6

15,6

9,8

9,8

Enquêtes sociales

22,5

22,9

34,7

29,8

32,8

28,2

Investigations d'orientation éducative

41,1

35,9

32,7

34,1

34,3

34,5

Recueils de renseignements socio-éducatifs

2,8

3,3

7,1

9,7

4,3

5,8

Placement judiciaire

2,6

1,5

2,4

3,2

2,5

2,5

Hébergement collectif

1,2

1,2

1,3

2,1

1,2

1,6

Hébergement individualisé

9,2

2,9

2,5

2,7

3,7

3,3

Hébergent en famille d'accueil

9,1

2,8

5,7

7,1

6,6

5,5

MILIEU OUVERT

55,1

51,5

21,8

22,9

44,9

43,7

Mise sous protection judiciaire

57,7

61,7

57,7

61,7

Action éducative en milieu ouvert

22,6

22,9

22,6

22,9

Contrôle judiciaire

23,4

29,7

23,4

29,7

Libération conditionnelle

17,4

2,3

17,4

2,3

Liberté surveillée

59,9

56,1

59,9

56,1

Liberté surveillée préjudicielle

36,7

37,9

36,7

37,9

Mesure de réparation

38,2

34,7

38,2

34,7

Suivi jeune majeur

13,7

12,0

13,7

12,0

Sursis mise à l'épreuve

97,8

87,4

97,8

87,4

Suivi socio judiciaire

32,0

52,6

32,0

52,6

Milieu ouvert + placement
(mesures éducatives proprement dites)

51,9

48,5

18,5

19,4

42,1

39,7

c) Un budget qui conforte les moyens alloués à la PJJ

Le budget de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse s'élève à 613 millions d'euros, en progression de 25,9 millions d'euros, soit + 4,42 % par rapport à 2004.

Cette augmentation permettra de mettre en œuvre les objectifs figurant dans la lopj, à savoir : l'intervention continue des services en quartiers mineurs, la réalisation des centres éducatifs fermés et le renforcement du pilotage territorial des services.

graphique

ÉVOLUTION

PLF 2005/

LFI 2004


+ 4,42%

Le budget de la pjj se répartit ainsi : 346,63 millions d'euros, soit 57 % de l'enveloppe, sont alloués au secteur public, et 266,44 millions d'euros, soit 43 % du budget, sont destinés au secteur associatif habilité.

graphique

En termes d'évolution budgétaire comparée, les crédits dévolus au secteur associatif habilité progressent de 8,1 %, ce qui s'explique par l'achèvement du programme des centres éducatifs renforcés, ainsi que par la montée en charge des centres éducatifs fermés, dont ce secteur assume une large part de la mise en œuvre. Rappelons que 14 nouveaux centres éducatifs fermés seront créés en 2005. Quant aux moyens destinés au secteur public, ils progressent de 5,9 millions d'euros, soit 1,7 %.

Le tableau suivant récapitule les évolutions respectives des crédits alloués aux deux secteurs de la pjj :

2004

2005

Variation

En millions d'euros

En millions d'euros

En millions d'euros

%

Personnels

255,26

257,29

2,03

+ 0,8

Fonctionnement

71,47

75,89

4,42

+ 6,2

Subventions

2,96

2,95

-0,01

- 0,3

Équipement

11,00

10,50

-0,50

- 4,5

Secteur public

340,69

346,63

5,94

+ 1,7

 

 

 

 

 

Secteur habilité

246,44

266,44

20,00

+ 8,1

 

 

 

 

 

Budget total PJJ

587,13

613,07

25,94

+ 4,4

S'agissant des créations d'emplois, 101 postes seront créés en 2005 qui devraient permettre la mise en œuvre des objectifs suivants :

-  offrir une prise en charge adaptée et renforcée des mineurs récidivistes ou violents grâce à la création de 50 emplois d'éducateurs affectés au suivi des jeunes incarcérés dans 20 quartiers mineurs supplémentaires ;

-  mettre à niveau les services de formation et d'administration tout en renforçant les capacités d'encadrement. Cinquante et un emplois sont prévus à cet effet, dont 2 directeurs, 35 attachés et 14 secrétaires administratifs. Ces moyens supplémentaires devraient permettre à la pjj de mettre en œuvre dans des conditions satisfaisantes la loi organique relative aux lois de finances et d'engager, dès 2005, la déconcentration des ressources humaines que votre rapporteure, à l'unisson des observations de la Cour des comptes, avait d'ailleurs appelé de ses vœux dans ses précédents rapports.

Par ailleurs, 17 emplois de personnels exerçant leurs fonctions dans l'administration centrale sont transférés à la direction de l'administration générale et de l'équipement (dage). Au total, les effectifs budgétaires s'élèvent pour 2005 à 8 044 personnels, dont 4 068 éducateurs et chefs de service éducatifs (cse).

graphique
Quant aux mesures tendant à l'amélioration de la situation des personnels, elles atteignent 807 000 euros et les deux principales d'entre elles sont les suivantes :

-  277 000 euros sont affectés à la réforme du statut des personnels de direction dont le coût total excède 1 million d'euros. Toutefois, grâce aux provisions des exercices budgétaires précédents, cette réforme sera mise en œuvre en 2005. Elle contribue au renforcement des capacités de pilotage de la pjj, objectif qui figure dans la loi d'orientation du 9 septembre 2002, tout en répondant aux critiques de la Cour des Comptes que votre rapporteure avait présentées en détail dans son précédent rapport. Sur le fond, cette réforme revalorise et organise la carrière des directeurs de la protection judiciaire de la jeunesse en fonction des responsabilités exercées. Elle est complétée par une revalorisation indemnitaire s'appuyant sur un dispositif de modulation ;

-  138 000 euros sont alloués aux mesures indemnitaires au bénéfice, en particulier, des secrétaires administratifs et des attachés. Cette mesure constitue la première étape d'un rapprochement progressif du niveau indemnitaire de ces personnels de la pjj avec ceux des autres directions relevant du ministère de la Justice.

Hors crédits de rémunérations, les moyens de fonctionnement du secteur public progressent de 4,42 millions d'euros, soit 6,2 %, après une progression de 5,3 % l'an dernier. Ces moyens nouveaux se concentrent, à hauteur de 4 millions d'euros, en faveur de l'amélioration du fonctionnement des services éducatifs et de la formation des personnels. L'incidence des 101 créations d'emplois évoquées plus haut, ainsi que la perspective de création d'une unité éducative en Polynésie française, représentent la moitié de cette augmentation. Un autre quart de ces crédits est consacré à la prise en compte de l'augmentation des coûts locatifs et de l'entretien du patrimoine.

S'agissant des dépenses d'investissement, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse disposera de 20 millions d'euros d'autorisations de programme qui se répartissent de la façon suivante :

-  4 millions d'euros vont à la création de centres éducatifs fermés conformément aux dispositions de la lopj ;

-  14 millions d'euros accompagnent la mise en œuvre de la  lopj et concernent : la délocalisation du centre national d'études et de formation (6 millions d'euros), l'amélioration de l'état et de la sécurité du patrimoine (5 millions d'euros), le renforcement du milieu ouvert (2 millions d'euros) et de l'administration territoriale (1 million d'euros) ;

-  2 millions d'euros sont consacrés à la poursuite des programmes antérieurs et au développement des activités d'insertion.

Pour leur part, les crédits de paiement s'élèvent à 10,5 millions d'euros.

2. Une diminution du nombre des mineurs incarcérés

a) Le nombre des mineurs incarcérés diminue depuis deux ans

Le nombre de mineurs incarcérés au 1er janvier 2004 (739 jeunes) est inférieur à celui constaté aux 1er janvier 2003 (808) et 2002 (826), année où un fort accroissement de l'incarcération avait été observé (+ 34 %). Cette baisse se confirme durant l'année 2004 puisque l'effectif incarcéré au 1er septembre 2004 est inférieur de 15 % à celui de janvier 2004, mais aussi de 16 % en deçà de celui de septembre 2003 et de 13 % inférieur à celui de septembre 2002.

Cette tendance se retrouve tout particulièrement en matière de détention provisoire puisque les mineurs incarcérés à ce titre sont en baisse de 21 % par rapport à ceux décomptés au 1er janvier 2003. Cette population de jeunes délinquants n'est donc plus incarcérée mais désormais prise en charge par les structures de la pjj. S'agissant des mineurs condamnés, l'évolution décrite pour les mineurs prévenus s'observe également ainsi que l'illustre le tableau suivant :

2001

2002

2003

2004

Mineurs

Janvier

Janvier

Septembre

Janvier

Septembre

Janvier

Septembre

Prévenus

454

630

550

592

534

467

442

Condamnés

162

196

176

216

212

272

186

Total

616

826

726

808

746

739

628

b) Une évolution qui s'explique par la diversification de la réponse pénale

La spécialisation de la pjj dans la prise en charge des mineurs les plus difficiles l'a conduit à adapter ces structures, à modifier ses pratiques et à diversifier son offre. C'est ainsi qu'ont été créés les centres éducatifs renforcés, puis les centres de placement immédiat et, enfin, les centres éducatifs fermés.

Rôle des activités comme facteur de socialisation, encadrement éducatif accru, travail sur l'idée de réparation, ces nouvelles structures conduisent au développement des modalités innovantes du travail éducatif. La mesure de réparation a également fortement contribué à développer un travail spécifique auprès des mineurs délinquants en organisant sa confrontation avec la victime.

Enfin, le principe de la réponse pénale systématique aux agissements délictueux des mineurs a conforté la crédibilité des sanctions pénales et, ce faisant, contribué à interrompre le parcours délictueux de certains mineurs. En effet, sur les 165 000 affaires impliquant un mineur et traitées par les parquets en 2003, 112 837 ont fait l'objet d'une réponse judiciaire, soit un taux de réponse pénale de 80,3 %, supérieur de 10 points à celui constaté pour l'ensemble des affaires.

· Rappelons que les centres de placement immédiat (cpi) prennent en charge les mineurs, en majorité délinquants, pour lesquels un accueil immédiat est ordonné par les juges des enfants. Ce placement permet d'éloigner certains mineurs de leur contexte de vie habituel, soit en raison de la gravité des faits commis, soit parce que leur maintien dans cet environnement représente un danger pour eux-mêmes.

Ces centres accueillent des mineurs, garçons et filles, de 13 à 18 ans, et ont une capacité de 10 à 12 places. Un travail d'évaluation et d'orientation doit être mis en place afin d'élaborer des solutions éducatives durables. À cette fin, un état des lieux complet de la situation du mineur est établi, tant sur le plan psychologique que scolaire ou professionnel.

L'orientation doit se réaliser dans un délai de 1 à 3 mois, sauf situation particulière. Elle est d'autant plus adaptée et efficace que le cpi travaille de concert avec d'autres structures de la pjj. Il en est ainsi au cpi de Villemomble, en Seine-Saint-Denis, que votre rapporteure a visité, qui s'appuie fort utilement sur les actions menées par l'atelier d'insertion « Atout-Bois » implanté à proximité du centre et qui dispense des formations en matière de menuiserie, de fabrication de meubles et de restauration.

À la différence des centres éducatifs renforcés (cer), qui constituent des structures légères fonctionnant pendant des durées limitées et sur le fondement d'un projet éducatif de « rupture », les centres de placement immédiat sont ouverts toute l'année et assurent une mission continue d'accueil immédiat et d'orientation.

Ouverts depuis 1999, les cpi sont au nombre de 47, dont 4 sous la responsabilité du secteur associatif habilité. Parmi les 43 centres de placement immédiat ouvert dans le secteur public, 27 l'ont été par transformation de foyers existants. Rappelons que le conseil de sécurité intérieure de 1998 avait décidé la création de 50 centres. Le programme est donc réalisé à 94 % et 1 528 jeunes ont été pris en charge, dont 1 466 dans les centres relevant du secteur public.

Les difficultés rencontrées dans la création et le fonctionnement des centres de placement immédiat tiennent, pour une part, aux réactions négatives du voisinage des sites d'implantation et, pour une autre part, au mode de gestion des personnels. En effet, l'évaluation produite par le cabinet cirese en novembre 2001 sur « la pjj face aux défis de l'éducation renforcée » soulignait les conséquences négatives du mode de gestion des personnels relevant des règles de la fonction publique : recrutement par la voie unique du concours, formation initiale « généraliste », affectations des éducateurs selon un mouvement annuel, centralisé et basé essentiellement sur l'ancienneté. Or, ce mode de gestion ne permet pas de constituer des équipes motivées, unies sur la base du volontariat et œuvrant de concert autour d'un projet partagé. Ces difficultés trouveront en partie leur solution dans la diversification des recrutements que votre rapporteure abordera plus en détail ultérieurement.

S'agissant du coût de fonctionnement des cpi du secteur public, il se répartit comme suit :

SECTEUR PUBLIC

2001

2002

2003

Total dépenses chapitre 3434 art 20 (source en €)

52 550 300

52 867 793

56 453 316

Dépenses totales hébergement (en €)

18 065 571

18 622 229

17 792 273

Dépenses totales hébergement collectif (en €)

13 427 426

13 724 021

13 234 229

Dépenses CPI (en €)

3 761 357

4 425 506

4 472 291

Nombre de CPI ouverts

31

43

46

Coût moyen de fonctionnement d'un CPI

121 334 €

102 919 €

104 348 €

· Les principes fondant l'action des Centres éducatifs renforcés (cer) ont été élaborés en 1996 sous l'appellation d'« unité à encadrement renforcé » puis mis en œuvre sous leur vocable actuel à l'issue du conseil de sécurité intérieure du 27 janvier 1999 qui a prévu la création de 100 centres de cette nature.

Il s'agit de structures de petite taille (5 à 8 places), capables de répondre aux problèmes soulevés par les mineurs délinquants, en situation de grande marginalisation et qui restent à l'écart des institutions existantes, au risque d'encourir l'incarcération. Ces centres permettent d'organiser un séjour de rupture, d'une durée de trois à six mois, bénéficiant d'un encadrement renforcé. Ainsi, dans le secteur public, 8 personnes encadrent de façon continue 6 à 7 mineurs.

Au 15 juillet 2004, 72 centres éducatifs renforcés étaient ouverts, dont 66 relevant du secteur associatif et 6 du secteur public. L'ouverture de quatre centres associatifs est d'ailleurs programmée d'ici la fin de l'année. La moyenne d'âge des jeunes accueillis en cer s'établit à 16 ans et 3 mois, 90 % d'entre eux ayant été placés par un jugement fondé sur les dispositions de l'ordonnance du 2 février 1945.

Le profil des 1 159 mineurs accueillis en 2003 (contre 894 en 2002) fait apparaître qu'il s'agit majoritairement de jeunes hommes (95 %), issus à 85 % d'une famille monoparentale. Près de 20 % étaient incarcérés avant leur placement. A la sortie du cer, 18 % des mineurs ont pu retourner dans leur famille sans mesure éducative, 40 % y sont retournés avec une mesure éducative, 35 % ont été placés en foyer et 12 % ont été incarcérés.

