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le 15 novembre 2004

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N° 1863

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 octobre 2004

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN SUR
LE PROJET DE
loi de finances pour 2005 (n° 1800),

PAR M. GILLES CARREZ,

Rapporteur Général,

Député.

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ANNEXE N° 3

AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COOPÉRATION ET DÉVELOPPEMENT

Rapporteur spécial : M. Henri EMMANUELLI

Député

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INTRODUCTION 5

I.- LA MISE EN ŒUVRE DE LA LOI ORGANIQUE RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES :

UN PROGRÈS POUR L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT 7

A.UNE ARCHITECTURE BUDGÉTAIRE PERMETTANT UNE PLUS GRANDE LISIBILITÉ DE

L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT 7

1.Une situation très insatisfaisante aujourd'hui 7

2.Une mission « aide publique au développement » votée par le Parlement 8

3.Le traitement des annulations de dette 8

4.Une mission interministérielle composée de deux programmes 9

5.Les faiblesses de la maquette proposée 11

6.- La création d'un « document de politique transversale » « aide publique

au développement » 12

B.UN DISPOSITIF DE MESURE DE LA PERFORMANCE À PERFECTIONNER 13

II.L'AIDE PUBLIQUE FRANÇAISE AU DÉVELOPPEMENT : DES STRUCTURES COMPLEXES

ET UNE AUGMENTATION FRAGILE 17

A.L'EXAMEN DE LA POLITIQUE FRANÇAISE DE DÉVELOPPEMENT PAR SES PAIRS :

UN DIAGNOSTIC MITIGÉ 17

1.Une pluralité des objectifs et des acteurs source de perte d'efficacité 18

2.L'insuffisante prise en compte des Objectifs du Millénaire 19

3.Une attitude ambiguë vis-à-vis du multilatéral 20

B.LA RÉUNION DU CICID DU 20 JUILLET 2004 : UNE RÉPONSE À LA HAUTEUR DES ENJEUX ? 20

1.L'engagement de la France en matière d'aide au développement est confirmé 22

2.L'APD française sera plus concentrée et plus sélective 22

3.Le rôle du ministère des Affaires étrangères et des ambassadeurs dans le pilotage

de l'aide publique au développement est clairement affirmé dans les paroles sinon

dans les actes 23

4.- Les relations entre l'État et l'Agence Française de développement sont remaniées

avec des conséquences encore incertaines 24

C.- UNE REMONTÉE DE L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT ESSENTIELLEMENT

EXPLIQUÉE PAR LES ANNULATIONS DE DETTE 26

1.Une chute de l'APD bilatérale ininterrompue jusqu'en 2000 28

2.- Une remontée constatée à partir de 2002 29

3.Une hausse de l'aide publique au développement expliquée en grande partie

par les annulations de dette 34

4.Une aide multilatérale dominée par l'Union européenne 39

5.Structure de l'APD française en 2003 41

III.LES CRÉDITS DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES : UNE PROGRESSION

TRÈS INSUFFISANTE 45

A.DES CRÉDITS D'INTERVENTION QUI STAGNENT 46

1.La coopération culturelle, scientifique et technique 46

2.La coopération décentralisée est freinée 47

4.Le soutien aux Organisations de solidarité internationale progresse légèrement 48

5.les contributions volontaires ne sont pas à la hauteur des enjeux 49

6.Les concours financiers 50

B.DES CRÉDITS D'INVESTISSEMENT INSUFFISANTS 54

1.Le Fonds de solidarité prioritaire (FSP) 55

2.L'Agence française de développement (AFD) 57

3.Le fonds européen de développement (FED) 59

IV. COMPTE RENDU DE MISSION EN SYRIE ET AU LIBAN 61

A. LA COOPÉRATION FRANCO-SYRIENNE : UN FORT POTENTIEL À EXPLOITER 62

1. La situation du pays : entre incertitudes et fragilités 62

2. Un dispositif de coopération volontariste 63

B. LA COOPÉRATION FRANCO-LIBANAISE : PRÉSERVER LES ACQUIS 70

1. Une situation économique extrêmement fragile 71

2. Une coopération française orientée prioritairement vers la défense de la francophonie 72

3. La présence de l'AFD au Liban 75

EXAMEN EN COMMISSION 77

INTRODUCTION

Comme l'an dernier, votre Rapporteur a souhaité élargir son analyse à l'ensemble des crédits concourant à l'aide publique au développement. Il s'agit d'un champ à la fois plus restreint que les crédits de la coopération (de nombreuses actions de coopération n'ont pas pour destinataires des pays en voie de développement) et beaucoup plus larges : les crédits de coopération ne représentent même pas la moitié de l'aide publique au développement au sens du Comité d'aide au développement de l'OCDE, enceinte faisant autorité en ce domaine.

Cette approche est justifiée à double titre : elle a d'abord un sens politique puisque le gouvernement s'est fixé des objectifs précis en termes d'aide publique au développement ; ensuite, elle permet d'anticiper la mise en œuvre de la loi organique puisque la maquette présentée par le Gouvernement prévoit une mission aide publique au développement.

La communauté internationale a pris des engagements lors du sommet du Millénaire à New York en 2000, engagements formalisés sous le terme « objectifs du Millénaire ». Quatre ans plus tard, il est évident que ces objectifs ne seront pas atteints faute de financement. Un récent rapport de la Banque mondiale faisant le point sur l'état d'avancement des objectifs du millénaire est très clair dans ses conclusions : sauf à ce que la communauté internationale augmente massivement son niveau d'aide publique au développement, un seul des objectifs du Millénaire sera atteint !

La France, par la voix de son Président de la République, s'est engagée en faveur de ces objectifs a promis que le pourcentage du PIB de la France consacré à l'aide publique au développement atteindrait 0,5 % d'ici la fin de la législature.

On ne peut que se féliciter de cette promesse même si votre Rapporteur s'avoue sceptique quant à notre capacité à la respecter. Certes, après avoir atteint un plancher de 0,32 % du PIB, ce taux a progressé en 2002 et 2003 pour atteindre 0,4 %, 0,43 % étant prévu pour 2005.

Votre Rapporteur aimerait se réjouir de cette progression, mais une analyse plus fine en révèle les faiblesses. En effet, l'essentiel de cette progression est imputable à la montée en puissance des annulations de dette accordées par la France au titre de l'initiative Pays pauvres très endettées (PPTE). Les annulations de dette passent de 520 millions d'euros en 2000 à 1.842 millions d'euros en 2003 et 2.258 millions d'euros sont prévus en 2005.

Or, ces annulations ne vont pas perdurer et, dès 2006 quand la plupart des pays auront franchi toutes les étapes du processus PPTE, leur montant va rapidement diminuer, entraînant dans leur chute le montant global de l'APD si les autres supports ne progressent pas rapidement pour prendre le relais.

Quels sont ces autres supports ? Il s'agit des outils classiques de l'aide publique au développement que sont le Fonds de solidarité prioritaire (FSP), l'Agence française de développement (AFD) ou bien les crédits d'intervention gérés par la DGCID.

Malheureusement, ces supports ne bénéficient pas de crédits leur permettant de faire face à cette remontée. Le FSP a même traversé une crise financière particulièrement grave en 2003 et 2004 et les dotations inscrites en projet de loi de finances pour 2005 ne lui permettront pas de faire face à ses engagements. En outre, ses autorisations de programme voient leur niveau considérablement abaissé remettant en cause la capacité de l'État français à s'engager à moyen terme sur des projets d'investissements.

De même, les crédits d'intervention de la DGCID, après avoir connu une régulation meurtrière en 2003, ont légèrement baissé en 2004 et ne progressent que très faiblement en 2005.

On le voit, les crédits budgétaires affectés à l'aide publique au développement seront très insuffisants pour prendre le relais quand les annulations de dette, pour la plupart sans coût budgétaire, commenceront à décliner, « laissant le roi nu ».

La promesse du Président de la République et, plus grave, les engagements internationaux de la France ne pourront alors pas être tenus.

I.- LA MISE EN ŒUVRE DE LA LOI ORGANIQUE RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES : UN PROGRÈS POUR L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

L'an dernier, le ministère des Affaires étrangères avait envisagé une maquette budgétaire de type LOLF (en missions, programmes et actions) particulièrement peu satisfaisante du point de vue de l'aide publique au développement. En effet, les crédits du ministère participant à cet objectif étaient disséminés entre différents programmes, aucun n'étant spécifiquement consacré à l'aide publique au développement. A contrario, le ministère de l'économie et des finances avait identifié l'ensemble de ses crédits participant à l'aide publique au développement dans un programme dédié.

Votre commission des Finances avait donc adopté une observation demandant que l'ensemble des crédits du ministère des Affaires étrangères participant à l'aide publique au développement soit identifié dans un programme spécifique. Votre Rapporteur spécial se félicite que cette demande ait été entendue puisque la maquette, qui est aujourd'hui proposée et qui devrait donc être utilisée dès l'examen du projet de loi de finances pour 2006, comprend une mission interministérielle « Aide publique au développement » composée de deux programmes : « Aide économique et financière au développement » géré par le ministère de l'économie et des finances et « Solidarité à l'égard des pays en développement » géré par le ministère des Affaires étrangères.

A.UNE ARCHITECTURE BUDGÉTAIRE PERMETTANT UNE PLUS GRANDE LISIBILITÉ DE L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

1.Une situation très insatisfaisante aujourd'hui

L'an dernier, votre Rapporteur spécial avait consacré un long développement au manque de lisibilité de l'aide publique au développement française et il avait été souligné que la nomenclature budgétaire utilisée était source de complexité et d'obscurité.

En effet, encore aujourd'hui, les crédits de l'aide publique au développement sont disséminés entre, pour l'essentiel, le ministère des Affaires étrangères, depuis la disparition du ministère de la coopération, et le ministère de l'économie et des finances. Par ailleurs, de nombreux crédits pris en compte au titre de l'aide publique au développement sont disséminés entre différents autres ministères comme le ministère de l'éducation nationale (il s'agit des crédits dits « d'écolage », c'est-à-dire l'accueil des étudiants venant des pays en voie de développement) ou le ministère des Affaires sociales (les crédits de l'aide aux réfugiés figurent sur son budget). Enfin, toutes les annulations de dette, qui, pour l'essentiel, ne correspondent pas à des crédits, n'étaient « visibles » qu'à l'occasion des lois de règlement.

Or, au Parlement, le débat sur l'aide publique au développement était fondu dans un ensemble, à la fois plus vaste et plus restreint, le débat consacré aux crédits du ministère des Affaires étrangères. Cette procédure avait deux défauts : d'une part, la question de l'aide publique au développement était souvent occultée par des discussions plus générales sur la diplomatie française et sur les moyens qui lui sont consacrés ; d'autre part, le ministre de l'économie et des finances était absent du débat et ne pouvait donc répondre aux questions sur l'utilisation des crédits de son ministère consacrés à l'aide publique au développement.

Enfin, votre assemblée ne disposait pas d'une vision d'ensemble de l'aide publique au développement. Le « jaune » budgétaire dont elle disposait mélangeait en effet deux réalités : l'aide publique au développement, dont la définition correspond à des normes internationales précises, et la coopération, concept franco-français qui a beaucoup perdu de se pertinence. Votre Rapporteur spécial a demandé systématiquement ces deux dernières années à ce que le « jaune » soit modernisé et que soit explicité l'apport de chaque ministère à l'aide publique au développement, malheureusement sans succès.

2.Une mission « aide publique au développement » votée par le Parlement

L'une des principales innovations de la LOLF est de mettre fin au système des « services votés » et « mesures nouvelles » qui fractionnait le vote du Parlement selon une logique peu satisfaisante. Désormais, l'unité de vote du Parlement sera la mission, chaque mission ayant vocation à faire l'objet d'un débat spécifique au sein des assemblées.

La constitution d'une mission « Aide publique au développement » permettra ainsi au Parlement de voter chaque année sur la politique d'aide publique au développement menée par le Gouvernement, sans que celle-ci soit fondue au sein de la politique étrangère et lui rendant ainsi sa spécificité.

Votre Rapporteur spécial se félicite de cette évolution qui doit permettre au Parlement de jouer pleinement son rôle de contrôle sur une politique fondamentale pour notre pays.

3.Le traitement des annulations de dette

On sait que les annulations de dette jouent un rôle, qualitativement et quantitativement, très important dans la politique française d'aide publique au développement. Malheureusement, ceci ne se traduit pas par une réelle lisibilité du dispositif, du moins en termes de nomenclature budgétaire. En particulier, l'essentiel des annulations de dette n'a pas de traduction en termes de crédits budgétaires. Cette situation n'évoluera pas avec la LOLF et la mission « Aide publique au développement » ne reflétera donc qu'imparfaitement le processus d'annulation de dettes.

Néanmoins, la loi organique oblige à ce que chaque compte d'affectation spécial fasse l'objet d'une mission spécifique. Or, les comptes spéciaux du trésor n°903-07 « Prêts du Trésor à des États étrangers et à l'Agence française de développement » et n°903-17 « Prêts du Trésor pour la consolidation de dettes envers la France » sont des véhicules privilégiés de la politique d'aide publique au développement et d'annulations de dettes en particulier. Une mission « Prêts à des États étrangers » est donc prévue dans l'architecture budgétaire, composée de trois programmes, et qui aura pour vocation de retracer, pour l'essentiel, la politique de prêts de l'État français en direction des pays en voie de développement.

Cette mission fera l'objet d'un vote spécifique alors qu'aujourd'hui, chaque catégorie de compte spécial du trésor fait l'objet d'un vote unique. Il s'agit là d'un progrès remarquable qui sera d'autant plus utile si un lien est fait entre cette mission et la mission « aide publique au développement », dont elle est le complément naturel.

Votre Rapporteur spécial souhaite donc que le député chargé de rapporter sur les crédits de la mission « Aide publique au développement » soit également en charge de la mission « Prêts à des États étrangers » et que ces deux missions fassent l'objet d'un débat conjoint au Parlement, débat suivi de deux votes. Une scission de ces deux missions entre deux débats n'aurait aucun sens politique.

4.Une mission interministérielle composée de deux programmes

La mission « Aide publique au développement » sera composée de deux programmes, l'un géré par le ministère de l'économie et des finances, l'autre par le ministère des Affaires étrangères. Cette parité a le mérite de refléter fidèlement l'importance prise par le ministère de l'économie et des finances dans la gestion d'une politique, l'aide publique au développement, que, spontanément, on pourrait croire être du ressort naturel du ministère des Affaires étrangères.

Mission Aide publique au développement

Programme Aide économique et financière au développement

Actions :

· Aide économique et financière multilatérale

· Aide économique et financière bilatérale

· Traitement de la dette des pays pauvres

Programme Solidarité à l'égard des pays en développement

Actions :

· Animation et coordination de l'aide au développement

· Affirmation de la dimension culturelle du développement

· Promotion de l'enseignement supérieur et recherche au service du développement

· Aide en faveur du développement et éradication de la pauvreté

· Participation aux débats sur les enjeux globaux et aux dispositifs multilatéraux d'aide publique au développement

· Aide aux populations touchées par les crises

Le programme « aide économique et financière au développement » du ministère de l'Économie et des finances est composé de trois actions et son responsable sera le Directeur du Trésor.

L'action « aide économique et financière » regroupera les participations de la France aux différentes instances multilatérales engagées dans le développement, comme la Banque mondiale, la Banque interaméricaine de développement, la Banque africaine de développement...

L'action « aide économique et financière bilatérale » retracera notamment les crédits mis en œuvre par l'AFD et Natexis, l'aide budgétaire globale, et les crédits de soutien aux investissements dans les pays en voie de développement, ceux d'assistance technique ainsi que ceux d'évaluation de l'aide.

Enfin, l'action « traitement de la dette des pays pauvres » regroupera les crédits budgétaires affectés au remboursement à l'AFD des annulations de dette consenties par l'État dans le cadre des initiatives multilatérales et les crédits accordés à l'AFD pour financer la bonification des prêts qu'elle accorde aux pays en voie de développement.

Cette structuration par actions est satisfaisante aux yeux de votre Rapporteur pour peu que la ventilation en sous-actions permette de conserver les informations concernant la dotation de tel ou tel fonds.

Le programme « solidarité à l'égard des pays en développement » regroupe l'essentiel des moyens du ministère des Affaires étrangères dédiés à la coopération avec les pays bénéficiant de l'aide publique au développement au sens du Comité d'aide au développement de l'OCDE. Il est mis en œuvre par la Direction générale de la Coopération internationale et du Développement dont le directeur sera le responsable de programme.

L'action « animer et coordonner l'aide au développement » regroupera notamment les rémunérations des personnels des SCAC.

L'action « affirmer la dimension culturelle du développement » comporte les crédits consacrés aux établissements culturels et de coopération et ceux de l'Alliance française des pays concernés.

L'action « promouvoir l'enseignement supérieur et la recherche au service du développement » concerne la coopération scientifique (Établissement à autonomie financière de recherches notamment).

L'action « aide en faveur du développement et éradication de la pauvreté » comporte notamment les crédits du Fonds de solidarité prioritaire et ceux destinés aux dons mis en œuvre par l'AFD et financés par le ministère des Affaires étrangères.

L'action « participer aux débats sur les enjeux globaux et aux dispositifs européens d'APD » comporte, outre certaines contributions obligatoires, les contributions volontaires, y compris celles relevant de la francophonie, et les contributions au Fonds européen de développement.

Enfin, l'action « aider les populations touchées par les crises » regroupe les crédits de l'aide alimentaire et l'aide aux pays sortant de conflits.

5.Les faiblesses de la maquette proposée

La mission « Aide publique au développement » proposée ne reflétera pas l'ensemble de l'effort de l'État en faveur de cette politique puisqu'elle ne regroupera que 2,87 milliards d'euros en 2005 alors que le volume total d'aide publique au développement est estimé à 7,23 milliards d'euros, soit moins de 40 % du total.

Cette situation est inévitable pour plusieurs raisons :

- d'une part, le total d'aide publique au développement ne se limite pas au budget de l'État mais rassemble aussi les dépenses en faveur de l'aide publique au développement faites par les collectivités locales, dépenses encore très faibles aujourd'hui mais qui ont vocation à progresser et qui ne peuvent, par définition, pas figurer au sein du budget de l'État ;

- d'autre part, près de 1,5 milliard d'euros d'aide publique au développement figure sur les crédits d'autres ministères et, pour qu'ils participent à la mission « aide publique au développement », il aurait fallu les isoler au sein d'un programme spécifique ce qui n'était ni souhaitable, ni possible ;

- enfin, la très grande majorité des annulations de dette n'est pas constituée de crédits budgétaires et ne figure donc pas dans le budget de l'État.

Si elle peut paraître regrettable, cette dichotomie entre nomenclature budgétaire et nomenclature APD est inévitable. L'essentiel est que le passage de l'une à l'autre soit transparent et justifié afin que les montants déclarés en APD au sein du Comité d'Aide au Développement de l'OCDE correspondent à des réalités budgétaires.

6.- La création d'un « document de politique transversale » « aide publique au développement »

Les insuffisances du « jaune » « État récapitulatif des crédits concourant à la coopération avec les pays en voie de développement » ont été démontrées à maintes reprises et le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) du 14 février 2002 avait pris la décision de refondre ce document dans le sens d'une plus grande transparence. Malheureusement, cette décision n'a jamais été appliquée et le document dont le Parlement dispose pour l'examen du projet de loi de finances pour 2005 reste, malgré quelques progrès notables concernant les annulations de dette, très insuffisant.

