COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 21

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 11 janvier 2005
(Séance de 15 heures 30)

Présidence de M. Edouard Balladur,

Président

SOMMAIRE

 

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- Examen pour avis du projet de loi constitutionnelle portant révision de la Constitution du 4 octobre 1958 et modifiant son titre XV - M. Roland Blum, Rapporteur pour avis

- Nomination d'un rapporteur sur la proposition de résolution n° 1967 de M. Alain Bocquet et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur le rôle de la France dans le processus en cours ces dernières années en Côte d'Ivoire, son implication économique et financière, sur les conditions de l'intervention, sous mandat du Conseil de sécurité de l'ONU, des forces françaises en Côte d'Ivoire, sur le niveau de l'implication de celles-ci dans les événements qui s'y déroulent, notamment lors des manifestations du 9 novembre 2004 à Abidjan, lesquelles se sont soldées par de nombreuses victimes ivoiriennes, tuées ou blessées par arme de guerre, enfin et, plus généralement, sur l'ensemble des événements qui se sont produits en Côte d'Ivoire et qui se sont traduits par la mort de neuf de nos soldats, des dizaines de militaires blessés dans cette escalade et par des centaines de victimes de violences et de crimes parmi nos ressortissants civils.

  
 
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Projet de loi constitutionnelle portant révision de la Constitution du 4 octobre 1958 et modifiant son titre XV - M. Roland Blum, Rapporteur pour avis

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Roland Blum, le projet de loi constitutionnelle n° 2022, portant révision de la Constitution du 4 octobre 1958 et modifiant son titre XV.

M. Roland Blum, Rapporteur pour avis, a considéré que la révision constitutionnelle proposée par le Gouvernement était en quelque sorte le premier acte qui permettrait d'aboutir à la ratification du second traité de Rome signé le 29 octobre dernier. En effet, une modification préalable de notre Constitution est nécessaire, comme ce le fut en 1992 et en 1999 avant la ratification des traités de Maastricht et d'Amsterdam, puisque le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République en application de l'article 54 de la Constitution, a estimé que plusieurs stipulations du traité de Rome étaient contraires à notre loi fondamentale.

Dans sa décision du 19 novembre dernier, le Conseil constitutionnel a constaté que plusieurs stipulations de ce traité portaient atteinte aux conditions essentielles d'exercice de notre souveraineté nationale. Il a présenté quelques exemples sans cependant, et de manière assez curieuse, en dresser une liste exhaustive. On peut citer certaines mesures relatives à Europol ou Eurojust qui pourront être adoptées à la majorité qualifiée, certaines stipulations soumises désormais à la procédure législative européenne ordinaire - appelée aujourd'hui procédure de codécision - pour le contrôle aux frontières, la coopération judiciaire en matière civile ou pénale, etc.

Le Conseil Constitutionnel a également considéré que les nouveaux pouvoirs reconnus par la Constitution européenne au Parlement français pour contrôler le respect du principe de subsidiarité par l'Union ou pour s'opposer à une révision de la Constitution européenne par une procédure simplifiée devaient trouver écho dans notre propre Constitution.

Enfin, on constatera que, de manière assez nouvelle, le Conseil Constitutionnel a examiné certaines questions posées par le projet de Constitution européenne, comme par exemple la compatibilité du principe de liberté d'expression religieuse proclamé par la Charte des droits fondamentaux et le principe de laïcité reconnu par la Constitution de 1958, pour conclure qu'il n'était pas nécessaire, en définitive, sur ces points précis, de modifier notre loi fondamentale.

Le projet de loi dont le Parlement est saisi a donc pour objet de lever les verrous constitutionnels mis en évidence par la haute juridiction, mais pas uniquement. En effet, il contient également des dispositions qui, conformément aux engagements du Président de la République, prévoient que tout traité d'adhésion sera désormais soumis à référendum avant ratification. Ces dispositions ne s'appliqueront qu'aux adhésions qui suivront celle de la Croatie, au premier rang desquelles figure celle de la Turquie évidemment.

On ne peut que constater qu'il est établi par ce biais une sorte de lien dans le projet de loi constitutionnelle entre le projet de Constitution européenne et la question turque.

En ne se limitant pas strictement à lever les obstacles constitutionnels à la ratification de la Constitution européenne, le Gouvernement nous invite d'une certaine manière à nous pencher plus largement sur la question de la prise en compte par nos institutions du fait européen.

La plupart des arguments ayant été échangés et la campagne référendaire offrant l'occasion d'y revenir ultérieurement, le Rapporteur pour avis a indiqué qu'il se bornerait à rappeler les éléments essentiels de ce nouveau traité européen institutionnel.

La Constitution européenne va rompre avec la méthode qui avait été employée jusqu'à maintenant. Elle procède à un changement de perspective. Car si depuis Maastricht l'union politique est en marche, l'adoption d'une constitution à l'échelle d'un continent va véritablement placer au cœur de l'Europe la question politique. Cela se concrétise par la volonté inscrite dans le texte de créer un véritable espace public européen qui se fonde sur le principe démocratique.

