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N° 3364

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 octobre 2006.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2007 (n° 3341)

TOME I

ACTION EXTÉRIEURE DE L’ÉTAT

RAYONNEMENT CULTUREL ET SCIENTIFIQUE

Par M.  Patrick BLOCHE,

Député.

___

Voir le numéro : 3363 (annexe n° 1).

INTRODUCTION 5

I.- LES CRÉDITS DU PROGRAMME « RAYONNEMENT CULTUREL ET SCIENTIFIQUE » 7

A. LES CRÉDITS POUR LA FRANCOPHONIE ET L’ACTION CULTURELLE SONT ÉCLATÉS ENTRE DIFFÉRENTES MISSIONS 8

B. LES MOYENS FINANCIERS ACCORDÉS À LA COOPÉRATION CULTURELLE ET SCIENTIFIQUE SONT INSUFFISANTS 9

II.- QUEL AVENIR POUR LES ÉCOLES FRANÇAISES À L’ÉTRANGER ? 15

A. DES ÉTABLISSEMENTS DE RECHERCHE PRESTIGIEUX HÉRITIERS D’UNE TRADITION DE PRÉSENCE FRANÇAISE À L’ÉTRANGER 15

1. L’originalité des cinq écoles françaises à l’étranger 15

2. L’École française d’Athènes : une ouverture à la modernité pour une recherche en archéologie de qualité 22

a) Une triple mission de recherche, de formation à la recherche et de diffusion du savoir scientifique 22

b) Des moyens logistiques adaptés pour une recherche de qualité 27

B. DES ACTEURS DU RAYONNEMENT CULTUREL DE LA FRANCE À L’ÉTRANGER 29

1. La valorisation du patrimoine culturel du pays hôte : l’archéologie comme vecteur d’une politique de coopération 29

2. Le développement des synergies avec les établissements du réseau culturel et les centres de recherche dépendant du ministère des affaires étrangères 31

3. Définir une stratégie commune entre le ministère des Affaires étrangères et le ministère de l’éducation nationale pour fixer des priorités de recherche à l’étranger 32

C. UNE MEILLEURE GOUVERNANCE POUR PRÉSERVER LA VOCATION DE RECHERCHE D’EXCELLENCE 32

1. Le maintien de la vocation de recherche des Établissements français à l’étranger (EFE) 33

a) Une autonomie à préserver 33

b) Des relations particulières avec les pays d’accueil 33

2. La modernisation de la gouvernance 34

3. La valorisation des travaux de recherche en intensifiant le travail en réseau 35

TRAVAUX DE LA COMMISSION 37

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 39

INTRODUCTION

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a choisi de consacrer un rapport pour avis aux crédits du programme « Rayonnement culturel et scientifique » qui est l’un des trois programmes de la mission « Action extérieure de l’Etat » pilotée par le ministère des affaires étrangères.

La partie thématique du rapport est consacrée aux cinq écoles françaises à l’étranger (EFE) – l’École française d’Athènes (EFA), l’École française de Rome, l’Institut français d’archéologie orientale du Caire (IFAO), la Casa de Vélasquez de Madrid et l’École française d’Extrême-Orient (EFEO) – et au rôle que peuvent jouer ces établissements pour le rayonnement de la culture française et à leur positionnement vis-à-vis du réseau diplomatique.

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 fixe le 10 octobre comme date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

Le rapporteur a demandé que les réponses lui parviennent le 20 septembre 2006. A cette date 35 % des réponses lui étaient parvenues. A la date butoir ce pourcentage était de 60 %.

I.- LES CRÉDITS DU PROGRAMME
« RAYONNEMENT CULTUREL ET SCIENTIFIQUE »

Le ministère des affaires étrangères contribue à trois missions, une mission ministérielle intitulée « Action extérieure de l’État » et deux missions interministérielles intitulées « Aide publique au développement » et « Médias ».

Il pilote les trois programmes de la mission « Action extérieure de l’État » dont le montant global s’élève à 2,26 milliards d’euros de crédits de paiement. Ces trois programmes sont ainsi intitulés : « Action de la France en Europe et dans le monde », « Français à l’étranger et étrangers en France » et « Rayonnement culturel et scientifique ».

Mission « Action extérieure de l’État »
Répartition des crédits de paiement par programme

(1) hors budget civil de recherche et de développement (BCRD)

Source : ministère des affaires étrangères.

Le programme « Rayonnement culturel et scientifique » (526 millions d’euros), qui fait l’objet du présent avis, permet la mise en œuvre de la coopération avec les pays développés dans les domaines culturel, audiovisuel, scientifique, technique et universitaire. L’animation de cette action est confiée aux services de coopération et d’action culturelle (SCAC). Elle s’appuie sur un réseau de 69 centres et instituts culturels français, 73 alliances françaises et 7 centres de recherche. Le programme gère aussi les crédits de l’Agence pour l’enseignement du français à l’étranger (AEFE).

Pays inclus dans le programme « Rayonnement culturel et scientifique »

1. Pays en transition :  

– pays de l’Europe centrale et orientale (PECO)/nouveaux États indépendants de l’ex-Union soviétique (NEI) : Bélarus, Bulgarie, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République slovaque, République tchèque, Roumanie, Russie, Ukraine ;

– pays en développement plus avancés : Bahamas, Brunei, Chypre, Corée du Sud, Emirats arabes unis, Israël, Koweït, Libye, Malte, Qatar, Singapour, Slovénie.

2. Pays développés : Allemagne, Andorre, Australie, Autriche, Belgique, Canada, Danemark, Espagne, États-Unis, Finlande, Grèce, Hong Kong, Irlande, Islande, Italie, Japon, Luxembourg, Monaco, Norvège, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Saint-Marin, Saint Siège, Suède, Suisse, Taiwan.

A. LES CRÉDITS POUR LA FRANCOPHONIE ET L’ACTION CULTURELLE SONT ÉCLATÉS ENTRE DIFFÉRENTES MISSIONS

Comme l’année dernière, le rapporteur tient à souligner que le périmètre actuel du programme « Rayonnement culturel et scientifique » ne lui paraît pas satisfaisant car les actions menées par la France pour encourager la diversité culturelle et promouvoir la langue française ne sont pas financées par la même mission selon qu’elles s’adressent à des pays éligibles à l’aide publique au développement telle que définie par le comité d’aide au développement de l’OCDE. Le programme « Rayonnement culturel et scientifique » ne vise que les actions de coopération et d’action culturelle à destination des pays développés ou en transition, alors que les actions au bénéfice des pays en voie de développement relèvent du programme « Solidarité à l’égard des pays en voie de développement ».

Le rapporteur se félicite en revanche que les crédits de l’Agence pour l’enseignement du français à l’étranger (AEFE) relèvent désormais du programme « Rayonnement culturel et scientifique ». Ce transfert permet une meilleure lisibilité de l’effort de la France en matière de diffusion de la culture française et de promotion de la langue française. Pour l’année scolaire 2004-2005, l’Agence a géré directement 73 établissements et a passé convention avec 184 autres établissements. Ce réseau d’établissements accueille 160 000 élèves dont 90 000 sont étrangers, ce qui prouve bien que l’AEFE a un rôle déterminant dans la diffusion de la culture française auprès des élèves étrangers qui représentent 56,2 % de l’ensemble des élèves.

Un autre paradoxe doit être relevé quant aux crédits affectés à l’audiovisuel extérieur. Le rapporteur déplore que ces crédits soient désormais rattachés à la mission interministérielle « Médias », les crédits relevant de l’audiovisuel extérieur étant sous la responsabilité du ministère des affaires étrangères tandis ceux consacrés à la chaîne d’information internationale sont sous la responsabilité du Premier ministre.

Le projet de loi de finances pour 2007 prévoit ainsi de consacrer 70 millions d’euros pour permettre la diffusion de la chaîne internationale désormais intitulée « France 24 », tandis que les crédits pour l’audiovisuel extérieur devraient être maintenus à 160 millions d’euros.

Le rapporteur ne comprend pas la justification du traitement particulier réservé à la chaîne d’information internationale. Cet éclatement des moyens consacrés à l’audiovisuel extérieur n’incitera pas à une mutualisation des apports des différents opérateurs intervenant à l’international et risque même de créer une concurrence entre opérateurs financés sur des fonds publics et visant les mêmes publics (cas par exemple de TV5 et de France 24).

B. LES MOYENS FINANCIERS ACCORDÉS À LA COOPÉRATION CULTURELLE ET SCIENTIFIQUE SONT INSUFFISANTS

Même s’il est délicat de procéder à des comparaisons entre les crédits de la loi de finances initiale de 2006 et ceux inscrits dans le projet de loi de finances pour 2007 du fait du changement de périmètre du programme, il semble important au rapporteur de rappeler le montant des principaux postes de dépenses.

Programme « Rayonnement culturel et scientifique »

(en euros)

 

LFI 2006

PLF 2007

Programme 185 :
Rayonnement culturel et scientifique

Titre 2
Dépenses de personnel

Autres titres

Titre 2
Dépenses de personnel

Autres titres

Action 1 : Animation du réseau

16 274 041

3 672 000

19 364 378

2 762 000

Action 2 : Langue et culture française, diversité linguistique et culturelle

52 998 455

57 136 600

50 915  789

57 679 508

Sous-action 21 : Création et industries culturelles

 

8 288 138

 

8 288 138

Sous-action 22 : Langue française

 

27 394 714

 

27 394 714

Sous-action 23 : Animer un réseau d’établissements

 

21 453 748

 

21 997 456

Action 3 : Audiovisuel extérieur (les crédits de cette action figurent désormais dans la mission « Médias »)

Action 4 : Renforcement des échanges scientifiques, techniques et culturels

19 790 232

43 482 000

19 594 414

43 476 000

Sous-action 41 : Renforcer l’attractivité du territoire

 

20 962 000

 

20 956 000

Sous-action 42 : Valoriser la science française

 

14 415 000

 

14 415 000

Sous-action 43 : Contribuer à la gouvernance et aux échanges techniques

 

8 105 000

 

8 105 000

Action 5 : Service public d’enseignement à l’étranger

 

324 300 000

0

332 569 193

Total par titre

89 062 728

428 590 600

89 874 581

436 486 701

Total général Programme 185

517 653 328

526 361 282

Source : ministère des affaires étrangères

Hors masse salariale les crédits du programme progressent de 1,6 %. Quant aux dépenses en personnel elles devraient passer de 89 à 89,9 millions d’euros, soit une progression de 9,4 %.

