COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 10

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 29 novembre 2005
(Séance de 16 heures)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

pages

- Informations relatives à la Commission

- Accord avec la Fédération de Russie relatif à certaines questions immobilières (n° 2626) - M. François Rochebloine, Rapporteur

- Accord sur l'Office franco-allemand pour la jeunesse (n° 2630) - M. François Rochebloine, Rapporteur
- Compte rendu du déplacement effectué aux Nations unies du 25 au 28 octobre 2005

  

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Informations relatives à la Commission

Ont été nommés, le 29 novembre 2005 :

- M. Bruno Bourg-Broc, rapporteur pour le projet de loi autorisant l'approbation de la convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (n° 2605) ;

- M. François Rochebloine, rapporteur pour le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie relatif à certaines questions immobilières (n° 2626) ;

- M. François Rochebloine, rapporteur pour le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sur l'Office franco-allemand pour la jeunesse (n° 2630).

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Accord avec la Fédération de Russie relatif à certaines questions immobilières

La Commission a examiné, sur le rapport de M. François Rochebloine, le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie relatif à certaines questions immobilières (n° 2626).

M. François Rochebloine, rapporteur, a observé que le projet de loi n° 2626 autorisant l'approbation de l'accord conclu entre la France et le Gouvernement de la Fédération de Russie relatif à certaines questions immobilières, dont l'Assemblée nationale était saisie, avait pour but de mettre un terme à une affaire épineuse opposant les pays baltes à la Russie, le territoire français étant le théâtre de ce litige.

Revenant sur les origines historiques de ce différend, il a rappelé qu'après la chute de l'empire russe, les pays baltes avaient proclamé leur indépendance en 1918. Les Etats baltes firent ensuite l'acquisition à Paris d'immeubles pour y loger leurs légations. La Lituanie acheta ainsi un bâtiment, en 1925, place Malesherbes, actuellement au 17, place du général Catroux dans le XVIIe arrondissement. La Lettonie fit de même dans un quartier tout proche, en 1927, au 8, rue de Prony. Enfin, l'Estonie prit plus de temps pour acquérir, en 1936, un immeuble au 4, rue du général Appert dans le XVIe arrondissement. Mais à la suite des accords du 23 août 1939 - le fameux Pacte germano-soviétique - et de ses protocoles secrets, les trois pays baltes furent occupés militairement et intégrés de force dans l'URSS entre 1940 et 1945. La France n'a jamais reconnu l'annexion.

Toutefois, dans cette période trouble, les trois immeubles acquis par les pays baltes furent mis à la disposition de l'URSS en août 1940, puis, après leur réquisition par l'occupant allemand, de nouveau en septembre 1944. Réalisme politique oblige, ce furent les autorités françaises qui mirent à disposition de l'URSS ces bâtiments bien que la France n'ait, pour autant, jamais reconnu juridiquement le changement de propriété de ces immeubles au profit de l'Etat soviétique.

La situation n'évolua pas pendant un demi-siècle jusqu'à ce que les Etats baltes proclament en 1990 et en 1991 leur deuxième indépendance avec la chute de l'Union Soviétique. La question des bâtiments occupés par les autorités russes vint en discussion, les Etats baltes souhaitant, à juste titre, faire valoir leurs droits.

L'usage actuel de ces immeubles est le suivant. L'ancienne légation d'Estonie est un immeuble d'habitation de la représentation commerciale de la Fédération de Russie en France. L'ancienne légation de Lettonie est, quant à elle, le siège de la délégation permanente de la Fédération de Russie auprès de l'UNESCO et des archives consulaires de ce pays. Enfin, l'ancienne légation de Lituanie est le centre d'information de l'agence de presse Ria Novosti et le service d'information de l'ambassade de la Fédération de Russie. De leurs côtés, les Etats baltes ont acquis ou loué de nouveaux locaux.

D'un point de vue juridique, les pays baltes n'ont jamais cessé d'être propriétaires des immeubles occupés par les autorités russes. C'est pourquoi ces Etats ont multiplié les démarches, après leur indépendance nouvelle, pour obtenir la restitution de leurs biens. Ces démarches se sont heurtées à la position très ferme de la Fédération de Russie et à la protection diplomatique dont bénéficiaient ces locaux et leurs occupants, conformément à la convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques.