Les nations sont reconnues en tant que telles et respectées dans leur diversité, notamment par les nouveaux pouvoirs qui seront conférés à leurs parlements. Les citoyens européens disposeront également de nouveaux modes d'action à l'échelle de l'Union comme un droit d'initiative populaire. Le Parlement européen va voir ses compétences renforcées dans la procédure législative et dans le débat budgétaire et surtout, la Commission devra désormais être désignée sur la base des résultats aux dernières élections au Parlement européen devant lequel elle est responsable. On a ici les prémices d'un régime parlementaire européen et les mésaventures de la Commission Barroso ont montré que le Parlement de Strasbourg entendait bien jouer un rôle de premier plan. Enfin, au Conseil des ministres, la majorité qualifiée sera atteinte lorsque les votes favorables au projet d'acte en discussion atteindront, dans l'essentiel des cas, 55 % des Etats et 65 % de la population de l'Union. L'introduction d'un tel critère démographique est un progrès démocratique. La reconnaissance de la Charte des droits fondamentaux dans la Constitution européenne est aussi un élément important pour l'émergence d'une démocratie européenne.

C'est bien vers une Europe politique que l'on s'achemine, une Europe qui, d'une part, aura un visage au plan international avec un Président stable du Conseil européen et, d'autre part, qui pourra déterminer une politique étrangère cohérente grâce à la création d'un Ministre des Affaires étrangères qui disposera - il ne s'agit pas d'un détail - d'un service diplomatique européen.

Alors que l'Union va bientôt comporter près de trente membres, le traité constitutionnel est aussi un progrès en terme d'efficacité des procédures et de fonctionnement des institutions. Certes, il n'est pas parfait. Il comporte plus de 400 articles, ce qui peut sembler excessif. Mais il a le mérite de remettre en ordre les dispositions actuellement en vigueur dans les traités, trop confuses et trop disparates. Il rationalise aussi la hiérarchie des normes, limite le nombre d'actes européens en s'inspirant d'ailleurs du modèle français et répartit de manière plus claire les compétences entre l'Union et les Etats membres, ce qui n'était pas vraiment le cas jusqu'à maintenant.

Le traité constitutionnel représente une avancée par rapport aux stipulations du traité de Nice en prévoyant de réduire le nombre de commissaires aux deux tiers des Etats membres à l'horizon 2014, ce qui peut sembler loin, mais ce qui est toujours mieux que ce que prévoyait le traité de 2000 qui ne réglait rien sur ce point.

Pour résumer, la Constitution européenne est un progrès tant en termes symboliques que concrets. Elle ne comporte aucun recul par rapport à la situation actuelle et il serait donc très dommageable pour notre pays de ne pas l'adopter.

Le projet de loi constitutionnelle présenté par le Gouvernement est, quant à lui, de prime abord assez compliqué car il contient deux groupes de dispositions. Dans un premier temps, il modifie notre Constitution avant l'entrée en vigueur du traité européen. Ce sont l'article 1er qui lève les obstacles constitutionnels à la ratification du traité européen et l'article 2 qui prévoit que les traités d'adhésion d'un nouvel Etat à l'Union européenne seront nécessairement soumis à référendum. Dans un second temps, il procède, par son article 3, à une réécriture complète du titre XV de la Constitution, qui n'entrerait cependant en application que dans le cas où la Constitution européenne ratifiée par les vingt-cinq Etats membres entrerait, elle-même, en vigueur.

Dans cette nouvelle version du titre XV, l'article 88-1 autoriserait comme aujourd'hui la France à participer à l'Union européenne et donc à lui transférer une partie de ses compétences. L'article 88-2 reprendrait les dispositions aujourd'hui en vigueur relatives au mandat d'arrêt européen. Quant à l'article 88-3, il continuerait à régler le sort du droit de vote des citoyens de l'Union aux élections municipales. Ces dispositions connaissent seulement quelques aménagements de détails par rapport au texte actuel. L'article 88-4 ne subirait pas non plus de modifications véritables dans cette nouvelle version du titre XV de la Constitution, sauf si la Commission acceptait les amendements que le Président Edouard Balladur, M. Hervé de Charette et le Rapporteur pour avis ont déposés.

L'article 88-5 qui serait introduit dans notre Constitution aurait pour effet de permettre à l'Assemblée nationale ou au Sénat de voter des résolutions portant avis motivé sur la conformité d'un projet d'acte législatif européen au principe du subsidiarité. C'est le second protocole à la Constitution européenne qui reconnaît ce pouvoir aux parlements nationaux. Ceux-ci pourront désormais exercer leur contrôle, dans les six semaines qui suivent la transmission par les autorités européennes d'un projet d'acte législatif. Si un nombre suffisant de parlements nationaux (un tiers ou un quart selon les cas) vote des avis motivés aux termes desquels il apparaîtrait que le principe de subsidiarité serait transgressé, les autorités européennes seraient tenues de réexaminer leur projet. C'est ce que le sénateur Hubert Haenel a appelé le « carton jaune » adressé à l'Union.

L'article 88-5 prévoit aussi dans son second alinéa la possibilité pour chaque assemblée de former un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne dans l'hypothèse où un acte législatif européen finalement adopté, et non plus un projet, violerait le principe de subsidiarité. Ce recours serait automatiquement transmis par le Gouvernement à la Cour. C'est cette fois un « carton rouge » qui serait donné à l'Union.

Il s'agit là de deux novations majeures dont la portée ne doit pas cependant être surestimée pour deux raisons. Le principe de subsidiarité a un contenu difficile à appréhender et le contrôle exercé par les Parlements nationaux ne sera pas aisé, surtout dans un délai de six semaines. Divers spécialistes de ces questions ont montré que très peu d'actes européens - on parle de 3 à 5 % d'entre eux - pouvaient être considérés comme enfreignant le principe de subsidiarité.