Les difficultés rencontrées par les cer tiennent, là encore, aux réactions souvent hostiles du voisinage ainsi qu'au caractère contraignant et inadapté des règles de la fonction publique, faisant parfois obstacle à la constitution d'équipes volontaires sur un lieu déterminé et pour un projet défini. C'est ainsi qu'en cas de défaillance de personnels, même en nombre restreint, le mouvement d'affectation étant annuel et centralisé, la structure se retrouve dans l'impossibilité de fonctionner jusqu'à la rentrée suivante, ce qui n'est pas satisfaisant et fort coûteux.

· La loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 définit dans son article 22 les centres éducatifs fermés (cef) comme « des établissements publics ou des établissements privés habilités dans des conditions prévues par décret en Conseil d'État, dans lesquels les mineurs sont placés en application d'un contrôle judiciaire ou d'un sursis avec mise à l'épreuve. Au sein de ces centres, les mineurs font l'objet des mesures de surveillance et de contrôle permettant d'assurer un suivi éducatif et pédagogique renforcé et adapté à leur personnalité. La violation des obligations auxquelles le mineur est astreint en vertu des mesures qui ont entraîné son placement dans le centre peut entraîner, selon le cas, le placement en détention provisoire ou l'emprisonnement du mineur. L'habilitation prévue à l'alinéa précédent ne peut être délivrée qu'aux établissements offrant une éducation et une sécurité adaptées à la mission des centres ainsi que la continuité du service.»

Il convient d'ajouter que la loi du 9 mars 2004, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, a étendu les hypothèses de placement dans un centre éducatif fermé au cadre de la libération conditionnelle. Ce type de placement est donc désormais possible à tous les stades de la chaîne pénale : tant dans la phase pré-sentencielle que dans les phases sentencielles et post-sentencielle.

Un cahier des charges (pour le secteur associatif habilité) et une instruction de service (pour le secteur public) définissent le contenu éducatif ainsi que le cadre administratif et financier des centres.

Complémentaires du dispositif de placement des mineurs délinquants aux côtés des foyers d'action éducative (fae), des centres de placement immédiat (cpi) et des centres éducatifs renforcés (cer), les cef se caractérisent par la contrainte particulièrement forte encadrant la mesure de placement du mineur, puisque son irrespect peut entraîner l'incarcération et qu'une action éducative spécifique y est entreprise. Les activités tendant à l'apprentissage des savoirs fondamentaux, des gestes professionnels élémentaires ainsi que le travail pédagogique sur la santé et l'hygiène constituent les fondements de la prise en charge organisée dans ces centres. À cette fin, des personnels enseignants sont mis à disposition par l'Éducation nationale.

Ainsi, au cours de l'année scolaire 2003-2004, six enseignants ont été affectés en cef. Il est à noter que le cef de Sainte Eulalie n'a pas souhaité l'intervention d'enseignant en raison du recrutement de deux personnels pour assurer la scolarité. Les enseignants, ainsi que les personnels intervenant dans la scolarisation et la formation des mineurs placés dans ces centres, ont été réunis les 12, 13 et 14 novembre 2003 puis les 14, 15 et 16 janvier 2004 pour des sessions de formation.

À la date du 2 août 2004, les neuf cef mis en service ont respectivement accueilli 146 mineurs âgés de 13 à 18 ans. L'objectif en 2005, conformément aux dispositions de la lopj, est de créer 14 nouvelles structures destinées à accueillir chacune 10 mineurs et, à ce jour, 8 projets d'établissements ont été retenus par l'administration centrale.

Conformément aux dispositions législatives et aux prescriptions du cahier des charges, une évaluation de l'activité des centres éducatifs est en cours et devrait être achevée en novembre 2004. Cette démarche constitue une nouveauté qu'il convient, à nouveau de saluer, et qui devrait à terme, permettre d'adapter le contenu ou la nature des initiatives menées dans les cef sur un fondement rigoureux et incontestable.

Sans attendre ce délai, il ressort des informations communiquées à votre rapporteure que :

-  les adolescents accueillis dans les cef correspondent bien au public visé ce qui signifie que les magistrats ont parfaitement identifié l'objectif des centres ;

-  la stabilisation des jeunes, grâce aux actions éducatives strictement encadrées, semble à l'œuvre, démontrant ainsi que les cef proposent un début de solution là où les autres institutions ont échoué ;

-  les équipes éducatives se stabilisent rapidement après l'ouverture du cef, ce qui permet d'engager un travail durable et cohérent.

En ce qui concerne l'action éducative menée dans les cef, il en ressort que :

-  32 % des mineurs ont bénéficié d'une remise à niveau scolaire leur permettant d'être réintégrés dans le dispositif de droit commun ;

-  16 % sont retournés directement dans un cursus de scolarité classique ;

-  32 % ont bénéficié d'un pré-apprentissage ou d'un apprentissage ;

-  20 % ont fait l'objet d'une formation professionnelle.

S'agissant des modalités de prise en charge des mineurs à la sortie des cef, il apparaît que :

-  50 % des jeunes ont été placés dans les structures d'hébergement classique de la pjj ou en famille d'accueil avec un suivi des services de la pjj ;

-  30 % des mineurs sont retournés dans leur famille avec une mesure de suivi éducatif ;

-  16 % ont été incarcérés.

On le voit, le fantasme, agité par certains, faisant des cef l'antichambre des prisons, est sans fondement. En effet, les cef parviennent à prendre en charge des mineurs auxquels aucune structure traditionnelle n'était plus capable de faire face et, de surcroît, leur dispensent un enseignement soutenu bénéficiant d'un encadrement particulièrement suivi. À cet égard, le taux d'incarcération à l'issue d'un placement en cef est révélateur du succès des actions entreprises dans ces centres qui ont désormais toute leur place parmi les différentes réponses à la délinquance des mineurs apportées par les services de la pjj.

On observe d'ailleurs, sur le long terme, une corrélation entre la hausse des mesures éducatives pénales et la baisse des incarcérations. Tel est le cas des placements à caractère contraignant (3 800 en 2002) qui atteignent un niveau comparable à celui des incarcérations, alors qu'en 1994, il n'y avait que 800 placements pour 2 700 incarcérations. En 2004, le nombre des incarcérations aurait sûrement été plus élevé si les structures éducatives d'hébergement avaient été moins nombreuses.

Contrairement aux discours caricaturaux parfois entendus, les cef s'inscrivent donc pleinement dans le cadre de l'ordonnance de 1945 qui privilégie la réponse éducative et considère l'incarcération comme l'ultime mesure. La diminution du nombre des mineurs incarcérés corrélative à la montée en charge des cef n'est donc pas fortuite.

B. UNE INTERVENTION DANS LES QUARTIERS MINEURS RÉUSSIE ET PRÉFIGURANT LE RÔLE DE LA PJJ AU SEIN DES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES POUR MINEURS

1. Vers la présence continue des éducateurs de la PJJ en quartier mineurs...

Si la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 a tout d'abord prévu la création d'établissements pénitentiaires spécialisés pour mineurs, elle organise également la présence continue d'éducateurs au sein des quartiers mineurs des maisons d'arrêt.

Ainsi, en 2003, dix établissements pénitentiaires ont accueilli des éducateurs de la pjj selon ces nouvelles modalités et, depuis le mois de septembre 2004, 20 quartiers des mineurs supplémentaires en bénéficient. Somme toute, d'ici à la fin de l'année, 50 % des quartiers mineurs seront concernés par l'intervention continue des personnels de la protection judiciaire de la jeunesse.

Un premier bilan, établi conjointement par l'administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse, a d'ores et déjà révélé les éléments suivants :

-  l'intégration des éducateurs au sein des équipes pluridisciplinaires en charge des quartiers des mineurs semble satisfaisante. L'apport professionnel des éducateurs pjj est clairement perçu par les autres intervenants, qu'il s'agisse des compléments d'informations sur la situation du mineur, du renforcement des relations avec les familles, du suivi individualisé ou de la préparation des sorties du mineur. Comme l'a indiqué à votre rapporteure le directeur de la maison d'arrêt de Nancy, M. Scotto, dont l'établissement bénéficie de la présence d'éducateurs de la pjj depuis le mois de septembre 2003, cette mesure facilite la transition entre le milieu carcéral et le milieu ouvert et, de surcroît, permet un meilleur suivi du mineur puisque, dans les faits, il est pris en charge par le même éducateur que celui présent en détention ;

 les nécessaires actions de formation des personnels sont engagées et apportent leurs premiers résultats. Dès novembre 2002, des orientations ont été données au centre national de formation et d'études (cnfe) de la protection judiciaire de la jeunesse afin de mettre en œuvre, en partenariat avec l'école nationale de l'administration pénitentiaire (enap), des formations pour les éducateurs destinés à intervenir dans les quartiers mineurs.

C'est ainsi que, dès janvier 2003, 12 agents de la protection judiciaire de la jeunesse ont bénéficié, dès avant la mise en service des nouvelles maisons d'arrêt de Seysses et d'Avignon, d'une formation dans les locaux de l'enap à Agen. Le plan pluriannuel de formation continue des éducateurs à l'intervention dans les quartiers mineurs prévoit la formation de 150 agents de 2004 à 2006 et de 80 agents en 2007 et 2008.

2. ... préfigurant le rôle de la PJJ au sein des futurs établissements pénitentiaires pour mineurs

Parmi les objectifs inscrits dans la loi du 9 septembre 2002 figure la volonté de « prévenir et traiter plus efficacement la délinquance des mineurs » notamment par « le renforcement et l'encadrement du dispositif de traitement des mineurs récidivistes ou violents ». À ce titre, la loi prévoit la création de sept établissements pénitentiaires pour mineurs (epm).

Le contenu architectural de cette nouvelle catégorie d'établissement pénitentiaire a été développé au cours des années 2002 et 2003 au sein d'un groupe de travail coordonné par l'agence de maîtrise d'ouvrages de travaux du ministère de la Justice (amotj) et réunissant des représentants de la direction de l'administration générale et de l'équipement (dage), de l'administration pénitentiaire (dap) et de la protection judiciaire de la jeunesse (pjj).

D'une capacité totale de 60 places, les epm sont conçus en unités de vie autonomes de 10 cellules et devraient comporter, par ailleurs, un secteur d'activités scolaires et socio-éducatives, un quartier disciplinaire, un espace dévolu aux parloirs, un centre médical, une salle de culte et une zone administrative. Une séparation du secteur d'hébergement de nuit et du secteur d'activités de jour est prévue afin de reproduire, autant que faire se peut, le rythme et l'organisation de la vie sociale, scolaire et familiale extérieure.

Les activités devraient se dérouler au sein de groupes de petite taille (6 mineurs en moyenne) et évolutifs en fonction des parcours individuels des mineurs qui le constituent. La dimension éducative des epm, est essentielle et s'exprimera tout au long du séjour en détention. Ainsi, le mineur détenu bénéficiera d'un rythme soutenu d'activités encadrées : scolarité, formation professionnelle, sports, ou activités socioculturelles. À cette fin, le mineur fera l'objet :

-  d'un accompagnement permanent par des adultes afin de garantir le suivi éducatif individualisé ;

-  d'un rythme d'activités intense et régulier (7 heures par jour 7 jours sur 7),

-  d'un temps d'encellulement réduit (de 22 heures à 7 heures),

-  d'une scolarité soutenue, de l'ordre de 20 heures par semaine, qui est à comparer avec les 12 heures hebdomadaires d'enseignement dispensées actuellement dans les quartiers mineurs ;

-  d'une pratique sportive intensive atteignant 20 heures par semaine ;

-  du développement des liens avec l'extérieur, qu'il s'agisse des familles, du milieu professionnel ou de l'insertion.

Bien évidemment, la mise en œuvre de ces ambitieux objectifs nécessitera l'intervention permanente de nombreux professionnels compétents, à l'instar des médecins, des psychiatres, des psychologues, des conseillers d'orientation, des enseignants ainsi que des personnels de l'administration pénitentiaire et de la pjj. Aussi, de trente-cinq à quarante-cinq personnels de la pjj seront-ils affectés dans ces établissements.

En janvier 2004, un appel à candidature a été émis pour la réalisation de la construction des epm et, le 26 juillet 2004, le jury a retenu deux candidats. Les travaux devraient débuter au cours du 2e semestre 2005 et s'achever à la fin de l'année 2006.

Si l'on souhaite comparer les différentes modalités d'incarcération des mineurs en Europe, trois groupes de pays peuvent être distingués. Certains incarcèrent les mineurs dans des quartiers mineurs des établissements pour adultes ou des centres de détention spécialisés pour mineurs, d'autres ont recours aux quartiers mineurs et à des « centres fermés », selon l'âge ou le profil du mineur, enfin un certain nombre d'États placent les mineurs exclusivement au sein de « centres fermés ».

Ainsi, l'Allemagne, l'Autriche, le Luxembourg et la Finlande recourent à des quartiers mineurs au sein d'établissements pénitentiaires de majeurs. En revanche, en Italie, les jeunes sont incarcérés dans des instituts pénaux pour mineurs, gérés par la direction de la justice des mineurs avec une mise à disposition de surveillants de l'administration pénitentiaire. Enfin, aux Pays-Bas, il existe à la fois des quartiers de mineurs dans des centres d'État pour adultes et des centres de détention privés spécialisés, subventionnés par le ministère de la Justice.

À l'exception de la Suède, où les centres fermés sont des pavillons ordinaires fermant à clé, généralement situés en pleine campagne, et dans lesquels les personnels éducatifs et les mineurs vivent ensemble, les autres centres fermés d'Europe sont des lieux carcéraux, présentant les mêmes caractéristiques qu'une prison à savoir :

-  l'existence d'une d'enceinte ;

-  la succession de portes fermées à clefs à l'intérieur de l'établissement ;

-  l'absence de liberté de circulation à l'intérieur comme à l'extérieur du bâtiment ;

-  l'enfermement des mineurs en chambres individuelles la nuit ;

-  la présence de surveillants en uniforme et de personnels éducatifs.

À cette aune, le projet des epm participe pleinement du modèle européen d'incarcération des mineurs et devrait permettre à la France de se rapprocher des pratiques de ses principaux partenaires.

C. UNE DIVERSIFICATION DES RECRUTEMENTS ENGAGÉE

1. Un profil des éducateurs trop généraliste

Depuis 1999, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse a connu une période de forts recrutements liés, d'une part, aux créations d'emplois attribuées au regard des objectifs d'abord fixés par les conseils de sécurité intérieure puis par la lopj et, d'autre part, aux départs à la retraite des promotions d'éducateurs recrutés au cours des années 1960 à 1975.

Ainsi, les départs à la retraite entre 1998 et 2004 (au 1er août 2004) s'élèvent à 1 023 agents toutes catégories confondues, soit une moyenne de 157 départs en année pleine. En ce qui concerne les départs en 2005, ils devraient concerner 127 agents.

Pour faire fonctionner l'ensemble de ses services éducatifs, la protection judiciaire de la jeunesse a donc besoin de recruter des personnels aux statuts et catégories différents. Si les éducateurs (catégorie B), dont le métier donne son identité à l'institution, constituent 41 % des recrutements externes et internes réalisés ces 5 dernières années, d'autres personnels de catégorie A (directeurs, professeurs techniques, psychologues), B (secrétaires administratifs,) et C (agents techniques d'éducation, agents et adjoints administratifs, ouvriers et maîtres ouvriers...) sont également régulièrement recrutés.

