COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 50

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 29 juin 2005
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

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- Accord avec l'Estonie relatif au statut et au fonctionnement des centres culturels (n° 2059) - M. Bruno Bourg-Broc, Rapporteur

- Convention des Nations unies contre la corruption (n° 2414) - Mme Geneviève Colot, Rapporteure

- Convention avec la Principauté d'Andorre dans le domaine de l'enseignement (n° 2180) - M. Henri Sicre, Rapporteur

- Accord d'investissements avec la Bosnie-Herzégovine (n° 2176) - M. René André, Rapporteur

- Accord d'investissements avec le Royaume de Bahreïn (n° 2337) - M. Jean-Claude Guibal, Rapporteur

  

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Accord avec l'Estonie relatif au statut et au fonctionnement des centres culturels

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Bruno Bourg-Broc, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Estonie relatif au statut et au fonctionnement des centres culturels (n° 2059).

M. Bruno Bourg-Broc, Rapporteur, a tout d'abord indiqué que le caractère privilégié des relations entre la France et l'Estonie avait d'ores et déjà été consacré par la signature d'un traité d'entente, d'amitié et de coopération entre les deux Etats le 26 janvier 2003. L'accord soumis à la Commission a pour sa part été signé le 14 juillet 2003. Il vise à faciliter le fonctionnement des centres cultures de chaque pays sur la base de la réciprocité.

La double adhésion de l'Estonie à l'OTAN (2 avril 2004) et à l'Union européenne (1er mai 2004), marque l'aboutissement de la politique extérieure menée par les autorités estoniennes depuis l'indépendance, en 1991. L'Estonie a réussi son passage d'une économie centralisée à une véritable économie de marché. Aujourd'hui, 85 % du PIB est réalisé par le secteur privé. Les fondamentaux de l'économie estonienne sont solides.

La coopération culturelle entre les deux pays est intense. Une salle de littérature française a été ouverte à la Bibliothèque Nationale estonienne. Il existe en outre une branche estonienne de l'Alliance Française, ainsi qu'un centre culturel français implanté à Tallinn depuis 1992. Tous les quatre mois, le centre culturel français élabore, en coopération avec ses partenaires estoniens, un programme de manifestations culturelles permettant de présenter différents aspects de la culture française contemporaine. Par ailleurs, l'Estonie a ouvert un centre culturel à Paris en 2001.

L'accord soumis à la Commission vise à préciser le régime du centre culturel français de Tallinn et celui du centre estonien de Paris. Du côté français, le centre est géré par le Ministère des Affaires étrangères et placé sous l'autorité de l'Ambassadeur de France en Estonie. Du côté estonien, l'Institut est géré par une association à but non lucratif, dénommée « Eesti institut » et placé sous la tutelle du Ministère de la culture. Les deux instituts ne font pas partie de la représentation diplomatique de chaque Etat. Ils sont en revanche fondés à intervenir sur l'ensemble du territoire de chaque partie et sont soumis au droit du pays dans lequel ils ont leur siège.

Les missions imparties aux deux institutions sont identiques. Les instituts sont par ailleurs autorisés à percevoir des droits d'entrée aux manifestations qu'ils organisent, à vendre des matériels tels que des catalogues ou des supports audiovisuels et à percevoir des droits d'inscription pour les cours de langue qu'ils dispensent. Les deux instituts n'ayant pas d'activité à but lucratif, les recettes perçues doivent avoir un lien direct avec leurs missions.

Le personnel des instituts relève de chacun des Etats partie. Ceux-ci s'engagent à délivrer les titres de séjour à ces personnels, ainsi qu'à leurs conjoints et enfants à charge. L'accord ouvre la possibilité de recruter des personnels de droit local.

Enfin, l'accord définit le régime des exonérations fiscales et douanières applicable aux biens de chaque institut.

La politique de coopération culturelle et linguistique est essentielle pour le rayonnement de notre pays et pour l'amélioration de la connaissance mutuelle des peuples. Le présent accord, conclu sur la base de la réciprocité, constitue un outil indispensable au bon fonctionnement du centre culturel français en Estonie. Il a été approuvé par l'Estonie le 14 mars 2005. Il importe donc que la France approuve cet accord dans les meilleurs délais. Pour ces raisons, le Rapporteur a proposé d'adopter le projet de loi.