L'article 88-6 introduit également dans le titre XV, par le projet de loi, permettra au Parlement français de s'opposer à une modification des règles d'adoption d'actes de l'Union selon la procédure de révision simplifiée prévue par l'article IV-444 de la Constitution européenne. Ce dispositif est assez simple à comprendre : lorsqu'on souhaitera faire passer dans le champ de la majorité qualifiée un domaine relevant aux termes de la Constitution européenne de l'unanimité, une décision du Conseil européen prise à l'unanimité suffira sauf si l'un des parlements des vingt-cinq Etats membres s'y oppose par le vote d'une motion.

Enfin, l'article 88-7 reprend dans le titre XV, qui a vocation à s'appliquer après l'entrée en vigueur de la Constitution européenne, les dispositions de l'article 2 du projet de loi qui prennent la forme d'un article 88-5 avant l'entrée en vigueur du traité européen.

En dernier lieu, l'article 4 du projet a pour objet de faire que l'obligation de passer par la voie référendaire pour autoriser l'adhésion d'un nouvel Etat membre ne s'appliquerait qu'aux adhésions postérieures à celles de la Roumanie, la Bulgarie et la Croatie dont, en substance, le principe a été décidé par un Conseil européen avant le 1er juillet 2004.

D'un point de vue général, le projet de loi constitutionnelle semble complexe mais il répond à la décision du Conseil constitutionnel. Les dispositions imposant un référendum avant l'adhésion d'un nouvel Etat membre apparaissent de nature éminemment démocratiques et peu contestables sur le fond. Reste en suspens la question des véritables pouvoirs du Parlement français en matière européenne.

Le Rapporteur pour avis a considéré que cette question ne devait pas être appréhendée en fonction de problèmes conjoncturels - pour que les choses soient claires, selon la question turque - mais en fonction des intérêts de nos institutions.

En 1992, la Constitution a prévu que le Gouvernement avait l'obligation de transmettre des propositions ou des projets d'actes européens comportant des dispositions de nature législative. C'est l'article 88-4. En 1999, lors de la ratification du traité d'Amsterdam, cet article a été complété par une disposition qui permet - mais c'est une simple faculté - au Gouvernement de transmettre aux assemblées tout projet d'acte ou tout document européen, qui ne comporte pas de dispositions de nature législative. Dans les deux cas, que la transmission ait été obligatoire ou facultative, les assemblées peuvent voter sur la base des textes ainsi transmis des résolutions et exprimer leur point de vue si une majorité se dégage à cet effet. L'adoption de telles résolutions n'est pas contraignante pour le Gouvernement comme le Conseil Constitutionnel l'a jugé dans une décision du 17 décembre 1992.

Il a semblé à MM. Edouard Balladur, Hervé de Charette et au Rapporteur pour avis qu'il n'était pas satisfaisant que certains documents européens - faute de comporter de dispositions de nature législative au sens français du terme - ne puissent faire l'objet d'une résolution si le Gouvernement ne souhaitait pas les transmettre au Parlement. C'est pourquoi il sera proposé, par la voie de deux amendements - l'un après l'article 1er et l'autre à l'article 3 - de modifier l'article 88-4 de la Constitution afin de permettre aux Présidents des assemblées, des commissions permanentes ainsi qu'à soixante députés ou soixante sénateurs, de demander et d'obtenir la transmission de tout document européen sur lesquels ils souhaiteraient s'exprimer, le cas échéant, par le vote d'une résolution.

Les questions européennes sont aujourd'hui non plus des questions internationales mais bel et bien en lien direct avec la politique interne. Elles concernent au plus près nos concitoyens par tous leurs aspects. Comment les parlementaires pourraient-ils ne pas en connaître ? On ne peut à la fois proposer l'adoption d'une Constitution européenne et nier ce fait.

En outre, la possibilité ouverte au Président de l'Assemblée nationale ou du Sénat, à un Président de commission, ou à soixante députés ou à soixante sénateurs ne remettra pas en cause l'équilibre des institutions. Les mécanismes essentiels du régime parlementaire rationalisé demeurent. Le Gouvernement maîtrise l'ordre du jour et la majorité ne peut se voir imposer sa volonté par l'opposition. Cela va de soi.

Il apparaît, de surcroit, que l'on a les pires difficultés à distinguer les actes européens qui relèvent de la procédure de transmission obligatoire au titre de l'article 88-4 de ceux qui n'en relèvent pas. Dans la masse des documents dits documents « E » transmis par le Gouvernement au Parlement, la distinction n'est pas faite clairement et les critères employés par l'exécutif, en s'appuyant sur l'expertise du Conseil d'Etat, pour opérer cette distinction apparaissent souvent opaques.

Le Gouvernement dispose donc d'un double pouvoir discrétionnaire. Il peut ne pas adresser au Parlement les actes ou documents ne comportant pas de dispositions législatives. Mais surtout il a le pouvoir, compte tenu de l'opacité de la procédure administrative préalable à une éventuelle transmission, de ranger dans la catégorie des documents non obligatoirement transmissibles certains actes qui pourraient l'être cependant, sans qu'aucun contrôle ne s'exerce sur ce choix, ni politique, ni juridictionnel.

