COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 10

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 23 octobre 2002
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Guy Teissier, président

SOMMAIRE

 

pages

- Examen du rapport d'information sur l'entretien des matériels des armées (M. Gilbert Meyer, rapporteur)

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- Examen de l'avis budgétaire affaires étrangères (M. François Lamy, rapporteur pour avis)

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Entretien des matériels des armées (rapport d'information).

La commission de la défense nationale et des forces armées a examiné le rapport d'information de M. Gilbert Meyer sur l'entretien des matériels des armées.

M. Gilbert Meyer, rapporteur, a rappelé qu'après avoir été longtemps négligé au profit des achats d'équipements neufs, le maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels des armées est devenu un enjeu de première importance. Lors de son discours de politique générale, le 3 juillet dernier, le Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, a insisté sur cette priorité qui constitue un engagement solennel du Président de la République.

La disponibilité des matériels est insuffisante au sein des trois armées, puisqu'elle se situe globalement autour de 60 %. Le décrochage de l'état opérationnel des équipements par rapport aux objectifs fixés lors de la professionnalisation des forces est patent.

Pour l'armée de terre, le taux de disponibilité moyen des chars AMX 30 B2 est passé de 78 % en 1997 à 68 % sur les six premiers mois de l'année 2002. Le taux de disponibilité des véhicules de l'avant blindés est tombé de 82 % à 72 % sur la même période. Quant aux hélicoptères de l'aviation légère de l'armée de terre (ALAT), les taux de disponibilité s'établissent, pour le premier semestre 2002, à 47 % pour les Gazelle, 60 % pour les Cougar et 67 % pour les Puma.

Pour la marine, la situation n'est guère plus brillante. La disponibilité des transports de chalands de débarquement, indispensables pour la projection de troupes, a chuté de 85,1 % à 54,3 % au cours des cinq dernières années. Celle des frégates anti-sous-marines a diminué de 74,1 % à 51,9 %. Enfin, le taux moyen de disponibilité des sous-marins nucléaires d'attaque a quasiment été divisé par deux, passant de 69,9 % à 38,8 %.

L'armée de l'air n'est pas non plus épargnée par le phénomène, puisque le taux moyen de disponibilité des Mirage 2000 (à l'exception des Mirage 2000 C) avoisine les 57 %, soit dix points de moins qu'en 1997. La disponibilité des avions de transport C 160 Transall est tombée de 69 % à 55 %.

Cette situation et ses conséquences n'ont pas été perçues ces dernières années, car les missions ont continué à être remplies. C'est d'ailleurs tout à l'honneur des femmes et des hommes de l'institution militaire d'avoir fait passer leur devoir avant les conditions d'exercice de leur engagement. Cependant, le moral des troupes s'en est durement ressenti, car les engagés sont désormais professionnels et l'état des matériels détermine leurs conditions de travail, quand il ne s'agit pas leurs conditions de vie. Il n'est donc plus possible de s'en tenir au statu quo, comme le Président de la République et le Gouvernement l'ont souligné ces dernières semaines.

Les causes du mal sont profondes et pernicieuses. Les défaillances qui ont affecté la maintenance des matériels résultent d'une insuffisance des crédits budgétaires consacrés au maintien en condition opérationnelle. En outre, le transfert de la charge de l'entretien programmé du titre III au titre V s'est fait sans revalorisation équivalente du montant des crédits d'équipement : de ce fait 1,4 milliard d'euros de charges de fonctionnement supplémentaires a été imputé aux budgets destinés aux investissements. Certes, les deux dernières annuités de la loi de programmation militaire 1997-2002 ont rétabli les crédits à des niveaux plus conformes aux besoins ; cependant, il faut du temps pour restaurer toute une chaîne logistique et industrielle désorganisée sous l'effet des coupes budgétaires antérieures.

Les mesures proposées par le Gouvernement dans le projet de loi de programmation militaire 2003-2008 sont satisfaisantes. Les crédits dévolus à l'entretien programmé des matériels devraient s'établir en moyenne à près de 2,4 milliards d'euros chaque année, contre 2,16 milliards d'euros sur les exercices couvrant la période 1999-2001, déduction faite des annulations et reports. Pourtant, il ne faut pas attendre, à brève échéance, des effets spectaculaires de cette revalorisation de 11 %. En effet, le vieillissement des matériels obère directement leur niveau de disponibilité opérationnelle. Bien souvent, l'absence de crédits a obligé les armées à reporter certaines acquisitions nécessaires. Au cours de l'exécution de la loi de programmation militaire 1997-2002, il a manqué aux armées l'équivalent d'une annuité de titre V et les matériels en service ont parfois dû être prolongés au-delà de leur durée de vie opérationnelle, ce qui s'est soldé par des surcoûts d'entretien très excessifs.