Le Président Edouard Balladur a fait observer qu'il serait intéressant que, dans le cadre d'une mission d'information, la Commission puisse examiner le fonctionnement des centres culturels français à l'étranger.

M. François Rochebloine a considéré que le principal problème du réseau culturel français était celui du manque de moyens.

M. François Loncle a rappelé que, sous la législature précédente, M. Yves Dauge avait remis au nom de la Commission des Affaires étrangères un rapport d'information sur cette question. Ce rapport a eu un important retentissement. Il serait tout à fait utile de poursuivre ce travail, d'autant qu'un certain nombre des suggestions de ce rapport n'ont pas été suivies d'effet.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 2059).

Convention des Nations unies contre la corruption

La Commission a examiné, sur le rapport de Mme Geneviève Colot, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention des Nations unies contre la corruption (n° 2414).

Mme Geneviève Colot, Rapporteure, a tout d'abord rappelé que la corruption est un des maux les plus graves de la civilisation qui handicape lourdement le développement dans le monde, en pénalisant essentiellement les plus pauvres, alors que quelques-uns détournent à des fins individuelles les efforts et les moyens destinés au plus grand nombre. De ce fait, elle constitue un obstacle majeur à la construction de l'Etat de droit.

La lutte contre la corruption est donc un impératif qui répond à plusieurs objectifs : affermir la démocratie et l'état de droit, en réprimant le financement irrégulier des partis politiques et le trafic d'influence ; préserver les fonds publics avec un bon fonctionnement des marchés, des systèmes fiscaux et douaniers ; consolider l'impartialité et l'indépendance du système judiciaire ; garantir une concurrence loyale ; lutter contre le crime organisé.

La Convention des Nations unies de lutte contre la corruption, dite Convention de Merida, poursuit l'ensemble de ces objectifs.

Consciente des ravages causés dans le monde par la corruption, la France s'est largement impliquée dans l'élaboration de cet instrument.

Lors de sa présidence du G8 au sommet d'Evian, en juin 2003, la France a fait adopter un plan d'action pour lutter contre la corruption et améliorer la transparence et s'est ensuite particulièrement impliquée dans les travaux préparatoires de cette convention, adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies à New York le 31 octobre 2003 et ouverte à la signature à Merida le 9 décembre suivant.

Trois années de négociations ont permis l'adoption de ce texte ambitieux, première convention internationale à vocation universelle, qui prévoit - c'est là sa caractéristique - l'adoption du principe de restitution.

Mme Geneviève Colot a indiqué que la corruption avait déjà fait l'objet de différents textes qu'elle a brièvement évoqués. Le Conseil de l'Union européenne a ainsi élaboré la Convention du 26 mai 1997 relative à la lutte contre la corruption active et passive des fonctionnaires des Communautés européennes ou ceux des Etats membres.

La convention pénale et la convention civile du Conseil de l'Europe, des 27 janvier et 4 novembre 1999, ont par ailleurs introduit la notion de réparation pour les victimes civiles et instauré un comité de suivi pour contrôler l'action des Etats dans la lutte contre la corruption.

D'autres instances ont également pris des initiatives comme, au niveau régional, l'Organisation des Etats américains ou l'Union africaine ; ou encore au niveau mondial, le Fond monétaire international, la Banque Mondiale et l'Organisation de coopération et de développement économique.

La Rapporteure a ensuite rappelé qu'à partir de 1998, les Nations unies avaient élaboré la convention de Palerme contre la criminalité transnationale organisée. Toutefois, dès 2000, l'Assemblée générale entendait, par un instrument universel et global pallier les insuffisances de celle-ci. C'est l'objet de la convention de Merida qui vise à promouvoir et renforcer les mesures destinées à prévenir et à combattre la corruption, faciliter et organiser la coopération internationale, promouvoir la bonne gestion des affaires publiques.

Ce texte comprend 71 articles regroupés en 5 chapitres. Tout d'abord les mesures préventives prévues au chapitre II concernent la politique de lutte dans chaque Etat, la transparence de l'accessibilité à l'emploi public et le financement des campagnes électorales; la déontologie des agents publics, la transparence des marchés publics et des finances publiques, le contrôle des finances privées, le contrôle du blanchiment de l'argent par les organismes financiers.

