Accueil > Documents parlementaires > Les rapports législatifs
Version PDF


N° 3364

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 octobre 2006.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2007 (n° 3341)

TOME III

CULTURE

Par M. Christian KERT,

Député.

___

Voir le numéro : 3363 (annexe n° 8).

INTRODUCTION 5

I.- LE BUDGET DE LA CULTURE EN 2007 : HAUSSE TRÈS SENSIBLE DES CRÉDITS 7

A. LES PATRIMOINES 8

B. LA CRÉATION 10

C. LA TRANSMISSION DES SAVOIRS ET LA DÉMOCRATISATION DE LA CULTURE 11

II.- L’ACTION INTERNATIONALE DU MINISTÈRE DE LA CULTURE : RÉPONDRE À UN « DÉSIR DE FRANCE » 13

A. UNE INSUFFISANCE BUDGÉTAIRE FACE À L’ATTENTE D’UNE ACTION MULTIFORME 14

1. Un décryptage budgétaire complexe 14

a) Le budget de l’action culturelle internationale stagnait depuis trois ans 14

b) Mais les crédits d’autres actions de la mission « Culture » participent à l’action culturelle internationale du ministère 15

2. … qui ne reflète par ailleurs pas la multiplicité des actions du ministère de la culture à l’international 16

a) Une priorité : la défense de la diversité culturelle 16

b) La diffusion des cultures étrangères en France 18

c) L’accueil des professionnels de la culture et des artistes étrangers en France 19

d) La coopération technique et l’aide au développement dans le domaine de la sauvegarde du patrimoine 20

e) La valorisation de l’expertise et du savoir-faire culturels français 20

3. Un rôle budgétaire limité lié à l’importance de la coopération interministérielle 21

a) Une « répartition des tâches » historiquement très marquée… 21

b) … mais qui tend à s’effacer 22

c) L’exemple de CulturesFrance 23

B. UN EXEMPLE CONCRET : L’ACTION CULTURELLE DE LA FRANCE AU SÉNÉGAL 24

1. Le rôle fondamental des instituts culturels français 25

a) L’organisation de débats d’idées : confrontation intellectuelle dans un cadre francophone 25

b) Un soutien appuyé à la musique sénégalaise 26

c) La situation problématique du théâtre et du cinéma 26

2. La protection du patrimoine 27

a) L’importance de la coopération décentralisée Lille-Saint Louis 27

b) Le patrimoine de Gorée : un exemple abouti de coopération 30

3. L’audiovisuel 32

C. QUEL AVENIR POUR L’ACTION CULTURELLE EXTÉRIEURE DU MINISTÈRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION ? 33

1. L’intérêt d’une action interministérielle cohérente et d’une coopération renforcée entre les deux ministères 34

2. Développer l’envoi d’experts du ministère de la culture dans les pays en développement 34

3. Revoir le découpage budgétaire 34

4. Développer de nouvelles sources de financements 35

TRAVAUX DE LA COMMISSION 37

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 47

INTRODUCTION

En application de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), le ministère de la culture a adopté depuis deux ans une nouvelle présentation de ses crédits qui permet de mieux appréhender son action et les politiques qu’il mène.

Le périmètre de la mission « Culture » est très voisin de l’ancien budget puisque seuls les crédits de recherche et de diffusion de la culture scientifique sont rattachés à la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur ». Les crédits finançant le soutien à l’industrie cinématographique et audiovisuelle font toujours l’objet d’une inscription à un compte d’affectation spéciale en dehors du budget général de l’Etat.

Le programme « Patrimoines » regroupe sept actions assurées par chacune des directions sectorielles concernées et une action transversale consacrée aux acquisitions. Le programme « Création » rassemble les crédits destinés au soutien de la création et de la diffusion et le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » permet de mieux coordonner les politiques transversales dans le domaine des enseignements supérieurs, de l’éducation artistique ou de l’action internationale.

Après avoir rapidement analysé le contenu du budget de la culture pour 2007, le rapporteur s’attachera à étudier, comme il est désormais de tradition dans le cadre des avis budgétaires de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, un secteur de l’action culturelle.

Son choix s’est porté cette année sur l’action internationale du ministère de la culture.

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe le 10 octobre 2006 comme date butoir, pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

Le rapporteur a demandé que les réponses lui parviennent le 15 septembre 2006. À cette date, aucune réponse ne lui était parvenue. À la date butoir, 95 % des réponses lui étaient parvenues.

I.- LE BUDGET DE LA CULTURE EN 2007 :
HAUSSE TRÈS SENSIBLE DES CRÉDITS

La mission culture sera dotée en 2007 de 2 766 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 2 694 millions d’euros en crédits de paiement auxquels s’ajouteront 116,6 millions d’euros pour la mission interministérielle « Recherche culturelle et culture scientifique ».

Ces montants ne sont pas directement comparables au budget 2006 du fait de mesures de transferts : 179 millions d’euros sont transférés cette année au ministère de l’intérieur au titre de la dotation globale de décentralisation (DGD) Corse et bibliothèques.

A structure constante, le budget de la culture augmentera donc de 62,10 millions d’euros en autorisations d’engagement (+ 2,15 % par rapport à 2006) et 73,70 millions d’euros en crédits de paiement (+ 2,63 % par rapport à 2006).

Il faut toutefois préciser qu’en prenant en compte les ressources extra-budgétaires affectées à hauteur de 140 millions d’euros de fonds de concours aux monuments historiques (programme Patrimoines) et 14 millions d’euros de taxe fiscale pour le Centre national du livre (programme Création), et à périmètre constant, le budget de la mission Culture passe alors à 3 099,4 millions d’euros en autorisations d’engagement (+ 7,5 %) et 3 027,4 millions d’euros en crédits de paiement (+ 8,1 %).

Ces 140 millions d’euros, destinés au Centre des monuments nationaux, proviennent de l’affectation d’une partie du produit de l’impôt sur les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), décidée par le Premier ministre et annoncée le 14 septembre à Amiens, lors des Journées du Patrimoine. Compte tenu du délai de mise en place de cette affectation, l’exercice 2007 bénéficiera en pratique du montant cumulé de deux exercices. A partir de 2008, 70 millions d’euros seront affectés annuellement au Centre des monuments nationaux.

L’effort de réorientation des investissements sur les régions sera poursuivi puisque 42,46 % des crédits de paiement seront consacrés aux équipements culturels de province contre seulement 40 % en 2004.

Ainsi, par exemple, le ministère contribuera en 2007 à hauteur de 17,24 millions d’euros en autorisations d’engagement et 24,80 millions d’euros en crédits de paiement au financement de plusieurs projets d’investissement dans le domaine du spectacle vivant en régions parmi lesquels le théâtre de l’Archipel à Perpignan, le théâtre national de Bretagne, l’auditorium d’Aix-en-Provence et l’auditorium de Bordeaux.

Evolution du budget de la mission culture 2007
(à périmètre constant – ressources extra-budgétaires incluses)

(en millions d’euros)

 

LFI 2006

PLF 2007

Variation %

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Patrimoines *

Fonds de concours MH

901,6

795,6

984,1

140

893,7

140

+ 9,15

+ 12,33

Total Patrimoines *

901,6

795,6

1 124,10

1 033,7

+ 24,7

+ 29,9

Création *

Taxe fiscale CNL

Transfert DGD Bibliothèques

887,4

897,6

736,8

14

169

743,7

14

169

np

np

Total Création *

887,4

897,6

919,8

926,7

+ 3,65

+ 3,24

Transmission des savoirs et démocratisation de la culture *

Transfert DGD Corse

451,5

463,7

469,5

9,8

481,1

9,8

   

Total Transmission *

451,5

463,7

479,3

490,8

+ 6,1

+ 5,9

Dépenses de personnel

642,8

642,8

576

576

- 10,4

- 10,4

Total

2 883,3

2 799,7

3 099,4

3 027,4

+ 7,5

+ 8,1

* Hors dépenses de personnel

np : non pertinent

Source : ministère de la culture et de la communication

A. LES PATRIMOINES

Avec une dotation globale de 1 033,7 millions d’euros en crédits de paiement, en progression de près de 30 %, le ministère retrouvera enfin une importante marge de manœuvre sur sa capacité d’investissement, notamment en matière de restauration de monuments historiques.

Les crédits consacrés à l’entretien et à la restauration des monuments historiques augmentent notamment grâce à la création d’une recette pérenne de 70 millions d’euros par an, provenant de l’affectation d’une partie du produit de l’impôt sur les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), décidée par le Premier ministre et annoncée le 14 septembre à Amiens, lors des Journées du Patrimoine.

Cette nouvelle recette pérenne vient s’ajouter aux crédits budgétaires. Elle permettra d’assurer au financement des travaux de restauration des monuments historiques une stabilité suffisante, grâce à l’élaboration et au suivi d’un programme cohérent de travaux de restauration pluriannuel et à la réforme du Centre des monuments nationaux, affectataire de cette nouvelle recette, qui sera versée rétroactivement en 2007 pour l’année 2006.

Cela devrait permettre une relance significative des chantiers en crise depuis plusieurs années.

Sans cette ressource extra-budgétaire, les crédits dédiés aux Patrimoines augmentent malgré tout de 9,15 % en autorisations d’engagement (à 984,1 millions d’euros) et de 12,33 % en crédits de paiement (à 893,7 millions d’euros). Hors ressources extra-budgétaires, affectées au patrimoine monumental, et hors dépenses de personnel, la répartition prévisionnelle des crédits est la suivante.

Crédits du programme « Patrimoines »

 

LFI 2006

PLF 2007

Variation %

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Patrimoine monumental, archéologie et architecture *

296,3

271,94

328,46

273,26

+ 10,85

+ 0,48

Musées *

348,69

316,84

340,46

340,04

- 2,36

+ 7,32

Archives et célébrations nationales *

76,66

34,76

74,41

35,07

- 2,93

+ 0,89

Patrimoine écrit, documentaire et linguistique *

130,15

120,35

200,36

200,47 

+ 53,94

+ 66,57

Patrimoine cinématographique *

26,74

28,69

21,8

26,2

- 18,47

- 8,68

Acquisition et enrichissement des collections publiques *

23,07

23,07

18,62

18,62

- 19,29

- 19,29

Total hors dépenses de personnel

901,61

795,64

984,1

893,67

+ 9,15

+ 12,33

Dépenses de personnel

178,21

178,21

147,04

147,04

- 17,49

- 17,49

Total

1079,82

973,85

1131,15

1040,71

+ 4,75

+ 6,86

* Hors dépenses de personnel

Source : ministère de la culture et de la communication

Au delà des chantiers en région, un certain nombre de grands projets d’investissement sur des monuments historiques sont lancés ou se poursuivent en 2007 : le schéma directeur du château de Versailles, la rénovation des façades du Grand Palais, la restauration du Quadrilatère Richelieu de la Bibliothèque nationale de France, la Cité de l’architecture et du patrimoine.

En matière d’archéologie, 9 millions d’euros sont prévus pour le financement de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP).

S’agissant des musées, les priorités pour 2007 sont :

1) le lancement du chantier du musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MUCEM) à Marseille, dont le protocole d’accord a été signé le 4 juillet 2006 (15,34 millions d’euros d’autorisations de programme et 6 millions en crédits de paiement). En complément à la restauration du Fort Saint-Jean, le ministère de la culture a confié en février 2004 à Rudy Ricciotti et Roland Carta la construction d’un bâtiment neuf relié par une passerelle au Fort. Ce bâtiment offrira 5700 m² pour les expositions, un auditorium de 400 places, des salles de rencontres et de travail, d’activités culturelles et pédagogiques. Comme le souligne le ministre dans son dossier de presse, « ce nouvel établissement se veut un exemple rénové de musée de civilisation et devra contribuer, après le musée du quai Branly, inauguré en juin 2006, et la Cité nationale de l’Immigration qui sera ouverte au printemps 2007, à la connaissance et au dialogue des cultures du monde dans le cadre d’un projet de dimension européenne. Inséré dans le projet Euroméditerranée, il illustre la contribution d’un équipement culturel à l’aménagement du territoire, au développement économique et à l’attractivité touristique ». On ne peut que s’en féliciter.

2) la poursuite des grands chantiers d’investissement du musée du Louvre (arts de l’Islam, schéma directeur incendie, rénovation de l’accueil) ;

3) le financement de la rénovation du tympan est du Musée d’Orsay.

S’agissant des archives, le chantier de construction du nouveau centre des archives à Pierrefitte se poursuit puisque 52,73 millions d’euros sont programmés en autorisations de programme et 16,85 millions d’euros en crédits de paiement.

L’explosion du budget de l’action « Patrimoine écrit et documentaire » s’explique principalement par le transfert des 1659 emplois de titulaires de la Bibliothèque nationale de France sur le budget de l’établissement public, pour un montant de 78 millions d’euros, alors qu’ils étaient auparavant gérés par le ministère sur la ligne « Dépenses de personnel ».

B. LA CRÉATION

Hors dépenses de personnel et à périmètre constant, le programme « Création » représente 919,8 millions d’euros en autorisations d’engagement (+ 3,65 % par rapport à 2006) et 926,69 millions d’euros en crédits de paiement (+ 3,24 %).

