COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 33

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 19 mars 2003
(Séance de 9 heures 30)

12/03/95

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président.

SOMMAIRE

 

pages

- Présentation, en présence de la presse, du rapport d'information de M. René Couanau sur l'organisation interne de l'hôpital.

2

- Examen du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la rémunération au titre du prêt en bibliothèque et renforçant la protection sociale des auteurs - n° 248 (M. Emmanuel Hamelin, rapporteur).

15

- Examen du projet de loi portant ratification de l'ordonnance n° 2000 - 549 du 15 juin 2000 relative à la partie législative du code de l'éducation - n° 570 rectifié (M. Lionnel Luca, rapporteur).

18

- Examen de la proposition de loi de M. Jean Michel visant à jumeler chaque école française avec une école de l'Union européenne - n° 583 (M. Jean Michel, rapporteur)

21

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné le rapport d'information présenté par M. René Couanau sur l'organisation interne de l'hôpital.

Le président Jean-Michel Dubernard a rappelé que la commission a organisé, le 17 septembre dernier, une table ronde sur le thème de l'organisation interne de l'hôpital. Au terme de ce débat, la commission a conclu à la nécessité de créer une mission d'information sur le sujet. Présidée par M. René Couanau, la mission est composée de Mme Maryvonne Briot, M. Yves Bur, M. Paul-Henri Cugnenc, M. Jacques Domergue, M. Claude Evin, Mme Catherine Génisson, Mme Muguette Jacquaint, M. Jean-Marie Le Guen, M. Céleste Lett, M. Jean-Luc Préel. Six mois après sa création, la mission d'information remet aujourd'hui son rapport.

M. René Couanau a d'abord indiqué que la mission a décidé d'intituler son rapport : « Le désenchantement hospitalier ». Ces termes sont en effet les plus appropriés pour qualifier la crise que connaît aujourd'hui l'hôpital public : une crise humaine, morale, psychologique.

Presque tous les personnels de l'hôpital sont victimes d'un sentiment de malaise, dont les origines sont multiples. Pour les médecins, il existe un manque de reconnaissance de la qualité professionnelle et de la performance, alors que dans le même temps la médiocrité n'est pas sanctionnée. La pression grandissante de l'urgence submerge le personnel hospitalier et se substitue souvent aux soins programmés. Le risque médico-légal est de plus en plus présent. Ces personnels ont la sensation d'avoir choisi un métier qui ne fait plus rêver. Les directeurs d'hôpitaux, contraints de consacrer de plus en plus de temps à l'analyse et à l'application d'une réglementation devenue envahissante, s'interrogent sur leurs responsabilités. Les élus territoriaux, présents dans des conseils d'administration devenus de simples chambres d'enregistrement, se sentent dessaisis et mesurent leur impuissance. Quant aux patients, s'ils continuent de porter un jugement globalement positif sur l'hôpital et de témoigner leur confiance aux personnels soignants, ils sont prompts à mettre en cause une organisation administrative dans laquelle ils sont peu représentés.

Sur cette crise morale vient se greffer une crise financière. Les dépenses hospitalières, notamment les dépenses médicales et en personnel (70 % du budget des hôpitaux sont absorbés par les dépenses en personnel), ne cessent de croître. Cette inflation conduit à des reports de charges d'une année sur l'autre et à l'impossibilité de remplir des obligations ou d'honorer des engagements pris au coup par coup par les instances centrales. Cette situation souligne aussi de façon inquiétante combien certains investissements ont été sacrifiés. Le renouvellement du matériel médical et des plateaux techniques ainsi que la rénovation des bâtiments vétustes, qui correspondent pourtant à des dépenses urgentes, ont été reportés. Ces investissements représentent des sommes considérables que le plan Hôpital 2007 s'efforcera de couvrir.

Se cumulent à l'hôpital une réelle perte de moral chez tous les hospitaliers, des difficultés de fonctionnement, des défauts d'organisation, une moindre réactivité face aux évolutions des besoins sanitaires et des techniques, une montée des griefs faits aux « tutelles » et une baisse de confiance dans l'avenir.

De manière schématique, trois éléments fondamentaux sont à l'origine de la crise hospitalière : l'hôpital public est victime de son succès et de sa nécessité ; l'absence de vision stratégique au niveau central, l'existence d'un véritable carcan administratif et le maintien d'un mode de financement sclérosé se conjuguent défavorablement ; la difficulté d'identifier l'autorité et la responsabilité à l'hôpital nuit à son bon fonctionnement.

Premièrement, les missions de l'hôpital public sont de plus en plus lourdes et de plus en plus complexes. En effet, la demande de soins qui lui est adressée s'est considérablement développée en raison de plusieurs facteurs. L'hôpital public, parce qu'il concentre en son sein des équipements techniques et des compétences, est considéré par la population comme le lieu de la sécurité sanitaire : il polarise donc la demande de soins d'un secteur donné. L'hôpital public, ouvert 24 heures sur 24 et 365 jours par an, se présente tout à la fois comme un centre de soins de proximité, un centre d'aide médical d'urgence, un lieu d'accueil de toutes les détresses et les précarités par le biais des urgences, notamment psychiatriques, l'endroit où l'on naît et où l'on meurt et, s'agissant des CHU, comme l'établissement de référence qui dispose des praticiens réputés et des équipements les plus modernes. Le vieillissement de la population renforce cette tendance : les séjours en soins de suite et de réadaptation ont augmenté de 23 % en cinq ans et cette croissance va se poursuivre. Dans le même temps, le désengagement partiel de la médecine de ville et la réticence de l'hospitalisation privée à assurer la permanence des soins et les gardes renforcent ces difficultés. Continuité des soins, revendication de l'excellence, proximité : l'hôpital public attire désormais plus les patients que les soignants. Il n'est donc pas erroné d'affirmer qu'il est victime de son succès et de sa nécessité.

Deuxième facteur, l'administration centrale, accaparée par l'urgence et la gestion, a négligé sa principale mission : définir une vision stratégique et piloter le système. Toutes les personnes auditionnées par la mission ont mis en lumière l'excessive concentration des décisions, même de simple gestion, au niveau de la direction compétente du ministère de la santé et des agences régionales de l'hospitalisation (ARH). Les personnels médicaux et de direction sont gérés par la seule direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins. Chaque année, on dénombre pas moins de 8 000 décisions individuelles concernant les seuls médecins. Les instructions, les orientations, les normes diverses se chiffrent annuellement en centaines. Malgré cela, et comme l'a indiqué la Cour des comptes, aucun service ne dispose de données fiables sur la capacité actuelle en médecins hospitaliers, le nombre réel de lits installés ou l'impact final des restructurations intervenues. Quant à la gestion prévisionnelle du corps médical, elle est inexistante. L'arsenal législatif et réglementaire, lui, ne souffre d'aucune pénurie : les textes s'abattent sur l'hôpital telle la pluie ; mais comme l'eau sur les plumes d'un canard, ils ne font que glisser sans jamais pénétrer l'organisme. De là naît un décalage profond entre la norme et la pratique. La liste de ces décalages est longue : à peine la moitié des hôpitaux ont conçu et présenté un projet d'établissement, dont le but est de permettre une contractualisation avec la tutelle ; peu d'établissements, surtout parmi les petites et moyennes structures, disposent d'une comptabilité analytique, encore moins ont mis en place l'évaluation des pratiques professionnelles prescrite par la loi de 1991 ; le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) est inégalement appliqué ; la contractualisation interne est peu appliquée et rares sont les hôpitaux organisés par pôles de responsabilité.

Des chocs externes ont récemment aggravé le phénomène. L'aménagement et la réduction du temps de travail (ARTT) a constitué une sorte de paroxysme de l'inorganisation, tout comme l'application du repos de sécurité, la limitation du temps de travail hebdomadaire à 48 heures ou l'intégration des gardes dans le temps de travail pour les médecins et les internes. Il en va de même de l'entrée en vigueur de nouvelles normes sanitaires concernant la sécurité anesthésique, la sécurité périnatale, la lutte contre les infections nosocomiales, la stérilisation des produits médicaux et les nouvelles règles en matière de réanimation, qui obligent à l'excellence sans que les hôpitaux soient dotés de moyens supplémentaires. Pourtant, ces normes sont justifiées et représentent toutes un progrès majeur. Le respect intégral des normes, des décrets, des arrêtés et des nombreuses circulaires d'application suppose des investissements très importants, en matériel et en infrastructures immobilières biomédicales d'une part, en moyens humains - personnels soignants et médicaux - d'autre part. Or les mesures prises n'ont pas été accompagnées de dotations financières supplémentaires, ce qui a pour effet que de nombreux établissements ne les appliquent pas. Il ne faut pas craindre de le dire : à l'hôpital, des fonctionnaires et des médecins travaillent dans l'illégalité. L'autorité de tutelle y perd en crédibilité, les personnels sont découragés et les patients ne sont pas pour autant mieux soignés.

