COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 5

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 16 juillet 2002
(Séance de  15 heures)

12/03/95

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président.

SOMMAIRE

 

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- Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, de M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, et de Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, et Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a d'abord précisé que le grand ministère sanitaire et social, dont il avait la charge, loin d'être un regroupement arbitraire, était la poursuite, au plan politique, d'un projet professionnel et l'expression d'une politique sanitaire et sociale.

M. Jean-François Mattei a d'abord souhaité évoquer la politique de la famille. La famille est, comme le Premier ministre l'a souligné, le creuset de la société et le lieu de la fraternité. Il faut donc construire une politique familiale ambitieuse guidée par deux principes simples : la liberté et l'universalité.

La liberté consiste à respecter les choix différents faits par les familles en matière de garde d'enfants ou de conciliation de la vie professionnelle et familiale. L'universalité signifie que la politique de la famille doit s'adresser à toutes les familles, quelles que soient leurs conditions de vie.

Que constate-t-on dans ce domaine? D'une part, le plafond du quotient familial a été modifié et l'allocation de garde d'enfant à domicile (AGED) a été réduite de moitié ; d'autre part, rien n'a été fait pour les femmes qui ont leur premier enfant. Dans ce dernier cas, l'allocation de libre choix pour l'accueil du jeune enfant exprime la conception qu'a le Gouvernement de la politique familiale : elle ne sera ni un substitut à la politique des crèches, qui doit demeurer un axe fort de notre politique, ni un salaire maternel destiné à inciter les femmes à se retirer du marché du travail. Elle sera l'instrument de la liberté des femmes, leur laissant le choix d'avoir un enfant, de travailler ou non, d'élever elles-mêmes leur enfant ou de le mettre en garde. L'allocution unique est une réforme exigeante car elle oblige à repenser les conditions de l'accueil du jeune enfant, dans un continuum allant de la garde individuelle à la scolarisation en maternelle, en passant par un mode collectif de garde.

M. Jean-François Mattei a ensuite déclaré qu'il était temps de faire jouer véritablement la solidarité nationale en faveur des personnes handicapées, comme l'a souligné le Président de la République lors de son traditionnel entretien du 14 juillet. Comme dans le domaine de la famille, il faut tourner notre système d'aide vers la personne, pas vers le service ou l'institution qui intervient auprès de lui. C'est le sens du droit à compensation pour les personnes handicapées. Actuellement, les personnes handicapées bénéficient d'un minimum social, l'allocation aux adultes handicapés. Le handicap lui-même n'est pris en compte qu'à travers l'allocation compensatrice de tierce personne, les services d'auxiliaires de vie et le placement en institution. Mais ces services et les institutions montrent aujourd'hui leurs limites, particulièrement face aux personnes handicapées lourdement dépendantes. Enfin, la législation ne favorise pas assez l'insertion des personnes handicapées en milieu ordinaire de travail.

S'agissant de la politique de santé et de l'assurance maladie, M. Jean-François Mattei a estimé que la situation était tendue, où que l'on se tourne. Comme il a été précisé lors de la dernière réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale, la situation des comptes sociaux est plus détériorée que prévue. Cela est vrai aussi pour le monde de la santé.

Dans le secteur libéral par exemple, l'évolution des honoraires au cours des dernières années a été la source d'un profond mécontentement des professionnels ; il faut rappeler que les honoraires n'avaient pas été réévalués depuis huit ans. Leurs revenus ne sont pas toujours en rapport avec le niveau de compétence et de responsabilité acquis au terme de longues études ; en outre, la répartition des médecins dans certaines zones géographiques ou dans certaines spécialités est inadéquate, si bien que l'on peut parfois parler de véritable pénurie.

Dans le secteur hospitalier, la situation n'est pas meilleure. On assiste, dans de trop nombreux services, à une certaine dégradation des conditions de travail. Les patients et les professionnels souffrent de l'insuffisant renouvellement des équipements, d'une paupérisation de l'immobilier et d'un manque d'effectifs soignants, aggravé par l'application de la réduction du temps de travail. Les congés estivaux sont aujourd'hui une menace sur la permanence du service public hospitalier et conduisent les hôpitaux qui fonctionnent déjà en flux très tendus vers le point de rupture.

La situation financière des établissements, difficile, se traduit par des reports de charges, qui sont en fait des déficits. L'absence de financement suffisant pour la réduction du temps de travail ou le protocole d'accord relatif aux filières professionnelles constitue une menace sur les droits sociaux des personnels.

En un mot, le monde de la santé traverse une grave crise matérielle et morale s'exprimant par des revendications nombreuses et par une profonde exaspération. Le découragement et la démotivation guettent des personnels, pourtant traditionnellement habités par l'esprit de service.

La situation financière du régime général est particulièrement préoccupante, comme l'a indiqué la récente réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale. Les rapporteurs de l'audit sur les finances publiques l'avaient constaté sans ambages: le déficit du régime général atteindrait 2,4 milliards d'euros en 2002. C'est le premier déficit constaté du régime général après trois années d'excédents. Les chiffres retrouvent les niveaux de déficit de 1998 et de 1991 et 1992. Ils sont bien loin des excédents prévisionnels affichés par le gouvernement précédent lors de la commission des comptes de septembre 2001. Les prévisions étaient alors bien peu réalistes.

Toutefois, la situation des différentes branches est assez contrastée. Ainsi, la branche maladie est dans le rouge, avec un déficit prévisionnel de 5,6 milliards d'euros en 2002. Les branches famille, retraite et accidents du travail sont, pour leur part, toujours en excédent. Cela tient d'abord aux dynamiques particulières de leurs recettes et de leurs dépenses ; de ce point de vue, la situation des retraites va rapidement devenir préoccupante en l'absence de réformes.