Selon les normes fixées par la loi organique relative aux lois de finances, les crédits ouverts sur le titre 2 des dépenses de personnel sont assortis de plafonds d’autorisation d’emplois rémunérés par l’État. Ces plafonds se substituent aux emplois budgétaires de l’ordonnance organique de 1959 et encadrent l’emploi de tous les personnels rémunérés par l’État, quel que soit leur statut. Ils sont exprimés en équivalent temps plein annuel travaillé (ETPT), ce qui signifie qu’un agent est comptabilisé au prorata de ses horaires de travail (temps partiel, temps plein, etc.) et de sa durée de travail dans l’année (en fonction de la date du recrutement, par exemple). Tous les personnels sont décomptés selon cette même modalité, y compris les agents occasionnels ou saisonniers.

Plafond des emplois autorisés dans la loi de finances initiale pour 2006

Programme

G 1 *

G 2 *

G 3 *

G 4 *

G 5 *

Total

185

Rayonnement culturel et scientifique

94

60

971

0

246

1 371

Total des emplois par le ministère

3 431

2 819

4 059

831

5 580

16 720


Plafond des emplois autorisés dans le projet de loi de finances pour 2007

Programme

G 1 *

G 2 *

G 3 *

G 4 *

G 5 *

Total

185

Rayonnement culturel et scientifique

94

60

950

0

246

1 350

Total des emplois par le ministère

3 402

2 838

3 902

780

5 541

16 463

* G 1 : titulaires et contrats à durée indéterminée (CDI) de l’administration centrale
G 2 : titulaires et CDI à l’étranger
G 3 : contractuels contrats à durée déterminée (CDD) et VI
G 4 : militaires hors budget
G 5 : recruté locaux

L’information essentielle à retenir pour le programme « Rayonnement culturel et scientifique » est la suppression de 21 emplois équivalent temps plein lié à une diminution des emplois contractuels. Comme l’année dernière, le rapporteur déplore que les moyens accordés pour la promotion de la culture française et en faveur de la diversité culturelle et linguistique ne soient pas à la hauteur des ambitions affichées. Il constate avec regret que les objectifs du gouvernement à travers le programme relatif au rayonnement culturel et scientifique sont en contradiction avec les moyens alloués pour traduire concrètement ces objectifs par des actions de terrain.

Objectifs du programme « Rayonnement culturel et scientifique »

« Le programme 185 concerne les pays développés, en particulier nos partenaires de l’Union européenne et du G8.

Il vise à permettre à la France de rayonner dans une zone vitale en matière d’attractivité, d’influence et de recherche. C’est là, en effet, que s’élabore la science du XXIè, qu’œuvrent nombre des étudiants et des chercheurs dont nos établissements et notre économie ont besoin, que se cristallisent les idées qui orientent la gouvernance mondiale, que se trouvent les institutions et les publics qui constituent l’aire naturelle de la créativité française, que se joue la position du français en tant que langue internationale et surtout européenne, et que le mode français de gouvernance peut influencer les pratiques judiciaires, sécuritaires ou administratives qui fondent les sociétés modernes, en particulier dans les nouveaux États membres de l’Union européenne et les pays de son voisin oriental.

Ces enjeux motivent les axes essentiels du programme 185 :

– Renforcer l’attractivité de l’enseignement supérieur : suite aux Séminaires gouvernementaux sur l’attractivité de la France de 2005 et de 2006, encourager la mobilité entrante et sortante des étudiants dans les disciplines prioritaires, rééquilibrer les flux en notre faveur (la France attire deux fois moins d’étudiants européens que l’Allemagne et trois fois moins que le Royaume-Uni) et former ainsi les décideurs de demain.

– Insérer la recherche française là où se décide l’avenir de la science : placer les laboratoires français au cœur des réseaux en pointe sur les sciences du vivant, les nanotechnologies et sciences pluridisciplinaires, et associer les entreprises et pôles de compétitivité aux actions menées, sur le modèle des partenariats noués avec le Japon.

– Etablir la créativité culturelle et intellectuelle française comme une référence mondiale : faire de nos partenaires les diffuseurs de notre création et de nos industries culturelles et organiser avec eux le débat d’idées sur les thèmes transversaux à nos sociétés (immigration, bioéthique, laïcité, etc.).

– Repositionner le français comme une langue européenne et internationale : dans le cadre du plan d’action pour le français, former les élites politiques et médiatiques de l’Europe élargie à la pratique du français, aider nos partenaires à former leurs enseignants et agir envers nos publics cibles (hauts fonctionnaires, étudiants et chercheurs, relais d’opinion).

– Diffuser le modèle français de gouvernance auprès des nouveaux membres de l’Union européenne et des candidats à l’adhésion : coopérer dans les domaines de la justice, de l’administration et de la sécurité, en mobilisant les collectivités locales et les organisations non gouvernementales, françaises et étrangères, et en s’appuyant sur les ressources communautaires.

Il vise également à assurer le service public d’enseignement français à l’étranger, conformément aux missions que le code de l’éducation (ordonnance du 13 mai 2005) a fixé à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE).

Source : ministère des affaires étrangères

Quelques exemples permettent de mesurer l’ampleur de ce décalage.

 L’Agence pour l’enseignement français à l’étranger

L’attention du rapporteur a tout d’abord été attirée sur la situation difficile de l’Agence pour l’enseignement du français à l’étranger (AEFE).

Apparemment la situation financière de cet établissement s’améliore puisque ses crédits vont augmenter de 8 millions par rapport à la loi de finances initiale pour 2006. Cette revalorisation budgétaire devrait servir à augmenter la dotation pour les bourses scolaires à hauteur de 4,6 millions d’euros afin de compenser l’augmentation des frais de scolarité. L’autre partie des crédits majorés servira à financer l’évolution indiciaire des personnels employés par l’agence soit un montant évalué à 3,4 millions d’euros.

En réalité, la situation de l’AEFE est beaucoup plus préoccupante et ce sont les familles qui supportent l’essentiel du coût du désengagement de l’État.

En 2006, les crédits publics affectés à l’AEFE sont en diminution, passant de 325 millions d’euros en 2005 à 323 millions d’euros en 2006 contre 322 millions d’euros en 2004, tandis que les dépenses de cet établissement public sont en constante augmentation. De plus, l’AEFE a reçu des compétences directes sur son parc immobilier et aucune dotation n’est prévue à ce titre ; il faudra donc prélever les crédits nécessaires sur le fonds de roulement.

M. Michel Laurencin, président de la Fédération des professeurs de français résidant à l’étranger, souligne qu’il est intéressant d’établir une comparaison entre le coût, pour l’État, de la scolarisation d’un élève français en France et de la scolarisation d’un élève français à l’étranger, y compris les bourses scolaires.

Le constat est instructif : en maternelle, le coût annuel est de 4 160 euros en France contre 2 102 euros à l’étranger ; en primaire, de 4 480 euros contre 2 173 euros ; en collège, de 7 100 euros contre 2 598 d’euros ; en lycée, 8 400 euros contre 3 036 euros. En moyenne, la scolarisation d’un élève français de l’AEFE représente pour l’État environ 41 % du coût généré par une scolarisation en France. Dans ces conditions, que doit-on penser des engagements souscrits depuis plusieurs années déjà par deux présidents de la République successifs tendant à établir l’égalité entre les Français de France et les Français à l’étranger ? Le respect du principe d’égalité supposerait que les crédits publics pour l’enseignement français à l’étranger soient portés à 790 millions d’euros au lieu des 323 millions d’euros dont il dispose actuellement !

En 1990, lors de la création de l’AEFE, la part de l’État dans le financement de cet établissement public était de 60 % ; elle ne représente plus que 40 % actuellement. Le financement est donc assuré très majoritairement par les parents d’élèves, à hauteur de 60 %. On constate une augmentation progressive de la participation des familles aux dépenses de rémunération des personnels résidents, qui compense la faible évolution de la participation de l’État. Celle-ci a progressé, de 1995 à 2002, de 46,42 millions d’euros, soit + 17 % en 8 ans et + 2,17 % en moyenne annuelle, ce qui couvre mal l’inflation et les effets de change. En fait, il n’y a pas eu de croissance de la subvention en sept ans. En comparaison, entre 1990 et 2000, la participation financière de l’État a augmenté de 67 % tandis que celle des parents d’élèves a progressé de 190 % !

Le rapporteur souhaiterait d’ailleurs que le ministre des affaires étrangères donne des précisions sur les moyens dont dispose l’AEFE pour entretenir son patrimoine immobilier et moderniser ses établissements. Il semblerait que des projets existent pour chercher des financements privés pour assurer certains travaux immobiliers : qu’en est-il exactement ?

 La politique de coopération actuelle, scientifique et technique

Le rapporteur s’alarme aussi de l’évolution la politique de coopération culturelle, scientifique et technique. Le nombre de coopérants civils est passé de 23 000 en 1980 à 9 100 en 1990 et 1 300 en 2005. La fin de la coopération dite de substitution au profit de la coopération dite par projets, puis d’une coopération dite de missions de courte durée ne semble être que la traduction du désengagement de l’État. À qui fera-t-on croire qu’une mission de courte durée, sur une année seulement, est de nature à sécuriser de véritables programmes d’assistanat technique ?

La limitation de la durée du contrat, alors que la durée moyenne d’exécution des projets est supérieure, conduit au départ d’assistants techniques en cours de projet, ce qui suscite l’incompréhension des autorités locales et la frustration des intéressés. La baisse des effectifs d’assistants est perçue à l’étranger comme un déclin de la place et de l’aide de la France.

● Les établissements culturels

La situation des établissements culturels ne porte pas non plus à l’optimisme sur le dynamisme de la présence française à l’étranger. Sous couvert de rationaliser le réseau culturel, il n’en demeure pas moins que 19 centres culturels ont été fermés de 2000 à 2006 et que ce mouvement va se renforcer, l’objectif étant par ailleurs d’obtenir un taux d’autofinancement des établissements de 60 % d’ici 2010 contre 51,1 % actuellement.

Les crédits de fonctionnement consacrés aux centres culturels sont d’ailleurs en baisse dans le projet de loi de finances pour 2007 : ils devraient atteindre 17 millions d’euros alors que l’année précédente ce montant était de 17,36 millions d’euros.

