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N° 3364

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 octobre 2006.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2007 (n° 3364)

TOME VI

RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

RECHERCHE

Par M. Jean-Jacques GAULTIER,

Député.

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Voir le numéro : 3363 (annexe n° 24).

INTRODUCTION 5

I.- UN BUDGET EN HAUSSE, CONFORME AUX ORIENTATIONS ADOPTÉES PAR LE PARLEMENT DANS LA LOI DE PROGRAMME POUR LA RECHERCHE 7

A. DES MOYENS NOUVEAUX AU SERVICE DE LA RÉFORME 7

1. Un effort important en faveur du soutien de base à la recherche académique 8

a) La poursuite de l’effort en direction des universités 8

b) Les établissements publics de recherche : une baisse des crédits en trompe-l’œil 9

2. La poursuite de l’effort en faveur du financement sur projet 10

a) Une Agence nationale de la recherche (ANR) désormais établie 10

b) Une progression importante des moyens d’Oséo-Anvar 11

3. Une politique volontariste pour dynamiser la recherche privée 11

B. LA POURSUITE D’UNE POLITIQUE VOLONTARISTE EN FAVEUR DE L’EMPLOI 13

1. La création de 2 000 emplois supplémentaires 13

2. Des dispositions pour rendre plus attractives les carrières des chercheurs 13

a) Rendre les carrières des chercheurs plus réactives 13

b) Un effort particulier en direction des jeunes chercheurs 14

II.- LA MISE EN PLACE DE L’AGENCE D’ÉVALUATION DE LA RECHERCHE ET DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR, UN DÉFI MAJEUR POUR LA RÉNOVATION DU SYSTÈME DE RECHERCHE FRANÇAIS 17

A. UN CONSTAT : LE DISPOSITIF ACTUEL D’ÉVALUATION DE LA RECHERCHE FRANÇAISE EST DÉFICIENT 18

1. Les raisons d’un problème 18

a) Des secteurs entiers de la recherche française ne sont pas évalués 18

b) Une évaluation parfois déficiente même lorsqu’elle existe 18

c) Des dispositifs d’évaluation morcelés qui ne permettent pas d’apprécier justement les performances de chacun 19

2. Les principales structures actuelles de l’évaluation 19

a) Le Comité national d’évaluation 19

b) Le Comité national d’évaluation de la recherche (CNER) 20

c) La Mission scientifique, technique et pédagogique 21

d) Le Comité national de la recherche scientifique 21

B. UNE RÉPONSE : LA CRÉATION DE L’AGENCE D’ÉVALUATION DE LA RECHERCHE ET DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR (AERES) 22

1. Les principes sur lesquels se fonde l’AERES 23

a) Une agence indépendante 23

b) Une mission « universelle » 23

c) Des procédures d’évaluation incontestables 23

2. L’organisation de l’AERES 24

3. Les moyens de l’AERES 24

C. L’ÉVALUATION À L’ÉTRANGER 25

1. La Grande-Bretagne : « Reaserch assessment exercise » (RAE) 25

2. L’Allemagne : une comparaison difficile 26

3. Les Etats-Unis : une évaluation très décentralisée 27

4. La Finlande : un dispositif d’évaluation rationnel 27

5. Le Japon : une évaluation à deux niveaux 28

6. L’Espagne : un système d’évaluation original 28

7. L’Union européenne : l’évaluation du programme-cadre de la Communauté européenne pour des activités de recherche, de développement technologique et de démonstration 28

D. RECOMMANDATIONS POUR FAIRE DE L’AERES UN OUTIL D’ÉVALUATION EFFICACE RECONNU PAR TOUS 30

1. Harmonisation plutôt qu’uniformisation : appliquer la lettre de la loi 30

2. Le recours aux experts étrangers 31

a) Une nécessité qui a un coût 32

b) Le problème de la langue de travail 32

c) La constitution d’un large pool d’experts 33

3. Le rôle de l’ANR comme soutien de la mission d’évaluation de l’AERES 33

4. La logique de concurrence : meilleure garantie de l’excellence ? 33

5. Oui à l’évaluation, mais pour quoi faire ? 34

TRAVAUX DE LA COMMISSION 35

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 39

INTRODUCTION

Le présent rapport pour avis porte sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (CMIRES), à l’exception des crédits du programme « Formations supérieures et recherche universitaire » et du programme « Vie étudiante » qui font l’objet d’un rapport pour avis de M. Jean-Paul Anciaux.

Dans un contexte économique fragile soutenu par une politique budgétaire heureusement rigoureuse, la progression forte et continue des moyens consacrés par l’Etat à la recherche démontre toute l’attention que le gouvernement porte à ce secteur, éminemment stratégique pour l’avenir de la Nation.

En l’espace de trois ans, de 2005 à 2007, ce sont en effet pas moins de six milliards d’euros supplémentaires qui seront venus soutenir la politique scientifique de la France faisant de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » le troisième budget de l’Etat derrière l’éducation nationale et la défense.

Pour la troisième consécutive, l’effort public en faveur de la recherche est accru d’un milliard d’euros. Comme les années précédentes également, tous les indicateurs sont à la hausse puisque la croissance importante des crédits se double de la création de deux mille emplois nouveaux.

Mais l’ambition du gouvernement ne se limite pas là puisque l’augmentation très significative des moyens vient en appui d’un important cycle de réformes, intitulé Pacte pour la recherche, dont le point d’orgue fut le vote de la loi n° 2006-450 de programme pour la recherche du 18 avril 2006. Poursuivant la logique d’efficacité budgétaire initiée par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1er août 2001, le gouvernement et sa majorité ont en effet souhaité rénover le dispositif de recherche pour le rendre plus performant. La philosophie du projet ainsi mis en œuvre au travers de la loi et de décrets est simple : encourager l’excellence de la recherche et faire vivre, dans ce domaine où la compétition est aiguisée par une concurrence internationale de plus en plus forte, le principe républicain de méritocratie. Le développement des financements par appels à projets, la mise en place d’une véritable politique des ressources humaines, pour ne citer que ces deux aspects de la réforme, répondent strictement à cette ligne directrice.

L’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AÉRES), créée par la loi de programme, s’impose comme la véritable clé de voûte de ce nouvel ensemble. Alors que le décret d’application du dispositif va être publié de façon imminente et quelques semaines avant que l’agence ne soit effectivement mise en place, il a semblé important au rapporteur pour avis d’apporter un éclairage sur l’évaluation de la recherche.

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

Le rapporteur a demandé que les réponses lui parviennent le 15 septembre 2006. À cette date, 13 % des réponses lui étaient parvenues. À la date butoir ce pourcentage était de 82 %.

I.- UN BUDGET EN HAUSSE, CONFORME AUX ORIENTATIONS ADOPTÉES PAR LE PARLEMENT DANS LA LOI DE PROGRAMME POUR LA RECHERCHE

Conformément aux dispositions adoptées par le Parlement en loi de programme pour la recherche, les moyens consacrés par l’Etat à la recherche augmenteront, l’année prochaine, de 5 % par rapport à l’année 2006 pour atteindre près de 22 milliards d’euros.

Si le projet de loi de finances pour 2007 est le premier à s’inscrire dans le cadre des dispositions de la loi de programme pour la recherche, il poursuit néanmoins un effort continu et sans précédent engagé depuis trois ans déjà, traduisant ainsi clairement la priorité que le gouvernement et sa majorité entendent donner à ce secteur d’activités stratégique pour l’avenir de la Nation.

Comme les années précédentes, la stratégie budgétaire du gouvernement n’est pas seulement de donner plus de moyens mais également de s’assurer de leur efficacité.

A. DES MOYENS NOUVEAUX AU SERVICE DE LA RÉFORME

Le budget vient ainsi soutenir l’important cycle de réformes du paysage institutionnel de la recherche française – que le gouvernement a lui-même nommé Pacte pour la recherche – et qui s’est achevé avec la loi n° 2006-450 de programme pour la recherche du 18 avril 2006 dont les derniers décrets d’application sont en cours de parution.

Ces réformes se caractérisent, rappelons-le, par la double volonté de privilégier l’excellence, via le développement du financement sur projets, et de dynamiser la recherche privée, dans le but d’atteindre l’objectif communautaire de 3 % du produit intérieur brut consacré aux dépenses de recherche adopté au Conseil européen de Barcelone (2002).

Toutefois, et contrairement à une idée répandue mais fausse, les moyens récurrents des laboratoires participent également de la hausse générale des crédits. Ils sont même, pour la deuxième année consécutive, les premiers bénéficiaires des moyens supplémentaires, ainsi que le montre le tableau suivant.

Évolution et répartition des moyens supplémentaires
en faveur de la politique nationale de recherche (2005-2007)

Crédits de paiement (en millions d’euros)

 

Financements récurrents

Financement sur projets

Dépenses fiscales

Total

PLF 2005

356

350

300

1 006

35 %

35 %

30 %

100 %

PLF 2006

401

280

340

1 021

39 %

27 %

33 %

100 %

PLF 2007

458

280

280

1 018

45 %

27,5 %

27,5 %

100 %

TOTAL

1 215

910

920

3 045

40 %

30 %

30 %

100 %

Au final, l’effort supplémentaire en faveur de la politique de la recherche conduit, en 2007, par le gouvernement, pour un montant total de 1 018 millions d’euros, se décline comme suit :

– 458 millions d’euros de crédits budgétaires supplémentaires ;

– 280 millions d’euros de crédits supplémentaires pour le financement sur projets ;

– 280 millions d’euros de dépenses fiscales, destinées à dynamiser la recherche privée.

1. Un effort important en faveur du soutien de base à la recherche académique

Comme l’an passé, les crédits budgétaires de la MIRES bénéficieront au premier chef de l’augmentation des moyens publics pour la recherche, avec une ampleur plus grande encore puisque, avec une progression de 458 millions d’euros par rapport à l’an passé (hors programme « Vie étudiante), ils absorbent près de la moitié du milliard d’euros supplémentaire.

a) La poursuite de l’effort en direction des universités

Cette augmentation des crédits budgétaires ira en premier lieu renforcer la politique de recherche des universités autorisant la poursuite d’un recrutement d’ampleur – 1 000 emplois supplémentaires – et la revalorisation de l’allocation de recherche (cf. infra).

Les crédits de fonctionnement connaissent eux aussi une progression significative de 62 millions d’euros permettant un accroissement des moyens des universités de 21,62 millions d’euros, à périmètre constant.

L’immobilier constitue un autre axe majeur de la politique gouvernementale en direction des universités puisque 63 millions d’euros viendront compléter les 540 millions d’euros votés en loi de finances pour 2006 pour remettre à niveau et moderniser les établissements dans le cadre des contrats des projets Etat-Régions 2007-2013.

b) Les établissements publics de recherche : une baisse des crédits en trompe-l’œil

Si le projet de loi de finances pour 2007 fait apparaître une diminution de 87,07 millions d’euros des crédits destinés aux programmes de recherche relevant du ministère de la recherche par rapport à la loi de finances 2006, réduction due au transfert technique du montant des allocations de recherche vers un autre programme, en réalité, à périmètre constant, ces crédits augmentent significativement, pour un montant de 137 millions d’euros.