D'autres carcans administratifs enserrent l'institution hospitalière au-delà du raisonnable. La gestion des ressources humaines constitue une bonne illustration de la bureaucratisation de l'hôpital, tant les statuts du personnel sont nombreux. Les procédures relatives aux marchés publics sont longues et complexes. Après plusieurs années pour mettre au point le dossier en amont, il faut compter au moins cinq ans entre la décision du conseil d'administration de procéder à un investissement immobilier et sa mise en service. Le financement de l'hôpital par le système de la dotation globale a fait son temps et atteint ses limites. Il n'encourage ni à l'activité, ni à la qualité. Il fige les situations, positives ou négatives, d'années en années. La dotation globale n'est en outre pas respectée, puisque la pratique d'octroi de crédits supplémentaires « fléchés » par la tutelle s'est développée au point de frôler la caricature.

Enfin, la bureaucratie générant d'autres bureaucraties, le troisième facteur est la difficulté à identifier les détenteurs de l'autorité et les personnes responsables à l'hôpital. Les médecins font souvent reproche aux directeurs de cette évolution. Mais ces derniers peuvent-ils résister à un phénomène qui tend à imprégner tout le système ? Dans les établissements, les responsabilités n'ont pas été organisées dans la plus grande clarté. Certaines des personnes auditionnées par la mission vont jusqu'à faire observer qu'« il n'y a plus d'autorité à l'hôpital ». Les différentes autorités sont à ce point enchevêtrées que personne n'en subit vraiment aucune.

Le conseil d'administration n'administre pas - des interlocuteurs l'ont qualifié « d'incapable majeur » - et ressemble plutôt à un conseil d'orientation. Instance d'enregistrement souvent, d'interpellation quelquefois, il ne maîtrise le recrutement ni des directeurs, ni des médecins, ni du personnel. Il vote un budget qui n'est pas celui qui sera exécuté. Il n'a aucune influence ni sur les recettes ni sur les dépenses.

Les directeurs sont tirés à hue et à dia par les différentes autorités dont ils relèvent : le ministre qui les nomme, le préfet qui les note, l'ARH qui les finance et enfin le président du conseil d'administration lorsqu'il veut jouer son rôle.

Les médecins, représentés au sein de la commission médicale d'établissement, ne se sentent pas associés à la direction et aux responsabilités de management, alors même qu'ils considèrent que l'hôpital n'a d'autre vocation que celle de prodiguer des soins et que l'organisation doit privilégier l'activité médicale. Les chefs de service n'ont guère d'autorité - comme en témoigne leurs démissions suivies de peu d'effets pratiques - et sont peu reconnus par le système. Les coordinateurs de pôle ou de départements n'ont pas pu exercer de véritables responsabilités dans le management de leurs unités.

Quant aux cadres infirmiers, dont la tâche est essentielle pour le bon fonctionnement de l'hôpital, ils ont du mal à trouver leur place. Il ne faut donc pas s'étonner que se développe une organisation aux responsabilités incertaines, caractérisée par une balkanisation et un cloisonnement des services, incompatible avec les principes de la médecine moderne et l'exigence de la mutualisation des ressources.

La mission a pu constater une dégradation des conditions d'accueil et de prise en charge des patients et de leurs familles. Les files d'attente s'allongent, les refus d'hospitalisation ou les reports ne sont pas exceptionnels et le recours à des réseaux informels pour obtenir plus rapidement un rendez-vous est utilisé. Tout cela ne va pas dans le sens de l'égalité devant le service public de la santé. Les personnels soignants disposent également de moins en moins de temps à consacrer à chaque patient. Selon l'expression de plusieurs d'entre eux, le soin et les formalités diverses l'emportent de plus en plus sur le prendre soin. Enfin, s'agissant de la question de l'éventuelle dégradation de la qualité des soins, il faut insister sur l'absence d'une culture d'évaluation dans l'hôpital public. Il n'existe aucune procédure formelle permettant d'apprécier les performances des équipes et les pratiques professionnelles. Les soins médicaux, le public l'ignore le plus souvent, ne font l'objet d'aucune évaluation sérieuse et objective à l'hôpital public. Il est donc extrêmement difficile de se prononcer sur leur évolution qualitative.

Les personnels hospitaliers, dans leur grande majorité, continuent à faire face à des obligations et à des sollicitations de plus en plus lourdes, faisant dire à certains des interlocuteurs de la mission qu'« on n'a jamais été aussi bien soigné en France qu'en 2003 ». C'est le paradoxe, le miracle hospitalier... Car jamais une organisation n'a aussi peu favorisé les adaptations, la réactivité, voire l'intelligence, et pourtant les compétences, les initiatives, les dévouements foisonnent, inventent, surmontent les obstacles et les difficultés pour que, tant bien que mal, les missions soient accomplies. Le sens du service public, dont ont fait preuve la plupart des hospitaliers, a banalisé les effets de la crise d'organisation et de pilotage ; mais il ne l'a pas réglée. L'hôpital marche, mais jusqu'à quand ?

S'agissant de l'avenir de l'hôpital public, quatre scénarios peuvent être envisagés.

Le pire scénario serait de continuer ainsi. L'inaction et une politique « au fil de l'eau » conduiraient à une dégradation continue des conditions de travail des personnels hospitaliers et de la qualité de la prise en charge des malades. L'hôpital deviendrait en peu de temps une organisation centrée sur les urgences, où la principale problématique serait d'assurer la permanence des soins. En forçant le trait, mais à peine, se dessinerait le retour à « l'hôpital-hospice », où l'hôpital public assurerait seul la permanence des soins et les urgences et prendrait en charge principalement des personnes très âgées, l'obstétrique, les pathologies chroniques, la psychiatrie et les personnes en situation précaire n'ayant d'autre choix que le traitement à l'hôpital.

Un mauvais scénario, catastrophique, serait de réagir en revenant à l'étatisation et à la centralisation. La dérive continue des dépenses des régimes de l'assurance maladie conduirait à la fin du paritarisme et à la reprise en main du système de santé par l'Etat qui créerait des « assistances publiques » dans chaque région. L'hypercentralisation se conjuguerait de plus en plus avec l'hyperréglementation. Les hôpitaux deviendraient des « services régionaux de santé » sous l'autorité de préfets de santé qui exerceraient leur autorité sur les chefs de service. L'autonomie de l'hôpital serait alors profondément remise en cause.

Le scénario de la tentation est l'évolution vers un statut d'établissement à but non lucratif participant au service public hospitalier (dit PSPH) est quelquefois évoqué pour résoudre la crise de l'hôpital public. Il est vrai que ces établissements ne subissent pas les contraintes de gestion et de mission qui pèsent sur l'hôpital public. Cependant, tous ne sont pas dans la même situation. Ces hôpitaux sont souvent spécialisés sur une monoactivité, à l'exemple des centres de lutte contre le cancer. Cette solution serait difficilement conciliable avec le maintien des missions de service public et appellerait de profondes modifications des statuts, des comportements et de culture. La mission ne peut donc l'envisager qu'avec de très grandes réserves. Il est possible de rapprocher le service public de ce modèle, pas de l'y assimiler.

Le dernier scénario est celui de la volonté politique. Il passe par la promotion des responsabilités et l'autonomie des établissements. L'autonomie de l'hôpital ne doit pas devenir un slogan vide de sens. Ce « scénario de la responsabilité », qui privilégie et renforce l'autonomie est celui retenu par la mission, dont les propositions visent d'une part à libérer les énergies et les talents en renforçant l'autonomie des établissements et d'autre part à rendre à l'administration centrale sa fonction de pilotage du système, notamment en déconcentrant certaines responsabilités.

Il faut ménager à l'hôpital plus d'espaces de liberté. Dans un système où la politique de santé est définie par l'Etat et où l'établissement est soumis à la règle des crédits limitatifs, l'autonomie totale n'est, bien entendu, pas envisageable. Mais pour donner un sens à la notion d'établissement public de santé, celui-ci doit disposer de marges de manœuvre et de décision.