 L’accueil des étudiants étrangers dans les universités françaises

Le rapporteur voudrait aussi attirer l’attention du ministre sur les contradictions de la politique menée pour renforcer l’attractivité des universités française à l’étranger. En fait de multiples signaux sont envoyés aux jeunes étrangers pour les dissuader de venir s’instruire en France. La crainte de l’immigration clandestine conduit à une politique très restrictive dans l’octroi des visas et la complexité des formalités administratives est tout à fait dissuasive.

Contrairement au discours officiel du ministère des affaires étrangères, qui présente le développement des centres pour les études en France (CEF) comme un nouveau dispositif de guichet unique, facilitant les démarches pour les étudiants étrangers désireux de venir étudier en France, leur mise en place se traduit par une rigueur nouvelle pour obtenir un visa.

L’attention du rapporteur a été attirée sur la situation des étudiants qui veulent venir en France pour apprendre le français pour une durée supérieure à trois mois. Ils doivent justifier d’un projet d’études ou d’une inscription dans un cursus d’études supérieures. Les étudiants étrangers qui souhaitent venir en France pour suivre uns scolarité de quelques mois dans les centres de « français langue étrangère » ne répondent pas aux critères d’obtention des visas et sont donc dans l’impossibilité de venir apprendre le français en France, ce qui à terme ne joue pas en faveur de notre langue et de nos universités.

Il convient aussi de souligner la stabilité des crédits consacrés aux bourses qui plafonnent toujours à 18,4 millions d’euros. Ces quelques données permettent de nuancer les grandes déclarations du gouvernement relatives à l’attractivité des universités françaises pour les étudiants étrangers.

II.- QUEL AVENIR POUR LES ÉCOLES FRANÇAISES
À L’ÉTRANGER ?

A. DES ÉTABLISSEMENTS DE RECHERCHE PRESTIGIEUX HÉRITIERS D’UNE TRADITION DE PRÉSENCE FRANÇAISE À L’ÉTRANGER

1. L’originalité des cinq écoles françaises à l’étranger

La France est le premier pays à avoir développé à l’étranger, depuis plus d’un siècle, un réseau d’institutions culturelles diverses qui constituent de puissants relais des actions de coopération.

Ce réseau comprend 151 centres et instituts culturels, plus d’un millier d’alliances françaises, dont 283 bénéficiant du soutien du ministère des affaires étrangères, 27 instituts de recherche et, enfin, des organismes spécifiques dont la mission première est d’être des centres de recherche de haut niveau : les cinq Écoles françaises à l’étranger (EFE). Ce réseau culturel touche un vaste public par l’intermédiaire des bibliothèques et médiathèques.

Après avoir présenté ces cinq établissements, les caractéristiques de leur statut seront présentées. Une présentation plus détaillée sera faite de l’École française d’Athènes pour rendre compte du déplacement qu’y a effectué le rapporteur début septembre 2006.

● L’École française d’Athènes (EFA)

Fondée par ordonnance royale de Louis-Philippe en 1846, comme « École de perfectionnement pour l’étude de la langue, de l’histoire et des antiquités grecques », il s’agit du plus ancien établissement scientifique français à l’étranger et du premier institut archéologique établi à Athènes.

L’EFA se présente aujourd’hui comme un grand laboratoire de recherche, qui compte une cinquantaine de personnes employées en permanence dans ses différents services, et auquel est associée une centaine de chercheurs. Elle est ouverte à tous ceux dont le travail nécessite un séjour en Grèce et reçoit plus de trois cents hôtes par an. Stratégique pour l’étude du monde hellénique et du rayonnement de la culture antique, par ses programmes propres ou en collaboration avec le ministère des affaires étrangères et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), elle anime l’essentiel des recherches françaises sur la Grèce.

● L’École française de Rome

Elle partage depuis 1875 le Palais Farnèse avec l’ambassade de France auprès du Quirinal, au cœur de Rome. Depuis 1966, elle s’est dotée d’un deuxième pôle, Piazza Navona, dans un immeuble qui abrite le secrétariat général, l’agence comptable, la direction des publications et les services archéologiques. L’École française de Rome a depuis lors pour mission de développer la recherche et la formation à la recherche sur toutes les civilisations qui se sont succédé en Italie, au Maghreb et sur la façade adriatique des Balkans, de la préhistoire à nos jours. Sa vocation centrale est constituée par l’histoire et l’archéologie. Mais, depuis sa création, l’École n’a cessé d’évoluer : elle fait largement appel à toutes les disciplines voisines, de la philologie à l’histoire du droit, et s’est ouverte aux sciences sociales.

Ses activités s’organisent selon sept programmes, axes prioritaires de l’action de l’école pour les années 2004-2007 :

– les études urbaines, c’est-à-dire l’étude de l’urbanisme romain, mais aussi les caractéristiques des villes médiévales, le champ d’étude étant plus large que l’Italie et s’étendant au Maghreb et aux Balkans ;

– le droit et le pouvoir, qui rassemble des juristes et des historiens pour étudier notamment le droit du sol ;

– l’Italie et Méditerranée, qui vise à étudier les échanges économiques et migratoires entre l’Italie et le bassin méditerranéen de l’antiquité à nos jours ;

– les territoires, identités et frontières, pour l’étude des identités régionales ;

– les innovations techniques et rythmes les économiques, notamment pour poursuivre les études déjà menées par l’école sur les techniques d’approvisionnement en eau des villes italiennes ;

– le fait religieux, pratiques et rites, aussi bien pour les religions antiques que pour la Rome pontificale ;

– la transmission des savoirs, pour réfléchir à ce que l’École doit essayer de diffuser de sa recherche : est-il possible et souhaitable de vulgariser des travaux d’érudition ?

Cet établissement a un rayonnement sur tout le bassin méditerranéen, avec notamment des chantiers de fouilles au Maghreb et dans les Balkans. Il a cherché à nouer des coopérations intéressantes avec d’autres laboratoires de recherche français et tout particulièrement depuis la création du centre Jean Bérard à Naples, qui a organisé une coopération avec le CNRS en créant un centre de documentation et de recherches historiques sur l’Italie méridionale qui travaille avec les universités italiennes du sud de l’Italie le ministère des affaires étrangères français et les surintendances archéologiques italiennes (programme sur l’artisanat antique à Pompéi, programme sur la topographie de Paestum). Cette coopération est exemplaire des synergies qui peuvent exister entre l’École française de Rome, le ministère des affaires étrangères qui subventionne les travaux de fouilles et une collaboration scientifique avec les universités italiennes et françaises.

L’École française de Rome a aussi un fonds documentaire très important et sa bibliothèque est riche de deux cent mille volumes.

 L’Institut Français d’archéologie orientale du Caire (IFAO)

Le 28 décembre 1880, un décret inspiré par Gaston Maspero et signé par Jules Ferry instituait la Mission permanente au Caire. Homologue en Égypte des Écoles d’Athènes et de Rome, ce nouvel organisme de recherche reçut le nom d’École du Caire. En 1898, elle prit la dénomination d’Institut français d’archéologie orientale, afin de traduire une vocation proche-orientale dépassant le seul cadre de l’Egypte. Dès sa création, trois sections avaient été distinguées : la première avait pour objet l’archéologie et la philologie égyptienne ; la seconde devait étudier l’Orient ancien « non égyptien » (Phénicie, Judée, Arabie, Mésopotamie, Perse) ; la troisième s’intéressait à l’histoire de l’art de façon plus générale. Ces lignes de recherche sont encore perceptibles dans les orientations actuelles de l’institut, qui poursuit l’étude de toutes les civilisations qui se sont succédées sur le sol égyptien depuis la préhistoire jusqu’à la période arabo-islamique.

Installé depuis 1907 dans une ancienne résidence princière, le Palais Mounira, l’IFAO a été entièrement rénové et modernisé dans les années 90. Il accueille et loge des scientifiques, boursiers et stagiaires dans les domaines de l’égyptologie, des études hellénistiques et papyrologiques, des études coptes et arabes. Il associe également à ses travaux des chercheurs et universitaires égyptiens. La variété de ces recherches ouvre des perspectives qui dépassent les frontières de l’Égypte, de l’espace méditerranéen à la mosaïque proche orientale. L’institut possède une bibliothèque, qui compte plus de 80 000 volumes, et un service d’archives où est conservé un très riche fonds de photographies, de cartes et de plans.

L’archéologie reste la vocation première de l’IFAO, qui organise ses propres fouilles dans une trentaine de chantiers. Un atelier de dessin, et des services de photographie, de topographie et d’informatique permettent d’assurer la documentation et l’archivage des travaux en cours. Afin de pouvoir satisfaire la demande de conservation des sites et du matériel archéologique, l’IFAO possède son propre laboratoire de restauration. En collaboration avec le Conseil suprême des antiquités de l’Égypte, cet atelier assure le suivi technique des activités du laboratoire des métaux d’Alexandrie. Dans le cadre d’un projet subventionné par la Communauté européenne, il est engagé dans une recherche fondamentale sur les matériaux archéologiques (tout particulièrement les métaux) avec des partenaires égyptiens et européens.

En 2006 a été ouvert au sein de l’établissement un laboratoire de datation par le radiocarbone, ce qui constitue une avancée considérable car ce type de laboratoire n’existait pas en Égypte. L’ouverture de ce laboratoire a été l’occasion d’un rapprochement très intéressant entre le poste d’ambassade du Caire, l’établissement et les autorités d’administration centrale car ce projet de grande ampleur a nécessité un montage financier complexe et de longues négociations entre les autorités politiques des deux pays et les autorités communautaires qui ont accordé des crédits.

 L’École française d’Extrême-Orient (EFEO)

L’EFEO a pour mission le développement de la recherche et de la formation à la recherche, principalement par le travail sur le terrain dans toutes les disciplines qui se rapportent aux civilisations de l’Asie, principalement de l’Asie du Sud, du Sud-Est et de l’Est. La particularité de cet établissement est d’avoir son siège à Paris mais seize implantations à travers toute l’Asie et l’Extrême-Orient. L’école regroupe actuellement quarante-deux chercheurs orientalistes (anthropologues, archéologues, architectes, historiens, historiens de l’art, linguistes, philologues et spécialistes d’épigraphie).