Là aussi, l’essentiel des moyens nouveaux ira en direction de l’emploi scientifique avec la création de 1 000 nouveaux postes, un soutien réaffirmé aux jeunes chercheurs et une politique active de gestion des ressources humaines (cf. infra).

Toutefois, les moyens des laboratoires ne sont pas oubliés : 12,3 millions d’euros supplémentaires sont ouverts à ce titre, auxquels il faut ajouter une nouvelle ligne budgétaire destinée à financer la mise en place du projet ITER pour l’année 2007 (16,9 millions d’euros) et 25 millions d’euros destinés à financer la société civile GENCI (Grand équipement national de calcul intensif) nouvellement créée pour fédérer les initiatives jusqu’alors éparses menées en ce domaine par plusieurs établissements (CNRS, CEA, universités).

Enfin, le tableau des crédits de la MIRES ne serait pas complet sans évoquer les crédits destinés aux programmes relevant d’autres ministères que celui de la recherche.

Les crédits du programme « Recherche duale », piloté par le ministère de la défense, sont ainsi reconduits pour 200 millions d’euros, dont 135 millions venant abonder le budget du Centre national d’études spatiales (CNES).

Le programme « Recherche industrielle » bénéficie quant à lui d’un accroissement de ses ressources de 52 millions d’euros (en autorisations de programme) destinés, pour l’essentiel, à accompagner la montée en puissance des pôles de compétitivité portant ainsi les aides directes à ce dispositif, voulu par le gouvernement et salué par tous, à 222 millions d’euros (hors part défense).

2. La poursuite de l’effort en faveur du financement sur projet

Axe majeur de la nouvelle politique initiée par le gouvernement dans le domaine de la recherche, le financement sur projets voit son développement poursuivi en 2007.

a) Une Agence nationale de la recherche (ANR) désormais établie

La stabilisation de la progression des crédits en direction des agences de moyens et notamment de l’Agence nationale de la recherche (ANR) ne doit pas faire illusion sur la volonté du gouvernement de poursuivre une politique qu’il a lui-même engagé et qui porte d’ores et déjà ses fruits. Elle traduit simplement l’arrivée à maturité du dispositif dont témoigne, en parallèle, la transformation du groupement d’intérêt public (GIP), créé le 7 février 2005, en établissement public, aux termes de l’article 16 de la loi n° 2006-450 de programme pour la recherche du 18 avril 2006.

Si, lors de sa création, l’agence a pu être l’objet de critiques, sa mise en place rapide et le sérieux de son travail, en ont fait un outil de financement bien installé dans le paysage de la recherche française et que les chercheurs se sont appropriés, y compris ceux qui avaient pu émettre quelques réserves au moment de sa création. La directrice de l’agence, Mme Jacqueline Lecourtier, a ainsi noté en 2006 une progression très significative de la participation des chercheurs en sciences humaines auparavant absents des circuits de sélection. Toutes les personnes auditionnées par le rapporteur dans le cadre de ce rapport reconnaissent désormais la nécessité d’une agence et la qualité de son travail.

Les précisions apportées par le législateur en loi de programme – part significative des crédits de l’agence réservée au financement de projets non thématiques, transparence de la sélection des projets – sont en outre venus dissiper les rares incertitudes qui pesaient encore sur l’agence et offrir les garanties nécessaires à son fonctionnement optimal, notamment dans ses relations avec les établissements existants. La mise en place d’un préciput, c’est-à-dire d’un mécanisme permettant de verser à l’établissement qui héberge un chercheur recevant des crédits de l’agence une part de cette subvention (article L. 329-5 du code de la recherche) (1), assurant une relation « gagnant-gagnant » entre l’agence et les établissements a enfin permis de lever les derniers doutes qui pouvaient subsister sur l’articulation entre agences de moyens et organismes de recherche. De façon très significative, Mme Catherine Brechignac, présidente du CNRS, approuve totalement la mise en place de cette agence qui lui permet désormais d’orienter la politique scientifique de son établissement vers des recherches plus risquées et aux résultats plus incertains.

Avec 235 millions d’euros supplémentaires, portant son enveloppe à 825 millions d’euros, l’agence se retrouve donc en capacité de poursuivre sa politique ambitieuse, politique qui porte d’ores et déjà ses fruits. Créer pour promouvoir et distinguer l’excellence en offrant prioritairement aux meilleurs chercheurs les moyens de mener à bien les projets, l’obtention de crédits de l’ANR agit désormais comme un label de qualité dont les laboratoires n’hésitent pas à se prévaloir.

b) Une progression importante des moyens d’Oséo-Anvar

L’augmentation des crédits de l’ANR n’épuise pas l’ensemble des financements nouveaux mis à la disposition des agences de moyens puisque 45 millions d’euros viendront abonder les crédits d’intervention d’Oséo-Anvar destinés à promouvoir la recherche dans les petites et moyennes entreprises. En l’espace de deux ans, le budget d’Oséo-Anvar aura ainsi plus que doublé, passant de 75 à 160 millions d’euros, et démontrant ainsi toute l’attention portée par le gouvernement au soutien de l’initiative privée de recherche.

3. Une politique volontariste pour dynamiser la recherche privée

Le constat est en effet bien connu, même si certains se refusent à le reconnaître. Si la France a d’ores et déjà atteint l’objectif de Barcelone en matière de financement de la recherche publique, puisque, conformément à ses engagements européens la France y consacre 0,98 % de sa richesse nationale, en revanche la réciproque n’est pas vraie en ce qui concerne le privé puisque, selon les derniers chiffres disponibles (2), l’effort consenti peine à dépasser les 1,14 % du PIB quand les chefs d’Etats et de gouvernements européens avaient préconisé 2 %. La faute en revient à de grandes entreprises dont l’intensité de recherche est comparable à leurs concurrentes internationales mais qui, dans leur majorité, interviennent dans des champs d’activités où la dimension technologique est peu présente et à de petites et moyennes entreprises également faiblement technologiques et qui peinent se développer.

Tout en poursuivant une politique très volontariste en direction de la recherche publique, le gouvernement et sa majorité souhaitent donc encourager la recherche privée, seule façon d’atteindre l’objectif européen des 3 %. Soutien à la recherche publique et à la recherche privée sont d’ailleurs complémentaires et doivent se vivre sur le mode du partenariat plutôt que sur celui de la concurrence.

De ce point de vue, et à l’exemple de ce qui se pratique à l’international, les pratiques évoluent en France. Dans la foulée de la mise en place des pôles de compétitivité, qui, tous les acteurs, publics comme privés, le reconnaissent ont permis de décloisonner deux milieux, le CNRS souhaite désormais mieux mettre en avant les liens, très nombreux, qu’il entretient avec l’industrie. Le CNRS est en effet le premier client des PME-PMI innovantes et de nombreux contrats le lient à de grandes entreprises. De l’autre côté, à l’image de Nestlé Waters, leader mondial de l’eau embouteillée, qui a installé son centre mondial de recherche sur l’eau à Vittel, dans les Vosges, les entreprises sont désireuses de renforcer leurs liens avec les institutions de recherche académiques, seules susceptibles, dans certains domaines de leur apporter les ressources scientifiques dont elles ont besoin.

Ces éléments expliquent que près d’un tiers de l’effort public supplémentaire en faveur de la recherche ira au soutien à l’initiative privée avec une enveloppe de 280 millions d’euros destinée à financer des dépenses fiscales supplémentaires, pour un montant total de 1 570 millions d’euros.

Celles-ci seront pour l’essentiel – pour 170 millions d’euros – absorbées par la montée en puissance du dispositif de crédit d’impôt recherche (CIR) réformé en loi de finances pour 2006 afin de mieux prendre en compte les dépenses de recherche et développement des entreprises (à hauteur de 10 % désormais) effectuées directement ou en sous-traitance, les frais de défense des brevets (de 60 000 à 120 000 euros) et de favoriser l’emploi par les entreprises de jeunes chercheurs (dont les salaires sont désormais pris en compte pour le double de leur montant dans le dispositif).

Dans le but d’améliorer encore le dispositif du CIR, le projet de loi de finances propose en outre, pour un montant de quarante millions d’euros, de mettre en place le remboursement anticipé du CIR aux jeunes entreprises innovantes et aux PME en forte croissance – les « gazelles » – dans le but de dynamiser un tissu de petites entreprises innovantes encore insuffisant.

Sur ce point, la transmission au Parlement, conformément aux dispositions de l’article 34 de la loi de programme pour la recherche, du rapport établissant l’évaluation économique du dispositif, malgré le retard pris – la loi prévoyait la remise du rapport, au plus tard, au 1er octobre 2006 – doit permettre d’éviter les débats récurrents sur la nécessité du dispositif et de concentrer la réflexion sur les modalités de sa mise en œuvre afin d’améliorer son efficacité et de limiter les effets d’aubaine.

À ces deux dispositifs, qui concentrent près des trois quarts des moyens nouveaux en faveur de la recherche privée, s’ajoutent 10 millions d’euros qui viendront accompagner la montée en puissance du dispositif de la jeune entreprise innovante (JEI), 50 millions d’euros qui viendront soutenir la création des projets de recherche au sein des pôles de compétitivité et 10 millions d’euros au titre de deux nouvelles dispositions introduites par la loi de programme pour la recherche (exonération du paiement de l’impôt sur les sociétés pour les opérateurs publics de recherche et les fondations reconnues d’utilité publique du secteur de la recherche ; réduction d’impôt sur les sociétés et d’impôt sur le revenu pour les versements effectués par les entreprises aux réseaux thématiques de recherche avancée (RTRA) créées sous la forme de fondation de coopération scientifique).

B. LA POURSUITE D’UNE POLITIQUE VOLONTARISTE EN FAVEUR DE L’EMPLOI

Dans la ligne de l’effort engagé l’an dernier, le gouvernement a décidé de poursuivre, en 2007, sa campagne de recrutement. Ainsi, aux 3 000 postes créés l’an dernier viendront s’ajouter 2 000 nouveaux postes supplémentaires.

Au-delà de cette évolution quantitative, le gouvernement s’attache à mettre en place une véritable gestion des ressources humaines avec l’objectif de rendre les carrières de la recherche plus attractives.

1. La création de 2 000 emplois supplémentaires

Comme l’an passé, les postes créés se partagent équitablement entre les universités et les établissements publics de recherche.

À l’université, 450 emplois d’enseignants-chercheurs et 550 emplois de personnels non-enseignants viendront renforcer le potentiel de recherche des établissements.