La LOLF devrait permettre de remédier aux carences du « jaune » actuel puisqu'un document de politique transversale est envisagé pour l'APD. Ce document retracera l'ensemble des crédits participant à l'aide publique au développement de chacun des ministères en explicitant la clef de passage de la nomenclature budgétaire à la nomenclature APD. Par ailleurs sera retracé au sein de ce document l'ensemble des annulations de dette, quel que soit leur support budgétaire. Enfin, un ministre-chef de file sera nommé à qui il reviendra de coordonner la politique d'aide publique au développement entre les différents intervenants. Il devrait s'agir du ministre des Affaires étrangères ce qui, aux yeux de votre Rapporteur, apparaît peu cohérent avec la récente décision du CICID de confier au ministre délégué à la coopération et au développement, la coordination des acteurs de l'aide française.

B.UN DISPOSITIF DE MESURE DE LA PERFORMANCE À PERFECTIONNER

Comme l'explique la préface du guide de la performance rédigé par tous les acteurs de la procédure budgétaire, l'ambition de la loi organique est de faire passer l'État d'une logique de moyens à une logique de résultats.

Cette attention portée à la performance suppose qu'elle puisse être mesurée de façon objective. C'est ce que prévoit l'article 51 de la loi organique lorsqu'il dispose que la présentation des actions de l'État est faite au regard « des coûts associés, des objectifs poursuivis, des résultats obtenus et attendus pour les années à venir mesurés au moyen d'indicateurs précis dont le choix est justifié ».

Ces objectifs et indicateurs, rattachés à chaque programme, figureront au sein des projets annuels de performance annexés au projet de loi de finances.

S'agissant de l'aide publique au développement, l'exercice est difficile car les résultats de telle ou telle action sont rarement indépendants du contexte général du pays concerné ou de l'action des autres acteurs. Des efforts ont néanmoins été faits, qui doivent être poursuivis d'ici le projet de loi de finances pour 2006.

Programme

Aide économique et financière au développement

· Objectif n° 1 (du point de vue du citoyen et du contribuable) : Promouvoir les orientations stratégies françaises de développement durable

Indicateur n° 1 : Part des ressources subventionnées de l'AFD, des BMD et des fonds multilatéraux qui sont affectés aux différents secteurs prioritaires.

Indicateur n° 2 : Part des ressources subventionnées de l'AFD, des BMD et des fonds multilatéraux qui sont affectés aux zones prioritaires.

· Objectif n° 2 (du point de vue du citoyen) : Participer au rétablissement de la stabilité macroéconomique et à la création des conditions de la croissance des pays en voie de développement

Indicateur n° 1 : Part de l'aide budgétaire française qui s'inscrit dans un processus harmonisé entre les bailleurs de fonds.

Indicateur n° 2 : Part des pays qui ont bénéficié, avec succès, de l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés.

· Objectif n° 3 (du point de vue du citoyen et du contribuable) : Assurer une gestion efficace et rigoureuse des crédits octroyés à l'aide au développement

Indicateur n° 1 : Montant des engagements d'aide au développement apportés par l'AFD sous forme de prêts, pour un euro de subvention versé à l'AFD.

Indicateur n° 2 : Part des projets de l'AFD et de la Banque mondiale qui sont jugés au moins satisfaisants dans la réalisation de leurs objectifs de développement.

- Indicateur n° 3 : Part des projets de l'AFD et de la Banque mondiale qui ont connu des problèmes à l'exécution et qui ont fait l'objet de mesures correctrices.

· Objectif n° 4 (du point de vue du citoyen et du contribuable) : Promouvoir l'expertise française dans le domaine du développement durable et de la gouvernance économique et financière

Indicateur n° 1 : Nombre de jours consacrés à l'assistance technique internationale par le Minéfi par euro de crédit budgétaire affecté à l'ADETEF.

Indicateur n° 2 : Part des études préalables terminées ayant donné lieu à la réalisation du projet d'investissement.

Indicateur n° 3 : Part des études préalables terminées ayant donné lieu à la réalisation du projet étudié avec la participation d'au moins une entreprise française.

Programme

Solidarité à l'égard des pays en développement

· Objectif n° 1 : Mettre en œuvre les objectifs du Millénaire adoptés par les Nations Unies concernant la lutte contre la pauvreté » et le développement durable

Indicateur n° 1 : Part de l'aide gérée par le MAE affectée aux objectifs du millénaire.

Indicateur n° 2 : Proportion de l'aide gérée par le MAE dirigée vers les PMA et l'Afrique sub-saharienne.

Indicateur n° 3 : Proportion de l'aide gérée par le MAE affectée aux principales priorités sectorielles françaises définies au CICID.

Indicateur n° 4 : Amélioration de l'accès à l'éducation de base.

· Objectif n° 2 : Contribuer à la gouvernance démocratique et à la consolidation de l'État de droit

Indicateur n° 1 : Nombre de cadres formés avec l'appui de la France.

Indicateur n° 2 : Participation de la société civile (associations, ONG...) au pilotage et à l'évaluation des projets.

Indicateur n° 3 : Taux de projets associant des ONG et des collectivités territoriales françaises à des partenaires étrangers.

· Objectif n° 3 : Promouvoir le développement par la culture, la formation et la recherche

Indicateur n° 1 : Part moyenne des programmes locaux (hors information) dans les grilles de TV dans la zone de solidarité prioritaire.

Indicateur n° 2 : Nombre d'heures - élèves dans le réseau culturel français de coopération.

Indicateur n° 3 : Nombre par grandes zones géographiques des étrangers diplômés des deuxième et troisième cycles de l'enseignement supérieur français.

Indicateur n° 4 : Nombre de programmes de recherche associant des chercheurs français et étrangers.

Indicateur n° 5 : Nombre d'inscrits dans les bibliothèques soutenues au titre de l'effort de la France en faveur de la lecture publique.

· Objectif n° 4 : Renforcer le partenariat mondial pour le développement dans un cadre européen et multilatéral

Indicateur n° 1 : Part de l'aide publique au développement européenne et multilatérale allouée à l'Afrique subsaharienne et aux PMA.

Indicateur n° 2 : Proportion de l'aide bilatérale française relevant des projets participant au NEPAD.

Indicateur n° 3 : Contributions françaises aux organisations internationales contribuant à l'aide au développement.

· Objectif n° 5 : Réagir aux catastrophes humanitaires et participer aux plans de reconstruction

Indicateur n° 1 : Délai de réponse aux situations.

Indicateur n° 2 : Délai moyen de décaissement des aides.

Indicateur n° 3 : Aide d'urgence française

· Objectif n° 6 : Assurer un service culturel et de coopération de qualité

Indicateur n° 1 : Proportion de l'aide consacrée aux objectifs du millénaire réalisée en partenariat avec les bénéficiaires.

Indicateur n° 2 : Délai moyen de mise en œuvre des projets du MAE.

Indicateur n° 3 : Évolution du ratio coûts de structure/dépenses d'intervention (y compris pour les opérateurs).

Globalement, les objectifs et les indicateurs proposés semblent satisfaisants et reflètent un travail approfondi. Cette analyse devra néanmoins être affinée et complétée au premier semestre 2005 dans le cadre de la Mission d'information sur la mise en œuvre de la loi organique constituée au sein de votre commission des Finances.

L'objectif doit être, pour votre Rapporteur spécial, de rapprocher autant que possible les objectifs choisis, dans la mesure où ceux-ci doivent dépendre des décisions prises au niveau international (comme les objectifs du Millénaire par exemple) tout en veillant à ce que les indicateurs choisis reflètent les différences de modes d'intervention qui justifient l'existence de ces deux programmes et des deux administrations qui les structurent.

II.L'AIDE PUBLIQUE FRANÇAISE AU DÉVELOPPEMENT : DES STRUCTURES COMPLEXES ET UNE AUGMENTATION FRAGILE

L'aide publique au développement constitue une priorité affichée du Gouvernement et, plus précisément, du Président de la République qui a voulu faire de cette priorité un élément-clef de son positionnement sur la scène internationale.

Cette volonté a bénéficié ces trois dernières années de la montée en charge de l'initiative Pays pauvres très endettés (PPTE) qui prévoit des annulations de dette très importantes au bénéfice des pays en voie de développement les plus pauvres. Outre qu'on peut s'interroger sur les bénéfices réels en termes budgétaires et financiers de ces annulations de dettes pour les pays concernés, celles-ci vont rapidement décliner à partir de 2006, laissant « le roi nu ».

La France devra bien sûr honorer ses engagements, au premier rang duquel le 0,5 % du PIB consacré à l'aide publique au développement en 2007, mais en n'ayant à sa disposition que les outils traditionnels d'aide que sont l'aide-projet ou l'aide-programme, tous deux forts consommateurs de crédits budgétaires.

Cette difficulté a été parfaitement signalée par le Comité d'Aide au Développement (CAD) de l'OCDE dans sa récente évaluation du dispositif français d'aide au développement qui a également souligné la complexité du dispositif institutionnel français.

A.L'EXAMEN DE LA POLITIQUE FRANÇAISE DE DÉVELOPPEMENT PAR SES PAIRS : UN DIAGNOSTIC MITIGÉ

Le 26 mai 2004, la France a fait l'objet d'un « examen par les pairs des politiques et programmes de coopération pour le développement » au Comité d'aide au développement de l'OCDE. Durant cette journée, les 22 pays membres du CAD se sont penchés sur la politique de coopération française.

Cette « revue par les pairs » a donné lieu, dès le mois de juillet 2003, à la constitution d'un groupe de travail présidé par les co-secrétaires du CICID. Ce groupe de travail a organisé, fin novembre 2003, des rencontres entre l'administration française, le secrétariat du CAD et les délégations du Canada et des Pays Bas, désignés comme pays examinateurs. Des visites sur le terrain ont été organisées au Bénin (en novembre 2003) et en Mauritanie (en janvier 2004).

Le principal point positif mis en avant par cette évaluation est l'augmentation de l'effort d'aide publique au développement fait par la France en pourcentage du PIB. Le CAD note néanmoins que cette hausse est, pour l'essentiel due aux annulations de dette et s'interroge sur la capacité de la France à dégager les ressources nécessaires pour prendre le relais : « Mobiliser de tels montants additionnels dans un contexte budgétaire difficile constitue un défi de taille pour le gouvernement. La programmation et les modalités de mise en œuvre de ces ressources, sans parler des conséquences en termes de ressources humaines, constituent autant d'enjeux qui devraient sans tarder retenir toute l'attention des autorités françaises. »

Est également saluée la contribution de la France à la réflexion générale sur le développement, en particulier sur son financement, et son soutien, au moins verbal, aux grandes initiatives en faveur du développement, comme le NEPAD.

Pour le reste, le diagnostic est relativement négatif et votre Rapporteur spécial, à son grand regret, le partage.

1.Une pluralité des objectifs et des acteurs source de perte d'efficacité

Comme l'explique le CAD, « la pluralité des objectifs auxquels la coopération française doit répondre découle en partie de la complexité de son dispositif ». Le ministère des Affaires étrangères (MAE) et celui de l'Économie, des Finances et de l'Industrie (MINEFI) exercent conjointement la fonction de pilotage stratégique de l'APD. L'Agence française de développement (AFD) est désignée comme l'opérateur pivot.

Ainsi, « chacune de ces structures a sa propre culture et une mission dont le développement n'est pas l'objectif unique. Responsable de la coopération et de l'action culturelle, le MAE allie solidarité et influence au service de la diplomatie française. Le MINEFI est responsable de l'aide macro-économique et financière et à ce titre, du traitement de la dette, de la coopération monétaire et financière avec les pays de la zone franc, de la promotion des investissements, du financement des exportations, des relations économiques et financières avec les pays en développement et en transition et de celles avec les institutions financières internationales. L'AFD, qui intervient à la fois dans les pays en développement et dans les départements et territoires d'outre mer, a pour mission la promotion d'un développement économique et financier stable, soucieux de cohésion sociale et respectueux de l'environnement ».

Le CAD remarque donc que, malgré quelques principes fondamentaux - la priorité à l'Afrique, les biens publics mondiaux et la régulation de la mondialisation, le développement durable, la gouvernance démocratique, la diversité culturelle et la francophonie - , « la politique française en matière de développement ne projette pas de vision unifiée ». Et de légitimement réclamer « un document à statut politique qui pourrait faire fonction de plate-forme collective et servir d'outil de communication à l'échelle nationale et internationale ».

Cet éclatement des acteurs est également coûteux. Il demande des efforts de coordination et une définition claire des responsabilités des différents acteurs. Il peut conduire à une duplication de l'expertise au siège des institutions et sur le terrain : « L'intention de confier à l'AFD le rôle pivot dans la mise en œuvre de l'APD ne s'est pas pleinement matérialisée, celle-ci étant responsable de la gestion d'environ 10 % seulement de l'APD totale, le MAE et le MINEFI en contrôlant 29 % et 40 % respectivement. Le partage des tâches entre le MAE et l'AFD mériterait d'être clarifié pour faire de leur complémentarité un facteur de synergie plutôt que de concurrence ». Les activités sur le terrain font également apparaître des chevauchements entre l'action du MAE et de l'AFD (particulièrement en matière de santé et d'éducation). Le CAD donne l'exemple de la Mauritanie, où l'appui français au programme décennal dans le secteur de l'éducation s'effectue à travers trois guichets différents (une aide budgétaire sous la responsabilité de l'AFD, un projet d'appui institutionnel et une assistance technique, tous deux gérés par le MAE). La question de la division des responsabilités entre ces deux institutions se posera de manière accrue avec l'intensification du recours de la coopération française à l'approche programme.

Le CAD souligne enfin que « le MINEFI partage avec le MAE la responsabilité de pilotage stratégique de la coopération pour le développement. À ce titre, il dispose de prérogatives allant au-delà du rôle traditionnel d'un ministère des finances en comparaison avec d'autres membres du CAD ». Et de conclure sur ce point : «  Étant donné l'étendue des responsabilités de ce ministère en matière d'APD, il serait souhaitable qu'il se dote d'effectifs plus nombreux bénéficiant d'une plus grande expérience opérationnelle ».

Cette multiplicité des acteurs a également des conséquences sur la mesure de la performance et les dispositifs d'évaluation. Ceux-ci ont évolué au niveau méthodologique : leur champ a été élargi à des démarches par pays, secteurs et instruments et des mesures ont été prises pour améliorer la restitution des résultats. Le CAD note néanmoins que « des progrès restent à faire au niveau de la diffusion des rapports d'évaluation, qui ne sont pas tous publiés, de la capitalisation des enseignements et de l'analyse d'impact » Surtout, « le cloisonnement entre les divers intervenants et instruments conduit à un éparpillement de l'information et limite la valorisation des acquis de l'expérience. »

2.L'insuffisante prise en compte des Objectifs du Millénaire

Avec le ralliement de la France aux OMD, la lutte contre la pauvreté et les inégalités est devenue un axe explicite de la coopération comme en témoigne la richesse des débats engagés sous l'impulsion des institutions françaises. Plutôt que de procéder à des ciblages, l'approche française vise à intégrer les populations pauvres et marginalisées à l'intérieur d'interventions globales et à diversifier les solutions correctives pour répondre aux besoins des catégories sociales concernées.

Le CAD note néanmoins que « l'approche française entraîne l'éparpillement des interventions à différents niveaux (national, régional et local) et implique une gamme variée d'acteurs et d'instruments dont la mise en cohérence et l'articulation pourraient être mieux assurées. Des priorités sectorielles ont été établies (éducation, santé  et lutte contre le VIH/sida, eau et assainissement, développement rural, infrastructures et environnement) mais le lien avec la réduction de la pauvreté et des inégalités n'est pas toujours établi. La coopération française gagnerait à avoir une position consolidée sur la lutte contre la pauvreté et les inégalités de manière à préciser comment la France entend contribuer concrètement à la réalisation des OMD. En matière d'éducation, qui absorbe près d'un quart de l'APD bilatérale, seule une part modeste des activités contribue au renforcement des systèmes éducatifs dans les pays en développement. L'appui de la France à l'initiative « Éducation pour tous » constitue une démarche utile à cet égard et mériterait d'être intensifié ».

3.Une attitude ambiguë vis-à-vis du multilatéral

La France fait de l'action multilatérale un élément essentiel de sa stratégie diplomatique. Néanmoins, la volonté de la France de jouer un rôle plus influent au sein des instances internationales mériterait une stratégie plus explicite au niveau multilatéral. Celle-ci pourrait notamment indiquer les organismes que les autorités françaises entendent appuyer en priorité et servir de base à une meilleure articulation entre l'action multilatérale et bilatérale. Le CAD note que « la France tend à privilégier les fonds mondiaux comme le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, pour lequel elle a annoncé en 2003 le triplement de sa contribution annuelle. Comme pour d'autres États membres de l'Union européenne (UE), l'APD française est caractérisée par la prépondérance de l'aide européenne (64 % de l'APD multilatérale et 19 % de l'APD totale en 2002). Les contributions aux banques multilatérales de développement représentent 6 % de l'APD totale en 2002. Les contributions aux institutions des Nations unies - auxquelles la France semble accorder une importance stratégique face aux enjeux de la mondialisation - sont faibles (2 % de l'APD totale en 2002) et inférieures à la moyenne du CAD (7 %) ».

B.LA RÉUNION DU CICID DU 20 JUILLET 2004 : UNE RÉPONSE À LA HAUTEUR DES ENJEUX ?

Le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) s'est réuni, pour la première fois depuis 18 mois, le 20 juillet dernier. Rappelons que ce comité interministériel a été crée par un décret du 4 février 1998, qu'il réunit les 12 ministres les plus directement concernés par les questions de développement et que son secrétariat est assuré conjointement par le ministère des Affaires étrangères (DGCID) et le ministère de l'économie et des finances (Direction du Trésor). Il s'est réuni cinq fois depuis sa création, avec une régularité aléatoire, alors qu'il est censé se réunir au moins une fois par an.

Votre Rapporteur spécial regrette ce manque de régularité qui peut avoir deux explications : une harmonisation spontanée des pratiques ministérielles qui rend superflue sa réunion ou un refus de trancher, au niveau interministériel, entre des pratiques contradictoires.

Au cours de sa réunion du 20 juillet dernier sous la présidence du Premier ministre, le CICID a pris un certain nombre de décisions qui traduisent les orientations du Président de la République arrêtées lors d'un conseil restreint le 10 mars 2004 et tentent de répondre aux critiques formulées par le Comité d'Aide au Développement de l'OCDE. Votre Rapporteur spécial regrette que ce CICID n'ait eu qu'une vision limitée des enjeux liés à l'aide publique au développement et qu'il ait renvoyé à un CICID ultérieur (programmé cet automne mais dont le report est plus que probable) de nombreux points fondamentaux.

Points devant être traités lors du prochain CICID

- La définition d'une stratégie d'intervention dans les pays émergents, fondée sur le renforcement de notre influence et la prise en compte des intérêts économiques et politiques de la France.

- La rénovation et le développement des interventions sous forme d'aide budgétaire et d'aides programmes à vocation sectorielle.

- Le renforcement des moyens consacrés à l'élaboration, au suivi et à l'évaluation des programmes européens et multilatéraux de coopération.