S'agissant du concours externe d'éducateurs, il se caractérise par une forte féminisation des effectifs et par la formation généraliste des lauréats. Ainsi, sur les 176 reçus au concours 2003, 59 étaient des hommes et 117 des femmes. Leur niveau de formation est élevé puisque la grande majorité des lauréats est titulaire d'un diplôme de deug ou sanctionnant deux années d'études après le baccalauréat. Le tableau suivant illustre clairement ces caractéristiques :

Conditions
particulières (1)

BAC

DEUG

Bac+2

Bac +5

Autre

Hommes

10

0

16

30

0

1

Femmes

7

1

29

66

5

9

TOTAL

17

1

41

102

5

10

(1) Mères de 3 enfants et plus, dispensées de la condition de diplôme ou bénéficiaires de la reconnaissance de l'expérience professionnelle en équivalence de diplôme.

Par ailleurs, les filières suivies par les lauréats pendant leurs études sont majoritairement juridiques, éducatives, scientifiques ou médicales, et rarement professionnelles, ce que l'on peut regretter.

graphique

Rappelons que dans son rapport de 2003 sur la pjj, la Cour des Comptes s'était déjà interrogée sur les modalités de recrutement et de formation des éducateurs au regard des besoins des services. En effet, la Cour soulignait, à juste titre, que « le relèvement du niveau de recrutement des éducateurs, désormais effectué à bac + 2 n'en soulève pas moins deux questions contradictoires. Il est perçu par une large partie du corps comme une source de rigidité qui s'oppose au recrutement de personnels motivés mais de niveau scolaire ou universitaire moins élevé, en favorisant celui d'agents dont la formation est souvent éloignée de la réponse aux besoins des jeunes pris en charge. Cet argument est d'ailleurs fréquemment avancé pour expliquer en partie la crise actuelle de l'hébergement en foyer. »

Votre rapporteure, qui souscrit pleinement à ces remarques, ne peut donc que se féliciter de la diversification des modes de recrutement engagée par la pjj et dont les premiers résultats sont encourageants.

2. La nécessaire diversification des modes de recrutement

Le décret n° 2004-19 du 5 janvier 2004, modifiant le décret n° 92-344 du 27 mars 1992 portant statut particulier du corps des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, introduit les différentes modalités de recrutement prévues par la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique.

L'accès au corps des éducateurs est désormais possible par la voie de quatre concours distincts :

-  un concours externe sur épreuves. Auparavant réservé aux titulaires d'un diplôme de niveau III, il est désormais également ouvert aux candidats ayant obtenu la reconnaissance de leur expérience professionnelle dans le domaine éducatif, social, sportif ou culturel au travers du dispositif de validation des acquis professionnels ;

 un concours externe sur titre, réservé aux titulaires du diplôme d'État d'éducateur spécialisé ;

-  un concours interne. Il convient de préciser que les nouvelles modalités d'accès à ce concours permettent aux agents de justice, notamment ceux de la pjj, de se porter candidats ;

-  un concours de « troisième voie » ouvert aux candidats justifiant de l'exercice pendant au moins cinq ans d'activités dans le domaine éducatif, social, sportif ou culturel.

Mis en œuvre dès janvier 2004, les quatre concours ont offert 250 emplois dont 57 en interne et 62 par la « troisième voie ». Il convient de souligner que le nombre de candidats au concours interne est en nette progression par rapport aux années précédentes. En 2003, pour 40 postes ouverts, 43 candidats étaient admissibles et 20 finalement reçus. En 2004, 152 ont été déclarés admissibles. Cette progression s'explique notamment par la réduction de 5 à 3 ans du nombre d'années de services publics exigées.

S'agissant des caractéristiques des lauréats du concours de la « troisième voie », elles révèlent que la diversification des profils, recherchée par celle des modalités de recrutement, est en passe d'être obtenue comme l'illustrent les tableaux suivants.

graphique

NIVEAU DE DIPLÔME DES LAURÉATS DE LA « TROISIÈME VOIE »

Sans le bac

Bac

Bac + 2

Bac + 4

Supérieur à bac + 4

Autres
(bafa, bees)

Total

Hommes

5

5

5

6

0

2

23

Femmes

0

1

7

8

0

0

16

Total

5

6

12

14

0

2

39

Ainsi, sur les 39 candidats reçus, 23 étaient des hommes et 16 des femmes pour un âge moyen de 32,6 ans et leur niveau scolaire semble davantage diversifié que celui des éducateurs recrutés par le concours externe. Par ailleurs, 31 des 39 lauréats ont au moins quatre ans d'expérience en qualité de responsable d'une association intervenant dans le domaine éducatif.

D. VERS UN CONTRÔLE ET UNE ÉVALUATION DE L'ACTIVITÉ DE LA PJJ RENFORCÉS ?

1. Des capacités de contrôle confortées

a) La déconcentration de la gestion des ressources humaines est en cours

La déconcentration de la gestion des ressources humaines, que votre rapporteure avait appelée de ses vœux dans ses précédents rapports, semble, selon les informations communiquées par le directeur de la pjj M. Duvette, en cours d'élaboration. Trois raisons militent tout particulièrement pour sa mise en œuvre rapide :

- elle est de nature à améliorer la qualité du service rendu en en rapprochant les actes individuels du niveau le plus proche de l'agent concerné ;

- il s'agit d'un engagement que le ministre de la justice a pris à la suite du rapport de la Cour des comptes qui, en juillet 2003, a relevé un déséquilibre au sein de cette administration dans la répartition des tâches entre les échelons régional et central ;

- la délégation aux directions régionales de la gestion des ressources humaines (grh), déjà pratiquée en matière de crédits de fonctionnement, participe de la réforme de l'État et devrait permettre à l'administration centrale de se recentrer sur ses missions de conception, de pilotage, d'expertise et d'évaluation.

Rappelons que le processus de modernisation de la fonction grh a été engagé par l'arrêté du 7 juillet 2003 qui a créé une sous-direction des ressources humaines et des relations sociales ayant pour mission de piloter et d'assister les services régionaux. A cette fin un réseau de correspondants régionaux a été constitué dès le début 2004. Des sessions de formation ont débuté en complément de l'élaboration de guides pratiques concernant chaque acte administratif délégué de manière à faciliter l'appropriation de la procédure par les services déconcentrés.

Toutefois, la procédure de déconcentration des compétences de l'administration centrale vers les directions régionales de la PJJ nécessite la publication d'un décret qui en détermine le principe de la déconcentration, fixe le nouvel échelon de compétences ainsi que le périmètre de la déconcentration.

Compte tenu de l'extrême concentration actuelle des décisions, la direction de la pjj a choisi de déconcentrer progressivement les actes juridiques par des arrêtés successifs. Ainsi, le champ de la déconcentration concerne 2 types d'actes qui correspondent à 2 étapes successives :

la première, qui sera effective début 2005, limitera le champ de la déconcentration à la régularisation des actes déjà rédigés par les directions régionales mais toujours visés par l'administration centrale. Ces actes sont sans conséquence sur les effectifs et ne donnent pas lieu à l'avis préalable des commissions administratives paritaires (cap). Il s'agit d'actes de gestion concernant les agents titulaires, les stagiaires et les contractuels et relatifs aux congés au recrutement, au renouvellement ou licenciement des agents contractuels.

- la seconde étape, qui devrait intervenir à la fin de l'année 2005, étendra le champ de la déconcentration aux actes ayant des conséquences sur les effectifs mais non soumis à l'avis préalable des cap. Un ou deux arrêtés pourraient être publiés au cours de l'année 2005, quand les directions régionales seront en capacité d'assurer un suivi des effectifs. Pour les agents titulaires et les stagiaires, il s'agirait, à titre d'illustration, des actes suivants : congés pour formation syndicale ; accord du bénéfice des prestations de l'assurance maladie ; mise en disponibilité d'office après épuisement des droits à congés ordinaires de maladie ; accès au congé parental, prolongation et réintégration dans la même résidence administrative ; octroi des congés de représentation ; admission à la retraite ; admission au bénéfice de la cessation progressive d'activité ; congé de fin d'activité ; accès au bénéfice du temps partiel ; renouvellement et réintégration à plein temps ; accès à la disponibilité et prolongation ; sanctions de l'avertissement et du blâme.

Notons que l'engagement d'une 3ème étape de la déconcentration, concernant les actes soumis à l'avis de la cap, est subordonné à la création de cap régionales ce qui soulève certaines difficultés, notamment en terme de représentativité syndicale. Sur le fond, la déconcentration devrait permettre de réduire les délais de traitement des décisions, de responsabiliser les échelons déconcentrés mais également de recentrer l'échelon central sur des tâches d'expertise, de conseil, de contrôle et d'évaluation.

b) Vers la mise en place d'un outil de gestion du patrimoine immobilier ?

Ainsi que l'a souligné la Cour des comptes dans son rapport de 2003, l'administration centrale de la pjj n'a qu'une connaissance approximative de son parc immobilier. En effet, la base de données élaborée à partir du recensement des structures débuté en 1998 demeure lacunaire, dans la mesure où elle ne mentionne que les surfaces utiles des immeubles et ne comporte aucune indication sur l'état des bâtiments.

En l'état, elle ne constitue donc pas un véritable outil d'aide à la programmation et à la gestion du patrimoine. Or, un tel outil est indispensable à la conduite de toute politique immobilière qui doit s'appuyer sur une connaissance approfondie du patrimoine géré afin d'être en mesure de justifier davantage les demandes budgétaires tout en améliorant la programmation des interventions techniques.

C'est la raison pour laquelle la mise en place d'un logiciel de gestion est envisagée au sein de la pjj à l'instar de l'expérience en cours dans les services judicaires. Le progiciel choisi, du nom d'antilope, est d'ores et déjà utilisé au ministère des finances où il semble donner satisfaction.

Selon les informations communiquées à votre rapporteure, il s'agirait de constituer une nouvelle base de données se substituant à celle existant et comprenant des informations tant quantitatives (nombre de mètres carrés etc.) que qualitatives sur l'état du bâtiment. Cette nouvelle base devrait comprendre une interface avec le tableau général des propriétés de l'État et être déconcentrée sous la forme de neuf bases locales. Il convient de souligner que la constitution de ce nouvel instrument serait opportunément complétée par la déconcentration au niveau régional des opérations de maintenance et de gros entretien.

2. Une démarche d'évaluation et de mise en œuvre de référentiels est engagée

a) En l'attente des premiers résultats du panel des mineurs...

Comme l'avait indiqué votre rapporteure, la pjj semble et « aveugle et amnésique » puisqu'elle ne connaît ni le devenir des délinquants qu'elle a pris en charge par le passé ni l'efficacité dans le temps des mesures qu'elle a exécutées.

C'est pourquoi, la constitution d'un « panel de mineurs » constitue une idée séduisante dont la mise en œuvre n'a que trop tardé puisque la décision de constituer ce fichier date de 1996. Rappelons qu'il s'agit d'un nouveau dispositif statistique consistant à observer à plusieurs dates, de façon quasi continue, un échantillon permanent de jeunes individus inscrits dans l'activité des juridictions, afin de définir leur parcours judiciaire tout en appréhendant mieux leur environnement familial. Les événements dont la connaissance est utile sont d'abord d'ordre judiciaire (mesures civiles ou pénales successivement décidées), mais également d'ordre social, à l'instar d'un changement de la situation familiale ou scolaire.

L'échantillon retenu est constitué de l'ensemble des mineurs nés entre le 1er et le 15 octobre, quelle que soit leur année de naissance, dont l'institution judiciaire a eu à connaître. Cet échantillon représenterait environ 4 % de tous les mineurs suivis par la justice, soit 12 000 personnes.

Depuis le mois d'octobre 2002, le panel est entré dans sa phase d'expérimentation : six juridictions pilotes ont été désignées : Paris, Nanterre, Meaux, Nancy, Dijon et Pau. Les premières extractions ont été réalisées au mois de janvier 2003 et devait permettre, non pas d'obtenir des données chiffrées exploitables, mais de vérifier la faisabilité technique du recueil de renseignement et de construire la base de données qui sera gérée par le centre d'exploitation statistique de Nantes.

Or, selon les informations communiquées à votre rapporteure, il semblerait que la quantité d'informations initialement retenue soit excessive, ce qui nécessiterait une modification de l'architecture de la base de données. Dans ces conditions, la généralisation du panel, programmée pour l'année 2005 seulement, soit neuf ans après la décision de le créer, est loin d'être certaine. Quant à la présentation des premiers résultats du panel, il semble difficile de les escompter rapidement.

b) ... la PJJ s'engage dans l'élaboration de référentiels professionnels

L'article L. 312-8 du code de l'action sociale, qui est applicable aux structures de la pjj, dispose que les services et les établissements sociaux et médico-sociaux doivent « procéder à l'évaluation de leurs activités et de la qualité des prestations qu'ils délivrent au regard de procédures, de références et de recommandations de bonnes pratiques professionnelles validées (...) par un conseil national de l'évaluation sociale et médico-sociale ». L'évaluation est donc une obligation, faisons donc en sorte qu'elle soit élaborée avec pertinence.

En effet, l'évaluation de l'action de la pjj doit, non seulement être quantitative, mais également comporter une dimension qualitative, à l'instar du taux de récidive des mineurs délinquants pris en charge par ce service public ou, comme l'avait déjà évoqué votre rapporteure, de la mesure de la nature et du degré d'association des parents à la mesure éducative.

Par ailleurs, et comme l'a indique M. Michel Duvette, la pjj est une administration qui a besoin de « références » face à la diversité des pratiques et à la multiplication des initiatives.

C'est pourquoi, un décret est en cours d'élaboration afin de clarifier les missions des différentes structures d'accueil des mineurs ainsi que les rôles respectifs des magistrats ordonnateurs des mesures et du préfet. Toutefois, cette clarification s'avérant particulièrement complexe à réaliser, une mission a été confiée à l'igas ayant pour objet d'identifier avec précision les difficultés rencontrées afin d'y apporter des solutions satisfaisantes pour l'ensemble des acteurs concernés.

Enfin, une deuxième phase de la réforme de la direction de la pjj, qui est sur le point d'être engagée, concerne le contenu et les méthodes du travail éducatif des services. En effet, à l'occasion de ses déplacements dans les structures de la pjj, votre rapporteure a constaté à plusieurs reprises que des actions éducatives innovantes étaient souvent menées, mais que celles-ci reposaient sur l'initiative d'une ou deux personnes possédant une connaissance approfondie des différents acteurs locaux. Or, de telles initiatives, si elles ne font pas l'objet d'un minimum de mise en forme, sont particulièrement vulnérables à tout changement dans la composition des équipes, ce qui est préjudiciable à la continuité du travail éducatif mené auprès des mineurs. C'est pourquoi, l'élaboration d'un référentiel des pratiques éducatives doit être soutenue afin de garantir la pérennité des « bonnes pratiques » tout en veillant, bien entendu, à ne pas entraver la capacité d'innovation et d'initiative des agents de la pjj.

La Commission a procédé, en commission élargie à l'ensemble des députés, à l'audition de M. Dominique Perben, garde des Sceaux, ministre de la justice, et de Mme Nicole Guedj, secrétaire d'État aux droits des victimes, sur les crédits de ce ministère.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Je suis heureux d'accueillir, avec M. Clément, Dominique Perben et Nicole Guedj. La clé du succès des commissions élargies réside dans le caractère dynamique du débat, beaucoup moins contraint qu'en séance publique.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois - Les débats en commission élargie doivent en effet gagner en vivacité et en capacité d'échange ce qu'ils perdent en solennité. Je souhaite qu'ils traduisent en tout cas toute l'importance de ce budget.