Parmi les exemples les plus révélateurs, figure l'avion de transport C 160 Transall, dont les 46 premiers exemplaires sont entrés en service entre 1967 et 1973 : ces cinq dernières années, le taux de disponibilité de ces appareils a diminué de près de 15 points, alors même que le montant des crédits consacrés à leur maintenance a augmenté de près de 60 millions d'euros. Le relèvement significatif de l'enveloppe du titre V au cours de la prochaine loi de programmation permettra d'améliorer l'état général de disponibilité des matériels grâce à un renouvellement suffisant. Il servira également à couvrir le renchérissement prévisible de la maintenance des matériels de nouvelle génération dont les composants électroniques sont plus complexes à entretenir. D'ores et déjà, l'entrée en service du char Leclerc s'est accompagnée d'un accroissement de 44 % du coût global des rechanges en faveur des blindés. La marine doit faire face à ce type de problèmes pour l'entretien des sous-marins nucléaires lanceurs de missiles stratégiques. L'armée de l'air s'attend à une évolution similaire pour le Rafale.

Devant de telles perspectives, d'autres mesures s'imposent et, dans certains cas, les armées ont déjà commencé à les mettre en œuvre. La création de structures intégrées de l'entretien des matériels aériens et de la flotte depuis 1999 a permis de réorganiser le mode de traitement du maintien en condition opérationnelle. La gestion des rechanges est en cours de refonte, de même que la passation des commandes et le suivi des réparations. Ces structures sont très récentes et leurs résultats ne peuvent encore être spectaculaires. Cependant, la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aériens de la défense (SIMMAD) a d'ores et déjà permis de stabiliser, voire de redresser, le niveau de disponibilité des appareils sous sa responsabilité en améliorant très sensiblement le cycle des rechanges. Le service de soutien de la flotte (SSF) s'est attelé à la même tâche, mais plus tardivement, ce qui explique que les résultats ne soient pas encore vraiment probants. L'armée de terre devrait elle aussi créer une structure équivalente, la SIMMT, dans les années à venir.

Pour être complètement efficaces, ces organismes intégrés et interarmées doivent pouvoir planifier et anticiper les réparations des matériels, mais cela n'est pas tout à fait le cas actuellement, faute de personnels compétents en nombre suffisant et également par manque d'expérience. Contrairement aux raisons souvent évoquées, le code des marchés publics n'est pas forcément un obstacle à une meilleure réactivité ; cependant, son maniement suppose une bonne connaissance des règles, et donc des personnels formés. L'amélioration des conditions d'entretien des matériels des armées passe aussi par d'importants changements dans la réalisation industrielle des réparations. Il semblerait que le marché du maintien en condition opérationnelle des équipements ne soit pas toujours attractif pour les entreprises du secteur de la défense.

Une partie de la solution réside peut-être dans un changement de nomenclature budgétaire visant à privilégier le « coût de possession » d'un programme sur son coût d'acquisition. En prévoyant dès l'origine le coût d'entretien des équipements acquis par les armées, les crédits de maintien en condition opérationnelle seraient garantis aux armées. Les industriels seraient motivés et ils disposeraient d'une meilleure lisibilité à long terme. Une telle réforme n'est pas complexe à mettre en œuvre, car elle consiste pour l'essentiel en un jeu d'écriture budgétaire.