L’EFEO est attachée à l’étude des sources (archéologiques, écrites ou orales) et exige de ses chercheurs la connaissance des langues vernaculaires écrites ou parlées. Ses chercheurs travaillent dans le cadre d’accords de coopération avec les institutions locales (ministères, universités, centres de recherche) et participent à la formation de jeunes chercheurs dans les pays concernés et d’échanges avec les universitaires et les spécialistes du champ. L’EFEO organise des rencontres internationales et participe à l’organisation de colloques et de séminaires de travail dans les domaines qui relèvent de sa spécialité. Elle publie aussi des travaux de recherche de ses membres et peut aider, le cas échéant, à la publication des travaux universitaires.

L’histoire de l’École française d’Extrême-Orient est exemplaire d’une capacité à s’adapter malgré la violence des crises politiques auxquelles elle a été confrontée. La décolonisation contraint ainsi l’EFEO à quitter Hanoi en 1957 et le Cambodge en 1972. Son siège central s’installe alors à Paris en 1968, dans l’immeuble de la Maison d’Asie, 22, avenue du Président Wilson. L’EFEO modifie alors son type d’implantation. Un centre permanent est ouvert à Pondichéry en Inde, dès 1955, chargé de recherches en histoire et en indologie. Á Jakarta, un autre centre permanent fonctionne depuis la fin des années 1950 et accueille aussi bien des spécialistes d’épigraphie religieuse que des archéologues, tandis qu’est créé à Kyoto, en 1968, l’institut de Hôbôgirin, où des spécialistes de l’histoire du bouddhisme sont installés dans une dépendance du grand temple zen du Shôkikuji. De même, un centre de rechercher pour l’étude des textes anciens du bouddhisme de la région est ouvert en 1975 à Chiang Mai, dans le nord de la Thaïlande.

Plus récemment, en 1987, une antenne a été créée à Kuala Lumpur, puis en 1989 à Hongkong, où l’école est accueillie par l’université chinoise. Au Cambodge, l’EFEO a rouvert un centre à Phnom Penh en 1990, puis repris les activités qu’elle menait précédemment sur le vaste complexe d’Angkor. Parallèlement, en 1993, une convention signée avec les autorités laotiennes permettait l’ouverture d’un centre permanent à Vientiane et un accord avec les autorités vietnamiennes se traduisait par la réouverture d’un centre à Hanoi. Confirmant sa présence en Chine, l’école a créé en 1992 un centre à Taiei, au sein même de l’Academia Sinica, puis en 1997 à Pékin, à l’Institut d’histoire des sciences. En 1994, deux antennes étaient créées en outre à Tokyo, au sein du grand institut qu’est le Tôyô Bunko, et à Séoul.

 La Casa de Velazquez de Madrid

En 1909 a été ouverte à Madrid une École des hautes études hispaniques, création de l’université de Bordeaux destinée à accueillir de jeunes chercheurs français. En 1916, Charles-Marie Widor, secrétaire perpétuel de l’Académie des beaux-arts, exprima le vœu que des artistes français puissent compléter leur formation en Espagne comme ils le faisaient depuis longtemps à la Villa Medicis de Rome. L’idée plut au roi Alphonse XIII qui choisit lui-même, dans ce qui allait devenir la cité universitaire de Madrid, un terrain de 20 000 m2 cédé à la France en usufruit à condition qu’y fût construite une résidence à l’intention de ses artistes et de ses chercheurs. On appelle ce palais la Casa de Velázquez parce que, selon la légende, c’est sur cet emplacement, en face de la Sierra de Guadarrama, que le peintre aimait installer son chevalet.

Les premiers bâtiments furent inaugurés en 1928. La Casa se trouvait en première ligne dans la bataille de Madrid et fut entièrement détruite en novembre 1936. Artistes et hispanistes s’installèrent d’abord à Fès, au Maroc, puis à partir de 1940, de nouveau à Madrid, jusqu’à la reconstruction de la Casa, en 1958. Réouverte à ses membres et aux chercheurs en 1959, elle a fêté en 2003 son soixante-quinzième anniversaire.

La particularité de la Casa Velasquez est d’être organisée en deux sections : une scientifique pour accueillir des chercheurs hispanisants et une artistique pour accueillir des artistes. Elle a pour mission de développer les activités créatrices et les recherches relatives aux arts, aux langues, aux littératures et aux civilisations de l’Espagne et du monde ibérique, de contribuer à la formation d’enseignants-chercheurs, d’artistes et de participer au développement des échanges artistiques et scientifiques entre la France et les pays ibériques.

Elle accueille, le plus souvent pour deux ans, au sein de l’École des hautes études hispaniques (section scientifique), dix-huit chercheurs (archéologues, historiens, géographes, littéraires, linguistes, sociologues, économistes). Elle reçoit parallèlement, dans sa section artistique, treize artistes (peintres, sculpteurs, graveurs, architectes, compositeurs, cinéastes, photographes), auxquels viennent s’ajouter deux boursiers de grandes villes espagnoles. Elle héberge également des boursiers de court séjour (chercheurs et artistes) et des hôtes de passage. Elle met en œuvre, chaque année, un programme de manifestations scientifiques et artistiques. Compte tenu de son histoire et du rôle joué par le roi Alphonse XIII, la Casa Velasquez n’est pas considérée par les autorités espagnoles comme une institution étrangère. Elle fait partie intégrante du paysage culturel espagnol et jouit d’un prestige considérable en Espagne. C’est sans nul doute l’établissement qui jouit de la plus grande notoriété auprès du pays hôte, notamment en raison des multiples événements culturels qu’elle organise et qui sont ouverts à un large public. En cela elle est dans une situation très différente de l’École française d’Athènes, par exemple, qui a plutôt une image d’érudition auprès du public grec.

Comme on l’a vu, les cinq Écoles françaises à l’étranger constituent des pôles d’attraction pour les chercheurs du monde entier et jouent un rôle fondamental dans leurs champs disciplinaires. La densité des implantations culturelles et scientifiques françaises à travers le monde reste un atout pour la France.

 Des statuts similaires

Les cinq écoles françaises à l’étranger (EFE) ont une vocation originale qui est d’abord de réaliser des travaux de recherche de haut niveau dans le domaine des sciences humaines et plus particulièrement dans les disciplines liées à l’archéologie. C’est la raison pour laquelle ces établissements sont placés sous la tutelle du ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche et ont le statut juridique d’établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP). La loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 sur l’enseignement supérieur prévoit en son article 37 que des décrets en Conseil d’État fixent les règles particulières d’organisation et de fonctionnement de ces cinq établissements.

Malgré certains particularismes, ces cinq établissements sont organisés selon le même schéma : ils ont à leur tête une double structure de direction. Ils sont dirigés par un directeur nommé par décret, après avis du conseil d’administration, sur présentation de deux listes de candidats établies l’une par l’Académie des inscriptions et des belles-lettres et l’autre par une commission ad hoc constituée des membres du Conseil supérieur des universités. Le mandat du directeur est de cinq ans, un directeur ne pouvant exercer plus de deux mandats consécutifs.

Pour diriger l’établissement le directeur est assisté d’un conseil d’administration et d’un conseil scientifique. Le conseil d’administration délibère sur le fonctionnement général de l’établissement tandis que le conseil scientifique assiste le directeur pour définir la politique scientifique de l’établissement, les programmes de recherche et le profil des chercheurs susceptibles d’être recrutés ou invités à venir mener leurs travaux dans l’établissement. Le conseil scientifique comprend des personnalités scientifiques nommées par le ministre chargé des universités et des membres de droit parmi lesquels figurent le directeur chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche du ministère de l’éducation nationale, un représentant de direction des relations culturelles du ministère des affaires étrangères, un représentant du CNRS, des personnalités scientifiques proposés par l’Académie des inscriptions des belles-lettres.

Une des particularités dans l’organisation de ces établissements est que, même s’ils disposent d’une autonomie juridique et financière, leur conseil d’administration comme leur conseil scientifique sont présidés par un représentant de la direction chargé de l’enseignement supérieur.

Au plan budgétaire, ces cinq établissements sont financés essentiellement sur les crédits du programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » de la mission interministérielle  « Recherche et enseignement supérieur » (action n° 11 Recherche universitaire en sciences de l’homme et de la société). Le projet de loi de finances pour 2007 prévoit 20,5 millions d’euros pour la rémunération des personnels titulaires au nombre de 184 et des personnels locaux évalués à 350. Les moyens de fonctionnement de ces établissements représentent un montant de crédits de 32,8 millions d’euros pour 2007, alors qu’ils atteignaient 32,4 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2006.

Les moyens matériels et humains accordés à ces établissements font l’objet d’une négociation dans le cadre du contrat quadriennal qui lie chaque établissement à l’État et dans lesquels sont définis les objectifs de la politique scientifique de ces établissements ainsi que les moyens nécessaires pour atteindre les objectifs de recherche fixés.

Si ces établissements sont similaires quant à leur statut juridique et à leur financement, ils ont en revanche des spécificités quant à leur politique d’accueil des chercheurs. C’est ainsi que l’École française d’Extrême-Orient dispose d’enseignants chercheurs, alors que l’Institut français d’archéologie orientale n’en dispose pas. Toutefois, ces cinq établissements ont une politique commune d’encouragement à la recherche qui comporte trois composantes :

– Tout d’abord, le recrutement sur concours des « membres » de l’école qui vise à permettre à des jeunes chercheurs titulaires d’une agrégation, ou ayant justifié de titres scientifiques jugés comme équivalents, de mener un travail de recherche qui nécessite leur présence sur les chantiers de fouilles gérés par l’établissement. Ce travail de recherche est d’une durée maximale de quatre ans, durant laquelle ils perçoivent une rémunération. En contrepartie, ils s’engagent à rendre compte régulièrement de l’avancée de leurs travaux notamment auprès de l’Académie des inscriptions et belles lettres. La procédure de recrutement des membres est assurée par une commission d’admission composée du directeur de l’école, d’académiciens et de professeurs d’universités désignés chaque année par le ministre chargé des universités.

– Ensuite, le soutien financier à des jeunes chercheurs par l’attribution de bourses pour financer des missions ponctuelles sur les sites de fouilles ou mener des recherches sur des archives localisées dans le pays hôte (l’École française de Rome accorde des bourses pour les chercheurs devant avoir accès aux archives vaticanes). La durée de séjour est en moyenne de deux mois et est indemnisée à hauteur de 700 euros par mois pour l’école française de Rome et de 850 euros pour l’Institut français d’archéologie orientale. Ces bourses sont essentiellement attribuées aux étudiants préparant une thèse.