Le déficit du régime général doit être remis en perspective. Il faut connaître et expliquer ses origines. Le rythme de croissance des dépenses ne s'est pas infléchi en 2002 : les dépenses d'assurance maladie devraient augmenter de 7 % en 2002, comme en 2001. L'ensemble des dépenses du régime général croîtra de 5,6 % en 2002 contre 4,7 % en 2001. L'utilisation des ressources de la sécurité sociale pour financer des politiques dont l'objet est éloigné de la sécurité sociale est également à l'origine du déficit. La réduction du temps de travail a ponctionné la sécurité sociale à hauteur de cinq milliards d'euros, dont la moitié environ pèse sur la branche maladie. La dernière raison du déficit est le ralentissement marqué de l'évolution des recettes de la sécurité sociale. La masse salariale va croître en 2002 de 3,9 %, contre 6,4 % par an en 2000 et 2001. 2,5 % de croissance en moins, ce sont 3,2 milliards d'euros de déficit en plus pour le régime général. Cela explique l'essentiel de l'écart entre l'excédent des comptes du régime général en 2001 (+ 1,1 milliard d'euros) et le déficit prévisionnel de cette année (- 2,4 milliards d'euros).

Le régime général n'a été en équilibre au cours des années 1999 à 2001 que grâce à l'exceptionnelle conjoncture économique internationale. Alors que le Gouvernement aurait dû entreprendre les réformes de fond indispensables, rien de sérieux n'a été fait dans les différentes branches. Au contraire, la situation financière à moyen terme de notre sécurité sociale s'est trouvée profondément affaiblie par les différentes ponctions effectuées sur ses ressources dans la plus totale opacité. Hormis quelques rares spécialistes, plus personne ne comprend rien : même les spécialistes de la commission des comptes de la sécurité sociale sont très perplexes devant cette tuyauterie opaque et pratiquement illisible.

Pour autant, une crise financière de la sécurité sociale est exclue à court terme. Il faut rassurer les Français : 2,4 milliards d'euros sur un total de dépenses de 234 milliards d'euros, cela représente un déficit de 1 % seulement des dépenses totales. Voilà qui remet les choses en perspective et recadre les éventuels commentaires.

Il faut changer de regard sur le monde de la santé et laisser place à une nouvelle logique. La croissance des dépenses de santé qu'il faut bien distinguer de la croissance des dépenses de l'assurance-maladie dans le budget des ménages est inéluctable, en raison notamment du vieillissement de la population, du développement rapide des pathologies chroniques, de l'amélioration des techniques, donc du progrès médical, et enfin de notre aspiration au mieux-être. Le Fonds monétaire international (FMI) ainsi que l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) ont réalisé de nombreuses études qui montrent clairement cette réalité économique. Loin de la déplorer, il faut constater cette loi de l'économie. Ce qui est plus préoccupant, c'est la question du niveau des dépenses d'assurance maladie dans le budget de la Nation. Les ressources publiques ne sont pas infinies.

Cela oblige donc à conduire une nouvelle politique qui assure aux Français que les dépenses couvertes par l'assurance maladie sont celles qui sont les plus légitimes médicalement, une politique qui pourchasse les gaspillages, une politique qui place l'excellence des soins et des pratiques comme un critère-clé de prise en charge et une politique qui responsabilise toutes les parties prenantes.

La nouvelle politique de santé doit reposer sur les piliers suivants. Il s'agit d'abord de l'écoute, de la concertation et du dialogue : il faut prendre le temps nécessaire à l'écoute et à la concertation avec l'ensemble des parties (professionnels, caisses, patients et organismes publics). Il faut de la ténacité et la constance pour inscrire notre action dans la durée. La confiance est nécessaire : on n'obtient rien en agissant contre les professions de santé et contre les patients. C'est ensemble que nous pourrons mener les réformes dont notre pays a besoin. Il faut enfin une responsabilité partagée entre les quatre acteurs (l'Etat, l'assurance maladie, les professions de santé et les patients).

Conformément aux engagements pris lors de la campagne, le premier souci a été de restaurer la confiance.

Une première étape a consisté à remettre autour de la table les partenaires conventionnels. L'accord du 5 juin, fruit de la volonté politique et du dialogue social, a permis d'enclencher une dynamique positive dont nous voyons aujourd'hui les premiers résultats. La négociation conventionnelle traduira les conséquences de cette nouvelle logique. Cet accord, qui est un véritable acte fondateur, est autofinancé à moyen terme grâce aux engagements pris par les professionnels de modifier leurs pratiques et de prescrire des génériques et moins d'antibiotiques. Ce point est essentiel : chaque partie au contrat est responsable et doit apporter sa contribution à la sauvegarde de notre système solidaire et équitable de sécurité sociale et d'assurance maladie.

Une autre priorité majeure a été d'assurer la continuité et la sécurité des soins à l'hôpital. C'est pourquoi les hôpitaux ont été autorisés à ajuster en 2002 de 700 millions d'euros leurs dépenses : 300 millions d'euros couvrent la sous-estimation significative des mesures catégorielles (concernant les internes, les résidents et les infirmières) prises par le précédent gouvernement et permettent d'éviter que les hôpitaux n'accentuent leurs déficits. Plus de 50 % des hôpitaux effectuent des reports de charge, c'est-à-dire en déficit de - 1 % à - 1,5 % ! En outre, 400 millions d'euros financent le compte épargne-temps des médecins et de l'ensemble des personnels à l'hôpital. En effet, si la réduction du temps de travail est intervenue au 1er janvier, le programme de créations d'emplois s'étend sur plusieurs années. Le financement de la montée en charge de cet important dispositif n'avait pas été assuré par le précédent gouvernement. Cette décision montre notre détermination à mettre en _uvre les engagements pris par l'Etat ; elle est un facteur de paix sociale à l'hôpital. Toutes ces mesures étaient indispensables.

M. Jean-François Mattei a indiqué que sa politique de santé comportait cinq orientations majeures.

Il s'agit d'abord de bâtir une véritable politique de prévention. A cette fin, le Parlement sera saisi d'un projet de loi de programmation pluriannuelle de santé publique. Si l'Organisation mondiale de la santé (OMS) nous classe dans les premiers au monde s'agissant de la qualité de notre système de soins, nous tombons dans les profondeurs du classement pour la prévention. Or, la prévention permet de réaliser des économies : ainsi, le coût d'un dépistage d'un cancer du sein est moins élevé que celui de la prise en charge des soins.