Alors que les organes du Conseil de l'Europe se sont saisis de cette question notamment par un avis datant de 1996, en appelant à un règlement rapide du litige, la France, de son côté, n'a pas ménagé ses efforts pour régler le dossier de façon pragmatique, dès le retour des Etats baltes à l'indépendance. Pour preuve de sa bonne volonté, elle a décidé d'assumer, à partir de 1991, la charge de l'installation provisoire des nouvelles ambassades baltes à Paris. D'un point de vue formel, la France n'était pas partie au litige. Mais nos autorités ont estimé, à bon droit, que notre pays avait une responsabilité morale dans cette affaire et devait œuvrer pour son règlement.

La France a proposé en 2001 un processus de négociation qui se décomposait en deux volets. Le premier consistait en une indemnisation préalable des trois Etats baltes. Une fois celle-ci effectuée, l'Estonie, la Lettonie et la Lituanie s'engageaient à transférer à la France les titres de propriété des trois bâtiments. Le deuxième volet de cette opération reposait sur le principe d'une participation financière de la Russie en échange de la remise par la France des titres de propriété des anciennes légations baltes. Les Etats Baltes ont fait des concessions significatives dans le règlement de ce dossier. Ils ont, en effet, renoncé à la restitution de leurs biens. Or il ne s'agissait pas, pour eux, d'une simple revendication immobilière. La chose avait évidemment le poids d'un symbole. En acceptant un compromis global, ces trois pays ont fait montre de leur sens de la mesure et de leur esprit de responsabilité, qu'il faut saluer à sa juste valeur. A l'issue des négociations, il a été convenu d'indemniser les trois Etats baltes à hauteur de 3 963 674 € pour la Lettonie, de 3 917 939 € pour l'Estonie et de 3 506 327 € pour la Lituanie.

C'est le Président de la République, lors de ses visites d'Etat les 26, 27 et 28 juillet 2001 en Lituanie, Lettonie et Estonie, qui a annoncé publiquement le règlement de la question des légations. Trois lois du 12 mars 2003 ont autorisé l'approbation de ces accords signés en décembre 2001.

La Commission des Affaires étrangères examine aujourd'hui le second volet de cet accord, qui concerne la Russie et qui a été signé le 10 décembre 2004.

Cet accord est intervenu après qu'en janvier 2003, la France et la Russie fussent parvenues à un accord de principe. La France s'est engagée à transférer à la Russie les titres de propriété des trois bâtiments en échange d'une réduction du loyer de la résidence de l'ambassadeur de France en Russie de quatre millions d'euros sur dix ans et de la réalisation de travaux pour un montant de deux millions d'euros. La Russie a donc consenti une participation financière de six millions d'euros, soit la moitié de ce que le rachat des immeubles aux trois pays baltes a coûté à la France.

Ce dossier a toujours revêtu un caractère sensible pour la partie russe qui n'a cessé de considérer qu'elle était propriétaire légitime des trois immeubles en question. C'est pourquoi l'accord entre notre pays et la Russie ne fait aucune mention des accords conclus par la France avec les Etats baltes. Pour cette même raison, l'accord fait état d'un « transfert des titres de propriété » et non d'une vente ou d'une transaction afin de ménager les susceptibilités russes. L'article 1er de l'accord établit l'obligation faite à la France de transférer à la Fédération de Russie les titres de propriété des trois immeubles. L'article 2 de l'accord correspond à la contrepartie financière consentie par la Russie. Il mentionne la garantie accordée par la Fédération de Russie pour la signature d'un nouveau contrat de bail pour la résidence de l'ambassadeur de France à Moscou à compter du transfert des titres de propriété des trois immeubles à la Russie. Les aspects techniques ne figurent pas dans l'accord intergouvernemental, mais dans deux notes verbales qui ont été échangées par le ministère des Affaires étrangères de la Fédération de Russie et l'ambassade de France en Russie, auxquelles était annexé le contrat de bail négocié par les deux parties, le 10 décembre 2004, jour de la signature de l'accord. L'article 3 de l'accord concerne les dispositions finales de l'accord.

Après avoir déclaré qu'il s'agissait de mettre ici un terme à un litige qui n'avait que trop duré, et s'être réjoui, alors que les trois pays baltes ont rejoint l'Union européenne depuis 2004, qu'un accord ait pu être trouvé, le Rapporteur a incité la Commission à adopter le projet de loi (n° 2626) qui constitue l'épilogue d'un chapitre peu glorieux de l'histoire européenne.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 2626).