– Enfin, l’accueil de chercheurs avec des conditions privilégiées pour l’hébergement et l’utilisation de la logistique des chantiers de fouilles. Cette fonction est très importante pour tous les laboratoires de recherche français qui, sans cet appui logistique des établissements, ne disposeraient pas de moyens financiers suffisants pour assurer l’organisation d’un chantier de fouilles et financer l’hébergement des chercheurs.

2. L’École française d’Athènes : une ouverture à la modernité pour une recherche en archéologie de qualité

a) Une triple mission de recherche, de formation à la recherche et de diffusion du savoir scientifique

Aux termes du décret n° 85-1068 du 26 septembre 1985, relatif aux statuts de l’école, l’EFA « a pour mission fondamentale la recherche et la formation à la recherche dans toutes les disciplines se rapportant à la Grèce antique et byzantine. Elle a également vocation à s’ouvrir aux divers aspects de la civilisation du monde hellénique ancien, médiéval, moderne et contemporain. Elle est un lieu d’échanges entre les chercheurs spécialistes de ces questions. Elle assure la diffusion de ses recherches. Elle contribue au développement des échanges et de la collaboration scientifique entre la France et la Grèce dans les domaines qui relèvent de sa compétence ». D’abord créée pour l’étude de l’Antiquité, depuis la préhistoire jusqu’à l’époque byzantine, l’École française d’Athènes a donc étendu depuis 1985 son champ chronologique jusqu’aux époques moderne et contemporaine.

 La recherche en archéologie, vocation première de l’École

L’histoire de l’École française d’Athènes est parallèle à la naissance et à l’épanouissement de l’archéologie grecque. Elle s’est essentiellement identifiée, à partir des années 1870, aux fouilles de grands sites de la Grèce. En effet, le gouvernement grec a confié aux Français la responsabilité scientifique de chantiers prestigieux ouverts au XIXè siècle ou au début du XXè siècle et toujours en activité.

Pour retenir les principaux d’entre eux, on mentionnera par ordre d’« ouverture » en Grèce :

– À Délos, les fouilles ont commencé en 1873, mais n’ont pris un caractère systématique qu’entre 1904 et 1914, grâce à une donation du duc de Loubat. A ainsi été mis au jour un sanctuaire panhellénique très fréquenté, où voisinent les cultes d’Apollon, d’Artémis et des dieux étrangers, ainsi qu’une ville qui, pour l’essentiel, date de la fin du IIè siècle et du début du Ier siècle av. J.-C.

– À Delphes, on parle traditionnellement de la « Grande fouille » pour désigner les gigantesques travaux qui eurent lieu entre 1892 et 1902 et qui commencèrent par l’expropriation et le déplacement d’un village entier, installé sur les ruines du sanctuaire d’Apollon. La fouille a mis au jour le sanctuaire oraculaire d’Apollon, avec ses annexes, le gymnase et le stade, ainsi que le sanctuaire d’Athéna à Marmaria. Les sculptures et les objets en bronze offrent un large panorama des styles, ainsi que près de cinq mille inscriptions – décisions du conseil amphictyonique, comptes de reconstruction du temple au IVè siècle, documents officiels de la cité de Delphes, actes d’affranchissement d’esclaves – qui permettent d’étudier l’histoire du sanctuaire et de la communauté delphique.

– À Argos, les fouilles commencées au début du XXè siècle et reprises en 1952, ont mis au jour un site occupé depuis plus de cinq millénaires. Du premier établissement humain, installé sur la colline de l’Aspis dès l’époque néolithique, à l’agora antique, de la forteresse de la Larissa aux grands thermes impériaux voisins du théâtre, des nécropoles mycéniennes et géométriques aux sanctuaires d’Aphrodite et d’Apollon Pythien, on restitue l’histoire complexe d’une ville et de son développement. Une fructueuse collaboration avec le service grec des Antiquités permet de reconstituer le plan topographique des vestiges de la cité antique, que des projets de réaménagement s’efforcent, en accord avec la municipalité, d’intégrer dans la trame urbaine de la ville moderne.

– À Thassos, les fouilles ont commencé en 1911. Les murailles, l’agora, le théâtre, le port et certains quartiers d’habitations particulièrement bien préservés permettent de reconstituer le fonctionnement d’une cité antique de dimensions moyennes. Des prospections sont également menées depuis une quinzaine d’années pour mieux connaître l’occupation de l’île aux époques classique et byzantine, notamment le système d’exploitation agricole, celui des mines et des carrières et l’emplacement des ateliers d’amphores qui servaient à transporter le vin de Thasos, très réputé dans l’Antiquité.

– À Philippes, après des premières fouilles dans les années 1920, les travaux ont repris durant les années 70 et 80 et ont principalement porté sur le forum, dont l’existence même s’explique par le statut juridique de la cité, colonie romaine administrée selon les coutumes romaines. C’est un ensemble entièrement clos, fonctionnel et hiérarchisé, qui répond à l’image du pouvoir que veut diffuser Rome en Grèce, auquel succède un établissement byzantin avec plusieurs basiliques. Très récemment, on a entrepris une prospection géophysique sur plus de 20 hectares, destinée à repérer l’organisation de la ville, et l’on a repris la fouille d’un îlot de la trame ainsi révélée avec la « maison aux fauves ».

– Le site de Malia, dans l’île de Crête, occupé à partir de l’Âge du bronze ancien (2 500 avant J.-C.), offre les vestiges les mieux préservés de l’époque dite des « premiers palais » minoens (2 000-1 700 avant J.-C.) et permet d’esquisser l’image de ce qu’était une ville minoenne avec son palais, ses quartiers d’habitations, ses ateliers et ses nécropoles.

En dehors de ces sites, l’École française d’Athènes a par ailleurs mené une centaine de fouilles sur le territoire grec. En dehors des frontières de la Grèce moderne, lesquelles n’ont pas grand sens pour ses recherches, l’EFA poursuit également en collaboration avec d’autres institutions (ministère des affaires étrangères français, services et société archéologiques grecs, universités européennes, CNRS) plusieurs missions scientifiques.

À Chypre l’école intervient sur différents sites :

– Tout d’abord, l’EFA fouille le site d’Amathonte depuis 1975, en partenariat avec le ministère des affaires étrangères. La mission française met au jour la capitale du royaume archaïque et, sur l’acropole, le grand sanctuaire hellénistique et romain d’Aphrodite recouvert en partie par une basilique paléochrétienne. Les fouilles ont, en outre, permis de dégager partiellement les magasins du palais, dont l’exploration archéologique a repris en 2004, les murailles de la ville et son port hellénistique. L’EFA participe également à l’étude et à la publication du riche matériel découvert dans les vastes nécropoles qui entourent la ville et a mené une prospection sur l’ensemble du territoire du royaume.

– Deux autres programmes sont également conduits sur l’île : celui de Shillourokambos, site néolithique précéramique, qui permet d’analyser le phénomène de sédentarisation des populations nomades et, à l’autre extrémité de l’échelle chronologique, celui de Potamia, qui s’inscrit dans le cadre d’un programme sur la constitution des paysages dans l’orient médiéval, grâce à l’analyse d’un domaine franc particulièrement bien documenté sur un territoire de 6,5 km2 : un ermitage (VIIIè-Xè siècles), un village récemment déserté, des habitats isolés (XIIIè et XIVè siècles), un manoir royal (XIVè siècle), des chapelles (Xè-XIVè siècles) et les vestiges d’un réseau hydraulique complexe, de moulins, d’atelier de potiers sont effectivement les témoins de la mise en valeur intensive, dès le Moyen-Âge.

Plus récemment, l’École française d’Athènes a participé à des missions sur plusieurs sites en Albanie :

– Le site de l’Âge du bronze de Sovjan, où des fouilles sont menées depuis 1993 dans l’habitat lacustre pré et protohistorique de Sovjan et ont notamment permis la mise au jour de niveaux d’habitat du IIè millénaire av. J.-C., caractérisés par la présence de vestiges de constructions en bois remarquablement bien conservées et d’un riche matériel paléo-environnemental. Il a été établi lors de la campagne 2002 que l’homme s’est établi à Sovjan beaucoup plus tôt qu’on ne le pensait. Ce qui est actuellement la plus ancienne structure en bois découverte à Sovjan remonte en effet au tout début du néolithique (entre 7060 et 6699, selon les données du radiocarbone).

– Le site classique d’Apollonia, où l’EFA et l’École française de Rome ont entrepris en 2004 une prospection géophysique qui a permis de repérer les limites de l’agora et, au pied de l’acropole, un habitat réparti en îlots réguliers.

– Le site paléochrétien de Byllis : l’intérêt majeur du site de Byllis paléochrétienne réside dans sa vaste étendue (10 hectares) et sa remarquable conservation, vierge de toute construction postérieure. Ainsi, comparée à d’autres villes paléochrétiennes, Byllis présente des édifices nettement mieux conservés (cinq basiliques, habitat, muraille).

Enfin, dans un passé très récent, l’EFA a conduit des missions scientifiques en Bulgarie, à Pistiros, où les recherches ont mis en évidence l’organisation territoriale de la vallée de la Haute-Maritza et éclairé le fonctionnement de l’emporion nommé Pistiros. Elles ouvrent des perspectives intéressantes pour la compréhension des relations économiques entre les cités grecques de la côte nord égéenne et la Thrace intérieure, mais également pour l’étude de l’emporion comme modèle économique d’échanges entre communautés.

Ce panorama permet de dresser quelques constats sur les chantiers de fouilles de l’EFA :

– Toutes les périodes de l’Antiquité sont représentées, depuis la préhistoire jusqu’à l’époque byzantine.

– Tous les types d’espaces sont également représentés : Les sanctuaires de Délos et de Delphes ont tenu une place essentielle dans l’histoire de la Grèce, Délos lieu de naissance d’Apollon et Delphes où, au terme de ses errances, il a pris possession du sanctuaire oraculaire. Les sites de Délos, Argos et Thasos offrent, chacun à leur manière, des modèles d’organisation de l’espace urbain, mais aussi Philippes pour une période plus tardive.