Il faut ensuite instaurer une nouvelle gouvernance du système de santé et d'assurance maladie, ce qui comporte trois chantiers. En premier lieu, la régionalisation, sujet que certains membres de la commission ont suivi avec attention, permettra une plus grande proximité avec les citoyens et le décloisonnement de la ville et de l'hôpital. En deuxième lieu, la gestion de l'assurance maladie sera l'occasion de clarifier les relations entre l'Etat et l'assurance-maladie, et de créer des agences régionales de santé. En troisième lieu, il faudra accroître la responsabilisation des professionnels de santé, des caisses mais aussi des patients. En effet, il est clair que tout ce qui est gratuit est gaspillé.

Une autre orientation majeure est la promotion de l'excellence de notre système de soins. C'est d'abord rénover l'hôpital public en associant l'hôpital privé. Le projet "hôpital 2007", annoncé par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, comporte plusieurs volets : un programme quinquennal d'investissement en santé, de déconcentration et de centralisation, l'assouplissement de la gestion, la réforme du financement (instituer la tarification à la pathologie) et la promotion du partenariat entre le secteur public et le secteur privé. Il faut développer les bonnes pratiques médicales, promouvoir la formation initiale et continue, l'évaluation et l'accréditation. Il est aussi nécessaire de mettre en place les outils de régulation de la démographie des professions de santé. Pendant vingt ans, la fixation de numerus clausus à des niveaux effrayants a méconnu les évolutions prévisibles, obligeant maintenant à se demander s'il faudra embaucher des chirurgiens étrangers. Il faudra concevoir et appliquer une politique du médicament centrée sur l'amélioration du service médical rendu, qui ne brime pas l'innovation, respecte un secteur industriel important et qui soit soucieuse d'un bon emploi des deniers publics grâce au développement des génériques. Enfin, la diversification des modes d'exercice de la médecine libérale est indispensable.

La quatrième orientation est l'amélioration de la sécurité sanitaire.

La cinquième orientation consiste à clarifier et sécuriser le financement de l'assurance maladie, en répartissant les ressources et les charges entre Etat et sécurité sociale en fonction des missions de chacun : par exemple, en matière de prévention, il est devenu difficile de distinguer les financeurs et les responsables entre l'Etat, les caisses, les collectivités locales et les autres organismes. En outre, il faudra éviter de faire de la loi de financement de la sécurité sociale une variable d'ajustement de la loi de finances.

Donner à notre système de santé et d'assurance maladie les moyens de conserver ses hautes ambitions de liberté professionnelle, de qualité des soins accessible à tous et de solidarité implique de dépasser les égoïsmes catégoriels. Comme l'indiquait récemment la « une » d'un quotidien, la santé n'a pas de prix. Mais elle a un coût. Nous devons, ensemble, assurer la couverture de ces coûts de la façon la plus rationnelle au plan médical, au plan social et au plan économique et financier.

La plupart des instruments de maîtrise de l'évolution des dépenses d'assurance maladie mis en _uvre jusqu'à présent ont montré leur échec. On a d'abord voulu maîtriser l'offre (grâce au numerus clausus) puis la demande, dans le cadre de la maîtrise comptable des dépenses. Il faut jouer une autre carte : la confiance dans les professionnels de santé. Ce pari mérite d'être tenté. Il faut réinventer un système qui place le patient en son centre et qui garantisse tant l'excellence des soins que les deniers publics.

M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, a rappelé les ambitions de la politique familiale qui a été définie dans le cadre fixé par le Président de la République. La première mesure envisagée est la création d'une allocation unique de libre choix qui répond à trois exigences : l'universalité de la politique familiale qui ne doit pas avoir de visée redistributive contrairement à des mesures comme la mise sous condition de ressources des allocations familiales, la liberté de choix des femmes, qu'elles souhaitent travailler ou faire garder leur enfant, et la simplicité des prestations versées. Un effort considérable est nécessaire en ce dernier domaine. Pour ne prendre que l'exemple de l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée (AFEAMA), le calcul de cette allocation fait entrer en jeu différents taux de prise en charge des cotisations sociales et différents niveaux de compléments en fonction des revenus des familles, auxquels s'ajoutent des aides fiscales.

L'objectif est donc de mettre en place un système compréhensible pour les familles qui illustre les choix de la nouvelle politique qui sera suivie. Il ne s'agit aucunement de « renvoyer les femmes à la maison », de privilégier un mode de garde ou de remettre en cause la politique d'investissement dans les crèches. Cette réforme vise en revanche à mieux assurer la prise en charge des 91 % des enfants qui ne sont pas gardés dans des structures collectives.

Le régime de l'allocation unique ne sera défini qu'à l'issue d'une large concertation qui débutera dès la rentrée. Des propositions pourront donc être formulées pour la prochaine conférence de la famille qui devra se tenir en mars ou en avril 2003.

Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, a rappelé que le Président de la République avait présenté l'insertion des personnes handicapées comme un des trois chantiers prioritaires du Gouvernement. Cette perspective est sous-tendue par la conviction que chaque être humain, quel qu'il soit, est unique et irremplaçable et que la société a le devoir de l'accueillir respectueusement et de l'intégrer à la place où il pourra le mieux s'épanouir. Cet objectif simple est terriblement et constamment exigeant, surtout quand il s'agit de personnes handicapées.

Dans un premier temps, une large concertation aura lieu pour dresser un constat le plus rigoureux possible et avancer des solutions dans un double objectif : que la personne handicapée, comme chacun d'entre nous, puisse choisir son mode de vie et qu'elle participe le mieux possible à la vie en société.

En effet, 90 % des personnes handicapées vivent à domicile. Selon le type et le niveau de leur handicap, elles doivent pouvoir bénéficier de soins à domicile, d'auxiliaires de vie, de structures d'accueil temporaires et d'assistance pour leur famille. Mais il est vrai que un certain nombre d'entre elles, sans que le chiffre puisse être précisé à ce jour, restent à domicile faute de mieux. Il est insupportable qu'une société riche comme la nôtre, accepte que tant de personnes handicapées soient sur liste d'attente de place en établissement pendant des années ou soient contraintes de chercher des solutions à l'étranger.

La condition sine qua non du deuxième objectif, la participation à la vie sociale, est l'accessibilité. Les dispositions législatives et réglementaires existantes ne sont pas appliquées. Par exemple, il n'y a pas de contrôle systématique des nouveaux logements. Il faut donc veiller à leur renforcement. Par ailleurs, alors que beaucoup de bâtiments recevant du public sont antérieurs à la réglementation en vigueur, pour les nouveaux bâtiments publics, la sécurité passe souvent avant l'accessibilité. Enfin, si des progrès importants ont été faits dans certaines villes en matière de transports, ils restent, le plus souvent, insuffisants.