Crédits du programme « Création »

 

LFI 2006

PLF 2007

Variation %

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Spectacle vivant *

588,51

597,84

635,24

641,72

+7,94

+ 7,34

Arts plastiques *

75,41

75,78

50,24

50,3

- 33,3

- 33,62

Livre et lecture * et **

180,86

181,32

15,82

16,11

np

np

Industries culturelles *

42,6

42,6

35,5

35,56

- 16,97

- 16,52

Total hors dépenses de personnel

887,38

897,58

736,8

743,69

np

np

Total avant transferts DGD (169 millions d’euros) et taxe CNL (14 millions d’euros)

887,38

897,58

919,8

926,69

+ 3,65

+ 3,24

Dépenses de personnel

48,43

48,43

56,89

56,89

+ 17,47

+ 17,47

* Hors dépenses de personnel / ** diminution due au transfert de DGD / np : non pertinent

Source : ministère de la culture et de la communication

Près de 70 % du programme est consacré au spectacle vivant, 21 % au livre et à la lecture (avant transferts), 5 % aux arts plastiques et 4 % au soutien aux industries culturelles.

L’effort en faveur du spectacle vivant est donc maintenu puisque les crédits consacrés à cette action augmenteront encore de plus de 7 %, ce qui permet de financer les priorités suivantes :

– le fonds de professionnalisation et de solidarité des intermittents du spectacle prévu dans le cadre du protocole d’accord du 18 avril 2006 (annexes VIII et X de l’assurance chômage). 5 millions d’euros sont consacrés à ce fonds dans le projet de loi de finances ;

– l’accompagnement des projets artistiques ou d’investissement des établissements publics du spectacle vivant (avec notamment la construction d’une salle de répétition pour la Comédie française et le financement de la réouverture de la salle Pleyel) ;

– la poursuite des travaux d’équipement culturel en régions (finalisation du programme des salles de Zénith et projets d’auditorium).

S’agissant des arts plastiques, 1 million d’euro sont prévus pour lancer les études du projet de création d’un centre européen de création contemporaine sur l’Ile Séguin et 3 millions d’euros pour la future cité du design à Saint Etienne.

C. LA TRANSMISSION DES SAVOIRS ET LA DÉMOCRATISATION DE LA CULTURE

Hors dépenses de personnel et à périmètre constant, ce programme, qui sera doté de 479,28 millions d’euros en autorisations d’engagement (+ 6,15 % par rapport à 2006) et 490,84 millions d’euros en crédits de paiement (+ 5,87 %), correspond aux grandes fonctions transversales du ministère.

Il regroupe notamment les crédits de fonctionnement du ministère, des directions régionales des affaires culturelles (DRAC), et des services départementaux de l’architecture et du patrimoine (SDAP), mais également dorénavant l’ensemble des crédits du Centre national de la cinématographie (CNC) qui étaient auparavant dispersés sur les trois programmes de la mission Culture.

Crédits du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture »

 

LFI 2006

PLF 2007

Variation %

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Enseignement supérieur et insertion professionnelle *

209,93

216,77

217,88

219,48

+ 3,79

+ 1,25

Education artistique et culturelle *

29,09

29,09

29,59

29,59

+ 1,72

+ 1,72

Enseignement spécialisé *

34,44

34,09

32,6

34,33

- 5,34

+ 0,70

Publics *

32,48

28,64

37,93

36,75

+ 16,78

+ 28,32

Politiques territoriales * et **

34,2

37,82

21,26

25,92

- 37,84

- 31,46

Action culturelle internationale *

16,57

16,57

18,48

18,48

+ 11,53

+ 11,53

Fonctions de soutien *

94,82

100,66

111,77

116,52

+ 17,87

+ 15,76

Total hors dépenses de personnel

451,53

463,64

469,51

481,07

+ 3,98

+ 3,76

Total avant transfert DGD Corse
(9,77 millions d’euros)

451,53

463,64

479,28

490,84

+ 6,15

+ 5,87

Dépenses de personnel

416,16

416,16

372,02

372,02

- 10,61

- 10,61

* Hors dépenses de personnel

** diminution due au transfert de DGD

Source : ministère de la culture et de la communication

Les principales mesures de ce programme pour l’année 2007 sont :

– la poursuite de l’effort mené en faveur des établissements publics d’enseignement supérieur dans le cadre de la mise en œuvre du système Licence/Master/Doctorat (LMD) ;

– la poursuite du financement des travaux de rénovation menés par les écoles d’architecture et les écoles d’art ;

– la poursuite du plan de relance de l’éducation artistique et culturelle. Il sera doté de 500 000 euros supplémentaires cette année ;

– le lancement des travaux de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration au Palais de la porte Dorée (à hauteur de 2 millions d’euros en autorisations d’engagement et 1,5 million d’euros en crédits de paiement) ;

– le soutien des actions de politique internationale du ministère, l’action bénéficiant de près de 2 millions d’euros de crédits supplémentaires.

II.- L’ACTION INTERNATIONALE DU MINISTÈRE DE LA CULTURE :
RÉPONDRE À UN « DÉSIR DE FRANCE »

Répondre, comme quelqu’un l’a dit au Sénégal au rapporteur, à un « désir de France », ce n’est rien moins que défendre la diversité culturelle, assurer la symbiose entre les cultures, les faire s’enrichir entre elles. Le rapport Jeanneney, en 1963, ne disait déjà rien d’autre : « Que la France imprègne d’autres pays de ses modes de pensées, elle tisse des liens dont l’intimité les incitera à lui apporter, à leur tour, le meilleur d’eux-mêmes. La culture française s’est épanouie, au cours des siècles, grâce à des apports étrangers constamment renouvelés. Si les pays qui auront reçu d’elle une initiation à l’esprit scientifique lui font connaître des modes nouveaux d’expression artistiques ou des conceptions philosophiques, sociales ou politiques originales, notre civilisation s’en trouvera enrichie » (1).

Ce que confirme, plus de quarante ans après, l’actuel ministre de la culture, lorsqu’il évoque les conflits d’identité : « L’un des défis essentiels des responsables politiques aujourd’hui est de donner à nos concitoyens la mesure de la force que représente une identité solide, pour affronter la mondialisation et s’ouvrir à l’autre sans craindre de se renier soi-même. (…) Avec la mondialisation, le rôle de la diplomatie culturelle se renouvelle entièrement. Il n’est plus seulement de se mettre au service des artistes, des créateurs, des professionnels de la culture et de l’audiovisuel. Il ne se limite pas davantage à servir notre influence nationale, ce qui reste évidemment essentiel. Mais il est de faire vivre et de faire ressortir la force des identités, d’une façon pacifique et respectueuse de l’autre, dans un monde dans lequel la plupart des conflits sont d’abord des conflits d’identité » (2).

Les crédits de l’« action culturelle internationale » du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » du ministère de la culture et de la communication affiche dans le projet de loi de finances 2007 une progression de 5,48 % par rapport à la loi de finances initiale 2006. Ils passent en effet de 17,52 à 18,48 millions d’euros, mais ne représentent malgré tout que 0,68 % des crédits de la mission « Culture » … Alors que la défense de la diversité culturelle constitue l’un des principaux chevaux de bataille de l’actuel ministre de la culture, le rapporteur s’est interrogé sur la faiblesse de ces crédits et a voulu mieux comprendre leur articulation avec l’action menée par le ministère des affaires étrangères. Afin de mieux cerner l’importance du travail mené en commun par les deux ministères dans ce secteur, il s’est rendu du 20 au 24 septembre à Dakar et Saint Louis du Sénégal.

A. UNE INSUFFISANCE BUDGÉTAIRE FACE À L’ATTENTE D’UNE ACTION MULTIFORME

1. Un décryptage budgétaire complexe

a) Le budget de l’action culturelle internationale stagnait depuis trois ans

L’activité internationale a longtemps été mal identifiée dans les budgets de ministère de la culture. Ce n’est que depuis la présentation de la loi de finances en mode « LOLF » que les crédits concourant à l’action internationale du ministère ont pu être individualisés.

Les crédits de l’« action culturelle internationale » sont ainsi passés de 17,52 millions d’euros dans la loi de finances initiale 2006 à 18,48 millions d’euros dans le projet de loi de finances 2007, ce qui représente une progression de 5,48 %. Cette hausse traduit en fait une remise à niveau partielle de ces crédits qui avaient fait l’objet en 2006 d’un abattement de 2,45 millions d’euros. Cet abattement résultait d’un amendement gouvernemental relatif au financement du plan d’urgence en faveur des banlieues et avait été exclusivement imputé à titre conservatoire par les services du ministère du budget sur l’ « action culturelle internationale » …

Action internationale du ministère de la culture

(Action n° 06 du programme 224 de la mission « Culture »)

En millions d’euros

LFI 2005

LFI 2006

Variation 2006/2005

PLF 2007

Variation 2007/2006

19,2

17,52

- 8,75 %

18,48

+ 5,48 %

Source : ministère de la culture et de la communication.

En loi de finances 2005, les crédits consacrés à cette action s’élevaient donc à un peu plus de 19 millions d’euros, tout comme en 2006, avant l’amendement gouvernemental.

Dans le projet de loi de finances 2007, cette action a fait l’objet d’un abattement de 0,5 million d’euros, afin de participer au financement de l’exposition universelle de Saragosse consacrée à l’eau et au développement durable. Les crédits prévus s’élèvent donc à 18,48 millions d’euros(3).

On ne peut que regretter que cette action n’ait bénéficié d’aucune revalorisation au cours des dernières années. Elle a même plutôt servi de « réservoir » pour financer des missions parfois assez éloignées de ses objectifs.

b) Mais les crédits d’autres actions de la mission « Culture » participent à l’action culturelle internationale du ministère

En effet, l’ensemble des crédits dédiés à l’action internationale du ministère n’est pas compris dans la seule action n° 06 du programme 224. Ainsi, les crédits de cette action ne rendent pas compte des budgets d’action internationale des opérateurs subventionnés par le ministère – et notamment de l’ex-Association française d’action artistique (AFAA), devenue CulturesFrance –, qu’il s’agisse d’accueil de spectacles, d’artistes, de professionnels ou d’étudiants étrangers, ou encore d’opérations conduites à l’étranger. De même, les crédits de fonctionnement versés à l’Académie de France à Rome, seul établissement public du ministère de la culture implanté à l’étranger, ne sont pas affectés au budget d’action internationale du ministère, mais à l’action n° 01, intitulée « Soutien aux établissements d’enseignement supérieur et insertion professionnelle ».

Par ailleurs, le programme « Création », qui vise notamment à favoriser la création des œuvres d’art et de l’esprit et à soutenir l’économie des professions et des industries culturelles, encourage l’exportation des biens culturels par une politique en faveur de l’économie du spectacle vivant et des arts visuels, du secteur des industries musicales, des industries du livre et du multimédia et participe donc, à ce titre, à l’action culturelle internationale du ministère.

Dans le domaine du livre, la Centrale de l’édition soutient le transport de livres français, par le biais de commandes groupées de libraires étrangers. Le ministère a contribué à hauteur de 1,3 million d’euros à cette action dont ont bénéficié plus de 1 500 libraires répartis à travers le monde. Plusieurs programmes de bonification de prix (programme pour la vente de livres universitaires en Afrique subsaharienne, programmes à l’Est de l’Europe, programme « poche » en Algérie) permettent, pour leur part, d’adapter les prix de vente de livres français à l’étranger au pouvoir d’achat des lecteurs locaux, et ainsi de garantir la promotion de la langue française.

Dans le domaine du disque, des moyens sont alloués à des structures collectives telles que le Bureau export de la musique et le Fonds pour la Création Musicale (FCM). Ces organismes soutiennent la diffusion de musiques actuelles et classiques dans le monde en lien avec des projets commerciaux (sorties de disques dans ces territoires, participation à des émissions de télévision, etc.). Le ministère soutient par ailleurs l’association Francophonie Diffusion qui adresse à un réseau de radios dans le monde les nouvelles productions d’artistes francophones.

Le rapporteur estime qu’il conviendrait de pouvoir disposer d’une vision exhaustive de l’ensemble de ces crédits, afin de mieux mesurer leur impact et leur évolution.

2. … qui ne reflète par ailleurs pas la multiplicité des actions du ministère de la culture à l’international

a) Une priorité : la défense de la diversité culturelle

La volonté de promouvoir la diversité culturelle anime l’action du ministère de la culture et de la communication sur la scène internationale.

La mise en œuvre de la convention pour la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, âprement défendue par la France et finalement adoptée en octobre 2005 à l’Unesco, devrait d’ailleurs permettre de renforcer les échanges culturels internationaux.

Dans ce cadre, le ministère développe des actions sectorielles dans plusieurs directions.

 Dans le domaine de l’audiovisuel et du cinéma

Dans un souci de développer la collaboration avec les réalisateurs des pays du Sud, le ministère des affaires étrangères, le ministère de la coopération et le ministère de la culture et de la communication, représenté sur ce dossier par le Centre national de la cinématographie, ont mis en place dès 1984 un mécanisme interministériel d’aide sélective à la production de longs métrages.