- Le partenariat entre l'État et les organisations non gouvernementales de solidarité internationale.

- La rénovation de notre dispositif d'assistance technique.

- L'identification au sein des crédits d'APD d'une enveloppe destinée à des interventions rapides, en réaction aux crises.

- La préparation du forum à haut niveau sur l'efficacité de l'aide qui se tiendra à Paris en mars 2005.

- La coopération administrative internationale.

- La coopération vis-à-vis des pays voisins des collectivités d'outre-mer.

1.L'engagement de la France en matière d'aide au développement est confirmé

Sans surprise, le CICID réaffirme la priorité accordée par le Gouvernement à l'aide publique au développement et les objectifs qu'il s'est assigné en termes de pourcentage du PIB. Il est donc toujours prévu d'atteindre 0,5 % du PIB consacré à l'aide publique au développement en 2007.

Votre Rapporteur spécial ne peut que se féliciter de cet engagement même s'il reste très dubitatif sur les capacités de la France à l'atteindre. En effet, les conclusions du CICID ne mentionnent nulle part la décroissance prévisible des allégements de dette et la nécessité de débloquer des moyens budgétaires pour prendre le relais de cette décrue.

Est simplement renvoyé au prochain CICID l'étude de « la rénovation et le développement des interventions sous forme d'aide budgétaire et d'aides programmes à vocation sectorielle ».

2.L'APD française sera plus concentrée et plus sélective

Sur le plan géographique, l'accent sera mis, au sein de la Zone de Solidarité Prioritaire (ZSP), sur l'Afrique francophone et les pays les moins avancés (PMA). Une stratégie en faveur des pays émergents devra être élaborée d'ici à la fin de l'année.

La cohérence de l'action de la France par rapport aux objectifs du millénaire pour le développement s'exprimera dans des stratégies sectorielles. En cours d'élaboration, elles seront finalisées d'ici le 1er janvier 2005. Une première version, mise en ligne sur le site du ministère, fera l'objet d'une concertation à l'automne avec les représentants de la société civile.

La synthèse se traduira, au niveau de chaque pays, par la rédaction, sous l'autorité de l'ambassadeur, d'un document-cadre de partenariat (DCP) qui définira la stratégie de coopération de l'ensemble des acteurs publics et retiendra quelques secteurs de concentration. Ces documents-cadres, qui seront discutés avec les partenaires, feront l'objet d'une validation interministérielle.

Votre Rapporteur spécial se félicite de cette initiative qui traduit une volonté de relier plus explicitement notre politique de développement avec les objectifs du millénaire. Par contre, la distinction entre les documents-cadres, réalisés pour chaque pays en application des stratégies sectorielles, et les Documents Stratégiques Pays (DSP), déjà en place, n'est pas claire. Il faudra veiller à ce que cette volonté de mieux appliquer les objectifs du Millénaire ne se traduise pas par une accumulation de structures et de procédures nuisibles à l'efficacité de l'action publique.

3.Le rôle du ministère des Affaires étrangères et des ambassadeurs dans le pilotage de l'aide publique au développement est clairement affirmé dans les paroles sinon dans les actes

L'ancrage de l'APD dans la politique étrangère est raffirmé. À ce titre, le pilotage stratégique de la politique en faveur du développement est confié au ministère des Affaires étrangères.

Le CICID confie au ministre délégué à la Coopération, au développement et à la francophonie, sous l'autorité du ministre des Affaires étrangères, la coordination des acteurs de l'aide française, le suivi de la réalisation des prévisions en matière d'APD, l'information du chef de l'État et du gouvernement sur la réalisation des objectifs. Dans le cadre de la mission interministérielle APD, et toujours sous l'autorité du ministre des Affaires étrangères, le ministre délégué prépare le document de politique transversale qui retrace annuellement l'effort français en matière d'APD. Il est rapporteur des travaux au CICID. Le co-secrétariat du CICID (DGCID/Trésor) est renforcé pour devenir une cellule permanente de préparation des décisions. Le ministre délégué préside chaque année une conférence d'orientation stratégique et de programmation qui approuve les documents-cadres de partenariat.

Sur le terrain, le rôle central des ambassadeurs dans le pilotage et dans l'animation de la politique de coopération est affirmé. Il lui revient, dans les pays de la Zone de Solidarité Prioritaire, de préparer de nouveaux documents-cadres de partenariat (DCP) et de les discuter avec les pays partenaires. Ils seront appelés à donner un avis conforme sur le cadre d'intervention-pays de l'AFD, qui découlera de ce document-cadre.

Les décisions prises visent donc à ancrer clairement l'aide publique au développement dans le champ du ministère des Affaires étrangères malgré une réalité budgétaire qui fait du ministère de l'économie et des finances et de l'Agence française de développement les principaux acteurs en ce domaine. Est en particulier mise en avant la responsabilité du ministre délégué chargé de la coopération et du développement qui devient responsable de la rédaction du document de politique transversale instauré dans le cadre de la LOLF et rapporteur des travaux du CICID. On ne peut que se féliciter de cette évolution qui doit permettre de clarifier les responsabilités stratégiques de chacun et permettre la mise en place d'une politique de développement unique et rationalisée. Encore faut-il que ces déclarations soient suivies d'actes clairs traduisant la capacité du ministre de la coopération et du développement d'influer sur les décisions prises par la direction du Trésor.

Du côté du ministère des Affaires étrangères, l'autorité renouvelée de l'ambassadeur sur la politique de développement mise en œuvre dans son pays suppose de sa part un intérêt également renouvelé pour les problématiques de développement. On ne peut que constater et regretter le fréquent manque d'intérêt des diplomates « classiques » pour ces problématiques. Là aussi, une évolution est souhaitable.

4.- Les relations entre l'État et l'Agence Française de développement sont remaniées avec des conséquences encore incertaines

L'Agence française de développement se voit confier la responsabilité de la conduite et de la gestion de projets et programmes en dons dans de nouveaux secteurs d'intervention : agriculture et développement rural, santé et éducation de base, environnement. Le ministère des Affaires étrangères garde la maîtrise de la coopération pour tout ce qui a trait à la gouvernance et à la définition des politiques publiques, et bien sûr, à l'action culturelle entendue au sens large. L'objectif est d'opérer ces transferts en 2005 pour les projets nouveaux. La continuité des opérations en cours sera assurée.

Les modalités de délégation seront précisées entre le ministère des Affaires étrangères et l'Agence. Cette délégation portera sur des crédits du Fonds de Solidarité Prioritaire et sur l'assistance technique.

Les relations entre l'Etat et l'AFD sont redéfinies :

- une convention cadre générale (MAE/Minefi/ DOM-TOM) règlera les relations entre l'Etat et l'AFD ;

- le ministère conclura d'ici fin 2004 un contrat d'objectifs et de moyens avec l'Agence. Il fixera les modalités de mise en œuvre par l'Agence des subventions que le département lui délègue.

Les décisions concernant la répartition des tâches entre l'Agence française de développement (instrument du ministère de l'économie et des finances, même si le ministère des Affaires étrangères dispose de la co-tutelle) et le Fonds de solidarité prioritaire (instrument d'intervention en investissements du ministère des Affaires étrangères) sont celles qui ont les conséquences les plus immédiates en termes administratifs et budgétaires.

Secteurs respectifs d'intervention du ministère des Affaires étrangères et de l'Agence française de développement.

MAE : - soutien à l'État de droit, à la réforme de l'État, à la gouvernance institutionnelle et financière et à la définition des politiques publiques ;

- soutien à la coopération décentralisée et non gouvernementale ;

- appui à la francophonie et à l'enseignement du français ;

- coopération culturelle et scientifique ;

- formation et enseignements supérieurs ;

- recherche.

AFD : - agriculture et développement rural ;

- santé et éducation de base ;

- formation professionnelle ;

- environnement ;

- secteur privé ;

- infrastructure et développement urbain.

Elles reviennent à réduire le champ d'intervention de la DGCID et, donc du Fonds de solidarité prioritaire, et à élargir celui de l'AFD à l'agriculture, à l'environnement, à la santé et à l'éducation de base. Cette évolution inspire deux remarques à votre Rapporteur :

- d'une part, il s'agit de domaines dans lesquels l'expertise du ministère de la coopération était particulièrement élevée, en particulier grâce à l'assistance technique. Il faudra veiller à ce que ce transfert ne se traduise pas par une perte de compétences.

- d'autre part, les domaines dont l'AFD a désormais la charge correspondent peu ou prou aux Objectifs du Millénaire fixés par l'ONU et sur lesquels le ministère des Affaires étrangères vient de procéder à un travail de réflexion stratégique approfondi dans le cadre de la définition des stratégies sectorielles. Où est la cohérence ?

Cette incertitude est encore renforcée par le fait que le ministère des Affaires étrangères conserve une compétence dans la « définition des politiques publiques », compétence stratégique réaffirmée à plusieurs reprises dans les conclusions du CICID. Or, l'Agence française de développement dispose également de capacités stratégiques, qu'elle a d'ailleurs renforcé ces dernières années. La clarification sur ce point ne semble donc pas aussi aboutie que l'on serait en droit de le souhaiter.

Concrètement, ce transfert de compétences entre le MAE et l'AFD rend nécessaire une revue conjointe du portefeuille de projets FSP en cours pour savoir ceux qui seront transférés à l'AFD et ceux dont la mise en oeuvre sera achevée par le MAE. Cette étude est actuellement en cours sans que ses conséquences en termes budgétaires soient encore clarifiées.

Le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement du 20 juillet dernier a donc pris des décisions importantes concernant le pilotage stratégique de notre politique d'aide au développement (décisions qui devront être traduites en actes dès l'année prochaine) et la répartition des domaines de compétences entre l'Agence française de développement et le ministère des Affaires étrangères, sans que la cohérence entre ces deux décisions soit parfaitement claire.

Malheureusement, le CICID a laissé de côté un certain nombre de questions absolument essentielles à la réalisation de notre politique d'aide publique au développement et, en particulier, celle des moyens budgétaires que l'on est prêt à lui consacrer.

C.- UNE REMONTÉE DE L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT ESSENTIELLEMENT EXPLIQUÉE PAR LES ANNULATIONS DE DETTE

Le CICID a donc réaffirmé l'engagement de la France d'atteindre 0,5 point de PIB consacré à l'aide publique au développement en 2007 et 0,7 en 2012. En 2003, dernier résultat connu avec certitude, ce pourcentage (hors TOM) a été de 0,4 %, soit un montant d'aide publique au développement de 6.224 millions d'euros.

APD FRANÇAISE EN  % DU PIB

graphique

(NB : chiffres à périmètre géographique constant ; référence CAD)

Source : jaunes budgétaires

En 2004, le gouvernement prévoit 6.575 millions d'euros d'aide publique au développement soit un pourcentage stable à 0.4 %

En 2005, 7.299 millions d'euros d'euros sont prévus, soit une progression de 724 millions d'euros, pour atteindre 0,43 % du PIB.

Votre Rapporteur spécial ne peut que se féliciter de cette progression car elle rompt avec une tendance à la baisse de l'APD qui a caractérisé toutes les années 1991-2000. À partir de 2000, ce niveau a été stabilisé avant d'entamer une remontée en 2002.

On peut néanmoins s'interroger sur la réalité de cette progression qui est pour l'essentiel due aux annulations de dette, annulations dont les conséquences budgétaires sont limitées tant pour la France que pour le pays bénéficiaire.

À titre de comparaison, le tableau ci-dessous présente les efforts d'aide publique au développement des pays membres de l'OCDE.

AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT DES PAYS DE L'OCDE

(en millions de dollars)

2003

2002

APD

APD/RNB ( %)

APD

APD/RNB ( %)

Allemagne

6.694

0,28

5.234

0,27

Australie

1.237

0,25

989

0,26

Belgique

1.887

0,61

1.072

0,43

Canada

2.209

0,26

2.006

0,28

Danemark

1.747

0,84

1.643

0,96

Espagne

2.030

0,25

1.712

0,26

États-Unis

15.791

0,14

13.290

0,13

Finlande

556

0,34

462

0,35

France

7.337

0,41

5.486

0,38

Grèce

356

0,21

276

0,21

Irlande

510

0,41

398

0,40

Italie

2.393

0,16

2.332

0,20

Japon

8.911

0,20

9.332

0,23

Luxembourg

189

0,80

147

0,77

Norvège

2.043

0,92

1.696

0,89

Nouvelle-Zélande

169

0,23

122

0,22

Pays-Bas

4.059

0,81

3.338

0,81

Portugal

298

0,21

323

0,27

Royaume-Uni

6.166

0,34

4.924

0,31

Suède

2.100

0,70

1.991

0,83

Suisse

1.297

0,38

939

0,32

Total du CAD

68.483

0,25

58.274

0,23

Performance moyenne des pays du CAD

0,41

0,41

Source : OCDE.

1.Une chute de l'APD bilatérale ininterrompue jusqu'en 2000

La contribution de la France à l'aide publique au développement n'avait cessé de se réduire au cours de la dernière décennie. Ainsi, de 1993 à 1999, l'APD avait perdu 1,98 milliard d'euros en prix courant, soit une réduction de 40 % en prix constants. Après avoir représenté à son point le plus élevé 0,57 % du PIB (il s'agissait, il est vrai, d'un pic exceptionnel, correspondant aux mesures financières apportées en contrepartie de la dévaluation du franc CFA), l'aide avait atteint son point le plus bas en 2000 à 0,32 % du PIB.

La France s'était donc considérablement éloignée de l'objectif idéal souvent réitéré dans les enceintes internationales de consacrer 0,7 % de son PIB à l'aide publique au développement.

La baisse de l'aide publique au développement résultait uniquement de la chute considérable de l'aide bilatérale qui a perdu entre 1995 et 2000 plus d'un milliard d'euros, soit une chute de 25,8 %.

Cette diminution massive de l'aide bilatérale s'explique par trois principaux facteurs :

- une forte baisse des aides projets, de 62,7 %. Les projets financés sur les protocoles financiers du Trésor ont connu un véritable effondrement avec une chute de 112 %. Cette évolution est la conséquence de la réforme des protocoles, qui a substitué une logique de choix de projet à celle de l'abonnement par pays. Par ailleurs, les données étant fournies en décaissements nets, l'effet de réduction se trouve accentué par le niveau des remboursements de prêts, qui s'applique à un encours beaucoup plus important ;

- une forte baisse de l'aide programme, conséquence de la réduction des besoins d'accompagnement financier de la dévaluation du franc CFA, intervenue en janvier 1994 ;

- une baisse des efforts d'allègement de dettes, conséquence inattendue du lancement de l'initiative en faveur des PPTE. En effet, pour bénéficier des allègements de dettes prévus dans le cadre de cette initiative internationale, les pays en cause doivent être parvenus au « point d'achèvement » (deux seulement y étaient parvenus en 2000). La mise en œuvre des allègements de dettes se trouve différée et la ressource doit donc être conservée pour que les engagements puissent être honorés.

2.- Une remontée constatée à partir de 2002

À partir de 2002, on constate une remontée du niveau d'aide publique au développement comme en témoigne le tableau ci-après :

EFFORT D'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

(versements nets en millions d'euros)

2002

2003

2004(1)

2005(1)

Ministère de l'Économie, des
finances et de l'industrie

2.329,52

2.970,81

2.738,26

3.400,22

Aide multilatérale

1.235,52

1.210,44

1.405,35

1.269,66

Prêts et dons du Trésor

- 156,50

- 82,10

- 184,29

- 205,98

Allègements de dettes

1.137,47

1.842,47

1.517,20

2.257,54

Garanties diverses

63,03

Dons projet et dons à l'ajustement structurel et fonds sida en 2002

50,00

79,00

Ministère des Affaires étrangères

1.697,47

1.581,69

1.964,63

2.105,02

Action multilatérale (2)

749,96

594,94

776,05

871,85

Coopération technique

577,01

573,60

580,38

559,88

Dons projet et dons à l'ajustement structurel

166,80

179,01

223,74

253,29

Fonds de Solidarité Prioritaire

109,3

121,11

194,89

182,00

Concours financiers

23,41

25,90

15,00

20,00

Transport d'aide alimentaire

17,84

21,93

18,13

37,79

Aide d'urgence

11,37

25,68

16,76

16,76

Autres dons

41,79

39,52

139,68

163,44

Agence française de développement

168,88

- 19,59

149,66

14,84

Prêts du premier guichet

100,77

44,56

250,69

236,12

Prêts d'ajustement structurel

64,89

- 66,97

- 103,85

- 224,09

Coopération technique

3,22

2,82

2,82

2,82

Autres ministères

1.231,69

1.466,77

1.538,89

1.541,04

Ecolage

547,36

640,03

649,63

659,38

Recherche

352,65

322,43

325,98

329,56

Aide alimentaire (ministère Agriculture)

16,96

13,45

17,23

Aide aux réfugiés

260,87

394,04

429,00

433,29

Coopération décentralisée (y compris MAE)

12,15

40,54

59,94

60,84

Autres

41,69

56,27

57,11

57,97

Coûts administratifs

206,09

224,60

231,34

238,28

TOTAL

5.633,65

6.224,28

6.622,78

7.299,4

RNB

1.534,66

1.560,08

1.630,69

1.701,71

Effort de l'aide (en % du RNB)

0,38

0,40

0,40

0,43

(1) Prévisions associées au PLF 2005.

(2) Dont FED depuis 2002 et fonds sida depuis 2005.

Source : jaunes budgétaires

Concernant les crédits budgétaires, la comparaison est parfois difficile car des changements de périmètre sont intervenus chaque année. Ainsi la subvention au Fonds mondial de lutte contre le sida figurait-elle sur le budget du ministère de l'économie et des finances en 2002 mais sur celui du ministère des Affaires étrangères à partir de 2004 (en exécution) et 2005 (dans le projet de loi de finances). De même les crédits d'ajustement budgétaire ont-ils été transférés dans le projet de loi de finances pour 2005, suite aux décisions du CICID, du ministère des Affaires étrangères au ministère de l'économie et des finances.

a) Les crédits du ministère des Affaires étrangères et du ministère de l'Économie et des finances

Entre 2002 et 2004, les crédits du ministère des Affaires étrangères consacrés à l'aide publique au développement passent-ils de 1.697 millions d'euros à 2.105 millions d'euros : une partie de cette hausse est certes due au transfert des crédits du Fonds de lutte contre le sida mais elle traduit aussi une hausse des crédits de paiement du Fonds de solidarité prioritaire et de ceux des dons projets et des dons d'ajustement structurels. On constate par contre une baisse de la coopération technique qui passe de 577 millions d'euros à 560 millions d'euros.

Les crédits du ministère de l'Économie et des finances (hors prêts et dons du trésor et hors allégements de dette) sont quasi-stables à 1.348 millions d'euros.

b) Les crédits d'« écolage »

Ce sont en fait les crédits des autres ministères qui progressent le plus. Les crédits du ministère de l'Éducation nationale pris en compte au titre de l'aide publique au développement passeraient de 547 millions d'euros en 2003 à 659 millions d'euros en 2005, soit une progression de 17 %. Rappelons que ces dépenses n'étaient que de 365 millions d'euros en 2000. En cinq ans, elles auraient donc progressé de 300 millions d'euros !

