COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 11

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 9 novembre 2004
(Séance de 17 heures 30)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

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- Examen pour avis des crédits de la Coopération et du Développement pour 2005, M. Jacques Godfrain,     rapporteur pour avis



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Examen pour avis du budget de la Coopération et du Développement pour 2005

M. Jacques Godfrain, Rapporteur pour avis, a estimé que l'année 2005 montrerait, plus encore que les années précédentes, que la coopération et l'aide au développement étaient une ardente obligation. En effet, se tiendra, en septembre prochain, le grand sommet des Nations unies sur les objectifs du millénaire qui aura pour objet d'établir un premier bilan de la mise en œuvre de ces objectifs cinq ans après leur définition. Par ailleurs, le Royaume-Uni a décidé de mettre au cœur de sa présidence du G8, l'an prochain, les questions de développement ainsi que l'Afrique.

Sans revenir sur les difficultés qui frappent les pays du Sud - la Côte d'Ivoire en est malheureusement un exemple - ni sur l'ampleur de la tâche à accomplir, on peut rappeler cependant qu'aujourd'hui plus d'un milliard de personnes vivent dans le plus extrême dénuement.

Si les questions de développement sont au cœur de l'actualité internationale, c'est aussi grâce aux initiatives du Président de la République, prises notamment lors de son intervention à l'ONU en septembre dernier, qui ont connu un formidable écho. La proposition, faite avec le Président du Brésil Lula da Silva, de trouver de nouvelles formes de financement pour l'aide au développement, sur le fondement en particulier des conclusions du rapport remis par M. Landau, a ouvert un large débat. Notre pays, dans le contexte international actuel, peut s'enorgueillir de cette initiative.

Avant d'en venir aux crédits pour 2005, il convient de constater qu'il n'est pas aujourd'hui toujours facile de cerner avec précision l'état de ces crédits pour deux raisons essentielles : c'est uniquement à la fin de l'exercice budgétaire que l'on connaît la réalité du montant de l'aide publique au développement parce que certaines dépenses comme celles, par exemple, relatives à l'aide aux étudiants étrangers ne sont connues qu'à la fin de l'année ; la seconde raison est que cette aide au développement recouvre des réalités diverses entre les dotations budgétaires, les allégements de dette, les crédits relevant du ministère des Affaires étrangères ou ceux du ministère des Finances. On doit ajouter que la nouvelle configuration des crédits de l'aide au développement dans le cadre de la loi organique relative à la loi de finances (LOLF) ne facilitera pas les choses puisque le périmètre délimité pour cette nouvelle mission budgétaire ne correspond pas tout à fait à celui qui sert actuellement de référence. Les comparaisons seront donc difficiles à établir.

Néanmoins et heureusement, nous pouvons nous fonder sur des perspectives claires qui ont été définies par le Président de la République et reprises par le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) de juillet dernier. L'objectif est, en effet, de parvenir à une aide publique au développement de 0,5 % du revenu national brut en 2007, ce qui constituerait une progression importante. Alors qu'en 2001, ce chiffre était de 0,32 %, il sera en 2004 de 0,42 % et en 2005 de 0,44 % du revenu national brut. L'objectif final est de parvenir à 0,7 % en 2012.

Le Gouvernement a engagé un véritable effort budgétaire puisqu'en 2004 les crédits totaux de l'aide au développement, y compris les allégements de dette, augmenteront de 400 millions d'euros pour atteindre 6,8 milliards d'euros et, en 2005, la hausse sera de 700 millions d'euros pour un montant total de 7,5 milliards d'euros. On constate que l'Afrique subsaharienne bénéficie de l'essentiel de cette aide, soit 60 %.

Les crédits spécifiquement consacrés au développement dans le budget du ministère des Affaires étrangères sont également en hausse de 8 % pour atteindre plus de 2,2 milliards d'euros. Cette augmentation s'explique par deux raisons principales : l'accroissement de la contribution de notre pays au Fonds Sida qui atteindra 150 millions d'euros et la montée en puissance des décaissements du Fonds européen de développement (FED).