Monsieur le ministre, vous êtes, avec Nicole Guedj, l'interlocuteur naturel de notre commission. Je voudrais d'abord vous féliciter d'avoir fait qu'aient été créés dès 2005 dans l'administration pénitentiaire 70 % des emplois prévus par la loi d'orientation et de programmation pour la justice. Le calendrier est ainsi respecté. La progression est, en revanche, moins rapide pour les juridictions administratives. Le retard sera-t-il comblé dans les deux dernières années d'application de la loi d'orientation ? Par ailleurs, comment envisagez-vous d'endiguer la progression des frais de justice, qui se fait au détriment des autres dépenses ? Où en est la mise en œuvre des contrats de partenariat public-privé ?

M. Dominique Perben, garde des Sceaux, ministre de la justice - Pour favoriser le jeu des questions-réponses, je n'évoquerai dans mon propos liminaire que quelques chiffres-clé. D'abord, le budget de la justice augmente de 4 % pour 2005, soit de 210 millions. Cette hausse s'entend bien sûr à périmètre constant, c'est-à-dire après neutralisation du transfert des allocations familiales. 1 100 emplois budgétaires sont créés, soit un tiers des créations dans l'ensemble du budget de l'État. Les crédits de fonctionnement, un des points durs du budget de la justice, augmentent de 8 %. Je vous assure que cette augmentation n'a pas été facile à obtenir du ministre du budget ! Mais elle est pleinement justifiée par les besoins qui s'expriment dans l'administration pénitentiaire, à cause de l'augmentation du nombre des détenus, et dans les juridictions. Quant à l'effort d'investissement, il reste stable avec 320 millions.

Nous mettons ainsi en œuvre la troisième année de la loi d'orientation et de programmation. La priorité a été donnée à l'administration pénitentiaire pour faire face aux réalités à l'augmentation du nombre de détenus. La capacité d'accueil de l'école d'Agen est renforcée et nous comptons maintenir un flux de recrutement de 2000 surveillants par an, qui couvre les créations de poste et les départs à la retraite. Cela permet, comme disent les surveillants, d'avoir « du monde dans les coursives » dans cette période de surpopulation carcérale.

Les créations de postes de magistrats ont, elles, légèrement baissé. J'espère corriger cette situation en 2006 et 2007, mais il fallait faire des choix. Il faut toutefois compter avec l'effet à terme de deux réformes majeures : la mise en place des juges de proximité - une centaine a été nommée par le Conseil supérieur de la magistrature que je présidais hier - et la réorganisation en pôles pour les dossiers de grande criminalité, classique ou financière, qui engendrera des progrès en termes de productivité. Le ministère de la justice a aussi fait un gros effort de simplification des procédures. À partir du 1er janvier par exemple, le divorce par consentement mutuel se fera en une seule audience, engendrant une économie de temps importante pour les juges aux affaires familiales. Le rapport Magendie sur la qualité et la célérité de la justice contient aussi nombre de propositions intéressantes et novatrices qui devraient permettre à terme d'augmenter la productivité et la rapidité des procédures.

En ce qui concerne les crédits de fonctionnement, ils augmentent de 10 % pour l'administration pénitentiaire. Ils permettront de poursuivre les travaux de sécurisation des établissements engagés depuis 2002, tels que les filets anti-hélicoptère, les tunnels à rayons X ou le brouillage des téléphones portables. Cette dernière opération, qui constituait une exigence forte il y a deux ans, est quasiment achevée pour l'ensemble des zones à risque. Ils permettront également d'améliorer la santé dans les prisons. Nancy a mené une expérience réussie d'unité hospitalière sécurisée interrégionale. Avec le ministère de la santé, nous sommes décidés à progresser dans cette direction. Enfin, ces crédits permettront de développer l'éducation dans les prisons, dans la perspective de la loi Warsmann. Le budget prévoit la création de 200 emplois de conseillers d'insertion et de probation. Les 160 qui ont déjà été recrutés en 2004 sont en train d'achever leur formation. Il leur appartient de s'occuper de 13 000 personnes chaque année.

Sur le plan immobilier, nous progressons. Ainsi, seront livrées en 2005 les deuxièmes tranches des palais de justice de Pontoise, Besançon et Narbonne et les travaux de l'Ecole nationale des greffes et des palais de justice de Toulouse, Thonon, Nanterre Avesne-sur-Helpe, Ajaccio, Bordeaux et Niort démarreront. Je rappelle que nous avons augmenté la capacité d'accueil pénitentiaire de près de 1 700 places en deux ans, soit par l'ouverture d'établissements nouveaux, soit grâce à des travaux d'aménagement. C'est heureux ! En 2005, l'effort se poursuivra avec la mise en service de l'établissement de Sequedin, la mise en chantier des premiers établissements pour mineurs, de la maison d'arrêt de La Réunion - très attendue - et de trois centres de semi-liberté à Aix, Bordeaux et Lille. L'année 2005 verra également se poursuivre la rénovation des établissements de Fleury-Mérogis et des Baumettes, travaux considérables qui s'étendront sur plusieurs exercices. Enfin, l'extension de l'École nationale de l'administration pénitentiaire s'achèvera ; sa capacité d'accueil a été doublée, et les lieux ont été aménagés pour permettre une formation plus pratique.

S'agissant des partenariats public-privé, les annonces d'appels publics à la concurrence ont été publiées en juillet dernier pour quatre établissements et les attributions de marché se feront en 2005. Il s'agit, je le rappelle, de déléguer la maîtrise d'ouvrage et d'obtenir du secteur privé un service complet comprenant la construction, la maintenance et la gestion des établissements pénitentiaires.

J'en viens à l'évaluation des résultats. Nous disposons désormais d'instruments de mesure de performance transparents et les contrats d'objectifs passés entre la Chancellerie et les juridictions se généraliseront progressivement, ce qui traduira un changement d'état d'esprit garant d'une meilleure efficacité. Des résultats probants sont déjà constatés tant à Douai qu'à Aix, les deux cours qui ont, les premières, expérimenté ce nouveau dispositif. L'instauration de la rémunération au mérite participe du même objectif. Enfin, je m'apprête à créer un baromètre trimestriel des 181 juridictions, qui récapitulera leur activité sous forme de statistiques.

Le ministère de la justice prépare donc la lolf dans des conditions satisfaisantes. Son projet annuel de performance, significativement plus lisible que le document traditionnellement soumis au Parlement, recense 70 indicateurs dont le suivi, au fil des ans, permettra d'intéressantes comparaisons. Déjà, les résultats constatés depuis deux ans présentent des éléments encourageants. Notre effort continu porte ses fruits, comme en atteste la décroissance de la délinquance des mineurs, après des années préoccupantes. Le nombre des mineurs emprisonnés est passé de plus de 900 à moins de 600, en baisse, donc, de 30 %. Les solutions alternatives à l'emprisonnement, tels que les centres éducatifs fermés, se sont développées. Par ailleurs, les délais de traitement des affaires civiles diminuent dans les cours d'appel et, pour la première fois, dans les tgi. Enfin, le taux de réponse pénale augmente et, corrélativement, le nombre des classements sans suite baisse.

Telles sont les informations que j'ai souhaité porter à votre connaissance (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'État aux droits des victimes - L'amélioration de la prise en charge des victimes, l'une des priorités du Gouvernement, s'est concrétisée par la création du secrétariat d'État aux droits des victimes, qui traduit la volonté de reconnaître la condition des victimes et d'établir et de préserver leurs droits par l'élaboration d'une politique publique globale. J'ai présenté un premier train de mesures au Conseil des ministres, le 29 septembre dernier. Ce plan d'action tend à généraliser et à mettre en cohérence les dispositifs de prise en charge des victimes, à améliorer l'indemnisation et à agir en faveur de la réinsertion sociale, affective et professionnelle. 750 000 euros sont inscrits à cet effet en mesure nouvelle au budget du ministère ; ils seront complétés, à hauteur de 250 000 euros, par les crédits destinés à l'accompagnement de dispositifs innovants, éligibles au fse, au bénéfice des publics les plus fragiles. Ce million supplémentaire traduit une augmentation de 13 % du budget consacré à ces actions par la Chancellerie, sans tenir compte des mesures présententielles, transférées en 2004 sur les frais de justice.

Le secrétariat d'État s'attachera à renforcer les capacités d'intervention auprès des associations conventionnées par les cours d'appel, et des services d'aide aux victimes. À ce jour, il existe 168 de ces associations, qui ont accueilli près de 240 000 personnes en 2003. Leur financement repose sur le ministère de la justice mais aussi sur les crédits du fonds interministériel pour la ville et sur les contributions des différentes collectivités territoriales. L'amélioration de la prise en charge des victimes se traduira par la création d'astreintes téléphoniques et par l'élargissement des horaires de permanence. De plus, un numéro unique d'appel - le « 08 Victimes » - sera créé dans les tout prochains mois, et des psychologues seront recrutés pour venir en aide aux victimes traumatisées.

Le secrétariat d'État organisera d'autre part des actions, sur le plan national, en relation avec les autres ministères et tous les partenaires concernés : associations, collectivités territoriales, universités, entreprises... Le secrétariat d'État a en effet vocation à appuyer les associations qui œuvrent dans d'autres domaines que ceux dévolus au ministère de la justice, pour aider par exemple les victimes de catastrophes naturelles ou les victimes de l'amiante. Je souligne que, compte tenu des crédits encore disponibles, le choix a été fait de ne pas demander cette année la consolidation du fonds de réserve prévu en cas d'accident collectif ou de catastrophe, dont les actions en cours concernent notamment le crash de Charm-el-Cheikh et le procès du Mont-Blanc.

Dans un autre domaine, le secrétariat d'État s'attache à développer la politique d'accès au droit et d'aide aux victimes à l'intention des publics fragilisés. Il s'agit particulièrement d'aider les victimes de violences familiales ou de discrimination, pour favoriser leur réinsertion professionnelle. Cette démarche originale trouvera sa place au sein des dix plates-formes Europe récemment créées par la Chancellerie, et elle pourra aussi bénéficier d'un financement dans le cadre du projet d'initiative communautaire equal. Cette politique est dans la droite ligne du plan d'action de la justice en faveur des personnes en difficulté et de la réflexion interministérielle de lutte contre les violences familiales. Il s'agit de mettre au point des dispositifs expérimentaux adaptés à la situation des personnes les plus touchées par la précarité, la désinsertion et la violence, en organisant des collaborations actives entre les conseils départementaux d'accès au droit, les auxiliaires de justice, les associations et les organismes de formation et de réinsertion, en liaison avec les réseaux associatifs spécialisés.

Telles sont, très brièvement, les grandes lignes de l'utilisation des crédits attribués au secrétariat d'État (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Albertini, rapporteur spécial de la commission des finances - Comme l'a indiqué le Garde des Sceaux, le budget de la justice augmentera de 4 % en 2005. De ces crédits, 41,6 % seront alloués aux services judiciaires, un peu plus de 30 % aux services pénitentiaires, quelque 11 % à la protection judiciaire de la jeunesse et 13,6 % à l'administration générale. Les effectifs du ministère sont d'un peu plus de 72 000 agents, soit 3,6 % des effectifs de l'État. Le projet de budget qui nous est présenté, légèrement inférieur à 2 % du budget global de l'État en termes de crédits, est encore perfectible si nous souhaitons que les retards chroniques de la justice française soient progressivement comblés. Tel est d'ailleurs l'objet de la lolf. En 2005, le ministère de la justice connaîtra 1100 créations d'emploi et 135 emplois seront consolidés, dont 120 sont des emplois jeunes et 15 des postes d'assistants de justice. L'administration pénitentiaire est la principale attributaire des emplois créés, avec 533 emplois nouveaux. Les services judiciaires se voient dotés de 355 nouveaux postes mais l'ont constate une relative faiblesse des recrutements de magistrats, avec 121 nominations nouvelles seulement. Ce retard devra être rattrapé au cours des années 2006 et 2007.

Les crédits de fonctionnement, auxquels les magistrats sont spécialement attachés en ce qu'ils permettent d'assurer le fonctionnement quotidien des juridictions, augmentent globalement de 8 %, l'administration pénitentiaire en étant la principale bénéficiaire. Les crédits de paiement sont stabilisés à 318 millions.

Comme l'a indiqué le Garde des Sceaux, le programme de création de huit nouveaux établissements pénitentiaires se poursuit, quatre devant faire l'objet d'un partenariat public-privé. Il s'agit, chacun le sait, d'un processus juridique un peu complexe face auquel les vieilles habitudes doivent évoluer.

Nous disposerons dans quelques jours d'un rapport d'exécution de la lopj. Il semble que la difficulté majeure soit liée au nécessaire rattrapage des créations de postes de magistrats, notamment dans l'ordre administratif où le contentieux des étrangers tend à  exploser. À cet égard, il conviendra de veiller à doter les juridictions implantées à proximité des centres de rétention de moyens nouveaux suffisants.

La surpopulation carcérale commande de trouver des alternatives à l'incarcération plus efficaces que celles qui existent aujourd'hui. Autre point préoccupant, le fléchissement du travail en prison, alors que chacun sait qu'il y a là pour les détenus un moyen privilégié de préparer la réinsertion.

S'agissant de la prévention de la récidive, l'excellent rapport de la mission d'information présidée par Pascal Clément a légitimement insisté sur les insuffisances du suivi socio-judiciaire. Notre système pâtit du manque de juges d'application des peines et de services d'appui à la réinsertion. Quant au secteur psychiatrique pénitentiaire, il est confronté à une véritable crise des vocations, extrêmement préoccupante à tous égards.

La pjj a fait l'objet d'un rapport très sévère de la Cour des comptes. Il est vrai qu'il reste beaucoup à faire, notamment pour ce qui concerne le contrôle du secteur associatif habilité dont les dépenses croissent continûment. Le nombre de mineurs incarcérés a fortement diminué et nous nous en félicitons tous. Cependant, l'application aux jeunes majeurs des dispositions traditionnellement réservées aux mineurs a un coût, dont il faudra tenir compte à l'avenir.

Naguère évaluatifs, les frais de justice seront désormais intégrés à la loi de finances pour répondre aux préconisations de la lolf. Cela exige un changement d'approche, d'autant qu'ils sont en augmentation constante, du fait notamment de la généralisation des expertises génétiques et du coût des interceptions téléphoniques de sécurité.

Je plaide pour une réforme rapide des tutelles, puisque 600 000 personnes sont aujourd'hui traitées par seulement 100 juges des tutelles en équivalent temps plein. Il est urgent de rétablir la situation, en conjuguant mieux le judiciaire et le social. Les conseils généraux pourraient être utilement associés à la réflexion et nous souhaitons que le projet de loi en cours de préparation à ce sujet soit rapidement déposé.