Ces dépenses sont censées retracer le coût de l'accueil d'un étudiant venant d'un pays en voie de développement par le système éducatif français. Il est calculé en fonction du nombre d'étudiants étrangers venant de pays en voie de développement en France et du coût unitaire moyen d'un étudiant au sein de l'enseignement supérieur français (y compris en y intégrant les coûts structurels).

Le tableau ci-dessous détaille l'évolution du coût global entre 2000 et 2003. On constate une évolution différenciée : si la forte hausse de 2001 a été engendrée par celle du coût des personnels, celle de 2002 suit l'effet des coûts conjugués des personnels et de fonctionnement, alors que pour 2003 c'est essentiellement le glissement des nationalités des étudiants pris en charge vers les pays en développement, tendance qui s'est fortement accentuée ces dernières années.

ÉVOLUTION DES FRAIS D'ÉCOLAGE

(en millions d'euros)

TOTAL

Étudiants

Coût personnel

Frais fonctionnement

Œuvres sociales

2000

365,1

83.480

217,12

78,11

15,77

2001

451,19

96.527

339,71

93,55

17,94

Évolution (en %)

23,61

15,63

25,30

19,75

13,77

2002

547,36

110.092

409,52

116,73

21,11

Évolution (en %)

21,32

14,05

20,55

24,78

17,68

2003

638,86

128.060

475,23

138,40

25,24

Évolution (en %)

16,72

16,32

16,04

18,56

19,55

Source : ministère de l'Éducation nationale.

On doit espérer que le Document de politique transversale permettra de voir plus clair dans la clef de passage entre les dépenses budgétaires du ministère de l'Éducation nationale et l'écolage pris en compte au titre de l'APD.

Deux remarques sur ce point :

- d'une part, seuls trois autres pays du CAD comptabilisent les coûts d'écolage au sein de leur APD. Une harmonisation des pratiques, indispensable aux comparaisons internationales, doit être recherchée, dans un sens ou dans l'autre.

- d'autre part, les critères du CAD prévoient que les étudiants dont le coût rentre dans l'APD doivent retourner dans leur pays et leurs études doivent porter sur des questions de développement. Or, si le premier est effectivement difficile à vérifier, le deuxième l'est beaucoup moins et les statistiques dont dispose votre Rapporteur spécial, qui sont reproduites ci-dessous, laissent à penser qu'une plus grande rigueur dans la prise en compte des dépenses d'écolage est nécessaire.

RÉPARTITION DES ÉTUDIANTS PAR MATIÈRE ÉTUDIÉE

Matière pratiquée

Nombre étudiants

Répartition

(en %)

Administration économique et sociale

6.713

5,25

Droit/sciences politiques

13.725

10,74

Langues

12.508

9,78

Lettres sciences langues

9.182

7,18

Médecine

12.586

9,85

Odontologie (chirurgie dentaire)

1.098

0,86

Pharmacie

1.506

1,18

Sciences économiques et gestion

21.474

16,80

Sciences technologie, ingénierie

16.656

13,03

Sciences humaines et sociales

13.590

10,63

Sciences et Techniques Activité Physique et Sportive

918

0,72

TOTAL

127.841

100

Source : ministère de l'Éducation nationale.

c) Les crédits d'accueil aux demandeurs d'asile

Autre ministère dont les crédits pris en compte au titre de l'aide publique au développement ont beaucoup augmenté, le ministère des Affaires sociales. Il s'agit des dépenses d'hébergement en faveur des demandeurs d'asile qui figurent sur le budget des Affaires sociales. Elles sont passées de 261 millions d'euros en 2002 à 394 millions d'euros en 2003 et 433 millions d'euros sont prévus en 2005. Entre 2002 et 2003, la progression a donc été de 51 % entre 2002 et 2003 ! Cela est probablement dû à l'augmentation du nombre de demandeurs d'asile mais, faute de réponse précise sur ce point, votre Rapporteur spécial n'est pas en mesure, à cette date, de fournir d'explication plus détaillée.

d) La nécessité d'une évolution à périmètre constant

Sans que votre Rapporteur spécial veuille faire porter la suspicion sur les statistiques officielles d'aide publique au développement, un effort de lisibilité doit être fait pour éviter de donner le sentiment que l'on cherche à faire rentrer le maximum de dépenses existantes dans le périmètre de l'APD, permettant d'afficher une progression du montant d'APD sans que cela se traduise par des dépenses nouvelles.

Un exemple de ce type d'opérations peut être donné avec la coopération décentralisée : le montant total d'APD présenté dans le « jaune » a vocation à rassembler les dépenses d'APD de l'ensemble des collectivités publiques, pas seulement l'État. L'action en faveur de l'aide publique au développement des collectivités locales a donc vocation à figurer dans ce total. Ce n'était manifestement pas le cas jusqu'en 2002 puisque seuls étaient pris en compte les crédits de soutien à la coopération décentralisée figurant sur le budget du ministère des Affaires étrangères. Or, à partir de 2003, on constate un quasi-quadruplement des dépenses de coopération décentralisée sans que les dits crédits augmentent, cette hausse étant probablement due à une meilleure prise en compte statistique des dépenses des collectivités locales. Il eût été plus clair d'expliciter cette évolution et de procéder à une évolution à périmètre constant.

Cette nécessité va être renforcée par la probable évolution des dépenses prises en compte au titre de l'aide publique au développement. Certains pays souhaitent en effet, mettant en avant le lien entre sécurité et développement, étendre le champ des dépenses prises en compte au titre de l'aide publique au développement. Deux options sont envisagées : l'une limite cette extension à la coopération technique en matière de gouvernance démocratique des systèmes de sécurité (justice, police, administration pénitentiaire, contrôle civil des ministères de la Défense), y compris le soutien à la société civile, ainsi que la coopération technique en matière de prévention du recrutement d'enfants-soldats et de leur démobilisation. L'impact d'une extension du périmètre de l'APD à la liste I devait être limité à une centaine de millions de dollars américains. La seconde option recouvre les dépenses relatives à la formation des forces armées en matière de respect des droits de l'homme et des normes démocratiques et, surtout, à des activités menées dans le cadre d'opérations régionales de maintien de la paix (activités liées au respect des droits de l'homme, à l'observation des élections, à la réhabilitation des soldats démobilisés, à la reconstruction des infrastructures, ou au déminage).

Les membres du CAD ont décidé de limiter l'élargissement du périmètre de l'APD à trois points : la prévention du recrutement d'enfants soldats, le renforcement de la supervision civile et du contrôle démocratique de la gestion des dépenses de sécurité et renforcement de la compétence de la société civile en matière de sécurité. Votre Rapporteur spécial ne peut qu'approuver cette prudence. Le choix de la seconde option rendrait indissociablement la notion d'aide publique au développement totalement incompréhensible : devrait-on considérer les dépenses militaires américaines en Irak comme de l'aide publique au développement ?

En tout état de cause, toute évolution du périmètre des dépenses prises en compte (soit de droit, soit de fait) devra être signalée dans le Document de politique transversale.

3.Une hausse de l'aide publique au développement expliquée en grande partie par les annulations de dette

a) Une hausse rapide des annulations de dette depuis 2002

Comme on l'a vu, une des conséquences de l'initiative PPTE a été le gel des annulations de dette, les pays voulant en bénéficier devant atteindre le « point d'achèvement ». Depuis 2002, les pays concernés ont atteint petit à petit ce point d'achèvement provoquant une hausse des annulations de dette.

ÉVOLUTION COMPARÉE DES ANNULATIONS DE DETTE ET DE L'APD GLOBALE

(en millions d'euros)

graphique

* Prévisions.

Source : jaunes budgétaires.

On constate donc depuis 2002 une augmentation considérable des annulations de dettes prises en compte au titre de l'aide publique au développement. Ces annulations passent de 520 millions d'euros en 2000 à 1.842 millions d'euros en 2003 et 2.258 millions d'euros sont prévus en 2005. Or la dynamique de cette augmentation est bien supérieure à celle de l'APD globale.

Conséquence de ce décalage, le pourcentage de l'APD global expliqué par les annulations de dette passe de 12,1 % en 2000 à 29,6 % en 2003 et près de 31 % sont prévus en 2005.

PART DES ANNULATIONS DE DETTE DANS L'APD TOTALE

graphique

* Prévisions.

Source : jaunes budgétaires.

Le montant d'annulations de dette prévu en 2005 est très incertain car il dépend d'un certain nombre de paramètres sur lesquels la France a peu de maîtrise. Ainsi, depuis quelques années, le montant des annulations de dette est-il régulièrement surestimé : 1.881 millions d'euros étaient prévus en 2003, 1.842 ont été réalisés ; 2.056 étaient prévus en 2004, 1.517 seulement ont été réalisés. Il est donc probable que les 2.258 millions d'euros prévus en 2005 ne seront pas atteints, réduisant d'autant le montant total de l'aide publique au développement.

Autre aspect de cette montée en puissance des annulations de dette, on constate que le montant de l'aide publique au développement hors annulations de dette connaît une évolution très contrastée comme en témoigne le graphique ci-dessous.

APD HORS ANNULATION DE DETTE

(en millions d'euros)

graphique

* Prévisions.

Source : jaunes budgétaires.

On constate même une baisse du montant de l'APD hors annulations de dette entre 2002 et 2003, la France ne respectant ainsi pas le principe d'additionnalité des annulations de dette qu'elle avait pourtant défendu dans les instances internationales. Ce phénomène risque de se reproduire en 2005, certes très légèrement.

Au total, on constate donc l'importance des annulations de dette dans l'évolution récente de l'aide publique au développement française sans que cette importance soit accompagnée d'informations d'une même importance sur les modalités de mise en œuvre, leur imputation budgétaire ou les conséquences de ces annulations sur les pays bénéficiaires, en termes de services de la dette par exemple.

b) Une imputation budgétaire particulièrement complexe

L'an dernier, votre Rapporteur spécial avait souhaité mieux comprendre le mécanisme d'annulations de dettes et son imputation budgétaire. Cela avait nécessité un travail de persuasion auprès de la direction du Trésor, travail difficile mais qui a porté ses fruits puisque désormais le « jaune » consacré à l'aide publique au développement comprend une partie explicative sur les annulations de dette.

Cinq mécanismes ou imputations budgétaires peuvent supporter des annulations de dette :

- Le chapitre budgétaire 14-01 des charges communes prend en charge les annulations supportées par Natexis. Sur ce chapitre, toutes les annulations Dakar sont terminées depuis plusieurs années. Il ne reste que d'éventuelles annulations au titre de Toronto (Naples, Lyon, Cologne) et de Yaoundé.

- Le chapitre budgétaire 44-97 du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie prend en charge les annulations supportées par l'Agence française de développement et concerne essentiellement les annulations Dakar.

- Le chapitre 41-43 du ministère des Affaires étrangères supporte les annulations de dette opérées au titre des contrats de désendettement - développement (C2D).

- Les annulations COFACE ne font pas l'objet d'une dépense budgétaire. En revanche, elles ont un coût budgétaire indirect. Elles diminuent la capacité de prélèvement sur le compte État à la COFACE (les prélèvements viennent s'inscrire en recettes sur le budget général). La COFACE ne gérant que des créances commerciales, leur annulation correspond à l'application des termes de Toronto et de Yaoundé.

- Enfin, les annulations portant sur des prêts du Trésor sont refinancées (sauf en cas d'annulation à 100 %) et sont directement imputées sur les découverts du Trésor et approuvées par le Parlement lors de la loi de règlement. Il s'agit aussi bien des annulations Club de Paris que des annulations bilatérales comme Dakar et Yaoundé.

Le tableau ci-dessous retrace les annulations de dette et leur mode d'imputation :

MONTANT DES ANNULATIONS DE DETTE

Chapitre 14-01
article 90 § 21
Natexis

Chapitre 44-97
article 50 § 10
AFD

Chapitre 41-43 du ministère des Affaires étrangères

Transports aux découverts du Trésor

COFACE

TOTAL

2003

24,68

261,95

7,78

1.048,35

708,79

2.051,55

en %

1,20 %

12,77 %

0,38 %

51,10 %

34,55 %

100,00

2004 (prévision)

0,09

215,23

21,74

767,02

588,58

1.592,66

en %

0,01 %

13,51 %

1,37 %

48,16 %

36,96 %

100,00

2005 (prévision)

0

184,12

143,29

912,58

1.085,36

2.325,35

en %

0 %

7,92 %

6,16 %

39,24 %

46,68 %

100,00

Source : Direction du Trésor.

Votre Rapporteur s'étonne de l'importance des annulations de dette COFACE dans le montant total des annulations de dette. L'annulation des créances COFACE représente 46 % du coût prévisionnel des allégements de dettes pour 2005. Par une politique systématique de soutien à l'exportation et à l'investissement des entreprises françaises dans certains PED, l'État a alourdi la dette publique des pays destinataires de ces investissements, via le mécanisme de contre-garantie souveraine. Ce type de dettes n'a que très peu servi le développement des pays du Sud mais plutôt les intérêts de certaines entreprises françaises, qui ont pu ainsi exporter et investir de manière indue. La comptabilisation dans l'APD de ce type d'annulation de dettes est très discutable.

Cette question invite à ne pas aborder ce problème de manière uniquement statistique. Il conviendrait également de prendre en compte la question de l'illégitimité de certaines de ces créances. Si la France doit actuellement faire face à tant de créances non remboursées, c'est parce qu'elle a pratiqué pendant très longtemps une politique de prêts incontrôlée. Beaucoup de ces prêts ont davantage servi les intérêts géostratégiques et économiques de la France que le développement des populations des pays débiteurs. Pourtant, l'annulation de ces créances est intégralement inscrite dans l'APD française.

Les annulations de dette ne sont néanmoins pas toutes considérées comme de l'APD. En particulier, quand une dette APD est annulée, son annulation n'est pas intégrée à l'effort APD dans la mesure où c'est le prêt, lui-même, qui a été considéré comme participant à l'effort APD (éviter les doubles comptes). C'est notamment le cas des annulations de dette au titre des C2D.

Ainsi :

- Les annulations de créances au titre des mesures « Dakar » (chapitre 44-97) ne sont pas comptabilisées de la même manière budgétairement et en APD : le coût budgétaire comprend l'annulation du principal et des intérêts tandis que seule l'annulation des intérêts est comptabilisée en APD. Les annulations de créances au titre de « Dakar » sur les prêts du Trésor sont comptabilisées dans les transports aux découverts du Trésor uniquement pour la part en principal de la créance mais seule la partie en intérêts est prise en compte en APD.

- Les remises d'intérêts au titre des mesures « La Baule » (baisse d'intérêt sur des créances d'APD sur 4 pays de la ZSP : Cameroun, Congo, Côte d'Ivoire et Gabon) ne sont comptabilisées qu'en APD sans engendrer de dépenses budgétaires, de même que les remises d'intérêts en faveur de l'Egypte. Dans les deux cas, il s'agit de différence de montants d'intérêts entre le prêt initial et le montant réellement facturé.

- Enfin, le coût budgétaire des annulations de créances APD (chapitre 41-43), après le point d'achèvement de l'initiative « Pays pauvres très endettés » PPTE mises en œuvre dans le cadre des contrats de désendettement - développement (C2D), inclut le principal et les intérêts des créances annulées tandis que seules les annulations en intérêts sont comptabilisées en APD.

MONTANTS DÉCLARÉS EN APD

(en millions d'euros)

Annulations
Club de Paris
dont PPTE

Annulations
Club de Paris
hors PPTE

dont annulations bilatérales (Yaoundé)

TOTAL

2003

1.477,22

284,76

80,49

1.842,47

en %

80,18

15,46

4,37

100,00

2004 (prévision)

1.192,16

245,6

79,44

1.517,20

en %

78,58

16,19

5,24

100,00

2005 (prévision)

1.395,06

789,45

73,03

2.257,54

en %

61,80

34,97

3,23

100,00

Source : Direction du Trésor.

On constate en 2005 une très forte hausse des annulations « Club de Paris hors PPTE » : + 510 millions d'euros. D'après les informations obtenues par votre Rapporteur, cela correspond à l'annulation d'une partie de la dette irakienne, sous réserve qu'un accord soit trouvé au sein du Club de Paris.

4.Une aide multilatérale dominée par l'Union européenne

Parallèlement à la chute de l'aide bilatérale, le poids du « multilatéral » se confirme. L'aide française accordée par l'intermédiaire d'organismes ou de fonds multilatéraux progresse en effet de 1,31 milliard d'euros en 1996 à 1,805 milliard en 2003. Sa part dans l'aide totale de l'APD passe de 25,9 % 1996 à 29 % en 2003.

ÉVOLUTION DE L'AIDE MULTILATÉRALE

1997

2002

2003

2004(1)

2005(1)

Aide européenne

658

1.365

1.160

1.365

1.413

Dont FED

226

595

446

616

694

Banques et Fonds de développement

550

495

520

630

575

Institutions des Nations Unies

110

126

125

136

153

Total APD multilatérale

1.319

1.985

1.805

2.181

2.142

Total APD

5.634

6.224

6.572

7.299

En  % de l'APD totale

25,9

35,2

29

33

29

(1) Prévisions associées au projet de loi de finances pour 2005.

Source : Jaunes budgétaires et Trésor.

ÉVOLUTION DE L'AIDE MULTILATÉRALE

(en millions d'euros)

graphique

* Prévisions associées au projet de loi de finances pour 2005.

Source : Jaunes budgétaires et Trésor.

L'essentiel de la progression de l'aide multilatérale résulte de celle de l'aide européenne, qui passe de 0,66 milliard d'euros en 1996 à 1,16 milliard en 2003 soit un quasi-doublement. La « contribution européenne » recouvre à la fois la contribution française au FED et la participation française au budget général de la Communauté européenne pour les actions relevant de l'aide au développement, financée par une partie du prélèvement sur recettes au profit des Communautés européennes. En 2004, l'aide européenne devrait atteindre 1,36 milliard d'euros et 1,41 milliard d'euros en 2005.

5.Structure de l'APD française en 2003

a) Répartition géographique de l'APD bilatérale

RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DE L'APD BILATÉRALE EN 2003

(en millions d'euros)

graphique

Source : Jaune budgétaire.

Le graphique ci-dessous montre clairement que l'Afrique sub-saharienne reste la principale bénéficiaire de notre APD bilatérale. Sa prééminence avait reculé ces dernières années puisque le pourcentage était passé de 55 % 1988 à 48 % en 1998 et 38 % en 2001. On assiste en 2003 à une forte remontée de ce pourcentage puisqu'il atteint 59 % : les pays d'Afrique sub-saharienne sont en effet les principaux bénéficiaires du processus PPTE.

graphique

b) Répartition par groupe de revenus de l'APD globale

RÉPARTITION PAR GROUPE DE REVENUS EN 2003

(en millions d'euros)

graphique
Source : Jaune budgétaire.

Les pays les moins avancés représentent 37 % de notre APD. On constate donc une remontée de ce pourcentage qui avait fortement baissé depuis 10 ans : l'évolution de la répartition de l'aide au cours des dix dernières années montre que ce sont les PMA qui avaient fait les frais de la redistribution sous contrainte budgétaire : de 1989 à 1999, leur part dans une aide publique en forte baisse était passée de près du tiers (32,5 %) à peine plus d'un quart (28 %). La montée en charge des annulations de dette, dont ils sont les principaux bénéficiaires, explique en grande partie cette remontée dont votre Rapporteur spécial se féliciterait si elle traduisait un effort réel de la France en direction de ces pays.

c) Répartition sectorielle de l'APD globale

RÉPARTITION SECTORIELLE DE L'APD EN 2003

(en millions d'euros)

graphique
Source : Jaune budgétaire.