Cela passe d'abord par un conseil d'administration qui administre. Le président doit recruter le directeur de l'hôpital. Choisi sur une large liste d'aptitude établie au plan national, il serait nommé sur un emploi fonctionnel. Il serait lié par un contrat d'objectifs au conseil d'administration, pour une durée de quatre ans renouvelable une fois. Les rémunérations des directeurs seraient d'un niveau conforme aux responsabilités qui leur seraient dévolues. Le recrutement des directeurs, actuellement marqué par une certaine monoculture « Sciences-Po - droit public », doit être élargi et diversifié, par une révision du contenu des concours et l'ouverture d'une troisième voie. A titre expérimental, il est proposé que des directeurs puissent être recrutés directement par des présidents de conseils d'administration en dehors de la liste d'aptitude et hors concours ; ces expérimentations seraient menées sous les contrôles appropriés. Il faut associer davantage les médecins à la direction de l'hôpital. Certains souhaitent mettre en place une double direction administrative et médicale. Si ce double pilotage semble à éviter, il n'en demeure pas moins que les médecins doivent pouvoir - et vouloir - s'impliquer davantage dans la direction de l'hôpital. Dans ce but, un comité de direction pourrait être constitué à l'hôpital, autour du directeur qui resterait l'unique responsable devant le conseil d'administration. La commission médicale d'établissement (CME) serait représentée dans ce comité de direction. Le conseil d'administration recruterait les praticiens hospitaliers, sur l'avis de la CME, des chefs de service et des coordinateurs de pôles. Il recruterait les chefs de service ou de pôle qui seraient nommés par le ministre sur sa proposition. Enfin, il assumerait toute la responsabilité budgétaire.

La composition du conseil d'administration doit être étudiée avec soin. Si l'on veut renforcer le caractère contractuel des rapports avec la tutelle, le retour des financeurs dans les conseils d'administration n'est pas souhaitable. Dans ce cas, les directeurs discuteraient avec les ARH sans passer par le conseil d'administration. Celui-ci sera donc rééquilibré en élargissant la représentation des médecins, des personnels infirmiers, des usagers et des personnalités qualifiées. Si les membres de la mission s'entendent pour affirmer la place des élus territoriaux dans les conseils d'administration, ils sont partagés sur la nécessité que la présidence revienne obligatoirement à l'élu. Pour les CHU et les CHR, il semble légitime que le conseil régional soit fortement représenté et que le président du conseil régional, son représentant ou une personnalité qualifiée proposée par lui, puisse présider le conseil. D'une façon générale, il convient de développer les cas où le président du conseil d'administration soit plutôt une personnalité qualifiée élue par lui. Cette fonction devrait être indemnisée, à l'instar des présidences des syndicats intercommunaux.

La procédure budgétaire et le mode de financement doivent être revus. Il faut en terminer avec la fiction d'un « budget de vœux » établi à l'automne, ensuite démenti par l'action de l'ARH. L'argument selon lequel la nécessité d'attendre le vote de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) rend l'exercice impossible n'est pas acceptable. Il s'agit d'un alibi. Le budget des hôpitaux est d'environ 46 milliards d'euros après le votre de l'ONDAM. Ce chiffre varie au plus d'un milliard d'euros, marge à diviser entre 1 500 établissements. Il est très important que le conseil d'administration demeure maître de la procédure budgétaire par l'établissement d'un budget initial établi sur des estimations de recettes communiquées par la tutelle et peu modifiées dans l'année.

Les limites du système de la tarification à l'activité et les conditions dans lesquelles il peut être mis en place ont fait l'objet d'un débat au sein de la mission. Deux attitudes sont possibles. Soit on attend les résultats de l'expérimentation en cours, qui éclairera ces points, soit - et c'est la position retenue dans le rapport - on estime qu'un choc est nécessaire. La mission préconise la mise en place rapide de cette tarification à l'activité pour limiter les inconvénients de la dotation globale. La tarification à l'activité sera d'application progressive : elle ne devrait d'abord concerner qu'une partie du budget de l'établissement. Une dotation globale reste nécessaire pour financer les missions de service public. Une double échelle des coûts public-privé sera indispensable, pendant une période assez longue. Ce mode de financement nécessitera la mise en place rapide de la comptabilité analytique, le perfectionnement du PMSI et l'équipement informatique adéquat.

S'agissant de la gestion des ressources humaines à l'hôpital, il faut motiver et qualifier les personnels. Il faut notamment instaurer une différenciation des rémunérations des praticiens hospitaliers selon la spécialité choisie et les responsabilités assumées. La labellisation et la recertification des médecins doivent être mises en place. Quant aux soignants, ils devraient se voir confier la réalisation d'actes médico-techniques actuellement accomplis par des médecins. Cela permettra de leur donner de nouvelles perspectives de carrière. Enfin, il faut encourager le recours à de nouvelles compétences : logisticiens, ingénieurs informatiques et, pourquoi pas, coordinateurs de bloc opératoire puisque, à l'hôpital, la gestion de l'utilisation du plateau technique est particulièrement déficiente.

Afin d'assouplir les conditions de fonctionnement de l'hôpital public, il est nécessaire, d'une part, de simplifier les procédures de consultation et le fonctionnement des instances ( moins de réunions, moins de commissions ) et, d'autre part, d'assouplir absolument les règles de droit public relatives aux achats, aux marchés et aux investissements. Le projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures de simplification et de codification du droit prévoit déjà des mesures en ce sens, mais il faut aller plus loin et adapter le régime juridique des achats et des investissements publics à l'hôpital.

D'une façon générale, il y a lieu de laisser le pragmatisme s'exprimer dans l'organisation médicale de l'hôpital public. Il faut donc faire preuve de volonté politique et inciter de manière plus énergique à la déconcentration, c'est-à-dire à la création de centres de responsabilités, y compris par des incitations financières.

Les travaux de la mission montrent que l'hôpital doit sortir de ses murs. Toutes les possibilités de coopération doivent être utilisées, avec les autres acteurs du secteur public comme avec le secteur privé, notamment les professionnels exerçant en ville. Des incitations financières similaires à celles mises en place pour encourager l'intercommunalité devraient être imaginées.

La loi de juillet 1991 portant réforme hospitalière a introduit l'amendement dit « liberté », qui permet au conseil d'administration de décider d'arrêter librement l'organisation des soins et le fonctionnement médical de l'établissement, dans le cadre du projet d'établissement. La question principale est de savoir pourquoi cet « amendement liberté » n'a pas été utilisé par les établissements. La réponse se trouve d'une part dans la bureaucratisation excessive dont souffrent les hôpitaux et d'autre part dans un manque de volonté politique.

Ces évolutions de l'hôpital ne seront possibles que si le pilotage global du système hospitalier se recentre sur ses missions essentielles : tracer les orientations, déconcentrer, évaluer et qualifier.

Ainsi, la mission recommande d'abord de débarrasser l'administration centrale de ses tâches de gestion et, à l'exemple du ministère de l'Education nationale, de déconcentrer certaines décisions : ainsi, si les enseignants du second degré restent composés de corps nationaux, la gestion de ces personnels a été déconcentrée et rapprochée des rectorats. Il faut donc confier la gestion des praticiens hospitaliers à des centres régionaux de gestion, plus à même d'assurer un suivi individuel, notamment médical, de chaque praticien. L'établissement de listes nationales d'aptitude et la nomination relèveront toujours de l'autorité ministérielle, mais la gestion sera effectuée au niveau régional et l'affectation relèvera du conseil d'administration de l'établissement. En outre, il sera indispensable de créer des possibilités de reclassement pour les praticiens hospitaliers et les directeurs d'hôpitaux. En effet, beaucoup de décisions individuelles ne sont pas prises faute de perspectives de reclassement pour les intéressés : il faut imaginer des positions hors cadre et des « portes de sortie », où les intéressés pourraient mettre à profit leur expérience. Pour plus de transparence dans l'édiction des normes sanitaires, la mission propose de créer auprès du ministre une instance nationale de concertation transversale relative à l'hôpital public et d'imposer la réalisation d'une étude d'impact médico-économique préalablement à l'édiction de toute mesure de sécurité sanitaire.

Le rapport recommande également de formaliser l'évaluation des pratiques professionnelles des praticiens hospitaliers. De plus, l'accréditation, devenue une procédure trop bureaucratique, devra impérativement s'attacher à accréditer les services et non plus seulement les établissements. Il faut en général développer l'évaluation des hôpitaux. Pourquoi le classement des hôpitaux serait-il réservé à un hebdomadaire ? Des expériences et des initiatives montrent le chemin : il convient de les généraliser. Le résultat des évaluations par service serait rendu public car, au XXIème siècle, l'usager cherche de plus en plus à connaître les résultats et la qualité des services publics : l'hôpital doit donc s'adapter.

Il faut poursuivre, mais dans la transparence, les restructurations. La Cour des comptes évalue en France l'excédent de lits à 28 600. Néanmoins, cette estimation doit être validée à la lumière des objectifs de la politique sanitaire et non pas de seules considérations d'ordre technique ou comptable. Les procédures de restructuration sont devenues illisibles et inacceptables. Les médecins ne s'engagent d'ailleurs pas assez dans ces processus.

Le débat sur l'arbitrage entre la sécurité et la proximité est un débat national et régional qu'il importe de conduire au plus tôt, afin de mettre fin au face-à-face actuel entre gestionnaires d'une part et élus d'autre part. Les spécialistes de la santé, les médecins, les gestionnaires mais aussi les élus locaux ont des points de vue pertinents à faire connaître. Rien n'est plus important que d'entreprendre une discussion large et lucide sur ce sujet. Pour plus de transparence, et en parallèle avec la création d'une structure transversale de concertation auprès du ministre, les ARH qui mèneront ces restructurations devront s'appuyer sur les avis d'un « conseil régional de l'hospitalisation » composé d'élus et de représentants des personnels médicaux, soignants et administratifs des hôpitaux de la région.