J'en viens à la mise en œuvre de la lolf et je veux saluer d'emblée l'excellent travail d'anticipation accompli par les services de la Chancellerie. La mission justice comportera 6 programmes - justice administrative, justice judiciaire, administration pénitentiaire, pjj, accès au droit et à la justice, soutien de la politique de la justice et organismes rattachés - et se décomposera en 33 actions afférentes. L'architecture retenue ne pêche pas par un excès de sophistication, mais elle épouse bien les contours de la politique de la justice actuelle et elle permettra de disposer d'indicateurs pérennes particulièrement lisibles. Une réserve cependant, les indicateurs de performances retenus sont essentiellement quantitatifs, ce qui n'épuise pas le champ de l'évaluation de notre service public de la justice. S'il est intéressant de disposer de données chiffrées - retraçant par exemple le nombre de dossiers traité par magistrat ou le stock d'affaires en instance -, il serait également judicieux de lancer des enquêtes de satisfaction auprès des professionnels de la justice eux-mêmes. Le gip - dont la rigueur scientifique n'est plus à démontrer - pourrait aussi s'attacher à mieux mesurer dans le temps l'image de la justice aux yeux des Français.

Mme Valérie Pecresse, rapporteure pour avis de la commission des lois, pour les services pénitentiaires et pour la protection judiciaire de la jeunesse - En augmentation de 4 %, le budget pour 2005 de l'administration pénitentiaire est parfaitement conforme aux exigences posées par la lopj. Les 1 100 emplois créés représentent plus du tiers des créations d'emplois publics prévues au titre du plf du prochain exercice. En matière pénitentiaire, ce sont près de 68 % du programme fixé par la loi d'orientation qui sont d'ores et déjà exécutés. On mesure l'effort accompli. Je salue tout particulièrement l'augmentation substantielle des postes relevant des services pénitentiaires d'insertion et de probation - plus de 200 postes. C'est à ce prix que l'on interdira les « sorties sèches » de prison à l'issue de la période d'incarcération. L'ampleur des vacances de postes - 2 250 postes non pourvus - fragilise la volonté politique de poursuivre les recrutements dans la pénitentiaire. Il y a entre la volonté que retrace le budget et la réalité d'un décalage que je me devais de relever. À cet égard, les actions entreprises pour renforcer le pouvoir d'attraction des métiers de la pénitentiaire méritent d'être saluées, qu'il s'agisse des campagnes publicitaires ou des réformes statutaires des différents corps. Je n'insiste pas sur les dispositions déjà prises pour améliorer les conditions de travail des personnels. En quelques années, le taux d'encadrement dans nos établissements est passé de 2,8 détenus par surveillant à un surveillant pour 2,5 détenus.

Le programme de création de huit unités interrégionales d'hospitalisation sécurisée se poursuit. L'uhsi de Nancy fonctionne déjà, mais son taux d'occupation relativement faible nous interroge. Est-il dû au poids des habitudes ou à une légère surévaluation des besoins de la région Est ? Ce point méritera d'être éclairci.

Les programmes de rénovation des établissements se poursuivent. Fleury-Mérogis et les Baumettes sont sur la bonne voie. Le rythme d'avancement des travaux est plus modéré à la Santé, à Loos-les-Mines et à Fresnes. Le « programme 4 000 » est en voie d'achèvement et le « plan 13 000 » est lancé. Parallèlement, le plan de mise en sécurité et de prévention des évasions des centres de détention se poursuit. Trois évasions par substitution d'identité ayant été à déplorer au cours des derniers mois, le contrôle biométrique des détenus va être renforcé.

La situation faite aux délinquants sexuels et aux détenus présentant des troubles mentaux me préoccupe tout particulièrement. Au cours de la dernière décennie, les délits sexuels sont devenus la première cause d'incarcération. 7 400 personnes sont actuellement détenues à ce titre, soit 20 % des personnes condamnées. Reposant sur le consentement de la personne, la prise en charge de la délinquance sexuelle continue de poser problème, et, comme l'ont relevé MM. Clément et Léonard dans leur rapport sur la prévention de la récidive, la dangerosité sociale des délinquants sexuels ayant purgé leur peine est extrêmement difficile à évaluer. Nous manquons également de données sur l'injonction thérapeutique.

Les personnes souffrant de troubles mentaux ont représenté 50 % des entrants en prison en 2001. Il ressort de l'étude épidémiologique en voie d'achèvement que la souffrance psychique et psychiatrique tend à se développer dans le milieu carcéral. En témoignent les 500 agressions à l'encontre de personnels survenues en 2003 - contre 127 en 1996 - et le nombre des suicides en détention, en augmentation continue depuis plus de dix ans - 59 en 1990, 120 en 2003. Le nombre de détenus psychotiques ou souffrant d'un état dépressif est en augmentation constante. 10 % des personnes entrant en détention faisaient l'objet d'un suivi psychiatrique régulier dans l'année précédant leur condamnation. Les psychiatres intervenant en prison appellent notre attention sur le risque que le défaut de soins psychiatriques soit à l'origine de crimes et délits qu'une prise en charge adaptée aurait peut-être pu éviter.

L'insuffisance des moyens psychiatriques ne fait aucun doute, puisque 800 postes de psychiatres sont vacants dans le secteur public. L'impossibilité d'assurer la prise en charge de nuit des détenus souvent souffrants de troubles mentaux graves, l'interdiction de mettre en œuvre un traitement médicamenteux sans le consentement du détenu et les réticences des établissements de santé à recevoir des personnes détenues en hospitalisation d'office en l'absence de garde statique par les forces de l'ordre constituent autant d'obstacles au traitement efficace des personnes incarcérées présentant un état de détresse psychique. En vue de remédier à cette situation, l'article 48 de la lopj modifie les conditions d'hospitalisation pour troubles mentaux des personnes détenues en créant des unités hospitalières spécialement aménagées.

Comme M. Albertini, je voudrais évoquer l'insertion professionnelle des détenus. La population carcérale cumule les difficultés : 60 % des détenus ont un niveau inférieur à l'école primaire. Par ailleurs, 20 % de ceux qui sortent ont moins de 8 € de pécule. C'est là une des carences du système : le risque de récidive est fort.

Actuellement, 26 000 détenus travaillent et ce nombre est en hausse de 13 %. Mais l'emploi pénitentiaire est très sensible à la conjoncture : il avait baissé de 12 % entre 2001 et 2003, après une hausse de 25 % des rémunérations versées entre 1997 et 2000, quand la conjoncture était la plus favorable. En outre, les délocalisations d'emplois peu qualifiés posent un problème structurel. Je demande au Garde des Sceaux de faire de l'emploi pénitentiaire une priorité.

L'activité des services de la protection judiciaire de la jeunesse a augmenté de 77 %, ce qui est supérieur à l'évolution du nombre de mineurs mis en cause, en hausse de 57 %. En outre, le secteur public de la pjj tend à se spécialiser dans les mesures pénales. Le nombre de mineurs en attente a reculé de 20 % entre 2002 et 2003, ce qui est très positif : la rapidité de la réponse judiciaire est le meilleur moyen de prévenir la récidive. Toutefois, dans le milieu ouvert pénal, le délai d'exécution des mesures s'établit à 51 jours, ce qui est encore trop long. Le budget de la PJJ augmente de 4,42 % et 101 postes sont ouverts. Le nombre des mineurs incarcérés diminue et c'est une évolution qui se confirme. Elle tient à l'amélioration de la réponse pénale, grâce à la bonne loi préparée par le Garde des Sceaux et la commission. Nous disposons de 47 centres de placement immédiat qui offrent une alternative à la détention provisoire des mineurs. Ces centres ont pris en charge 1 500 jeunes l'année dernière. Les 72 centres éducatifs renforcés en ont recueilli 1 100 et nous disposons également de neuf centres éducatifs fermés. Ceux-ci font l'objet d'une évaluation et je salue cette initiative de l'administration de la Justice.

Par ailleurs, la pjj intervient maintenant dans les quartiers pour mineurs des établissements pénitentiaires. Dix établissements bénéficient de cette mesure, et tout se passe très bien. Cette intervention préfigure le rôle que jouera la PJJ dans les futurs établissements pénitentiaires pour mineurs.

Je salue la diversification du recrutement. Le profil moyen de l'éducateur est trop généraliste et trop scolaire. Il est bon qu'un concours interne soit ouvert aux agents de justice et qu'une troisième voie de recrutement installe des passerelles avec d'autres professions.

La pjj a donc évolué dans le bon sens. Elle a tiré les conséquences du rapport alarmiste publié par la Cour des comptes en créant une sous-direction des ressources humaines et en se dotant d'indicateurs d'activité. Elle est entrée dans une logique d'évaluation et de contrôle.

Des décrets devraient améliorer le fonctionnement des établissements et nous fournir des indicateurs sur l'utilisation du patrimoine immobilier. Il faudrait en outre que la pjj établisse des référentiels de bonne pratique.

Je tiens à citer un chiffre qui devrait mettre fin à la polémique : seulement 16 % des mineurs passés en centres éducatifs fermés sont ensuite incarcérés. Le taux d'échec est donc faible.

On nous annonce des indicateurs qualitatifs, ce qui est toujours difficile à mettre en place. Nous manquons tout particulièrement de données sur la récidive des mineurs.

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour l'administration centrale et les services judiciaires - Le budget des services judiciaires augmente de 3,8 %, soit un montant de 3,2 milliards d'euros en crédits de paiement. Ces chiffres montrent que la Justice est une priorité du Gouvernement. Je salue l'action en faveur des victimes, y compris le travail remarquable du secteur associatif. Il s'agit en définitive de rapprocher la Justice des citoyens.

Dans l'ordre judiciaire, le stock des affaires à juger au civil a diminué, s'agissant de la Cour de cassation et des cours d'appel. Toutefois, en 2003, le délai moyen de traitement à la Cour d'appel était de 16,1 mois. Le stock des affaires à juger reste stable dans les tribunaux d'instance, mais il augmente dans les tribunaux de grande instance avec le contentieux aux affaires familiales.

Au pénal, le nombre des condamnations a diminué, mais c'était en 2002 : à cet égard, notre outil statistique est sans doute perfectible. La baisse constatée en 2002 s'explique par l'application de la loi d'amnistie. En 2003, le taux d'élucidation a progressé. Le taux de réponse pénale a atteint 72 % grâce à l'utilisation croissante des procédures alternatives.

Les magistrats vont bénéficier de nouveau d'une extension de la nouvelle bonification indiciaire au titre des fonctions d'encadrement, ainsi que de la revalorisation indemnitaire. Il s'agit d'un effort sans précédent : 4 % de revalorisation en 2003, 4 % en 2004 et encore 1 % en 2005. Il faut ajouter la création des primes modulables, dites « primes au mérite », qui avaient suscité la polémique : les arrêtés portent leur taux moyen de 4 à 8 %, le taux maximal pouvant aller jusqu'à 15 %. Il faut certes préserver l'indépendance des magistrats, mais la Justice est un service public qui doit répondre aux attentes de nos concitoyens. Le versement des primes modulables est fondé sur l'évaluation faite par le chef de juridiction.

Dans la juridiction administrative, j'ai observé une augmentation du contentieux devant les tribunaux administratifs. Alors que le stock est en stagnation au Conseil d'État et dans les cours administratives d'appel, les tribunaux administratifs sont engorgés. Le nombre d'affaires jugées a augmenté de 63 % entre 1993 et 2003 et de 27,3 % entre 2003 et 2004. Il faut donc prévoir des moyens supplémentaires, mais aussi revoir certaines procédures. Il arrive souvent, par ailleurs, que les administrations ne répondent pas aux demandes de recours gracieux, se contentant de laisser passer le délai. Les justiciables saisissent alors le tribunal administratif. Si le Gouvernement incitait les administrations à répondre, le nombre des saisines diminuerait.

Il y a eu une nette augmentation du nombre des reconduites à la frontière, ce qui est positif. Mais la procédure d'arrêté de reconduite à la frontière envoyé par la voie postale n'a aucune efficacité. Elle mobilise des juridictions pour un taux d'exécution inférieur à 4 %. Je poserai une question au Garde des Sceaux à ce sujet.

Les juridictions de proximité ont été créées par la loi du 9 septembre 2002, la loi d'orientation du 26 février 2003 et le décret du 23 juin 2003. Ces textes ont autorisé le recrutement de juges non professionnels, soumis au statut des magistrats, qui ont des compétences civiles pour les litiges d'un enjeu inférieur à 1 500 € et des compétences pénales allant jusqu'aux contraventions de police de quatrième classe et certaines de cinquième classe. Ces juges de proximité travaillent en lien étroit avec le tribunal d'instance, puisque c'est le juge d'instance qui organise les audiences et qui évalue ces magistrats. Comme le dispositif avait été critiqué, j'ai souhaité en établir un petit bilan, sachant que nous manquons encore de recul, les premiers juges de proximité n'étant entrés en fonction qu'au début de l'année. On sait qu'ils ont dû suivre une formation qui était, pour la plupart d'entre eux, probatoire. Il s'agit à 40 % de professions libérales, en majorité des avocats ; à 10 % d'anciens magistrats ; à 40 % de diplômés justifiant de quatre années d'expérience juridique ; à 8 % de personnes justifiant de vingt-cinq années d'expérience juridique ; à 1 % d'anciens greffiers et à 1 % de conciliateurs de justice en exercice. Leur âge moyen est de 53 ans. Monsieur le Garde des Sceaux, nous avons rencontré des juges de proximité et nous avons vu que le recrutement était de qualité. Ces juges s'intègrent dans le milieu judiciaire et vous avez d'ailleurs prévu un certain nombre de moyens financiers pour faciliter leur intégration.

La nomination de greffiers et d'agents de catégorie C accompagne cette réforme. Au 13 septembre 2004, il y avait 172 juges de proximité en exercice et au 15 octobre quatre promotions, soit 466 personnes, avaient été formées à l'École nationale de la magistrature. Cependant, il s'écoule trop de temps entre la fin de la formation et la nomination effective. Il faudrait donc revoir la procédure. Un certain nombre de députés, dont le président de la commission des lois, ont déposé une proposition visant à accroître les compétences des juges de proximité. Si leurs « pouvoirs » sont étendus, il faudra renforcer leur formation. Quels seront les moyens disponibles pour mettre en place cette réforme lorsqu'elle sera votée ?

Enfin, les frais de justice sont difficilement maîtrisables. En 2006, les chefs de cour d'appel disposeront d'enveloppes globalisées pour remplir les objectifs prévus par la lolf. Comment pourront-ils à la fois faire face à l'évolution de ces frais et garder une certaine marge de manœuvre ?

Je salue la réforme courageuse menée par le ministère de la justice, notamment grâce aux contrats d'objectif lancés dès 2002, pour rendre la gestion plus efficace et améliorer la qualité du service. Il s'agit d'une véritable révolution dont nous attendons qu'elle rapproche la justice des citoyens.

M. Christian Vanneste - Selon M. Hanoteau, le directeur de l'enm, la France passe beaucoup de temps à réformer la justice sans prendre toujours le temps d'appliquer les réformes. Celles-ci sont indispensables et j'apprécie de voir augmenter chaque année les crédits du ministère de la justice afin d'appliquer la lopj. Leur augmentation de 4 % en 2005 permet la création de 1 100 emplois budgétaires, dont 100 emplois de magistrats, et une augmentation de 8 % des crédits de fonctionnement.