Ce fonds a aidé plus de 350 projets de films de cinéma depuis sa création. Il compte à son actif de nombreuses révélations reconnues par la critique internationale et présentées par les festivals les plus prestigieux.

Ainsi, en 2006, quatre films soutenus par le Fonds Sud Cinéma ont figuré dans la Sélection Officielle du festival de Cannes : Summer Palace de Lou Ye (Chine) ; Bamako de Abderrahmane Sissako (Mali) ;  Hamaca Paraguaya de Paz Encina (Paraguay) et Luxury Car de Wang Chao (Chine).

Ce fonds s’adresse aux projets de films de fiction, d’animation ou de documentaire de création destinés à une exploitation en salles en France et à l’étranger. L’aide accordée est en moyenne de 110 000 euros par film et ne peut excéder 152 449 euros.

Une partie de l’aide (de 25 à 50 %) doit être affectée à la prise en charge de dépenses de production dans les pays éligibles, l’autre partie étant destinée à la prise en charge de travaux de post-production effectués en France.


Le rôle des chaînes de l’audiovisuel public en matière d’action culturelle internationale : l’exemple d’ARTE

Arte, chaîne culturelle franco-allemande à vocation européenne, participe également au rayonnement de la culture à l’international.

Ainsi, certaines émissions d’Arte, au-delà de leur passage à l’antenne, gardent une dimension patrimoniale et trouvent une deuxième vie dans le cadre d’événements organisés en Europe ou hors d’Europe. Ces événements sont soit initiés par la chaîne, soit organisés en réponse aux demandes de centres culturels français et allemands ou de festivals. Ainsi, aux Etats-Unis, dans le cadre du festival Dance on Camera, New York (7 au 26 janvier 2005), du Festival de San Francisco (21 avril au 5 mai 2005), du Festival du Film de Los Angeles (16 au 26 juin 2005) ; au Canada, dans le cadre de Hot Docs (Toronto, 22 avril au 1er mai 2005) ; en Suisse, au Festival de La Rose d’Or (3 au 8 mai 2005) ; en République Tchèque, au festival Golden Prague (7 au 11 mai 2005) ; au Royaume-Uni, au festival Dance Screen, à Brighton (16 au 19 juin 2005).

Par ailleurs, les accords de diffusion permettent d’accroître la visibilité d’Arte. En Europe, Arte est diffusée simultanément en plusieurs langues auprès de 77 millions de foyers soit 185 millions de téléspectateurs. Dans ces pays, le fait de diffuser des programmes venant de tout le continent permet aux téléspectateurs de découvrir la richesse de la création audiovisuelle européenne.

En Afrique, 70 000 foyers sont abonnés à Arte via Le Sat (10 000 abonnés), Canasatellite horizons (65 000 abonnés) et DSTV French, un bouquet sud-africain (6 000 abonnés). Les pays du Maghreb reçoivent Arte via le satellite AB3.

Dans un autre cadre, Arte France organise également la reprise de ses programmes sur les réseaux hertziens nationaux de télévisions étrangères. En 2005, 13 télévisions nationales publiques bénéficiaient d’un accord de coopération annuel par lequel une offre gratuite de programmes, essentiellement documentaires, est apportée. Ces programmes sont sous-titrés et/ou doublés en langues locales par les télévisions. De fin 2002 à fin 2005, 1204 heures de programmes d’Arte ont ainsi été diffusées par l’ensemble de ces télévisions, par exemple en Bosnie-Herzégovine (RTBiH/FTV), au Kosovo (RTK), en Macédoine (MRT), en Roumanie (TVR), en Moldavie (TéléMoldova), en Estonie (ETV), en Ouzbekistan (UZTV), en Afghanistan (RTVA), en Géorgie (Sakteleradio), en Arménie (TPA) ou en Ukraine (UT).

Si l’on ne peut que se féliciter du dynamisme de l’audiovisuel public français à l’international, le rapporteur tient à souligner qu’il déplore l’évolution qu’il a pu constater en Roumanie, pays d’accueil du sommet de la Francophonie cette année. Dans ce pays, par ailleurs nouvel entrant au sein de l’Union européenne, qui a déjà vu disparaître de ses écrans deux de nos chaînes nationales (TF1 et France 2), TV5 a cessé d’émettre au lendemain du sommet, alors qu’elle fut longtemps, avec nos deux chaînes nationales, un vecteur majeur de la culture française dans ce pays si francophile et francophone. Des personnalités et des parlementaires roumains s’en sont émus. Avec eux, on ne peut effectivement que regretter cette situation et souhaiter que les deux câblo-opérateurs reviennent sur leur décision(4), d’autant plus qu’il s’agit d’une rupture caractérisée du contrat qui les liait à TV5 jusqu’en milieu d’année prochaine pour le premier câblo-opérateur et pendant trois ans encore pour le second !

 Dans le domaine du livre et de l’édition

L’aide à la traduction d’ouvrages français en langues étrangères permet à des traducteurs étrangers de poursuivre en France des projets de traduction. Parallèlement, l’aide aux librairies à l’étranger leur apporte un soutien financier pour l’acquisition d’ouvrages en langue française.

Par ailleurs, organisées par le Centre national du livre pour le ministère de la culture et de la communication depuis 1987, la manifestation culturelle les Belles Étrangères veut favoriser la découverte des littératures étrangères contemporaines en France. Le principe de la manifestation repose sur l’invitation, en novembre de chaque année, d’un groupe d’écrivains d’un même pays ou d’une même aire linguistique et sur l’organisation d’une série de rencontres dans toute la France, en partenariat avec des librairies, des bibliothèques, des universités et des associations culturelles. Ces manifestations illustrent la politique d’aide à la traduction, à la publication et à la diffusion mise en œuvre par le Centre national du livre.

 Dans le domaine des arts de la scène

Le ministère apporte son soutien à deux structures emblématiques de la diversité culturelle : le Tarmac de la Villette, théâtre qui se consacre entièrement aux artistes et aux oeuvres des pays du Sud, et le Festival international des francophonies en Limousin, grand rendez-vous annuel des arts de la scène du monde francophone. Il contribue également à la Commission internationale du théâtre francophone (CITF) qui soutient des projets de création théâtrale entre compagnies de différents pays.

Mais l’activité internationale du ministère est multiforme et se développe également dans cinq autres domaines.

b) La diffusion des cultures étrangères en France

Des opérations de grande envergure, « saisons » ou festivals, mettant à l’honneur les cultures étrangères et dont la gestion est le plus souvent confiée à CulturesFrance, complètent le soutien que le ministère apporte traditionnellement aux festivals des cultures étrangères (notamment dans le domaines des arts de la scène et du cinéma), aux grandes expositions patrimoniales (musées et architecture), et aux nombreux projets de coopération et de diffusion culturelle portés par les opérateurs et institutions culturelles. Depuis quelques années, dans le cadre de ces saisons, la possibilité est donnée à un pays étranger, invité officiel de la France, de présenter les différentes facettes de sa culture à travers un ensemble de manifestations culturelles.

Plusieurs manifestations ont été organisées à ce titre ces dernières années : l’année de la Chine (2004), Brésil Brésils (2005), Francofffonies ! Festival Francophone en France (de mars à décembre 2006). En 2007, la France préparera une grande saison européenne destinée à se tenir en 2008, année de la présidence française de l’Union européenne et année du dialogue interculturel.

Par ailleurs, les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) participent à l’accueil des cultures étrangères en région et sont invitées à mener une politique active de coopération transfrontalière avec nos voisins européens.

c) L’accueil des professionnels de la culture et des artistes étrangers en France

Les grands établissements publics du ministère mènent une politique active d’accueil de professionnels étrangers, fonctionnaires de la culture ou artistes. Parce qu’elle permet la constitution de réseaux durables d’échanges, cette politique répond à l’objectif prioritaire de promotion de la diversité culturelle que la France s’est fixé.

Elle se traduit par la mise en œuvre de programmes de formation, de stages et de rencontres dans tous les secteurs de la culture.

Plusieurs types d’accueil sont proposés :

– des stages de formation de courte durée (un mois) dans le domaine de l’administration culturelle, des archives, des bibliothèques, des musées et des industries culturelles, dont certains sont ouverts aux professionnels anglophones ou hispanophones ;

– des stages d’immersion, de longue durée (deux mois à un an), dans les établissements publics, dans les maisons d’édition ou dans les librairies, pour les professionnels de la culture ;

– des bourses de séjour (dans le domaine du patrimoine ou pour les auteurs ou les traducteurs) ;

– des résidences dans les centres culturels de rencontre ou dans les institutions françaises d’art contemporain ;

– une formation universitaire de troisième cycle, diplômante, en administration culturelle.


Des outils d’informations pour les artistes et professionnels culturels étrangers

– www.artistes-etrangers.com : afin de renseigner les opérateurs culturels accueillant des artistes et des professionnels de la culture étrangers sur les formalités administratives, fiscales ou juridiques à accomplir, le ministère de la culture et de la communication a confié au Cagec, organisme spécialisé dans ce domaine, la réalisation d’un site Internet présentant des dossiers thématiques et des jurisprudences, et répondant aux questions en ligne posées directement par les utilisateurs. Ce site est accessible gratuitement, en français et en anglais.

www.art4eu.net : le ministère a demandé à l’association « Pépinières européennes pour jeunes artistes » de recenser dans le domaine du spectacle vivant, discipline par discipline (écriture, théâtre, conte, cirque, arts de la rue, marionnettes, musique, danse, formes croisées, chanson), les institutions culturelles qui accueillent en résidence des artistes étrangers et de rassembler les informations recueillies dans une base de données. Cette base de données est accessible sur le site Internet de l’association.

Source : ministère de la culture et de la communication

d) La coopération technique et l’aide au développement dans le domaine de la sauvegarde du patrimoine

Ces actions sont développées par la Direction de l’architecture et du patrimoine (DAPA), principalement dans le cadre de la mise en œuvre de la convention pour l’aide au développement des pays d’Afrique et d’Amérique du Sud signée avec l’Unesco. Coexistent trois modes d’intervention : une assistance préparatoire à l’inscription de sites inscrits ; une aide à la gestion et à la conservation des sites inscrits sur la liste du patrimoine mondial ; un suivi de la coopération décentralisée (comme c’est le cas à Saint-Louis du Sénégal, dont l’exemple est développé ci-après).

Il s’agit principalement d’une assistance technique pour des pays émergents ou sous-développés, qui se concrétise par l’envoi d’experts qualifiés dans le domaine du patrimoine et de l’architecture, dans le respect des architectures et des identités locales. Cette assistance technique permet la transmission de savoir-faire dans le domaine de la conservation et de la mise en valeur du patrimoine.

e) La valorisation de l’expertise et du savoir-faire culturels français

Le ministère encourage le développement de réseaux de professionnels susceptibles d’accroître l’influence et le rayonnement de la culture française dans le monde.

 L’exemple de l’association des architectes français à l’export (AFEX)

Le ministère soutient ainsi l’association des architectes français à l’export (AFEX), constituée d’une centaine d’architectes auxquels sont associés des ingénieurs, des urbanistes, des paysagistes, des architectes d’intérieur, des géomètres et des industriels. Cette association a été créée en 1996 avec un fort soutien du ministère. Elle développe son action dans plusieurs domaines :

– elle organise la promotion du savoir-faire français en soutenant la participation de ses membres à des manifestations internationales : expositions, foires, salons, etc.

– elle contribue à l’organisation de l’offre française dans les domaines de l’architecture, en assurant une fonction de documentation, d’édition et d’assistance à l’export pour ses membres et l’ensemble des architectes français ;

– elle collabore avec les 163 missions économiques dans 127 pays pour organiser des missions de prospection, des colloques et diffuser les appels d’offres internationaux auprès de ses membres ;

– elle met en relation les clients internationaux avec les professionnels français compétents.

 Les aides au Bureau export de la musique

Le Bureau export de la musique est une association créée en 1993, à l’initiative des professionnels français, avec le soutien des pouvoirs publics et des organismes professionnels de l’industrie du disque et du spectacle vivant.

Son but est d’aider les maisons de disques françaises à promouvoir leurs artistes à l’étranger. Cette association assure une mission d’information, de conseil et d’aide à la prospection et au développement auprès des maisons de disques françaises. Elle coordonne également la présence française sur les salons et organise des rencontres professionnelles en France et à l’étranger avec le soutien d’Ubifrance. Elle a tissé un réseau de 9 bureaux à travers le monde: Royaume-Uni (Londres), Allemagne (Berlin), Etats-Unis (New York), Japon (Tokyo), Brésil (Sao Paulo), Espagne (Barcelone), Mexique (Mexico), Russie (Moscou) et Australie (Sydney).

3. Un rôle budgétaire limité lié à l’importance de la coopération interministérielle

a) Une « répartition des tâches » historiquement très marquée…

La répartition « historique » des compétences entre le ministère chargé de la culture et celui des affaires étrangères en matière d’action internationale a attribué au premier l’accueil des cultures étrangères en France et, au second, le rayonnement de la culture française à l’étranger.