Cependant, les problèmes qui affectent la chaîne industrielle de la maintenance résident autant dans l'insuffisante réactivité des industriels que dans un manque d'incitation. L'intensification de la concurrence et le recours à une forme maîtrisée et limitée de sous-traitance peuvent donc constituer une partie de la solution. A titre d'exemple, le renouvellement du contrat de maintenance des C 130 de l'armée de l'air en juin 2002 a fait l'objet d'une concurrence entre le sous-traitant habituel et une société portugaise, Ogma, qui a présenté un devis nettement inférieur. Il reste à savoir si l'exécution de ce contrat se traduira sur la durée par des économies, à qualité de prestations égale. Certaines tâches actuellement remplies par les armées pourraient utilement être déléguées à des entreprises, notamment en ce qui concerne la gestion des rechanges dits consommables. L'armée de l'air a lancé le projet « optimisation du réapprovisionnement des rechanges consommables des matériels aéronautiques des forces armées françaises » (ORRMA). Par le biais d'une sous-traitance à des entreprises capables de garantir la livraison de pièces de rechanges en un lieu donné sous 48 heures, ce mode de gestion permettrait de réaffecter sans surcoût 60 à 70 personnels de la SIMMAD à d'autres tâches où leur savoir-faire serait mieux employé.

En définitive, les voies d'amélioration ne manquent pas. Il appartient au ministère de la défense de les déterminer et de les expérimenter.

M. Jean-Louis Bernard a exprimé ses doutes sur l'exemplarité du contrat passé avec la société portugaise Ogma. Aux termes de l'appel d'offres lancé par l'armée de l'air, cette entreprise était effectivement la moins disante, mais il n'est pas évident qu'elle soit la mieux disante. Ses défaillances en matière de pièces de rechange ont eu un impact sur le taux d'immobilisation des appareils entretenus.

M. Gilbert Meyer, rapporteur, a indiqué que ce contrat avait été cité en exemple par l'état-major de l'armée de l'air et la SIMMAD. Du point de vue financier, il semble que l'offre méritait d'être retenue, même s'il conviendra de vérifier dans la durée la qualité des prestations fournies et, éventuellement, d'ajuster le contrat.

M. Jean-Louis Léonard a estimé que le contrat passé avec la société Ogma incitait à se méfier des chiffres mirobolants fournis par la délégation générale pour l'armement et l'armée de l'air. Si l'on prend en compte l'intégralité des coûts, l'économie prétendue se transforme en fait en un surcoût. Auparavant, l'intégralité de l'entretien des C 130 avait lieu à Bordeaux. Désormais, l'entretien des moteurs se fait au Portugal, ce qui augmente les délais de mise à disposition et les coûts de transport. Enfin, le choix d'un contractant étranger a un coût social, puisque ce marché concernait 150 emplois. Il convient de respecter la concurrence européenne, mais à condition que les autres Etats fassent preuve de réciprocité. À l'heure actuelle, aucun Etat européen n'a confié l'entretien de ses avions de combat à la France.

M. Gilbert Meyer, rapporteur, a précisé que le contrat avec Ogma résultait d'un appel d'offres et que l'armée de l'air ne pouvait pas prendre en compte les coûts sociaux résultant du transfert d'une activité à l'étranger.

Le président Guy Teissier a souligné que la France avait toujours voulu être le bon élève de l'Europe en recourant aux appels d'offres européens et internationaux. Or, les autres Etats membres n'agissent pas forcément de même. La construction de navires à l'étranger représente un coût social et, s'il convient de s'insérer pleinement dans l'Europe de la défense, celle-ci doit respecter les équilibres sociaux.

M. Charles Cova a rappelé que la construction de la coque du bâtiment destiné à remplacer le Bougainville avait lieu aux Pays-Bas, même si le matériel électronique de reconnaissance devant l'équiper restait de la compétence de Thales en France. L'obtention de ce type de marchés est pourtant une condition de la survie de DCN, qui doit s'adapter à un contexte concurrentiel.

Le président Guy Teissier a souligné que certains Etats membres de l'Union européenne usaient de clauses de confidentialité militaire pour protéger leurs marchés.

M. François Lamy s'est étonné du lien établi par le rapporteur entre le manque d'une annuité dans l'exécution de la précédente loi de programmation militaire et la prolongation de la durée de vie de certains matériels, tels les Transall.

M. Gilbert Meyer, rapporteur, a indiqué que si le titre V avait été davantage doté, l'exécution de la loi de programmation militaire aurait pu mieux correspondre aux besoins de renouvellement des équipements. Le coût d'entretien des matériels les plus anciens est nettement plus élevé et le cas des Transall, dont l'entretien a conduit à un surcoût de 60 millions d'euros ces dernières années, n'est qu'un exemple parmi d'autres.