– Tous les chantiers font l’objet d’un travail pluridisciplinaire : sur les sites se côtoient les épigraphistes et les spécialistes de sculpture ou d’architecture, les historiens et les céramologues, les numismates. À la recherche de l’objet d’art et à la quête de l’âme de la Grèce classique, que poursuivaient les pionniers de la discipline, a succédé une démarche scientifique associant à l’archéologie toutes sortes de disciplines visant avant tout à reconstituer l’histoire d’un site et de son environnement : l’architecture, la photographie, la botanique, la géographie, la zoologie, la radiographie, la physique.

 La mission de formation à la recherche

Outre sa mission de recherche proprement dite, I’EFA a également une mission de formation et d’accueil des chercheurs. Elle participe ainsi de différentes manières au dispositif général de la recherche française et consacre à cette mission environ 9 % de son budget.

Elle accueille des étudiants sur ses sites, soit pour participer à la fouille, soit pour participer à l’étude de telle ou telle catégorie de matériel. Le recrutement s’effectue principalement à partir du Master 2. À titre indicatif, on signalera que près de 150 étudiants ont ainsi été accueillis en 2005 dans le cadre des programmes de l’EFA, dont un tiers d’étrangers.

Chaque année, l’EFA octroie une soixantaine de bourses à des doctorants pour un à deux mois. Ces bourses ne sont pas uniquement réservées aux étudiants français, puisque sur les dix dernières années, l’EFA a accueilli des doctorants originaires de trente-cinq pays différents. Moyennant une modique participation, leur hébergement peut être assuré sur place, dans un bâtiment qui devient ainsi un lieu d’échanges. Ils ont librement accès à la bibliothèque 24 heures sur 24 et 365 jours par an, sont aidés dans leur démarche en particulier s’ils ont à étudier du matériel conservé dans les musées. Ils peuvent également participer aux manifestations scientifiques organisées par l’EFA ou par les différents instituts de recherche archéologique en Grèce et accéder librement aux sites archéologiques.

Depuis 2001, l’EFA organise par ailleurs des stages de formation destinés aux étudiants de DEA et aux doctorants. Ils reposent sur un principe simple : l’association d’un site et d’une discipline ou d’une thématique : Delphes et l’épigraphie, Délos et la sculpture, Malia et la protohistoire, Amathonte et l’histoire des royaumes chypriotes, Thassos, Thassos. Architecture et urbanisme ont été au programme des années 2001-2003. Ces stages, qui durent deux semaines et accueillent de dix à douze personnes selon les capacités d’hébergement des maisons de fouille, peuvent être validés dans le cadre d’un cursus universitaire.

L’EFA participe également à la formation de ses futurs collaborateurs scientifiques, en accueillant, dans le cadre de leur stage obligatoire, des étudiants de toute discipline : des architectes (en particulier dans le cadre du DESS de Strasbourg), des topographes, des restaurateurs, des élèves de l’École nationale des Chartes, qui se trouvent ainsi placés dans les conditions réelles d’exercice de leur futur métier.

L’EFA recrute par concours ses membres. Les textes précisent que les candidats doivent être titulaires d’une agrégation ou de tout titre jugé équivalent par la commission d’admission : dans les faits, le seul titre qui ait été jugé équivalent est la thèse de doctorat. Aujourd’hui au nombre de dix (huit antiquisants, deux « modernistes »), ils poursuivent des recherches personnelles et participent aux travaux communs sur les différents chantiers de fouilles. Leur recrutement se fait par concours. En outre, dès 1900, l’EFA a acquis une dimension européenne en accueillant des membres étrangers, le plus souvent belges et suisses, et en les associant à ses programmes.

b) Des moyens logistiques adaptés pour une recherche de qualité

Un effort de modernisation très net est mené pour améliorer l’accès des chercheurs aux ressources documentaires et leur permettre d’être accueillis dans de bonnes conditions matérielles.

 La mission de diffusion des connaissances

L’École française d’Athènes se présente aujourd’hui comme un grand laboratoire de recherche international, qui compte une cinquantaine de personnes employées en permanence dans ses différents services, parmi lesquelles un photographe, des architectes, des dessinateurs, un restaurateur. Plus d’une centaine de chercheurs sont directement associés à ses programmes. Ouverte à tous ceux dont le travail nécessite un séjour en Grèce, elle reçoit plus de trois cent cinquante hôtes par an et la bibliothèque accueille chaque année plus de 1 700 lecteurs, universitaires, chercheurs ou doctorants principalement grecs. Elle met à leur disposition un vaste ensemble documentaire et un service de publication pour assurer la diffusion de ses résultats.

– La bibliothèque

La bibliothèque de l’école compte aujourd’hui 90 000 volumes, dont un millier de périodiques. C’est une bibliothèque de consultation en libre accès pour les chercheurs et les doctorants, ouverte 24 heures sur 24 et 365 jours par an pour ceux qui y séjournent. Elle couvre tous les domaines ayant trait à l’archéologie et à l’histoire de l’art du monde grec, depuis la préhistoire jusqu’à la chute de Constantinople. Outre l’archéologie grecque et méditerranéenne, de la préhistoire à l’époque byzantine, l’archéologie de la France et des pays slaves est également bien représentée. Son catalogue est aujourd’hui informatisé et consultable sur internet.

En effet, l’EFA intègre le catalogue SUDOC. Ce catalogue SUDOC riche de plus de 7 millions de références bibliographiques (monographies, thèses, périodiques et autres types de documents) propose en outre les localisations des documents décrits par les bibliothèques des universités françaises et autres établissements de l’enseignement supérieur et de la recherche participant au réseau du SUDOC. Cette évolution a nécessité la mise aux normes internationales de sa base de données et la formation des personnels concernés. Elle permet au plus grand nombre d’avoir accès au catalogue de la bibliothèque.

– Les archives scientifiques

La photothèque possède près de 525 000 clichés sur différents supports plaques de verre pour les fouilles et les voyages du début du siècle, films noir et blanc et diapositives réunis systématiquement depuis les années 40 pour rendre compte des fouilles et des prospections. Depuis bientôt deux ans, le passage au numérique a été achevé. La planothèque conserve trente-six mille documents, cartes, plans de sites ou de bâtiments, dessins d’objets.

Au département des archives manuscrites sont réunis carnets de fouilles et rapports, concernant, pour l’essentiel, les fouilles de I’EFA en Grèce, à Chypre et en Turquie, ainsi que des collections du Musée national et du Musée Canellopoulos à Athènes et du Musée gréco-romain d’Alexandrie. Sont également conservés près de 9 000 estampages d’inscriptions.

Des bases de données informatisées ont été constituées qui, à terme, permettront de consulter ces archives via internet.

– Les publications

L’École française d’Athènes assure la diffusion de ses propres recherches grâce à ses publications. Chaque année voit la publication d’une dizaine de titres nouveaux. Le Bulletin de correspondance hellénique (BCH), à périodicité semestrielle, publie des articles concernant aussi bien le néolithique, le monde minoen et mycénien que l’archéologie et l’histoire du monde antique et byzantin, accompagnés, dans la seconde livraison annuelle, d’une chronique complète des fouilles et des découvertes archéologiques en Grèce et à Chypre, ainsi que d’un rapport annuel sur les travaux de l’école.

La Bibliothèque des Écoles Françaises d’Athènes et de Rome, éditée en collaboration avec l’École française de Rome, les Suppléments du BCH, les Études épigraphiques accueillent thèses, actes de colloque et monographies.

Enfin, chacun des sites de fouilles traditionnels est doté d’une collection Exploration Archéologique de Délos, Fouilles de Delphes, Études Thasiennes, Études Crétoises, Études Péloponnésiennes, Études Chypriotes. La collection des Recherches franco-helléniques publie des travaux réalisés en collaboration avec les organismes et chercheurs grecs. Enfin, pour un public plus large, la collection Sites et Monuments accueille les guides des différents sites explorés par l’EFA.

– La bibliothèque numérique : le programme CEFAEL

Depuis plusieurs années, l’EFA a recouru méthodiquement et résolument aux nouvelles technologies. En 1999, elle a inauguré son site Internet (http://www.efa.gr), conçu à la fois pour donner des informations sur l’École à un vaste public et pour servir à la communauté scientifique, en mettant à disposition le catalogue de sa bibliothèque (plus de 60 000 notices), ainsi que des informations sur ses publications et les manifestations scientifiques qu’elle organise. Elle a par ailleurs entrepris la numérisation de ses archives scientifiques. Elle a franchi un pas supplémentaire et décisif en inaugurant le 9 avril 2003 une bibliothèque numérique qui donne accès à l’ensemble de ses publications. Baptisé CEFAEL, pour Collections de l’École française d’Athènes en ligne, ce projet marque une étape importante pour les publications en sciences humaines et leur diffusion (http://cefael.efa.gr).

CEFAEL représente au total cent cinquante années de recherches et d’érudition qui sont ainsi mises en ligne, plus de 1 400 auteurs qui sont ainsi réunis, près de 250 000 pages. Appelé à évoluer avec le temps, ce portail est le premier portail de publications électroniques sur les études grecques.

L’activité d’hôtellerie et de gestion immobilière des sites de fouilles.

L’EFA doit gérer un patrimoine important du fait de son siège à Athènes, et de ses nombreuses implantations près des chantiers de fouilles pour accueillir les archéologues sur place.

Cette fonction hôtelière permet à des chercheurs d’horizons très différents de se côtoyer et de nouer ainsi de manière informelle des contacts qui peuvent déboucher sur des coopérations plus formelles. Le rapporteur a ainsi rencontré l’un d’entre eux qui considère que l’EFA avait fait un programme Erasmus avant l’heure en favorisant la rencontre d’étudiants et de chercheurs de différents pays européens (un tiers des stagiaires sont étrangers).

Un directeur de laboratoire au CNRS a aussi témoigné que, ne disposant que de 7 000 euros annuels pour financer les frais de recherche de quinze doctorants, les bourses accordées par l’EFA et la modicité des frais d’hébergement permettaient à un nombre important de ceux-ci de pouvoir venir sur des chantiers de fouilles. Ce responsable de laboratoire a donc attiré l’attention du rapporteur sur la nécessité de maintenir cette activité d’hôtellerie en gestion directe alors qu’a été émise l’idée, pour procurer à l’EFA des recettes propres, d’externaliser la gestion de l’hôtellerie avec, pour première conséquence, l’augmentation du prix des nuitées.