Cette distinction conserve encore une grande pertinence budgétaire, une part importante des crédits d’action internationale du ministère de la culture et de la communication étant dédiée tant à l’accueil de cultures et de spectacles étrangers qu’à celui des professionnels de la culture et des artistes étrangers en France.

b) … mais qui tend à s’effacer

Cette distinction tend toutefois à s’atténuer sous l’effet de plusieurs facteurs.

En premier lieu, la mise en œuvre du principe même de diversité culturelle dans les relations culturelles bilatérales implique une certaine réciprocité et donc un lien fort entre l’accueil des cultures étrangères et le rayonnement de notre culture. Cet impératif conduit le ministère de la culture et de la communication à participer aux différents comités mixtes de coopération culturelle, aux comités de projet de fonds de solidarité prioritaire (FSP) et aux comités d’orientation de coordination et de projet (COCOP) du ministère des affaires étrangères.

En deuxième lieu, les grands établissements publics du ministère de la culture et de la communication, sollicités de manière croissante au titre de la coopération et de l’exportation du savoir-faire français, développent leur action internationale. C’est notamment le cas des musées (le Louvre, le musée du Quai Branly, le Centre Pompidou sont très actifs) ou de la Bibliothèque Nationale de France.

En troisième lieu, les coopérations décentralisées prennent de l’ampleur. Dans ce cadre, les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) sont parties prenantes dans les conventions tripartites (collectivités territoriales/DRAC/CulturesFrance) qui permettent de mobiliser des crédits au service d’opérations de coopération avec des opérateurs étrangers. Le cas de la coopération décentralisée entre Lille et Saint-Louis du Sénégal, développé ci-après, en constitue un bon exemple.

Par ailleurs, le ministère de la culture participe financièrement au fonctionnement d’organisations internationales ou d’opérateurs à l’étranger (contribution au fonds de soutien Eurimages du Conseil de l’Europe, aux programmes culturels de l’Organisation internationale de la francophonie).

L’ensemble de ces facteurs justifient la compétence partagée du ministère de la culture et de la communication avec le ministère des affaires étrangères en matière d’action culturelle extérieure, telle qu’elle s’exprime à l’article 3 du décret n°2002-898 du 15 mai 2002 relatif aux attributions du ministre de la culture et de la communication. « Il met en œuvre, conjointement avec les autres ministres intéressés, les actions de l’Etat destinées à assurer le rayonnement dans le monde de la culture et de la création artistique françaises et de la francophonie. Il contribue à l’action culturelle extérieure de la France et aux actions relatives aux implantations culturelles françaises à l’étranger». L’action culturelle à l’extérieur est en effet l’un des piliers de l’action diplomatique de la France, au même titre que la dimension internationale est inséparable de la création culturelle, notamment dans le domaine des industries culturelles.

Afin de donner à notre action culturelle internationale une efficacité optimale, les deux ministères sont nécessairement conduits à travailler ensemble, le ministère des affaires étrangères ayant recours aux établissements publics et opérateurs relevant du ministère de la culture et de la communication. Réciproquement, ce dernier travaille avec les services et instituts culturels relevant du ministère des affaires étrangères. Selon les informations communiquées au rapporteur par les deux ministères, et comme celui-ci a pu le constater lors de son déplacement au Sénégal, ce travail conjoint s’effectue en transparence et en bonne intelligence. D’ailleurs, le succès remporté par la France à l’Unesco avec l’adoption de la convention sur la diversité des expressions culturelles est largement le fruit de cette collaboration très étroite.

c) L’exemple de CulturesFrance

CulturesFrance est né le 15 mai 2006 de la fusion de deux associations : l’AFAA (association française d’action artistique) et l’ADPF (association pour la diffusion de la pensée française).

L’AFAA (association française d’action artistique) était une association reconnue d’utilité publique, créée en 1922. A l’origine uniquement en charge de la promotion des artistes français à l’étranger, elle était devenue l’opérateur conjoint du ministère des affaires étrangères et du ministère de la culture et de la communication, à la fois responsable de la promotion de la culture française contemporaine à l’étranger, mais également du développement de productions culturelles autonomes dans les pays de la zone de solidarité prioritaire, à travers son département Afrique en créations. Dotée d’un budget de plus de 20 millions d’euros (pour moitié sous forme de subventions), l’AFAA employait 70 personnes.

L’ADPF (association pour la diffusion de la pensée française) était une association créée en 1946. Placée sous la tutelle unique du ministère des affaires étrangères, elle visait à promouvoir la langue française et les cultures francophones, grâce à l’édition et à la diffusion d’ouvrages. Dotée d’un budget de 7 millions d’euros, elle employait 36 personnes, essentiellement sous contrats de droit privé (statut de l’édition).

CulturesFrance est désormais l’opérateur délégué des ministères des affaires étrangères et de la culture et de la communication pour l’ensemble des échanges culturels internationaux. Cet opérateur œuvre donc à présent dans les domaines de la création artistique contemporaine (arts visuels, architecture, design, danse, musiques, théâtre, arts de la rue), du livre et de l’écrit, du patrimoine cinématographique, des collections documentaires et de l’ingénierie culturelle, avec l’aide d’un réseau de correspondants dans les ambassades et établissements culturels français de près de 140 pays.

Prochainement dotée d’un statut d’établissement public, l’opérateur disposera en 2007 d’un budget de plus de 30 millions d’euros.

En collaboration avec les grandes institutions, le secteur privé (fondations, grands mécènes) et les collectivités territoriales françaises (villes, départements, régions), CulturesFrance encourage la réciprocité des échanges artistiques entre la France et l’étranger. Il fédère ainsi des moyens publics autrefois dispersés, en parfaite collaboration avec les deux ministères.

Comme le rapporteur a pu le constater lors de l’audition de M. Olivier Poivre d’Arvor, cet outil a tout son intérêt en matière d’action culturelle internationale. Il a permis un développement concerté de l’action culturelle internationale et des relations beaucoup plus sereines entre les deux ministères. Les opérateurs français et étrangers en sont satisfaits et il convient donc de développer le rôle et la place du ministère de la culture en son sein plutôt que de créer un nouvel opérateur propre à ce ministère, qui serait redondant, voire contreproductif.

Le ministère de la culture dispose d’une expertise culturelle irremplaçable et d’un réseau territorial très dense, d’une grande efficacité, avec lequel CulturesFrance collabore régulièrement. L’organisme a par exemple déjà signé une vingtaine de conventions tripartites avec des collectivités locales et des directions régionales des affaires culturelles (DRAC), pour développer les échanges culturels entre les régions françaises et les pays étrangers. L’organisme se félicite que les DRAC aient souhaité s’associer aux choix et aux financements des projets et regrette d’ailleurs que certaines directions régionales soient encore réticentes à s’engager.

Le ministère de la culture doit donc affirmé son rôle au sein de CulturesFrance, développer de vrais projets de coopération et de commandes et, sans doute, augmenter sa contribution financière afin d’asseoir ce partenariat.

On pourrait aussi imaginer que CulturesFrance devienne l’opérateur du ministère de la culture en matière de formation des acteurs culturels étrangers, comme le souhaite la direction de l’agence, et reprenne les missions de la Maison des cultures du monde, actuellement en cours de restructuration. Cette solution semble effectivement plus opérationnelle que la création d’un nouvel opérateur.

B. UN EXEMPLE CONCRET : L’ACTION CULTURELLE DE LA FRANCE AU SÉNÉGAL

Le rapporteur a effectué un déplacement de trois jours au Sénégal. Si sa mission principale consistait bien en une évaluation de l’action culturelle dans ce pays, qu’il soit permis de dire ici que l’ensemble de ses interlocuteurs sur place, français comme sénégalais, ont tous tenus à lui faire part de la grande préoccupation qui s’exprime aujourd’hui : l’immigration. Le « désir culturel de France » se traduit d’abord ici par un désir déterminé de quitter le pays pour rejoindre « l’Eldorado européen ». Sans espoir de se frayer un chemin professionnel et personnel au Sénégal, des milliers de jeunes gens sont prêts à risquer l’aventure de l’immigration clandestine en toute connaissance des risques vitaux qu’elle leur fait courir. Une statistique a de quoi « interpeller l’avenir » : plus de 50 % de la population (de 10 millions d’âmes) a aujourd’hui moins de 18 ans et plus de 40 % moins de 15 ans ! La préoccupation culturelle – car elle existe – vient après cette réalité économique et sociale.

1. Le rôle fondamental des instituts culturels français

Le 1er septembre 2004, sont nés officiellement les instituts culturels et linguistiques de Dakar et Saint-Louis qui rassemblent, sous une même entité, les fonctions des anciens centres culturels français et alliances françaises de ces deux villes. Ces deux établissements sont sous la tutelle du ministère des affaires étrangères, mais en relation régulière et étroite avec le ministère de la culture français, ses opérateurs (notamment Culturesfrance), ses établissements publics (scènes nationales, musées, etc.) et les directions régionales des affaires culturelles.

Ils ont pour responsabilité de faire connaître la culture française, mais également d’aider à la promotion de la culture et des talents des artistes sénégalais, de promouvoir la francophonie en participant à l’alphabétisation des populations qui souhaitent acquérir les bases de la langue française ou au perfectionnement d’autres sur des créneaux plus techniques ou d’organiser des débats de société avec des intervenants de pays francophones.

a) L’organisation de débats d’idées : confrontation intellectuelle dans un cadre francophone

Ces débats sont un excellent moyen de participer à la vie intellectuelle sénégalaise sur des grands thèmes de société : environnement, lutte contre les pandémies, diversité culturelle, développement durable, régulation de la mondialisation, normes sociales, urbanisation, tourisme responsable, fossé numérique, bioéthique, sécurité sanitaire, commerce équitable, etc.

Ces colloques sont organisés en collaboration avec les partenaires institutionnels sénégalais (Université Cheikh Anta Diop, Gorée Institute, Université des Mutants, Maison de la Culture Douta Seck, ENDA, Institut Fondamental d’Afrique Noire (IFAN), Institut de Recherche et de Développement (IRD), Agence Universitaire de la Francophonie), avec les médias (Radio Télévision Sénégalaise (RTS), presse quotidienne, radio Nostalgie, Canal + Horizons) qui en assurent la promotion, et avec une maison d’édition (Nouvelles Éditions Africaines) qui en effectue la synthèse et la publication.

A Dakar, comme l’a souligné M. Christian Saglio, directeur de l’Institut, s’exprime souvent un « désir de France », un besoin d’entendre la voix de nos penseurs et de nos intellectuels (concernant certaines prises de positions dans le débat mondial des idées), et de la confronter à celle des universitaires, des écrivains ou des journalistes sénégalais.

b) Un soutien appuyé à la musique sénégalaise

La musique est aujourd’hui encore le principal vecteur de l’expression artistique du Sénégal et de son rayonnement à l’étranger. De nombreux artistes, célèbres sur le plan international, sont originaires du Sénégal : Youssou Ndour, Doudou Ndiaye Rose, Baba Maal, Touré Kunda, Ismaël Lô. La pépinière de jeunes chanteurs est très prometteuse. Des artistes moins connus rencontrent un important succès au Sénégal et plus généralement en Afrique de l’Ouest. Un style sénégalais s’est imposé comme référence musicale africaine : le mbalax. Des artistes tels que Thione Balago Seck, Omar Pene, Alioune Kassé ou Viviane Ndour suivent l’exemple de Youssou Ndour dans ce style de musique, mélange d’instruments traditionnels et modernes. Tous ces groupes ont débuté à l’institut français de Dakar.

Mais le mbalax n’est pas le seul courant porteur. En effet, depuis quelques années, les Sénégalais écoutent de plus en plus de reggae et surtout de rap. Le rap est devenu un mouvement social très dynamique. Il y a environ 3 000 groupes de rap au Sénégal dont les plus en vogue sont Positive Black Soul, Daara-J, Pee Froiss, Wa Bmg 44 , Bideew Bou Bess (qui a participé à l’album du rappeur français Passi) ou Bill Diakhou. Tous ces groupes sont aussi célèbres en France, qu’au Sénégal ou aux Etats-Unis. C’est en partenariat avec l’institut culturel de Dakar que ce mouvement organise deux événements importants : Les Hip-Hop Awards et le Festival Sénérap International.

Par ailleurs, en partenariat avec Culturesfrance et avec l’aide du ministère de la culture français et de ses établissements publics en région, l’institut aide ces artistes à « s’exporter » et à faire connaître leur musique sur le continent africain, mais également en France et dans le monde.

c) La situation problématique du théâtre et du cinéma

Dakar dispose d’un excellent théâtre, au passé très riche, le théâtre Daniel Sorano. Il fut créé en 1966, pour le premier festival mondial des arts nègres. Récemment restauré, il abrite trois ensembles (lyrique, chorégraphique et dramatique), mais son fonctionnement est handicapé par l’insuffisance des moyens dont il dispose. C’est pour cette raison que l’institut tente de le revitaliser, par la programmation de productions françaises ou de co-productions sénégalaises, mais également par le soutien apporté à un festival de théâtre, le Fest’Art, et par la re-dynamisation du théâtre scolaire et amateur. La situation du théâtre au Sénégal reste aujourd’hui problématique, puisque seules quelques petites compagnies survivent en se cantonnant le plus souvent dans un répertoire répétitif.