Le chapitre III sur l'incrimination, la détection et la répression comporte des mesures impératives ou indicatives. Une liste impérative des infractions à combattre par les Etats y est définie, comme la corruption d'agents publics, la corruption internationale, le détournement de biens par un agent public, le blanchiment d'argent sale et l'entrave à la justice. Est mentionné le principe de la responsabilité pénale des personnes en cause.

Le chapitre IV relatif à la coopération internationale vise l'extradition, l'entraide judiciaire et les enquêtes conjointes.

Un aspect essentiel de la Convention concerne le chapitre V relatif à la restitution des avoirs (article 51) avec le principe de vérification de l'identité des clients de gros comptes et des ayants droit. Sont également envisagés le recouvrement direct des biens détournés, l'entraide judiciaire et la confiscation des biens. Enfin un programme de formation et d'entraide des Etats membres est prévu.

La France est d'ores et déjà dotée d'outils de lutte au sein de l'office central pour la répression de la grande délinquance financière offrant déjà des moyens sérieux pour mettre en œuvre la Convention. En outre, la Rapporteure a indiqué que, du fait des engagements antérieurs de la France dans le domaine de la lutte contre la corruption, la Convention n'impliquera pas de changement majeur dans le droit national.

Il conviendra néanmoins de reconsidérer dans notre législation l'incrimination de la corruption active d'agents publics étrangers ainsi que l'extension du droit français aux actes visant à perturber les institutions judiciaires étrangères.

En conclusion, Mme Geneviève Colot a souligné qu'avec la Convention de Merida, la lutte contre la corruption est devenue une priorité mondiale pour les Nations unies. L'aspect le plus novateur de cette convention réside dans la reconnaissance du principe de restitution des avoirs à l'Etat spolié, principe défendu par les pays pauvres.

Aujourd'hui, 123 pays ont signé la convention et 27 l'ont ratifiée. Elle entrera en vigueur au 90ème jour suivant le dépôt de la 30ème ratification.

Une ratification rapide par la France serait en cohérence avec l'attitude constructive de celle-ci pendant les négociations. Elle permettrait également à notre pays d'être présent à la première session de la Conférence des parties, afin de peser sur les choix qui y seront faits.

Pour toute ces raisons et parce que cette Convention permettra la mise en place d'une véritable action internationale pour lutter contre la corruption, la Rapporteure a émis un avis favorable à l'adoption de projet de loi par la Commission.

Conformément aux conclusions de la Rapporteure, la Commission a adopté le projet de loi (n° 2414).

Convention avec la Principauté d'Andorre dans le domaine de l'enseignement

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Henri Sicre, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention du 24 septembre 2003 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre dans le domaine de l'enseignement (n° 2180).

M. Henri Sicre, Rapporteur, a indiqué que cet accord était le témoin d'une spécificité des relations entre la France et Andorre dans le domaine de l'enseignement. En effet, si l'enseignement français à l'étranger est presque toujours placé sous l'égide du ministère des Affaires étrangères, par l'intermédiaire de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, il dépend en Andorre du ministère français de l'Education nationale. Cette situation, qui existe depuis 1917, a été prorogée au-delà de l'accession d'Andorre à la pleine souveraineté internationale, réalisée en 1993.

Pour ce faire, a été signée, la même année, une convention franco-andorrane dans le domaine de l'enseignement. Conclue pour dix ans, elle a été renégociée et une nouvelle convention, qui a vocation à remplacer la première, a été signée le 24 septembre 2003. C'est elle qui est l'objet du présent projet de loi, que le Sénat a adopté le 22 mars dernier.

Le système éducatif d'Andorre repose sur la coexistence de trois types d'établissements, qui ont en charge chacun environ le tiers des élèves : les établissements strictement andorrans, les écoles espagnoles (publiques ou privées) et les établissements relevant de notre ministère de l'Education nationale. Ces derniers scolarisent près de 3 700 élèves, dont 1 500 dans le collège et lycée Comte de Foix.

L'excellent fonctionnement du dispositif français et son importance qualitative et quantitative à Andorre justifient pleinement la conclusion d'une nouvelle convention destinée à assurer sa pérennité pour les dix prochaines années. Cette convention reprend les dispositions de celle de 1993, qu'elle modernise sur certains points. Elle innove en revanche dans les domaines de la formation professionnelle et de l'enseignement supérieur, que la convention de 1993 ne couvrait pas.