Le sénateur Hubert Haenel estimait, pour sa part, dans un rapport récent que sur 1 000 documents européens identifiés par an, seulement 250 étaient transmis par le Gouvernement en application de l'article 88-4. Sans doute, un bon nombre des 750 documents non transmis étaient sans grand intérêt mais certainement pas leur totalité. On peut citer, comme exemple de documents qui n'ont pas à être obligatoirement transmis certaines communications de la Commission. Il en est ainsi de la communication de la Commission européenne relative à une approche de l'Union européenne en vue du cycle du millénaire de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) qui a fait l'objet en 2000 d'un rapport de la Délégation pour l'Union européenne et d'une résolution à l'époque, mais seulement parce que le Gouvernement avait bien voulu accepter de transmettre cette communication à la demande du président de la Délégation, ce à quoi il n'était pas contraint. On pourrait également citer l'avis du Conseil d'Etat du 21 décembre 2000 dans lequel le Conseil a considéré qu'il n'était pas certain que les recommandations que les instances européennes pourraient adresser à la France dans le cadre des articles 99 et 104 du traité instituant la Communauté européenne soient obligatoirement transmises au titre de l'article 88-4. Or les recommandations émises au titre de ces articles 99 et 104 sont celles qui enjoignent à un Etat de réduire ses déficits publics ou de modifier sa politique économique pour se conformer aux règles de l'Union économique et monétaire.

Ce constat justifie pleinement que les parlementaires puissent demander les documents qui les intéressent pour éventuellement s'exprimer par un vote, seul mode d'expression véritable au sein d'une assemblée.

C'est pourquoi, alors que l'on insiste beaucoup pour revaloriser le rôle du parlement, il parait difficile de refuser ces amendements, refus qui apparaîtrait comme une défiance de principe à l'égard de l'institution parlementaire. A l'heure où la Constitution européenne fait des parlements nationaux des acteurs de la politique de l'Union, il serait peu défendable de s'opposer à l'adaptation de nos procédures en ce sens. De ce point de vue, l'article 88-5 prévu par le projet de loi et qui permet un contrôle a priori du respect du principe de subsidiarité n'est aucunement suffisant parce qu'il s'exercera dans des délais très courts et que le contrôle au titre de la subsidiarité ne s'apparente nullement au contrôle politique que chacune des chambres peut exercer en application de l'article 88-4. En outre, les documents transmis par les instances européennes au titre de l'article 88-5 ne seront pas les mêmes que ceux transmis obligatoirement par le Gouvernement au titre de l'article 88-4.

C'est pourquoi il sera proposé de voter ces amendements qui complètent utilement le projet de loi constitutionnelle et s'inscrivent dans une continuité de pensée. En 1999, lors des débats parlementaires relatifs à la révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité d'Amsterdam, des amendements avaient été ainsi déposés dans le même sens par MM. René André, Philippe Séguin, Jean-Louis Debré ou François Guillaume à l'Assemblée nationale, Michel Barnier, Josselin de Rohan, Patrice Gélard au Sénat. Sans doute y avait-il des nuances dans ces textes, mais l'idée était bien de permettre soit que certains organes de l'Assemblée demandent et obtiennent la transmission de tout document européen pour pouvoir ensuite voter une résolution le cas échéant, soit de prévoir la transmission obligatoire de tous les documents européens sans réelle exclusive.

En ce domaine, il faut raison garder. Les autres parlementaires européens observeraient avec curiosité leurs collègues français s'ils refusaient de franchir ce petit pas vers un meilleur contrôle des actes européens.

En conclusion, le Rapporteur pour avis a proposé d'adopter le projet de loi constitutionnelle amendé de la sorte.

Le Président Edouard Balladur a suggéré à titre liminaire que les débats portent sur les adaptations de la Constitution française rendues nécessaires par la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe, plutôt que sur le contenu du traité lui-même.

M. Jacques Myard a déclaré que ces deux débats étaient inséparables, car l'on ne pouvait supposer le traité ratifié avant de réviser la Constitution. Ce traité change la nature de l'Union européenne et en fait une construction de type fédéral. La décision du Conseil constitutionnel sur la compatibilité du traité avec la Constitution française a de quoi surprendre, lorsque l'on connaît les positions individuelles de ses membres, dont certains ont opéré un revirement total. Les amendements déposés par le Président vont dans le bon sens, mais il sont insuffisants, car ils font du Parlement un donneur d'avis sans suite, inséré dans un processus de décision fédéral. Ce sont les Etats qui doivent décider souverainement quelle est la norme applicable et non pas un centre qui leur est extérieur.

M. Jacques Myard a ensuite indiqué qu'il défendrait en séance publique une question préalable afin de dénoncer le caractère contre-nature de la construction européenne, qui ne répond pas au défi que représente l'élargissement.

M. François Loncle a fait part de son accord avec la position du Président Edouard Balladur en estimant qu'il était justifié que la Commission des Affaires étrangères se prononce sur le projet de loi constitutionnelle et non sur le traité. Si l'article 1er et l'article 3 du texte sont globalement satisfaisants du point de vue des droits du Parlement français, en revanche, les articles 2 et 4, en prévoyant que les futurs élargissements de l'Union seront soumis au référendum, constituent une atteinte inacceptable aux principes de la démocratie représentative. Il s'agit là d'une facilité politique introduite dans la Constitution dans la perspective de l'adhésion d'un seul pays, qui pourrait déboucher sur la multiplication des référendums à l'avenir. Pour quelles raisons le projet prévoit-il cette procédure uniquement pour les élargissements postérieurs à celui intéressant la Roumanie, la Bulgarie et la Croatie ? Cette disposition constitue une anomalie qui porte atteinte à l'équilibre des pouvoirs et le groupe socialiste déposera des amendements afin de revenir sur ces dispositions absurdes.