Enfin, une mission parlementaire sur l'organisation interne de l'hôpital ne peut pas faire l'impasse sur la situation particulière de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP). Ce gigantesque CHU, doté d'une administration aux mêmes dimensions, dont la dotation globale représente 10 % de la dotation nationale, devrait relever complètement de l'Agence régionale de l'hospitalisation de l'Ile-de-France. Compte tenu du poids de l'AP-HP, le rapport recommande qu'une mission d'expertise ministérielle, interministérielle ou, le cas échéant parlementaire, fasse un bilan exhaustif du régime dérogatoire de cette institution.

Après avoir remercié les membres de la mission de leur coopération et souligné l'excellent climat de travail, M. René Couanau a demandé à la commission d'autoriser la publication du rapport.

Le président Jean-Michel Dubernard a d'abord salué la qualité du rapport ainsi que l'état d'esprit qui a présidé aux travaux de la mission d'information. Concernant l'organisation interne de l'hôpital, la question fondamentale est la suivante : qui est le responsable ?  Il est urgent de redéfinir la place de chaque acteur de l'hôpital, en partant d'abord du malade qui doit rester au cœur de l'activité de hospitalière. Il faut ensuite aller de l'aide-soignante jusqu'à l'autorité de management, sans oublier les médecins. En effet, si le rapport a été, à juste titre, centré sur l'administration de l'hôpital et le pilotage global du système, il faut penser aussi à l'organisation médicale et aux médecins, dont les plus brillants et les plus motivés fuient aujourd'hui l'hôpital alors qu'ils s'y précipitaient il y a vingt ans. Il est donc essentiel de les responsabiliser davantage et de les motiver. A cet effet, au sein des structures du type « pôle » ou « centre de responsabilité », l'autorité du coordinateur, qui est désigné par ses pairs, doit être réaffirmée et précisée.

En outre, la tarification à l'activité doit enfin être mise en œuvre. A cet égard, comme le préconise le président de la mission, il faut créer un choc. Il n'est pas acceptable, que, au bout de vingt ans, le PMSI n'ait toujours pas permis d'aboutir à l'établissement de la comptabilité analytique attendue par tous. Sa bonne application exige la formation et l'embauche de personnels supplémentaires. De nouveaux métiers sont apparus à l'hôpital, il faut les prendre en compte. De même, certaines professions, comme le secrétariat médical, ont tellement évolué que la rémunération versée est devenue sans rapport avec le travail accompli.

Il est impérieux de retrouver l'élan qui fut donné à l'hôpital public par les ordonnances de 1958 sous l'impulsion du Pr Jean Hamburger et de Michel Debré. En quelques années, elles ont permis de hisser le système hospitalier français au premier rang mondial et augmenté considérablement la qualité des soins. Cette impulsion produit encore ses effets aujourd'hui. Le rapport de la mission et l'application du plan Hôpital 2007 devraient contribuer à retrouver cet élan fondateur.

Après avoir fait part de la satisfaction des membres du groupe socialiste ayant participé aux travaux de la mission, quant à la forme et au contenu du rapport, M. Jean-Marie Le Guen a expliqué que la gravité du sujet comme l'ampleur des besoins, avaient conduit la mission à rendre un rapport de qualité après un travail très sérieux écartant les polémiques inutiles. Les membres de la mission ont entendu de nombreux interlocuteurs et effectué des déplacements qui leur ont permis de disposer d'une vue synthétique du monde hospitalier, ce qui est très appréciable.

Cependant, le contexte global en matière de santé et d'assurance maladie est différent. Le groupe socialiste demeurera vigilant et attentif à l'avenir lorsque le gouvernement appliquera son programme législatif en matière de santé. Il fera alors des propositions.

Les membres du groupe socialiste sont d'accord avec le constat équilibré de la mission d'information, même s'il est nécessaire de clarifier ce constat en distinguant les causes endogènes et les facteurs exogènes, en particulier ceux relatifs à démographie médicale, à l'évolution de la demande ou à l'organisation globale des soins. Les propositions font l'objet également d'un accord, même si ce travail parlementaire ne constitue pas à lui seul un programme d'action. Il faudra un passage à l'acte.

Les problèmes de démographie des professions de santé deviennent un enjeu majeur. Or, on ne tire pas les conclusions pratique des constats opérés par des organismes aussi divers que l'Académie de médecine ou le Haut comité de santé publique. Ainsi, d'un point de vue quantitatif, le nombre de postes mis aux concours pour les médecins est très bas. D'un point de vue qualitatif, il est nécessaire de prendre en compte les nouveaux métiers et les nouvelles qualifications liés à l'évolution des besoins techniques et à la diversité des actes pratiqués. Il faut anticiper la venue prochaine à l'hôpital d'ingénieurs ou de techniciens de la santé, par exemple des coordinateurs de plateau technique. L'Etat ne dispose pas d'une vision stratégique sur ces questions, qui pourraient utilement être examinées par l'Observatoire de la démographie des professionnels de santé. De plus, il conviendra d'être très vigilant quant à la réalisation des investissements inscrits dans le plan Hôpital 2007. Il est nécessaire de poursuivre la restructuration de l'offre hospitalière, tout en y associant plus étroitement, comme le recommande d'ailleurs le rapport, les élus locaux ainsi que les usagers. Le « plan maternité » récemment présenté paraît à cet égard trop brutal. Il y a bien une problématique de la gouvernance des restructurations.

Les travaux de la mission permettent de faire les observations suivantes :

- Un assouplissement des conditions du fonctionnement administratif des établissements est souhaitable, notamment en ce qui concerne les achats et les investissements.

- La possibilité d'associer les organismes publics et privés est bienvenue, sauf si elle conduit à substituer des acteurs privés à des acteurs publics.

- La prolifération des règles de sécurité sanitaire, véritable dérive de notre système de santé, rend impossible l'application effective de chaque règlement. Cela est d'abord source d'insécurité juridique, donc de contentieux. Mais, cette prolifération est aussi contre-productive d'un point de vue sanitaire : décider de ne pas respecter des normes en raison de leur sévérité jugée excessive peut être très dangereux. Les nouvelles réglementations doivent donc faire l'objet d'une étude d'impact préalable à leur édiction. Il faut arrêter cette machine à produire des textes « sécuritaires ».

- Si la multiplication des contraintes administratives appelle une simplification des structures internes de l'hôpital, il faut mener cette clarification dans la concertation.

- Une fois les contrats conclus, l'ARH doit respecter l'autonomie des établissements. Il faut éviter de les transformer en autant d'assistances publiques régionales. L'échelon régional ne peut pas être autosuffisant et certaines missions relèvent de l'échelon national, notamment celles liées au travail en réseau.

- S'agissant de la tarification à la pathologie, les avancées du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 doivent être poursuivies, tout en évitant de procéder à des comparaisons systématiques entre les secteurs public et privé : il ne peut y avoir de logique de convergence.

- Dans la mesure où un surcroît d'autonomie appelle davantage de responsabilité, un nouvel élan doit être donné aux différentes procédures d'accréditation et d'évaluation.

Toutes les recommandations du rapport devront être discutées afin de faire éventuellement l'objet d'une négociation, dans le respect des statuts. Les différents acteurs de la politique hospitalière doivent réagir aux propositions du rapport. En particulier, le gouvernement doit indiquer s'il entend y donner suite. Les élus doivent également réagir : si le principe de la présidence du conseil d'administration par le maire doit être conservé, c'est au prix d'une meilleure appréhension par les élus de l'hôpital et de ses enjeux. Les personnels soignants, qui réserveront sans doute un bon accueil au rapport, doivent prendre leurs responsabilités et rompre avec la culture d'opposition systématique à l'encontre du pouvoir administratif.

Si le gouvernement applique les propositions du rapport, il sera possible de retrouver une politique hospitalière ambitieuse, ce qui n'exclut pas d'autres débats.

Après s'être déclaré en accord complet avec les conclusions et les propositions du rapport, M. Yves Bur a présenté les observations suivantes :

- Le vague à l'âme que connaissent les personnels hospitaliers est paradoxal, au regard de la somme d'énergies et de compétences que l'hôpital recèle : la mise en place de l'aménagement et de la réduction du temps de travail n'a fait que renforcer ce malaise.

- La dérive consumériste accrue, la promotion des droits des malades, les exigences en matière de sécurité ainsi que l'aspiration générale à plus de transparence sont autant de défis posés aujourd'hui à l'hôpital.

- L'hôpital doit s'ouvrir pour mieux travailler avec les autres acteurs de santé, notamment les cliniques, les professionnels libéraux et les établissements médico-sociaux.