Au niveau des organismes de recherche, le découpage retenu est le suivant : 140 postes de chercheurs, 410 postes de personnels ingénieurs et techniciens (IT), 200 postes de contractuels de haut niveau pour les EPST, 100 postes de contractuels à durée indéterminée pour les EPIC et 50 autres emplois qui bénéficieront à des programmes relevant d’autres ministères que celui de la recherche.

Au-delà d’une simple mesure quantitative, le gouvernement entend développer une véritable politique des ressources humaines, tout particulièrement en direction des jeunes, afin de rendre les carrières plus attractives.

2. Des dispositions pour rendre plus attractives les carrières des chercheurs

a) Rendre les carrières des chercheurs plus réactives

Le manque de souplesse et de dynamisme des carrières de la recherche, soumises à un statut rigide, trop linéaire, et qui ne favorise pas toujours la poursuite de l’excellence, est souvent désigné comme l’un des éléments rendant celles-ci peu attractives, notamment par rapport à ce qui se pratique à l’étranger. Fort de ce constat et dans le prolongement des dispositions de la loi de programme pour la recherche qui encouragent la mobilité des chercheurs en direction de l’entreprise, le gouvernement a souhaité mettre en place un ensemble de mesures autorisant une plus grande diversification des carrières.

La création, à la rentrée 2007, de 500 postes supplémentaires de moniteurs, pour un montant de 0,69 million d’euros, doit permettre de faciliter les décharges d’enseignement en faveur des enseignants-chercheurs qui souhaitent se consacrer à plein-temps à un projet de recherche.

Dans les organismes de recherche, une enveloppe de 4,61 millions d’euros est affectée au financement de la politique salariale autorisant notamment : l’accroissement des contingents annuels de promotion de grade et de corps de personnels chercheurs, ingénieurs et techniciens, la revalorisation des régimes indemnitaires existants et la promotion des activités d’enseignement par des chercheurs.

Toutefois, l’accent principal est mis sur les carrières des jeunes chercheurs.

b) Un effort particulier en direction des jeunes chercheurs

En 2007, le gouvernement entend poursuivre et renforcer la politique volontariste qu’il a entreprise depuis plusieurs années.

C’est ainsi que, pour la deuxième année consécutive, l’allocation de recherche, qui est un mécanisme d’aide financière prenant la forme d’un contrat de travail de droit public de trois ans accordé aux doctorants pour préparer leur thèse tout en enseignant à l’université, sera revalorisée de 8 % à compter du 1er février 2007. Le montant mensuel brut de l’allocation sera ainsi porté de 1417,38 euros (valeur au 1er juillet 2006) à 1530,77 euros. À compter du 1er octobre de l’année prochaine, les allocations de troisième année connaîtront une revalorisation supplémentaire portant leur valeur à 1,5 fois le montant du SMIC (soit 1881,42 euros, sur la base du montant du SMIC 35 heures au taux horaire brut fixé, au 1er juillet 2006, à 8,27 euros), conformément aux engagements pris par le ministre lors de la discussion du projet de loi de programme pour la recherche à l’Assemblée nationale. Rappelons également que ce texte a apporté des garanties nouvelles concernant l’allocation, puisque désormais celle-ci est indexée sur l’évolution des rémunérations de la fonction publique. Enfin, il n’est pas inutile de souligner que l’allocation se cumule souvent avec une activité de monitorat, elle-même rémunérée à hauteur de 335 euros bruts. L’effort du gouvernement et de sa majorité en ce domaine est donc des plus significatifs puisque, en l’espace d’une législature, l’allocation aura progressé de plus de 30 % et, pour la troisième année, elle atteint d’ores et déjà la barre symbolique des 1,5 SMIC quand ce montant constituait une revendication des associations de jeunes chercheurs à l’horizon 2010. Cet effort est d’autant plus significatif que le nombre des allocataires reste très élevé, puisque, en 2007 comme en 2006, 4 000 nouveaux doctorants bénéficieront de cette aide, pour un total de 11 988 allocataires.

Autre dossier important concernant les jeunes chercheurs dans lequel le gouvernement s’est très largement investi, le règlement de l’épineuse question des « libéralités ». Brièvement, il s’agit, pour un employeur de faire travailler un chercheur, sans véritable contrat de travail, s’exonérant ainsi du paiement des charges sociales. Grâce à l’action initiée par M. François d’Aubert, qui avait inscrit 2 millions d’euros en loi de finances 2005, pour mettre fin à cette pratique, des progrès importants ont été accomplis. Le ministère des affaires étrangères, principal contributeur de l’association Egide, chargée de faciliter les échanges d’étudiants et de stagiaires entre la France et le reste du monde, devrait cependant être plus vigilant quant au recours fréquent de cette association aux libéralités. En effet, le problème ne réside plus aujourd’hui au niveau de l’Etat mais au niveau des associations. Or, comme toutes entités privées, celles-ci doivent respecter les dispositions du code du travail et donc le paiement de charges sociales. Il n’en demeure pas moins que les jeunes chercheurs, qui disposent de peu de ressources et de peu d’opportunités d’emploi, sont souvent bien démunis pour faire valoir leurs droits devant des tribunaux aux procédures lourdes et coûteuses.

Le soutien aux jeunes chercheurs se caractérise également par des mesures concernant l’emploi : création de 100 postes de post-doctorants supplémentaires à la rentrée 2007 s’ajoutant aux 700 déjà ouverts ; mise en place de 175 nouvelles conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE) portant le dispositif à 1475 conventions en 2007 (pour mémoire le nombre des conventions s’élevait à 1 200 en 2005) ; augmentation de 20 % de l’effectif des bénéficiaires des bourses de mobilité versées aux étudiants accomplissant des séjours à l’étranger ; ouverture de moyens supplémentaires pour lancer, à partir de 2007, sur le modèle éprouvé des CIFRE, un nouveau dispositif de conventions pour l’innovation et la promotion de la recherche en entreprise (CIPRE) visant à favoriser l’insertion des post-doctorants dans les entreprises privées dont devraient bénéficier d’emblée cent jeunes chercheurs.

Enfin, conformément à sa politique générale, le gouvernement entend poursuivre les actions entreprises en faveur de l’excellence et de la récompense des mérites ; 0,9 million d’euros sont ainsi programmés pour la mise en œuvre du dispositif « Bourses Descartes » créé dans le cadre du Pacte pour la recherche. Ce dispositif doit permettre à nos chercheurs les plus brillants de continuer à s’investir sur le territoire national et à limiter ainsi la fuite des cerveaux. Le titre de « boursier Descartes » confère en effet à son titulaire un complément de traitement très significatif (de l’ordre de 60 % du traitement de base, pour une durée de cinq ans) auquel s’ajoute, pour les enseignants-chercheurs, un allègement du service d’enseignement pouvant aller jusqu’à la moitié du service statutaire, fixé à 192 heures par an.

Dans le même ordre d’idée, le projet de loi de finances pour 2007 accompagne la montée en charge des initiatives menées par l’Institut universitaire de France (IUF) permettant une augmentation des deux tiers des promotions de membres juniors, offrant désormais la possibilité, chaque année, à vingt-cinq enseignants-chercheurs de pouvoir consacrer une année entière à leurs seuls travaux de recherche.

II.- LA MISE EN PLACE DE L’AGENCE D’ÉVALUATION DE
LA RECHERCHE ET DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR,
UN DÉFI MAJEUR POUR LA RÉNOVATION
DU SYSTÈME DE RECHERCHE FRANÇAIS

Chaque année, selon une tradition désormais bien établie, les rapports pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le budget s’attachent à développer une réflexion sur un thème particulier. Après une étude en 2004 sur le pilotage et la gouvernance du système de recherche français (rapport n° 1864 tome 10), après un éclairage en 2005 sur le développement du financement sur projets via les agences de moyens (rapport n° 2569 tome 6), le rapporteur a décidé de concentrer, cette année, sa réflexion sur l’évaluation de la recherche.

Plusieurs raisons justifient ce choix.

Si le principe même d’une évaluation est, historiquement, consubstantiel à l’activité de recherche, le développement, ces dernières années, sous l’impulsion du gouvernement et de sa majorité, d’une politique scientifique destinée à promouvoir l’excellence nécessite, en parallèle, un outil d’évaluation performant capable d’offrir une vision juste des performances de chacun.

Plus globalement, la taille de la France, dans un contexte scientifique global où émergent de nouveaux acteurs de plus en plus grands, tels que l’Inde ou la Chine et où le coût marginal du leadership scientifique dans une discipline est de plus en plus élevé, implique de faire des choix stratégiques, c’est-à-dire de concentrer ses forces sur un nombre limité de priorités (ce qui n’implique pas pour autant d’abandonner les autres). Pour ce faire également, une évaluation est nécessaire, afin de connaître ses points forts et de tirer le meilleur parti de ses ressources.

Enfin, la présentation de ce rapport intervient quelques mois après le vote de la loi de programme pour la recherche dont l’une des mesures phares fut la création de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES), quelques jours avant la parution du décret d’application de cette disposition et quelques semaines avant que ladite agence ne soit mise en place.

Le moment paraissait donc tout à fait propice pour dresser un état des lieux de l’évaluation dans notre pays et tracer quelques perspectives d’avenir dans le cadre de la nouvelle AERES.

A. UN CONSTAT : LE DISPOSITIF ACTUEL D’ÉVALUATION DE LA RECHERCHE FRANÇAISE EST DÉFICIENT

Selon un avis partagé par tous les interlocuteurs que le rapporteur a rencontrés lors de ses auditions, le dispositif actuel d’évaluation de la recherche connaît de graves carences.

1. Les raisons d’un problème

a) Des secteurs entiers de la recherche française ne sont pas évalués

Des pans entiers de la recherche française ne sont purement et simplement pas évalués. Ainsi, les enseignants-chercheurs, qui représentent, à eux seuls, plus de la moitié des effectifs des chercheurs (47 669, selon les données 2003, contre 41 275 chercheurs travaillant dans les organismes de recherches) sont, jusqu’à présent, soumis à une évaluation uniquement dans la mesure où ils postulent à une promotion de grade ou de corps ou s’ils travaillent dans une unité mixte de recherche (UMR). Ainsi, un maître de conférences qui ne cherche pas à devenir professeur et travaille dans un laboratoire purement universitaire n’est jamais évalué.

De plus, la moitié de leur mission statutaire ne fait, pour le coup, l’objet d’aucune évaluation : l’activité d’enseignement des enseignants-chercheurs échappe en effet à toute évaluation où que cet enseignement soit dispensé. De l’aveu même de Mme Jacqueline Heinen, présidente du Conseil national des universités (CNU), instance nationale compétente pour le recrutement et le suivi de la carrière des enseignants-chercheurs, auditionnée par le rapporteur, l’évaluation des enseignants-chercheurs, telle qu’elle est pratiquée actuellement, n’est pas satisfaisante.