Ce graphique confirme la place prépondérante prise par les annulations de dette, qui représentent 29 % de l'APD globale, au détriment, malheureusement, de la coopération technique et culturelle et de l'aide-projet.

III.LES CRÉDITS DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES :
UNE PROGRESSION TRÈS INSUFFISANTE

L'an dernier, votre Rapporteur spécial avait été particulièrement critique avec l'exécution budgétaire 2003. On constatait en effet un décalage très net entre la priorité affichée à l'aide publique au développement et la réalité d'une régulation budgétaire particulièrement sévère. Ainsi, la DGCID avait dû procéder à un abattement de 15 % sur l'ensemble de ses crédits d'intervention avec les conséquences désastreuses pour l'action des services culturels déconcentrés que l'on peut imaginer.

En 2004, le ministère des Affaires étrangères a été exempté de mesures de gel de crédits. En effet, par lettre du 10 mars 2004 adressée au Premier ministre, le président de la République a clairement affirmé qu'« en 2004, le ministère des Affaires étrangères bénéficiera de l'ensemble des crédits prévus par la loi sera épargné, compte tenu de sa faible marge de manœuvre, par les mesures de gel ou d'annulation de crédit ». Si cette disposition a été respectée pour les crédits de la loi de finances initiale, les crédits de report n'ont pas été totalement épargnés par la régulation budgétaire puisque sur 165,75 millions d'euros de crédits de reports, 23 millions ont été gelés et annulés pour financer d'autres administrations. Or, sur ces 23 millions d'euros, 10,5 millions ont été prélevés sur le budget de la DGCID.

Votre Rapporteur spécial ne peut que se féliciter de cette meilleure exécution pour 2004. La gestion 2004 n'aura donc pas connu les difficultés des deux dernières années et l'ensemble des projets devrait être exécuté. Ceci a néanmoins nécessité un certain nombre de transferts de crédits, sur lesquels votre Rapporteur spécial reviendra : 50 millions d'euros ont été prélevés sur les dons de l'AFD pour éviter une cessation de paiement du Fonds de solidarité prioritaire : 100 millions d'euros prévus pour financer les contrats de désendettement développement ont servi à financer le Fonds mondial de lutte contre le sida, la participation de la France ayant été sous-dotée en loi de finances initiale.

Qu'en est-il du budget 2005 ? Comme l'an dernier, les crédits d'intervention sont quasi-stables à périmètre constant. Par contre, alors que le projet de loi de finances pour 2004 reflétait une vraie priorité accordée aux crédits d'investissements (Fonds de solidarité prioritaire, Agence française de développement et Fonds européen de développement), le projet de loi de finances pour 2005 ne prévoit qu'une augmentation de 6,6 %. Si l'on considère que les crédits du FED augmentent de 11,2 %, le montant des crédits consacré aux dons (soit par le FSP, soit par l'AFD) baisse de 2 %, soit 6 millions d'euros de moins. À cette baisse des crédits de paiement s'ajoute une baisse encore plus importante des autorisations de programme qui diminuent de près de 20 %, handicapant ainsi la capacité de l'État à s'engager sur des projets.

Pour autant, le budget présenté dans le projet de loi de finances pour 2005 ne reflète pas la réalité budgétaire de l'année prochaine. Tant devant la conférence des ambassadeurs que lors de son audition par votre commission des Affaires étrangères, M. Michel Barnier, ministre des Affaires étrangères, a reconnu qu'un certain nombre de dépenses étaient sous-dotées, au premier rang desquelles les contributions volontaires, le Fonds de solidarité prioritaire et le Fonds européen de développement. Et d'ajouter qu'il avait « reçu l'assurance que ces crédits seraient abondés en gestion sans pénaliser le budget initial »(1). Votre Rapporteur s'étonne et regrette cette gestion budgétaire qui enlève toute portée à l'autorisation parlementaire.

Enfin, signalons que le ministère des Affaires étrangères mènera des expérimentations-pays dans le cadre de la préparation à la mise en œuvre de la LOLF. Les quatre pays concernés pour le programme « Solidarité à l'égard des pays en développement » sont : la Chine, l'Albanie, la Tunisie et Madagascar. Cette liste peut paraître surprenante en première lecture mais elle reflète la volonté de disposer d'un éventail d'expérimentation le plus large possible.

A.DES CRÉDITS D'INTERVENTION QUI STAGNENT

1.La coopération culturelle, scientifique et technique

Le chapitre 42-15, qui finance la coopération culturelle, scientifique et technique du ministère des Affaires étrangères, a été l'une des principales « victimes » de la régulation budgétaire de 2003. Sur les 531 millions d'euros inscrits en loi de finances initiale (dotation déjà en baisse de 2 % hors transfert correspondant aux rémunérations des directeurs d'alliances françaises), 11,2 millions d'euros ont été annulés en mars et près de 19 millions d'euros ont été gelés. À cela s'est ajouté le gel de 21,9 millions d'euros de reports de crédits.

Ceci a obligé la DGCID à procéder à un abattement de 18 % sur les crédits programmés en titre IV hors assistance technique, hors bourses et hors rémunération des personnels des Alliances françaises.

Pour 2004, les 514 millions d'euros inscrits en loi de finances initiale n'ont pas été amputés par la régulation budgétaire mais tous les crédits de reports n'ont pu être utilisés.

En 2005, la coopération culturelle, scientifique et technique bénéficiera, à périmètre constant, de 522,7 millions d'euros soit une progression de 1,7 %. La ventilation de cette dotation entre les différentes directions de la DGCID est indiquée dans le tableau ci-dessous :

VENTILATION PRÉVISIONNELLE DES CRÉDITS DU CHAPITRE 42-15

(en millions d'euros)

Art. 11

Transfert de savoir-faire : expertise de longue durée

183.034.098

183.541.154

507.056

0,3

Art. 12

Transfert de savoir-faire : missions d'experts de courte durée

13.934.041

13.934.041

Art. 13

Alliances françaises (personnels mis à disposition)

29.188.550

30.148.550

960.000

3,3

Art. 20

Bourses, échange et formation

120.622.336

121.622.336

1.000.000

0,8

Art. 30

Appui aux organismes concourant aux actions de coopération

103.122.921

87.629.169

- 15.493.752

- 15,0

Art. 40

GIP France Coopération internationale

750.000

750.000

Art. 51

Appui local aux projets de coopération (crédits délégués)

779.360

779.360

Art. 52

Appui local aux projets de coopération (crédits déconcentrés)

54.268.528

76.000.000

21.731.472

40,0

Art. 70

Fonds de coopération pour le Pacifique-Sud

3.200.000

3.200.000

Art. 90

Recherche et échanges scientifiques et technologiques (BCRD)

5.114.000

5.114.000

Total Coopération internationale et développement

514.013.834

522.718.610

8.704.776

1,7

Source : ministère des Affaires étrangères

- 500.000 euros seront dégagés pour l'expertise de longue durée pour placer des assistants techniques auprès des fonds européens, délégation de la commission, agences et programmes multilatéraux ;

- 1 million d'euros supplémentaire sera affecté aux bourses, en particulier, celles portant sur les programmes d'excellence ;

- enfin, 5,9 millions d'euros seront consacrés à la création d'un fonds de Coopération pour la recherche, la technologie et les échanges universitaires avec les pays émergents.

Par contre, comme l'an dernier, les crédits affectés à l'appui aux organismes concourrant aux actions de coopération baissent de 15 %, soit 15 millions d'euros.

Signalons qu'actuellement, le chapitre 42-15 finance à la fois de l'aide publique au développement et de la coopération culturelle à destination des pays développés, cette fongibilité donnant lieu à des arbitrages souvent défavorables à l'APD. Dans le cadre de la nomenclature LOLF, ceci ne pourra plus se reproduire puisque les crédits du chapitre seront répartis entre les missions « action extérieure de l'État » et « aide publique au développement » en fonction des pays bénéficiaires.

2.La coopération décentralisée est freinée

Les collectivités locales, notamment depuis la loi du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République qui les autorise à avoir des relations avec leurs équivalents étrangers, ont fait une entrée en force sur la scène internationale. Depuis lors, en effet, la coopération décentralisée n'a cessé de prendre de l'importance et les collectivités deviennent des partenaires incontournables de notre politique extérieure. La coopération décentralisée rassemble les actions décidées et conduites par les collectivités locales, ainsi que les subventions que celles-ci accordent à des ONG (dont le siège est en général sur leur territoire).

L'aide de l'État est inscrite au chapitre 42-13 du budget des Affaires étrangères, articles 30 et 40. L'article 30 supporte les crédits déconcentrés relatifs aux contrats de plan État-régions 2000/2006 et hors contrats de plan État/régions ; l'article 40 supporte lui les crédits non déconcentrés, essentiellement composés de subventions aux collectivités territoriales ou organismes porteurs de projets.

Sur les 17 régions dont les contrats de plan contiennent des dispositions relatives à la coopération, les régions Rhône-Alpes, Île-de-France, Nord-Pas-de-Calais et Pays de Loire sont les plus actives.

Il s'agit donc d'un développement prometteur pour l'aide publique au développement, quoique marginal. Il est d'autant plus regrettable que le projet de loi de finances prévoit une baisse de la dotation affectée de 445.600 euros.

4.Le soutien aux Organisations de solidarité internationale progresse légèrement

L'an dernier, votre Rapporteur spécial avait souligné deux points sur la place des organisations de solidarité internationale (OSI) dans notre dispositif de coopération :

- en comparaison avec nos voisins européens, la France est très en retard en termes de  % de l'aide publique au développement transitant par les OSI ;

- la régulation budgétaire a très lourdement frappé les OSI en 2003.

Pourtant les structures existent au sein du ministère des Affaires étrangères : la création au sein de la direction générale de la coopération internationale et du développement d'une mission pour la coopération non gouvernementale (MCNG), directement rattachée au directeur général et intégrant les moyens de la mission de liaison avec les ONG, témoigne de la place désormais accordée à ce type de coopération par les pouvoirs publics. Cette mission constitue le point de rencontre entre les services du ministère des Affaires étrangères et des acteurs non gouvernementaux que sont les collectivités territoriales, les organisations de solidarité nationale, les syndicats et les entreprises. Elle dispose d'une compétence plus spécifique en matière de projets dans la zone de solidarité prioritaire (ZSP). En effet, dans ce cadre, elle instruit les dossiers de projets de développement et d'actions d'éducation au développement avant la décision de cofinancement prise par le ministère des Affaires étrangères.

Le tableau ci-dessous montre clairement la baisse des projets financés par le ministère des Affaires étrangères et mis en œuvre par les OSI.

ÉVOLUTION ANNUELLE DES ACTIONS OSI (TITRES IV ET VI)

(en millions d'euros)

Propositions
de financement

Autorisations de programme

1999

2000

2001

2002

2003

2004
(chiffres provisoires)

Titre IV

8,4

9,6

8,6

7,4

6,7

7,3

Titre VI

8,6

10,6

26,2

19,4

16,1

13,7

Total

17

20,2

34,8

26,8

22,8

21

En 2005, sur le chapitre 42-13, les cofinancements devraient progresser de 3,5 millions d'euros pour atteindre 10,8 millions d'euros. 500.000 euros sont le fait de mesures nouvelles et 3 millions d'euros sont un transfert du chapitre 41-43. Sur le titre VI, la programmation minimale devrait être comprise entre 20 et 25 millions d'euros. Votre Rapporteur spécial souhaite que cette prévision soit respectée.

5.les contributions volontaires ne sont pas à la hauteur des enjeux

Les contributions volontaires aux organisations internationales sont inscrites sur le chapitre 42-32. Celui-ci augmente très fortement en raison du transfert des crédits du Fonds SIDA relevant auparavant, au moins partiellement, du ministère de l'économie et des finances. En fait, en 2004, seuls 50 millions d'euros étaient inscrits sur le budget du ministère de l'économie et des finances malgré l'engagement du Président de la République de porter l'engagement de la France à 150 millions d'euros. Ce sont en fait les crédits inscrits sur le budget du ministère des Affaires étrangères au titre des contrats de désendettement-développement qui ont permis de financer cette contribution en 2004. Le « transfert » des crédits du fonds SIDA s'apparente donc plus à une régularisation. Votre Rapporteur spécial se félicite néanmoins de cette inscription, dès la loi de finances initiale.

Il est par contre regrettable que la dotation budgétaire finançant les contributions volontaires aux organismes relevant des Nations Unies soit stable, à 48,86 millions d'euros. Ce montant permet de financer entre autres organismes, le Haut commissariat aux réfugiés (HCR), l'UNICEF, l'UNRWA et le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD).

Ce dernier est n'est pas un acteur de développement parmi les autres. C'est le cœur même du dispositif onusien d'assistance aux pays en développement. Il joue un rôle irremplaçable dans plusieurs domaines : mise en place des institutions et processus démocratiques, prévention des crises, relèvement après les conflits ou catastrophes, lutte contre le VIH-SIDA...

Malgré l'importance que la France prétend accorder au système onusien, elle ne contribue qu'à hauteur de 16 millions d'euros au PNUD, ce qui en fait le 11ème contributeur, loin derrière les Etats-Unis, la Norvège, le Japon, les Pays-Bas ou encore la Suède dont les contributions dépassent toutes les 60 millions de dollars américains.

Nombre de pays ont choisi, eux, d'accroître de façon spectaculaire leur contribution au PNUD, et par-là même leur influence au sein de l'institution. Les Anglo-saxons et les Nordiques acquièrent donc toujours plus de poids. Singulièrement, le Royaume-Uni s'est engagé à augmenter sa contribution (actuellement de 67 millions de dollars) de 49 % en monnaie locale entre 2003 et 2007, la portant ainsi à 98 millions de dollars.

Même si en théorie l'influence ne doit pas dépendre essentiellement du niveau des contributions, le pragmatisme étant de règle, on ne peut pas s'attendre à un quelconque statu quo. Aujourd'hui, le nombre de ressortissants français et britanniques à des postes de décision au PNUD est équivalent (86 contre 87) en dépit de la disproportion déjà existante entre les contributions des deux pays. Beaucoup de renouvellements de postes auront lieu dans les toutes prochaines années.

Le Gouvernement semble avoir pris conscience des enjeux puisqu'en mai 2004, un nouvel accord-cadre a été signé entre la France et le PNUD. Cet accord indique, entre autres choses, que la France s'efforcera d'augmenter ses contributions au PNUD, parallèlement à l'augmentation de son APD.

Malheureusement, en l'état du projet de loi de finances, la France ne pourra pas honorer cet engagement ce que regrette votre Rapporteur spécial.

6.Les concours financiers

a) Opérations exceptionnelles et ajustement structurel

Ce chapitre a connu une évolution de périmètre suite à la réunion du CICID du 20 juillet dernier. Il a été décidé que les crédits d'ajustement structurel seraient désormais inscrits sur le budget du ministère de l'économie et des finances et plus sur celui du ministère des Affaires étrangères. 25 millions d'euros sont donc transférés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2005. En 2004, ces crédits représentent une dépense de 40,5 millions d'euros.

DONS EN FAVEUR DE L'AJUSTEMENT STRUCTUREL
ANNÉE 2004

(en millions d'euros)

Pays

Montant

Burkina Faso

5,50

Burundi

5

Centrafrique

6

Congo démocratique

5

Mali

9

Niger

10

Total

40,50

Ce chapitre finance également les « opérations exceptionnelles », comme l'organisation d'élections générales en Afghanistan (pour 1,5 million d'euros), le paiement des salaires des fonctionnaires de Centrafrique (pour 1 million d'euros) ou la remise en marche des services sociaux en Haïti (également pour 1 million d'euros). Alors que les crédits finançant ces opérations étaient stables depuis plusieurs années, la dotation augmente de 5 millions d'euros en 2005 pour atteindre 20 millions d'euros. Il s'agit en fait d'un reliquat des crédits d'ajustement structurels qui n'a pas été transféré au ministère de l'économie et des finances. Sur ces 23 millions d'euros non transférés, 5 restent donc sur ce chapitre, 3 sont affectés au soutien aux OSI et 15 millions d'euros sont transférés au FSP.

b) Le retard dans la mise en œuvre de C2D

Les contrats de désendettement et de développement (C2D), qui constituent le volet additionnel français à l'initiative Pays Pauvres Très Endettés (PPTE) pour l'annulation des créances d'aide publique au développement (APD), constituent un instrument de financement des stratégies nationales de réduction de la pauvreté des pays bénéficiaires. Ces contrats sont mis en œuvre, sous forme de refinancement par dons des échéances, à partir du point d'achèvement de l'initiative PPTE.

Afin de permettre une appropriation optimale de l'aide par les pays bénéficiaires et d'assurer la rapidité des décaissements, les financements C2D obéissent à un certain nombre de principes :

- Les financements C2D sont concentrés sur un nombre restreint de points d'affectation dans les secteurs qui contribuent le plus directement à la réduction de la pauvreté (2). Cette concentration permet une plus grande efficacité et cohérence de l'aide.

- Ces points d'affectation prennent, de façon privilégiée et lorsque les conditions le permettent (fiabilité de la gestion des dépenses publiques notamment), la forme de programmes sectoriels, financés sous la forme d'une aide budgétaire affectée à des lignes du budget de l'État partenaire, ou à des fonds.

- Les sociétés civiles du Nord et du Sud doivent avoir également les moyens de s'approprier les programmes d'aide. Ainsi, d'importants efforts de sensibilisation des autorités nationales d'une part, et d'information et de formation des acteurs de la société civile d'autre part, sont réalisés.

- Enfin, pour chaque point d'affectation, une forte coordination avec les autres bailleurs de fonds est recherchée. Les bénéfices en sont multiples : réduire les coûts de transaction en évitant la multiplication des dispositifs et des procédures ; permettre à l'État récipiendaire d'assurer une plus grande cohérence de l'aide internationale qu'il reçoit ; permettre à la coopération française de s'intégrer, le cas échéant, dans les dispositifs de mise en œuvre et de suivi de l'aide déjà mis en place à l'initiative d'autres bailleurs ; enfin, s'appuyer sur la communauté des bailleurs pour s'assurer des conditions nécessaires, le cas échéant, au succès des programmes.

Sur les vingt-trois pays éligibles aux contrats de désendettement et de développement, cinq ont atteint le point d'achèvement et ont signé leur premier C2D avec la France : le Mozambique, l'Ouganda, la Tanzanie, la Bolivie et la Mauritanie.

Quatre autres pays, le Nicaragua, Madagascar, le Nicaragua et le Ghana, ont récemment atteint le point d'achèvement et devraient signer rapidement un contrat de désendettement-développement avec la France.

Le tableau ci-après indique les prévisions de décaissements au titre des C2D pour les années 2004 à 2007. Les besoins budgétaires s'accroissent d'année en année, car les pays éligibles à l'initiative PPTE sont de plus en plus nombreux à franchir le point d'achèvement de l'initiative, qui déclenche la mise en œuvre du volet bilatéral additionnel français pour l'annulation des créances d'aide publique au développement (C2D).