B. DES ACTEURS DU RAYONNEMENT CULTUREL DE LA FRANCE À L’ÉTRANGER

1. La valorisation du patrimoine culturel du pays hôte : l’archéologie comme vecteur d’une politique de coopération

En se rendant sur le site de Delphes, le rapporteur a pu apprécier la contribution concrète de l’EFA au travail de valorisation patrimoniale et culturelle de ce site. Le fait que, depuis soixante dix ans, l’Ecole bénéficie de la part de l’Etat grec de l’avantage d’une implantation permanente, est à cet égard essentiel.

Les archéologues de l’EFA sont ainsi directement associés aux choix de reconstruction de certains monuments dégagés lors des fouilles. Ces travaux d’anastylose (1) aux fins de la reconstitution du bâtiment tel qu’il était à l’origine, représentent un enjeu touristique évident.

Le remarquable musée de Delphes, entièrement rénové pour les Jeux Olympiques de 2004, a également pu profiter de l’apport de l’EFA pour mettre en place une occupation de l’espace particulièrement dynamique et pédagogique.

Contrepartie de cette coopération : une signalétique exemplaire dans la présentation des fragments de monuments, des sculptures et des objets qui intègre la langue française.

Au-delà de l’exemplarité du site de Delphes, la valorisation du patrimoine culturel du pays-hôte commune aux cinq EFE a pu revêtir un sens particulier dans les pays ayant reconquis leur souveraineté après la décolonisation. Les chercheurs des EFE ont ainsi pu aider ces jeunes nations à se réapproprier leur histoire en mettant en valeur leur passé.

Ce rôle est évident pour l’EFEO dans son travail de valorisation touristique du site d’Angkor. Depuis son inscription sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, les chercheurs qui ont travaillé sur ce site ont eu pour objectif de redonner aux autorités cambodgiennes la maîtrise de la gestion du site. Une des étapes importante fut la création de l’APSARA (Authority for Protection and Management of Angkor and the Région of Siem Reap), établissement public chargé de la gestion du site. La France a fait intervenir différents partenaires en complément de l’action de l’EFEO pour parvenir à une mise en valeur du patrimoine passé, sans oublier son impact économique pour les populations locales qui vivent à proximité du site.

La restauration du site d’Angkor s’est traduite par les interventions suivantes :

– l’assistance technique à la Conservation d’Angkor depuis 1994 (dont l’inventaire des pièces) avec l’intervention des spécialistes de l’EFEO ;

– le déminage de la province de Siem Reap de 1992 à 1996, pour lequel la France a fourni une assistance technique ;

– l’aide à la création d’une police du patrimoine en 1994 ;

– la création en 1998 d’un atelier de restauration de la statuaire lapidaire au Musée de Phnom-Penh ;

– la restauration avec le concours de l’EFEO, des terrasses du Roi lépreux et des éléphants, aujourd’hui achevée, et du temple montagne du Baphuan qui est en cours ;

– une aide au développement urbain et touristique assuré par l’AFD pour permettre la mise en œuvre d’installations touristiques respectant des critères de développement durable.

L’intervention de la France depuis l’année 2000 s’appuie sur un engagement important dans le cadre de l’aide au développement avec des crédits provenant du Fonds de solidarité prioritaire (FSP) (opération « Site d’Angkor –Patrimoine et développement » d’un montant 2,9 millions d’euros) qui s’est achevé au 31 décembre 2004. Cette action de coopération a permis de fédérer les actions des ministères des affaires étrangères, de la recherche, de la culture, et de l’intérieur.

La continuité de cet engagement est assurée par la mise en place en 2005 d’un programme, toujours financé par le FSP, intitulé « Patrimoine angkorien et développement durable » d’un montant 2,7 millions d’euros et d’une durée de quarante-huit mois (2005-2009) qui permettra la présentation et la mise en valeur du Baphuan, la poursuite de l’appui institutionnel à l’APSARA, la création d’un centre de formation spécialisé de conservateurs du patrimoine, la modernisation du Musée National de Phnom Penh et le développement de l’atelier de restauration de ce musée.

M. Michel Pierre, responsable de la sous-direction chargée de l’archéologie et des sciences sociales au ministère des affaires étrangères, a souligné que les pays conditionnent de plus en plus l’autorisation de fouilles sur leur territoire à l’engagement pris par les archéologues de valoriser le site sur lequel ils travaillent. Cette évolution est particulièrement marquée en Turquie et en Syrie où les autorités locales exigent que les chantiers de fouilles soient ouverts au public après un certain délai et que la signalétique des sites soit réalisé par les équipes chargées des fouilles. Cette nouvelle exigence a d’ailleurs conduit les équipes d’archéologues à demander le concours du Musée du Louvre qui intervient ainsi en Syrie pour organiser sur les chantiers de fouilles une signalétique trilingue (arabe, anglais, français) expliquant les résultats des travaux.

2. Le développement des synergies avec les établissements du réseau culturel et les centres de recherche dépendant du ministère des affaires étrangères

Depuis quelques années, il est apparu nécessaire que le réseau des EFE cherche à nouer des partenariats plus étroits avec les centres de recherche dépendant du ministère des affaires étrangères et avec les établissements du réseau culturel. Les vingt-sept instituts de recherche à l’étranger (IFRE) – dépendant du ministère des affaires étrangères –représentent un budget de 7,17 millions d’euros.

Le ministère de l’éducation nationale et le ministère des affaires étrangères ont signé un accord interministériel en décembre 2000 portant sur la réforme des 27 instituts français de recherche en sciences sociales à l’étranger, dans lequel il est indiqué que « la mise en réseau des instituts prend en compte l’existence des Écoles françaises à l’étranger et réciproquement ». Cet encouragement au rapprochement, au dialogue et à la mise en œuvre de projets conjoints (colloques, séminaires, publications, programmes de recherche et de valorisation, chantiers de fouilles…), s’est depuis, peu à peu, développé. C’est notamment le cas entre l’EFEO et les instituts de Pondichéry et New-Delhi ou encore entre l’IFAO et le Centre d’études et de documentation économiques, juridiques et sociales (CEDEJ) du Caire ou bien la SFDAS (section française de la direction des antiquités et des musées nationaux du Soudan) de Khartoum.

Toutefois, ces actions conjointes ou en synergie demeurent encore limitées et ponctuelles. M. Michel Pierre a indiqué au rapporteur que le ministère des affaires étrangères souhaite les voir se développer et pour ce faire est favorable à la recommandation du rapport de la Cour des comptes sur l’élaboration d’un protocole interministériel définissant les modalités d’une coopération élargie (incluant également le ministère de la Culture) pour tous les aspects patrimoniaux des missions des EFE et notamment pour l’EFEO).

M. Dominique Mulliez, directeur de l’École française d’Athènes, a indiqué au rapporteur que le rapport Leveau sur les Balkans de 2001 constituait un bon exemple de ce que pourrait être une coopération intelligente entre le réseau des EFE et le réseau diplomatique. Pour l’instant les EFE ne sont pas encore concernés par cet effort de mutualisation des moyens mais M. Dominique Mulliez a indiqué au rapporteur que, lors de son inspection de l’école, le conseiller de la Cour des comptes n’a pas manqué de relever qu’il paraîtrait plus rationnel que la gestion des bâtiments soit commune entre l’école et les services culturels puisque ces deux entités partagent le même ensemble immobilier. De même, la nécessité d’avoir deux agents comptables, l’un pour l’école, l’autre pour l’institut culturel, ne paraît pas incontestable.

3. Définir une stratégie commune entre le ministère des Affaires étrangères et le ministère de l’éducation nationale pour fixer des priorités de recherche à l’étranger

M. Jean-Michel Dion, adjoint au directeur général de l’enseignement supérieur, comme M. Olivier Forcade qui a exercé la tutelle sur les cinq EFE jusqu’en juin 2006, ont souligné qu’actuellement le ministère chargé de la tutelle sur les EFE ne dispose pas d’une représentation à la commission des fouilles du ministère des affaires étrangères.

Le rapporteur a été sensible à ces observations et estime qu’il est souhaitable qu’un représentant du ministère en charge de la recherche siège à la commission des fouilles pour améliorer la coordination des moyens entre ces deux ministères. Il est en effet important que les deux ministères puissent se concerter pour décider de l’opportunité de fermer certains chantiers de fouilles car la reconduite d’année en année de subventions à des chantiers ne présentant plus un grand intérêt empêche que de nouveaux chantiers puissent recevoir des crédits du ministère des affaires étrangères. Sur les cent cinquante-quatre chantiers soutenus par le ministère des affaires étrangères pour un montant annuel de 2,8 millions d’euros il n’y a en moyenne que six chantiers nouveaux par an.

C. UNE MEILLEURE GOUVERNANCE POUR PRÉSERVER LA VOCATION DE RECHERCHE D’EXCELLENCE

L’ensemble des personnalités rencontrées par le rapporteur ont été d’accord pour conclure qu’il ne paraissait pas opportun de placer les cinq EFE sous la tutelle du ministère des affaires étrangères ou sous une double tutelle ministère des affaires étrangères et ministère en charge de la recherche. La poursuite de la modernisation de ces écoles passe plus par une amélioration de leur gouvernance et par leur ouverture internationale à la communauté scientifique que par leur intégration au réseau diplomatique.

1. Le maintien de la vocation de recherche des Établissements français à l’étranger (EFE)

Les chercheurs rencontrés en Grèce ont rappelé que la première mission des EFE est d’assurer à l’étranger une présence de chercheurs de qualité. Pour M. Olivier Forcade, c’est l’excellence même de la recherche conduite par ces scientifiques et la rigueur de leur démarche scientifique qui contribuent au rayonnement de la culture française.

a) Une autonomie à préserver

Tous les interlocuteurs rencontrés ont estimé que la présence au conseil d’administration et au conseil scientifique des EFE d’un représentant du ministère des affaires étrangères était un acquis appréciable.

M. Dominique Mulliez a fait part de ses étroites relations avec l’ambassade, l’ambassadeur le sollicitant souvent lorsque des hôtes de marque veulent avoir connaissance des travaux archéologiques menés par l’École et l’invitant régulièrement aux réunions des chefs de services des différentes administrations présentes à Athènes. Selon lui, si l’on respecte les missions imparties aux uns et aux autres, il est possible d’approfondir la coopération entre le réseau diplomatique et le réseau des EFE.

b) Des relations particulières avec les pays d’accueil

Il est aussi important de garder une certaine autonomie vis-à-vis du réseau diplomatique pour que les écoles préservent les relations particulières et anciennes nouées avec les autorités locales. Pour mener à bien leurs travaux, elles doivent, en effet, obtenir des autorités culturelles du pays d’accueil des autorisations pour mener des travaux de fouilles.