Le budget doit répondre aux attentes des justiciables, c'est-à-dire avant tout accélérer le temps judiciaire. La modernisation de l'institution et un recrutement accéléré de magistrats, de fonctionnaires et de juges de proximité doit y concourir. J'apprécie également l'augmentation des crédits d'aide aux victimes. Celle des aides judiciaires permettra d'appliquer la nouvelle procédure de rétablissement personnel. Toutes ces mesures rapprocheront les Français de leur justice.

En 2003, le nombre de décisions judiciaires a augmenté, en particulier de 3,9 % au pénal et de 13,3 % dans les juridictions spécialisées. Comme l'a dit à juste titre M. Bilger, à force de ne plus considérer la justice comme le service public qu'elle est pourtant, les notions d'efficacité, de célérité et de responsabilité finissent par s'effacer derrière la recherche de la perfection formelle dans les décisions de justice. Heureusement, ces notions de base sont au cœur des orientations de votre politique budgétaire.

S'agissant d'abord de l'efficacité, les justiciables souhaitent avoir la certitude d'une réponse. Or, il y a une certaine « perte en ligne » en raison de la mauvaise articulation entre police et justice. Elle vient peut-être de ce que nos policiers sont plus nombreux qu'ailleurs en Europe, et nos magistrats moins nombreux. D'autre part, notre taux d'incarcération est plus faible que la moyenne européenne. Dès lors, si la population des prisons est surabondante, n'est-ce pas que la bouteille est trop petite plutôt que trop pleine ? L'absence de toute initiative de la part du gouvernement socialiste est responsable de cet engorgement. Il nous faut maintenant combler le retard. Les peines de substitution, le bracelet électronique, les tig, doivent permettre d'améliorer les choses en ce qui concerne les plus petites peines. Pouvez-vous nous informer sur l'évolution comparée des mises en détention et des places disponibles, ainsi que sur celle des peines alternatives et sur leur efficacité, notamment en ce qui concerne les tig ? Pour ce qui est des jeunes délinquants, où en est-on de l'installation des centres d'éducation fermés ? Il n'y en a toujours pas dans ma région. Enfin, serait-il possible de faire participer des sociétés privées au transfert des détenus ?

C'est évidemment d'une efficacité accrue que dépend l'accélération du traitement des affaires. On sait comment les dossiers s'éternisent de contestation en appel. Bien juger nécessite du temps, mais de délai en délai, ce sont parfois des vies qui se désagrègent. Si la procédure du plaider coupable est une réponse, c'est l'ensemble de l'institution qui doit accélérer le traitement des dossiers. J'en viens enfin à la responsabilité des magistrats. Récemment, l'affaire d'Outreau a mis en évidence bien des dysfonctionnements. La justice doit pourtant être garante du lien social. Juges d'instruction et magistrats doivent donc faire preuve de discernement et de lucidité dans leur action. Quand la justice remet des coupables en liberté et maintient des innocents en détention, c'est un traumatisme et elle perd sa crédibilité. Selon Durkheim, la société repose sur la foi dans les institutions. La justice, institution de premier plan, doit contribuer à l'assurer pleinement.

M. André Vallini - Monsieur le ministre, pouvez-vous nous garantir que, cette fois, votre budget ne sera pas virtuel ? Ce fut le cas en 2003 et en 2004 en raison des gels, reports et annulations de crédits. Ainsi, le décret du 16 juillet 2004 a annulé 2,9 millions d'autorisations de programmes et 4,2 millions de crédits de paiement, celui du 9 septembre a annulé 51 millions de crédits, dont 19 millions pour les services pénitentiaires, 11 millions pour les services juridiques, 6 millions pour l'informatique et la téléphonie, et 3 millions pour la protection de la jeunesse, en touchant souvent la formation. Par la circulaire du 15 juillet 2004, vous avez également institué une réserve de précaution, en gelant 8,5 % des crédits de fonctionnement. De la même façon, ce budget qui affiche une augmentation de 4 %, s'il ne devait pas être exécuté, serait insincère.

Et quand bien même il serait exécuté, il est insuffisant pour répondre aux besoins. Il est d'ailleurs inférieur à celui des autres grands pays européens : le budget de la justice en Allemagne, compte tenu du nombre d'habitants, est le double du nôtre. Contrairement à ce qu'a dit M. Garraud, de 1997 à 2002, ce budget a augmenté dans notre pays de 29 %. Vous ne partez donc pas de rien ! 2005 est une année charnière, puisque c'est la troisième année d'application de la lopj. Or, nous sommes loin du rythme à suivre pour qu'elle soit réalisée dans les délais.

Le coût des réformes aggrave la situation. C'est le cas avec la création des juges de proximité et la mise en application de certaines dispositions de la loi Perben II, dont 11 mesures ont des conséquences sur les frais de justice, pour lesquels les 20 millions de crédits inscrits en 2005 ne suffiront pas. De même, la personnalisation des peines, qui est une bonne mesure en soi, demandera des expertises et des enquêtes de personnalité. La politique mise en œuvre par Mme Guedj pour renforcer les droits des victimes est également positive, mais elle aura un coût, tout comme le recours à de nouvelles techniques d'investigation et à des équipements de télécommunication de plus en plus sophistiqués. Au passage, qu'en sera-t-il pour les repentis ? Rien n'est prévu au budget. La loi Perben II a mis en place un système à l'italienne ; dans ce pays, il coûte environ 80 millions par an.

S'agissant des personnels, vous avez mis fin aux emplois-jeunes sans donner aux intéressés d'autre perspective que des facilités d'accès aux concours. Au total, 135 postes de contractuels sont prévus pour les remplacer alors qu'il en faudrait 90 pour la seule cour d'appel de Paris. Vous créez un nombre insuffisant de postes de greffiers, alors que leur travail augmentera en liaison avec la justice de proximité et l'application des peines.

Le budget de l'administration pénitentiaire augmente, notamment en crédits de fonctionnement, mais l'essentiel est absorbé par l'immobilier. Nous arrivons seulement à la fin du programme 4 000 et le programme 13 000 ne commencera qu'en 2005. La prison en France reste un enfer sur terre. Ce retard est inacceptable. Il faut aller plus vite, même si les délais tiennent aussi à la passation des marchés publics. Nous avons heureusement voté les mesures Warsmann sur la libération conditionnelle et la semi-liberté, mais cela ne suffira pas. Il n'existe actuellement que deux uhsi - pour huit prévues - alors qu'il en faudrait au moins le double. 40 % des détenus souffrent de problèmes psychologiques et ne sont pas suivis comme il le faudrait ; ils représentent donc un danger pour leurs co-détenus et pour les gardiens. Les créations de postes pour le personnel pénitentiaire sont à relativiser, car il va y avoir beaucoup de départs en retraite. Finalement, les mesures Warsmann seront difficiles à mettre en œuvre. Selon les syndicats, il faudrait 3 000 agents supplémentaires pour l'aménagement des fins de peine. En 2003, par rapport à 2002, les sursis avec mise à l'épreuve ont diminué de 2,4 %, les tig de 5,8 % et les placements en semi-liberté de 4,8 %. Espérons que la mise en application des mesures Warsmann freinera cette tendance.

Pour ce qui est de la PJJ, je déplore que les moyens soient concentrés sur les établissements en milieu fermé. L'éducation en milieu ouvert nécessiterait beaucoup de moyens supplémentaires car la prise en charge de bien des mineurs délinquants est trop tardive.

M. Garraud, dans la langue de bois dont il est familier, nous a dit que l'institution des juges de proximité fonctionnait bien. C'est exactement le contraire ! Tous les magistrats et les syndicats de tous bords le disent, c'est un échec. La vraie justice de proximité est assurée par les juges d'instance, avec un délai de traitement des dossiers de quatre mois. Mais on s'est cru obligé de créer des juges de proximité pour appliquer une promesse électorale, voire électoraliste, de M. Chirac. Les juges de proximité compliquent la justice ; or, dans une sorte de fuite en avant, vous étendez encore leurs compétences ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP)

En ce qui concerne la loi Perben II, nous gardons toutes nos craintes sur la porosité entre les procédures d'exception et ordinaires. Nous serons très vigilants, comme sur la nouvelle procédure du plaider coupable. Nous veillerons particulièrement au respect des droits de la défense, même si des garde-fous ont été prévus et que le Conseil constitutionnel a émis des réserves d'interprétation, et aux affaires sensibles, que le plaider coupable ne doit pas servir à occulter. Quant à la délinquance des mineurs, la baisse que vous évoquée doit être nuancée. Les violences contre les personnes augmentent, ainsi que la délinquance dans les zones rurales et à l'école. Le combat est donc loin d'être gagné.

Je veux également revenir sur la reprise en main de la justice que nous constatons depuis deux ans. Tous les magistrats que je rencontre, de toutes tendances, s'accordent à ce sujet. Vous avez d'abord rétabli les instructions individuelles.

M. le Président de la commission des lois - C'est la loi !

M. André Vallini - Une réforme était justement en cours d'examen, mais vous ne l'avez pas poursuivie ! Monsieur le ministre, vous ne suivez pas non plus les avis du csm concernant la nomination des magistrats. Des nominations récentes posent problème, ainsi que celle de votre directeur de cabinet au csm. Et que dire du déclenchement de trois enquêtes sur le verdict du tribunal de Nanterre, ou de l'entreprise de déstabilisation du procureur de Nice, Eric de Montgolfier, menée par la Chancellerie ?

M. le Garde des Sceaux - Pourriez-vous rappeler le nom du Garde des Sceaux qui a diligenté l'inspection sur M. de Montgolfier ?

M. André Vallini - C'était Mme Lebranchu, mais les mesures de déstabilisation viennent bien de votre cabinet ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Le rapport de M. Lamanda fait heureusement justice des accusations contre M. de Montgolfier ! Par ailleurs, les primes au rendement qui ont été instituées sont dénoncées par l'ensemble des magistrats. Bref, il existe un faisceau d'indices graves et concordants accréditant l'idée d'une reprise en main de la justice.

Alors que la justice fait face à une crise de confiance sans précédent, votre politique pénale, au lieu de fixer le cap, varie en fonction de l'opinion publique. Après la psychose sécuritaire, qui s'est traduite par la surpopulation carcérale que nous connaissons, les préoccupations nées du procès d'Outreau vous poussent à mettre à nouveau l'accent sur les droits de la défense et revoir les conditions de la détention préventive. Nous avions préféré, quant à nous, fixer trois orientations claires : une justice accessible et rapide, indépendante et responsable, respectueuse et protectrice des libertés.

M. Michel Vaxès - Je me limiterai à quelques remarques, pour respecter le temps très restreint qui nous est alloué, du moins en ce qui concerne les représentants de l'opposition. La différence entre les règles du jeu en vigueur ici et les conditions de la séance publique n'est pas avantageuse pour nous.

Le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution de la loi de finances pour 2003 révèle que 200 millions ont été bloqués en crédits de paiement et 53 millions en autorisations de programme - et que 33 % seulement  des crédits disponibles pour les équipements judiciaires, pénitentiaires et de la pjj ont été utilisés. Aussi convient-il de relativiser la hausse de 4 % du projet de budget pour 2005. L'Union syndicale des magistrats considère d'ailleurs que l'objectif de la lopj ne sera jamais atteint en 2007.

Or, le droit est devenu le nouveau langage de notre démocratie, la judiciarisation de la société n'est plus un phénomène conjoncturel. La justice doit donc disposer d'un budget en conséquence. Il n'est guère étonnant qu'elle souffre d'une mauvaise image et suscite une insatisfaction croissante, quand on sait que 7 144 magistrats rendent 2,5 millions de décisions civiles et 11,3 millions de décisions pénales et que les prisons comptent 60 000 détenus pour 22 000 surveillants ! Oui, la justice manque de moyens et votre budget n'y remédie pas.

Cette année, un million d'euros seront consacrés au recrutement des juges de proximité, qui sont censés rendre la justice plus rapide et plus efficace. Après un an d'activité, le bilan est pourtant plus que mitigé. Les juges de proximité n'ont fait preuve ni d'utilité pour le désengorgement des tribunaux, ni d'efficacité dans l'accomplissement de leur mission. La présidente d'un tribunal de grande instance a ainsi déclaré à la presse que leurs jugements étaient truffés de bourdes, sans possibilité d'appel ! Une vingtaine de ces juges, sur les 170 nommés, ont donné leur démission, l'un deux estimant que quinze jours de formation ne lui permettaient pas de remplir sa mission ! Nous attendons donc une évaluation sérieuse de cette réforme. Au lieu de cela, vous voulez étendre leurs compétences à des litiges allant jusqu'à 4 000 euros, et même aux instances introduites par des personnes morales ! À l'évidence, nous changeons d'échelle, et cette perspective inquiète particulièrement les associations de défense des consommateurs.

Comme vous, nous aspirons à une justice plus rapide mais qui ne sacrifie pas la qualité. La voie que vous avez choisie n'y conduira pas. Les primes de rendement, pudiquement appelées primes modulables, doivent ainsi être attribuées en fonction de la « contribution du magistrat au bon fonctionnement de l'institution judiciaire ». Ce critère, des plus vagues, peut donner lieu à de graves dérives, et certaines des premières primes distribuées en septembre font d'ailleurs déjà l'objet de recours hiérarchiques. Si ce critère est si imprécis, c'est bien parce que des seuils quantitatifs ne peuvent être raisonnablement retenus et que les limites d'une justice productiviste se font vite ressentir. La qualité de la justice tient à des choses plus importantes et plus impalpables, telles que le respect, l'écoute ou tout simplement le sentiment de justice. Les magistrats ne rejettent pas l'évaluation en tant que telle, mais les outils que vous avez institués.

En ce qui concerne l'aide juridictionnelle, le conseil national des barreaux s'est étonné que le conseil national de l'aide juridictionnelle ait réduit l'indemnisation des procédures de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Est-ce à dire que le travail d'un avocat, dans cette procédure, est moins important ? C'est pourtant la liberté du prévenu qui est en jeu !

Enfin, les conditions de détention dans nos prisons sont déplorables. L'État vient de voir reconnaître à deux reprises sa responsabilité dans des suicides de détenus, par les tribunaux administratifs d'Amiens et de Rouen. C'est une nouvelle preuve de l'insuffisance des effectifs de l'administration pénitentiaire. La sécurité des détenus n'est pas assurée : 117 suicides ont été relevés en 2003. Le budget pour 2005 créera-t-il des conditions plus dignes ? Il y va de la vie d'une centaine de personnes chaque année !

M. le Président de la commission des lois - Je rappelle que le grand avantage de la commission élargie est l'interactivité. Chacun dispose certes d'un temps limité, mais peut reprendre la parole plusieurs fois. Ne retombons pas dans les travers de la séance publique, que le regretté Edgar Faure avait ainsi définis : litanie, liturgie, léthargie !

Mme Anne-Marie Comparini - Notre réunion de ce matin met bien en lumière la priorité accordée à l'administration pénitentiaire, sans toutefois que l'on ait assez souligné à quel point elle est traitée de façon globale. Vous avez élaboré, Monsieur le Garde des Sceaux, un plan complet, tant pour le personnel et ses conditions d'exercice que pour les détenus et leurs conditions de détention. Par ailleurs, les deux rapports de Mme Pecresse et de M. Albertini viennent d'ouvrir des pistes très intéressantes, telles que la tutelle et la nécessité de préparer les délinquants sexuels à leur sortie. Ces propositions ne doivent pas tomber dans l'oubli. Il est essentiel de les mettre en œuvre le plus rapidement possible.