L'enseignement que reçoivent, dans les établissements français, les enfants résidant en Andorre est pour l'essentiel le même que celui qui est dispensé dans les autres écoles françaises. Il est seulement prévu qu'il s'adapte à certaines spécificités de la Principauté. Respectueux de l'identité andorrane, il est aménagé « afin d'assurer l'enseignement de la langue catalane, de la géographie, de l'histoire et des institutions de l'Andorre ». Ainsi, l'étude du catalan, langue officielle de cet Etat, est assurée dès l'école maternelle et l'école primaire ; le catalan bénéficie ensuite du statut de première langue vivante au lycée. L'annexe II de la convention fixe les modalités pratiques de ces enseignements spécifiques, dont les professeurs sont rémunérés par le gouvernement andorran.

Les autres enseignants et les personnels non enseignants, à l'exception de ceux des services médicaux et sociaux, sont en revanche pris en charge par le ministère de l'Education nationale français et régis par les règles statutaires françaises. Il est néanmoins dérogé à celles-ci en matière de nomination.

La convention prévoit en effet une priorité de nomination aux personnels « résidant légalement dans la Principauté » aussi bien pour occuper un poste vacant en Andorre, que pour remplir une fonction de direction dans les écoles françaises primaires, maternelles et élémentaires. Cette priorité pour les postes de direction est limitée à la moitié d'entre eux. Les modalités de calcul de l'ancienneté pour la nomination des directeurs sont fixées par l'annexe I. Alors que la convention de 1993 exigeait que les enseignants soient français ou andorrans, la nouvelle convention, dans le respect du principe de libre circulation des travailleurs, étend cette possibilité aux ressortissants de tout Etat membre de l'Union européenne ou de tout Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen.

Pour ce qui est des locaux des établissements français, ils sont mis à disposition par les autorités andorranes pour les écoles maternelles et primaires, tandis que ceux du collège et lycée appartiennent à la France. Le gouvernement andorran participe obligatoirement aux dépenses de fonctionnement et d'équipement des premières, alors qu'il a seulement la possibilité de participer aux frais de fonctionnement du collège-lycée, dont les frais d'entretien et d'équipement sont à la charge de la France. Au total, la rémunération des personnels et le fonctionnement des établissements représentent une dépense de l'ordre de 15 millions d'euros par an à la charge du ministère de l'Education nationale.

La convention de 1993 a créé la Commission mixte franco-andorrane, comme instrument de coopération intergouvernementale dans le domaine de l'enseignement. Son existence est maintenue, et ses compétences confortées. Elle en acquiert de nouvelles dans le domaine de la formation professionnelle.

La convention signée en 2003 comprend en effet un titre consacré aux « autres formes de coopération », parmi lesquelles figurent la formation professionnelle, l'enseignement supérieur et la formation des personnels enseignants. Il s'agit d'abord de diversifier les filières professionnelles, dans le système éducatif français présent dans la Principauté, mais aussi sous une forme franco-andorrane. L'accès à l'enseignement supérieur dispensé en France sera facilité pour les étudiants andorrans, la reconnaissance mutuelle des baccalauréats étant déjà effective depuis 1997. Enfin, des actions de coopération seront conduites en matière de formation initiale et continue des personnels enseignants, lesquelles pourront notamment consister en échanges de personnels.

Ces nouvelles stipulations complètent utilement celles prises en 1993 en permettant aux lycéens andorrans de poursuivre leurs études supérieures dans le système éducatif français, ce qui est un élément très important pour le maintien de liens privilégiés entre la France et Andorre, au-delà du relâchement des liens institutionnels et dans un contexte de très forte influence espagnole sur la Principauté, du fait des relations économiques et d'un accès plus facile.

Le Président Edouard Balladur a souhaité connaître dans quelle langue l'enseignement était dispensé dans les écoles espagnoles et s'est plus largement interrogé sur l'enseignement du catalan en Catalogne même.

M. Henri Sicre, Rapporteur, a indiqué que, dans les écoles dépendant du ministère de l'Education espagnol, la principale langue d'enseignement était le castillan, même si des leçons de catalan y était dispensées. Certains établissements privés, originaires de Catalogne, assurent une scolarité en catalan.