Cet avis est partagé par les responsables de la Conférence des présidents d’université (CPU).

b) Une évaluation parfois déficiente même lorsqu’elle existe

Même lorsqu’un dispositif existe, l’évaluation conduite est parfois insuffisante. L’exemple le plus éclairant en la matière est sans aucun doute celui de l’évaluation des universités en tant qu’établissements. La charge de cette évaluation revient au Comité national d’évaluation (CNE), créé en 1984 (cf. infra).

À l’origine, il devait évaluer chaque université tous les quatre ans, évaluation qui devait logiquement, s’harmoniser avec la durée des contrats quadriennaux qui lient les universités à l’Etat. Or, dans les faits, et comme le rapporte M. Michel Hoffert, premier vice-président du CNE, l’évaluation des établissements n’a lieu, en réalité, que tous les neuf ou dix ans…

c) Des dispositifs d’évaluation morcelés qui ne permettent pas d’apprécier justement les performances de chacun

Enfin, même lorsque l’évaluation existe et que sa qualité est largement reconnue, comme c’est le cas dans la plupart des organismes de recherche, le fait que chaque établissement soit doté de son propre dispositif d’évaluation rend les comparaisons difficiles alors même qu’une évaluation permettant de comparer les performances de différents laboratoires exerçant dans une même discipline – ce qui est de plus en plus le cas du fait du double mouvement du développement de l’interdisciplinarité et de la tendance des organismes à développer des activités hors de leur champ disciplinaire d’origine – constituerait un outil de pilotage précieux au service de l’Etat. L’Agence nationale de la recherche (ANR), récemment mise en place, qui lance des appels d’offre destinés à tous les chercheurs et à tous les laboratoires, commence certes à jouer ce rôle mais ne peut, à elle seule, offrir une alternative suffisante.

2. Les principales structures actuelles de l’évaluation

Si, comme nous venons de le voir, la structure de l’évaluation française est aujourd’hui encore, avant que ne soient mises en application les dispositions de la loi de programme, très éclatée, quelques structures dominent cependant par l’étendue de leurs missions. On peut en citer quatre : le Comité national d’évaluation (CNE), le Comité national d’évaluation de la recherche (CNER), la Mission scientifique technique et pédagogique (MSTP) et le Comité national de la recherche scientifique (CoNRS).

Les trois premiers sont des organismes nationaux tandis que le dernier est directement rattaché à un établissement, le CNRS. Mais la dimension de ce dernier couplée à la carence de l’évaluation universitaire, l’ont constitué en acteur majeur de l’évaluation des laboratoires et des personnels en France.

a) Le Comité national d’évaluation

Le Comité national d’évaluation (CNE) est une autorité administrative indépendante créée en 1984. Il a pour mission d'évaluer l'ensemble des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel : universités, écoles et grands établissements relevant de la tutelle du ministre chargé de l'enseignement supérieur. Il peut également, soit à son initiative et avec l'accord du ministre chargé de l'enseignement supérieur, soit à la demande du ministre chargé de l'enseignement supérieur, procéder à l'évaluation d'autres établissements relevant de la tutelle de cette autorité ministérielle. Si le comité l'estime nécessaire, il peut demander à exercer sa mission d'évaluation à l'égard d'établissements d'enseignement supérieur et de recherche placés sous la tutelle d'un autre ministère après accord du ministre concerné. Symétriquement, tout ministre peut soumettre à l'évaluation du comité les activités d'établissements d'enseignement supérieur relevant de sa tutelle.

Le CNE examine et évalue les activités exercées par l'ensemble des établissements, et par chacun d'entre eux, dans les domaines correspondant aux missions du service public de l'enseignement supérieur et de la recherche : la formation initiale et continue ; la recherche scientifique et technologique et la valorisation de ses résultats ; la diffusion de la culture et l'information scientifique et technique ; la coopération internationale.

Dans l'exercice de sa mission, l'analyse du CNE porte sur l'ensemble des actions et des moyens mis en œuvre par les établissements dans le cadre de leur politique scientifique et pédagogique. Le comité organise lui-même ses travaux. Il fixe le programme de ses activités et détermine la méthodologie de ses évaluations.

Les analyses du CNE sont ensuite consignées dans des rapports publics élaborés par établissement et par thème. Les rapports par établissement sont adressés au ministre chargé de la tutelle de ces établissements. Ils sont, en outre, adressés aux responsables de ces derniers. Les rapports par thème sont adressés au ministre chargé de l'enseignement supérieur et aux autres ministres concernés.
Les activités du comité font l'objet d'un rapport adressé annuellement au Président de la République.

b) Le Comité national d’évaluation de la recherche (CNER)

Institué par le décret n° 89-294 du 9 mai 1989, le Comité national d'évaluation de la recherche (CNER) est chargé d'apprécier la mise en œuvre et les résultats de la politique nationale de recherche et de développement technologique définie par le gouvernement. Le CNER a été créé pour satisfaire aux dispositions de la loi n° 85-1376 du 23 décembre 1985 relative à la recherche et au développement technologique, qui dispose à la fois que les programmes de recherche et de développement font l'objet d'une évaluation sur la base de critères objectifs adaptés à chacun d'eux (article 14) et que les organismes publics de recherche font l'objet de procédures d'évaluations périodiques, celles-ci donnant lieu à un rapport remis au ministre de la recherche dont les principaux éléments sont rendus publics (article 15). Les travaux du CNER doivent ainsi permettre d’évaluer le bien-fondé des orientations et des choix scientifiques et technologiques retenus par le gouvernement, de vérifier l’adéquation des moyens affectés à chaque programme, de veiller à l’efficacité des coopérations développées par les laboratoires avec les entreprises et de mesurer les progrès réalisés dans le domaine de la formation.

Les évaluations du comité reposent sur la définition de méthodes objectives d'évaluation appropriées aux organismes, aux programmes et aux procédures et une analyse multi-critères qui conjugue plusieurs approches : scientifique, technique, financière, économique, industrielle, sociale et culturelle. Elles prennent en compte les implications à l'échelle européenne et internationale des résultats scientifiques et techniques des programmes et opérateurs soumis à l'examen des opérateurs soumis à examen.

Le CNER évalue en priorité, soit de sa propre initiative, soit à la demande du ministre en charge de la recherche, et après consultation des autres ministres concernés, les organismes de recherche, les programmes de recherche et les incitations de toute nature dont le financement figure au dans l’ex-budget civil de recherche et de développement technologique (BCRD). Toutefois, l’expertise du CNER peut être étendue, à la demande du ministre dont ils relèvent, à d’autres organismes et programmes publics, ou, à la demande cette fois de leurs dirigeants, à des organismes privés de recherche et aux programmes qu’ils conduisent.

c) La Mission scientifique, technique et pédagogique

Dernière née parmi les instances nationales chargées de l’évaluation, la Mission scientifique, technique et pédagogique (MSTP) a été créée par le décret n° 317-2003 du 7 avril 2003. Placée au service des ministères chargés de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, elle a été mise en place pour évaluer les recherches menées dans le cadre universitaire et celles menées sur les fonds incitatifs du ministère – Fonds national de la science (FNS) et Fonds de la recherche et de la technologie (FRT), depuis absorbés par l’ANR. Dans les faits, sa mission s’est étendue à l’évaluation des structures, ainsi que des formations et des diplômes. Pour assurer ses prérogatives, la MSTP s’appuie sur une structure composée de 10 départements scientifiques disciplinaires qui puisent eux-mêmes dans un réseau d’experts, estimé, selon son directeur, M. Michel Lebouché, à près de 5 000 personnes, pour réaliser les évaluations.

d) Le Comité national de la recherche scientifique

Dernière grande structure d’évaluation transversale : le Comité national de la recherche scientifique (CoNRS). En effet, bien qu’il soit, depuis sa création, placé auprès du CNRS dont il constitue la structure d’évaluation, le CoNRS figure au premier rang des « poids-lourds » de l’évaluation en France pour deux raisons principales.

D’une part, du fait même de la taille du CNRS – qui regroupe 30 000 personnes dont près de 12 000 chercheurs, soit presque la moitié des effectifs des établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) et près de 15 % des forces vives de la recherche française, universités comprises – le champ d’intervention du CoNRS est très vaste.

D’autre part, les prérogatives du CoNRS sont d’autant plus étendues qu’avec le développement des unités mixtes de recherche (UMR) – qui mettent en relation chercheurs et enseignants-chercheurs au sein d’un même laboratoire, et en l’absence d’une évaluation universitaire efficace, le CoNRS en est venu à évaluer l’ensemble des UMR auxquelles il participe ainsi que les chercheurs qui y travaillent. Pour assurer sa mission, il compte ainsi un conseil scientifique, huit conseils scientifiques de département, quarante sections et sept commissions interdisciplinaires.

Après avoir dressé ce bref tableau des structures d’évaluation de la recherche française, on ne peut que constater la faible lisibilité du dispositif. Le moins que l’on puisse dire est que la frontière entre les missions assurées respectivement par le CNE, le CNER et la MSTP n’apparaît pas clairement. On constate de manière évidente que chacune de ses structures est venue s’ajouter à l’autre au gré des différentes impulsions de la politique de la recherche. La même confusion se retrouve au niveau du CoNRS où un établissement de recherche en vient à évaluer des universitaires faute de dispositif de leur côté. In fine, de larges pans de la recherche française restent pas, peu ou mal évalués, il était effectivement temps d’agir.

B. UNE RÉPONSE : LA CRÉATION DE L’AGENCE D’ÉVALUATION DE LA RECHERCHE ET DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR (AERES)

Fort de ce constat, le gouvernement a donc décidé de rationaliser le dispositif d’évaluation de la recherche. Soutenue par le Parlement, son initiative a finalement abouti à la création de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES) dont les principes figurent à l’article 9 de la loi n° 2006-450 du 18 avril 2006.

Il faut d’abord se féliciter que le principe d’une telle agence ait pu voir le jour et être inscrit dans la loi. Comme le rappelait M. Jean-Michel Dubernard, dans son rapport sur la loi de programme pour la recherche (n° 2888), daté de février, « il y a quelques mois encore cela relevait de la gageure d’envisager qu’une évaluation puisse s’appliquer à tous les acteurs de la recherche, dans toutes leurs activités et selon des modalités qui, tout en tenant compte des disciplines de chacun, répondent à une méthodologie commune et conforme aux meilleures pratiques internationales ».

L’extension des prérogatives de l’agence aux activités d’enseignement des enseignants-chercheurs, initialement absente du projet de loi et ajouté par le Sénat en première lecture, témoigne bien de la prise de conscience de l’ensemble de la communauté des chercheurs de mettre en place un dispositif d’évaluation plus rationnel et plus efficace.