- Le travail de la mission a mis en évidence de profondes résistances culturelles au changement. Il faut faire évoluer cette culture hospitalière et éviter que des moyens supplémentaires ne retardent des échéances inévitables.

- Il faut effectivement renforcer l'autonomie de l'hôpital et faire souffler un esprit de responsabilité à tous les niveaux de l'établissement.

- Les personnels médicaux doivent être plus associés aux enjeux de management.

- L'autonomisation de l'hôpital doit s'accompagner d'un effort pour combler les retards accumulés en matière d'hospitalisation ambulatoire, d'hospitalisation à domicile et de travail en réseau.

- Le temps d'oser est arrivé : il faut tourner le dos à tous les conservatismes pour que l'hôpital reste le cœur du service public de la santé.

M. Jean-Luc Préel a indiqué que l'UDF partage l'essentiel du diagnostic et des propositions de la mission, dont les travaux ont confirmé la gravité de la crise et l'urgence des réformes. Il faut donc espérer que ses propositions ne resteront pas lettre morte. Cette mission a déjà eu un effet positif, puisque toutes les personnes auditionnées ou rencontrées ont demandé davantage d'autonomie et plus de responsabilité. Il existe effectivement un « miracle hospitalier » car, malgré la crise, et grâce au dévouement des personnels, les Français se considèrent toujours comme bien soignés et continuent à faire confiance à notre système de soins.

Le rapport ne porte que sur l'hôpital, lequel n'est qu'un élément, certes important, du système de soins. Toute réflexion sur une éventuelle réforme hospitalière doit également prendre en compte les évolutions des autres secteurs (cliniques privées, médecine de ville et secteur médico-social). Par ailleurs, les propositions ne peuvent être isolées de la réforme de la gouvernance du système de santé annoncée par le gouvernement. Il convient de clarifier les responsabilités des différents acteurs, et notamment de préciser les contours de la régionalisation ainsi que la répartition des rôles entre le législatif et l'exécutif.

L'hôpital traverse aujourd'hui une triple crise : une crise de la responsabilité provoquée par une bureaucratisation excessive, une crise morale chez des personnels motivés mais inquiets et désabusés, une crise financière née d'une part du non-financement des mesures de revalorisation des rémunérations des personnels et d'autre part des mesures de sécurité sanitaire.

Par ailleurs, les ARH ont pour ainsi dire vassalisé les hôpitaux, dont les directeurs et les présidents de conseil d'administration s'autocensurent en permanence pour éviter de déplaire aux directeurs d'ARH. L'hôpital subit ainsi, dans une ambiance de défiance permanente, une tutelle très pesante. Il faut donc s'engager dans la création d'agences régionales de santé (ARS) et renforcer la responsabilité et l'autonomie des hôpitaux. Les CHR et les CHU devraient ainsi relever de la région. L'hôpital de référence d'un secteur sanitaire devrait dépendre du département et jouer un rôle de tête de réseau tout en laissant les complémentarités se développer à l'intérieur du secteur considéré.

Enfin, les propositions de la mission concernant l'accroissement des pouvoirs des conseils d'administration (notamment pour recruter le directeur et les praticiens), la création d'un comité de direction, l'organisation par pôles d'activité et l'approche volontariste de l'application de la tarification à l'activité sont très pertinentes. Il reste à les appliquer.

Après avoir considéré que le mot à retenir dans le rapport est celui de responsabilité, M. Jacques Domergue a rappelé que l'hôpital a trop longtemps été une zone de conflits en raison d'une lutte des pouvoirs médical et administratif, ce qui a pu conduire à des situations ubuesques. Il faut se féliciter que la situation actuelle est plus équilibrée. Par ailleurs, le rapport aurait pu insister plus fortement sur le rôle très important des centres de responsabilité, qui permettent, par analogie entre le fonctionnement des services et des communes, de faire entrer de « l'intercommunalité » dans l'hôpital. L'autre notion importante est l'intéressement des personnels. Développer des incitations fortes sera la seule réponse adaptée au désenchantement pointé par le rapport, qui a bien mis en évidence une néfaste dilution des responsabilités et la nécessité de donner aux personnels hospitaliers des motifs d'action. Ce rapport ne doit pas rester lettre morte mais être à l'origine d'une véritable réforme du système hospitalier.

M. Paul-Henri Cugnenc s'est félicité que les travaux de la mission aient permis à l'ensemble de ses membres de mieux connaître la réalité hospitalière. Aujourd'hui, et contrairement à certaines réactions entendues lors de la table ronde du 17 septembre dernier, tout le monde est d'accord pour dire que l'hôpital public ne fonctionne pas bien. Un grand nombre de propositions ont pu être formulés en commun par l'ensemble des membres de la mission.

L'essentiel d'une réforme de l'hôpital peut se résumer en quelques mots : retrouver la cohérence, la simplicité et le bon sens. Lorsqu'un patient va à l'hôpital, il souhaite rencontrer des personnels soignants. C'est la qualité de ces personnels qui fait la bonne ou la mauvaise réputation de l'établissement. Tout le monde dit qu'il faut replacer le malade au cœur du système, et c'est une évidence ; mais en réalité, combien sont ceux qui le pensent vraiment ? Nombreux sont ceux qui sont encore convaincus que l'hôpital n'est pas fait pour les malades mais pour ceux qui le font fonctionner !

Aujourd'hui, si l'hôpital fonctionne malgré tous ses problèmes, c'est grâce aux personnels. Il faut plus motiver les soignants. S'ils travaillent plus de trente-cinq heures, il ne faut pas les sanctionner mais au contraire reconnaître leur engagement. Le principal défi est donc de mieux motiver ces personnels, non pas en les associant à des activités administratives ou de gestion, mais bien en revalorisant leurs activités de soignants au plus près du malade. Il faut en effet toujours garder à l'esprit que ces personnels, qui ne travaillent pas à l'hôpital par hasard, exercent un métier par vocation, contrairement à d'autres qui n'ont pas toujours délibérément choisi de travailler auprès des malades et exercent des fonctions à l'hôpital par les hasards de la vie.

Autrefois, les responsabilités étaient clairement identifiées et bien exercées par les soignants. Ce n'est plus le cas aujourd'hui : le pouvoir a été tellement balkanisé que l'on ne sait plus qui fait quoi. Les responsabilités d'un chef de service sont en pratique réduites à néant et personne n'a voulu donner aux chefs de pôles les moyens d'une véritable autorité. Or, pour les Français, le véritable pouvoir appartient à ceux qui ont un pouvoir - potentiel - sur la maladie.

Enfin, l'hôpital public, et particulièrement le CHU, reste l'institution qui dispose de la meilleure capacité de formation en matière médicale. Or, depuis plusieurs années, pour des raisons liées au niveau du numerus clausus, de nombreuses responsabilités ont été confiées à des médecins formés à l'étranger. Les compétences des ces praticiens ne sont pas en cause et il faut se féliciter de leur présence car la situation serait bien pire sans eux. Pourtant, il serait souhaitable que ce gaspillage ne se reproduise pas pour les prochaines générations de médecins.

Le président Jean-Michel Dubernard a d'abord nuancé l'affirmation selon laquelle les personnels administratifs travailleraient à l'hôpital « par hasard ». En effet, ce n'est pas un choix professionnel à faire si l'on n'a pas envie d'être au service des autres ! Il a ensuite rappelé son attachement à l'idée que le malade doit être au cœur de l'hôpital, comme il a rappelé l'avoir exposé dans son ouvrage « L'hôpital a oublié l'homme ». Lorsque ce sera véritablement le cas, les enjeux de pouvoir passeront au second plan.

Après avoir félicité les membres de la mission pour la qualité du travail accompli, M. Pierre Hellier a relevé que si l'hôpital continue aujourd'hui de fonctionner, si l'acte technique est fait, cela n'exclut pas pour les personnels le stress et la dépression. De ce point de vue, le rapport sera particulièrement utile car les élus n'ont pas véritablement pris la mesure de la gravité de la situation. Il faut développer les coopérations entre les secteurs public et privé. Quant aux restructurations, elles sont bien évidemment nécessaires mais les mécanismes actuels ne sont pas satisfaisants car le pouvoir des ARH est trop absolu. Ces agences pourraient à l'avenir travailler avec des conseils régionaux de l'hospitalisation.

Après avoir souligné que les différentes interventions complétaient utilement la présentation du rapport, M. René Couanau a formulé plusieurs observations :

- Pour la santé comme pour les autres domaines, il n'y aura pas de déconcentration sans le développement correspondant de la démocratie locale. Si les ARH sont tellement critiquées, c'est essentiellement parce qu'elles ne pratiquent pas la concertation.

- L'appel au bon sens et au pragmatisme a été entendu par la mission ; elle recommande donc de commencer par appliquer les textes existants, notamment en ce qui concerne les centres de responsabilité.