Depuis le début des années 1980, la pratique du catalan s'est considérablement développée en Catalogne, y compris dans la bourgeoisie. L'Autonomie étant dynamique, elle attire un grand nombre de travailleurs venant d'autres région d'Espagne, qui ne parle pas le catalan, si bien que la pratique du castillan tend à reprendre du terrain. L'Espagne a néanmoins demandé officiellement que le catalan soit reconnu comme langue de travail dans l'Union européenne. Deuxième langue la plus parlée au monde, le castillan est pour sa part, de plus en plus, un vecteur de communications au niveau international.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 2180).

Accord d'investissements avec la Bosnie-Herzégovine

La Commission a examiné, sur le rapport de M. René André, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et la Bosnie-Herzégovine sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 2176).

M. René André, Rapporteur, a précisé que le projet de loi avait été adopté par le Sénat le 22 mars dernier, et que les stipulations de l'accord étaient classiques. Les relations entre la France et la Bosnie-Herzégovine sont un exemple des difficultés rencontrées par notre pays pour passer d'un soutien militaire à une implantation économique. Alors que la France a été militairement très présente et a perdu quatre-vingt quatre hommes dans le conflit qui a suivi l'explosion de la Yougoslavie, elle n'est pas parvenue à y réaliser des investissements importants.

Si, d'un point de vue politique, la Bosnie-Herzégovine reste sous l'autorité du Haut représentant de la communauté internationale, d'un point de vue économique et financier, sa dépendance vis-à-vis de l'aide internationale se réduit progressivement. Elle est remplacée par les investissements étrangers, provenant de l'Union européenne à hauteur de 85 %. La part des investissements français est en revanche très modeste, inférieure à 0,5 % des investissements directs étrangers réalisés en 2002.

En effet, à la suite de son accession à la souveraineté internationale, la Bosnie-Herzégovine n'a pas souhaité proroger l'accord du 28 mars 1974 entre la France et la Yougoslavie sur la protection des investissements, contrairement aux décisions prises par la Croatie et la Macédoine. Aussi les investissements français dans le pays ne bénéficient plus d'aucune protection conventionnelle, ce qui a pu contribuer à leur faible développement.

Le nouvel accord est très proche de la centaine d'accords bilatéraux de ce type conclus par la France depuis les années 1970 ; il reprend des stipulations qui figuraient dans l'accord franco-yougoslave.

Le champ d'application de l'accord est très large : « tous les avoirs, tels que biens, droits et intérêts de toute nature » sont visés ; les investisseurs peuvent être des personnes physiques ou morales, mais les conditions de nationalité sont plus strictes pour les Bosniens que pour les Français (par exemple, tous les ressortissants français sont concernés, alors que les ressortissants de Bosnie-Herzégovine ne sont protégés que si leur résidence principale ou leur établissement commercial principal est situé dans le pays).

Conformément à sa pratique en la matière, la France a obtenu que l'accord n'empêche pas les parties de prendre des mesures de nature à préserver et à encourager la diversité culturelle et linguistique. Cette clause figure aussi dans les accords du même type conclus avec l'Iran, la Libye, le Mozambique, le Mexique, l'Ouganda et Madagascar. Elle autorise la France à protéger et promouvoir les productions artistiques de langue française, notamment dans le domaine de l'audiovisuel, au détriment, le cas échéant, d'investisseurs d'un pays tiers, la réciproque valant naturellement dans l'autre partie contractante.

Les dispositifs de protection des investissements sont classiques : interdiction de toute mesure discriminatoire et de toute entrave, de droit comme de fait, aux investissements de l'autre Partie ; traitement de la Nation la plus favorisée ou traitement national accordé à ces investissements ; subordination de toute expropriation d'un investisseur de l'autre Partie à une série de conditions et principe d'une indemnisation « prompte, adéquate et effective » ; libre transfert des revenus engendrés par l'investissement. L'accord permettra à la France d'accorder par l'intermédiaire de la COFACE des garanties aux investisseurs français pour leurs opérations en Bosnie-Herzégovine.

Le mode de règlement des conflits est lui aussi traditionnel : lorsqu'un différend oppose un investisseur à un Etat Partie, et qu'un règlement à l'amiable n'a pu être obtenu dans un délai de six mois, l'investisseur concerné peut, selon sa préférence, soit saisir la juridiction judiciaire ou administrative compétente dans le pays où l'investissement a été réalisé, soit soumettre le différend à l'arbitrage du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI). L'un ou l'autre des Etats parties à l'accord peut aussi demander l'arbitrage du CIRDI.