Cette situation problématique, c’est aussi celle du cinéma. Alors que Dakar fut jadis une « place forte » pour le cinéma en Afrique, et singulièrement pour la diffusion de films français, il n’existe quasiment plus de salles de projection dans la capitale, la plupart ayant été converties en supermarchés… Les interlocuteurs rencontrés par le rapporteur indiquent que l’obsolescence des salles et des matériels, ainsi que la concurrence de la télévision, couplés à une forte spéculation immobilière, ont abouti à la fermeture progressive des complexes cinématographiques.

2. La protection du patrimoine

Cet aspect de l’action culturelle internationale a particulièrement retenu l’attention du rapporteur, notamment à Saint-Louis du Sénégal. Dans cette ville, la visite du Centre de recherche et de documentation du Sénégal (CRDS), ex-Institut Français d’Afrique Noire (IFAN), l’a laissé perplexe. Ce centre accueille notamment la bibliothèque de l’ancienne colonie du Sénégal, ce qui en fait une des plus anciennes d’Afrique Noire puisqu’elle date de la première moitié du XIXè siècle. Malgré une évidente bonne volonté de la direction et de l’ensemble du personnel du centre, il est tout à fait évident que l’état de délabrement de cette institution exige des moyens nouveaux, notamment s’agissant des salles d’archivages et de conservation de documents et d’ouvrages de grande valeur. Disons le, également, une pratique nouvelle, que, seul un archiviste, peut-être avec le concours d’un bibliothécaire, pourrait insuffler. En pareil cas, le ministère de la culture français s’honorerait à pouvoir envoyer en mission de tels personnels et les moyens nécessaires à la remise en état d’un fonds documentaire qui est aujourd’hui dans un état de conservation inquiétant.

a) L’importance de la coopération décentralisée Lille-Saint Louis

Troisième ville et deuxième port maritime du Sénégal, sur l’estuaire du fleuve Sénégal, la ville de Saint-Louis se situe à 270 km au nord de Dakar. Fondée par les colons français au XVIIè siècle, Saint-Louis s’urbanisa au milieu du XIXè siècle. Capitale du Sénégal de 1872 à 1957, elle joua un rôle culturel et économique prépondérant dans l’ensemble de l’Afrique occidentale. Située sur une île à l’embouchure du fleuve Sénégal, son plan urbain régulier, initié par Faibdherbe, son système de quais et son architecture coloniale caractéristique font de Saint Louis un remarquable exemple de ville coloniale.

Pour ces raisons, l’île de Saint-Louis a été inscrite, en décembre 2000, sur la liste du patrimoine mondial par l’Unesco. Dès 2001, l’Etat sénégalais et la municipalité commencent à réfléchir à la mise en place d’une politique de protection et de mise en valeur.

 L’historique de la convention de coopération décentralisée

C’est dans ce cadre que la ville de Saint-Louis, consciente des enjeux liés à la préservation et à la mise en valeur de son centre historique, a sollicité la communauté urbaine de Lille pour l’appuyer dans la mise en place de cette politique. Les Saint-Louisiens ont en effet tissé des liens très forts avec deux généraux français nés à Lille : Faidherbe, gouverneur du Sénégal à partir de 1854 qui dote la ville de son plan urbain et architectural, et de Gaulle qui vint à Saint-Louis le 10 décembre 1959 pour la sixième réunion du Conseil exécutif de la Communauté franco-africaine et répondit pour la première fois publiquement aux revendications d’indépendance formulées par le Sénégal, le Mali et le Soudan. Lille s’est engagé en 2002 à intervenir, par la signature d’une convention de coopération décentralisée pour une période de trois ans (2004-2006)(5).

Le financement du projet

Coût prévisionnel total du projet : 331 900 euros (sur 3 ans)

Ressources prévisionnelles:
- Ville de Saint-Louis: 42 700 euros
- Lille Métropole Communauté Urbaine: 171 400 euros
- Ministère des affaires étrangères : 117 800 euros (sollicité par Lille Métropole au titre du fonds de solidarité prioritaire)

Cette coopération bénéficie du soutien et du suivi scientifique de la direction de l’architecture et du patrimoine du ministère de la culture et de la communication français. L’objectif était en premier lieu de réaliser un inventaire du patrimoine urbain, paysager et architectural de l’île Saint-Louis et des relevés du bâti (fiches typologiques, cartographies et photographies). Parallèlement, il s’agissait de sensibiliser les populations saint-louisiennes à l’importance de la sauvegarde du patrimoine.

 La réalisation d’un inventaire du patrimoine de Saint-Louis et la création d’un bureau du patrimoine

En 2005, l’inventaire a été finalisé selon une démarche originale puisque ce sont des étudiants de l’école d’architecture de Lille, en binôme avec des étudiants sénégalais, qui l’ont réalisé. Il s’agit d’un outil informatisé remarquable présentant l’intégralité du patrimoine de la ville, sous un format interactif.

La présentation faite au rapporteur lors de son déplacement était tout à fait intéressante. Une restitution officielle a été effectuée à Saint-Louis en présence des autorités nationales et locales et puis à Lille en présence du maire de Saint-Louis et de M. Pierre Mauroy. Un bureau du patrimoine, installé au sein du centre de recherche et de documentation du Sénégal (CRDS) permet à la population et aux chercheurs d’accéder à ces données.

 La sensibilisation des populations

Il convenait en effet également, au travers de différents moyens, d’informer et de sensibiliser tous les habitants de Saint-Louis, et en priorité ceux de l’île, à la protection de leur patrimoine, aujourd’hui menacé.

Cette sensibilisation s’est faite par la mise en place de conseils de quartier, l’organisation de manifestations culturelles autour du patrimoine, des animations radio et la distribution de bulletins d’information, de plaquettes sur les autorisations de construire et sur les démarches à entreprendre pour réaliser des travaux ou obtenir des informations relatives au patrimoine bâti.

Cette sensibilisation est aussi passée par des actions de restauration du patrimoine, dans le cadre de chantiers écoles et surtout par l’identification et la rédaction d’un répertoire des métiers des artisans compétents pour opérer ces restaurations. En effet, un des problèmes majeurs de la conservation du patrimoine saint-louisien est la quasi-absence de professionnels sachant utiliser les méthodes traditionnelles de construction. Aujourd’hui, l’utilisation abusive du ciment et du béton est à l’origine de dégâts parfois irréversibles sur les bâtiments.

 L’avenir : le plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV)

Il convient de poursuivre le travail entrepris. Pour faire suite à cet inventaire, et dans le cadre de la convention qui lie la ville et l’Unesco, un plan de sauvegarde et de mise en valeur doit être élaboré. Un architecte a été envoyé par le ministère de la culture français à plein temps sur place pour aider à son élaboration. La mise en place de ce PSMV est fondamentale, puisqu’elle permettra de s’opposer à des constructions non conformes et de mieux encadrer les restaurations de bâtiment, ce qui n’est actuellement pas le cas.

 Un bilan mitigé : une évolution positive du cadre institutionnel mais de nombreux défis à relever d’urgence

Le rôle et les capacités techniques de la commune de Saint Louis ont été renforcés. Aujourd’hui, les techniciens de la ville se spécialisent progressivement, notamment grâce à l’appui continu apporté par les experts du ministère de la culture et par les agents de la communauté urbaine de Lille. Ainsi, des étudiants et des techniciens municipaux ont été formés à l’inventaire et les contractuels municipaux embauchés au bureau du patrimoine sont aujourd’hui tout à fait opérationnels.

Les relations entre la commune et les services compétents de l’Etat sénégalais s’harmonisent et permettent d’envisager une coopération constructive.

Enfin, les relations avec l’Unesco se renforcent et permettent la réalisation de grands évènements, tel que la pose de la plaque du Patrimoine mondial ou la participation aux grands événements internationaux. Le rendu du PSMV permettra de satisfaire à une demande récurrente de l’organisation internationale.

Malgré tout, le patrimoine bâti de Saint-Louis est soumis à des mutations importantes qui affectent l’intégrité des biens immobiliers. Des travaux de restauration spontanés affectent les structures et les façades des bâtiments. De même, de nouvelles constructions, non conformes au style saint-louisien, bouleversent le paysage urbain. Enfin, l’état de péril d’une partie des édifices de la ville représente une réelle menace.

b) Le patrimoine de Gorée : un exemple abouti de coopération

 Une île préservée et dont le patrimoine est remarquablement entretenu

Il est clair qu’il est beaucoup plus aisé de conserver, d’entretenir, de sauvegarder des sites et un patrimoine sur un périmètre déterminé et restreint comme celui de l’île de Gorée que dans une ville étendue comme Saint-Louis du Sénégal.

Néanmoins, il semble que la détermination, la volonté municipale entrent résolument en compte dans la réussite d’une politique patrimoniale et touristique et, à cet égard, la municipalité de Gorée a su prendre quelques « longueurs d’avance » sur les autres villes du Sénégal. Cette île est propre, les éléments du patrimoine y sont en bon état de conservation, un syndicat d’initiative y assure une coordination de tout le développement touristique. La réussite de ces efforts s’affiche « à l’œil nu ».

 Le projet de « Villa Médicis » d’Afrique : la villa Senghor

Le 10 mai 2006, le président Wade a soumis à Mme Girardin, ministre déléguée à la coopération, un projet de restauration du palais du gouvernement situé sur l’Ile de Gorée. Il s’agit, dans l’esprit du chef de l’Etat sénégalais, de sauver de la ruine l’un des bâtiments majeurs de l’Ile de Gorée, classée au patrimoine mondial de l’Unesco, mais également de répondre à une demande croissante de la communauté artistique sénégalaise et, au-delà, africaine, de doter le continent d’un lieu de culture et d’échanges.

Ce lieu pourrait abriter trois entités :

– une résidence d’artistes, ouverte aux artistes africains, mais devant également permettre à des artistes non africains, de travailler sur des durées plus limitées à des projets conjoints ;

– une maison d’hôtes, permettant d’héberger les invités de Gorée tout au long de l’année, dans le cadre des manifestations artistiques et culturelles, comme par exemple, à l’occasion du Festival des diasporas, au mois de novembre ;

– un musée d’art contemporain, devant offrir aux visiteurs de Gorée un lieu d’exposition permanente d’œuvres sénégalaises, mais aussi d’œuvres étrangères liées au Sénégal et à l’Afrique.

À l’heure où le musée Dapper célèbre à Paris la création contemporaine sénégalaise, en exposant les œuvres de la nouvelle génération (Soly Cisse, Ndary Lo, Gabriel Kenzo Malou, Douts, Henri Sagna), le Sénégal s’avère, de son côté, dans l’impossibilité d’offrir à ses jeunes créateurs un espace d’exposition permanent. En dehors de la biennale Dak’Art, c’est le plus souvent l’institut culturel qui assume cette fonction... Paradoxe parmi d’autres : au Sénégal, il est impossible de voir une seule œuvre du grand sculpteur Ousmane Sow (à l’exception d’un bronze, « Le lanceur de javelot », installé au lycée Mermoz).

Il y a aujourd’hui au Sénégal et en France deux collections qui mériteraient à elles seules de constituer l’embryon d’un futur musée d’art contemporain africain :

– en France, un fonds constitué depuis près de trente ans par l’ancien conseiller culturel du président Senghor, M. Gérard Bosio. Il s’agit d’une collection unique constituée à la fois de manuscrits autographes du président poète, mais également d’œuvres originales des plus grands artistes du XXè siècle : Chagall, Manessier, Arman, qui ont souhaité illustrer l’œuvre de Senghor ou simplement répondre à des invitations ou à des commandes. On peut également citer Lichtenstein, Folon, Ben, Christo, Raushenberg, Tinguely, Garouste, Zae Woki.

– au Sénégal, une collection privée, constituée par un Sénégalais d’origine libanaise, M. Bassam Chaitou, ancien élève d’HEC. En un peu moins de dix ans, M. Chaitou a constitué sans doute l’une des plus importantes collections d’art contemporain sénégalais (des années 60 à nos jours). Forte de près de 150 œuvres majeures, cette collection permet de retracer 40 ans de création contemporaine et de réunir l’essentiel du patrimoine national(6). Ces deux collectionneurs souhaitent aujourd’hui partager les œuvres acquises au fil des ans. Si des propositions sérieuses leur sont faites, ils seraient prêts à en faire don au Sénégal. Ils posent tous deux comme condition préalable la constitution d’une fondation de droit privé ou ils siègeraient.

Pour mener à bien ce projet, il faut tenir compte de deux facteurs : le premier est la nécessité de réhabiliter au plus vite le bâtiment, le palais du gouvernement menaçant ruine. Ce constat est partagé par l’ensemble des interlocuteurs rencontrés, à commencer par l’Inspecteur général du patrimoine bâti, M. Al Housseynou Ndiaye. Il faut donc entreprendre au plus vite les premières mesures de restauration, en commençant notamment par la consolidation des parties directement soumises à l’érosion de la houle.