M. Hervé de Charette a souscrit aux propos de M. François Loncle en déclarant qu'il n'était pas raisonnable de soumettre systématiquement les adhésions ultérieures à la procédure du référendum. Il ne faut pas utiliser la Constitution pour résoudre des problèmes politiques circonstanciels liés à l'adhésion de la Turquie, car ceux qui sont aujourd'hui concernés par ces questions n'auront pas à mettre en œuvre les dispositions de la Constitution qui prévoient le recours systématique à la procédure référendaire. A cet égard, l'organisation d'un référendum sur l'adhésion des pays balkaniques inspire des doutes et il convient de poser la question de l'opportunité de ces dispositions.

M. Jacques Godfrain a jugé que le Rapporteur pour avis n'avait pas suffisamment fait cas des articles du projet de loi constitutionnelle renforçant les pouvoirs du Parlement en matière de respect de la subsidiarité. Il s'agit d'un principe très fort et le dispositif prévu par le projet de révision répond aux préoccupations défendues par le Rapporteur pour avis dans ses amendements. Il aurait souhaité, sur ce point, que la Commission des Affaires étrangères soit éclairée par l'avis du Président de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne.

Mme Elisabeth Guigou a rappelé qu'il fallait réviser la Constitution pour pouvoir ratifier le traité constitutionnel européen, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel. Le fait que le Parlement puisse contrôler l'application du principe de subsidiarité constitue un élément positif qui s'inscrit dans le prolongement des avancées du traité de Maastricht. L'extension des compétences de l'Union dans le domaine de la justice et de la sécurité est extrêmement positive. Il faut en revanche s'interroger sur l'opportunité des articles 2 et 4 du projet de loi constitutionnelle, qui prévoient le recours systématique au référendum pour autoriser la ratification des traités d'élargissement. Ces articles n'étaient pas nécessaires au regard de la décision du Conseil constitutionnel. Ils risquent par ailleurs de lier le débat sur le traité constitutionnel européen avec celui sur l'adhésion de la Turquie. Il s'agit en outre d'un dessaisissement supplémentaire des deux assemblées. Enfin, les amendements présentés par le Rapporteur pour avis permettent d'impliquer davantage le Parlement français dans les questions européennes en lui offrant la possibilité de se prononcer sur les questions économiques et financières ou sur les questions liées aux élargissement de l'Union. Mais ces amendements ne sont-ils pas en fait une compensation au dessaisissement des assemblées par la systématisation de la procédure référendaire ? Il importe d'éviter que la question de l'élargissement ne pollue le débat car il est souhaitable que le oui l'emporte au référendum.

Le Président Edouard Balladur a fait observer qu'il était tout aussi possible d'affirmer que la disposition prévoyant le recours systématique au référendum pour les adhésions ultérieures de nouveaux Etats à l'Union permettait de dissocier la ratification du traité de la question de l'élargissement.

M. Pierre Lequiller a tout d'abord insisté sur le fait qu'il fallait déconnecter le problème des élargissements futurs de l'Union européenne de la question de l'adoption de la Constitution européenne et que l'article 2 du projet de loi constitutionnelle prévoyant de soumettre à référendum tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un Etat à l'Union européenne allait dans ce sens. S'agissant du contrôle du principe de subsidiarité prévu à l'article 3 du projet de loi constitutionnelle, il constitue un très réel renforcement du rôle du Parlement en matière européenne. Les citoyens français verront que le Parlement prend position sur tous les textes européens de caractère législatif ou réglementaire au titre de la législation française par la voie des dispositions du nouvel article 88-6.

En réponse aux observations de Mme Elisabeth Guigou, M. Pierre Lequiller a indiqué que les orientations budgétaires faisaient bien partie des textes soumis obligatoirement aux assemblées au titre de l'article 88-4, qu'elles étaient étudiées par la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne et pouvaient faire l'objet de résolutions.

Enfin, concernant les amendements présentés par MM. Edouard Balladur, Roland Blum et Hervé de Charette, il a estimé qu'ils pouvaient avoir une incidence sur l'équilibre institutionnel entre les pouvoirs exécutif et législatif. La possibilité ainsi offerte au Parlement de voter des résolutions sur tous les projets d'actes européens, y compris ceux relatifs aux négociations portant sur les traités, apparaît difficilement compatible avec l'article 52 de la Constitution selon lequel le Président de la République négocie et ratifie ces traités. Certes les résolutions qui pourraient être ainsi prises n'auraient pas de valeur juridique, mais un poids politique tel qu'il serait difficile alors au Président de la République de passer outre ce qui constituerait une forme de mandat. Personne ne peut nier qu'un vote négatif du Parlement sur l'ouverture des négociations avec la Turquie avant le Conseil européen des 16 et 17 décembre 2004 aurait remis en question le pouvoir de négociation du Président de la République. Ainsi, M. Henri Nallet, ancien Président de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne avait mis en garde contre une telle dérive lors des débats de 1998 et 1999 sur la loi constitutionnelle préalable à la ratification du traité d'Amsterdam. Par ailleurs, il faut noter que dans d'autres démocraties et notamment dans les régimes parlementaires, cette pratique n'existe pas. Ainsi, en Grande-Bretagne, il n'y a pas eu de vote à la Chambre des Communes avant le Conseil européen de décembre dernier, ni aux Pays-Bas, ni encore au Danemark, où cependant la commission s'est réunie sur ce thème.