On doit se réjouir de la manière dont les crédits pour 2004 ont été exécutés puisque il n'apparaît pas de gel budgétaire pour cette année. Il est satisfaisant de constater que les observations formulées dans les précédents avis budgétaires qui ont été soumis à la Commission sur ce sujet ont été suivies d'effets. Nous devons néanmoins demeurer vigilants sur les conditions d'emploi des crédits en 2005.

L'attention du Rapporteur pour avis a été aussi appelée sur les contributions françaises aux programmes de l'ONU et en particulier au PNUD. De l'ordre de 16 millions d'euros pour ce programme précis, elles ne connaissent pas de hausse en 2005, ce qui suscite de la part des autorités des Nations unies une forme d'inquiétude. Il semble que nous devrions porter de l'attention à cette question car si la diplomatie française entend, de plus en plus, s'appuyer sur l'ONU, il ne faudrait pas que notre politique en matière de développement semble se désintéresser de ces institutions. On doit ajouter qu'il apparaît que le Royaume-Uni engage un grand effort en direction des programmes de l'ONU et met en œuvre une politique d'influence au sein de cette institution. Il nous faut y être attentifs.

Il importe d'aborder aussi les conditions dans lesquelles la politique du développement est décidée en France sur le plan stratégique et opérationnel. La réforme de 1998 a eu certains effets positifs. C'est indéniable. La mise en place en 1999 du Haut conseil de coopération internationale en est un exemple. Elle a permis également de rationaliser certaines procédures et de mieux cibler notre aide, en particulier, dans le cadre de la zone de solidarité prioritaire (ZSP) qui compte aujourd'hui 55 pays. L'action de la Direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) doit être sur ce point favorablement regardée.

Néanmoins, on doit constater une multiplication excessive des intervenants. Ainsi les relations entre le ministère des Affaires étrangères et le ministère de l'Economie et des Finances, entre la DGCID et l'Agence française du développement (AFD) sont parfois difficiles et ne permettent pas toujours de dégager des principes clairs d'action. L'OCDE l'a d'ailleurs constaté récemment ce qui a conduit le Gouvernement à réagir. Lors du comité interministériel du 20 juillet dernier, des mesures ont été prises afin de renforcer le rôle du ministère des Affaires étrangères dans la définition des orientations stratégiques en matière de développement. L'AFD se verrait, quant à elle, recentrée vers des objectifs plus opérationnels.

La réforme de 1998 est sans doute allée trop loin et il nous faut aujourd'hui proposer un nouvel instrument de définition et d'exécution de notre politique de développement. Il faut envisager la création d'une grande agence non seulement opérationnelle mais également chargée de la définition des orientations stratégiques de notre politique d'aide, avec, à sa tête, une équipe de direction reconnue et de haut niveau dans laquelle stratégie et financement iraient de pair. Il est, en effet, nécessaire que nous envisagions de manière globale nos modalités d'action et la façon dont nous pouvons les financer.

Sur ce point, nous pourrions nous inspirer de l'exemple britannique qui, depuis 1997, a créé un département ministériel consacré au développement et qui a profondément restauré l'action du Royaume-Uni en la matière. On y a vu émerger une volonté politique très ferme qui aboutit, par exemple, à la priorité donnée à ces questions de développement inscrites à l'ordre du jour du G8 en 2005.

Enfin, il faut rappeler que, outre les conclusions du rapport de M. Landau sur les contributions internationales, il serait nécessaire que nous instaurions désormais un mécanisme de valorisation de l'épargne des migrants. Cette ressource, qui représenterait dans le monde plus de 100 milliards de dollars par an, n'est pas assez orientée vers des investissements productifs. Plusieurs rapports ont mis en évidence la nécessité de mieux utiliser cette épargne. On pourra se reporter sur ce sujet à la proposition de loi signée par le Rapporteur pour avis et M. Jean-Pierre Brard. Le Gouvernement a nommé un ambassadeur chargé du co-développement, ce qui est une bonne chose. Mais aujourd'hui, aucun résultat concret n'apparaît et il est temps que ce projet aboutisse à un dispositif opérationnel.