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Accord sur l'Office franco-allemand pour la jeunesse

La Commission a examiné, sur le rapport de M. François Rochebloine, le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sur l'Office franco-allemand pour la jeunesse (n° 2630).

M. François Rochebloine, Rapporteur, a tout d'abord rappelé que l'Office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ) a été créé il y a plus de quarante ans par le traité de l'Elysée signé le 22 janvier 1963 sur la coopération franco-allemande.

En 2003, l'Office a fait l'objet d'une double évaluation. Deux missions ont été conduites ; l'une ministérielle et l'autre parlementaire, qui pour la première fois réunissait 12 parlementaires français et allemands.

A l'issue de ces évaluations gouvernementale et parlementaire un groupe de travail a remis ses propositions qui s'inspirent globalement des conclusions de la mission d'information parlementaire et qui visent à moderniser et rendre plus efficace l'organisation, le fonctionnement et les missions de l'OFAJ.

L'accord sur la réforme de l'Office a été signé lors du Conseil franco-allemand du 26 avril 2005 et le présent projet de loi qui est soumis aujourd'hui à la Commission vise à autoriser l'approbation de cet accord.

Prévu par le traité de l'Elysée et créé en juillet 1963 par un traité bilatéral l'Office est une organisation internationale à laquelle s'appliquent les prescriptions de la Convention de 1947 sur les immunités et privilèges des institutions spécialisées.

M. François Rochebloine a indiqué que l'OFAJ a pour objet de « resserrer les liens qui unissent les jeunes des deux pays », « renforcer leur compréhension mutuelle » et, à cet effet, « de provoquer d'encourager et de réaliser des rencontres et des échanges de jeunes ».

La réforme de l'Office examinée aujourd'hui entend adapter et équilibrer ses missions ainsi qu'à réformer ses structures d'administration et son équipe de direction.

Depuis 1963, ce sont plus de sept millions de jeunes allemands et français qui ont bénéficié des services et programmes de l'OFAJ.

En 2005, l'OFAJ touche davantage de jeunes dans l'enseignement secondaire. On en compte environ 160 000 par an. Le Rapporteur a ajouté que sept mille de ses programmes concernent le primaire, le supérieur et les jeunes professionnels, apprentis et demandeurs d'emploi. Des formations pour des enseignants et animateurs de jeunesse sont également organisées.

Le nouvel accord donne aujourd'hui à l'Office la mission d'approfondir les liens qui unissent les enfants, les jeunes, les jeunes adultes et les responsables de jeunesse des deux pays.

M. François Rochebloine a précisé qu'une des principales missions élargies de l'Office vise à favoriser l'apprentissage linguistique tant du français que de l'allemand.

L'accord prévoit également la réforme du Conseil d'administration de l'OFAJ qui est l'instance de décision, investi des pouvoirs nécessaires à l'accomplissement des missions de l'Office. La composition du Conseil d'administration devrait être resserrée. Le nombre de ses membres, aujourd'hui de 30, a été jugé trop élevé par rapport à l'effectif total du personnel de l'Office qui comprend 70 personnes. Le Conseil d'administration devrait compter à l'avenir quatorze membres au total.

Par ailleurs, des risques de conflits d'intérêts sont apparus dans la composition du Conseil d'administration dans la mesure où les bénéficiaires des subventions participaient également à la décision sur l'attribution de celles-ci. De ce fait, la mission d'information parlementaire avait proposé la création, au côté du Conseil d'administration, d'un Conseil d'orientation.

Cette idée a été retenue. Le Conseil d'orientation est une instance de concertation qui, composée de 24 membres, permet d'assurer la représentation des partenaires de l'OFAJ. Ouvert à la société civile comme aux secteurs de l'éducation et de l'université, la culture ou encore l'économie, le Conseil d'orientation élabore des avis et recommandations relatives aux objectifs, mesures et programmes de l'Office.

Outre la réforme du secrétariat général et l'adoption future d'un statut du personnel, par les deux gouvernements, tels sont les principaux points de la réforme de l'OFAJ

En conclusion, la réforme de l'OFAJ devrait permettre d'améliorer et de développer davantage encore les relations entre jeunes français et allemands, et de soutenir plus efficacement l'apprentissage du français et de l'allemand.

M. François Rochebloine a souligné que l'Assemblée, en autorisant l'approbation de cet accord, réaffirmera l'importance du lien franco-allemand et l'amitié qu'elle porte à son partenaire européen. Pour toutes ces raisons le Rapporteur a émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 2630).