Si un différend opposant les deux Etats n'a pas pu être résolu par la voie diplomatique dans le même délai de six mois, il peut être soumis, à la demande de l'une ou l'autre Partie, à un tribunal d'arbitrage, dont les modalités de désignation des membres sont précisées. Si la constitution de ce tribunal de trois membres n'est pas réalisée en suivant ces prescriptions, l'intervention du secrétaire général des Nations unies peut être demandée.

Cet accord reprend ainsi des mécanismes bien connus qui ont fait leurs preuves. Il devrait faciliter le développement des investissements français en Bosnie-Herzégovine en assurant leur protection juridique.

M. Jacques Remiller a indiqué qu'il avait reçu, la semaine dernière, dans sa circonscription, une délégation de parlementaires de Bosnie-Herzégovine, qu'il avait présenté à des entrepreneurs français. Ces parlementaires souhaitent un développement des investissements français dans leur pays. Pourquoi sont-ils encore si rares ?

M. René André, Rapporteur, a estimé que notre pays était plus efficace pour tisser des liens politiques ou culturels que pour nouer des relations économiques denses, et que ce phénomène n'était pas particulier à la Bosnie-Herzégovine. Au Kosovo, le constat est le même : d'une part les Français y sont très respectueux des règles du commerce international, d'autre part les Hauts représentants français ont toujours été remarquablement neutres, alors que cela n'a pas été systématiquement le cas de leurs homologues d'autres nationalités, ce qui est d'ailleurs regrettable. Les Etats-Unis sont incontestablement mieux organisés que la France pour assurer l'implantation de leurs entreprises à l'étranger.

Hormis quelques petits investissements au cours de la période 1996-1998 (distribution, boulangeries, petites unités de production, services), le seul investisseur français significatif est Intermarché qui a ouvert, en 1999, une grande surface de 4 000 mètres carrés à Sarajevo représentant un investissement estimé à 6 millions d'euros. L'ouverture de deux succursales a ensuite porté à 10 à 12 millions d'euros l'investissement de ce groupe en Bosnie-Herzégovine.

Le Président Edouard Balladur a demandé combien d'habitants comptait la Bosnie-Herzégovine et comment fonctionnait la structure fédérale.

M. René André, Rapporteur, a précisé que la population de Bosnie-Herzégovine atteignait environ 4 millions d'habitants et que le fonctionnement des institutions devait beaucoup au rôle éminent du Haut Représentant, qui est en quelque sorte le gouverneur de cet Etat.

Il est regrettable que la France, contrairement à l'Allemagne et aux Etats-Unis, fasse aujourd'hui peu entendre sa voix sur les questions qui touchent les Balkans de l'Ouest, alors que le Monténégro aspire à se retirer de la fédération qui l'unit à la Serbie et que le statut du Kosovo doit évoluer prochainement.

M. Jean-Paul Bacquet a estimé que les incertitudes sur la viabilité de l'Etat de Bosnie-Herzégovine n'étaient guère susceptibles d'encourager les investissements de long terme.

M. François Loncle a reconnu que l'Etat était fragile, mais qu'une conscience nationale commençait à voir le jour, notamment en réaction aux tentatives d'ingérence des pays voisins.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 2176).

Accord d'investissements avec le Royaume de Bahreïn

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Jean-Claude Guibal, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Bahreïn sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 2337).

M. Jean-Claude Guibal, Rapporteur, a tout d'abord rappelé que l'archipel de Bahreïn fut détaché de l'Empire perse en 1783 après la prise du pouvoir par Ahmad ibn Kalifa, qui fonda la dynastie qui est toujours au pouvoir. En 1820, les souverains signèrent un traité avec l'Angleterre et, jusqu'à l'indépendance intervenue en 1971, les décisions en matière d'affaires étrangères et de défense étaient prises par le Royaume-Uni, le souverain ayant compétence sur les affaires intérieures de l'émirat. Malgré un train de réformes de démocratisation, les chiites, qui représentent 75 % des nationaux et 55 % des résidents de Bahreïn, n'ont toujours pas accès à certains emplois dans l'administration, alors même que des étrangers sunnites y sont recrutés, notamment dans la police et l'armée.