M. Antoine Carré a espéré que le Portugal saura se souvenir qu'un contrat a été conclu entre l'armée de l'air et la société Ogma pour l'entretien des C 130, lorsqu'il s'agira d'attribuer le marché de construction de ses trois sous-marins neufs, pour lesquels des entreprises françaises et allemandes sont en concurrence.

M. René Galy-Dejean s'est inquiété de la capacité des armées à utiliser effectivement les crédits prévus par le projet de loi de programmation militaire 2003-2008, faute d'un outil industriel adapté. Les grandes entreprises du secteur de la défense ont dû récemment réduire leurs effectifs et ce sont leurs branches en charge de l'entretien des matériels qui ont été les plus affectées. Il en est résulté une perte de capacité qui s'est répercutée sur la sous-traitance. Le tissu industriel est aujourd'hui fragile. Il convient donc de soutenir le programme de l'armée de l'air concernant l'optimisation du réapprovisionnement des rechanges consommables par le biais du recours à des entreprises sous-traitantes. Cela permettrait de réaffecter utilement une partie des personnels de la SIMMAD à des tâches techniques plus pointues.

M. Gilbert Meyer, rapporteur, a confirmé cette analyse. Si l'amélioration de l'entretien des matériels suppose au préalable une uniformisation des procédures de gestion au sein de structures spécialisées, il convient également de prévoir dès la passation des commandes une option sur les crédits d'entretien à long terme, afin de permettre aux entreprises concernées de pérenniser leurs activités d'entretien. D'une manière générale, il serait utile de programmer l'ensemble du coût d'entretien lors de l'acquisition des matériels.

M. Jean-Claude Viollet a demandé si le coût d'entretien ne devrait pas être constituer l'un des paramètres décisifs lors de l'achat d'un matériel et si une obligation de résultats en matière de disponibilité opérationnelle ne pourrait pas être contractualisée avec le fournisseur du ministère de la défense. Il serait intéressant de connaître les coûts d'entretien actuels du char Leclerc, du Rafale et du porte-avions Charles-de-Gaulle, afin de fixer ceux des futurs équipements, NH 90, VBCI et futures frégates, de manière à ne pas commettre les mêmes erreurs.

M. Gilbert Meyer, rapporteur, a répondu que cette proposition figurait dans son rapport et qu'il était nécessaire de tenir compte des coûts d'entretien au moment de l'acquisition des matériels neufs. Il s'est également déclaré favorable à ce que tous les crédits d'entretien soient intégrés dans le titre V, avec une séparation claire entre les dotations budgétaires qui concernent les acquisitions de matériels nouveaux et celles qui concernent l'entretien des équipements. Il s'agirait d'un premier pas vers l'appréciation d'un coût de possession.

M. Francis Hillmeyer s'est étonné de la faible disponibilité du char Leclerc, matériel neuf que l'armée de terre continue encore à recevoir. Le coût des pièces détachées pour cet équipement ayant fortement augmenté, il est primordial de faire jouer la concurrence. Le VBCI risquant de connaître les mêmes problèmes, ne faudrait-il pas collaborer à l'échelle européenne pour alléger les coûts d'entretien ? Ayant noté que le prix de pièces détachées identiques était plus important en France qu'en Allemagne, il a émis des réserves sur l'attitude de certaines sociétés publiques.

M. Gilbert Meyer, rapporteur, a déclaré qu'il n'avait pas de crainte particulière pour la gestion des pièces de rechange grâce au bon fonctionnement des organismes intégrés nouvellement créés ou en projet pour l'entretien des matériels aériens, de la flotte ou des matériels terrestres (SIMMAD, SSF, SIMMT). Le remplacement du char Leclerc n'étant pas à l'ordre du jour, l'armée de terre doit continuer à l'entretenir pour le maintenir en condition opérationnelle.

Le président Guy Teissier a indiqué que, lorsqu'ils sont livrés, les chars Leclerc ne sont pas encore opérationnels, car ils nécessitent toute une préparation, ce qui peut expliquer pour partie leur faible taux de disponibilité.

M. Richard Mallié a souhaité savoir pourquoi l'Etat n'incluait pas les coûts de fonctionnement dans les crédits d'acquisition des matériels. Il a également demandé pourquoi l'entretien n'était pas inclus dans les marchés d'équipement.