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Compte rendu du déplacement effectué aux Nations unies

Le Président Edouard Balladur a indiqué que la délégation qu'il avait conduite était composée de MM. Hervé de Charette, Jacques Godfrain, Jean-Jacques Guillet, Axel Poniatowski, Rudy Salles et Tony Dreyfus. Celle-ci avait notamment rencontré M. Kofi Annan, avec lequel avaient été abordés, entre autres sujets :

- la situation en Côte d'Ivoire, où le principal problème demeurait la désignation d'un Premier ministre acceptable par tous. Force est de constater aujourd'hui l'absence d'évolution sur cette question sensible ;

- l'évolution de l'Irak, où, selon le secrétaire général de l'ONU, on ne peut exclure le risque d'un démantèlement du pays. Actuellement, environ 20 000 soldats irakiens sont formés au maintien de l'ordre - ce qui est apparu insuffisant à M. Kofi Annan, pour qui la question du retrait des troupes américaines pose le problème de la préparation de ce retrait, et du transfert aux autorités irakiennes des missions de sécurité et de maintien de l'ordre qu'elles seraient en mesure d'exercer ;

- s'agissant des rapports entre l'ONU et l'OTAN, jugés satisfaisants, M. Kofi Annan a considéré que l'OTAN devait être un partenaire qui « devrait intervenir à la demande de l'ONU ».

De l'entretien que la délégation a eu avec M. Road Larsen, représentant du Secrétaire général pour l'application de la résolution 1559 sur le Liban, il ressort, selon ce dernier, que le retrait des troupes syriennes (25 000 militaires et 5 000 agents de renseignement) a eu lieu, mais que le problème des milices demeure et notamment celui des milices palestiniennes basées en Syrie - dont l'action est encouragée par le pouvoir syrien et qui arrivent au Liban.

La rencontre avec M. John Bolton, représentant permanent des Etats-Unis, a été l'occasion d'aborder les sujets suivants :

L'Iran. Pour M. Bolton, la demande européenne est légitime. La communauté internationale ne peut accepter une violation par l'Iran de ses engagements car le Traité sur la non-prolifération serait alors vide de sens.

L'Iran évoque la production d'une énergie nucléaire à des fins civiles, or, il n'en a pas besoin (gisements de gaz pour 400 ans). Aussi, selon M. Bolton, la proposition russe de récupérer le combustible nucléaire après utilisation pour éviter un usage à des fins militaires n'est pas appropriée.

Sans surprise, M. Bolton s'est montré très critique sur le fonctionnement du secrétariat général des Nations unies et sa mauvaise gestion et a déclaré que la réforme du Conseil de sécurité ne se réaliserait pas et a fait observer que les projets de réforme ont rarement abouti.

Sur la question de la réforme du Conseil de sécurité, les représentants permanents de la Russie et de la Chine se sont montrés sans illusion.

M. Pleugen, représentant de l'Allemagne, a en revanche indiqué que son pays était prêt à accepter le statut de membre permanent sans droit de veto.

M. Jean-Marc Guéhenno, secrétaire général adjoint chargé des opérations de maintien de la paix, a indiqué que ces opérations se multiplient et que les Nations unies atteignent désormais la limite de leur capacité. L'Afrique concentre à elle seule 50 % des OMP et l'on y enregistre des résultats encourageants (Burundi, Sierra Leone...). Actuellement, 18 OMP sont en cours, avec 80 000 personnes déployées et un budget de 5 milliards de dollars.

M. Jean-Marc Guéhenno a regretté la réticence de la France à envoyer des hommes dans le cadre des OMP sous mandat de l'ONU.

La délégation a également rencontré Mme Koning Abuzayd, commissaire générale pour les réfugiés palestiniens, qui a déploré l'absence de décision concrète depuis le désengagement israélien de la bande de Gaza, s'agissant notamment de l'aéroport, du port et des liaisons avec les autres territoires. L'objectif principal reste la reprise économique en remettant 30 000 personnes dans un emploi. Mais le plan Wolfensohn a déjà pris du retard.

Elle a indiqué que la situation dans les camps palestiniens reste toujours très difficile même si on peut attendre quelques améliorations (le Premier ministre libanais a autorisé les Palestiniens à occuper les 73 emplois qui leur étaient jusqu'alors interdits).

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● Fédération de Russie

● Nations unies

● Office franco-allemand pour la jeunesse


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