Pour ces raisons, M. Pierre Lequiller a indiqué qu'il était défavorable aux amendements présentés par MM. Edouard Balladur, Roland Blum et Hervé de Charette mais qu'il voterait l'ensemble du projet de loi constitutionnelle, étant favorable à l'adoption du projet de Constitution européenne.

M. Jean-Jacques Guillet a fait observer que, depuis des années, on avait constaté l'existence d'une fracture importante entre les citoyens de l'Union européenne et le mode de construction de l'Europe. Dans l'état actuel des choses, il faut reconnaître que ce qui est proposé permet au moins en partie de réduire cette fracture. En outre, les amendements présentés par MM. Edouard Balladur, Roland Blum et Hervé de Charette vont dans le même sens que les dispositions contenues dans la Constitution européenne et dans le projet de loi renforçant le rôle des Parlements nationaux.

S'agissant de la remise en cause des pouvoirs de négociation du Président de la République, il faut reconnaître qu'existe, depuis plusieurs années, une ambiguïté : la politique européenne ressort-elle véritablement de la politique étrangère ? Les Etats susceptibles de rejoindre l'Union européenne sont en nombre limité et adopter l'article 4 reviendrait à prendre une mesure discriminatoire à l'encontre d'un pays quel qu'il soit. En outre, hormis pour la Grèce, aucun élargissement n'a porté sur un seul pays uniquement, mais toujours sur plusieurs Etats.

M. François Bayrou a indiqué qu'il soutenait avec force les amendements présentés par MM. Edouard Balladur, Roland Blum et Hervé de Charette, soulignant qu'ils faisaient écho à une discussion qui avait eu lieu récemment au sein de la Commission des Affaires étrangères. Les sujets européens sont désormais éminemment nationaux. Si l'on veut que la démocratie et le Parlement français soient reconnus à la dimension qui devrait être la leur, il faut leur permettre de les évoquer et de se prononcer par des résolutions. Si ce texte avait été en vigueur au moment de la discussion préalable au Conseil européen des 16 et 17 décembre 2004, la capacité de négociation des autorités françaises aurait été renforcée et l'opinion publique aurait considéré que sa représentation nationale avait exprimé son sentiment.

Il s'est dit persuadé que l'article 2 du projet de loi constitutionnelle n'était là que de manière conjoncturelle pour résoudre une difficulté politique à laquelle le Gouvernement est confrontée. L'idée d'organiser un référendum sur la Turquie est née de considérations de pure opportunité et comporte un risque : celui de voir un peuple dire non à un autre peuple.

Mme Martine Aurillac a estimé que, certes il y avait une part de circonstances dans le projet de loi constitutionnelle, mais que l'article 2 pouvait néanmoins permettre d'éviter des amalgames abusifs. Si les amendements présentés par MM. Edouard Balladur, Roland Blum et Hervé de Charette ne constituent pas un bouleversement fondamental des institutions, ils mettent cependant en cause l'équilibre entre les pouvoirs dans la mesure où ils peuvent créer une compétence liée pour le Gouvernement. Ayant noté que les actes européens de valeur normative faisaient déjà partie des documents soumis au Parlement, elle a souhaité savoir quels autres documents pourraient être demandés par celui-ci. Puis, elle s'est interrogée sur la lourdeur supplémentaire qu'induirait une telle tâche et sur les problèmes d'organisation du travail que cela pourrait poser.

M. Axel Poniatowski a déclaré qu'il était favorable au traité établissant une Constitution pour l'Europe. Il a, en revanche, fait part de sa réserve sur les amendements proposés par le Rapporteur pour avis en estimant qu'ils n'étaient pas innocents et que leur adoption conduirait à lier le Gouvernement par les résolutions parlementaires. Il est, en effet, difficilement concevable pour un Gouvernement de ne pas respecter le vote des assemblées parlementaires sans essuyer les critiques de l'opinion. Par ailleurs, cette procédure pourrait affaiblir la position des ministres dans les négociations. La force de la France réside dans ses institutions et dans le poids du Président de la République. Pour ces raisons, M. Axel Poniatowski a indiqué qu'il était prêt à se rallier à la proposition du Rapporteur pour avis à condition que la demande de transmission de textes européens émane des deux tiers des membres de l'assemblée concernée. Faute d'un tel seuil, les assemblées pourraient être submergées par la transmission de ces textes, ce qui nuirait à leur bon fonctionnement.

M. Guy Lengagne a fait remarquer que la procédure référendaire pouvait tout aussi bien poser des problèmes aux gouvernements en rappelant qu'au Danemark, le peuple s'était opposé à l'euro. Il a fait part de son accord avec les propositions du Rapporteur pour avis et a indiqué qu'il s'opposait, en revanche, à l'article 2 du projet de loi, qui aboutit, comme l'a indiqué M. François Bayrou, à opposer les peuples les uns aux autres à travers la procédure référendaire. Il n'est, par ailleurs, pas certain par exemple que l'organisation d'un référendum sur l'adhésion de la Macédoine soit de nature à mettre un terme à la désaffection des citoyens pour la chose publique. Enfin, il a indiqué qu'il proposerait de sous-amender les amendements du Rapporteur pour avis, afin de permettre également au Président de la Délégation pour l'Union européenne de demander la transmission des documents européens n'entrant pas dans le champ de l'actuel article 88-4.