L'atteinte du point d'achèvement par le Cameroun, qui possède le stock de dette le plus important, fait l'objet d'informations contradictoires. La date du début de l'année 2006 a été longtemps privilégiée. Désormais, le deuxième semestre 2005 est envisagé. Il s'agit là d'un point fondamental, car le Cameroun étant le pays avec l'encours de dette le plus important, si le C2D n'entre en vigueur qu'en 2006, ce seront entre 57 millions d'euros (chiffres AFD) et 68 millions d'euros (chiffres du ministère des Affaires étrangères) qui seront reportés sur 2006.

De manière générale, il convient de noter que les dates prévues pour le déclenchement des différents C2D sont susceptibles d'être repoussées, en fonction notamment de la qualité de l'exécution du programme avec le FMI. En outre, pour les pays n'ayant pas atteint le point d'achèvement, les montants indiqués sont estimatifs. Ceux-ci sont en effet tributaires des décisions prises en Club de Paris après le point d'achèvement. Enfin, seules les créances en souverain direct ont été prises en compte dans les calculs.

Montants des échéances C2D en millions d'euros -

Prévisions de décaissements pour les années 2004-2007

Pays éligibles

Date CP (effective / anticipée)

Date C2D (effective / anticipée)

Cumul échéances à partir du CP

2004

2005

2006

2007

Ouganda

mai-2000

mars-2002

12,3

0,8

0,8

0,8

0,7

Mozambique

sept-2001

nov-2001

95,7

10,8

7,7

7,2

6,6

Tanzanie

nov-2001

juin-2003

12,7

2,7

0,9

0,9

0,9

Mauritanie

juin-2002

juil-2003

69,6

10,4

4,1

4,0

4,0

Bolivie

juin-2001

mai-2003

20,0

6,4

2,2

2,2

1,7

Nicaragua

janv-2004

S2 2004

2,4

1,2

1,2

_

Ghana

juil-2004

S2 2004

65

1,7

1,7

1,8

Madagascar

oct-2004

fin 2004

53

10,2

6,5

6,1

Malawi

fin 2005

5,0

_

1,1

0,8

Honduras

début 2005

5,0

0,7

0,7

0,6

Rwanda

fin 2004

46,7

2,7

2,4

2,3

Sierra Leone

fin 2005

3,6

_

0,1

0,1

Sao Tome

T1 2006

5,9

_

0,5

0,5

Cameroun

S2 2005

1.310

69,5

113,9

106,5

Guinée

T2 2006

139

_

7,1

13,5

RDC

T3 2006

146

_

20,0

41,3

Côte d'Ivoire

pas avant fin 2006

1140

_

_

136,5

Burundi

pas avant fin 2006

22,5

_

_

3,1

Congo

pas avant fin 2006

176

_

_

20,2

Soudan

pas de calendrier

9

Liberia

pas de calendrier

2

Myanmar

pas de calendrier

6,6

Somalie

pas de calendrier

nd

Total

3 348

31,1

103

170,3

347,2

Sources : AFD, FMI.

CP : Point d'achèvement de l'initiative PPTE.

Les contrats de désendettement-développement (C2D) sont financés sur le chapitre 41-43 du budget du ministère des Affaires étrangères. En 2004, une dotation de 91 millions d'euros était prévue. Elle a en fait servi à honorer l'engagement de la France envers le Fonds SIDA. Il a été décidé que l'Agence française de développement prendrait en charge, sur ses fonds propres, les décaissements prévus. Cette charge a dû être limitée puisque, au vu des éléments dont dispose votre Rapporteur spécial, les dépenses ont été très inférieures aux prévisions en raison du retard pris par le Cameroun, principal poste de dépense potentiel avec la Côte d'Ivoire. Elles ont été de 31,1 millions d'euros.

En 2005, la dotation inscrite pour financer les C2D est de 103 millions d'euros. S'agissant des prévisions de décaissement, les sources divergent : le ministère des Affaires étrangères prévoit des dépenses à hauteur de 158,6 millions d'euros et se plaint, plainte relayée par le ministre, de la sous-dotation de ce chapitre ; l'Agence française de développement et le ministère de l'économie et des finances prévoient quant à eux 41 millions d'euros de dépenses en 2005, avec une dépense supplémentaire de 57 millions d'euros (contre 69,5 prévus par le ministère des Affaires étrangères) si le C2D du Cameroun est mis en œuvre dès 2005.

Ainsi, si l'on en croit la prévision du Trésor, la dotation budgétaire est trop élevée et risque de faire l'objet de régulation ou de réaffectation en cours de gestion. Il conviendra de veiller à ce que les 62 millions d'euros supplémentaires soient bien affectés à l'aide publique au développement.

Enfin, votre Rapporteur spécial souhaite souligner, qu'à terme, les contrats de désendettement-développement pourraient représenter des montants budgétaires très importants dont il faudra assurer le financement, sans, conformément au principe d'additionnalité des annulations de dettes, que cela se fasse au détriment des autres mécanismes d'aide.

B.DES CRÉDITS D'INVESTISSEMENT INSUFFISANTS

Les crédits d'investissements inscrits au projet de loi de finances pour 2005 augmentent au total de 6,6 % en crédits de paiement et baissent de 19,1 % au titre des autorisations de programme.

Cette hausse des crédits de paiement de 49,5 millions d'euros est très inférieure à celle de l'année dernière où ils avaient progressé de 118 millions d'euros. Comme l'an dernier, c'est le Fonds européen de développement qui monopolise l'essentiel de ces crédits supplémentaires puisqu'une progression des crédits de paiement de 63 millions d'euros est inscrite au projet de loi de finances. L'AFD voit par contre sa dotation baisser de 48 millions d'euros tandis que les crédits du FSP augmentent de 34,1 millions d'euros.

Pour être exacts, néanmoins, ces chiffres doivent être comparés à l'exécution 2004 qui s'est très largement écartée de la loi de finances initiale. En effet, face au risque de cessation de paiement du FSP, il a été décidé de prélever 50 millions d'euros sur les crédits de l'AFD, à charge pour elle de garantir son niveau de dons. De même, face à des appels à contribution au FED plus importants que ceux programmés en loi de finances, il est envisagé d'ouvrir près de 42 millions d'euros d'euros supplémentaires pour le FED, ouverture qui serait en partie gagée par des annulations sur les crédits de l'AFD.

Ainsi, les crédits ouverts au profit de l'AFD pour financer ses dons sont-ils réduits à 71 millions d'euros (déjà consommés) alors que sa dotation initiale était de 158 millions d'euros.

1.Le Fonds de solidarité prioritaire (FSP)

Le Fonds de solidarité prioritaire a connu une grave crise au cours de l'année 2003 en raison de l'accumulation d'autorisations de programme non couvertes par des crédits de paiement. Le « décrochement » des crédits de paiement par rapport aux enveloppes des autorisations de programme antérieures est intervenu dès 2000, mais le basculement dans la réforme de la coopération l'a masqué. En 2001, le solde de crédits de paiement disponibles à l'AFD l'a estompé. Le manque de crédits de paiement sur le FSP n'a commencé à être perceptible dans les postes et à l'administration centrale que fin 2002, mais il a été imputé à tort au mouvement de gel et dégel qui avait affecté le FSP au cours de l'exercice. En 2003, la pénurie a été sensible dès le mois d'avril, générant des interruptions de contrat, l'arrêt de certains projets, le non-paiement d'un nombre croissant de prestations ou de subventions.

Cette situation a été encore aggravée par la volonté d'affichage du Gouvernement qui dans le projet de loi de finances pour 2003 avait multiplié les ouvertures d'autorisations de programme sans remonter le niveau des crédits de paiement.

ÉVOLUTION COMPARÉE DES AP ET DES CP DU FONDS DE SOLIDARITÉ PRIORITAIRE

(en millions d'euros)

graphique

Le conseil d'orientation stratégique du FSP du 30 mars dernier évaluait ainsi le déficit cumulé en crédits de paiement à 148 millions d'euros.

Face à la crise, il a été demandé aux postes et aux services à l'étranger :

- de différer au maximum la signature des subventions et des conventions de financement sauf si l'assistance technique à la mise en œuvre des projets était sur place ;

- d'accélérer la clôture des projets les plus anciens ;

- d'opérer au sein de chaque projet des priorités parmi les composantes et les actions à mener.

On imagine sans peine l'effet catastrophique d'une telle politique sur l'image de notre pays.

Face à cette situation, il a été procédé en urgence au transfert de 50 millions d'euros de l'AFD au FSP ce qui a permis de juguler la crise.

Dans le projet de loi de finances, il est prévu d'ouvrir 182 millions d'euros pour le FSP, ce qui est moins que ce dont il a disposé en exécution en 2004 (190 millions d'euros) et moins que ce que le conseil d'orientation stratégique estimait nécessaire pour faire face aux autorisations de programme à couvrir en 2005. Il est donc possible que la situation qu'a connu le FSP en 2003 et 2004 se reproduise en 2005.

Votre Rapporteur spécial s'était félicité l'an dernier de la diminution des autorisations de programme : cela avait permis de rompre avec la politique d'affichage du gouvernement et de réduire l'écart avec les crédits de paiement. Le projet de loi de finances poursuit cette démarche en la radicalisant puisque les autorisations de programme baissent de 38,9 % pour descendre à 104,5 millions d'euros.

Néanmoins, les autorisations de programme traduisent la capacité des administrations à engager des projets sur le terrain et un trop faible niveau risque de paralyser l'administration en l'empêchant de mettre en route de nouveaux projets, au risque de perdre sa crédibilité, crédibilité déjà fortement entamée par les difficultés de paiement rencontrées. Le risque est grand qu'en voulant réduire les risques de paiement liés à une insuffisance de crédits de paiement, on aboutisse à une réduction drastique du nombre de projets de développement à moyen terme.

D'après les renseignements recueillis par votre Rapporteur spécial, une ouverture de 70 millions d'euros d'autorisations de programme supplémentaire est envisagée dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2004, ces autorisations de programme ayant vocation à être reportées sur 2005. On ne peut que se féliciter de cette perspective, même si on peut regretter la méthode, peu orthodoxe en termes budgétaires.

Votre Rapporteur spécial tient à exprimer son inquiétude quant à l'avenir de cet outil indispensable que constitue le Fonds de solidarité prioritaire. On a vu que le CICID s'était traduit par une réduction de son champ de compétences au profit de l'AFD. Il serait regrettable de condamner cet outil en lui refusant les moyens budgétaires auxquels il a droit.

2.L'Agence française de développement (AFD)

Qualifiée d'« opérateur-pivot » de l'aide bilatérale française au développement dans la réforme de 1998, l'Agence Française de Développement (AFD) constitue une entité originale puisqu'elle est à la fois une banque de développement, ayant une capacité de lever des obligations sur les marchés, et de proposer des prêts à des taux bonifiés par l'État aux pays en voie de développement, et une agence de développement qui gère un portefeuille de dons.

Ce double visage est encore renforcé par le dernier CICID qui a élargi les compétences de l'AFD dans le domaine de dons comme il a été expliqué plus haut dans le présent rapport.

a) Une double imputation budgétaire

Budgétairement, l'AFD bénéficie à la fois de crédits du ministère des Affaires étrangères (sur le chapitre 68-93 s'agissant des dons et sur le chapitre 41-43 concernant les annulations de dette accordées dans le cadre des contrats de désendettement-développement) et du ministère de l'Économie et des finances.

Le chapitre 37-01 du ministère de l'économie et des finances finance la rémunération que l'État verse chaque année à l'AFD pour couvrir ses frais de structure au titre des seules activités (dons, gestion des concours d'ajustement structurel et contrats de désendettement et développement) pour lesquelles l'AFD ne peut dégager de marge d'intermédiation bancaire.

Par ailleurs, le chapitre 44-97 « participations de l'Etat au service d'emprunts à caractère économique » est affecté en partie à l'AFD, à hauteur de 358,59 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2005. Ce montant se décompose de la façon suivante:

- 23,2 millions d'euros pour couvrir le coût des bonifications offertes sur les prêts 1er guichet concédés par l'AFD dans l'outremer.

- 109,1 millions d'euros qui couvrent le coût des bonifications offertes sur les prêts concessionnels, souverains ou non-souverains, de l'AFD dans les pays étrangers.

- 22 millions d'euros qui servent à financer la contribution de la France à l'initiative de Facilité pour la Réduction de la Pauvreté et pour la Croissance du FMI.

- 204,29 millions d'euros pour rembourser les échéances des prêts d'aide publique au développement consentis par l'AFD, en lieu et place des pays étrangers bénéficiaires des accords de Dakar.

b) Une institution financière en bonne santé

Le résultat net de l'AFD s'est établi à 48,3 millions d'euros en 2003 après 40,4 millions d'euros en 2002. Les résultats prévisionnels des exercices 2004 et 2005 font apparaître une croissance continue du produit net bancaire qui s'établirait autour de 320 millions d'euros en 2004 et 350 millions d'euros en 2005. Le résultat brut d'exploitation devrait donc continuer à augmenter en 2004 et 2005.

Cette bonne situation financière a permis à l'AFD d'assurer un haut niveau d'engagements : ils se sont élevés respectivement à 686 millions d'euros en 2002 et 804 millions d'euros en 2003. Au 31 août 2004, ils s'établissent à 204 millions d'euros et devraient atteindre 975 millions d'euros en 2004.

c) Des crédits du ministère des Affaires étrangères en nette diminution

Alors qu'elle avait bénéficié d'un niveau élevé de crédits de paiement en loi de finances pour 2004 (de 158 millions d'euros), ces crédits ont fortement diminué en exécution suite au transfert de 50 millions d'euros au FSP et l'annulation probable de 42 millions d'euros en collectif pour financer le FED. Ainsi, les crédits ouverts au profit de l'AFD pour financer ses dons se sont-ils réduits à 71 millions d'euros.

ÉVOLUTION COMPARÉE DES AP ET DES CP INSCRITS AU CHAPITRE 68-93

(en millions d'euros)

graphique

En 2005, l'AFD devrait bénéficier de 170 millions d'euros d'autorisations de programme et de 110 millions d'euros de crédits de paiement, soit une baisse de 30,4 % que seuls des résultats financiers très positifs permettront de compenser.

3.Le fonds européen de développement (FED)

L'an dernier, votre Rapporteur spécial avait longuement présenté les réformes intervenues dans l'aide au développement communautaire d'une part, et les avantages qu'apporterait une budgétisation du FED d'autre part.

Le premier point a permis une accélération des décaissements du FED qui a eu des conséquences budgétaires importantes pour la France. Sa contribution a évolué de la façon suivante :

2000 : 361 millions d'euros,

2001 : 443 millions d'euros,

2002 : 360,5 millions d'euros,

2003 : 546 millions d'euros.

La progression des décaissements du FED a mis la France en difficulté en 2003 dans la mesure où le chapitre 68-02 du ministère des Affaires étrangères était insuffisamment doté, au regard des prévisions de la Commission, et a été partiellement gelé en cours d'exercice. La France a donc mis, de fait, le FED en défaut de paiement à hauteur de 88 millions d'euros. La Suède et le Portugal ont également été en difficulté, pour des montants inférieurs. Les Commissaires Nielson et Patten ont affirmé, début 2004, que les décaissements du FED auraient pu être plus élevés en 2003, si certains États n'avaient pas fait défaut.

En 2004, 565 millions d'euros étaient prévus mais les appels de crédits ont été supérieurs et il sera nécessaire d'ouvrir des crédits supplémentaires en loi de finances rectificative pour que la France respecte ses engagements. Elle le fera néanmoins avec retard ce qui l'amènera à payer des indemnités de retard, indemnités qui, de façon scandaleuse, sont prises en compte au titre de l'aide publique au développement...

Pour 2005, 628 millions d'euros sont inscrits au projet de loi de finances, alors que la contribution prévisionnelle s'établirait, à ce stade, à 705 millions d'euros, soit un déficit de près de 80 millions d'euros.

Votre Rapporteur spécial condamne ce sous-financement systématique de la contribution de la France au FED, déjà dénoncée par la Cour des comptes.

IV. COMPTE RENDU DE MISSION EN SYRIE ET AU LIBAN

Dans le cade de ses fonctions de contrôle, votre Rapporteur spécial s'est rendu pendant une semaine au Proche-Orient afin d'évaluer le dispositif de coopération et d'aide au développement français en Syrie et au Liban.

La situation de ces deux pays est bien sûr étroitement liée politiquement du fait de la quasi-tutelle de la Syrie sur le Liban, symbolisé par la présence encore visible de militaires syriens au Liban, malgré de récents redéploiements. Les liens sont bien sûr également économiques et votre Rapporteur a pu constater la présence de nombreux travailleurs syriens à Beyrouth. Les liens sont enfin politiques, comme l'a démontré l'actualité la plus récente.

Alors que le président Émile Lahoud arrivait au terme de ses deux mandats, la Constitution a été modifiée, sous la pression syrienne, pour qu'il puisse solliciter un troisième mandat qu'il a, sans surprise obtenu. Pour protester contre cette situation, le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté, le 2 septembre, une résolution demandant « à toutes les forces étrangères qui y sont encore de se retirer du Liban ».

Depuis, deux évènements sont intervenus au Liban accentuant l'extrême confusion politique qui y règne : un attentat, manqué de peu, a été perpétré contre Marouane Hamadé, du Parti Socialiste Progressiste, qui avait démissionné de son poste de ministre pour protester contre la main-mise syrienne sur le Liban ; par ailleurs, le Premier ministre Rafic Hariri a démissionné le 20 octobre dernier de son poste, qu'il avait occupé, presque sans interruption, pendant 12 ans, en raison de l'impossibilité de constituer un gouvernement de technocrates réformistes dont la Syrie ne veut pas.

Enfin, la Syrie comme le Liban, sont bien sûr au cœur des deux conflits qui secouent le Proche-Orient : le conflit irakien (la Syrie partage 600 kilomètres avec l'Irak) et le conflit israélo-palestinien.

C'est dans ce contexte politique et géopolitique pour le moins difficile que notre coopération tente de mener à bien les objectifs qui lui sont fixés : défense de la francophonie, développement culturel et soutien au développement.

A. LA COOPÉRATION FRANCO-SYRIENNE : UN FORT POTENTIEL À EXPLOITER

Lors de son déplacement en Syrie, votre Rapporteur spécial a pu apprécier la motivation des équipes françaises présentes sur place et les fortes attentes de la population vis-à-vis de la France, malgré un passé commun douloureux. La coopération française dispose néanmoins de moyens limités pour faire face à cette demande. Votre Rapporteur tient à rappeler que si la France et la Syrie partagent une certaine histoire et qu'une certaine francophilie existe indiscutablement dans ce pays, il ne s'agit pas d'un pays francophone. Sur 4,14 millions d'enfants scolarisés dans le primaire et le secondaire, seuls 142.666 apprennent le français. Il s'agit donc d'une mission prioritaire ce qui suppose des moyens adéquats.

1. La situation du pays : entre incertitudes et fragilités

a) Une conjoncture politique incertaine

Le décès d'Hafez El Assad, le 10 juin 2000, après trente années de pouvoir, a ouvert un nouveau chapitre dans l'histoire de la Syrie. Agé de 34 ans, son fils Bachar, qui s'y préparait depuis le décès prématuré de son frère aîné Bassel en 1994, a succédé à son père. Porteur d'espoirs pour la population syrienne, Bachar El Assad avait favorablement impressionné ses interlocuteurs qui le jugeaient informé, déterminé, « moderne ».