M. Dominique Mulliez a ainsi expliqué au rapporteur que les relations avec les autorités culturelles grecques ont parfois été complexes. Un certain nationalisme culturel a pu ainsi conduire les autorités grecques à réduire le nombre d’autorisations de fouilles pour les chercheurs étrangers. M. Dominique Mulliez a aussi insisté sur l’idée que les équipes de chercheurs ne devaient pas se considérer comme les propriétaires des chantiers de fouilles. Le premier but de l’école est donc d’arriver à valoriser au mieux le patrimoine archéologique du pays d’accueil en respectant ses choix culturels.

Mme Skorda, responsable grecque de la circonscription archéologique de Delphes, a expliqué que la présence des chercheurs français était indispensable pour la valorisation du patrimoine grec tout en insistant sur la volonté de la Grèce de maîtriser le devenir des chantiers de fouilles. La politique de mise en valeur a évolué : pendant longtemps les autorités grecques n’étaient pas favorables à la reconstruction des monuments dégagés lors des travaux de fouilles mais progressivement, notamment pour tenir compte de l’enjeu touristique présenté par les sites, les archéologues ont pu obtenir des autorisations pour procéder à certaines reconstitutions.

2. La modernisation de la gouvernance

La Cour des comptes a indiqué au rapporteur qu’il lui paraissait important de revoir l’architecture des contrats quadriennaux, qui sont pour le moment des documents volumineux avec de multiples objectifs à atteindre, mais qui ne sont pas de véritables outils de gestion pour orienter l’activité des établissements. La Cour préconise de renforcer le caractère contractuel de ces contrats.

De plus, il apparaît que la durée quadriennale actuelle est trop courte pour mener à bien une politique scientifique avec des objectifs identifiés. La brièveté des contrats conduit aussi les établissements à devoir très régulièrement consacrer beaucoup de temps à la renégociation des termes de l’accord avec le ministère en charge de l’enseignement supérieur. Cette question est cependant complexe et doit être envisagée au regard du statut des universités qui sont elles aussi soumises à une démarche contractuelle. Faut-il accentuer les spécificités des EFE ou au contraire chercher à les rapprocher des autres établissements universitaires ?

Les différents interlocuteurs rencontrés ont aussi plaidé pour une évolution du rôle de la tutelle. Il n’apparaît pas opportun que le ministère en charge de la recherche assure la présidence du conseil d’administration et du conseil scientifique des établissements. Il serait souhaitable de confier la présidence du conseil scientifique à une personnalité scientifique de renom, éventuellement étrangère pour renforcer la dimension internationale de ces institutions.

Un consensus s’est également exprimé pour ouvrir les conseils à des experts étrangers.

L’évaluation des résultats des travaux des EFE apparaît comme un sujet particulièrement délicat. Traditionnellement il revient à l’Académie des inscriptions et des belles-lettres de juger de la qualité des travaux scientifiques des membres des EFE. Toutefois, il apparaît que cette évaluation franco-française n’est plus adaptée aux réalités du travail scientifique actuel. La Cour des comptes a proposé de recourir à des jurys d’experts internationaux pour évaluer la pertinence de certains projets de recherche mais ne s’est pas prononcée sur le point de savoir si les EFE devaient avoir des modalités d’évaluation spécifiques ou devaient évoluer comme les autres institutions de recherche françaises. Cette volonté d’une évaluation ouverte à des scientifiques étrangers vise à favoriser des coopérations internationales entre les EFE et les laboratoires étrangers.

3. La valorisation des travaux de recherche en intensifiant le travail en réseau

Sans fixer de critères trop contraignants aux chercheurs, il semblerait normal que l’administration de tutelle suive régulièrement les publications réalisées par les chercheurs pour avoir ainsi une indication sur les chantiers qui apparaissent comme prioritaires et ceux qui peuvent être fermés dans un avenir proche. Cette approche quantitative des résultats de la recherche devrait être complétée par une évaluation qualitative des travaux menés qui serait assurée par les conseils scientifiques des établissements et par les comités d’experts internationaux précités.

Tous les interlocuteurs rencontrés ont plaidé pour une valorisation des travaux de recherche par leur diffusion sur le site internet des Ecoles. Il convient aussi de poursuivre le travail commencé de numérisation des archives des établissements, afin que des chercheurs étrangers puissent avoir accès aux fonds documentaires des Écoles sans se déplacer. Ce travail de longue haleine suppose des moyens informatiques conséquents et le rapporteur a pu constater à Athènes la faiblesse des moyens humains pour mener à bien cette tâche complexe.

La question de la nécessité de réaliser des travaux de vulgarisation pour permettre aux établissements d’acquérir une certaine notoriété est particulièrement discutée. Pour certains chercheurs ces établissements doivent rester des outils d’excellence, ce qui les amène à ne produire que des ouvrages d’érudition. En revanche, M. Olivier Forcade est plutôt favorable à la diffusion d’ouvrages synthétisant des travaux de recherche qui seraient accessibles à un public d’étudiants ou possédant une bonne culture générale. Pour lui, ce type de travail ne dévalorise en rien le travail de recherche mené mais permet à ces écoles de contribuer à la diffusion des connaissances scientifiques et à maintenir une réflexion dans le domaine des sciences humaines accessible à un public de non spécialistes.

L’autre manière de valoriser le travail de recherche est d’intensifier le travail en réseau avec les universités françaises et étrangères ainsi qu’entre les cinq EFE. La Cour des comptes a ainsi souligné tout l’intérêt de l’organisation de séminaires par la Casa Velasquez sur la gestion des risques en Méditerranée. Ces deux premiers séminaires ont permis à plusieurs EFE de travailler de concert et d’associer à cette réflexion plusieurs diplomates.

Il serait peut-être souhaitable de prévoir que les contrats quadriennaux contiennent des objectifs précis de développement de coopérations avec des universités, cette collaboration devant prendre la forme de conventions à caractère scientifique ou ayant pour objet de régler les conditions d’échange de personnels.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné pour avis, sur le rapport de M. Patrick Bloche, les crédits pour 2007 du programme « Rayonnement culturel et scientifique » de la mission « Action extérieure de l’Etat », au cours de sa séance du mercredi 25 octobre 2006.

Un débat a suivi l’exposé du rapporteur.

M. Christian Kert, président, a souhaité interroger le rapporteur qui a fait partie de la mission d’information commune sur la chaîne française d’information internationale sur le point de savoir si la chaîne d’information internationale France 24 était réellement attendue à l’étranger ou si TV5 suffisait pour diffuser des informations en langue française. S’agissant de l’École française d’Athènes, elle fait un excellent travail mais ne peut-on pas craindre que les autorités grecques ne souhaitent récupérer ces chantiers prestigieux car ce pays dispose maintenant d’archéologues nationaux correctement formés.

Le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

– À propos de France 24 et de son audience potentielle, il faut en effet inverser la problématique et se demander ce que le monde attend de cette chaîne et non pas ce que nous en attendons. Cette chaîne internationale a été construite sur l’idée que le monde attendrait de la France un message universel. Il est vrai que l’influence française dans les instances internationales reste essentielle, comme l’a démontré le dossier irakien, mais le paysage audiovisuel a changé et l’abondance de l’offre satellitaire doit nous contraindre à diversifier notre diffusion en construisant un projet audiovisuel plus culturel, plus festif et plus tourné vers le sport. France 24 ne peut se borner à être une chaîne d’information en langue française ni être perçue comme la Voix de la France.

– S’agissant de l’École française d’Athènes, la crainte exprimée par le Président était fondée il y a quelque temps encore car la Grèce a en effet exprimé à une époque une forme de « patriotisme du sous-sol », mais aujourd’hui le contexte est plus détendu et cette crispation nationale s’est atténuée. Un entretien avec la responsable des Antiquités au ministère de la culture grec laisse à penser que l’École française d’Athènes a un très bel avenir comme opérateur sur des chantiers de fouille prestigieux.

Contrairement aux conclusions du rapporteur, la commission a donné un avis favorable aux crédits du programme « Rayonnement culturel et scientifique ».

ANNEXE
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Ø Cour des comptes – M. Serge Barichard, conseiller référendaire, M. Patrick Deguignet et Mme Marie-Dominique Périgord, rapporteurs de l’enquête sur les Écoles françaises à l’étranger (EFE)

Ø Direction générale de la coopération internationale et du développement du ministère des affaires étrangères – M. Michel Pierre, sous-directeur de l’archéologie et des sciences sociales, et M. Arnaud Dornon, chargé de mission

Ø Direction générale de la recherche et de l’innovation du ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche – M. Olivier Forcade, chargé de mission, professeur d’histoire contemporaine à l’université d’Amiens, ancien président du conseil d’administration et du conseil scientifique de l’Ecole française d’Athènes

Ø Direction générale de l’enseignement supérieur du ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche – M. Jean-Michel Dion, chef du service de la recherche universitaire, et M. Yves Fau, chef du bureau des écoles normales supérieures et des écoles françaises à l’étranger

 Déplacement du 10 au 12 septembre 2006 en Grèce

À Delphes

– Mme Despina Skorda, directrice grecque de la circonscription archéologique

– M. Panayotis Kaltsis, maire de Delphes

À Athènes

Ø École française d’Athènes :

– M. Dominique Mulliez, directeur

– M. Georges Panitskas, secrétaire général

– M. Claude Nicolet, membre du conseil scientifique, membre de l’Académie des inscriptions et belles lettres, ancien directeur de l’École française de Rome

– Mme Juliette de La Genière, membre du conseil scientifique, membre de l’Académie des inscriptions et belles lettres

Ø Ministère de la culture grec – Mme Rosa Korka, directrice des Antiquités préhistoriques et classiques

Ø Ambassade de France :

– M. Bruno Delaye, ambassadeur de France en Grèce

Ø Institut français d’Athènes :

– M. Patrick Maisonnave, premier conseiller de l’ambassade

– M. Alain Fohr, directeur, conseiller culturel de l’ambassade

© Assemblée nationale

1 () Anastylose : terme archéologique qui désigne la reconstruction d’un monument en ruine grâce à l’étude méthodique de l’ajustement des différents éléments qui composent son architecture.