- On ne peut pas affirmer que les personnels administratifs travaillent à l'hôpital « par hasard ». Compte tenu des lourdes responsabilités et du niveau des rémunérations, on ne devient pas directeur d'hôpital sans raison.

- La mission a considéré que le service doit demeurer l'unité de base car il constitue le cercle soignant le plus proche du malade. Les services ont cependant vocation, dans les établissements les plus importants, à s'intégrer dans des centres de responsabilité.

- Il faut effectivement savoir qui pilote le système de l'assurance-maladie pour pouvoir organiser un financement optimal des établissements de santé.

- Le rapport de la mission n'est pas un rapport rédigé par des experts à la demande du ministre, mais un rapport d'information parlementaire, qui doit susciter une réelle volonté politique de modifier l'organisation du système hospitalier public. Ce rapport n'a pas vocation à déboucher sur une « grande œuvre » législative. En revanche, il devra être suivi d'effets afin que l'hôpital se réorganise dans l'intérêt du malade.

- Comme M. Yves Bur l'a rappelé, l'hospitalisation à domicile doit être développée. Il convient de souligner le travail en réseau effectué par des médecins désireux de prendre des responsabilités à l'extérieur d'un monde hospitalier considéré comme trop institutionnalisé et rigide.

- La contribution du groupe socialiste est intéressante sur de nombreux points, notamment en ce qui concerne la démographie médicale. Elle sera intégrée au rapport.

- Comme l'a souligné le président Jean-Michel Dubernard, il faut tout construire à partir du premier cercle autour du malade, ce qui évite des cloisonnements et une balkanisation.

- S'agissant de la tarification à l'activité, même si les conditions ne sont pas encore toutes remplies, il faut un choc, qui doit être accompagné.

En guise de conclusion, M. René Couanau a expliqué que le plan Hôpital 2007 est sans conteste une chance pour amorcer la réforme. Les dotations financières importantes du plan doivent être assorties d'engagement allant dans le sens de la réforme, qu'il s'agisse de l'organisation des responsabilités ou de la contractualisation des objectifs avec les ARH. Ces crédits doivent être distribués de manière à susciter les évolutions indispensables de l'hôpital public.

La commission a décidé, en application de l'article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d'information en vue de sa publication.

*

La commission a examiné, sur le rapport de M. Emmanuel Hamelin, le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la rémunération au titre du prêt en bibliothèque et renforçant la protection sociales des auteurs  - n° 248.

M. Emmanuel Hamelin, rapporteur, a précisé que le projet de loi relatif à la rémunération du prêt en bibliothèque et renforçant la protection sociale des auteurs a été adopté à l'unanimité par le Sénat le 8 octobre 2002. Cela traduit la nature consensuelle de ce projet qui reprend un texte élaboré sous la précédente législature et qui a fait l'objet d'une large concertation. Le développement de l'activité des bibliothèques depuis une vingtaine d'années n'a fait que poser avec plus d'acuité la question de la rémunération des auteurs par un mode de diffusion de leurs œuvres. Pour dix livres achetés, il y avait en 1970 un livre emprunté contre cinq livres empruntés aujourd'hui. Les achats effectués par les réseaux de bibliothèques ont par ailleurs plus que doublé entre 1980 et 1998, passant de 3 à 8 millions de volumes.

Il s'agit donc d'un dossier complexe qui met en jeu, pour régler l'épineuse question de l'équitable rémunération des auteurs pour les prêts en bibliothèque, plusieurs critères d'appréciation : les notions de droit d'auteur et de propriété intellectuelle, les principes fondateurs de service public et de politique culturelle et, enfin, les mécanismes économiques de l'ensemble de la chaîne du livre. Tout cela dans un contexte de mutations technologiques sans précédent qui bouleverse toutes les données et fragilise le livre.

Ce projet de loi met en place un dispositif d'exception au droit exclusif de prêt dont disposent les auteurs, confirmé par une directive européenne de 1992, et crée une licence légale qui conforte les bibliothèques dans l'exercice de leur mission de service public et leur assure un droit de prêter qui ne sera plus désormais susceptible d'être contesté. En contrepartie, les auteurs et les éditeurs recevront une rémunération au titre du prêt, dont la gestion est confiée à une ou plusieurs sociétés de perception et de répartition de droits. Le projet de loi reprend pour cette société les critères d'agrément des sociétés de gestion collective applicables, depuis 1995, en matière de reprographie.

Les ressources dégagées par ce droit de prêt, qui sera financé par l'Etat ainsi que par un prélèvement sur le prix de vente des livres aux bibliothèques, donneront lieu à une double utilisation : le versement de droits d'auteur (partagés entre l'auteur et l'éditeur), qui seront calculés sur la base du nombre de livres achetés chaque année par les bibliothèques de prêt et non du nombre de prêts par œuvre ; le financement d'un régime de retraite complémentaire pour les auteurs et traducteurs, affiliés à l'Association pour la gestion de la sécurité sociale (AGESSA), qui sont les seuls créateurs, à ne pas bénéficier à ce jour d'un tel régime.

Enfin, le texte tend à renforcer les équilibres de la chaîne économique du livre et à soutenir le réseau des librairies en plafonnant les rabais autorisés sur la vente d'ouvrages aux collectivités, afin que la mise en œuvre du droit de prêt ne se fasse pas au détriment des plus petits fournisseurs.

En première lecture, le Sénat n'a pas remis en cause la logique du texte, tout en soulignant sa complexité et son coût. Il a adopté plusieurs modifications qui, dans l'ensemble, ont permis de simplifier la rédaction du projet initial et de préciser les conditions de son application. Quelques points font cependant encore débat, qui seront développés dans le cadre des amendements présentés lors de l'examen des articles.

Après l'exposé du rapporteur, M. Patrick Bloche a tout d'abord rappelé que de grands efforts ont été fait en France depuis vingt ans en faveur de la lecture publique et que tout Français réside aujourd'hui à moins d'un quart d'heure d'une bibliothèque. De plus, les sondages montrent que pour la majorité des Français, une personne cultivée est une personne qui lit.

Le projet de loi examiné aujourd'hui est un texte de consensus qui résulte d'un long travail de médiation. Ce texte a su trouver un juste équilibre entre la rémunération due aux auteurs et aux éditeurs et la gratuité attachée au prêt en bibliothèque. Le dispositif de licence légale mis en place est un très bon outil de sécurité juridique. Il convient également de se féliciter de la création, grâce au droit de prêt, d'un régime complémentaire de retraite pour les auteurs et les traducteurs.

Enfin ce texte conforte l'esprit de la loi du 10 août 1981 sur le prix unique du livre, qui est aujourd'hui pris en modèle dans de nombreux pays européens souhaitant instituer un prix unique européen du livre.

En conclusion, ce projet de loi est un bon projet qui permettra de préserver le réseau des librairies indépendantes. Il recevra, à ce titre, le soutien du groupe socialiste.

La commission est ensuite passée à l'examen des articles du projet de loi.

Article premier (articles L. 133-1 à L. 133-4, L. 335-4 et L. 811-1 du code de la propriété intellectuelle) : Rémunération au titre du prêt en bibliothèque et modalités de sa répartition

La commission a adopté un amendement du rapporteur limitant la portée de l'article L. 133-1 du code de la propriété intellectuelle à l'affirmation du droit à rémunération pour l'auteur et renvoyant à l'article L. 133-4 la définition des modalités de répartition de cette rémunération, afin de lever toute ambiguïté sur la nature de la rémunération reçue par l'éditeur.

La commission a examiné un amendement du rapporteur revenant sur une disposition adoptée par le Sénat en première lecture qui dispose que le « prêt payé à l'achat » sera assis sur le prix public de vente des seuls livres achetés « pour être prêtés », alors que le texte initial prenait en considération l'ensemble des livres achetés par les bibliothèques de prêt, quelle que soit leur destination.

Le rapporteur a indiqué que si la disposition adoptée par le Sénat se conforme fidèlement à la directive du 19 novembre 1992 relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle, elle est néanmoins d'une mise en œuvre extrêmement délicate. Elle va en effet contraindre les bibliothèques à codifier chaque exemplaire acheté, soit environ 10 millions chaque année pour l'ensemble des bibliothèques françaises, ce qui constitue une charge de travail disproportionnée au regard de la faible proportion que représentent les livres uniquement en consultation dans les fonds des bibliothèques (entre 5 et 10 %).

Mme Martine Billard a souhaité savoir si les médiathèques sont inclues dans le champ d'application de ce texte, qui utilise le terme un peu ancien de « bibliothèque ». De plus, les usagers des médiathèques empruntent aussi bien des vidéos que des disques mais pas forcément des livres. On peut donc craindre des difficultés pratiques d'application des dispositions prévues par le projet de loi.

