COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 51

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 2 juillet 2003
(Séance de  14 heures 30)

12/03/95

Présidence de M. René Couanau, vice-président.

SOMMAIRE

 

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Examen pour avis du titre III (procédure de rétablissement personnel) du projet de loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine - n° 950 (Mme Cécile Gallez, rapporteure pour avis)

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La commission a examiné, pour avis, sur le rapport de Mme Cécile Gallez, le titre III du projet de loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine - n° 950.

Mme Cécile Gallez, rapporteure pour avis, a souligné la gravité du problème social que constitue le surendettement, particulièrement sensible dans les quartiers difficiles. Il existe 600 000 familles surendettées, dont plus de 200 000 réellement démunies. Le rythme de dépôt des dossiers de surendettement s'accélère : on évalue à 170 000 les dossiers qui seront déposés en 2003. 64 % de ces cas résultent d'un accident de la vie ; dans 72 % des dossiers, les revenus sont inférieurs à 1 500 euros et dans 42 %, inférieurs au SMIC. Dans 27 % des cas la capacité de remboursement est nulle ; dans les autres, le « reste à vivre » laissé aux surendettés dans le cadre des plans d'apurement des commissions de surendettement ne permet pas, le plus souvent, une vie décente.

La « loi  Neiertz » du 31 décembre 1989, utile en son temps, montre ses limites. Une réforme est donc nécessaire et la gravité du problème justifie que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales se soit saisie sur les articles 27 et 28 du projet de loi pour la ville et la rénovation urbaine. L'objectif de ces articles est de « permettre à des ménages surendettés et insolvables, en raison de la faiblesse de leurs ressources et de leur incapacité à rembourser leurs dettes, de voir leur situation apurée ». Il s'agit de leur donner une nouvelle chance, d'abord en complétant le dispositif existant de la commission de surendettement, ensuite en y ajoutant une procédure collective au bénéfice des particuliers. Cette procédure, inspirée de la faillite civile en vigueur en Alsace-Moselle, est dénommée « procédure de rétablissement personnel » : elle pourra aboutir à un effacement des dettes.

Le nouveau dispositif maintient une entrée unique par la commission de surendettement, qui jugera de la recevabilité du dossier, l'instruira et, si elle estime la situation viable, élaborera un plan d'apurement. Mais si la commission estime la situation irrémédiablement compromise, elle enverra le dossier, avec l'accord du débiteur, au greffe du tribunal d'instance. Ce dernier ouvrira alors une procédure de rétablissement personnel et nommera un professionnel du droit pour vérifier le passif et l'actif et effectuer un bilan. Le juge décidera, au vu du rapport du professionnel, soit d'un plan de redressement si la liquidation peut être évitée, soit d'une clôture sans liquidation mais avec effacement total des dettes lorsque l'actif du débiteur est très faible, soit d'une liquidation des actifs suivie de l'effacement total des dettes.

Les mesures proposées constituent une avancée intéressante d'un point de vue social, car elles offriront un nouveau départ dans la vie à plusieurs milliers de familles actuellement en marge de la société et permettront leur réintégration dans les mécanismes de l'économie, limitant de ce fait le coût social de ces familles.

Un accompagnement social fort est prévu par le projet de loi, qui propose l'intégration au sein de la commission de surendettement de deux nouveaux membres (un juriste et un conseiller en économie sociale et familiale), l'établissement d'un bilan économique et social de la situation du débiteur par le mandataire désigné par le juge dans le cadre de la nouvelle procédure, la possibilité pour le juge de faire procéder à une enquête sociale et la présence obligatoire d'un travailleur social à l'audience d'ouverture.

D'autres mesures du projet sont également très importantes, en premier lieu la banalisation du traitement des dettes fiscales, mesure fondamentale car la remise ou le rééchelonnement de ces dettes, déjà envisagés lors de la discussion de la loi de lutte contre l'exclusion en 1998, dépendaient jusqu'à présent uniquement de l'administration fiscale et non de la commission. Ils étaient rarement mis en œuvre ; or les dettes fiscales sont une des principales raisons du non-respect par les débiteurs des plans établis par la commission. Les autres avancées du projet sont :

- le plafonnement de la durée des plans d'apurement élaborés par les commissions et l'interdiction de les reconduire ;

- la suspension immédiate des poursuites dès l'ouverture de la procédure de rétablissement personnel par le juge ;

- la publicité et la vérification systématique des créances, qui garantiront un traitement global et équitable de celles-ci ;

- l'effacement des dettes.