Plus généralement, la politique en direction des personnes handicapées ne doit plus être déterminée à partir du constat des limites physiques ou mentales des personnes mais à partir de leur potentiel de participation à la vie sociale et au marché du travail. Cela passe par l'intégration scolaire des enfants qui en sont capables et l'intégration professionnelle des adultes. En collaboration avec le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, les partenaires sociaux et l'association générale du fonds d'insertion pour les personnes handicapées (AGEFIPH) des mesures plus volontaristes, plus pragmatiques que la simple application de la loi seront recherchées. Mais un effort important est aussi nécessaire en matière de loisirs, de sports, de culture, de voyages.

Les premières mesures porteront donc à la fois sur les auxiliaires de vie et les places en établissement. La création de postes supplémentaires sera inscrite au projet de loi de finances 2003 et pour la prochaine rentrée, les postes d'auxiliaires de vie scolaire seront maintenus. Une meilleure intégration scolaire des enfants handicapés est, en effet, un de nos soucis prioritaires.

Concernant les places en établissement, le nombre de places en centres d'aide par le travail (CAT) par rapport aux prévisions du plan quinquennal doit être augmenté de manière conséquente. Le chef de l'Etat s'est engagé à doubler le nombre de places en maisons d'accueil spécialisé et en foyers d'accueil médicalisé.

Enfin, un immense chantier s'ouvre devant nous : celui de la révision de la loi d'orientation du 30 juin 1975.

A partir d'un constat clair, en 2003 une nouvelle loi d'orientation mais aussi de programmation sera proposée. Bien entendu, le travail préparatoire se fera en collaboration étroite avec tous les élus, toutes les personnes, les associations et les institutions concernées. Il s'agit d'affirmer la solidarité nationale vis-à-vis de toutes les personnes handicapées en définissant de manière concrète ce que doit être le droit à compensation et en proposant des modalités d'application précises.

Après l'exposé des ministres, le président Jean-Michel Dubernard a souligné le caractère aigu de la crise matérielle et morale que traversait l'hospitalisation publique. Il a souhaité qu'au-delà des mesures matérielles et des moyens humains nécessaires, l'organisation interne de l'hôpital soit repensée afin que celui-ci retrouve sa véritable mission : être au service du patient.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a observé qu'il fallait effectivement définir au sein de l'hôpital des centres de responsabilité dans le cadre de conventions d'objectifs et de gestion. Cette réforme ne pourra être opérée qu'en concertation avec le monde hospitalier. Aujourd'hui l'attention du ministère se focalise d'abord sur les questions les plus urgentes afin que l'hôpital soit en mesure d'assurer ses missions.

M. Yves Bur a dénoncé l'opacité, voire l'illisibilité, des comptes de la sécurité sociale. Par ailleurs, certaines dépenses nouvelles n'ont pas été financées. Il a interrogé le ministre sur les points suivants : Quelles sont les perspectives de simplification de ces comptes ? Comment trouver les moyens de financements manquants, compte tenu du déficit du régime général ? L'ONDAM sera-t-il calculé en fonction des besoins sanitaires ?

M. Jean Bardet a salué la rupture annoncée avec le discours de la majorité précédente. Les dépenses de santé, en effet, augmenteront de façon inéluctable, c'est une réalité économique et scientifique. Cependant, les ressources de l'assurance maladie ne peuvent être extensibles à l'infini. Il convient d'éviter de créer une médecine à deux vitesses en renonçant à rembourser certains médicaments efficaces. Le remboursement de certains médicaments placebo devra, au contraire, être abandonné, alors que d'autres, efficaces, tels que le médicament contre la grippe, très coûteux, ne sont pas encore remboursés. Si, au plan médical, la prévention est nécessaire, d'un point de vue économique, c'est au cours de la dernière année de la vie que l'on consomme 50 à 80 % de toutes nos dépenses de santé. Il paraît donc difficile de les économiser. En ce qui concerne l'hôpital, il convient d'être ambitieux. En effet, la dernière réforme d'envergure remonte à 1958. Le Gouvernement compte-t-il déposer un projet de loi hospitalière, qui intégrerait plus l'activité des cliniques ? Enfin, s'agissant des services d'urgences, le ministre entend-il créer des pavillons d'urgence animés par des médecins libéraux qui feraient le tri des patients en amont ?

M. Bernard Perrut, après avoir salué l'intention du président de la République comme du Gouvernement de faire de la lutte contre le cancer un grand chantier, s'est interrogé sur les moyens effectifs mis en _uvre pour lutter contre cette maladie qui cause 150 000 décès par an. Il faut accentuer l'effort de prévention. Le plan de lutte commencé en 2000 a pris du retard, de nombreux appareils de radiothérapie souffrent de vétusté et l'accès aux médicaments dans les hôpitaux demeure souvent inégal. Enfin, il faut espérer que les projets de régionalisation du système de santé favorisent une véritable décentralisation et non une simple déconcentration.

Mme Marie-Françoise Clergeau a fait part de son inquiétude de voir la politique familiale réduite à la seule allocation de libre choix et a souhaité savoir quelles seront les prestations supprimées et si la nouvelle allocation annoncée était budgétée pour l'année 2003.

Elle a ensuite interrogé le ministre sur ses intentions en matière de quotient familial et d'AGED, sur le soutien qu'il entendait apporter aux familles modestes et à l'évolution de la fonction parentale, et sur le sort de la proposition de loi relative au divorce adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture.

M. Jean-Luc Préel, après avoir insisté sur l'importance de la prévention, s'est inquiété de l'évolution de la démographie médicale et des conditions de la garantie de la permanence des soins. Il a fait part de son souhait de voir effectuer un audit financier de la santé pour partir sur des bases plus saines. En effet, l'ONDAM pour l'année 2002 a été voté à un taux irréaliste et la réforme hospitalière n'a pas été financée. En outre, les taxes sur l'alcool et le tabac n'ont pas bénéficié, comme elles l'auraient dû, à la santé. Il a ensuite souhaité savoir si le Gouvernement serait favorable à la création d'un « INSEE de la santé », sur quelles bases le Gouvernement comptait calculer l'ONDAM pour 2003 et quels étaient ses projets en matière de régionalisation du système de santé.