Et si, ainsi que le rapporteur a pu s’en rendre compte au cours des auditions qu’il a conduites, des inquiétudes existent encore quant à la mise en place de l’agence, son principe ne fait plus question et est très largement considéré comme un pas en avant important. De façon très significative, les premiers concernés par la création de cette agence, à savoir les universitaires, se montrent, par la voix des responsables de la CPU, très satisfaits de voir naître une agence qui leur permettra d’évaluer des activités qui jusqu’alors ne l’étaient pas et de faire ressortir ainsi les qualités de leur travail, tout en échappant à la mainmise du CNRS.

1. Les principes sur lesquels se fonde l’AERES

La création de l’AERES a répondu à quelques principes fondateurs destinés à assurer la légitimité de son action : indépendante, universelle, incontestable.

a) Une agence indépendante

Contrairement au CNER et à la MSTP mais comme le CNE, l’AERES est une autorité administrative indépendante (AAI), statut qui doit lui permettre de mener à bien ses travaux en toute indépendance, aussi bien vis-à-vis du gouvernement, auquel elle doit, comme au Parlement et au Haut conseil de la science et de la technologie (HCST), simplement rendre compte par la voie d’un rapport annuel.

b) Une mission « universelle »

Comme il a été dit plus haut, l’AERES a en effet vocation à évaluer toutes les activités de recherche et d’enseignement supérieur. Plus largement, ainsi qu’en dispose l’article L. 114-1 du code de la recherche, issu de la loi de programme, toutes les activités de recherche, financées en tout ou partie sur fonds publics et quel que soit l’opérateur qui les met en œuvre, doivent être évaluées.

L’agence est ainsi chargée d’évaluer les établissements et organismes de recherche, les établissements d’enseignement supérieur et de recherche, les établissements et les fondations de coopération scientifique ainsi que l’Agence nationale de la recherche (ANR). Elle évalue par ailleurs les activités de recherche conduites par les unités de recherche de ces établissements, soit directement, soit en s’appuyant sur les établissements et organismes selon des procédures qu’elle a validées.

Elle évalue enfin les formations et diplômes des établissements d’enseignement supérieur, valide les procédures d’évaluation des personnels et donne son avis sur les conditions dans lesquelles elles sont mises en œuvre.

Les compétences de l’AERES sont donc très larges, puisqu’elles s’étendent à tout le spectre de la recherche financée sur fonds publics, à tous les niveaux (établissements, laboratoires, personnels), selon des modalités différentes sur lesquelles nous reviendrons. En outre, l’AERES a la faculté d’évaluer des organismes étrangers ou internationaux de recherche, à la demande de ceux-ci ou dans le cadre de programmes de coopération européens ou internationaux.

c) Des procédures d’évaluation incontestables

L’AERES ne pourra valablement jouer son rôle que dans la mesure où ses résultats seront reconnus par tous. Les méthodes d’évaluation qu’elle met en œuvre devront ainsi être conformes aux meilleures pratiques internationales pour être incontestables. En la matière, le jugement par les pairs reste la règle. À tous les stades du processus, la transparence de l’évaluation, et le principe du contradictoire, doivent garantir la justesse de l’évaluation. Les évaluations sont ainsi rendues publiques.

2. L’organisation de l’AERES

Pour assurer ces principes et remplir sa mission, l’AERES s’appuie sur une organisation administrative coiffée par un conseil.

Aux termes de la loi, le conseil est composé de vingt-cinq membres français, communautaires ou internationaux, nommés par décret mais reconnus pour la qualité de leurs travaux scientifiques.

Composition du conseil de l’AERES

Conseil d’administration de l’AERES (25 membres)

9

Personnalités qualifiées (dont 3 au moins issues du secteur privé)

Président nommé parmi les membres

7

Membres ayant la qualité de chercheurs, d’ingénieur ou d’enseignants-chercheurs, nommés sur proposition des directeurs ou présidents des étblissements publics d’enseignement supérieur et de recherche et des organismes de recherche

7

Membres ayant la qualité de chercheurs, d’ingénieurs ou d’enseignants-chercheurs, nommés sur proposition des instances d’évaluation compétentes en matière d’enseignement supérieur et de recherche

2

Parlementaires membres de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST)

S’agissant de ce conseil, la plus grande innovation relativement aux instances existantes est la réduction de la part des élus au profit des personnalités qualifiées.

À l’échelon inférieur, l’agence est organisée en sections, une pour chacune de ses missions, dirigées par des personnalités justifiant d’une expérience en matière d’évaluation scientifique et nommées par le conseil de l’agence sur proposition du président. Les sections comprennent des personnalités étrangères.

3. Les moyens de l’AERES

Pour la mise en route de l’agence, qui devrait intervenir avant la fin de l’année 2006, le gouvernement entend s’appuyer sur les moyens des instances d’évaluation existantes et qui auront vocation à se fondre au sein de la nouvelle agence. Le tableau suivant donne un aperçu des moyens et humains dont disposent ces instances.

Moyens financiers et humains des structures actuelles d’évaluation

Organisme d’évaluation

Personnel administratif

(en équivalent temps plein)

Moyens Financiers

(en milliers d’euros)

CNE

25

3 500 3

CNER4

5

600

MSTP

17

1 800 5

Total

47

5 900

Bien que les chiffres présentés dans ce tableau ne traduisent qu’imparfaitement les sommes en jeu, en raison notamment des personnels mis à la disposition des structures d’évaluation par les universités ou les organismes, on peut que constater la modicité des moyens ouverts pour une agence aux compétences aussi larges.

C. L’ÉVALUATION À L’ÉTRANGER

Avant de formuler un certain nombre de recommandations pour la mise en place de l’agence, le rapporteur a estimé qu’il n’était pas inutile de faire un rapide tour d’horizon de l’organisation de l’évaluation dans les grands pays de recherche. Si chaque système est lié à l’organisation spécifique de la recherche dans le pays considéré, plusieurs lignes de forces apparaissent.

1. La Grande-Bretagne : « Reaserch assessment exercise » (RAE)

Les universités sont les principaux opérateurs de la recherche britannique mais l’essentiel du financement est assuré par huit agences de moyens, les Councils, au nombre desquelles le Higher Education Funding Council for England (HEFCE), qui, avec ses déclinaisons au pays de Galles, en Ecosse et en Irlande du Nord, finance les universités et leurs activités de recherche.

Ainsi, si chaque université et chaque Council disposent de leur propre dispositif d’évaluation – notamment une évaluation a priori pour sélectionner les projets déposés dans le cadre des procédures d’appels d’offre – l’exercice d’évaluation le plus en vue est le Research assessment exercise (RAE) dont le but est d’évaluer les recherches financées par le HEFCE, à savoir l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur de Grande-Bretagne.

Mis en place, pour la première fois, en 1986, le RAE a depuis été réorganisé à cinq reprises. Le dernier RAE a eu lieu en 2001 et le prochain, bien que prévu en 2008, est déjà en cours d’organisation. Il s’agit en fait d’une sorte de « round » d’évaluation au cours duquel chaque établissement soumet à l’évaluation tous ceux de ses départements qu’il considère comme actifs en recherche. Toutefois, si l’établissement peut décider si tel ou tel de ses enseignants-chercheurs doit être pris en compte dans le processus d’évaluation, il doit néanmoins fournir des données sur l’ensemble de son personnel.

L’évaluation, fondée sur le principe du jugement par les pairs, ou « peer review », aboutit à l’attribution d’une note allant de 1 à 5* rendue publique. Seules les notes les plus élevées – 4, 5 et 5* – donnent lieu à des financements spécifiques en recherche. En 2001, 80 % des départements avaient obtenu une note au moins égale à 4.

D’ores et déjà, les critères du prochain RAE, qui se met actuellement en place, ont été modifiés. En effet, plusieurs critiques ont été émises à l’encontre du dispositif parmi lesquelles une dérive des notes vers le haut et le risque que le RAE ne conduise à une trop grande concentration des sites de recherche nuisible, à long, terme au développement des recherches fondamentales.

2. L’Allemagne : une comparaison difficile

La structure fédérale de l’Etat allemand se retrouve au niveau du dispositif de recherche partagé entre des universités gérées essentiellement au niveau des Länder et des agences de moyens, parfois elles-mêmes opérateurs de recherche, placées au niveau de l’Etat fédéral.

Il faut avoir ce préalable en mémoire avant d’envisager toute comparaison avec le dispositif français. Toutefois des dispositifs d’évaluation générale existent. On peut en citer deux.

Premièrement, le Wissenschaftstrat (Conseil de la science) a lancé une vaste évaluation du dispositif allemand de recherche au travers d’un rapport intitulé « Recommandations sur les classements dans le système scientifique ».

Par ailleurs, un programme fédéral conduit conjointement par le Wissenschaftsrat, la Deutsche Forschungsgemeinschaft (DFG) en partenariat avec les Länder, connu sous le nom « d’initiative excellence » et faisant appels à des experts pour 90 % de nationalité étrangère, a abouti à classer les universités allemandes en fonction de leur implication dans le domaine de la recherche. Au terme du processus, vingt-deux universités ont été sélectionnées pour recevoir 20 millions d’euros de crédits supplémentaires par an pour s’engager encore plus résolument dans la voie de l’excellence scientifique.

Hormis ces deux initiatives, l’évaluation se pratique université par université et via les agences de moyens, avec au premier chef la DFG, le processus de sélection d’appel à projets désignant naturellement les meilleures équipes. On peut citer enfin le cas un peu particulier de la société Fraunhofer, trait d’union entre la recherche et ses applications industrielles, qui associe très étroitement les représentants du secteur privé à sa politique d’évaluation.

3. Les Etats-Unis : une évaluation très décentralisée

Etat fédéral également, les Etats-Unis pratiquent l’évaluation de leur appareil de recherche de manière très décentralisée. Comme en Allemagne, et de façon plus prononcée encore, on distingue essentiellement deux niveaux d’évaluation, au niveau des universités et au niveau des agences fédérales.

Extrêmement autonomes dans leur gestion et dans la définition de leur politique scientifique, les universités procèdent elles-mêmes à leur propre évaluation. Qu’elles soient publiques ou privées, les deux tiers des ressources qui financent leurs recherches, proviennent des agences fédérales qui, à l’image de ce que pratique désormais l’ANR, distribuent des grants, ou subventions, aux chercheurs, selon une procédure d’appels d’offre sélective. L’université se réserve ensuite une partie de ces grants, appelée overhead – dont le niveau atteint généralement les 50 % dans les grandes universités de recherche, telles que Berkeley ou Stanford – pour subvenir aux frais généraux de ses laboratoires. De sorte que l’équation est simple. Pour assurer sa subsistance, l’université doit absolument attirer vers elle les meilleurs chercheurs susceptibles de recevoir des fonds fédéraux. La sélection, par les universités, des enseignants-chercheurs répond ainsi à un processus drastique et toute personne qui souhaite obtenir une position permanente à l’université – ou tenure – doit au préalable avoir démontré sa capacité à attirer des fonds fédéraux dans son laboratoire.