Un ambitieux programme immobilier a été lancé en 2002. Il était très attendu par tous les acteurs. Vous avez fait le point sur les opérations en cours, mais pouvons-nous déjà savoir ce qu'il reste à programmer, quel est le bilan des deux dernières années, quels dossiers locaux ont rencontré les plus grands problèmes ? Elue de Lyon, je connais bien le problème des prisons Saint-Paul et Saint-Joseph. Quelles solutions proposez-vous ?

M. le Président de la commission des lois - Nous en venons aux questions.

M. Gérard Léonard - En ma qualité de rapporteur de la mission d'information sur le traitement de la récidive des infractions pénales, je souhaite insister sur la nécessité d'une meilleure prise en charge psychiatrique des détenus. L'absence d'évaluation de leur dangerosité me semble particulièrement préjudiciable, car c'est l'une des causes de la récidive. Par ailleurs, notre collègue Warsmann a souligné à juste titre les lacunes du casier judiciaire : on connaît le retard apporté aux inscriptions et l'on sait aussi que la difficulté d'accès au casier judiciaire prive les magistrats d'une vision d'ensemble des antécédents d'un justiciable. Quelles mesures d'urgence sont envisagées à ce sujet ? La mission d'information a, pour sa part, formulé diverses propositions qui seront reprises dans une prochaine proposition de loi.

M. François Rochebloine - Ma question portera sur la juridiction prud'homale de Saint-Chamond (Sourires), sujet sur lequel je reviens depuis 17 ans... S'il est un bassin d'emplois homogène, c'est bien celui de la vallée du Gier ; pourtant, la justice prud'homale ne l'entend pas de cette oreille. Par méconnaissance de la réalité, on en est venu, dans un premier temps, à ce que certains conseils prud'homaux soient surchargés de travail, cependant que d'autres étaient en sous-activité, ce qui a conduit à supprimer une juridiction. Après quoi, sur la base d'une consultation conduite en 2002 dans des conditions contestables, on a réduit le nombre de conseillers. Le moins que l'on en puisse dire est que l'esprit de service public et l'idée de justice de proximité risquent ainsi d'être battu en brèche. Je me félicite donc que depuis votre arrivée à la Chancellerie, Monsieur le Garde des Sceaux, cette entreprise de démantèlement ait cessé, mais je demeure vigilant. Je souhaite, en particulier, obtenir l'assurance qu'il sera enfin remédié à l'incohérence de l'organisation des conseils prud'homaux dans ma circonscription et que le conseil prud'homal de Rive-de-Gier sera, comme il se doit, rattaché à la juridiction de Saint-Chamond.

M. le Président de la commission des lois - Je loue votre persévérance ! (Sourires).

M. Alain Marsaud - C'est un beau résultat que d'avoir obtenu 8 % d'augmentation des crédits de fonctionnement du ministère. Mais quels moyens prévoyez-vous de consacrer à la réduction de la durée de traitement des procédures pénales ? Chacun conviendra que mettre 27 ans pour en finir avec l'affaire Mesrine, c'est beaucoup ! Certes, il s'agissait d'une affaire exceptionnelle, mais d'autres affaires criminelles traînent tant que des magistrats finissent par être gênés de rendre leurs décisions, qui leur semblent plus ridicules que justes. D'autre part, nous avons entendu parler d'une longue liste de juridictions dont les établissements seront rénovés, cependant que d'autres seront construits. Mais le dossier de Limoges semble enfoui au plus bas de la pile... Pourtant, le tribunal de commerce, pour ne parler que de celui-là, est dans un état d'insalubrité tel que le risque de poursuites pénales est patent ! Quelles mesures envisagez-vous à ce sujet, Monsieur le Garde des Sceaux ? J'en viens enfin à la scandaleuse affaire de l'ourse des Pyrénées, après avoir appris qu'un chasseur voudrait plaider la légitime défense ... Pourtant, si un délit est avéré dans ce cas, c'est bien celui de mauvais traitement à animal ! (Sourires).

M. Xavier de Roux - Ma question portera sur les juges de proximité. En effet, le dispositif ne fonctionne pas dans certaines juridictions où ces juges, subordonnés à une hiérarchie judiciaire peu accommodante, ne sont pas très occupés... Je suis, pour ma part, favorable à l'accroissement de leurs compétences, et j'ai d'ailleurs signé le texte du Président Clément à ce sujet. Dans l'intervalle, je souhaite qu'une plus grande autonomie de moyens leur soit conférée au sein des juridictions auprès desquelles ils ont été nommés.

Sur un autre plan, j'observe que le projet de budget qui nous est soumis ne dit pas grand-chose du déménagement du tribunal de Paris, alors même que la question agite beaucoup les esprits. Qu'en sera-t-il ?

Enfin, il me paraît anormal que des délinquants mineurs en viennent à être placés, comme c'est le cas dans ma circonscription, dans des foyers départementaux de la protection de l'enfance, faute d'équipements spécialisés suffisants. Il faut mettre un terme à cette nouvelle version de l'introduction de loups dans les bergeries, mais comment ?

M. Emile Blessig - Dix ans après la réforme de la médecine en milieu pénitentiaire, bien des problèmes demeurent. Pourtant, l'accès aux soins est un droit. De plus, l'accompagnement sanitaire des détenus en passe d'être libérés est nécessaire. Où en est-on de la prise en charge des détenus dépendants des stupéfiants, de l'alcool ou des médicaments psychotropes ? Comment suit-on, sur le plan médical, les détenus libérés atteints de maladies infectieuses telles que l'hépatite C ? Comment prend-on en charge les détenus âgés malades ?

M. Thierry Mariani - J'aimerais savoir quand sera publié l'arrêté définissant les modalités de la rémunération des indicateurs de police et de gendarmerie. D'autre part, le tribunal pour enfants de Carpentras, que vous avez inauguré en septembre 2003, est déjà au bord de l'asphyxie faute de moyens. La nomination d'un nouveau juge y est indispensable. Quand aura-t-elle lieu ?

M. Edouard Landrain - Monsieur le Garde des Sceaux, comment et quand envisagez-vous de désengorger la maison d'arrêt Lafayette de Nantes ? Choisirez-vous une extension ou la construction d'un second bâtiment ? Par ailleurs, j'aimerais connaître le bilan des mesures contraignantes prises à l'encontre des pollueurs marins après le naufrage de l'Erika et savoir si la coordination se fait bien entre les services de justice, les douanes et la marine nationale.

M. Guy Geoffroy - Je suis persuadé que, pour prendre en charge les mineurs délinquants, la seule solution consiste à construire des centres éducatifs fermés. C'est d'ailleurs pourquoi je pense être le seul maire de France à avoir proposé l'édification d'un tel centre sur le territoire de ma commune. J'aimerais connaître les suites qui seront données aux évaluations successives de ce nouveau dispositif, dont Mme Pecresse nous a dit qu'elles avaient été très fournies, très contradictoires et donc très positives. S'ensuivra-t-il des modifications dans le cahier des charges, la dimension des établissements et les conditions générales de leur création et de leur développement ?

M. le Garde des Sceaux - Je commencerai par répondre à vos rapporteurs, et en premier lieu à M. Albertini, qui s'est inquiété du retard pris dans le recrutement de magistrats. La loi d'orientation contenait en effet des dispositions précises à cet égard, mais il se trouve que la population carcérale a augmenté davantage que nous ne l'avions prévu. Nous avons donc dû modifier la répartition des créations d'emplois pour tenir compte de cette évolution, comme en témoigne le budget qui vous est proposé. Des emplois nouveaux en plus grand nombre seront donc affectés aux services pénitentiaires, on recrutera moins de magistrats que prévu cette année, et les créations de postes dans les greffes correspondront aux prévisions. De fait, si l'on entend les chefs de juridictions, les goulots d'étranglement sont au niveau des greffes. Il fallait en tenir compte, ce qui ne signifie par pour autant de suspendre les recrutements de magistrats ; il y en aura d'ailleurs cent en 2005, je le rappelle. Il n'est pas question de relâcher l'effort et j'espère que nous pourrons revenir à un équilibre plus satisfaisant en 2006 et en 2007.

Votre rapporteur a également évoqué l'engorgement de la justice administrative. Nous souhaitons améliorer la carte judiciaire et je compte créer deux tribunaux administratifs : l'un dans le Var, l'autre dans la circonscription de Montpellier - soit à Nîmes, soit en Avignon - tant il est vrai que l'engorgement des juridictions dans cette région est inacceptable. Comme l'a justement relevé M. Garraud, il faut aussi travailler sur les conditions dans lesquelles on accède à la justice administrative, de manière à éviter un gonflement artificiel du contentieux. Je pense notamment à la fonction publique, où devraient se développer les mécanismes d'arbitrage et de médiation précontentieuse.

Plusieurs d'entre vous ont insisté sur la situation dans les prisons, et je souhaite que nous continuions, sur ces sujets, à dégager des positions consensuelles. À la lumière des exemples étrangers, force est d'admettre que nous sommes en dessous du nécessaire, tant pour ce qui concerne le nombre de places que pour la qualité de la prise en charge des personnes détenues. À Mme Comparini qui m'interrogeait sur son état d'avancement, je puis confirmer que le programme 13000 - en fait 13200 - est lancé et que les procédures afférentes à la réalisation de 5 594 places ont d'ores et déjà abouti.

En particulier, les sept établissements pour mineurs, auxquels je tiens beaucoup, sont lancés. Je souhaite que nous tirions parti de l'expérience de nos partenaires les plus avancés, en les organisant comme de véritables collèges fermés, organisés autour de la salle de classe et du gymnase. Je suis convaincu que la prison peut apporter quelque chose aux jeunes des plus désocialisés et qu'il n'y a pas de fatalité à ce qu'elle constitue un milieu destructeur. Ces sept établissements pour mineurs, qui offriront 420 places à la fin de 2006, nous aideront à faire face aux cas les plus difficiles. Par ailleurs, j'ai souhaité, dès mon arrivée à la Chancellerie, que la plupart des quartiers pour mineurs des établissements existants fassent l'objet d'une rénovation complète et le programme est en cours d'achèvement. Nous nous devons de donner aux jeunes incarcérés des conditions de vie acceptables. Dans le même esprit, j'ai voulu que la pjj puisse entrer dans les prisons, de manière à améliorer la continuité du suivi. Au Royaume Uni, où la compétence des services de protection de la jeunesse est territoriale, ce sont les mêmes éducateurs qui suivent les jeunes délinquants avant leur condamnation éventuelle, pendant leur période de détention et dans la phase de réinsertion. Il est indispensable de mobiliser des moyens suffisants pour garantir la réussite de la réforme Warsmann, dont nombre de dispositions avaient fait consensus.

S'agissant des recrutements, je peux comprendre que certains nous demandent de faire toujours plus, mais il faut tenir compte des limites naturelles qui s'opposent à toute démarche de recrutement massif. Nous en avons fait l'expérience avec les personnels de surveillance, puisque nous avons dû lancer une campagne de publicité pour renforcer le pouvoir d'attraction du métier. Le décret ouvrant l'accès à la PJJ à des personnels expérimentés vient d'être publié, et les SPIP continueront de bénéficier de moyens complémentaires. L'ampleur du flux de sortie de prison - 12 000 par an - commande que nous renforcions l'accompagnement des détenus en fin de peine.

MM. Léonard et Albertini ont abordé le problème de la récidive. Sur le plan législatif, votre commission a accompli un très gros travail qui devrait déboucher prochainement sur une proposition de loi tendant notamment à nous donner des moyens supplémentaires pour veiller à ce que la récidive entraîne une sanction aggravée. Vous avez trouvé un dispositif législatif équilibré et satisfaisant. Parallèlement, il convient d'améliorer les délais de mise en œuvre des décisions de justice, et nous attendons beaucoup des bureaux d'exécution des peines créés par la loi de mars 2004. Injustement décriée par certains, la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité me semble participer de la prévention de la récidive, car reconnaître sa culpabilité, c'est accepter la peine encourue et se donner les chances d'une réinsertion réussie. La justice acceptée, c'est très important !

Il est exact, Monsieur Garraud, que la prise en charge des jeunes majeurs pèse très lourd dans notre budget, et il convient de s'interroger au cas par cas sur la légitimité de la démarche. À l'origine, l'objectif était de continuer à s'occuper dans les mêmes conditions du mineur incarcéré lorsqu'il atteignait sa majorité. Dans les faits, il est apparu que certains jeunes majeurs faisaient l'objet d'un accompagnement renforcé, sans avoir été incarcérés en tant que mineurs. Il faut tenir compte de la très grande complexité des situations humaines en cause et se garder de toute approche systématique du problème. Si la pjj, cher président Clément, qui êtes aussi président du Conseil général de la Loire, se dégageait de cette charge, il faudrait bien envisager que les conseils généraux s'y intéressent. Les réalités humaines qui s'attachent à ces situations s'imposent à nous, et je suis conscient qu'il n'y a pas, en la matière, de solution facile.

S'agissant du contrôle à exercer sur le secteur associatif habilité, la question qui se pose à nous est de savoir comment répondre aux justes critiques de la Cour des comptes sans se priver de la richesse des interventions du milieu associatif. Mme Pecresse a bien voulu saluer l'effort de réorganisation administrative et territoriale de la PJJ que nous avons engagé. Notre objectif est de conforter le rôle de pilotage de la PJJ face à un réseau associatif complexe mais irremplaçable.

Nombre d'entre vous ont évoqué l'explosion des frais de justice, effectivement préoccupante puisqu'ils augmentent d'environ 20 % par an. Le coût des interceptions des communications téléphoniques passées sur des mobiles et celui des expertises génétiques y sont pour beaucoup. La police scientifique ne cesse de gagner en efficacité, mais cela a un coût. Il convient de mieux organiser la commande publique pour que les opérateurs susceptibles de rendre les prestations demandées soient mis en concurrence et facturent leurs services au meilleur coût. Conformément aux exigences de la lolf, les frais de justice feront l'objet d'une ligne de crédits limitative dès 2006, mais cela ne doit pas entraver la liberté du juge de demander la prestation technique dont il a besoin pour mener à bien ses investigations. Il faudra envisager un système de réserves, de sorte que chaque juridiction puisse faire face aux besoins.

Je souscris pleinement à l'analyse de M. Albertini sur la nécessaire réforme du régime des tutelles. Conçu par mes services, le volet juridique, tendant à ce que la tutelle s'exerce sur les personnes et non pas seulement sur les biens, est prêt. Le volet social de la réforme reste à finaliser, mais j'ai bon espoir d'être en mesure de présenter un texte au Parlement dans les prochains mois.

Le ministère de la justice a fait preuve de volontarisme dans la préparation de la mise en œuvre de la lolf. Plusieurs expériences ont été lancées, et la Chancellerie y a trouvé une occasion supplémentaire de faire de grands progrès en matière de gestion.

Valérie Pecresse a cité un chiffre relatif aux vacances de postes dans les établissements pénitentiaires qui est techniquement correct, mais qui retrace la situation arrêtée au 1er janvier. En fait, le taux de vacance des postes n'excède pas 3 %, et il sera difficile à améliorer, compte tenu des mouvements naturels d'effectifs. Du reste, ceux qui parmi vous se rendent régulièrement dans les établissements n'entendent plus les critiques qui avaient cours à ce sujet dans le passé.