En réponse aux intervenants, M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, a apporté les précisions suivantes :

- La création de l'allocation unique de libre choix participe de la volonté du Gouvernement de maintenir le lien entre vie familiale et vie professionnelle. En ce qui concerne le choix des allocations qui devront éventuellement être supprimées, il est trop tôt pour se prononcer.

- D'autres sujets sont également pris en compte par le ministère : les jeunes adultes et la maltraitance feront l'objet de concertation avec les mouvements familiaux et les partenaires sociaux.

- L'AGED concerne à 70 % des familles nombreuses dont les parents sont relativement avancés en âge. Après la réforme de 1997, 25 000 bénéficiaires de l'AGED ont disparu, ce qui représente autant de suppressions d'emplois.

- Les arbitrages relatifs au quotient familial n'ont pas encore été rendus, mais, en tout état de cause, son taux doit être réexaminé.

- L'examen de la proposition de loi relative au divorce n'est pas une priorité du Gouvernement.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a apporté les réponses suivantes :

- La clarification des comptes de la sécurité sociale est inévitable. A cet effet, des groupes de travail seront constitués au sein de la commission des comptes de la sécurité sociale, conformément à son règlement intérieur ; ils feront des propositions. Si les arbitrages n'ont pas encore été rendus sur ce sujet, on peut penser que le Gouvernement affichera de façon très claire le déficit des comptes résultant de la gestion antérieure afin que celui-ci soit connu de tous, sans pour autant le combler immédiatement.

- La création de l'ONDAM a été une bonne chose. L'objectif est de mettre au point un instrument pour construire l'ONDAM sur des critères sanitaires et non simplement budgétaires. Cependant, le principe d'annualité fait que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 est déjà en grande partie tracé. Il sera porteur des traces du passé. On peut donc craindre que l'ONDAM 2003 ne soit pas encore un ONDAM « médicalisé »

- Les exemples britannique et américain ont montré que, tant un système étatique conduisant à une médecine à deux vitesses sur le modèle britannique, que la privatisation des soins comme aux Etats-Unis, généraient de graves inégalités. Ni étatisation, ni privatisation : notre système français est original et excellent mais il est en danger.

- La politique de prévention demeure un moyen d'empêcher les personnes de souffrir. En ce domaine, les seuls critères économiques ne peuvent prévaloir.

- L'hôpital doit faire l'objet d'un projet ambitieux. Il y aura peut-être une loi hospitalière, mais il ne faut pas privilégier nécessairement la voie législative dans ce domaine.

- Les « maisons ou pavillons médicaux » constituent une réponse d'avenir à l'engorgement des services d'urgence, dans un contexte où les médecins de ville se déplacent moins. Le tri en amont des patients évitera la perpétuation de la situation actuelle où l'on constate que de trop nombreux patients reçus en urgence ne relèvent pas de ces services. Un projet ou une proposition de loi pourraient mettre en place ces structures.

- La lutte contre le cancer constitue effectivement un des trois grands chantiers évoqués par le Président de la République. Elle aura donc les moyens nécessaires qui lui seront donnés dans le cadre de la loi pluriannuelle de santé publique. La situation du dépistage du cancer du sein est préoccupante. Il y a dix ans, ce dépistage a été expérimenté dans trois départements. En 1994, sept départements étaient concernés, ils sont aujourd'hui au nombre de trente-trois. Cependant, les conseils généraux connaissent des difficultés dans le financement de ces dépistages du fait de la montée en charge de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) qui est une priorité pour les conseils généraux. La loi de santé publique devra préciser les compétences et les responsabilités, ce qu'il faut bien distinguer. Par exemple, aujourd'hui, un département qui fait le dépistage du cancer du sein doit assumer les éventuelles responsabilités pénales, en cas d'erreur par exemple, alors que celui qui ne fait pas procéder au dépistage n'est pas condamnable.

- Concernant la régionalisation, il n'est pas certain que les conseils régionaux disposent d'ores et déjà de l'expérience, des structures et des personnels leur permettant de devenir des relais de la politique de santé. C'est pourquoi il convient d'abord de procéder à une déconcentration de la santé, afin de créer les services compétents au niveau régional, qui pourront ensuite seulement être décentralisés.

- L'observatoire de la démographie des professions de santé et de l'évolution de leurs métiers, créé par un décret du 4 mars 2002, sera difficile à mettre en place et l'utilité d'une structure à 82 personnes semble peu justifiée. C'est pourquoi il a paru préférable de confier une mission d'étude sur les problèmes démographiques à des professionnels de santé, afin que ces résultats soient connus avant la fin de l'année.

- Pour garantir la permanence des soins, qui participe de la continuité du service public de santé, il a été créé un groupe de travail présidé par l'ancien sénateur M. Charles Descours.

- Le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale tient lieu, en partie, d'audit sur la santé, mais il est encore nécessaire de faire le point en particulier sur l'application des 35 heures à l'hôpital et de dresser un état des lieux en matière immobilière et de gros équipements dans les hôpitaux.

- La proposition de création d'un « INSEE de la santé » mérite d'être étudiée.

Mme Geneviève Levy a souhaité connaître les moyens engagés pour favoriser le maintien à domicile des personnes handicapées.

M. Pierre Hellier a suggéré que les pharmaciens puissent délivrer directement les génériques de produits prescrits, sauf opposition manifestée du médecin : la référence à la prescription en dénomination commune internationale qui figure dans l'accord du 5 juin entre l'assurance maladie et les généralistes risque de ne pas être directement utilisable car trop complexe.

M. Claude Evin a souligné qu'il ne fallait pas avoir de vision réductrice des politiques mises en _uvre en matière d'assurance maladie qui ont toutes combiné depuis dix ans maîtrise de l'offre, maîtrise des dépenses et rétablissement de la confiance. Le ministre a indiqué que si la santé n'a pas de prix, elle a un coût ; il faudrait savoir ce que l'on attend des assurés sociaux si les cotisations ne sont pas augmentées. La distinction opérée entre l'augmentation inéluctable des dépenses de santé dans le budget des ménages et la limitation obligée de la croissance des dépenses de l'assurance maladie dans le budget de la nation risque de conduire à une médecine à deux vitesses.