Les agences de moyens, fédérales, jouent ainsi un rôle tout à fait central dans le processus d’évaluation. Parmi elles, on peut citer la National Science Foundation (NSF), qui finance l’essentiel des recherches académiques à l’exception des sciences de la vie financées via les National Institutes of Health (NIH).

D’autres initiatives existent cependant comme celle conduite par US News and World Report, sorte d’agence de presse, qui depuis 1983 publie chaque année un classement des universités auquel sont associés les établissements et dont l’autorité et le sérieux sont très largement reconnus par toutes les parties concernées.

4. La Finlande : un dispositif d’évaluation rationnel

Du fait de la taille modeste de leur pays, les Finlandais ont très tôt eu à cœur de rationaliser leur dispositif de recherche afin de tirer le meilleur parti de leurs ressources. Cette volonté s’est traduite par la mise en place de deux agences de moyens, l’Académie de Finlande, qui intervient dans le champ de la recherche fondamentale, et TEKES, Agence nationale de la technologie et de l’innovation, qui intervient dans le domaine des recherches appliquées. Comme aux Etats-Unis et en Allemagne, les fonctions de financeurs et d’évaluateurs sont mêlées puisque l’évaluation de la recherche finlandaise se fait directement au travers de ces deux agences qui recourent, pour ce faire, à des pairs externes à la structure. L’utilisation des crédits de recherche par les chercheurs fait l’objet d’un rapport envoyé à l’agence qui a attribué les fonds l’année qui suit la fin du projet en cause. Tous les trois ans, un état exhaustif de la recherche en Finlande, rendu public, est établi par l’Académie.

5. Le Japon : une évaluation à deux niveaux

Un dispositif à peu près identique se retrouve, au Japon, à ceci près que, si les fonctions de financement et d’évaluation de la recherche sont là aussi confondues, elles ne sont que partiellement assurées par une agence de moyens indépendante, la Société japonaise pour la promotion de la science, ou JSPS, une autre partie étant directement opérée au niveau du gouvernement par le ministère de l’éducation et de la recherche, appelé MEXT.

Dans les deux cas toutefois, l’évaluation se fait sur la base de projets, au niveau du processus de sélection d’abord, en cours de projet ensuite, une fois le projet terminé enfin.

6. L’Espagne : un système d’évaluation original

Dans ce rapide tour d’horizon des modalités de l’évaluation de la recherche dans les grandes nations scientifiques du monde, l’Espagne constitue un cas à part. L’essentiel de l’évaluation se fait en effet au niveau de l’Agence nationale d’évaluation et de prospective (ANEP), directement rattachée auprès du secrétariat d’Etat aux universités et à la recherche. Organisée en vingt-cinq divisions thématiques, faisant appel à un panel de plus de 20 000 experts, elle rend, autre originalité, ses évaluations aux institutions qui l’ont saisie d’une demande d’évaluation, et non directement au porteur de projets.

L’Espagne dispose également de deux autres agences d’évaluation, elles aussi intégrées au secrétariat d’Etat aux universités et à la recherche, chargées d’évaluer les personnels de recherche mais uniquement lorsque ceux-ci font acte de candidature pour obtenir une rémunération complémentaire.

7. L’Union européenne : l’évaluation du programme-cadre de la Communauté européenne pour des activités de recherche, de développement technologique et de démonstration

Le programme-cadre de la Communauté européenne pour des activités de recherche, de développement technologique et de démonstration de recherche, ou PCRD, constitue l’outil principal de la politique européenne de recherche.

L’évaluation du programme, plus administrative et financière que véritablement scientifique, se déroule selon plusieurs étapes : une évaluation ex-ante destinée à définir les priorités du PCRD à venir et des évaluations intermédiaires puis ex-post pour tirer les leçons des programmes en cours et passés. Il est ainsi prévu que le septième PCRD (2007-2013) fera l’objet d’une évaluation au plus tard en 2010 tandis que l’évaluation ex-post du programme actuel sera entreprise avant 2008. Dans les deux cas, les méthodes retenues sont : le recours à des groupes d’experts, des analyses par sondage, des études de cas, des études longitudinales, des études coordonnées par les Etats membres ainsi que des analyses coût-bénéfice et des analyses d’impact macroéconomique.

Par ailleurs, la mise en place, dans le cadre du programme « Idées » du septième PCRD, d’un Conseil européen de la recherche (CER), fonctionnant comme une agence de moyens, va conduire l’Union européenne à se doter d’un nouveau dispositif d’évaluation. Le conseil scientifique du CER, composé de vingt-deux scientifiques européens éminents, aura ainsi la charge d’établir la stratégie globale du CER puis d’évaluer son exécution. Il définira également les critères de sélection retenus dans le cadre de la procédure d’appel à projets et les méthodes de sélection des pairs qui auront à évaluer les dossiers déposés auprès du CER par les équipes scientifiques. Une autre structure, spécialement dédiée, sera quant à elle chargée de vérifier, au travers d’un rapport annuel, le respect des procédures édictées par le conseil scientifique.

Dans le cadre de la mise en place du septième PCRD (2007-2013), une évaluation ex-ante a été conduite, d’avril 2004 à avril 2005, sous la forme d’une analyse d’impact, mêlant contributions des parties intéressées et des études internes et externes à la Commission faisant appel à des experts européens reconnus.

Ce rapide aperçu de l’évaluation de la recherche dans le monde appelle plusieurs commentaires.

D’une part, on remarque une constante : la confusion des fonctions de financement et d’évaluation. Selon, une tendance largement observée, c’est en effet l’organisme qui finance des recherches qui s’assure lui-même que les crédits qu’il a distribués ont été convenablement utilisés. De ce point de vue, la situation française, avec la mise en place de l’AERES, constituera une véritable originalité.

Si l’on met de côté le rôle d’ores et déjà joué par l’ANR dans la sélection des projets qu’elle finance – et qui est naturellement amené à s’accentuer avec le suivi des projets qu’elle sera conduite à réaliser à mesure de sa montée en puissance – l’existence d’une agence indépendante, uniquement dévolue, à l’activité d’évaluation ne se rencontre nulle part ailleurs dans le monde. Toutefois, cette originalité répond, symétriquement, à un dispositif lui-même très spécifique puisque s’y côtoient des universités peu autonomes et des grands établissements de recherche placés sous la tutelle des ministères, les deux fonctionnant essentiellement sur des crédits récurrents, la part du financement sur appels à projets restant encore, malgré la montée en charge de l’ANR, peu élevée.

Enfin, l’évaluation pratiquée dans le monde répond à plusieurs principes que l’on retrouve partout : jugement par les pairs (« peer review ») ; utilisation, en parallèle, des données bibliométriques (surtout aux Etats-Unis qui dispose de l’outil mondialement le plus utilisé en la matière, le Web of Science) ; recours, pour la composition des comités de visite, à des experts parfois élus mais le plus souvent nommés et très souvent étrangers. De ce point de vue, l’AERES, telle qu’elle est prévue dans les textes, répond pleinement aux standards internationaux.

D. RECOMMANDATIONS POUR FAIRE DE L’AERES UN OUTIL D’ÉVALUATION EFFICACE RECONNU PAR TOUS

S’il n’est évidemment pas lieu ici de revenir sur des dispositions votées, à une très large majorité, par le Parlement, il convient néanmoins, à la veille de la mise en place effective de l’AERES de mener une réflexion sur les méthodes qui lui permettront de remplir au mieux sa mission.

Si l’AERES a été très largement acceptée, dans son principe, par l’ensemble de la communauté des chercheurs qui, pour une part, réclamaient la création d’une telle agence, le rapporteur a pu constater, lors des nombreuses auditions qu’il a menées, que des inquiétudes se faisaient jour quant à sa mise en place effective.

Certaines, exprimées notamment par les organismes de recherche, traduisent plus la volonté de maintenir un statu-quo qu’une préoccupation réellement légitime. Ainsi, la volonté, exprimée par certains, d’être associés aux choix des experts chargés de les évaluer ne répond pas, à l’évidence, à la nécessité, pourtant généralement reconnue, de distinguer juges et parties.

D’autres, en revanche, traduisent des préoccupations très légitimes dont le Parlement, notamment par la voix du rapporteur de l’Assemblée nationale, M. Jean-Michel Dubernard, s’était très largement fait l’écho lors du vote de la loi de programme pour la recherche.

1. Harmonisation plutôt qu’uniformisation : appliquer la lettre de la loi

En l’espèce, la question renvoie à l’évaluation des unités de recherche qui fait l’objet du 2° de l’article L. 114-3-1 du code de la recherche créé par la loi de programme.

Agence déjà tout à fait singulière dans le paysage international, les missions de l’AERES la conduisent théoriquement à veiller à la qualité du travail de pas moins de 140 000 personnes réparties dans des milliers de laboratoires relevant eux-mêmes de plusieurs centaines d’établissements.

Dans le souci d’éviter la construction d’une gigantesque « usine à gaz », qui paralyserait l’action de l’agence, le Parlement avait donc souhaité décliner son action suivant trois modalités : une évaluation directe au niveau des structures, le soin laissé, par ailleurs, aux établissements de réaliser l’évaluation de leurs personnels (l’agence se bornant dans ce cas à valider les procédures mises en œuvre par les établissements), et, pour les unités de recherche, un dispositif à deux niveaux. Celui-ci reconnaissait aux établissements une compétence pour réaliser eux-mêmes l’évaluation de leurs propres unités (avec là aussi, la validation des procédures utilisées par l’agence) mais, dans le même temps, il reconnaissait à l’agence une compétence absolue pour réaliser directement l’évaluation de certaines unités lorsqu’elle l’estime nécessaire.

Or, de l’avis de certains interlocuteurs rencontrés par le rapporteur, qui ont pris part aux discussions préparatoires à la rédaction du décret d’application des dispositions de la loi concernant l’AERES, l’équilibre voulu par la représentation nationale n’est que très imparfaitement traduit dans le texte règlementaire.

Sollicité pour donner son avis sur le texte du décret, le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie (CSRT), instance de concertation et de dialogue avec les acteurs et les partenaires de la recherche consultée sur tous les grands choix de la politique scientifique et technologique du gouvernement, a lui-même jugé important, à une très large majorité, d’attirer l’attention du gouvernement sur « l’utilisation de la possibilité, prévue par la loi, de délégation par l’Agence, sous certaines conditions, de l’évaluation des entités à des instances existantes, sa mission se limitant dans ce cas à veiller à l’harmonisation et à la qualité des procédures. »

En effet, si la nécessité, à la fois d’évaluer les recherches qui, à ce jour, ne le sont pas et d’harmoniser les évaluations actuellement réalisées pour permettre une meilleure comparaison des activités réalisées par des laboratoires travaillant dans des champs disciplinaires communs, n’échappe à personne, beaucoup, et le rapporteur avec eux, ne souhaitent pas que l’harmonisation se traduise dans les faits par une uniformisation.