M. Hervé de Charette a estimé que les Parlements nationaux devaient être de plus en plus présents dans les débats européens. Il ne serait pas logique qu'ils soient à l'écart du processus historique qui conduit au renforcement des pouvoirs de l'Union. Le nouvel article 88-5 de la Constitution qui permet au Parlement de se prononcer au regard du principe de subsidiarité n'a rien à voir avec les amendements proposés, puisqu'il vise les décisions européennes qui sont hors du champ de compétence de l'Union. En revanche, les amendements proposés ne portent que sur les actes et documents qui entrent dans la compétence de l'Union et qui doivent faire l'objet d'un examen attentif de la part des autorités nationales. Il s'agit d'amendements modestes, car les résolutions votées par les assemblées n'ont pas de pouvoir contraignant. L'argument selon lequel ces amendements modifient l'équilibre institutionnel est surréaliste. En prévoyant que le Président de la République signe et négocie les traités, le constituant souhaitait, en 1958, clarifier la répartition des compétences au sein de l'exécutif, entre le chef de l'Etat et le Premier ministre, non pas de changer les rapports entre l'exécutif et le législatif, qui intervient toujours pour autoriser la ratification des traités. Ces amendements visent à permettre une plus grande implication du Parlement français dans les questions européennes et il serait sage de les adopter.

M. François Bayrou a estimé que le fait pour le Parlement de donner son avis sur des négociations européennes, y compris en amont, constituait un retour à l'équilibre normal des pouvoirs dans notre Constitution. Si, conformément à l'article 52 de la Constitution, c'est le Président de la République qui négocie et ratifie les traités, l'article 53 ajoute que celui-ci ne peut les ratifier qu'en vertu d'une loi. Il serait plus raisonnable que le Parlement puisse exprimer son avis avant la conclusion des négociations car, dans le cas contraire, la seule solution serait alors, pour lui, l'adoption ou le rejet du traité in fine. Cette révolution est nécessaire. Elle permettra de donner au Gouvernement l'appui du peuple français lors des négociations européennes ultérieures.

Le Président Edouard Balladur a indiqué que le dispositif sur la subsidiarité ne concernait que les actes normatifs de l'Union, alors que les amendements qu'il a déposés avec MM. Hervé de Charette et Roland Blum ne concernaient pas uniquement ces actes, mais qu'ils incluaient en revanche les documents de l'Union ayant une portée politique majeure. Il est inexact de considérer que le vote d'une résolution constitue une contrainte excessive pour le pouvoir exécutif et le Conseil constitutionnel a considéré qu'elles n'avaient pas de portée contraignante. Ces amendements ne remettent donc pas en cause l'équilibre institutionnel. Enfin, l'exemple de la CED sous la IVe République et celui des accords de Blair House sous la Ve montrent tout l'intérêt pour l'exécutif d'un dialogue avec le Parlement pendant la phase de négociation. Ce dialogue, d'autant plus nécessaire dans le domaine européen, ne bride en rien les prérogatives de l'exécutif.

En réponse aux différents intervenants, M. Roland Blum, Rapporteur pour avis, a apporté les précisions suivantes :

- on pourrait dresser une longue liste des documents européens qui ne sont pas obligatoirement transmis par le Gouvernement aux assemblées. Parmi eux, figurent, par exemple, le mandat des négociateurs européens dans le cadre de l'Organisation Mondiale du Commerce ou certaines communications de la Commission européenne sur les perspectives financières ;

- les amendements présentés par MM. Edouard Balladur, Hervé de Charette et par le Rapporteur pour avis sont la transcription d'une proposition de loi constitutionnelle qui a été déposée avant le projet de loi du Gouvernement et avant que le Président de la République prenne l'engagement d'introduire dans la Constitution une disposition imposant le recours au référendum avant toute nouvelle adhésion. Dans ces conditions, on ne peut soutenir que ces amendements seraient, dans l'esprit de leurs auteurs, une manière de compenser ce dessaisissement du Parlement au profit de la voie référendaire ;

- ces amendements s'inscrivent dans un mouvement, engagé en 1992 et relayé en 1999, consistant à renforcer les pouvoirs du Parlement en contrepartie de l'accroissement des pouvoirs de l'Union européenne ;

- les procédures de l'article 88-4 et du futur article 88-5, relatif au contrôle de subsidiarité, ne relèvent pas de la même logique. L'article 88-4 organise une forme de contrôle politique par les assemblées françaises qui ne sont alors contraintes par aucun délai d'examen impératif. L'article 88-5 instaure, en revanche, un contrôle de nature essentiellement juridique et même juridictionnel dans son second alinéa puisqu'il prévoit la possibilité pour les assemblées de saisir la Cour de justice. De plus, le contrôle a priori prévu par cet article impose, dans le délai très court de six semaines, une coordination entre les différents parlements nationaux pour contraindre la Commission européenne à reprendre son projet d'acte. Enfin, les documents transmis au titre des articles 88-4 et 88-5 ne seront pas les mêmes puisque, aujourd'hui, le premier article n'impose que la transmission des projets comportant des dispositions de nature législative au sens français du terme et le second ne portera que sur des projets d'actes législatifs européens. Les deux champs d'application ne se superposent donc pas.