S'agissant plus particulièrement des mesures nouvelles annoncées par le Gouvernement, quelles seront les modalités d'affectation des 300 millions d'euros prévus pour les personnels hospitaliers ? Quel sera le rôle des Agences régionales d'hospitalisation ?

M. Maxime Gremetz a indiqué son accord avec la philosophie et les objectifs affirmés par le ministre qui rejoignent les positions du groupe communiste en matière de renforcement de la médecine scolaire et de la médecine du travail ou d'organisation d'un grand débat national à partir des besoins de santé de la population. Un obstacle majeur risque toutefois d'empêcher la réalisation de cette politique : l'augmentation annoncée par le Gouvernement des exonérations de cotisations patronales va renforcer le poids des charges indues et diminuer le financement de la sécurité sociale. Compte tenu de la financiarisation des revenus des ménages, la réforme de l'assiette des cotisations devient plus indispensable que jamais.

Enfin, l'objectif de mettre en place une gestion pluraliste de la sécurité sociale semble incompatible avec les conditions inacceptables posées par le MEDEF pour son retour dans les conseils d'administration des caisses.

M. René Couanau a émis le souhait que des moyens supplémentaires soient très rapidement affectés à la création de places pour les personnes handicapées, en raison de la longueur des délais de réalisation des travaux et d'entrée en fonctionnement. Ces délais ne permettent une mise en _uvre concrète des moyens adoptés que dans les deux à trois ans qui suivent, or on ne peut laisser perdurer des situations d'accueil souvent scandaleuses.

En réponse aux intervenants, Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes âgées, a souligné que la situation des handicapés vivant à domicile était peu satisfaisante même si des efforts ont été consentis. Il faut à la fois développer les soins à domicile, les aides familiales et les auxiliaires de vie notamment en faveur des polyhandicapés lourds. Mais il faut accroître les capacités d'accueil en établissement dans la mesure où le maintien à domicile résulte souvent, en réalité, de l'absence de solution alternative. Les premières mesures consisteront donc, notamment, en un accroissement du nombre d'auxiliaires de vie et une réflexion sur les mesures d'accueil temporaire indispensables pour que les familles puissent avoir un répit.

De jeunes handicapés sont trop souvent maintenus en institut médico-éducatif (IME) faute d'autre solution. Cette situation est inacceptable. Il convient donc d'augmenter le nombre de places en CAT et d'aller au-delà de l'objectif de 1500 places par an fixé par le plan quinquennal.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a apporté les réponses suivantes :

- D'une part la croissance des dépenses de santé dans le budget des ménages est inéluctable, d'autre part le niveau des dépenses d'assurance maladie dans le budget de la nation est préoccupant. Les dépenses de santé représentent aujourd'hui 10 % du produit intérieur brut français. Seuls les Etats-Unis dépensent plus. Sans affirmer immédiatement que ce niveau est excessif ou au contraire insuffisant, il faut en premier lieu s'interroger sur la justification des sommes ainsi engagées.

- En ce qui concerne l'hôpital, 110 à 120 millions d'euros iront aux filières professionnelles, le reste des 300 millions allant à la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins afin de satisfaire les besoins en termes d'urgences. Un rebasage des budgets hospitaliers sera nécessaire : les réformes de structures, de missions ou d'ordre réglementaire, parfois justifiées, n'ont pas été accompagnées par un ajustement des ressources des établissements. En conséquence, ceux-ci ont d'abord économisé sur les dépenses de personnel, puis de soins, enfin sur les investissements, avant de recourir au report de charges pour combler les insuffisances budgétaires. L'enjeu est important et les arbitrages n'ont pas encore été rendus. Il est d'ailleurs probable que le prochain PLFSS ne pourra pas traduire l'ensemble de la remise à plat souhaitable.

- On peut s'interroger sur la nature des dépenses d'assurance-maladie et les modalités de leur prise en charge, lorsque l'on constate que la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, initialement destinée à couvrir les seules prestations maladie, a vu son champ élargi à une multitude de dépenses de santé. De même, la notion du bénéfice des prestations aux seuls travailleurs salariés a été dépassée. Dans ces conditions, le MEDEF peut tirer argument de l'absence de liens absolus et uniques entre travail et prestations pour s'interroger sur le paritarisme.

- Le Gouvernement, avec le Parlement, est comptable des deniers publics. A cet égard, des propositions viseront à associer davantage le Parlement aux dépenses de santé. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale constitue assurément à ce titre un grand progrès, même s'il est possible d'en améliorer les modalités, notamment par l'organisation d'un débat d'orientation sanitaire avant son examen. Il convient, à ce stade, de rappeler que l'assurance maladie ne serait pas en déficit si elle ne devait pas supporter des charges indues, comme en a convenu l'ensemble des participants à la dernière réunion de la commission des comptes.

- Il faut à présent passer à un système reposant sur un paritarisme modernisé si le MEDEF ne revient pas, ce qui paraît probable. En effet, un paritarisme sans patronat n'est plus un paritarisme. Il faut également prendre en compte la volonté des patients de devenir acteurs du système. Ce paritarisme sera fondé sur un partage des responsabilités associant l'Etat, les patients, les professionnels de santé et les gestionnaires et qui devrait permettre une nouvelle forme de maîtrise des dépenses de santé. De ce point de vue, l'accord du 5 juin apparaîtra comme fondateur dans la mesure où il met en place un triple mécanisme de responsabilité : les caisses acceptent la revalorisation des consultations, les médecins se sont engagés à prescrire des médicaments génériques et les usagers sont engagés, par exemple au moyen du non-remboursement total de la visite lorsque le déplacement n'est pas justifié.

M. Pierre Forgues a rappelé les préconisations du rapport qu'il avait présenté en juin 2000 au nom de la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) de la commission des finances, de l'économie générale et du plan sur les COTOREP, notamment la fusion des deux sections de ces structures, l'amélioration du travail en réseau et l'augmentation des moyens. Ces préconisations ont fait l'objet d'un début d'application par le biais de circulaires publiées à la fin de l'année 2001 et au début de l'année 2002. Il serait souhaitable que cet effort soit poursuivi et que l'on puisse obtenir un premier bilan des mesures déjà prises.