Outre que, pour les raisons évoquées précédemment, une telle uniformisation serait matériellement difficile à réaliser, il serait regrettable de « jeter le bébé avec l’eau du bain » et, pour pallier d’évidentes carences, d’anéantir ce qui fonctionne. Au fil des ans, l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA) et l’Institut Pasteur, pour ne prendre que ces deux exemples, ont su mettre en place des procédures d’évaluation en tous points conformes aux meilleures pratiques internationales leur assurant une compétence scientifique de très haut niveau, mondialement reconnue.

2. Le recours aux experts étrangers

Si le recours à des experts étrangers pour mener les évaluations, disposition explicitement prévue par le texte de la loi et conforme aux meilleures pratiques internationales, est à l’évidence à encourager, il ne faut pas se dissimuler qu’une telle pratique implique plusieurs conséquences.

a) Une nécessité qui a un coût

Les pratiques françaises actuelles et les exemples étrangers montrent en effet qu’une évaluation de haut niveau faisant appel à des experts internationaux est très coûteuse. Les crédits programmés pour le lancement de l’agence (cf. supra) ne permettront pas en tout état de cause de mener une évaluation tous azimuts recourant à de tels experts. Or la réalisation d’une évaluation de haut niveau est à ce prix, tant, selon un avis unanimement partagé, il faut éviter le recours à des experts devenus des « professionnels de la profession » parfois éloignés de l’actualité scientifique.

Bien qu’il ne rémunère pas les évaluateurs auquel il fait appel, l’Institut Pasteur prend en charge leurs déplacements et leurs frais de séjour pour une durée de deux jours et demi sur place. Aux Etats-Unis, la NSF offre aux experts qu’elle sollicite un forfait de 1 800 dollars (environ 1 435 euros), pour un séjour d’une durée de six jours, non compris les frais de voyage qu’elle prend directement en charge.

De plus, telle n’est pas la seule condition pour attirer des scientifiques de très haut niveau. Très occupés par leurs propres travaux, encore faut-il, pour qu’ils consentent à se déplacer, que l’évaluation qu’on leur propose revête un véritable intérêt scientifique.

b) Le problème de la langue de travail

Le recours à des experts internationaux renvoie aussi, par ricochet, à la question de la langue. S’ils ne souhaitent pas que ce sujet soit abordé trop ouvertement, craignant d’avoir à en subir les conséquences juridiques, de nombreux responsables d’établissements ne cachent pas que faire appel à des experts internationaux peut nécessiter, parfois, dans certaines disciplines et en raison des équilibres actuels de la géopolitique scientifique, que le processus d’évaluation soit mené en anglais. De ce point de vue, il apparaît nécessaire de lever un tabou. Adopter une position rigide sur ce sujet, en imposant dans tous les cas l’usage du français, irait immanquablement à l’encontre du but poursuivi.

En effet, la diffusion de notre langue dans les cercles scientifiques s’accommodera mieux d’une compétence internationalement reconnue que du maintien de l’évaluation dans le cercle étroit des francophones, même si l’usage du français doit demeurer la règle et l’usage d’une autre langue l’exception.

c) La constitution d’un large pool d’experts

À défaut de pouvoir mettre en place un pool d’évaluateurs européens, idée lancée par le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, M. Jean-Michel Dubernard, mais qui ne semblé pas avoir été relayée à Bruxelles, il convient cependant d’envisager des partenariats avec nos voisins. En effet, et à plus forte raison pour un pays de taille modeste comme la France, l’endogamie du système est le pire ennemi d’une évaluation de qualité. De ce point de vue, l’accord d’ores et déjà signé par le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche, M. François Goulard, avec son homologue allemand en vue d’un échange des experts scientifiques français et allemands constitue un pas en avant à renouveler et à étendre.

3. Le rôle de l’ANR comme soutien de la mission d’évaluation de l’AERES

L’observation des modèles étrangers démontre combien, au-delà de leur mission première de financement de la recherche, les agences de moyens ont un rôle éminent à jouer dans le processus d’évaluation. En dépit de ses deux années d’existence, l’ANR démontre déjà combien elle joue un rôle de label de qualité auprès de la communauté scientifique toute entière. Ainsi, à la tête de l’ANR, Mme Jacqueline Lecourtier rapporte comment les scientifiques recevant des fonds de son agence n’hésitent pas à se prévaloir de ce financement auprès de leur établissement pour signaler la qualité de leurs travaux, se désignant eux-mêmes comme des « équipes ANR ». Ces propos sont d’ailleurs corroborés par Mme Catherine Bréchignac et M. Arnold Mingus, respectivement présidente et directeur général du CNRS, dont les équipes sont les premiers bénéficiaires des crédits de l’ANR.

Avec l’inscription durable de l’ANR dans le paysage de la recherche française ce rôle ne pourra aller que croissant. D’ores et déjà, en 2007, l’ANR va mettre en place un suivi systématique des appels à projets destiné à surveiller la bonne utilisation des financements distribués.

Il y a, ici, à l’évidence, une articulation à trouver entre les deux agences afin que l’AERES utilise avec profit les données recueillies par l’ANR.

4. La logique de concurrence : meilleure garantie de l’excellence ?

Le rôle qu’est amené à jouer l’ANR dans le processus d’évaluation démontre combien la logique de concurrence, consubstantielle au financement sur appels d’offre, constitue le meilleur aiguillon pour diriger la qualité de la recherche vers le haut. Les acteurs concernés eux-mêmes sont prêts à jouer le jeu de cette concurrence qui s’impose d’ores et déjà à eux au niveau international, notamment avec la publication du désormais célèbre classement de Shangaï.

Ainsi, les responsables de la CPU n’hésitent pas à revendiquer que l’AERES soit à l’initiative d’un classement des laboratoires, mêlant universités et organismes, et distinguant, pour chaque discipline, les meilleures unités. Telle est en effet la raison d’être essentielle de l’AERES que de pratiquer une évaluation par discipline pour faire émerger les opérateurs les plus compétents plutôt que de se borner à une évaluation répondant à une simple logique administrative.

À terme, il ne fait pas de doute non plus que, pour que la logique de la concurrence puisse réellement jouer son rôle, une évolution des établissements vers plus d’autonomie – autonomie qu’ils réclament d’ailleurs eux-mêmes, que ce soit les universités ou les établissements (6) – apparaît comme une nécessité. Mais il s’agit là d’un autre et vaste débat qui prendra mieux sa place dans les échéances électorales à venir.

5. Oui à l’évaluation, mais pour quoi faire ?

Enfin, tout système d’évaluation, aussi performant soit-il, n’a de sens que dans la mesure où les résultats qu’il publie produisent des conséquences. De ce point de vue aussi l’expérience française démontre certaines limites.

Si le dispositif d’évaluation du CNRS est assez largement reconnu pour ses qualités, en revanche ses évaluations n’aboutissent pas réellement à distinguer les meilleures équipes et à rendre ainsi attractive la poursuite de l’excellence. De D à A, l’échelle crescendo de la notation pratiquée par le CNRS, les différences, en terme de financement attribués aux laboratoires, n’excède guère plus de 10 %.

On est ici loin des méthodes en vigueur en Allemagne, par exemple, où une évaluation insuffisante, pour les établissements, a des conséquences sur les rémunérations des dirigeants et peut conduire à la fermeture des établissements en question. Les expériences menées par l’INRIA – où un projet n’offrant pas les résultats escomptés peut être réorienté voire même purement et simplement arrêté –, ou par l’Institut Pasteur – où il arrive très fréquemment que, suite à une mauvaise évaluation, une unité voie ses financements drastiquement réduits et où la fermeture, pour les mêmes raisons, d’une unité n’est pas un tabou – doivent à l’évidence être considérés comme des exemples à suivre.

Il ne faut pas se dissimuler toutefois que cette problématique concerne moins l’AERES en tant que telle, dont la vocation est de diligenter des évaluations, que le pouvoir politique et la volonté qu’il aura d’utiliser les résultats d’une agence qu’il a lui-même portée sur les fonds baptismaux.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné pour avis, au cours de sa séance du mercredi 25 octobre 2006, sur le rapport de M. Jean-Jacques Gaultier, les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour 2007, les crédits des programmes « Formations supérieures et recherche universitaire » et « vie étudiante » faisant l’objet d’un rapport spécifique de M. Jean-Paul Anciaux.

Un débat a suivi l’exposé du rapporteur.

M. Pierre Lasbordes, après avoir souligné la qualité du travail réalisé par le rapporteur, a salué le présent budget qui honore les engagements pris par le gouvernement, souhaitant néanmoins faire trois remarques.

D’une part, concernant la question des libéralités, il est dommage que ce problème n’ait pas été réglé car on en parle depuis cinq ou six ans.

D’autre part, s’agissant de l’évaluation, on ne peut que se satisfaire de la mise en place d’une structure nouvelle. Cependant, il faut être attentif au risque que soit créée une « usine à gaz » et il faudra veiller à l’application pratique de cette structure, pour ce qui est notamment des procédures de désignation de ses membres.

Enfin, l’objectif des « 3 % du PIB » à atteindre dans le cadre du processus européen de Lisbonne est un bon objectif que la France ne pourra atteindre qu’en dynamisant le secteur de la recherche privée. Il faut toutefois regretter la complexité de certaines des mesures mises en œuvre pour l’atteindre, en particulier le crédit impôt-recherche (CIR). Un certain nombre d’organismes extérieurs ont mis en lumière la nécessité d’une simplification en matière d’assiette éligible ou de détermination des dépenses de recherche. Une autre difficulté, enfin, est liée à la question de l’harmonisation de la définition des entreprises innovantes en France par rapport aux pratiques prévalant par ailleurs dans l’Union européenne.

M. Simon Renucci a également tenu à saluer la création de l’AERES. En revanche, il a fait part de son inquiétude car une chose est d’évaluer, une autre est de contrôler. Or, à l’évidence, la dérive du contrôle menace ce dispositif. La culture de l’évaluation est insuffisamment développée en France. Pour bien évaluer, encore faut-il savoir de quoi l’on parle. C’est un travail qui requiert humilité, dialogue, reconnaissance des efforts accomplis, respect. Il serait dommage de ne pas effectuer ce travail car les chercheurs ont besoin de liberté. La démarche d’évaluation est une démarche d’équipe, une démarche collective et locale. Il faut redire ici qu’il n’est pas de savant sans liberté de la recherche. Pour ce qui est de la méthodologie en trois questions proposée par le rapporteur, il faut aussi toujours garder à l’esprit la nécessité, en matière d’évaluation, d’annoncer ce qu’on va faire, de définir des critères et cela sans tomber dans la dérive consistant à donner des leçons. À cet égard, il peut être intéressant de s’inspirer de l’exemple canadien qui remonte quand même aux années 1920 !

