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COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 27

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 15 mars 2006
(Séance de 12 heures)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

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- Examen de la proposition de résolution n° 2679 de M. Jacques Myard tendant à la création d'une commission d'enquête sur la situation de la langue française au sein de l'Union européenne et dans le reste du monde - M. André Schneider, rapporteur

  


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Création d'une commission d'enquête sur la situation de la langue française

La Commission a examiné, sur le rapport de M. André Schneider, la proposition de résolution n° 2679 de M. Jacques Myard tendant à la création d'une commission d'enquête sur la situation de la langue française au sein de l'Union européenne et dans le reste du monde (n° 2679).

M. André Schneider, rapporteur, a fait état du constat établi par M. Jacques Myard selon lequel le français, langue officielle des Nations unies et langue de travail des institutions européennes, était de plus en plus en recul face à l'anglais dans ces instances. Le récent élargissement de l'Union européenne à dix nouveaux Ébats membres a aggravé cette situation. Celle-ci est d'autant plus regrettable que de nombreux responsables français renoncent à s'exprimer dans leur langue devant les instances internationales. Une telle situation appelle une réaction des pouvoirs publics.

Depuis le vote de la loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française, les pouvoirs publics sont intervenus à plusieurs reprises pour défendre la place du français. Plusieurs circulaires ont ainsi invité les agents publics français présents à l'étranger à parler dans notre langue et à exiger une traduction en français des débats et des documents au sein des enceintes internationales. Le Parlement est également mobilisé en faveur de l'usage du français dans le monde et en Europe. L'Assemblée nationale a ainsi adopté le 22 octobre 2005 sur proposition de la commission des Affaires étrangères une résolution visant à faire du français la langue juridique de référence de l'Union européenne. Le Sénat a pour sa part adopté le 10 novembre 2005 une proposition de loi de M. Philippe Marini visant à améliorer l'application de la loi du 4 août 1994.

Cependant, la mobilisation des pouvoirs publics en faveur du français apparaît aujourd'hui insuffisante face au caractère extrêmement préoccupant de la situation. Les crédits consacrés au rayonnement culturel extérieur sont en baisse constante depuis de nombreuses années, alors même qu'il s'agit d'une politique essentielle pour enrayer le recul de notre langue en Europe et dans le monde. Cette situation a motivé le dépôt de la proposition de résolution par M. Jacques Myard.

Si la proposition de résolution est recevable, la mise en place d'une commission d'enquête sur la place du français en Europe et dans le monde n'apparaît pas comme la procédure la plus adaptée. En effet, compte tenu de l'objectif de cette proposition de résolution, il apparaît indispensable que des investigations soient entreprises à l'étranger et qu'un certain nombres de responsables d'organisations internationales et d'instances européennes soient entendus. Les dispositions de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, qui limitent à six mois la durée des travaux des commissions d'enquête, et qui prévoient que les personnes entendues prêtent serment devant elles, ne sont pas adaptées au but recherché, ne serait-ce que parce qu'une part importante des investigations doivent être conduites à l'étranger ou auprès d'organisations internationales. Pour ces raisons, le Rapporteur a proposé à la Commission de rejeter la proposition de résolution tout en demandant la création d'une mission d'information sur ce sujet. Il a estimé que chacun devait se mobiliser en faveur de l'usage du français et qu'il fallait faire preuve de conviction et d'ardeur sur ce sujet essentiel.

Le Président Edouard Balladur a estimé que la défense de la langue française relevait du mythe de Sisyphe dans la mesure où la puissance économique et l'influence de la France dans le monde ne sont plus ce qu'elles étaient. Pour autant il faut continuer. A cet égard, il a fait part de trois expériences récentes en la matière qui s'étaient avérées décourageantes.

Ainsi, il y a deux ans, le ministère des Affaires étrangères a-t-il diffusé des télégrammes diplomatiques à tous les chefs de poste énonçant la position du gouvernement français qui étaient rédigés en anglais au motif que dans cette négociation, les documents de référence et les discussions étaient en anglais.

De la même manière, alors que la Commission des Affaires étrangères a adopté à l'unanimité, le 11 octobre 2005, une proposition de résolution visant à faire du français la langue juridique de référence de l'Union européenne, le Gouvernement déclare ne pas être en mesure d'y donner suite.

Enfin, dernièrement, la Commission des Affaires étrangères a appris l'adoption par la Commission des Finances d'un amendement au projet de loi sur la recherche visant à autoriser la ratification du protocole de Londres sans aucune consultation de la Commission des Affaires étrangères. Le Gouvernement s'est opposé à l'adoption de cet amendement et son auteur l'a retiré. La ratification du protocole de Londres aurait pour conséquence de rendre applicables en France des brevets déposés en allemand ou en anglais, sans que puisse être exigée une traduction en français.

En définitive, le plus difficile n'est pas d'établir un constat ou d'affirmer l'intérêt de parler français, mais de formuler des propositions concrètes pour que notre langue soit davantage utilisée. Il y a une incohérence à insister sans cesse sur la nécessité de promouvoir notre langue tout en fermant des établissements culturels à l'étranger et en n'augmentant pas les crédits correspondants.

M. Jacques Myard a exprimé son accord avec la constitution d'une mission d'information sur la situation de la langue française dans l'Union européenne et dans le reste du monde car cela manifeste une volonté politique de défense de la langue française. Il faut faire valoir les atouts de la langue française sans restreindre les travaux de la mission aux institutions de l'Union européenne et à l'action culturelle extérieure : la dimension économique ne doit pas être occultée. Trop souvent les entreprises françaises privilégient l'anglais à l'étranger par une sorte de masochisme incompréhensible.

M. François Rochebloine a plaidé pour que les mesures existantes soient appliquées faisant observer que l'anglais et le français étaient langues officielles en vertu de la charte olympique, mais qu'aux derniers Jeux, la France n'avait pas voulu insister en faveur de l'usage du français craignant de s'aliéner le soutien de certains pays à la candidature de la ville de Paris pour les Jeux de 2012. Le résultat est maintenant connu, c'est Londres qui a été retenue.

S'agissant du protocole de Londres, il est grave que les brevets déposés en France en langue anglaise puissent produire des effets juridiques sans être traduits. La Commission des Affaires étrangères doit être saisie du projet de loi qui en autorisera la ratification.

M. Lionnel Luca s'est dit choqué par le fait que les autorités françaises elles-mêmes renonçaient à utiliser le français. Cette sorte de complexe n'est pas acceptable. A cet égard, il serait sans doute utile de regarder ce qui se passe au Canada où l'on utilise une langue dominante tout en préservant la langue française.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a rejeté la proposition de résolution (n° 2679) et a décidé la création d'une mission d'information sur le même sujet.

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