Il a ensuite interrogé la ministre sur la publication du décret d'application de l'article 56 de la loi du 2 janvier 2002 relative aux institutions sociales et médico-sociales qui consacre l'accueil temporaire des personnes handicapées comme une des formes du maintien à domicile.

M. Jean-Marie Geveaux s'est inquiété des problèmes d'effectifs hospitaliers qui contraignent certains établissements, comme le centre hospitalier du Mans, à recruter dès à présent des médecins étrangers. La mise à disposition d'internes par les autres établissements de la région, moins sollicités, pourrait résoudre les problèmes de ce centre. La poursuite annoncée de la régionalisation permettra-t-elle d'apporter des réponses aux déséquilibres de la démographie médicale ?

M. Jean-Marie Le Guen, après avoir estimé nécessaire d'avoir un débat sur la place laissée à l'opposition dans les réunions de la commission, a considéré que le ministre, conformément à l'intitulé de son ministère, était investi d'une responsabilité globale en matière de santé publique. A ce titre, si l'on peut comprendre qu'il souhaite abandonner la logique de maîtrise comptable mise en _uvre en 1995, en restaurant la confiance, on doit par contre déplorer qu'il laisse de côté la maîtrise médicalisée des dépenses. Ainsi, la réponse aux revendications des professions de santé s'est faite sans aucune contrepartie de leur part, ce qui laisse peu de perspectives pour des réformes.

Il a ensuite posé des questions sur :

- le financement de la hausse des dépenses de l'assurance maladie, pour lequel un recours à la hausse de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) n'a pas été clairement écarté ;

- la poursuite du débat parlementaire sur le projet de loi relatif à la bioéthique ;

- le respect des engagements pris pendant la campagne électorale en matière de politique du médicament, tout particulièrement en ce qui concerne les taxations et les ristournes.

M. Georges Colombier a souhaité connaître les propositions du Gouvernement pour améliorer les conditions d'accueil des enfants handicapés dans le système scolaire.

Mme Muguette Jacquaint a pris acte de la volonté du Gouvernement d'abandonner une stricte logique de maîtrise comptable des dépenses de santé et le financement par le budget de la sécurité sociale de mesures étrangères à son objet, auxquels le groupe communiste s'est toujours fermement opposé. Le budget de la sécurité sociale n'étant pas illimité, il conviendra de trouver d'autres ressources pour financer les dépenses de santé publique et de prévention. Sur ce sujet, il serait néanmoins souhaitable de s'attacher tout d'abord à définir précisément la nature et l'étendue des besoins de la population, pour seulement ensuite dégager des financements adaptés. Il faudra ainsi prendre en compte les conclusions des Etats généraux de la santé.

En ce qui concerne la politique de la famille, les projets du gouvernement semblent encore très flous. Les décisions sont renvoyées à une Conférence de la famille qui n'aura lieu que dans six mois, alors que des échéances plus rapprochées existent, et d'abord la rentrée scolaire. A ce sujet, il serait souhaitable de relever le plafond de revenu applicable pour bénéficier de l'allocation de rentrée scolaire, car ses conditions d'attribution sont aujourd'hui trop restrictives.

Après avoir observé que les références médicales opposables avaient constitué, en 1992, un contrat de confiance entre les médecins et les pouvoirs publics, à l'image de celui que le ministre souhaite aujourd'hui instaurer, M. Simon Renucci a interrogé le ministre sur la place que le Gouvernement entendait donner aux unions professionnelles dans l'organisation de la concertation nationale en matière de prévention, de l'appréciation des besoins sanitaires et de l'évaluation, et, plus largement, sur l'avenir de ces unions professionnelles.

Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, a apporté les éléments de réponse suivants :

- Le rapport de la MEC auquel il a été fait référence avance des pistes intéressantes qui doivent donner lieu à des actions rapides. La première qui consiste à organiser la fusion entre les deux sections des COTOREP a déjà été mise en _uvre dans plusieurs départements et sera étendue à l'ensemble du territoire. La deuxième piste consiste à accentuer les efforts de mise en réseau des données informatisées et donc revient à augmenter de façon conséquente les moyens mis à la disposition de ces structures. Le Gouvernement s'engage à redoubler d'efforts pour améliorer significativement leur fonctionnement.

- La loi du 2 janvier 2002 a reconnu l'importance de l'accueil temporaire des personnes handicapées. Cette demande correspond à des besoins indiscutables et cohérents avec les orientations européennes en la matière. La possibilité d'accueillir temporairement des personnes handicapées doit apporter un répit face au risque de l'épuisement physique et psychologique des familles concernées ou répondre à une situation d'urgence. En outre, cette pratique peut constituer pour les personnes handicapées un premier apprentissage utile de la vie en collectivité.

- En matière d'intégration scolaire des enfants souffrant d'un handicap, il faut avoir le courage de dire que certains d'entre eux, victimes de handicaps particulièrement lourds, ne pourront pas trouver leur place dans le système scolaire classique. Il faut donc toujours détecter le plus en amont possible les handicaps afin de leur proposer des solutions adaptées et individualisées. D'une manière générale, il s'avère que l'accueil de ces enfants dans les établissements scolaires est moins développé en France que dans d'autres pays européens notamment. Le fait pour un enseignant d'avoir dans sa classe un enfant handicapé peut représenter dans certains cas une charge importante. Il faudrait porter à quatre mille le nombre des auxiliaires de vie spécialisés dans l'intégration scolaire, qui sont aujourd'hui, d'après les chiffres officiels, au nombre de deux mille.

M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, a souligné les points suivants :

- L'allocation de rentrée scolaire sera versée à la rentrée 2002 dans les conditions fixées par le précédent gouvernement. Il est prévu de verser cette allocation aux familles suffisamment tôt, c'est-à-dire le 20 août.