Pour sa politique extérieure, Bahreïn a clairement fait le choix de fonder sa sécurité sur une alliance stratégique avec les États-Unis. A ce titre, le royaume accueille le quartier général et les infrastructures de la Vème flotte qui couvre l'ensemble du Moyen-Orient. Lors du conflit en Irak, les États-Unis ont, par ailleurs, pu utiliser sans restriction aucune la base aérienne située au sud de l'île. La Grande-Bretagne reste également très présente dans l'archipel : outre une communauté britannique importante, qui compte environ 7 000 membres, les coopérations entre Bahreïn et son ancien protecteur demeurent importantes, y compris dans des domaines sensibles, comme la sécurité intérieure.

Avec un PIB de 8,7 milliards de dollars en 2003 et un PIB par habitant de 13 000 dollars, Bahreïn se trouve au quarantième rang mondial dans le classement effectué par l'ONU en termes d'indice de développement humain. Bahreïn a été le premier pays du Golfe, au début des années 1980, à libéraliser la législation applicable à l'investissement étranger, autorisant en particulier les sociétés étrangères à prendre une participation de 100 % dans les sociétés locales. Avec environ 350 banques et institutions financières, Manama, la capitale, est aujourd'hui la première place financière de la région devant Dubaï. Au total, les services financiers représentent près de 20 % du PIB de l'archipel. Les autorités ont, en outre, considérablement développé l'appareil industriel du pays, notamment dans le secteur de l'aluminium, ainsi que ses infrastructures touristiques. Du fait de cette diversification, les hydrocarbures ne contribuent plus que pour 25 % du PIB, mais ils restent déterminants pour les grands équilibres du pays. L'Etat conserve un rôle déterminant dans l'économie : 60 % du PIB sont générés par des entreprises détenues en majorité ou en totalité par le gouvernement ou la famille royale. ; toutefois, un programme de privatisations est en cours.

Bahreïn a signé en septembre 2004 un accord de libre-échange avec les Etats-Unis. Cet accord a provoqué des tensions entre le Royaume et l'Arabie Saoudite, qui y a vu une remise en cause de son statut de puissance régionale et un obstacle à l'intégration économique du Conseil de coopération des Etats arabes du Golfe (CCEAG). L'Union européenne a, pour sa part, ouvert des négociations avec cette organisation régionale afin de conclure un accord de libre-échange. Par ailleurs, Bahreïn est membre de l'Organisation mondiale du commerce depuis sa création.

Plus de 60 % des emplois sont occupés par des travailleurs étrangers. Le développement économique de l'archipel ne bénéficie que partiellement à la population bahreïnienne : le chômage y est de 15 % de la population active et continue de croître du fait de l'arrivée de nouvelles classes d'âge sur le marché du travail.

L'objet de l'accord d'investissements entre la France et Bahreïn est de fournir un cadre juridique clair aux entreprises des deux pays désirant développer des partenariats, y compris sous la forme de coentreprises. La conclusion de cet accord permettra à la COFACE d'accorder sa garantie aux investisseurs français. L'accord supprime en outre les restrictions aux investissements sur la base de la réciprocité. Les investisseurs de chaque partie doivent être traités de manière juste et équitable selon la clause de la nation la plus favorisée. L'accord garantit également la protection des investissements en proscrivant les mesures d'expropriation ou de dépossession arbitraire. L'expropriation doit ainsi être justifiée par l'utilité publique et donner lieu à une indemnité prompte, effective et transférable. Enfin, les éventuels différends liés à l'interprétation ou à l'application de l'accord peuvent être réglés par la voie diplomatique. Si celle-ci échoue, un tribunal d'arbitrage peut être saisi après expiration d'un délai de six mois.

L'accord d'investissements entre la France et Bahreïn intervient à un moment où les relations commerciales entre les deux pays sont en pleine expansion. Ainsi en 2004, le volume total des échanges entre les deux pays a plus que doublé. Au premier semestre 2004, les ventes françaises ont atteint 202 millions d'euros et les achats 94 millions. L'excédent commercial en notre faveur est en hausse de 32 % par rapport à l'année précédente. La France devrait ainsi passer de la 10ème à la 5ème place des fournisseurs du royaume. L'accord soumis à l'Assemblée s'inscrit donc dans un contexte dynamique et porteur. Le Rapporteur a proposé d'en autoriser l'approbation en adoptant le projet de loi.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 2337).

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● Estonie

● Nations unies

● Andorre

● Bosnie-Herzégovine

● Bahreïn


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