Plusieurs propositions de restauration à des fins purement touristiques (hôtellerie de luxe) ont été jusqu’à présent bloquées par la présidence de la république sénégalaise, qui souhaite donner au projet une dimension avant tout culturelle et respectueuse du site de Gorée. Ces pressions redoublent dans le contexte de recherche de nouvelles capacités hôtelières (dans le cadre de l’organisation à Dakar en 2008 de la conférence islamique).

Selon une première estimation réalisée par les services de la présidence de la république sénégalaise, le coût total d’une remise en exploitation du bâtiment serait de l’ordre de 2 milliards de francs CFA (environ 3 millions d’euros) :

– 1 milliard de francs CFA pour le bâtiment principal (surface 1 470 m²) ;

– 650 millions de francs CFA pour les dépendances (630 m²) et les aménagements extérieurs, dont la protection littorale (600 m²) ;

– 250 millions de francs CFA pour les études, le suivi et le contrôle.

Ces travaux ne comprennent que la mise en exploitation des services d’accueil, de restauration et d’hébergement. La partie réservée au futur musée n’a pas encore été chiffrée. En intégrant les trois fonctions de cet espace, le devis pourrait passer de 3 à 5 millions d’euros.

Compte tenu des engagements importants souscrits par la France en matière de réhabilitation du patrimoine au Sénégal (notamment à hauteur 12 millions d’euros pour le Pont Faidherbe), il paraît peu probable que le ministère des affaires étrangères puisse contribuer de manière substantielle au projet. Les financements devront par conséquent provenir principalement du secteur privé. Selon les informations fournies au rapporteur par l’ambassade de France au Sénégal, il serait sans doute judicieux de créer un « comité d’honneur » de personnalités éminentes, originaires de Dakar, mais aussi de France, Sénégalais et Français, susceptibles de « parrainer » ce projet pour une recherche efficace de fonds. Parallèlement, il serait utile de pouvoir disposer d’une étude préalable du projet, de son coût de fonctionnement, sur la base d’expériences similaires. Il conviendrait que le ministère de la culture français s’investisse pleinement sur ce dossier, emblématique de la défense de la diversité culturelle et de la protection du patrimoine.

3. L’audiovisuel

Depuis plusieurs années, le secteur audiovisuel du service français de coopération et d’action culturelle au Sénégal a mis en place des formations de journalistes et de techniciens. Il s’agit d’ateliers organisés localement, avec l’appui d’experts français. Du 29 novembre au 11 décembre 2004, deux journalistes de Radio France Internationale (RFI) ont ainsi organisé, à Dakar, une session de formation radiophonique régionale d’une dizaine de jours, destinée aux journalistes spécialisés dans les questions de santé. Cet atelier a réuni 15 professionnels de radios privées et publiques, dans les locaux d’une radio communautaire locale. Les participants venaient de cinq pays d’Afrique de l’Ouest : Sénégal, Burkina-Faso, Mali, Niger, Côte d’Ivoire.

Par ailleurs, dans le cadre d’un plan de soutien aux télévisions africaines, une convention a été signée, en 2004, entre l’Ambassade de France au Sénégal et la Radiodiffusion télévision sénégalaise (RTS), organe audiovisuel public. Une mission d’experts de Canal France International (CFI) a été accueillie, en juin, dans les locaux de la télévision nationale. Elle devrait déboucher sur une série d’actions concertées concernant la formation du personnel de la RTS et l’organisation de l’entreprise (publicité, management des ressources humaines...).

Le rapporteur a quant à lui visité les locaux de 2STV, télévision privée présidée par M. El Hadj Ndiaye, installée dans un immeuble offrant des surfaces importantes de studios, de salles d’enregistrement et même de salles de spectacles. L’initiative est récente mais l’équipe en place a déjà en projet de faire évoluer cette télévision thématique (loisirs et musique) vers une télévision généraliste puisque, dès cet automne, l’antenne doit s’ouvrir à des journaux d’information avec l’accord de l’autorité nationale de régulation.

La question qui se pose à cette chaîne comme elle va se poser à ses concurrentes, dont l’arrivée sur le marché se profile, est avant tout économique : quelles possibilités pourra offrir marché publicitaire sénégalais demain, pour permettre à plusieurs chaînes privées et à une constellation de radios locales de « tenir » et de se développer ? Certes, l’exemple de la diversité de la presse écrite sénégalaise pourrait tempérer cette inquiétude, mais les coûts de production ne sont pas comparables.

C. QUEL AVENIR POUR L’ACTION CULTURELLE EXTÉRIEURE DU MINISTÈRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION ?

Le ministère de la culture doit continuer à affirmer sa place sur la scène internationale, en parfaite coopération avec la diplomatie française. On assiste d’ailleurs à une évolution convergente dans l’ensemble des pays européens : les ministères chargés de la culture participent de manière croissante à la conduite des actions culturelles internationales de leur pays, notamment dans le cadre du Conseil européen des ministres de la culture.

L’exemple français est largement suivi puisque l’on assiste également, dans les différents pays de l’Union, au développement de politiques de « Saisons étrangères », suivant le modèle français (saison de l’Italie en Chine, saison croisée entre l’Allemagne et la Pologne, saison russe à Bruxelles, etc.).

Enfin, la collaboration croissante des ministères de la culture européens, à l’initiative de la France, s’est particulièrement manifestée dans le cadre de l’adoption de la convention sur la diversité des expressions culturelles à l’Unesco, puisque l’action conjointe et soutenue de ces ministères, conjointement avec ceux des affaires étrangères, a permis la victoire de la diversité culturelle, contre l’avis des Etats-Unis. Cette collaboration permet aujourd’hui également la mise en œuvre du projet de bibliothèque numérique européenne et du label européen du patrimoine, là encore à l’initiative de la France.

Il convient donc de renforcer la place prépondérante et le rôle moteur du ministère de la culture français sur ces dossiers.

1. L’intérêt d’une action interministérielle cohérente et d’une coopération renforcée entre les deux ministères

Il faut avant tout éviter l’écueil de l’action solitaire. Le rapporteur préconise avec force une coopération renforcée entre les deux ministères, de la culture et des affaires étrangères, afin que le « désir de France » exprimé dans les pays étrangers prospère et que la diversité culturelle trouve sa traduction dans tous les pays. La compétence « technique » et le réseau territorial du ministère de la culture sont un atout à valoriser. La connaissance des pays étrangers, les moyens budgétaires et humains mis en œuvre par le ministère des affaires étrangères doivent aussi être salués.

2. Développer l’envoi d’experts du ministère de la culture dans les pays en développement

S’agissant plus particulièrement de l’action en Afrique et dans les pays en développement, le rapporteur estime que le ministère de la culture doit développer son soutien aux professionnels du secteur par l’envoi d’experts et l’organisation de stages et formations dans les pays destinataires, plutôt qu’en France, car les situations très spécifiques de ces pays ne permettent pas toujours aux professionnels étrangers formés dans notre pays de transposer utilement leurs savoirs à leur retour. En venant sur place, les experts du ministère de la culture ou de ses établissements cernent mieux les problématiques locales et prennent conscience de la disparité des moyens. Ils peuvent ainsi adapter leur formation aux contraintes et réalités locales. Les difficultés du Centre de recherche et de documentation du Sénégal (CRDS) évoqué précédemment en sont un parfait exemple.

3. Revoir le découpage budgétaire

Dans le domaine purement budgétaire, et alors que tout le monde salue l’efficacité et l’intérêt de l’action culturelle internationale de la France, il conviendrait d’avoir une meilleure idée de l’ensemble des crédits alloués à l’action culturelle extérieure par le ministère de la culture, mais surtout par le ministère des affaires étrangères.

S’agissant du ministère de la culture, la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) a certes permis d’améliorer la lisibilité de l’action culturelle extérieure de la France, mais la ligne budgétaire ainsi créée ne recouvre pas l’ensemble des crédits alloués par le ministère à cette action, ce qui est regrettable. Il conviendrait de disposer d’un document récapitulant l’ensemble des moyens financiers alloués par chaque direction du ministère à l’action culturelle internationale.

S’agissant des crédits alloués par le ministère des affaires étrangères, le rapporteur partage le souci de M. François Rochebloine, rapporteur pour avis des crédits 2007 du « rayonnement culturel et scientifique » pour la commission des affaires étrangères. M. Rochebloine regrette « la scission de la politique de rayonnement culturel et scientifique du ministère des Affaires étrangères entre deux programmes (185 et 209) relevant de deux missions différentes (Action extérieure de l’Etat et Aide publique au développement). L’ambition d’une politique culturelle n’est pas différente selon qu’il s’agit de pays développés ou en développement. En outre, la liste des pays développés au sens de l’OCDE évolue d’une année sur l’autre, selon des considérations étrangères à l’action culturelle ; ces variations annuelles du périmètre des programmes 185 et 209 rendent difficiles la comparaison des crédits d’un exercice budgétaire à l’autre. Il n’existe pas davantage de points communs entre la Namibie et la Chine (deux pays qui relèvent du programme 209) qu’entre la Bolivie et la Suède, qui relèvent de deux programmes distincts. Aussi, le regroupement dans un seul programme, piloté par la DGCID [direction générale de la coopération internationale et du développement], permettrait de gagner en cohérence et en lisibilité. Il s’agirait de transférer les actions n°2 (affirmation de la dimension culturelle du développement) et n°3 (promotion de l’enseignement supérieur et recherche au service du développement) du programme 209 vers le programme 185. Une réflexion devrait être engagée dans cette voie ».

Le rapporteur estime effectivement totalement infondée cette différence opérée entre pays développés et pays en développement.

4. Développer de nouvelles sources de financements

Alors que les budgets publics sont aujourd’hui fortement contraints, il conviendrait que les deux ministères réfléchissent au développement de nouvelles sources de financement pour leurs actions communes. Déjà, les instituts culturels font largement appel au mécénat. Le rapporteur a pu le constater lors de son déplacement à Dakar où le directeur de l’institut, dans une démarche particulièrement innovante et dynamique, fait appel aux mécènes privés pour organiser des spectacles. Le service culturel de l’ambassade réfléchit également à ce type de piste pour financer rapidement la restauration du Palais du gouvernement à Gorée.

Le rapporteur estime que ces démarches doivent se développer car elles permettent de responsabiliser les acteurs de l’action culturelle internationale, tout en ouvrant le secteur de la Culture, comme d’autres, à de nouvelles sources de financement. Cela ne doit bien sûr pas se faire en remplacement des financements publics, mais en complément. La formule du partenariat public-privé (PPP) est également à explorer. Le ministère des affaires étrangères tente d’ailleurs de la développer. Ainsi, le groupe Thalès a signé une convention de partenariat avec ce ministère en vue d’accueillir et d’accompagner des étudiants étrangers de haut niveau. De même, la construction et la rénovation de certains lycées français de l’étranger font l’objet de ce type de contrat de partenariat. C’est le cas au Caire, à Madrid ou à Londres.

Il conviendrait de réfléchir à la mise en place et au développement des partenariats dans le domaine culturel, et notamment patrimonial.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné pour avis, sur le rapport de M. Christian Kert, les crédits pour 2007 de la mission « Culture ».

M. Christian Kert, rapporteur, a indiqué que selon le vœu du président de la commission, il structurerait son exposé en deux parties en présentant dans un premier temps une analyse du budget de la culture pour 2007 et en étudiant dans un second temps un thème relatif au secteur : l’action culturelle internationale du ministère de la culture.

La mission « Culture » sera dotée en 2007 de 2,766 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 2,694 millions d’euros en crédits de paiement, auxquels s’ajouteront 116,6 millions d’euros pour la mission interministérielle « Recherche culturelle et culture scientifique ». Il s’agit d’un bon budget puisqu’il augmente de 62,1 millions d’euros en autorisations d’engagement (soit + 2,15 % par rapport à 2006) et de 73,7 millions d’euros en crédits de paiement (soit + 2,63 % par rapport à 2006).

La deuxième bonne nouvelle apportée par ce budget concerne l’entretien du patrimoine. Nombre de parlementaires avaient averti le ministre de la culture sur les dangers d’une diminution des crédits dans ce domaine. Lors d’un déplacement du Premier ministre à Amiens le 14 septembre, il a été annoncé un financement annuel et pérenne de 70 millions d’euros pour le Centre des monuments nationaux. Compte tenu des délais de mise en place, c’est même en pratique le montant cumulé de deux exercices, soit 140 millions d’euros, qui seront affectés en 2007 au patrimoine.

En matière d’archéologie, 9 millions d’euros sont prévus pour le financement de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP). S’agissant des musées, les priorités pour 2007 concernent à la fois le lancement du chantier du musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MUCEM), au Fort Saint-Jean à Marseille (5 700 m2 dédiés aux expositions, un auditorium de 400 places et des activités pédagogiques), la poursuite des grands chantiers d’investissement du musée du Louvre et enfin le financement de la rénovation du tympan Est du musée d’Orsay. L’année 2007 s’annonce donc comme une année exceptionnelle de relance du patrimoine.