Mme Pecresse et M. Blessig ont, avec d'autres, appelé l'attention sur le caractère très préoccupant de la situation sanitaire des détenus. Je tiens à dire que, grâce aux dispositions prises par mes prédécesseurs, on soigne les gens en prison. Ceux d'entre vous qui visitent les établissements le savent. Les détenus sont notamment examinés par des dentistes dès leur entrée, car leur dentition est souvent dans un état déplorable. L'administration pénitentiaire assure une mission sanitaire de grande qualité et je veux rendre hommage au travail des médecins et des infirmières.

Il subsiste le problème des uhsi. La solution consiste à reproduire, dans cinq ou six endroits, ce qui a été fait à Nancy, où les médecins travaillent dans des conditions acceptables.

Vous avez été plusieurs à évoquer l'étude en cours sur la prise en charge des détenus atteints de troubles psychiatriques. En fait, cette étude est terminée. Mais j'hésite à l'exploiter car les spécialistes ne sont pas d'accord sur les chiffres. Nous savons, en tout cas, que le nombre de détenus souffrant de tels troubles augmente et a atteint un niveau préoccupant. Il s'agit non seulement d'un problème pénitentiaire, mais encore d'un problème de santé publique : on demande au système pénal de traiter un dossier qui n'est pas de sa compétence. Avec Philippe Douste-Blazy, nous avons mis en place une commission présidée par M. Burgelin sur la manière de traiter les individus les plus dangereux. Je pense à l'affaire Bodein, en Alsace : un homme qui avait passé 35 ans de sa vie en prison ou en hôpital psychiatrique a sans doute tué deux petites filles six mois après sa libération. Devant des réalités humaines aussi abominables, la société ne peut se contenter d'une remise en liberté une fois la peine purgée. Il nous faut réfléchir, car je n'ai pas la solution. Je sais que nous manquons de psychiatres dans les établissements pénitentiaires comme dans les centres éducatifs fermés.

M. le Président de la commission des lois - Recrutons des psychologues !

M. le Ministre - Peut-être. En tout cas, il nous faut des professionnels, pas des intervenants qui risqueraient de rendre encore plus malades les personnes qui leur seraient confiées...

S'agissant du travail en prison, les difficultés que nous rencontrons tiennent à l'environnement économique. Nous travaillons avec des sociétés présentes dans les établissements. Le marché industriel classique se restreint parce que les tâches répétitives se raréfient en France. Nous devons essayer d'accéder au marché protégé, mais il ne faudrait pas prendre des initiatives qui risqueraient de déstabiliser les cat.

M. Garraud a évoqué les juges de proximité. Voulons-nous ouvrir l'administration de la justice à la société ? Oui, c'est mon souhait. Il faut avoir le courage de reconnaître que les Français ne se font pas une idée positive de la justice. Certes, il y a des raisons objectives pour que les justiciables conservent un mauvais souvenir de leur passage devant le juge. Mais de façon plus générale, la justice doit devenir une fonction partagée. Il ne s'agit pas de remplacer des magistrats par des non-professionnels, mais d'ouvrir la maison sur l'extérieur, de façon à rendre possible un échange culturel. Cela existe depuis toujours aux assises et dans les tribunaux pour enfants. Pour les petits délits et les petits litiges, il est bon que des hommes et des femmes d'expérience apportent un complément d'approche aux juges professionnels. Je suis déterminé à poursuivre dans cette direction. Il s'agit d'une réforme profonde, dont on dira dans dix ans qu'elle a amélioré l'image de la justice, j'en suis convaincu.

M. Vallini a évoqué les gels et les reports. Je m'honore de prendre part à la saine gestion de nos finances publiques : c'est le devoir de tout ministre. Cependant, la situation que M. Vallini a décrite est celle de juillet dernier. Les discussions avec le ministère de finances nous ont permis d'avancer, et les reports ne concernent que 1 % du budget, ce qui est raisonnable. J'ajoute que le budget de mon ministère a progressé de 17 % en trois ans.

Le dispositif des repentis, qu'a également évoqué M. Vallini, dépend du budget de l'intérieur.

S'agissant des emplois-jeunes, nous avons fait en sorte que les intéressés puissent préparer les concours statutaires dans de bonnes conditions. En outre, nous avons prévu un certain nombre de postes contractuels pour ceux qui ne peuvent passer les concours mais que nous souhaitons conserver.

Dans le domaine de la protection judiciaire de la jeunesse, il n'est pas question d'abandonner le milieu ouvert : je sais ce qu'apporte le travail des éducateurs. Mais la réorganisation des services autour des directeurs régionaux et départementaux permettra de travailler dans de meilleures conditions.

Plusieurs d'entre vous ont parlé de la loi « Perben II ». Ce dispositif fonctionne, y compris en matière de lutte contre la pollution maritime : ceux qui dégazaient en pleine mer sont sanctionnés et les gros dossiers de criminalité organisée sont traités comme il convient. J'ai la conviction que le plaider coupable fonctionnera aussi. Ce dispositif est même une chance pour les avocats, dont il enrichit le métier. Au lieu d'attendre six mois une audience correctionnelle qui durera trois minutes, ils peuvent dialoguer successivement avec le procureur, le délinquant et le juge. J'observe, par ailleurs, que 40 % des propositions faites au juge du siège sont refusées : il ne s'agit donc pas d'une simple formalité, on ne se contente pas de donner un coup de tampon, il s'engage une vraie discussion. Nous pourrons faire le point dans un an, mais ce dispositif a véritablement un intérêt.

L'aide juridictionnelle, dans le cas d'une comparution en reconnaissance préalable de culpabilité, ne donne droit qu'à cinq unités de valeur au lieu de huit mais il s'en ajoute trois si la victime ou son représentant sont présents. On atteint donc le même niveau qu'en correctionnelle.

Pour répondre à M. Vaxès, les primes modulables sont gérées par les chefs de cour sur proposition des chefs de juridiction et ce système fonctionne dans la sérénité. Si les primes ont été modulées, c'est parce que j'ai obtenu en trois ans l'augmentation de 9 % des primes versées aux magistrats. À ces niveaux de traitement, peu de fonctionnaires ont bénéficié d'une telle mesure. La modulation a été demandée en contrepartie par le ministère des finances et cette demande était légitime.

Le nombre des suicides en prison a diminué ces trois dernières années. J'ai commandé un rapport au professeur Terra, psychiatre spécialisé dans la prévention du suicide. J'ai découvert, grâce à lui, comment il est possible de détecter des personnes suicidaires. Son travail nous a permis de prendre des mesures matérielles pour réduire les risques. Un second type de réponse existe : il est d'ordre psychologique et psychiatrique.

Mme Comparini m'a interrogé sur la construction de nouvelles prisons. Nous ne rencontrons de difficultés que dans certaines villes. Pour ma part, j'ai l'intention d'utiliser les procédures qui existent en droit français pour faire prévaloir l'intérêt général. Il en va de même des centres éducatifs fermés : on ne peut les réclamer dans les discours et tout faire pour éviter leur installation dans certaines circonscriptions. J'aurai donc recours, si besoin est, à des procédures contraignantes. On ne peut renoncer à une grande ambition pour des raisons d'intérêt local.

Monsieur Rochebloine, vous soulevez un problème complexe. La concertation a eu lieu, mais il ne semble pas que votre proposition de redécoupage fasse l'unanimité.

M. François Rochebloine - Il ne s'agit pas d'un redécoupage, mais d'un regroupement !

M. le Ministre - M. Marsaud a raison : les durées de traitement au pénal sont excessives. La réorganisation en pôles de criminalité devrait améliorer la situation. Je lui fournirai, par ailleurs, une réponse écrite sur le tribunal de Limoges. S'agissant enfin de l'ourse tuée dans les Pyrénées, une enquête est ouverte, dont les premiers éléments semblent faire apparaître que les personnes qui se trouvaient sur place, en présence de l'animal, n'avaient pas grand-chose à y faire...

Monsieur de Roux, l'établissement public qui a vocation à construire le nouveau site judiciaire de Paris a été constitué et la procédure de sélection est engagée. Le conseil d'orientation et le conseil d'administration ont choisi deux sites en priorité : le premier est le site hospitalier recouvrant la Cité et Saint-Vincent-de-Paul, le second, la zac Tolbiac. L'étude est en cours pour choisir le meilleur emplacement et passer à la réalisation le plus rapidement possible.

En ce qui concerne les détenus âgés, la loi Kouchner a été appliquée 151 fois, ce qui correspond à un nombre de libérations considérable. C'est l'administration pénitentiaire qui décide. Je lui ai demandé par circulaire de prendre, le cas échéant, l'initiative, car même si on a à l'esprit une demande célèbre, il n'est pas rare que ces personnes soient totalement très isolées, dont personne ne s'occupe.

Monsieur Mariani, vous avez raison : l'effectif est insuffisant au tribunal de Carpentras. Une étude a été réalisée, et dans le cadre du budget 2005, je proposerai d'y affecter un juge pour enfants supplémentaire. La nomination pourrait intervenir lors du mouvement du printemps avec prise de fonctions en septembre 2005. Quant aux indicateurs de police et de gendarmerie, l'arrêté interministériel - nous travaillons avec la Défense, l'Intérieur et les Finances - devrait être prêt avant la fin 2005.

En ce qui concerne les pollutions marines, Monsieur Landrain, une trentaine de procédures sont en cours et nous avons demandé 6,5 millions de cautionnement, ce qui n'est pas rien. La loi dite Perben II se révèle véritablement utile, pour combattre ces pollutions.

Monsieur Vanneste, si après la grâce du 14 juin nous sommes redescendus à 500 placements sous bracelet électronique, notre objectif est de 2 000 placements en moyenne, et nous avons les moyens techniques d'y parvenir. Effectivement, il n'y a pas de centre d'éducation fermé dans le Nord, mais il y en a à proximité. S'il faut donner mon sentiment sur cette expérience, également évoquée par M. Geoffroy, elle est difficile mais utile. Ces centres accueillent des garçons, et parfois des filles, multirécidivistes et dont la personnalité est très perturbée. Cela suppose un travail énorme de la part des éducateurs, des médecins et des psychiatres. Le résultat est positif, puisque la majorité de ceux qui sont passés par ces centres reprennent ensuite un cursus normal de formation ou de retour à l'emploi. Dix centres sont en fonctionnement et il faudra essayer d'en doubler au moins le nombre en 2005. Cela ne résoudra pas tout, mais il faut poursuivre et trouver aussi les équipes pédagogiques expérimentées qui sont nécessaires. En tout cas, ce résultat positif est l'un des facteurs qui expliquent la baisse considérable du nombre de jeunes incarcérés : nous étions à moins de 600 le mois dernier contre 925 il y a deux ans et demi. C'est la réponse à ceux qui ont fait campagne contre un certain Garde des Sceaux qui voulait, disaient-ils, incarcérer les mineurs.

Monsieur Landrain, vous m'avez aussi interrogé sur la surpopulation de la maison d'arrêt Lafayette à Nantes. Nous avons des réponses partielles. Il est prévu de créer un établissement pour mineurs, et, en fin d'application de la loi de programmation, un établissement pour les peines courtes. En effet il est un peu ridicule d'incarcérer tous les détenus dans des établissements avec le même niveau de sécurité : il est peu probable qu'un détenu qui n'a que quinze jours à faire essaye de s'échapper...

Mme la Secrétaire d'État - Chacun a pu apprécier tout l'intérêt de la mission qui m'est confiée de rapprocher la justice des victimes. J'espère qu'à l'avenir les crédits augmenteront à la mesure des besoins. S'il y a consensus sur ce point, nous parviendrons à améliorer au quotidien le sort des victimes.

* *

*

À l'issue de l'audition de M. Dominique Perben, garde des Sceaux, ministre de la justice, et de Mme Nicole Guedj, secrétaire d'État aux droits des victimes, la Commission a examiné pour avis les crédits de la justice pour 2005.

M. André Vallini a présenté un amendement réduisant de 1,5 million d'euros les crédits de vacations et de charges sociales. Il a précisé que cet amendement vise à supprimer les moyens prévus en faveur des juridictions de proximité, afin de prendre acte de leur échec et d'inviter le Gouvernement à réaffecter les crédits en cause au fonctionnement des autres juridictions.

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur pour avis, s'est déclaré défavorable à un amendement qui, en supprimant les moyens nouveaux prévus en faveur des juges de proximité, indispensables à la montée en puissance de ces nouvelles juridictions, tend en réalité à leur suppression. Il s'est étonné que le groupe socialiste s'oppose à une réforme qui, en rapprochant la justice des justiciables, correspond à une demande de nos concitoyens.

Constatant que, sur le terrain, la mise en place des juridictions de proximité constitue une expérience largement positive, M. Alain Marsaud s'est déclaré en faveur de la montée en puissance du dispositif dont le bilan ne pourra être dressé qu'ultérieurement.

M. Guy Geoffroy s'est étonné que l'opposition critique une mesure qui reprend une proposition du candidat socialiste à la dernière élection présidentielle. Faisant état de sa récente visite au tribunal de police de Paris, il s'est félicité du bilan très positif tiré de l'installation des premiers juges de proximité.

M. André Vallini a estimé que, à la différence de la procédure du plaider coupable dont le bilan ne pourra être tiré que dans plusieurs mois, les juridictions de proximité ont d'ores et déjà fait la preuve de leur inadéquation. Il a rappelé que, de l'avis unanime des juges d'instance et des syndicats de magistrats, ces juridictions désorganisent les tribunaux d'instance. Il a considéré que, s'il peut se concevoir en matière correctionnelle, l'échevinage ne fonctionne pas en matière civile. Il a enfin précisé que la proposition du candidat socialiste à la dernière élection présidentielle était très différente du dispositif actuellement mis en place.

La Commission a rejeté cet amendement.

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la Commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de la justice pour 2005 (services judiciaires et administration centrale).

PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURE POUR AVIS

-  M. Patrice Molle, directeur de l'administration pénitentiaire.

-  M. Michel Duvette, directeur de la protection judiciaire de la jeunesse.

DÉPLACEMENTS DE LA RAPPORTEURE POUR AVIS

-  Centre de placement immédiat de Pantin.

-  Atelier d'insertion « Atout-bois » de Villemonble.

-  Centre des jeunes détenus de Fleury-Mérogis.

-  Maison d'arrêt de Nancy.

-  UHSI de Nancy.

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N° 1868 - tome V - Avis au nom de la commission des lois sur le projet de loi de finances pour 2005 : services pétinentiaires et protection judiciaire de la jeunesse (Mme Valérie Pécresse)

1 () Autorisations de programmes

2 () Crédits de paiement

3 () En application de la loi du 17 juin 1998, relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs.

4 () Voir le rapport n° 1718 de MM. Pascal Clément et Gérard Léonard sur le traitement de la récidive des infractions pénales du 7 juillet 2004, pages 56 et 57

5 () Décret n° 2000-412 du 18 mai 2000.

6 () Numéro 68 d'août 2003 de la revue Infostat Justice.

7 () Sur un total de 2 933 condamnés pour crime.

8 () Étude parue dans la revue Regards sur l'actualité, mars 1997, pages 15 à 26.

9 () Cette définition de M. Debuyst issue du IIe cours international de criminologie de Paris en 1953.


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