Bachar El Assad n'a pas, jusqu'à présent, véritablement engagé les réformes annoncées dans son discours d'investiture (ouverture économique et politique). Contrairement aux attentes des intellectuels et opposants, la loi d'urgence est toujours en vigueur et les « forums de discussions », qui s'étaient multipliés à l'automne 2000, ont dû pour la plupart fermer leurs portes sous la pression des services de renseignements. Les procès d'opposants politiques se sont succédés en 2002 et ont abouti à des peines de trois à dix ans de prison. Les arrestations arbitraires d'islamistes et d'opposants se poursuivent.

Ce retard pris dans les réformes s'explique probablement par la nécessité de ménager les caciques du parti, de l'armée et des services de renseignements, qui conservent une influence considérable au sein du système. Pour réussir à s'imposer, Bachar El Assad doit s'attirer les sympathies de la majorité sunnite et de la bourgeoisie d'affaires. Il lui faut enfin trouver de nouveaux conseillers et des figures susceptibles de renouveler les cadres dirigeants actuels, paralysés par trente années d'immobilisme. Le jeune Président est donc condamné à agir très progressivement. La modernisation de l'administration constitue aujourd'hui à ses yeux un préalable à la mise en oeuvre de son programme de réformes, principalement économiques. Un nouveau gouvernement a été nommé en septembre 2003 avec pour objectif de mettre en œuvre le programme de réformes administratives et économiques du Président. Sa composition ne dénote pas cependant de renouvellement en profondeur du paysage politique syrien.

Un observateur extérieur comme votre Rapporteur est confronté à une réelle difficulté de lecture des sphères du pouvoir, politique et économique, syrien. Derrière une apparence monolithique, le parti Baas, se cache une multitude de clans, de réseaux fondés sur des alliances d'intérêts qu'il est bien difficile de déchiffrer.

b) Une situation économique fragile

Les Syriens aspirent à voir s'améliorer leur quotidien. Le taux de chômage officiel est de 20 % mais ce chiffre masque le sous-emploi chronique des fonctionnaires et la généralisation des emplois précaires. L'importante croissance démographique (de 2,34 % par an depuis 2000, la population devrait atteindre 23 millions en 2015), la faiblesse des ressources en hydrocarbures (d'ici 2010 la Syrie devrait devenir importatrice nette de pétrole) et le caractère inadapté des structures dirigistes de l'économie syrienne au contexte économique mondial rendent nécessaire une libéralisation rapide.

Celle-ci est pour l'heure demeurée insuffisante pour provoquer le décollage attendu. Malgré la loi sur les investissements étrangers de 1991, la Syrie est le pays du Proche-Orient qui reçoit le moins de financements étrangers, du fait notamment d'un cadre législatif inadapté et de l'absence d'ouverture politique. Les chantiers de réforme ouverts dans les domaines bancaire, fiscal, commercial, douaniers sont cependant nombreux. C'est leur mise en oeuvre qui marque le pas. Néanmoins les deux premières banques privées ont ouvert leurs portes en Syrie en janvier.

Le gouvernement a adopté une politique de relance keynésienne mais les budgets d'investissement votés ne sont dépensés qu'à hauteur de 40 ou 50 %. Ces blocages s'expliquent en grande partie par le mauvais fonctionnement de l'administration dû à la faiblesse des salaires, à la corruption massive et à une organisation du travail défaillante. Enfin les conséquences économiques de la guerre en Iraq sont lourdes pour la Syrie (échanges commerciaux et importation d'hydrocarbures).

2. Un dispositif de coopération volontariste

Notre coopération repose sur deux accords de coopération bilatérale conclus, l'un en juillet 1970 (coopération technique), et l'autre en septembre 1971 (coopération culturelle). La XIIème session de la Commission Mixte de coopération culturelle, scientifique et technique a eu lieu à Damas les 26, 27 et 28 avril 2001.

L'enveloppe 2004 est de 2,5 millions d'euros en crédits d'intervention (en légère augmentation par rapport à 2003 : 2,404 millions d'euros) et de 529.000 euros en dépenses de personnel et de fonctionnement (hors dépenses de personnel directement financés par le ministère). La Syrie ne figurant pas dans la Zone de solidarité prioritaire, le Poste ne peut bénéficier des subventions d'investissement du Fonds de solidarité prioritaire.

L'action du Poste répond à quatre priorités :

- répondre à la demande du président syrien d'appuyer la modernisation de I'Etat, aussi bien dans le domaine administratif que judiciaire;

- poursuivre les actions en faveur de la formation des élites, en cofinancement avec les autorités syriennes, en continuant à développer des actions de coopération au sein des universités, en liaison avec l'Agence universitaire de la francophonie (AUF) et d'autres partenaires;

- accompagner le développement de l'enseignement du français, en assurant la formation des enseignants syriens, en veillant à compléter cet effort par des actions spécifiques dans le domaine culturel.

- poursuivre son action dans le domaine de l'archéologie, notamment en matière de valorisation du patrimoine.

a) La coopération universitaire et linguistique

Elle constitue l'axe principal de notre coopération en Syrie. Elle représente en 2004, tous secteurs confondus, 49 % de notre enveloppe de coopération (54,7 % si l'on inclut les moyens consacrés au français dans les universités, soit près de 1,2 million d'euros en augmentation de plus de 10 % par rapport à 2003.

Cette progression s'explique en partie par l'extension du programme assistants-boursiers (PAB). Ce programme, créé en 1995 à l'initiative conjointe du ministère de l'Enseignement Supérieur et du ministère des Affaires Etrangères français, est l'un des programmes phare de la coopération française.

Initialement destiné à former le corps professoral des quatre universités syriennes, il a par la suite été étendu aux futurs cadres syriens qui se destinent à des fonctions administratives de haut niveau dans des ministères techniques (santé, culture, finance...). Après leur sélection par des experts français, les assistants non francophones bénéficient d'une formation linguistique de neuf mois, dispensée en Syrie dans 5 centres de langues.

Sur 650 étudiants ayant bénéficié de ce programme, près de 500 d'entre eux, dont la gestion est confiée au CNOUS (Centre National des Œuvres universitaires et scolaires) poursuivent actuellement leurs études en France. Les formations durent de 4 à 6 ans (excepté pour les médecins : 3 ans) et couvrent les champs des sciences de l'ingénieur, de l'informatique, de la médecine, des sciences économiques et de gestion, du droit  et des lettres et arts. Les boursiers sont sélectionnés par des universitaires français, au cours d'une campagne annuelle de sélection qui se tient en avril.

Ce programme est cofinancé à près de 90 % par le gouvernement syrien (frais de sélection, de transport, de vie, de tutorat pédagogique et de suivi administratif) mais représente néanmoins un coût de 689.730 euros en 2004 pour le Poste, en progression constante puisqu'il était de 479.240 euros en 2002. Les autorités françaises assurent la prise en charge de la préparation linguistique, des frais de recrutement, placement et de suivi, ainsi que des frais de formation et de la couverture sociale des étudiants. La montée en puissance du programme créée donc des besoins incompressibles et récurrents.

Il s'agit d'un programme essentiel qu'il convient d'autant plus de soutenir que la France est désormais en concurrence puisque, ces dernières années, la Syrie a développé des programmes similaires avec l'Allemagne et la Grande-Bretagne.

Autre outil privilégié de notre coopération universitaire et linguistique, le Centre de Documentation pédagogique (CDP) a été créé le 8 avril 1963 par les accords dits Basdevant. Il a pour vocation, au niveau national, d'améliorer la formation des enseignants, chercheurs et spécialistes pour l'enseignement et la promotion de la langue française, ainsi que d'assurer une veille sur la didactique des disciplines scientifiques et techniques dans l'enseignement primaire et secondaire. Il coordonne donc l'action des lecteurs et moniteurs dans les universités syriennes, des Volontaires internationaux dans les centres culturels arabes et des stagiaires FLE au sein des universités syriennes. Le CDP fournit également une documentation pédagogique et dispose à cet effet d'une bibliothèque ouverte à tous les enseignants et étudiants travaillant dans le domaine de la pédagogie et du français.

Ces actions sont d'autant plus importantes que la réforme de l'enseignement des langues étrangères dans le système scolaire public syrien a constitué à introduire l'apprentissage du français, deuxième langue étrangère, à partir de la classe de 7ème (équivalent de notre 4ème) à compter de la rentrée 2003.

S'agissant de l'enseignement privé, votre Rapporteur spécial a eu l'occasion de visiter le lycée français de Damas qui est conventionné par l'AEFE et dépend donc du ministère des affaires étrangères. Votre Rapporteur a été particulièrement choqué les conditions de travail dans cet établissement. Le bâtiment ne répond manifestement pas aux normes de sécurité et il est scandaleux que la France accueille les enfants dans de telles conditions. Cette école accueille 2/3 d'enfants syriens que leurs parents ont choisi de confier à notre système éducatif et la France doit honorer dans des conditions dignes cette demande.

Un projet immobilier, soutenu par les parents d'élèves prêts à participer financièrement, mais il a pris beaucoup de retard en raison des atermoiements du Ministère des affaires étrangères. Cette situation est absolument scandaleuse et votre Rapporteur veillera à ce qu'il y soit remédié dans les plus brefs délais.

Enfin, pour conclure sur la coopération éducative et universitaire, votre Rapporteur spécial souhaiterait souligner deux points : beaucoup de projets de coopération dans ce domaine bénéficient de substantiels financements complémentaires sur le programme européen TEMPUS ce qui est très positif ; d'autre part, les quatre universités syriennes ont adhéré à l'Agence universitaire de la Francophonie ce qui représente de réelles opportunités pour le rayonnement de notre langue et le développement de notre influence en Syrie.

b) La coopération culturelle

La coopération culturelle est bien sûr directement liée à la coopération universitaire et linguistique ne serait-ce que par son principal acteur, le Centre culturel français (CCF), joue un rôle fondamental dans la politique de développement de l'apprentissage du français.

Le CCF est bien sûr installé à Damas mais il dispose de deux antennes, installées à Alep et à Lattaquié. Par ailleurs, la France et la Syrie coopèrent dans le cadre des centres culturels arabes, structures nationales dépendant du ministère de la Culture où sont affectés des volontaires internationaux français.

Votre Rapporteur spécial a pu visiter le bâtiment du CCF, œuvre architecturale réussie, et a pu apprécier la compétence et la qualité des équipes qui l'animent. La subvention de fonctionnement attribuée au CCF s'élève à 529.000 euros complétée par des subventions pour opérations de 292.136 euros. Les recettes propres, essentiellement générées par les cours de langue, représentent 27,3 % des recettes de l'établissement.

Il serait trop long d'indiquer l'ensemble des projets culturels soutenus par le CCF. Votre Rapporteur spécial se contentera d'indiquer que, malgré un contexte international qui a rendu certains artistes français réticents à venir en Syrie et a provoqué un indéniable ralentissement culturel, le CCF a maintenu un haut niveau d'activités qui englobe tous les domaines des arts : cinéma , théâtre, poésie, musique, photographie. En particulier un plan d'aide à la publication a été maintenu qui a permis la traduction en arabe et la publication de livres français aussi divers que Tristes tropiques de Claude Lévi-Strauss, L'abolition de Robert Badinter ou encore Histoire du Cinéma français de Jean-Pierre Jeancolas.

Enfin, un effort particulier est fait en direction du Centre de Ressources sur la France contemporaine, qui est une création récente, et qui a pour vocation de mettre à la disposition des étudiants et des enseignants qui ont effectué ou qui s'apprêtent à effectuer des études supérieures en France un ensemble de services de documentation et d'information dans les domaines de leur compétence professionnelle mais aussi, plus largement, sur les réalisations de la France contemporaine.

c) La coopération dans le domaine de la modernisation de l'État

À la demande des plus hautes autorités syriennes, la France a décidé d'accompagner la Syrie dans les efforts qu'elle déploie pour moderniser son administration. Cet accompagnement doit aussi permettre de diffuser la culture administrative française, si possible sans ses défauts, au sein de l'État ce dont nous pourrions bénéficier dans le futur. Cette coopération utilise des moyens qui progressent mais qui restent néanmoins modérés par rapport au budget du poste puisqu'ils sont de 70.880 euros en 2004 (contre 61.696 en 2001).

En 2003 ainsi été créé un Institut national d'administration, dont la vocation est de former la haute fonction publique syrienne. Il s'agit d'une école d'application conçue sur le modèle de notre ENA et en partenariat avec elle, suite à la signature à Paris, en juin 2001, d'un accord ministériel franco-syrien à l'occasion de la visite d'Etat de Bachar Al-Assad. La première promotion (59 élèves), est actuellement en formation depuis janvier 2004, sortira en décembre 2005. Ce projet semble intéressant à votre Rapporteur sous deux conditions : d'une part qu'il n'exporte pas en Syrie les défauts de notre Haute administration (vivier de recrutement trop restreint, système de classement à la sortie trop restreint, rigidité des structures de corps...) ; d'autre part, il doit s'imposer face à un système administratif syrien pour lequel la notion de concours et d'anonymat est encore incertaine. De lourdes pesanteurs devront donc être affrontées.

À la demande du Président Bachar Al-Assad, le Président de la République a chargé au printemps 2003 deux hauts fonctionnaires, M. Jacques Fournier, ancien Secrétaire général du gouvernement et Mme Marie-Françoise Bechtel, ancienne Directrice de l'Ena, Conseillers d'Etat, d'effectuer un audit de l'administration syrienne, et de formuler des propositions en vue de sa modernisation. Au terme des deux missions d'étude effectuées en Syrie par les intéressés, un rapport a été remis aux deux présidents en juillet 2003. Ce rapport s'est rapidement traduit par des mesures concrètes, notamment la création en Syrie d'un secrétariat général du gouvernement, en substitution de structures ministérielles qui ont disparu de l'organigramme gouvernemental.

La justice est un autre volet de la réforme de l'Etat pour laquelle l'assistance française a été sollicitée par le Chef de l'Etat syrien. Dans ce cadre, une première mission d'audit du système judiciaire syrien a été conduite en Syrie en mars dernier par deux hauts magistrats français.

La coopération avec le ministère de l'économie et des finances s'est également développée mais l'on en est encore au stade du diagnostic.

Enfin, une coopération parlementaire est en cours entre le Sénat et l'Assemblée du Peuple syrien.

À la demande des autorités syriennes, qui souhaitent que la France accentue son soutien à la réforme, de nouvelles missions d'expertises françaises ont été organisées en Syrie ces derniers mois, parmi lesquelles :

- une mission destinée à lancer la réflexion sur la création du noyau dur d'une Direction générale de la Fonction publique et sur le problème du recrutement des fonctionnaires intermédiaires ;

- une mission de suivi du rapport Fournier/Bechtel (mai-juin 2004).

d) La coopération pour la recherche archéologique et historique

La région du Proche-Orient est dotée d'une richesse peu commune en termes archéologiques et historiques. De nombreuses civilisations se sont épanouies dans cette région laissant des traces que les archéologues contemporains n'en finissent pas de découvrir. La France mène depuis de très nombreuses années une politique active de soutien à la recherche archéologique et historique dans la région ce dont votre Rapporteur spécial se félicite.

Les structures de cette politique ont évolué très récemment avec la création, le 1er janvier 2003, de l'Institut français du Proche-Orient (IFPO). Celui-ci regroupe l'Institut français d'archéologie du Proche-Orient (IFAPO), l'Institut français d'études arabes de Damas (IFEAD) et le Centre d'études et de recherches sur le Moyen-Orient contemporain (CERMOC), La création de l'IFPO n'entraîne la cessation d'aucune des activités de ces trois institutions de recherche, puisque cette création procède de la réunion de leurs activités en un organisme unique, mettant ainsi fin à une dispersion des structures nuisant à leur efficacité et générant des surcoûts.

L'IFPO a une compétence régionale. Il est, en effet, implanté au Liban, en Syrie et en Jordanie, sur les sites de Beyrouth, Damas et Amman; il a une antenne à Alep. Il a également compétence sur l'Irak et les Territoires palestiniens.

Sa création a eu pour objet de permettre une utilisation plus rationnelle des moyens existants, une meilleure coordination régionale des stratégies de recherche et de coopération, une offre d'investigation scientifique plus complète, une contribution plus soutenue à la formation à la recherche; tant pour les disciplines et les périodes traitées que pour l'extension géographique des compétences.

Au sein de l'IFPO, les directions scientifiques sont au nombre de trois:

- la direction scientifique « Préhistoire, archéologie et histoire de l'Antiquité » a pour mission de développer la recherche et la formation à la recherche en archéologie, mais aussi d'ouvrir aux autres disciplines historiques, dans un cadre chronologique qui va de la préhistoire à la conquête arabe ;

- la direction scientifique « Études médiévales, modernes et arabes » a pour mission de développer la recherche et la formation à la recherche en sciences humaines et sociales, dans un cadre chronologique qui va de la conquête arabe au début du Xème siècle.

- la direction scientifique « Études contemporaines » a pour mission de développer la recherche et la formation à la recherche en sciences sociales, dans un cadre chronologique qui va du début du XX° siècle à nos jours.

Le fonctionnement des directions scientifiques suppose une grande souplesse afin de permettre une collaboration entre elles, particulièrement dans le domaine de l'archéologie, et de susciter des recherches transversales, ce qui était parfois difficile avec le schéma organisationnel précédent.

2004 est donc la deuxième année d'existence de ce nouvel organisme qui a connu des débuts parfois difficiles, en raison de l'opposition de certains chercheurs à cette rationalisation des structures. Pour cette année, l'IFPO s'est assigné un certain nombre d'objectifs :

- Améliorer sa visibilité en poursuivant le développement des publications, en améliorant les médiathèques (cinq bibliothèques, trois cartothèques et une photothèque) qui sont absolument uniques au Proche-Orient par leur richesse et leur ancienneté mais qui souffrent d'une gestion archaïque, et en développant un site Web unique à l'IFPO.

- Renouveler le matériel informatique et archéologique qui n'est pas digne d'une institution de recherche comme l'IFPO.

- Aider à la formation à la recherche.

L'IFPO est la vitrine de la recherche française au Proche-Orient. Face à ses partenaires locaux et étrangers, l'IFPO doit afficher une forte lisibilité de ses activités de recherche, d'autant que celles-ci sont en expansion.

Votre Rapporteur spécial a pu, tant à Damas qu'à Beyrouth, constater la qualité du travail fourni par les personnels de l'IFPO et leur très forte implication dans leurs domaines respectifs. Il souhaite donc que les moyens nécessaires lui soient attribués afin de préserver et développer cet outil unique en son genre.

Au total, votre Rapporteur spécial considère que la coopération avec la Syrie offre des potentialités qui doivent être exploitées même si le niveau des moyens budgétaires au poste n'est manifestement pas à la hauteur des enjeux. Déjà, l'Agence française de développement a obtenu du gouvernement français l'autorisation d'étendre ses interventions en Syrie. Une mission exploratoire a été conduite au mois de mars qui a permis d'identifier deux axes de coopération immédiate : une assistance à la Commission d'État au Plan chargé par le Président de définir les orientations stratégiques sectorielles du prochain plan quinquennal (2006-2011) ; ensuite, le lancement d'un projet pilote dès 2004 pour tester la capacité du pays à travailler avec l'AFD.