- on ne peut pas raisonnablement affirmer que ces deux amendements porteront atteinte à l'équilibre des institutions et aux prérogatives du Président de la République alors que celui-ci est sorti considérablement renforcé du passage au quinquennat, que le Gouvernement maîtrise l'ordre du jour et que le phénomène majoritaire reste le fondement de notre régime politique. Des résolutions purement indicatives ne pourront conduire à mettre en jeu la responsabilité du Gouvernement ;

- les questions européennes ne relèvent plus de la politique étrangère alors que plus de 60 % de nos normes sont issues directement ou indirectement du droit communautaire et touchent la vie quotidienne de nos concitoyens en matière de commerce, de consommation, d'agriculture...

La Commission des Affaires étrangères est passée ensuite à l'examen des articles.

Article 1er (Article 88-1 de la Constitution) : Autorisation de participer à l'Union européenne régie par le traité établissant une Constitution pour l'Europe :

La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article additionnel après l'article 1er (article 88-4 de la Constitution) : Renforcement des pouvoirs de contrôle du Parlement en matière européenne :

La Commission a examiné un amendement de MM. Edouard Balladur, Hervé de Charette et de M. Roland Blum, Rapporteur pour avis, prévoyant que le Gouvernement était tenu de transmettre aux assemblées parlementaires les projets ou propositions d'actes ne comportant pas de dispositions de nature législative ou tout autre document émanant d'une institution européenne sur la demande du Président de l'Assemblée nationale ou du Sénat, du Président de l'une des commissions permanentes de ces assemblées ou de soixante députés ou soixante sénateurs.

La Commission a d'abord repoussé un sous-amendement de M. Axel Poniatowski prévoyant que la demande de transmission d'un texte européen par le Gouvernement ne pourrait émaner que des deux tiers des membres de l'une ou l'autre des assemblées. Elle a également examiné un sous-amendement de M. Guy Lengagne ajoutant le Président de la Délégation pour l'Union européenne à la liste des organes habilités à demander la soumission d'un document européen. Après que M. Roland Blum, Rapporteur pour avis, eut observé que le préalable à l'adoption d'une telle disposition devait être la reconnaissance par la Constitution de l'existence même de cette Délégation, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui et ce dont la Commission n'a pas été saisie par voie d'amendement, le sous-amendement a été retiré par son auteur. Le Président Edouard Balladur a fait savoir qu'il n'était pas personnellement hostile à une reconnaissance de la Délégation pour l'Union européenne dans la Constitution et à ce que son Président puisse disposer du droit de demander et d'obtenir la transmission de tout texte européen.

La Commission a ensuite adopté l'amendement de MM. Edouard Balladur, Hervé de Charette et M. Roland Blum, Rapporteur pour avis.

Article 2 (articles 60 et 88-5 de la Constitution) : Adoption des projets de loi autorisant la ratification des traités d'adhésion à l'Union européenne par la voie du référendum :

Après que M. François Loncle eut indiqué que son groupe voterait contre cette disposition, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption cet article sans modification.

Article 3 : Modification du titre XV de la Constitution du 4 octobre 1958 après l'entrée en vigueur du traité établissant une Constitution pour l'Europe :

Après que le Rapporteur pour avis eut précisé que cet amendement était identique à celui adopté après l'article 1er mais pour la période qui suivra l'entrée en vigueur de la Constitution européenne, la Commission a adopté l'amendement de MM. Edouard Balladur, Hervé de Charette et de M. Roland Blum, Rapporteur pour avis, modifiant l'article 88-4 de la Constitution en prévoyant que le Gouvernement était tenu de transmettre aux assemblées parlementaires les projets ou propositions d'actes ne comportant pas de dispositions de nature législative ou tout autre document émanant d'une institution européenne sur la demande du Président de l'Assemblée nationale ou du Sénat, du Président de l'une des commissions permanentes de ces assemblées ou de soixante députés ou soixante sénateurs.

La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

Article 4 : Entrée en vigueur des dispositions imposant l'adoption par voie référendaire des projets de loi autorisant la ratification des traités d'adhésion à l'Union européenne :

Après que son auteur eut considéré que les dispositions de l'article 88-5 et de l'article 88-7 de la Constitution introduits par les articles 2 et 3 du projet de loi devaient entrer en vigueur sans délai, la Commission a rejeté un amendement de M. Jean-Jacques Guillet tendant à la suppression de l'article 4. Elle a ensuite émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

La Commission a émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi (n° 2022) ainsi modifié.

Informations relatives à la Commission

M. Jacques Godfrain a été nommé rapporteur sur la proposition de résolution n° 1967 de M. Alain Bocquet et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur le rôle de la France dans le processus en cours ces dernières années en Côte d'Ivoire, son implication économique et financière, sur les conditions de l'intervention, sous mandat du Conseil de sécurité de l'ONU, des forces françaises en Côte d'Ivoire, sur le niveau de l'implication de celles-ci dans les événements qui s'y déroulent, notamment lors des manifestations du 9 novembre 2004 à Abidjan, lesquelles se sont soldées par de nombreuses victimes ivoiriennes, tuées ou blessées par arme de guerre, enfin et, plus généralement, sur l'ensemble des événements qui se sont produits en Côte d'Ivoire et qui se sont traduits par la mort de neuf de nos soldats, des dizaines de militaires blessés dans cette escalade et par des centaines de victimes de violences et de crimes parmi nos ressortissants civils.

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