M. Pierre-Louis Fagniez, après avoir souligné la qualité du travail accompli par le rapporteur, a souhaité livrer certaines réflexions liées à son expérience tirée du suivi de la loi de programme pour la recherche, loi elle-même pour partie issue du rapport établi par la mission sur la recherche publique et privée en France face au défi international présidée par M. Jean-Pierre Door. Il faut en effet se rappeler que nombre de chercheurs n’ont jamais eu besoin d’évaluation. Ainsi, la France détient la première place mondiale en matière de recherche mathématique : or les mathématiciens n’ont pas besoin d’une évaluation spécifique, car l’évaluation fait partie de leur culture et de leur vie. L’agence d’évaluation telle qu’elle a été conçue était cependant nécessaire car chacun n’est pas mathématicien et certains secteurs de la recherche doivent être évalués. C’est une « grosse boutique », compétente en matière de recherche mais également – conformément au souhait du Sénat qui a inséré cette mention dans le projet de loi de programme pour la recherche – en matière d’enseignement supérieur. Et il est vrai que ce dernier domaine pose un certain nombre de difficultés. À cet égard, il serait intéressant de connaître la position du rapporteur, qui semble avoir plus centré ses auditions sur le thème de la recherche que sur celui de l’enseignement supérieur.

M. Jean-Pierre Door a salué tant le travail du rapporteur que le budget, conséquence positive de l’adoption de la loi de programme pour la recherche, elle-même conforme à un certain nombre des préconisations de la mission qu’il a présidée sur ce thème. Le présent budget confirme l’effort du gouvernement en matière d’emplois universitaires, notamment avec le recrutement de 1000 enseignants-chercheurs. Il faut aussi souligner les mesures positives prises en faveur des carrières des chercheurs, notamment les plus jeunes. L’institution d’une agence consacrée à la recherche, projet pourtant par le passé parfois décrié, est un succès ; sa création répondait donc à un réel besoin. Par ailleurs, la revalorisation de la recherche privée est une nécessité. Faut-il aller plus loin dans l’attribution du crédit impôt-recherche (CIR) au profit des entreprises privées ? En tout état de cause, on peut en cette matière s’inspirer d’un certain nombre d’exemples étrangers, à l’image des expériences scandinaves, allemandes ou de certains pays émergents.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

– Concernant la question des libéralités, la responsabilité de l’employeur est essentielle, mais l’État doit aussi donner l’exemple. En outre, il faut se rappeler l’effort non négligeable, à hauteur de deux millions d’euros, réalisé il y a deux ans lorsque M. François d’Aubert était en charge de ce dossier au gouvernement. Enfin, il convient de rester vigilant à l’égard des positions prises dans ce domaine tant par les différentes associations que par le ministère des affaires étrangères.

– L’AERES ne doit à l’évidence être ni une « usine à gaz » ni le produit d’un quelconque soviétisme. Elle devrait plutôt suivre l’exemple de l’ANR, dont la structure administrative ne comprend que vingt-six emplois équivalents temps plein et dont le budget de fonctionnement ne représente que 0,6 %  de son budget total, très loin de la « grosse machine » administrative qu’est la National Science Foundation (NSF) américaine. Pour cela, l’agence devra utiliser la faculté qui lui est donnée de procéder à des délégations lorsque les circonstances le permettent.

– S’agissant du crédit impôt-recherche (CIR), il faut rappeler que son montant est déjà supérieur à 1,5 milliard d’euros. De plus, de 2005 à 2007, c’est environ 300 millions d’euros supplémentaires par an qui ont abondé le dispositif. Sur cette question, un rapport doit être rendu public très prochainement et il est prudent d’en attendre les conclusions. Il est vrai toutefois que certaines entreprises, telle qu’EADS jugent le dispositif trop contraignant, tout en l’utilisant, et que d’autres, telles que Nestlé Waters, qui gère un centre mondial d’études sur l’eau implanté à Vittel, y font très peu appel. L’augmentation de la part de l’initiative privée dans la recherche est cependant le seul moyen d’atteindre l’objectif européen des « 3 % du PIB » qui se décompose de la façon suivante : 1 % au profit de la recherche publique (on atteint aujourd’hui 0,98 %) et 2 % en faveur de la recherche privée. Or les entreprises françaises ne contribuent actuellement à l’effort de recherche que pour 1,14 % du PIB. Toutefois, avant de mettre en place de nouveaux dispositifs incitatifs en faveur de l’initiative privée de recherche, il convient là aussi d’attendre la publication du rapport précité.

– En aucun cas, il n’est question de « fliquer » les organismes de recherche. Le principe de l’évaluation par la nouvelle agence se veut transparent. En particulier, le principe du contradictoire sera respecté. L’action de l’agence doit être incontestable et incontestée. L’objectif est de dépenser ni plus ni moins mais de dépenser mieux.

– La question du champ d’application de l’évaluation par l’agence (universités, enseignants chercheurs, etc.) est importante. Elle va de pair avec celle des marges disponibles, sur un budget de 5 à 6 millions d’euros et compte tenu de la présence d’une cinquantaine de personnels, ainsi qu’avec celle de la mise en œuvre des procédures : il faudra en effet déterminer dans quelle mesure l’agence intervient directement ou par délégation, et ce conformément à la loi. À cet égard, la rédaction du décret d’application sera particulièrement importante.

– Il est vrai qu’il convient de saluer la mise en place de l’ANR dont le succès est tel qu’elle s’impose désormais comme un label de qualité, les chercheurs eux-mêmes étant fiers de pouvoir affirmer avoir leur projet sélectionné par l’agence.

La commission a approuvé les conclusions du rapporteur sur les crédits de la recherche et a donné un avis favorable à l'adoption des crédits pour 2007 de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

ANNEXE

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Ø Commissariat à l’énergie atomique (CEA) – M. Alain Bugat, administrateur général, et M. Jean-Pierre Vigouroux, responsable des relations avec le Parlement

Ø Comité national d’évaluation de la recherche (CNER) – M. Michel Ferrier, président

Ø Comité national de la recherche scientifique (CoNRS) – M. Yves Langevin, président de la conférence des présidents

Ø Conseil national des universités (CNU) – Mme Jacqueline Heinen, présidente

Ø Conférence des présidents d’université (CPU) – M. Yannick Vallée, premier vice-président, président de l’université Joseph Fourier –Grenoble 1 et M. Éric Esperet, délégué général

Ø Institut national de recherche en informatique et automatique (INRIA) – M. Michel Cosnard, président-directeur général

Ø Agence nationale de recherches sur le sida, hépatites virales B et C (ANRS) – M. Jean-François Delfraissy, directeur

Ø Mission scientifique, technique et pédagogique (MSTP) – M. Michel Lebouché, directeur

Ø Confédération des jeunes chercheurs (CFC) – M. Jasmin Buco, président, et M. Florent Olivier, membre et ancien président

Ø Institut national de la recherche agronomique (INRA) – Mme Marion Guillou, présidente directrice générale

Ø Institut Pasteur  – Mme Alice Dautry, directrice générale, et M. Alain Israël, directeur de l’évaluation scientifique

Ø Institut national de la santé et de la recherche scientifique (INSERM) – M. Christian Bréchot, directeur général, et M. Victor Demaria-Pesce, chargé des relations avec le Parlement

Ø Agence de l’innovation industrielle (AII) – M. Robert Havas, directeur

Ø Comité national d’évaluation (CNE) – M. Michel Hoffert, premier vice-président, et M. Jean-Loup Jolivet, directeur des services et responsable du budget

Ø Agence nationale de la recherche (ANR) – Mme Jacqueline Lecourtier, directrice

Ø EADS – M. Yann Barbaux, Head of Corporate technical capabilities and EADS corporate research centers – Corportae technical office, M. Jean Botti, responsable recherche, Mme Annick Perrimond du Breuil, directrice des relations institutionnelles, et M. Olivier Masseret, chargé des relations avec le Parlement

Ø Ambassade d’Allemagne en France – Mme Helga Ebeling, conseillère scientifique

Ø Fondation pour la recherche médicale (FRM) – Mme Ghislaine Alajouanine, présidente du directoire, directrice générale, M. Jean-Marc Pautras, responsable développement, et Mme Jeannick Tarriére, experte, conseillère à la direction générale

Ø Académie des sciences – M. Edouard Brézin, président

Ø Centre national d’études spatiales (CNES) – M. Yannick d’Escatha, président-directeur général, M. Pierre Tréfouret, directeur de la communication externe, de l’éducation et des affaires publiques, M. Laurent Germain, directeur financier, Mme Elisabeth Moussine-Pouchkine, chargée des relations avec le Parlement

Ø Centre national de la recherche scientifique (CNRS) – Mme Catherine Bréchignac, présidente, M. Arnold Mingus, directeur général, M. Alain Resplandy-Bernard, secrétaire général, et M. Arnaud Benedetti, directeur de la communication

Ø « Sauvons la recherche » – M. Henri Audier, directeur de recherche émérite au CNRS, et M. Bernard Jacq, directeur de recherche au CNRS

Ø Nestlé Waters - Product technology center (à Vittel) – Dr. Thom Kleiss, directeur du Product technology center (PTC), M. Bernard Pruvost, responsable de la ressource en eau, M. Pierre-Alexandre Teulié, directeur des relations extérieures, et M. Jean-Luc Guinamant, responsable des laboratoires

Le rapporteur tient également à remercier M. Philippe Merlin, premier conseiller à l’ambassade de France en Finlande, M. Jean-François Dupuis, conseiller scientifique à l’ambassade de France en Allemagne, M. René David, conseiller scientifique à l’ambassade de France en Grande-Bretagne, M. Roland Marchando, conseiller scientifique à l’ambassade de France en Espagne, pour leurs contributions écrites.

© Assemblée nationale

1 () L’ANR a fixé le taux du préciput à 5 % du montant des crédits qu’il distribue par projet.

2 () Cf. Dépenses de recherche et développement en France en 2004 – Premières estimations 2005, Note Recherche du ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche (juillet 2006).

3 Budget consolidé.

4 Données fournies par M. Michel Ferrier, président du CNER au cours de son audition par le rapporteur. Le budget du CNER se découpe de la façon suivante : une moitié pour les frais administratifs, l’autre moitié pour le financement des expertises.

5 Le budget indiqué ne comprend pas le coût des personnels, ceux-ci étant mis à la disposition de la MSTP par les universités.

6 () Mme Catherine Bréchignac, présidente du CNRS, demande ainsi que le principe de fongibilité asymétrique des crédits, inscrit dans la LOLF, et qui autorise les établissements à utiliser à d’autres fins des crédits ouverts pour le recrutement de personnels soit réellement appliqué.