Votre Rapporteur spécial se félicite de cette évolution mais souhaite qu'elle s'accompagne d'un effort parallèle du ministère des Affaires étrangères au profit du Poste. Une inclusion de la Syrie dans la zone de solidarité prioritaire serait un signal fort même si le niveau très bas des autorisations de programme ouvertes au profit du FSP dans le projet de loi de finances pour 2005 limite les perspectives de cette évolution.

B. LA COOPÉRATION FRANCO-LIBANAISE : PRÉSERVER LES ACQUIS

La situation de la coopération française au Liban est bien sûr très différente de celle de Syrie, pour des raisons évidentes. Le Liban est en effet le seul pays francophone de la région et il bénéficie à ce titre de moyens budgétaires très supérieurs.

Le nombre de francophones au Liban est estimé à 1 million. 49 % de la population résidente connaît la langue orale tandis que 53 % des Libanais adultes résidents connaissent le français écrit et oral à des degrés divers. Les plus importants taux de connaissance du français se rencontrent parmi les tranches jeunes de la population. Si les francophones sont majoritaires au sein des communautés confessionnelles chrétiennes à la différence des communautés confessionnelles musulmanes, la francophonie de bon niveau augmente dans toutes les communautés entre les 15-19 ans et les 30-49 ans, particulièrement dans la communauté chiite en raison d'une forte présence libanaise chiite francophone installée en Afrique. Parallèlement, on note une augmentation du taux de francophonie élémentaire dans les communautés musulmanes alors que ce même taux baisse chez les communautés chrétiennes.

Votre Rapporteur spécial note néanmoins que, si la connaissance du français est en très net progrès, celle de l'anglais l'est également. Le pays s'inscrit dans une politique de trilinguisme. Les francophones réels sont trilingues. Le danger réel réside dans le fait que la maîtrise de l'anglais à côté de celle de l'arabe puisse sembler suffisante. Un anglophone ne sera pas un bon francophone alors que l'inverse est vrai.

La population francophone est caractérisée par sa jeunesse. Il apparaît que s'il y a un francophone dans une famille, cela suffit pour que la proportion de l'usage du français dans le cadre familial double d'une génération sur l'autre. Ces observations montrent l'importance à donner à l'école et à l'apprentissage scolaire du français, mais aussi à la création d'un environnement francophone qui permette à tous de réinvestir dans la vie quotidienne ce qui a été acquis dans un cadre scolaire.

Cette situation spécifique explique que la priorité de la coopération française soit le soutien au système éducatif libanais, tant public que privé.

Pour autant, cette stratégie de coopération s'inscrit dans un contexte politique et économique particulièrement difficile qui complique fortement l'action du Poste.

1. Une situation économique extrêmement fragile

Le Liban connaît un niveau d'endettement public record dont la soutenabilité est très incertaine. Au 31 mars 2004, la dette publique libanaise atteignait 33,5 milliards de dollars US soit 183 % du PIB. Libellée à 45 % en devises étrangères (principalement en dollars, monnaie avec laquelle la livre libanaise a une parité fixe), elle est détenue à 70 % par le système financier libanais. Votre Rapporteur souhait souligner que cette situation défie toutes les règles élémentaires de l'économie financière.

Jusque-là, le Liban n'a réussi à éviter une grave crise financière que grâce à la signature, par ses principaux partenaires étrangers, au premier rang desquels figure la France, de l'accord dit de Paris I. Cet accord a été renouvelé et amplifié en novembre 2002 : promesse était faite de prêter au Liban 4 milliards de dollars à des taux préférentiels par le groupe de créanciers « Les amis du Liban ».

Depuis, 2,5 milliards de dollars ont été versés au Liban, dont 500 millions de la France. De son côté, la Banque Centrale du Liban a converti ou annulé 4,1 milliards de dollars de la dette publique interne qu'elle détenait et les banques privées libanaises ont accepté de contribuer à la restructuration de la dette publique à hauteur de 3,6 milliards de dollars.

Selon un récent rapport du FMI, le Liban a enregistré une croissance de 3 % du PIB en 2003 qui devrait atteindre 5 % en 2005. Pour autant cette croissance n'est pas due à une politique économique judicieuse mais plutôt le résultat de facteurs régionaux spécifiques : forte contribution à l'activité des habitants voisins plus pauvres de la Syrie, commerce accru avec l'Irak en dépit de la situation que connaît le pays.

Budgétairement, le déficit, qui s'est situé en moyenne à 20 % du PIB de 1999 à 2001 avant d'amorcer un repli à 14,6 % en 2003, risque d'exploser cette année puisque le projet de budget le situe à 32 % du PIB. Mise à part l'introduction réussie de la TVA, les réformes de structure n'ont pas été menées et les échéances électorales de 2004 ont encore ralenti le processus.

Des échéances importantes vont intervenir dès 2005 et il n'est pas sur que l'État libanais puisse les honorer en l'absence d'un soutien international. Or celui-ci est rendu de plus en plus incertain par la situation politique extrêmement confuse qui règne au Liban en ce moment.

Cette incertitude pèse forcément sur le climat général du pays et on constate que depuis plusieurs années, la stratégie dominante est celle de la fuite des compétences. L'absence de perspectives claires pousse beaucoup de Libanais à l'émigration. En outre, au plan universitaire, le manque de ressources budgétaires pénalise gravement le système éducatif public et l'on voit proliférer les universités privées de manière totalement désordonnée.

L'offre internationale (tant bi que multilatérale) est sans doute, et c'est un paradoxe, trop abondante pour être absorbée de manière rationnelle par un pays qui peine à formuler des demandes claires, rendant de ce fait l'analyse des besoins plus compliquée. Enfin, l'absence de coordination, au niveau de l'État, de l'action internationale favorise de fait une approche de type clientéliste extrêmement préjudiciable à toute réponse sur le long terme.

Face à une telle situation, établir des axes stratégiques n'est pas toujours aisé. C'est néanmoins ce qu'essaie de faire la coopération française.

2. Une coopération française orientée prioritairement vers la défense de la francophonie.

En 2004, la coopération au Liban aura bénéficié, en prévision, de près de 8,6 millions d'euros ainsi répartis :

- 1,367 million d'euros de subvention au Centre culturel ;

- 4,226 millions d'euros de crédits d'intervention ;

- 3 millions d'euros au titre de Fonds de solidarité prioritaire.

En effet le Liban fait partie depuis 1999 de la Zone de solidarité prioritaire et bénéficie donc, normalement, à ce titre de subventions d'investissements. Néanmoins, à ce jour, peu de projets au profit du Liban ont été acceptés par le Comité directeur du FSP. Cette inclusion dans la ZSP avait été mise en balance avec une diminution significative des crédits d'intervention. Manifestement, l'équilibre n'a pas été respecté.

Il faut néanmoins ajouter que l'AEFE conventionne six lycées français au Liban (dont cinq gérés par la Mission Laïque) et homologue 20 établissements privés scolarisant au total plus de 40.000 élèves. Le coût de ce réseau s'élève à environ 5,4 millions d'euros.

a)La coopération linguistique et éducative

S'agissant du secteur scolaire, la formation continue des enseignants est essentielle. Aussi le poste poursuit-il sa politique dirigée vers les bureaux pédagogiques des écoles privées par un nombre de stages de formation de formateurs accru par rapport à l'an passé, en particulier en province, grâce à une utilisation optimale des ressources humaines.

En direction de l'enseignement public, la coopération sera essentiellement l'affaire d'un FSP qui vise à la formation de formateurs et à l'équipement de centres de ressources. Il s'agit d'une composante d'un gros programme de la Banque Mondiale, avec laquelle le Poste collabore très étroitement pour tenter d'apporter des réponses françaises aux appels d'offre.

Un projet de FSP est par ailleurs à l'étude concernant l'enseignement technique et professionnel, selon un schéma analogue à celui de l'enseignement général: à l'intérieur d'un programme de la Banque Mondiale, composante visant à la formation de formateurs et à l'équipement documentaire.

Le budget 2004 en ce domaine est de 1,33 million d'euros.

b) Une coopération universitaire riche et diversifiée

Point fort traditionnel de l'action de la France, cette coopération a connu, depuis 1996, une rénovation en profondeur. C'est, en effet, à cette date qu'ont été mis en place quatre grands programmes qui constituent le socle actuel.À savoir :

- un partenariat avec l'Université Saint-Joseph (USJ) ;

- un programme d'appui à la recherche CDRE ;

- le lancement de l'École Supérieure des Affaires (ESA) ;

- le lancement de l'Institut Universitaire de Technologie (IUT) de Saïda.

Les moyens mobilisés via la programmation annuelle (les crédits d'intervention) sont importants (1,77 million d'euros en 2003). Ils servent essentiellement à accompagner les projets des universités francophones avec lesquelles la France travaille en partenariat avec l'Agence universitaire de la Francophonie.

Les objectifs de cette politique sont clairs : il s'agit de former une élite universitaire francophone, y compris dans les disciplines scientifiques qui délivrent un enseignement en français.

Il convient également d'assurer la présence française dans certains établissements :

- L'Université Saint Joseph, fondée à la fin du XIXème siècle est un partenaire privilégié de notre coopération universitaire. Elle accueille 7.845 étudiants (6,3 % des étudiants au Liban) et est la seule université francophone à avoir basculé, depuis la rentrée, dans le système LMD. L'USJ s'est également engagée dans une ambitieuse réflexion sur son devenir, inscrite dans un document intitulé « Plan stratégique USJ 2007 ». Elle bénéficie en 2004 d'un soutien correspondant à 720.892 euros, soit 42 % de l'enveloppe consacrée à la coopération scientifique, universitaire et de recherche). Elle constitue un vecteur éminent de notre influence au Liban grâce en particulier à l'étendue de son réseau et sa capacité à mobiliser des intervenants de très haut niveau.

- L'Université Libanaise, créée en 1953, est le seul établissement public parmi les institutions d'enseignement supérieur et accueille 70.711 étudiants (soit 56,7 % des étudiants inscrits). Notre coopération soutient cette université et un projet du FSP est destiné à renforcer les compétences en français de ses formateurs.

c) La coopération technique

Ce type de coopération dispose d'un budget de 740.828 euros. En 2004, la priorité est allée à la modernisation de l'administration libanaise et à la consolidation de l'Etat de Droit :

- l'appui à la mise en place académique de l'Ecole Nationale d'Administration du Liban ;

- l'appui à la coopération, dans le domaine de la justice, entre l'Ecole Nationale de la Magistrature et l'institut d'Etudes Judiciaires ;

- l'amplification de la formation des administrateurs civils du Parlement, en vue d'améliorer les capacités de travail de cette institution, en liaison avec le PNUD et le Sénat français ;

- la poursuite des actions de formation développées auprès de l'Institut des Finances pour la formation des hauts fonctionnaires.

La coopération technique se poursuit néanmoins dans des domaines plus traditionnels tels que :

- la santé publique, avec les hôpitaux libanais, dans une perspective d'excellence, notre soutien se fondant sur le choix d'établissements qui, par région, soient en capacité de fédérer des compétences hospitalières;

l'eau, secteur stratégique pour nos intérêts. Le FSP, qui vient de débuter, doit déboucher sur la rédaction d'un Code de l'eau (et des textes réglementaires), ainsi que sur la réorganisation et la restructuration institutionnelle de ce secteur;

Par contre, la coopération agricole est loin d'avoir produit tous ses effets dans le cadre de la mise d'un FSP d'un montant de 0,9 million d'euros.

d) la coopération artistique

La programmation 2004 dans le domaine artistique conserve son cap : le maintien au Liban d'un environnement culturel francophone vivant et attractif. Le soutien reste prioritairement orienté vers l'appui aux établissements d'enseignement artistique qui, tels l'Académie libanaise des Beaux- Arts et l'Institut d'Etudes Scéniques et Audiovisuelles, développent leurs échanges dans le cadre de conventions d'objectifs et de moyens, conclues ou renouvelées avec des établissements français.

Dans le secteur des médiathèques et du livre, fondamental pour la diffusion de notre culture, les orientations de la programmation 2004 concernent trois domaines: l'appui aux libraires francophones; le soutien au développement des bibliothèques publiques avec notamment la mise en place d'un FSP et la gestion du Programme d'Aide à la Publication en direction des éditeurs libanais.

e) la coopération audiovisuelle

Depuis la signature, en 1993, d'un accord-cadre bilatéral, la France tente d'affirmer sa présence audiovisuelle au Liban, sans grand succès. Un décalage demeure entre un enseignement secondaire et universitaire très francophone et un paysage audiovisuel qui ne l'est pas (52 % des programmes en arabe, 28 % en anglais, 20 % en français). La mise en oeuvre de l'ambitieux programme prévu avec Télé Liban est rendue aléatoire par les incertitudes qui planent sur l'avenir de l'opérateur télévisuel libanais. Néanmoins, la France a obtenu du Premier ministre la retransmission hertzienne des programmes de TV5 Orient, le temps du Sommet, de la Francophonie et un accord de principe pour examiner la relance d'une chaîne francophone de télévision (sur la base du canal 9 de Télé Liban).

3. La présence de l'AFD au Liban

Le groupe AFD a été autorisé à intervenir au Liban au cours du premier semestre de 1999, à la suite de l'intégration du pays dans la Zone de solidarité prioritaire. Il est représenté localement par une agence qui a été ouverte à Beyrouth en juin 1999.

Depuis 1999, les concours au titre de l'aide-projet accordés au Liban par le groupe ont, au total, atteint 103,5 millions d'euros. Ces concours ont été pour l'essentiel affectés au financement d'infrastructures dans les domaines de l'eau potable et du développement urbain, ainsi qu'à des appuis au secteur privé. L'AFD a par ailleurs consenti en février 2003 un prêt de 500 millions d'euros destiné à la restructuration de la dette publique au Liban, dans le cadre de Paris II.

Les principaux projets financés par l'AFD sont les uivants :

- le projet d'alimentation en eau potable de l'agglomération de Tripoli (20 millions d'euros) ;

- le programme d'urgence d'adduction d'eau pour le Liban Sud (12 millions d'euros) ;

- le projet de valorisation du patrimoine culturel et de développement urbain (12 millions d'euros). Ce projet est focalisé sur la revitalisation économique de tissus urbains de deux villes libanaises qui seront mis en valeur dans le cadre d'un programme de préservation du patrimoine culturel préparé et partiellement financé par la Banque Mondiale. Il recouvre la réalisation d'espaces publics, la création de voirie et la construction d'ouvrages d'art dans la ville de Tripoli ainsi que la mise en valeur des espaces publics autour du port de pêche de Tyr ;

- enfin, le programme d'eau et d'assainissement pour l'Établissement des Eaux du Liban Nord (30 millions d'euros).

Au total, votre Rapporteur spécial ne peut qu'approuver les orientations de la politique de coopération française au Liban. Les priorités qui ont été définies (soutien à l'enseignement scolaire et supérieur, modernisation de l'État, modernisation de l'approvisionnement en eau) semblent justes. Pour autant, on ne peut qu'être frappé par la fragilité de ces entreprises et la fragilité de nos moyens face à une présence anglo-saxonne de plus en plus maequée.

Après 15 années de guerre civile, dont les cicatrices sont encore visibles sur les immeubles de Beyrouth dès que l'on s'éloigne du centre ville, et 15 années de paix, ce pays reste extrêmement fragile. Économiquement d'abord, le niveau atteint par la dette publique la rendant difficilement soutenable ; politiquement surtout, comme l'ont prouvé les récents évènements : ce qui frappe le plus un observateur extérieur visitant le Liban, c'est l'extrême faiblesse de l'État, garant de l'unité nationale et politique. La diversité, religieuse et culturelle, du Liban fait indéniablement sa richesse mais les fossés, en particulier en termes de revenus, qui sont en train de se creuser faute d'une action résolue de l'État, sont porteurs de lourdes menaces.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du 10 novembre 2004, votre Commission a examiné les crédits de la Coopération et du développement.

Un débat a suivi l'exposé de Votre Rapporteur spécial.

M. Charles de Courson a demandé pourquoi les annulations de dettes étaient comptabilisées dans leur totalité, alors que seules les annuités devraient être prises en compte. Par ailleurs, il s'est inquiété du contrôle du Parlement sur ces annulations de dettes et sur le découvert du Trésor.

Votre Rapporteur spécial a répondu que les dettes commerciales faisaient l'objet d'annulations dans leur globalité. Le Parlement vote, en loi de finances, un plafond d'autorisation d'annulations des dettes, le transfert au découvert du Trésor s'effectue ensuite en loi de règlement. Toutefois, le peu d'intérêt que suscite généralement la discussion sur les lois de règlement rend ce contrôle quelque peu virtuel. Une problématique essentielle concerne la COFACE, principale bénéficiaire des annulations de dettes. Il faudrait examiner au plus près ces opérations et vérifier qui sont les véritables bénéficiaires des annulations.

M. Jean-Louis Dumont s'est inquiété du niveau de l'aide de la France en faveur du PNUD. Au moment où un rapport, publié par le PNUD cette année, s'ouvre aux problématiques francophones, on ne peut que regretter que l'aide française n'augmente pas. Par ailleurs, il est paradoxal que l'Agence française de développement soit financièrement bien gérée, mais que les moyens en sa faveur soient, malgré cela, en baisse.

Votre Rapporteur spécial a répondu qu'il partageait l'opinion de M. Jean-Louis Dumont à propos du PNUD, d'autant plus que la France s'est engagée à augmenter son aide financière dans un accord-cadre signé cette année. Le budget proposé pour 2005 ne respecte pas cet engagement. En revanche, s'agissant de l'Agence française de développement, il est nécessaire de bien distinguer deux volets de ses activités : celles qui relèvent d'un rôle commercial de « banquier » et celles constituant une mission de service public, c'est-à-dire l'aide publique au développement.

Le Président Pierre Méhaignerie a regretté qu'il ne soit jamais assez mis l'accent sur la fonction essentielle des coopérants techniques employés par les grandes associations. Il faut souligner l'importance du rôle de ces volontaires sur le terrain, leur nombre est sans doute insuffisant. 

Votre Rapporteur spécial s'est associé aux propos du Président et a indiqué qu'un projet de loi en cours de discussion donnerait prochainement un cadre juridique nouveau à ces volontariats de solidarité internationale. On comptait 2.506 coopérants techniques en 2002, puis 2.886 en 2004, auxquels on peut ajouter également environ 3.000 jeunes qui, chaque année, décident d'effectuer un service civil.

Après que votre Rapporteur spécial eut donné un avis défavorable, la Commission a adopté les crédits de la coopération et du développement pour 2005 et vous demande d'émettre un vote favorable à leur adoption.

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N° 1863 - annexe 3 - Rapport spécial au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2005 sur la coopération et le développement (M. Henri Emmanuelli)

1 () Audition du 5 octobre 2004 de M. Michel Barnier, ministre des Affaires étrangères, et M. Xavier Darcos, ministre délégué à la Coopération, au Développement et à la Francophonie, sur le projet de loi de finances pour 2005 devant la commission des Affaires étrangères.

2 () (i) l'éducation de base et la formation professionnelle, (ii) les soins de santé primaire et la lutte contre les grandes endémies et au premier chef la lutte contre le sida, (iii) les équipements et les infrastructures des collectivités locales, (iv) l'aménagement du territoire et la gestion des ressources naturelles.


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