Pour ce qui concerne la création, les crédits sont également en augmentation. Près de 70 % du programme sont consacrés au spectacle vivant, 21 % au livre et à la lecture, 5 % aux arts plastiques et 4 % au soutien aux industries culturelles. Le spectacle vivant, première priorité, est donc conforté puisque les crédits qui lui sont consacrés augmentent de plus de 7 %. Ce programme abonde notamment le fonds de professionnalisation et de solidarité des intermittents du spectacle à hauteur de 5 millions d’euros. Il faut saluer la grande constance du ministre de la culture à sauver le régime d’assurance chômage des intermittents du spectacle. La deuxième priorité concerne l’accompagnement des projets artistiques ou d’investissement des établissements publics de spectacle vivant, notamment la construction d’une salle de répétition pour la Comédie française et le financement de la réouverture de la salle Pleyel. Enfin, il faut noter la poursuite des travaux d’équipements culturels en régions comme la finalisation du programme des salles de Zénith et d’auditorium.

Avec l’évocation des régions, c’est la troisième dominante de ce budget qui est mise en valeur au travers de l’effort de réorientation des investissements sur les régions : 42,46 % des crédits de paiement seront consacrés aux équipements de province contre seulement 40 % en 2004. Pour les élus de province, c’est bien évidemment une bonne nouvelle. Cela permettra de contribuer à plusieurs projets d’investissements comme le théâtre de l’archipel à Perpignan, le théâtre national de Bretagne, l’auditorium d’Aix-en-Provence ou encore celui de Bordeaux.

Le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » est en augmentation de 6 % environ pour les autorisations d’engagement et les crédits de paiement. Il s’agit ici des crédits de fonctionnement du ministère, des directions régionales des affaires culturelles (DRAC), des services départementaux de l’architecture et du patrimoine (SDAP) et de l’ensemble des crédits du Centre national de la cinématographie. Grâce à cette augmentation, plusieurs mesures pourront être financées, comme la poursuite de l’effort mené en faveur des établissements publics d’enseignement supérieur, la poursuite du plan de relance de l’éducation artistique et culturelle, avec 500 000 euros de crédits supplémentaires, le lancement des travaux de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration au Palais de la Porte Dorée et le soutien des actions de politique internationale du ministère.

C’est cette action internationale qui est développée dans le cadre de la deuxième partie du rapport, intitulée « Répondre à un désir de France », selon la belle formule utilisée par Christian Saglio, directeur de l’institut culturel français à Dakar, écrivain, et neveu de Pierre Teilhard de Chardin.

Si les crédits de l’action culturelle augmentent de près de deux millions d’euros en 2007, ils avoisinent seulement 0,70 % du budget de la culture. On peut s’étonner de cette faiblesse qui est due à la mauvaise habitude prise de procéder à des abattements pour abonder des actions parfois éloignées de ses objectifs telles que l’exposition universelle de Saragosse sur l’eau et le développement durable ou le plan d’urgence en faveur des banlieues en 2005, mais qui s’explique également par le rôle budgétaire majeur du ministère des affaires étrangères dans ce domaine. Par ailleurs, des crédits d’autres actions de la mission « Culture » abondent de façon complémentaire l’action culturelle internationale du ministère. Si l’augmentation des crédits ne permet pas au programme d’atteindre les 1 % du budget de la culture, cinq axes de travail importants sont néanmoins conduits.

Le premier axe concerne la défense de la diversité culturelle, qu’il s’agisse du cinéma ou de l’audiovisuel. À ce sujet, une interrogation plane sur la Roumanie, pays francophile et francophone, par ailleurs nouvel entrant au sein de l’Union européenne, qui recevait jadis TF1, France 2 et France 3, Arte et TV5. Elle ne reçoit plus ni TF1, ni France 2, ni France 3 et la diffusion de TV5 a été interrompue quelques jours après la fin du sommet de la francophonie à Bucarest !

Le président Jean-Michel Dubernard a indiqué qu’il se trouvait à l’hôpital de Bucarest à Noël 1989, deux jours avant l’arrivée de Bernard Kouchner, au moment de la chute du régime Ceauscescu. Tout le personnel du bloc, infirmières et aides-soignants compris, parlait français, ce qui permettait à l’équipe de travailler presque comme à Lyon.

Le rapporteur a répondu que la représentation nationale devait se saisir de ce dossier en coopération avec le parlement roumain. S’agissant de l’action du ministère en faveur du cinéma, le Fonds Sud cinéma s’adresse aux projets de films étrangers de création destinés à une exploitation en salles en France et à l’étranger.

Le deuxième axe de travail du ministère de la culture à l’international concerne la diffusion des cultures étrangères en France. Des opérations de grande envergure, saisons ou festivals, mettent régulièrement à l’honneur les cultures étrangères, comme l’année de la Chine ou du Brésil par exemple. Il convient ici de saluer les opérations menées par la structure « Culture France » dirigée par M. Olivier Poivre d’Arvor.

Le troisième axe concerne l’accueil des professionnels de la culture et des artistes étrangers en France, auxquels sont proposés des stages de formation, des stages d’immersion dans les établissements publics ou les maisons d’édition, mais également des bourses de séjour ou des résidences dans les centres culturels.

Le quatrième axe concerne la coopération technique et l’aide au développement dans le domaine de la sauvegarde du patrimoine. Dans beaucoup de pays émergents ou sous-développés, c’est bien entendu une notion fragile, d’où la nécessité d’y envoyer des experts qualifiés dans le domaine du patrimoine et l’architecture.

Enfin, le cinquième axe de travail concerne la valorisation de l’expertise et du savoir-faire culturel français. On retrouve cette préoccupation notamment dans le soutien apporté par le ministère à l’association des architectes français à l’export (AFEX) et dans les aides au Bureau export de la musique.

Comment s’organise concrètement la complémentarité des deux ministères en matière de politique culturelle internationale ? Une répartition historique attribue au ministère chargé des affaires culturelles l’accueil des cultures étrangères en France et à celui des affaires étrangères le rayonnement de la culture française à l’étranger. Si cette distinction demeure, elle tend à s’effacer dans les faits et cette banalisation est finalement souhaitable. L’exemple de CulturesFrance illustre bien cette complémentarité entre les deux ministères. CulturesFrance est née de la fusion de l’association française d’action artistique (AFAA) et de l’association pour la diffusion de la pensée française (ADPF). Elle sera prochainement dotée d’un statut d’établissement public et constitue désormais l’opérateur délégué des deux ministères pour l’ensemble des échanges culturels internationaux. CulturesFrance sera dotée d’un budget de plus de 30 millions d’euros en 2007. On peut par ailleurs espérer un développement des échanges entre les régions françaises et les pays étrangers grâce à l’action de cette agence. CulturesFrance pourrait également devenir formateur des acteurs de la culture étrangers, pour le compte du ministère de la culture.

Le travail conjoint entre les deux ministères s’effectue en transparence, en compréhension et en bonne intelligence ; le succès français à l’Unesco avec l’adoption de la convention sur la diversité des expressions culturelles est un bel exemple de ce travail conjoint.

L’exemple concret de l’action culturelle de la France au Sénégal, pays de Léopold Sedar Senghor permet de mieux cerner cette complémentarité. Il est vrai que lorsque l’on arrive à Dakar et qu’on y découvre la grande pauvreté, on peut s’interroger sur l’utilité de l’action culturelle. En réalité, cette utilité est incontestable. Beaucoup de parlementaires français n’ont peut-être pas conscience que le Sénégal a plongé économiquement mais c’est en définitive Erik Orsenna qui a raison de souligner dans la préface du livre de Christian Saglio, intitulé Sénégal : « Le Sénégal a changé. Bien des illusions sont mortes, rongées par les paresses, les indolences, les forfanteries, les corruptions. Mais un nouveau pays surgit déjà sous l’ancien. C’est un pays auquel nous attachent des liens trop forts et trop divers : la vie est trop courte, décidément, pour tous les dénombrer. » Un déplacement au Sénégal a permis au rapporteur de constater la richesse des activités des instituts culturels ainsi que la manière dont ces lieux permettent l’échange des cultures.

Deux instituts culturels français fonctionnent, l’un à Dakar, l’autre à Saint-Louis. La tutelle est exercée par le ministère des affaires étrangères ; cependant ces deux instituts ont des relations étroites avec le ministère de la culture et de la communication, ses établissements publics ainsi que les DRAC. Le but de ces instituts est certes de faire connaître la culture française, mais également d’aider à la promotion des talents des artistes sénégalais, de participer à l’alphabétisation des populations ou encore d’organiser des débats de société avec des intervenants de pays francophones. L’organisation de débats d’idées permet en particulier une confrontation intellectuelle dans un cadre francophone. Lors de ces débats s’exprime un « désir de France », un besoin d’entendre la voix de ses penseurs et de ses intellectuels et de la confronter à celle des universitaires, journalistes et écrivains sénégalais. Les instituts apportent un soutien marqué à la musique sénégalaise, principal vecteur de l’expression artistique du Sénégal et de son rayonnement. Il y a environ 3 000 groupes de rap au Sénégal, dont une partie est connue en France et aux États-Unis. L’institut de Dakar essaie en outre de revitaliser le théâtre Daniel Sorano, au passé si riche, par une programmation de productions françaises et sénégalaises et par son soutien à un festival.

Le Sénégal attend beaucoup de la France en matière de sauvetage de son patrimoine. Ainsi le Centre de recherche et de documentation du Sénégal (CRDS), à Saint-Louis du Sénégal, dispose de moyens obsolètes de conservation de ses ouvrages ; ses cadres et personnels sont en attente de conseils et d’assistance. Le ministère de la culture français s’honorerait à envoyer un archiviste ou un bibliothécaire afin de sauver ce centre d’un lent naufrage.

La ville de Saint-Louis, bâtie par des colons français au XVIIè siècle, et aujourd’hui classée au patrimoine mondial, est un lieu exemplaire. Elle a bénéficié en 2002 d’une convention de coopération décentralisée conclue avec la communauté urbaine de Lille afin de sauvegarder son patrimoine. Cette convention a reçu le soutien du ministère de la culture français et poursuit trois objectifs : réaliser un inventaire du patrimoine, sensibiliser les populations et préparer l’avenir par un plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV). Ces efforts commencent à porter leurs fruits. Un autre exemple de coopération aboutie est l’île de Gorée, « l’île aux esclaves », qui fait penser à cette phrase de Victor Hugo : « Il n’y a pas d’homme qui ait le droit d’en posséder un autre ». Il s’agit d’une île préservée, dont le patrimoine est remarquablement entretenu grâce à des actions de coopération entre l’Etat français et le Sénégal, mais surtout grâce à la mobilisation de sa population et d’une équipe municipale dynamique. Il existe un très beau projet, celui de la création d’une « Villa Médicis d’Afrique », la villa Senghor. Il s’agit d’abord de sauver de la ruine l’un des bâtiments majeurs de l’île de Gorée et ensuite de répondre à la demande croissante de la communauté artistique sénégalaise et africaine. Ce lieu pourrait abriter une résidence d’artistes, une maison d’hôtes et un musée d’art contemporain. Les montants nécessaires sont importants et il paraît peu probable que le ministère des affaires étrangères puisse participer de manière substantielle au projet. Cependant le ministère de la culture pourrait soutenir le lancement des études préalables. En conclusion, il est donc bien légitime de parler de culture dans ce pays, aussi pauvre soit-il.

Il subsiste quelques interrogations d’ordre général sur les modalités de l’action culturelle internationale française. Il convient d’abord de réaffirmer l’importance d’une action conjointe et cohérente du ministère des affaires étrangères et du ministère de la culture. Il serait également indispensable d’accroître la lisibilité des crédits. Enfin il faudrait que l’action culturelle internationale puisse davantage se développer grâce au mécénat et à des actions de partenariat public-privé.

Un débat a suivi l’exposé du rapporteur.

Le président Jean-Michel Dubernard a estimé qu’il s’agit d’un très beau sujet, complémentaire à celui présenté par M. Patrick Bloche et concernant les écoles françaises à l’étranger. Plutôt qu’un « désir de France », il conviendrait peut-être d’évoquer une « nostalgie de France ». Il semble que les milieux universitaires, en particulier, regrettent le temps où l’on travaillait la main dans la main, alors que la culture américaine tend à s’imposer. Compte tenu de la convergence de vues entre les deux rapporteurs, malgré leur appartenance à des groupes différents, il serait opportun d’organiser une action conjointe, par le biais d’une tribune dans la presse par exemple.

M. Patrick Bloche a relevé que les deux rapports mettent en évidence le paradoxe d’une action culturelle internationale historiquement portée par le ministère des affaires étrangères mais également soutenue par l’expertise et les crédits du ministère de la culture et du ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Cela souligne la nécessité d’une action interministérielle cohérente.

M. Pierre Morange, président, a estimé que le rapport de M. Christian Kert est remarquable. Plus que jamais, la nécessité d’une coordination interministérielle apparaît nécessaire.