Après que le rapporteur a indiqué que le droit de prêt ne concerne que les livres et que la notion de bibliothèque est clairement définie dans les textes d'application de la loi du 10 août 1981 sur le prix du livre, la commission a adopté cet amendement.

La commission a examiné un amendement du rapporteur proposant une nouvelle rédaction du deuxième alinéa de l'article L. 133-4 du code de la propriété intellectuelle, qui détermine les modalités de répartition de la première part de la rémunération au titre du droit de prêt.

Le rapporteur a expliqué que cette nouvelle rédaction pose tout d'abord le principe d'une répartition à parts égales de la rémunération entre les auteurs et leurs éditeurs, qui avait été remise en cause par le Sénat, et répond au souhait de l'ensemble de la profession. L'amendement effectue également une modification de coordination avec l'amendement précédent en ce qui concerne la référence aux livres achetés par les bibliothèques de prêt et crée pour les fournisseurs des bibliothèques, c'est-à-dire les libraires et les grossistes, une obligation de transmettre à la ou aux sociétés de gestion collective les informations nécessaires à la gestion de la rémunération au titre du prêt.

La commission a adopté cet amendement puis l'article premier ainsi modifié.

Article 2 (articles L. 382-11 à L. 382-13 du code de la sécurité sociale) : Affiliation des auteurs et des traducteurs à un régime de retraite complémentaire

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 3 (article 6 de l'ordonnance n° 98-731 du 20 août 1998 portant adaptation aux départements d'outre-mer, à la Nouvelle-Calédonie et à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon de diverses dispositions relatives aux affaires sanitaires et sociales) : Régime complémentaire d'assurance vieillesse des auteurs affiliés au régime d'assurance vieillesse de Saint-Pierre-et-Miquelon

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 4 (article 3 de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre) : Plafonnement des rabais sur le prix public de vente des livres

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 4 bis : Rapport au Parlement

La commission a examiné un amendement du rapporteur allégeant la rédaction de l'article pour prévoir simplement que le gouvernement devra présenter au Parlement, deux ans après la publication de la loi, un rapport qui fera le point sur l'application du texte ainsi que sur ses incidences financières.

M. Patrick Bloche a regretté que cet amendement revienne sur la rédaction proposée par les sénateurs socialistes qui a le mérite de poser des exigences précises à l'égard du gouvernement.

Mme Martine Billard a exprimé son désaccord avec cet amendement qui, en supprimant les demandes d'études d'impact des nouvelles mesures, est de nature à rouvrir le débat entre auteurs et bibliothèques, alors que l'accord a été délicat à obtenir. Il convient notamment d'être vigilant sur la diminution de crédits d'acquisition des bibliothèques que ce texte risque d'entraîner.

Le rapporteur a souligné qu'en précisant trop le contenu de ce rapport, on risque d'oublier certains éléments et d'aboutir, finalement, à une rédaction plus restrictive. De plus, l'amendement précise justement que le rapport devra porter sur les incidences financières de la réforme, quelles qu'elles soient.

Après que M. Patrick Bloche a indiqué que la rédaction du Sénat n'est pas restrictive et garantit au contraire la remise d'un rapport instructif, la commission a adopté cet amendement puis l'article 4 bis ainsi modifié.

Article 5 : Entrée en vigueur et dispositions transitoires

La commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à éviter que l'ensemble des marchés d'achats de livres ne soient invalidés à la date d'entrée en vigueur de la loi et faisant en sorte que les dispositions de la présente loi s'appliquent à l'ensemble des marchés au plus tard un an après sa date d'entrée en vigueur.

La commission a adopté l'article 5 ainsi modifié.

La commission a ensuite adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.

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La commission a examiné, sur le rapport de M. Lionnel Luca, le projet de loi portant ratification de l'ordonnance n° 2000/549 du 15 juin 2000 relative à la partie législative du code de l'éducation - n° 570 rectifié.

M. Lionnel Luca, rapporteur, a indiqué que l'inscription de ce projet de loi à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale constitue un achèvement à un double titre. Achèvement tout d'abord du processus résultant de l'article 38 de la Constitution en vertu duquel le Gouvernement peut être habilité à prendre par ordonnances des mesures relevant du domaine législatif ; achèvement ensuite d'un long travail de codification entamé dès 1991.

Il s'agit là d'un bel exemple de simplification administrative puisque ce sont ainsi près de cent vingt textes législatifs, dont une dizaine de lois adoptées au cours de la seconde moitié du XIXème siècle - en particulier les grands textes fondateurs de l'école républicaine des débuts de la IIIème République - qui font place à quelque 1 000 articles codifiés.

Sans revenir sur le détail des différentes péripéties qui ont émaillé cette œuvre de codification, rappelons que le projet de loi n'a pas pu être inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale en 1997 en dépit des travaux que lui avait consacrés la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Le Parlement ayant ensuite habilité le gouvernement à adopter par voie d'ordonnances la partie législative de certains codes, celui-ci a adopté l'ordonnance du 15 juin 2000 à laquelle est annexée la partie législative du code de l'éducation très largement inspirée des travaux antérieurs de la commission.

Conformément aux dispositions de la loi d'habilitation, le projet de loi de ratification a été déposé devant le Parlement dans un délai de deux mois à compter de la publication de l'ordonnance, soit le 27 juillet 2000, et il est aujourd'hui soumis à l'Assemblée nationale après avoir été adopté à l'unanimité par le Sénat le 28 janvier dernier.

Le présent projet de loi obéit à trois objectifs : garantir la sécurité juridique, actualiser le contenu du code annexé à l'ordonnance, parfaire la rédaction du code.

Il s'agit tout d'abord de garantir la sécurité juridique. Le code de l'éducation, entré en vigueur dès la promulgation de l'ordonnance signée par le Président de la République, a en effet été rapidement adopté tant par les usagers que par les administrateurs du système éducatif car il apporte une vraie simplification : ses articles se substituent à ceux des lois codifiées qui sont abrogées et quiconque souhaite prendre connaissance de la législation dispose instantanément de l'ensemble du dispositif.

C'est la raison pour laquelle il convient de lever toute source d'ambiguïté sur le statut des dispositions contenues dans le code et promulguées par voie d'ordonnance par rapport à d'autres dispositions législatives qui pourraient leur être concurrentes. La question se pose en particulier pour les « lois fondatrices » transposées dans le code sans vote exprès du législateur. D'où la nécessité de donner force législative au code - tel est l'objet de l'article 1er - et d'abroger en conséquence les lois codifiées.

Par ailleurs, le gouvernement a souhaité garantir la sécurité juridique des concours d'agrégation déjà engagés et lever à cet effet une difficulté d'interprétation de la loi du 9 mai 2001 relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Le deuxième objectif est d'actualiser le contenu du code annexé à l'ordonnance. Il convient tout d'abord de relever que le code de l'éducation actuellement soumis à la ratification du Parlement n'est plus exactement le même que celui qui était annexé à l'ordonnance du 15 juin 2000. En effet, depuis son entrée en vigueur, à la date de promulgation de l'ordonnance, plusieurs lois et ordonnances sont venues modifier certaines de ses dispositions.

Parallèlement à l'élaboration de l'ordonnance du 15 juin 2000 relative au code de l'éducation, le Parlement a adopté la loi n° 2000-627 du 6 juillet 2000 qui modifie la loi du 16 juillet 1984 sur l'organisation et la promotion des activités physiques et sportives ainsi que la loi d'orientation sur l'enseignement technologique du 16 juillet 1971, dont certaines dispositions sont intégrées dans le code de l'éducation. Par un hasard malencontreux, l'ordonnance du 15 juin 2000 a été publiée le jour même de l'adoption définitive de la loi du 6 juillet 2000. Cette coïncidence n'a permis ni à l'ordonnance de codification, ni à la loi du 6 juillet 2000 de tenir compte des modifications qu'elles auraient dû mutuellement s'apporter. Ce hiatus est source d'erreurs en dépit de l'avertissement liminaire inséré dans l'actuelle édition du code. Les articles 2, 3 et 4 du projet de loi ont pour objet de remédier à cette situation.

Enfin, le projet de loi entend parfaire la rédaction du code. Conformément aux règles habituelles de la codification, le code de l'éducation a été élaboré à droit constant, c'est à dire qu'il ne comporte aucune modification du fond des règles codifiées. Aussi le Sénat s'est-il abstenu de procéder à des modifications touchant au contenu de ces règles. En revanche, il a adopté un certain nombre de corrections ponctuelles qui, sans remettre en cause le principe de la codification à droit constant, permettent de corriger les erreurs subsistant à l'issue des travaux de la commission de codification.

De fait, les quelque trente mois qui se sont écoulés entre l'entrée en vigueur de la partie législative du code de l'éducation et sa prochaine ratification ont permis de corriger un certain nombre d'inexactitudes ou d'erreurs matérielles, qui ont d'ailleurs été souvent signalées par les utilisateurs du texte.