En conclusion, nous pouvons être satisfaits de l'effort important engagé par notre pays pour aider les pays les plus pauvres et il sera proposé d'émettre un avis favorable aux crédits du développement et de la coopération pour 2005 en réitérant cependant la demande de remise en ordre de l'organisation de notre aide publique au développement.

M. François Loncle a salué la grande clarté des propos du Rapporteur pour avis ainsi que sa lucidité sur des dysfonctionnements déjà anciens. Il a, par ailleurs, souhaité insister sur la difficulté à identifier les réalisations relevant de l'aide bilatérale et celles relevant de l'action multilatérale, ce qui rend pertinente toute proposition de simplification. Enfin, il a indiqué que le groupe socialiste souhaitait dénoncer l'anomalie que constitue la faiblesse de la contribution française au budget du Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD). En effet, par rapport au Royaume-Uni, la contribution de la France n'a pas augmenté, ce qui traduit un réel déséquilibre entre l'aide bilatérale et l'aide multilatérale. Dans ces conditions, le groupe socialiste émettra un avis défavorable à l'adoption des crédits de la Coopération et du Développement pour 2005 en espérant que l'unanimité soit obtenue à l'Assemblée nationale pour obtenir un effort de la part du Gouvernement français en direction de l'aide multilatérale.

Le Président Edouard Balladur a précisé que l'aide de la France au PNUD était passée de 60 millions de dollars en 1992 à 16 millions d'euros aujourd'hui, ce qui la plaçait au douzième rang des contributeurs.

M. Jean-Paul Bacquet a demandé quelle était la part du budget réservée par la France à la coopération par rapport à la Grande-Bretagne.

M. Richard Cazenave a fait remarquer que la stagnation de nos contributions volontaires mettait notre pays dans une situation délicate eu égard au discours visant à promouvoir le multilatéralisme. Par ailleurs, si l'aide publique au développement doit augmenter d'ici 2007, il faudra que l'aide bilatérale prenne le relais des effacements de dette. Où en est-on réellement de l'extinction de la dette et sait-on quand les crédits bilatéraux du Fonds de solidarité prioritaire (FSP) seront en mesure de monter en puissance ?

Mme Danielle Bousquet a évoqué un point rarement abordé de l'aide au développement qui est celui de l'aide aux populations via le Fonds des Nations Unies pour la Population (FNUAP). Lors de la Conférence du Caire en 1994, l'engagement avait été pris d'accorder 9 % des fonds de développement aux organismes s'occupant des populations et du développement. Or, on s'aperçoit qu'il est impossible dans les crédits du ministère des Affaires étrangères de déceler quelle est la part accordée par la France en la matière. Le Rapporteur pour avis dispose-t-il d'éléments en la matière et existe-t-il un espoir que le FNUAP bénéficie d'abondements ?

M. Jacques Godfrain a apporté les éléments de réponse suivants :

- le Royaume-Uni consacre 0,32 % de son revenu national brut (RNB) à l'aide publique au développement, ce qui est inférieur à l'effort français qui atteint 0,44 % du RNB. On constate, néanmoins, une nouvelle dynamique de la politique britannique en matière de développement, liée à la réorganisation des services en charge de ces questions ;

- il est vrai que l'on va assister, dans les prochaines années, à une hausse de notre aide au développement, alors que la part de cette aide qui est représentée par des allègements de dette va, quant à elle, diminuer. Le Gouvernement devra donc trouver de nouvelles dotations budgétaires pour assurer la progression de notre aide en pourcentage du RNB et compenser la disparition progressive des annulations de dette. On doit constater que, pour l'heure, le Gouvernement n'est pas en mesure de nous donner d'indications précises sur les postes budgétaires qui pourraient de ce fait bénéficier d'une augmentation.

- la contribution française au FNUAP s'élève aujourd'hui à 1,22 million d'euros. Il faut, à cet égard, souligner le rôle des collectivités locales en matière d'aide aux populations. La coopération décentralisée, qui n'existe pas réellement dans d'autres pays comme le Royaume-Uni, mais qui est très dynamique en France, permet ainsi de compenser les moyens budgétaires de l'Etat, parfois limités sur certains postes.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la Coopération et du Développement pour 2005.

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● PNUD


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