- Il faut faire en sorte que les excédents de la branche famille, qui ont par le passé servi à abonder divers mécanismes financiers, soient désormais utilisés pour mettre en place une véritable politique familiale. La conférence de la famille doit être l'occasion de réunir les partenaires sociaux, les associations, les élus locaux et les parlementaires pour permettre la concertation la plus large possible, et non servir de tribunes à de simples effets d'annonce.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a donné les indications suivantes :

- Les médecins détenteurs de diplômes étrangers étaient jusqu'à présents francophones. En revanche, ceux qui s'apprêtent aujourd'hui à venir travailler dans les structures hospitalières françaises ne maîtrisent pas ou très peu notre langue. C'est un des problèmes que le Gouvernement devra résoudre.

- On sait aujourd'hui que le manque de chirurgiens qualifiés va bientôt devenir criant dans certains secteurs. La logique consistant à mutualiser les moyens entre le secteur hospitalier et la médecine de ville doit être accrue dans le cadre d'une régionalisation renforcée. Deux pistes doivent être creusées : il faut d'une part rétablir les anciens vacataires dans un nouveau statut de contractuels, où ils seraient mieux rémunérés, et d'autre part, il faut encourager le temps partiel. L'erreur a été de supprimer les vacataires et « temps partiel » contre des praticiens à plein temps. L'hôpital a aujourd'hui besoin de l'oxygène que procure la médecine de ville et d'amener vers lui les compétences qui lui sont extérieures.

- Le projet de loi sur la bioéthique est actuellement au Sénat. Pour sa part, le Gouvernement est disponible pour le discuter dès le mois d'octobre. Il est en effet urgent de légiférer sur un certain nombre de points majeurs.

- S'agissant du plan Juppé, il convient de dissiper les malentendus et de rappeler très précisément le contenu des trois ordonnances de 1996. La première prévoyait le contrôle par le Parlement des comptes sociaux. Cette volonté de mieux associer le Parlement à ce contrôle ne peut être critiquée. La seconde visait à mettre en place les agences régionales d'hospitalisation (ARH) afin notamment de mettre fin à une concurrence inefficace entre les secteurs hospitaliers privé et public. Les ARH ont bien réussi. La troisième concernait le fonctionnement de la médecine. Si les dispositions en matière d'accréditation, d'évaluation ou de formation médicale continue n'ont pas été contestées, celles sur les sanctions collectives l'ont été, à juste titre. Il s'est en effet avéré que ce type de sanctions n'était pas efficace et devait être abandonné. Il faut rappeler que le précédent gouvernement a d'ailleurs conservé le système des lettres-clefs et des comités médicaux régionaux. Cependant, la maîtrise comptable semble vouée à l'échec.

- Il faut une maîtrise médicalisée. Ainsi, les deux accords signés en juin 2002 pour les généralistes et pour les pédiatres comportent des contreparties. C'est d'ailleurs les caisses qui ont négocié ces augmentations, pas le ministère. Toutes les demandes issues de ces professions ne sont pas a priori recevables. La demande de réouverture du secteur II n'a pas été acceptée, car elle était porteuse d'inéquités.

- Le relèvement de la contribution sociale généralisée (CSG) ou de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) que le précédent gouvernement a d'ailleurs choisi de prolonger pendant quatre ans n'est pas envisagé.

- Une large consultation régionale, puis nationale, avec les unions régionales, les unions professionnelles, les usagers, sera lancée afin de définir le plus précisément possible l'état des besoins sanitaires en France. Dans ce cadre le renforcement très important des moyens d'évaluation dévolus à l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) est indispensable, puisqu'en l'état actuel, cette agence devrait travailler jusqu'en 2006 pour pouvoir assurer un contrôle minimal des quelque 3200 structures qui sont de son ressort.

M. Yvan Lachaud a posé des questions sur le rythme de création de places en unité pédagogique d'intégration (UPI) et en SESSAD et sur l'aide aux personnes handicapées vieillissantes.

Mme Martine Carrillon-Couvreur a posé des questions sur la capacité des structures existantes et notamment des établissements médico-éducatifs pour lesquels de longues listes d'attente existent, en raison de l'amendement Creton, et l'avenir des comités Handiscol.

M. Jean-François Chossy a estimé que le statut des ateliers protégés qui sont au nombre de 550 et qui emploient 20000 personnes devrait être modifié, étant donné les contradictions résultant de leur la vocation sociale avec l'application du droit du travail.

Mme Hélène Mignon a rappelé que l'intégration des enfants handicapés dans les écoles suscitait parfois des réactions hostiles de la part des parents des autres enfants plus que des enfants eux-mêmes et s'est enquis des projets du Gouvernement en matière de statut des assistantes maternelle, question sur laquelle une importante réflexion avait déjà été engagée.

M. Paul-Henri Cugnenc a souligné la nécessité de revenir à de meilleures pratiques en matière d'accueil des malades dans les hôpitaux. Il semble que dans bien des cas c'est le « traitement des concepts », au cours de réunions quotidiennes mobilisant les personnels soignants, qui prime sur le traitement des malades. Il faut que les personnels et les professionnels de santé modifient leurs attitudes alors même que l'application de la réduction du temps de travail dans les hôpitaux est susceptible de compliquer cette tâche.

En réponse aux intervenants, Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, a donné les indications suivantes :

- Les SESSAD fonctionnent d'ores et déjà de manière significative. 18000 enfants ont été pris en charge en 1998, mais cette activité d'accompagnement doit être développé en concertation avec l'éducation nationale.

- Les listes d'attente à l'entrée des IME pourraient être considérablement raccourcies si les places dans ces établissements étaient occupées par des enfants, et non des adultes de plus de vingt ans qui y sont maintenus en application de « l'amendement Creton ». Il est en conséquence urgent de mettre en place un dispositif de sortie de ces personnes vers d'autres structures.

- L'application du plan Handiscol permet une collaboration sur le terrain qui doit être poursuivie afin de faire évoluer les mentalités des différents acteurs.

- La question des handicapés vieillissants est nouvelle puisqu'elle résulte de l'allongement de la durée de vie des handicapés lié au progrès médical. Il serait nécessaire de trouver des solutions adaptées au sein même des établissements où ces personnes sont accueillies par la mise en place de cellules spécialisées.

M. Christian Jacob a indiqué qu'il ferait à la rentrée des propositions pour améliorer les conditions de travail et le statut des assistantes maternelles.

M. Jean-François Mattei a déclaré partager complètement l'idée que l'hôpital devrait être tourné d'abord vers le malade.


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