En outre, le Sénat a souhaité combler une lacune du code en rendant applicables aux territoires de Wallis-et-Futuna, de Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie deux dispositions relatives respectivement au projet d'orientation universitaire et professionnel élaboré par chaque étudiant et à l'aménagement des études des sportifs de haut niveau.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Yves Durand a indiqué que le principe de « codification à droit constant » conduit par définition à ne pas apporter de modification de fond au corpus législatif et à se limiter au perfectionnement de la rédaction du code. En 1997, lors de l'examen du projet de loi de codification par la commission, il était apparu que le travail de codification outrepassait ce principe et il avait alors fallu convaincre le gouvernement de s'y tenir. A présent il n'y a plus rien à redire à ce sujet et le groupe socialiste est donc favorable au projet de loi.

M. Edouard Landrain a regretté la coïncidence temporelle entre la publication de l'ordonnance du 15 juin 2000 et l'adoption définitive de la loi du 6 juillet 2000 sur l'organisation et la promotion des activités physiques et sportives qui a sans doute été trop rapidement mise en place, au point qu'il a été nécessaire de recourir à la voie réglementaire pour tirer au clair la situation de nombreux professionnels intermittents du sport.

Par ailleurs, l'article 3 du projet de loi, qui actualise des dispositions issues de la loi sur l'organisation et la promotion des activités physiques et sportives du 16 juillet 1984, vise certains articles qui font obligation, dans des conditions imprécises, aux collectivités locales de mettre à disposition de l'éducation nationale des installations sportives. Ces articles mériteraient d'être clarifiés.

Mme Béatrice Vernaudon a indiqué qu'elle a déposé une série d'amendements tendant à faire respecter le statut d'autonomie de la Polynésie française. L'Etat qui n'est en effet compétent dans ce territoire qu'en matière d'enseignement supérieur a étendu à l'occasion de la codification des dispositions d'ordre général qui empiètent sur les compétences du territoire.

Il est regrettable que le Conseil d'Etat ait rejeté le recours pour excès de pouvoir présenté par le gouvernement de la Polynésie française contre l'ordonnance du 15 juin 2000. Dans sa décision du 29 mars 2002, le Conseil d'Etat a ainsi jugé que ladite ordonnance n'était en rien contraire au statut du territoire fixé par la loi organique de 1996. En désaccord avec cette analyse, le gouvernement de la Polynésie française a donc souhaité que soit modifié le code de l'éducation pour mettre fin aux empiètements de l'Etat. Lors de l'examen du projet de loi par le Sénat, une série d'amendements ont été déposés à cet effet.

La nouvelle procédure de déclassement par le Conseil constitutionnel des dispositions législatives empiétant sur les compétences du territoire, introduite par le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République, ne sera applicable qu'à compter de l'adoption d'un nouveau statut du territoire de la Polynésie française par voie de loi organique, sans doute pas avant l'automne 2003.

Après avoir annoncé qu'elle présenterait ses amendements à l'occasion de l'examen du projet de loi de programmation relative à l'outre-mer, lequel contiendra des dispositions visant à supprimer toute une série d'empiètements de l'Etat sur les compétences du territoire, Mme Béatrice Vernaudon les a retirés.

La commission a ensuite adopté l'ensemble du projet de loi sans modification.

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La commission a examiné, sur le rapport de M. Jean Michel, sa proposition de loi visant à jumeler chaque école française avec une école de l'Union européenne - n° 583.

M. Jean Michel, rapporteur, a tout d'abord rappelé qu'au mois de mai dernier, et pour la neuvième année consécutive depuis sa création en 1994, s'est déroulé le Parlement des enfants. Le principe en est bien connu : 577 élèves de CM2, venus de 577 écoles primaires situées sur le territoire des circonscriptions législatives, sont invités, le temps d'une journée, à représenter leurs camarades de classe en tant que « députés juniors ».

Le Parlement des enfants 2002 a couronné le texte présenté par l'école élémentaire de Châteaugay, située dans la sixième circonscription du Puy-de-Dôme dont le rapporteur est l'élu. Elle vise à jumeler chaque école française avec une école de l'Union européenne. Son dispositif en est simple et bref. Il se compose de deux articles : le premier instaure le jumelage et le second dispose que des rencontres seront organisées entre les écoles jumelées, sous réserve de réciprocité.

Cette proposition de loi répond à trois objectifs. Premièrement, renforcer les partenariats entre les écoles françaises et les établissements scolaires des pays de l'Union européenne et des pays candidats à l'intégration à l'échéance du 1er mai 2004. Deuxièmement, faire découvrir aux écoliers la richesse culturelle de l'Union européenne et diffuser la langue et la culture françaises dans l'espace européen. Troisièmement, développer l'utilisation des nouvelles technologies de communication à l'école.

Si, au niveau européen, des partenariats existent déjà dans l'enseignement secondaire et dans l'enseignement supérieur, de tels liens sont jusqu'à présent très largement absents du cycle primaire. Au lycée, la création des filières bilingues franco-allemandes et, plus globalement, la mise en place de délégués académiques aux relations internationales et à la coopération (DARIC) ont permis de développer les relations entre les élèves français et leurs homologues européens. A l'université, le dispositif européen Erasmus encourage la mobilité des étudiants et la connaissance des langues européennes.

En ce qui concerne l'enseignement scolaire, force est de constater que le dispositif Comenius mis en œuvre dans le cadre du programme d'action communautaire Socrates, et dont le but est précisément de développer les partenariats entre établissements du cycle primaire au niveau européen, n'a pas rencontré un grand succès dans notre pays. A ce jour seules quelques dizaines d'écoles primaires, sur les 57 000 que compte la France, se sont engagées dans ce programme.

Grâce au jumelage des écoles, les programmes de partenariat à l'échelle européenne couvriront l'ensemble du cycle scolaire. Encouragés dès leur plus jeune âge à élaborer des projets en commun avec leurs camarades européens, les écoliers français seront d'autant plus enclins à poursuivre ce type d'échanges une fois parvenus au second degré puis aux études supérieures.

Le jumelage des écoles offrira ainsi aux écoliers la possibilité, par l'expérience vécue, de mieux connaître l'espace européen, dans toutes ses dimensions : sa géographie, son histoire, ses langues, ses cultures, ses traditions, les populations qui le composent. En effet, réduire cette proposition de loi au soutien de l'apprentissage de la langue étrangère enseignée au cycle primaire conduirait inévitablement à entériner la domination de l'anglais et de la culture anglo-saxonne au détriment des autres langues et cultures dont la diversité constitue précisément la richesse de l'Union européenne.

Ainsi, selon le choix de leur école, les élèves français pourront aussi bien nouer des liens avec les enfants d'un pays avec lequel la France entretient historiquement des relations culturelles fortes (notamment parmi les candidats à l'intégration à l'échéance du 1er mai 2004, la Roumanie ou la Pologne), qu'initier un partenariat avec un pays où la culture française est traditionnellement moins implantée. Cette liberté de choix qui laisse la porte ouverte à une grande diversité des échanges constitue une chance pour la langue française de renforcer sa présence dans sa zone d'influence existante et de se diffuser hors de son espace traditionnel. Elle constitue, pour l'Union européenne, une opportunité d'apparaître autrement que comme une structure politique et administrative complexe. Accoutumés dès l'enfance à envisager l'Europe dans la multiplicité des langues et des cultures qui la fondent, les enfants, une fois devenus adultes, seront naturellement porteurs d'un projet européen à visage humain et respectueux des traditions propres à chacun des États membres.

Enfin, ce texte est une opportunité offerte aux enfants de mieux se familiariser avec les nouvelles technologies de communication et, en premier lieu, internet. Le jumelage des écoles conduira les élèves à utiliser fréquemment les ordinateurs mis à leur disposition dans les écoles pour communiquer avec leurs correspondants européens. Il constituera une raison supplémentaire de combler le retard de nos écoles en équipements informatiques. En ce domaine, la France occupe en effet le dixième rang européen.

En conclusion, le rapporteur a souligné que ce texte, parce qu'il associe la jeunesse, porteuse d'avenir, et l'école, qui enseigne le respect de l'autre et les valeurs de la démocratie, constitue le meilleur vecteur pour perpétuer et renforcer cette œuvre de paix qu'est - et, il faut l'espérer, que restera - l'Union européenne.

La commission est ensuite passée à l'examen des articles de la proposition de loi.

Article 1er

La commission a examiné un amendement de M. Edouard Landrain tendant à ne pas limiter à une seule école de l'Union européenne la possibilité de jumelage ouverte à chaque école française.

Après que le rapporteur a donné un avis favorable à cet amendement, la commission l'a adopté.

La commission a adopté l'article1er ainsi modifié.

Article 2

La commission a adopté l'article 2 sans modification

La commission a ensuite adopté l'ensemble de la proposition de loi ainsi rédigée.

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