Toutefois, ce nouveau dispositif doit être clarifié et complété, dans un souci d'éviter les effets pervers de toute nouvelle loi et de ménager un équilibre entre créanciers et débiteurs. En particulier, il convient, suivant les recommandations du Conseil économique et social, de réserver un soin particulier au logement principal du débiteur, en s'efforçant d'éviter sa vente dans le cadre des plans d'apurement des commissions de surendettement et, lorsqu'il doit être liquidé lors d'un « rétablissement personnel », en entourant sa vente de précautions. Il est également très important de préciser le traitement des dettes de caution, qui sont trop souvent assimilées à des dettes professionnelles. En outre, le problème du surendettement des professions libérales ou des anciens commerçants et artisans n'est pas réglé, ni même évoqué par le projet de loi, ce qui est une injustice notoire. Surtout, il est nécessaire de compléter les mesures d'urgence proposées, nécessaires pour répondre à l'exclusion financière et sociale de centaines de milliers de nos concitoyens, par un volet de prévention. Le projet comprend de substantielles avancées en matière d'accompagnement social mais il n'est en aucun cas suffisant en ce qui concerne la prévention. L'instauration d'un registre « positif » des opérations de crédit aux particuliers, comme il en existe dans bien des pays, permettrait de responsabiliser et les emprunteurs et les prêteurs.

Globalement, sous réserve de quelques aménagements, la présente réforme achève l'édifice construit depuis 1989. Tout en maintenant un équilibre avec les droits des créanciers, elle offrira une seconde chance, dans la société contemporaine si dure à « ceux qui trébuchent ».

Un débat a suivi l'exposé de la rapporteure pour avis.

M. Georges Colombier a apporté son soutien total au projet de loi, observant que même lorsque les particuliers doivent se séparer de leurs biens, ils préfèrent repartir de zéro.

M. Bernard Perrut a estimé très opportun que le texte comporte un volet axé sur la prévention et jugé préférable que l'inscription au registre des opérations de crédits proposé par la rapporteure pour avis soit obligatoire.

Mme Béatrice Vernaudon a précisé que le dispositif créé par la « loi Neiertz » ne s'applique pas aux collectivités d'outre-mer. Les députés de ces collectivités demandent donc l'élargissement de son application à ces zones, ce qui ne peut passer que par l'habilitation du gouvernement à procéder par voie d'ordonnance. Si le gouvernement ne prend pas l'initiative d'un amendement en ce sens, il faut absolument que les membres de la commission s'assurent que la version finale du texte comporte une telle extension.

La rapporteure pour avis a suggéré à Mme Béatrice Vernaudon d'attirer l'attention du rapporteur pour la commission des affaires économiques sur ce point. Elle a répondu à M. Bernard Perrut que, selon toute vraisemblance, les personnes souhaitant emprunter ne pourraient trouver un crédit à des conditions satisfaisantes qu'en acceptant la consultation du registre « positif » et l'inscription de l'opération sur ce registre.

La commission a ensuite examiné les articles du projet de loi sur lesquels elle s'est saisie pour avis.

Article additionnel avant l'article 27 : Rapport du gouvernement

Après que la rapporteure pour avis a indiqué qu'aucune procédure ne permet de traiter les situations d'insolvabilité des professions libérales et des anciens commerçants et artisans, la commission a adopté un amendement de la rapporteure pour avis demandant au gouvernement de déposer un rapport sur les mesures à prendre pour assurer un traitement équitable de ces situations.

Article 27 : Création d'une procédure de rétablissement personnel

La rapporteure pour avis a jugé indispensable qu'une action sociale préventive soit menée, notamment en milieu scolaire et en direction des familles, et présenté un amendement instaurant systématiquement une cellule de prévention et de suivi auprès des commissions de surendettement. Répondant à une question de M. René Couanau, président, elle a considéré que cet amendement ne complexifie pas outre mesure la procédure.