M. Dominique Richard a salué un projet de budget qui permet de mieux prendre en compte la nécessité de la préservation du patrimoine historique. Ce problème a fait l’objet de nombreuses alertes ces dernières années. Grâce à ses 44 000 monuments inscrits ou classés, la France reste la première destination touristique mondiale. Le patrimoine est un élément essentiel de l’aménagement du territoire ; il permet par ailleurs la conservation et la transmission de savoir-faire ancestraux. Cette ressource pérenne doit absolument être mise en valeur.

Il faut également saluer l’issue heureuse de la crise de l’intermittence, qui s’est conclue par la signature du protocole d’accord du 18 avril 2006 par trois syndicats.

L’interruption de la diffusion de TV5 en Roumanie est regrettable. Elle a été causée par une décision unilatérale des câblo-opérateurs locaux : l’explosion de l’offre en matière de chaînes de télévision conduit malheureusement à des hausses inquiétantes de tarifs d’accès aux bouquets.

Le rapporteur a posé une question légitime : est-il fondé de s’intéresser à la culture dans une région aussi pauvre que l’Afrique ? Bien sûr ! La reconnaissance de l’expression culturelle est la première forme du respect que l’on doit à ces hommes. Ainsi, le Burkina-Faso, dépourvu de ressources naturelles, a développé une filière d’artisanat d’art et une filière cinématographique, permettant le développement d’un secteur économique florissant. Ces efforts contribuent donc au développement économique, tout en rendant sa fierté à ce pays.

S’agissant des questions de formation, il est nécessaire de ne pas se limiter à la formation technique. Il faut aussi développer la formation à la gestion culturelle des infrastructures et des équipements. Ainsi, dans le domaine du cinéma, le festival « Cinéma d’Afrique », à Angers, développe un intéressant volet relatif à la formation.

M. Pierre Morange, président, a rappelé que Mme Henriette Martinez a évoqué en séance publique la nécessité d’une loi de programmation dans le secteur de la coopération.

M. Patrick Bloche a félicité le rapporteur pour la qualité de ses travaux, en soulignant la convergence des démarches des deux rapporteurs. Si le ministère des affaires étrangères a la responsabilité historique de l’action culturelle internationale, ce poids tend à s’effacer graduellement. Cependant il conduit encore trop souvent à des arbitrages budgétaires défavorables aux autres ministères.

Cette année, le rapport pour avis sur les crédits du programme « Rayonnement culturel et scientifique » met en exergue le fait que les cinq écoles françaises à l’étranger participent au rayonnement culturel international et scientifique de la France. Or ces écoles sont financées par les crédits du ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. La démarche conjointe des deux rapporteurs ne pouvait avoir lieu qu’au sein de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Il convient de relever que l’expression « désir de France », préférable à celle de « nostalgie de France », provient du rapport d’un parlementaire en mission remis en 1998 au gouvernement de M. Lionel Jospin.

Un point particulier pourrait faire l’objet d’un consensus au sein des commissaires : il s’agit de l’accueil des artistes étrangers en France. Certes, il faut maintenir une politique des visas. Cependant on pourrait accueillir en France de manière plus large des personnes devant se former et n’ayant pas encore le statut de professionnels de la culture. C’est à ce prix que la France retrouvera une attractivité qui s’est dégradée depuis vingt ans.

Le groupe socialiste est très insatisfait du projet de budget du ministère de la culture pour 2007. Chaque année, depuis trop longtemps, et plus particulièrement depuis 2002, le ministre de la culture organise une conférence de presse triomphaliste pour annoncer que son budget pour l’année suivante sera en augmentation. Cependant, au moment de l’examen du projet de loi de finances, mais surtout en cours d’exécution budgétaire, les députés s’aperçoivent que ce n’est pas exact. Ainsi, pour 2007, il est annoncé une augmentation des crédits de 7,8 % alors qu’après avoir fait les calculs, à périmètre constant, les autorisations d’engagement augmenteront de 2,2 % et les crédits de paiement de 2,6 %. Le budget de la culture pour 2007 sera donc en quasi-stagnation. À titre d’illustration de cette désinformation, on peut également citer les 140 millions d’euros destinés au Centre des monuments nationaux. On pourrait se réjouir de l’importance de ces crédits mais la lecture du projet de loi de finances montre que l’enveloppe budgétaire est destinée à couvrir deux exercices : 2006 et 2007.

M. Dominique Richard a fait observer que 24 millions d’euros de crédits « dégelés » s’ajouteront à cette dépense en 2007.

M. Patrick Bloche en est convenu mais a souligné que le budget du patrimoine pour 2008 sera d’emblée frappé d’une baisse mécanique de 70 millions d’euros.

Le ministère de la culture annonce que des crédits supplémentaires seront ouverts pour financer la restauration des monuments historiques qui ne sont pas la propriété de l’État. Or le projet de loi de finances est paradoxal sur ce point : si les autorisations d’engagement augmentent de 40 millions d’euros (+ 32 %), les crédits de paiement baissent de 23 millions d’euros (– 23 %). Cette situation budgétaire est préoccupante car elle peut conduire l’État à se mettre dans l’incapacité de payer les travaux qu’il a commandés. Depuis 2004, des factures impayées pour un montant de 100 millions d’euros se sont ainsi accumulées.

Le projet de budget de la culture pour 2007 contient de nombreuses autres sources d’insatisfaction :

– de grandes opérations nationales sont lancées à Paris, en région parisienne et à Marseille (musée des civilisations, de l’Europe et de la Méditerranée). Elles sont justifiées mais, hormis le musée de Marseille, tout est donné à Paris et à sa région. Ce choix est contestable et contesté ;

– les dépenses d’investissement sont budgétisées mais l’on doit s’interroger sur la programmation des dépenses de fonctionnement des futures structures ;

– les crédits de l’architecture sont en régression ;

– l’évolution des crédits destinés aux acquisitions est inquiétante ;

– les crédits pour la création n’augmentent que de 1,2 % ;

– les crédits pour les arts plastiques, pour l’industrie culturelle et pour certaines actions de la transmission des savoirs sont en chute libre ;

– l’évolution des crédits de l’éducation artistique est inquiétante si l’on regarde le projet de budget du ministère de l’éducation nationale.

– Les crédits pour les politiques territoriales s’effondrent.

Par ailleurs, la crise de l’emploi dans le secteur culturel perdure. Le protocole du 18 avril 2006 soulève toujours de grandes inquiétudes même s’il a été signé par certaines centrales syndicales. Ce texte n’est pas bon et va saper la solidarité interprofessionnelle ; l’importance des fonds affectés au fonds de professionnalisation et de solidarité en est la preuve.

Mme Irène Tharin a remercié le rapporteur pour la passion qu’il a mise dans son sujet d’étude. Le rapport donne une indispensable ouverture sur le monde. Il faut faire preuve de beaucoup de sensibilité pour parler de la culture dans un pays où la pauvreté est aussi importante. Il faut être fier de la culture française mais il est pertinent de promouvoir la culture sénégalaise. Ce pays aspire à garder un lien avec la culture française.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a donné les éléments d’information suivants :

– Dans le domaine de l’audiovisuel et de l’information, il faut exercer une veille permanente sur nos chaînes à l’étranger. Les événements en Roumanie peuvent très bien arriver dans un autre pays. La France ne dispose malheureusement pas d’un outil centralisant ces informations. Pour la Roumanie, il est heureux que les groupes d’amitié France-Roumanie des assemblées française et roumaine aient pu réagir rapidement et informer les parlementaires.

– Le lancement de France 24 ne doit pas conduire à se replier sur cette chaîne pour assurer la promotion audiovisuelle de la culture française à l’étranger, car elle n’a pas les mêmes missions qu’Arte et TV 5.

– On ne peut qu’être surpris par le nombre de jeunes Sénégalais qui veulent quitter leur territoire, même au prix de leur vie. Ce sont des athlètes, pour réussir l’exploit de la traversée, et ils ne sont pas incultes. Ils veulent rejoindre l’Europe car il la considère comme une terre de culture ; il y a chez eux un désir de culture et de France. Au Sénégal, il y a une vraie passion pour la France.

– Comme le soulignait le président Jean-Michel Dubernard, il serait utile de rassembler les efforts des députés de droite et de gauche pour promouvoir l’action culturelle française à l’étranger dans sa globalité.

– Le ministère de la culture continue à investir beaucoup en région parisienne, mais progressivement des crédits d’investissement sont réorientés vers la province. Ainsi, sont financés le théâtre de l’Archipel  à Perpignan, le théâtre national de Bretagne à Rennes et deux auditoriums à Aix-en-Provence et à Bordeaux.

– Il y aura moins de variation des crédits consacrés au patrimoine car les 70 millions d’euros prévus chaque année sont pérennes.

– Les crédits du spectacle vivant représentent 70 % du programme relatif à la création. Cela marque une réelle volonté politique de soutien au spectacle vivant.

M. Pierre Morange, président, a conclu que l’Afrique a besoin d’une construction aussi bien culturelle que politique et économique car ce continent est encore trop éclaté. La France doit apporter sa contribution dans tous les domaines, y compris en matière sanitaire, car elle a une pensée universaliste respectueuse des cultures.

Puis, conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a donné un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2007 de la mission « Culture ».

ANNEXE

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

A Paris

Ø Ministère de la culture et de la communication : M. François Laurent, chef du département des affaires internationales et européennes ; M. Bruno Favel, chef de la mission affaires européennes et internationales à la direction de l’architecture et du patrimoine, et M. Benoît Paumier, délégué au développement et aux affaires internationales

Ø Ministère des affaires étrangères : M. Philippe Etienne, directeur général de la coopération internationale et du développement, et Mme Marie-Christine Saragosse, directrice de la coopération culturelle et du français

Ø CulturesFrance : M. Olivier Poivre d’Arvor, directeur

Au Sénégal (par ordre chronologique)

Ø M. André Parant, ambassadeur de France au Sénégal

Ø M. Didier Le Bret, chef du service de coopération et d’action culturelle (SCAC) de l’ambassade de France au Sénégal

Ø M. Daniel Voizot, attaché de coopération à l’ambassade de France au Sénégal

Ø M. Jean-Marc Basquin, conseiller de coopération adjoint à l’ambassade de France au Sénégal

Ø M. Dominique Marsteau, conseilleur culturel à l’ambassade de France au Sénégal

Ø M. Frédéric Chambon, attaché audiovisuel régional à l’ambassade de France au Sénégal

Ø M. Christian Saglio, directeur de l’institut culturel Léopold Sedar Senghor de Dakar

Ø M. Sahite Sarr Samb, directeur du Livre du ministère de la culture sénégalais

Ø M. Amadi Bokoum, directeur du Patrimoine du ministère de la culture sénégalais

Ø M. Abdoulaye Camara, directeur de l’Institut fondamental d’Afrique noire (IFAN)

Ø M. Tidiane Seck, directeur général de l’Agence de l’informatique de l’Etat (ADIE)

Ø M. Mamadou Baal, directeur des programmes de 2STV (télévision privée)

Ø M. Ben Bass Diagne, président du groupe TV/radio EXCAF

Ø M.  Sidyl Makhtar Sambe, directeur de Radio-Nostalgie

Ø M. Jean Marc Fratani, directeur l’Institut culturel Jean Mermoz

Ø M. Patrick Mazounie, consul général

Ø Mme Hélène Francou, consul-adjointe, chef de chancellerie

Ø Mme Fatima Fall, vice-présidente de l’Association de restructuration et de conservation de l’architecture Saint-Louisienne (ARCAS) et directrice par intérim du Centre de recherche et de documentation du Sénégal

Ø M. Nicolas Dupuy, coordinateur de l'association « Partenariat »

Ø M. Ahmadou Cissé, directeur du syndicat d’initiative de Saint-Louis du Sénégal

Ø M. Alboury NDiaye, président de l’Association de restructuration et de conservation de l’architecture Saint-Louisienne (ARCAS)

Ø M. Serge Pajot, expert en valorisation du patrimoine

Ø M. Méthiour Seye, directeur du syndicat d’initiative de l’île de Gorée

© Assemblée nationale

1 () La politique de coopération avec les pays en voie de développement, 19 juillet 1963.

2 () Renaud Donnedieu de Vabres (discours sur la diversité culturelle, 19 juillet 2005).

3 () Par ailleurs, comme pour l’ensemble du budget de l’Etat, une mise en réserve prévisionnelle des crédits de 5 % s’appliquera sur cette action. L’enveloppe des crédits disponibles devrait s’élever à 17,6 millions d’euros en 2007.

4 () Décision prise au motif que TV5 ne correspondrait plus « aux attentes des Roumains », qui préfèreraient, selon les câblo-opérateurs, les films, le sport ou les émissions de téléréalité…

5 () L'association française « Partenariat » est l’opérateur de cette coopération décentralisée.

6 () Quelques exemples : « Tabaski » de Iba Ndiaye (1970), « Rêve-évolution » de Fode Camara (1989), « Lutteur Nouba » de Ousmane Sow (1991), exposé à Paris en 1998 (Pont des Arts), « Le massacre des Tutsis » de Souleymane Keita (1991), exposé à Londres en 1993.