La commission a adopté cet amendement.

La commission a ensuite adopté un amendement de la rapporteure pour avis visant à améliorer la prise en compte, par les commissions de surendettement, de la situation des personnes s'étant portées caution et proposant que le pouvoir réglementaire fixe une majoration forfaitaire du « reste à vivre » par personne à charge, solution alternative, plus simple et mieux cadrée, à l'exclusion pour ce calcul des « prestations insaisissables » prévue par le projet.

La commission a examiné un amendement de la rapporteure pour avis ayant pour objet d'instituer une procédure d'alerte.

La rapporteure pour avis a précisé qu'il s'agit de prévoir que tout magistrat constatant une situation probable de surendettement à l'occasion d'un contentieux quelconque en informe la commission de surendettement.

Après avoir rappelé qu'à chaque passage de l'huissier dans le cadre d'une procédure judiciaire la dette de l'intéressé augmente, M. Pierre Hellier a approuvé cet amendement.

La commission a adopté l'amendement.

La commission a examiné un amendement de la rapporteure pour avis proposant une protection particulière pour la liquidation des biens immobiliers dans la procédure de rétablissement personnel.

La rapporteure pour avis a indiqué que conformément au droit applicable en Alsace-Moselle, dans lequel le débiteur est associé à la liquidation de ses biens, le présent amendement prévoit que le liquidateur envisageant de vendre un bien immobilier informe obligatoirement le débiteur des conditions de la transaction projetée ; le débiteur aurait alors un mois pour demander au juge de faire opposition à la réalisation de la vente.

La commission a adopté l'amendement.

La commission a adopté un amendement de la rapporteure pour avis portant de cinq à huit ans la durée d'inscription au fichier des incidents de paiement des personnes ayant bénéficié de la procédure de rétablissement personnel.

La commission a examiné un amendement de la rapporteure pour avis proposant dans un souci de responsabilisation que la procédure de rétablissement personnel ne soit offerte qu'une seule fois dans une vie.

La rapporteure pour avis a rappelé que le texte doit maintenir un équilibre entre les débiteurs, qui ne doivent pas croire que la nouvelle procédure permettra à tout un chacun d'échapper facilement à ses dettes, et les prêteurs, afin de ne pas décourager l'offre de crédit.

La commission a adopté cet amendement.

La commission a adopté deux amendements de la rapporteure pour avis prévoyant une dérogation aux durées maximales des plans d'apurement institués par le projet ; cette dérogation concernerait exclusivement les prêts immobiliers destinés à l'acquisition d'une résidence principale dont le débiteur conserverait la propriété dans le plan.

La commission a examiné un amendement de la rapporteure pour avis instaurant un registre dans lequel seraient recensées toutes les opérations de crédit aux particuliers avec leurs principales caractéristiques.

La rapporteure pour avis a indiqué avoir entendu sur ce sujet des associations familiales et de consommateurs parmi les plus représentatives qui, à sa surprise, se sont ralliées à cette idée. Le présent amendement entoure de garanties multiples le registre qu'il est proposé d'instituer : outre la protection générale résultant de la loi relative à l'informatique et aux libertés, il serait prévu un accord explicite obligatoire de l'emprunteur pour la consultation du fichier et l'inscription des opérations de crédit, la gestion par la Banque de France, seule habilitée (avec les autres organismes de service public) à exploiter le registre à des fins statistiques, et l'interdiction de tout usage commercial du registre.

La commission a adopté cet amendement.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 27 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 27 : Rapport du gouvernement

La commission a adopté un amendement de la rapporteure pour avis prévoyant le dépôt, en 2008 au plus tard, d'un rapport d'évaluation de la mise en œuvre de la présente loi.

Article 28 : Applicabilité de la saisine du juge d'instance aux demandes antérieures à la publication de la loi

La commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 28 sans modification.

Puis elle a donné un avis favorable à l'adoption des articles du projet de loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine (n° 950) dont elle est saisie, ainsi modifiés.


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