M. Gilbert Meyer, rapporteur, a répondu que le matériel neuf faisait l'objet d'un contrat d'entretien sur quelques années, mais que rien n'était prévu au-delà. Contrairement aux collectivités locales, l'Etat ne pratique pas l'amortissement qui lui permettrait d'intégrer le coût de l'entretien dans le prix de ses acquisitions.

M. Yves Fromion a rappelé que, de manière traditionnelle, les matériels militaires étaient considérés comme du consommable de guerre et que leur utilisation était davantage dictée par des soucis d'ordre opérationnel que par des préoccupations de bon entretien. Contrairement aux matériels civils, les révisions n'ont pas forcément lieu lorsqu'elles sont programmées, mais lorsque les contraintes opérationnelles en laissent la possibilité, ce qui est peu compatible avec un contrat d'entretien inspiré du secteur civil.

Insistant sur la nécessité de sanctuariser les crédits de maintien en condition opérationnelle des matériels en les affectant tous au titre V, il a regretté que les difficultés budgétaires se traduisent habituellement par une réduction de ces crédits d'entretien. Il a ensuite demandé comment GIAT Industries pourrait travailler en coopération avec des organismes tels que la SIMMAD ou la SIMMT.

Se déclarant favorable à la sanctuarisation des crédits d'entretien, M. Gilbert Meyer, rapporteur, a reconnu la spécificité des matériels militaires, tout en insistant sur le fait que les crédits nécessaires à leur fonctionnement devaient absolument être prévus.

M. Michel Voisin a fait remarquer que les contrats d'acquisition passés aux Etats-Unis incluaient généralement le financement de l'entretien, afin de fidéliser les clients. Il s'est étonné du faible taux de disponibilité des Mirage 2000-5, matériels pourtant récents.

M. Gilbert Meyer, rapporteur, a répondu que ces avions avaient été maintenus au sol pour des raisons de sécurité, liées notamment à un problème technique affectant les moteurs de l'ensemble des Mirage 2000, qui ont pu être réparés grâce aux mesures financières du dernier collectif budgétaire.

La commission a décidé, en application de l'article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d'information en vue de sa publication.

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Loi de finances pour 2003 : affaires étrangères (avis).

La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. François Lamy, les crédits des affaires étrangères pour 2003.

M. François Lamy, rapporteur pour avis, a exposé que son rapport porterait sur trois éléments : les cotisations françaises à l'ONU, les dépenses relatives à l'Europe de la défense, qui figurent au chapitre 42-31, et les crédits de la coopération militaire, qui figurent au chapitre 42-29.

Cette année comme les précédentes, la France a tenu à assurer la solidité financière de l'ONU, aussi bien par ses cotisations au budget ordinaire qu'au budget des opérations de maintien de la paix. La situation internationale actuelle montre tout l'intérêt de cette politique délibérée, poursuivie avec constance. Elle contribue à la fois à forger une capacité de résistance internationale à la politique unilatéraliste des Etats-Unis et à permettre à l'ONU de conduire des opérations de maintien de la paix. Certes, les opérations les plus importantes, comme les opérations en Afghanistan, la KFOR, la SFOR sont menées en coalition par délégation du Conseil de sécurité. Mais l'existence d'un département des opérations de maintien de la paix structuré permet à l'ONU de conduire des opérations d'une dimension accrue, avec de meilleurs résultats. Les crédits du chapitre 42-31 destinés à l'ONU sont ainsi des crédits bien employés.

La politique menée en matière de sécurité et de défense européenne s'inscrit également dans la continuité. La progression de l'Europe de la défense est plus importante qu'on aurait pu le penser il y a quelques années. L'Europe s'est dotée de mécanismes de décision, par le traité d'Amsterdam. Elle s'est dotée d'institutions pour conduire la politique européenne de sécurité et de défense ; celles-ci sont organisées sur le modèle de l'OTAN : un secrétaire général haut représentant, un comité politique et de sécurité, un comité militaire et un état-major. Des forces ont été identifiées et la politique européenne de sécurité et de défense a été déclarée opérationnelle à l'issue du Conseil européen de Laeken en décembre 2001. Une action autonome pourrait être lancée en janvier 2003. Il pourrait s'agir de la reprise de la mission de l'OTAN en Macédoine. Les freins à une telle action sont de nature politique et tiennent aux relations souhaitées par certains de nos alliés entre la défense européenne et l'OTAN.

La cotisation française au budget civil de l'OTAN est également inscrite au chapitre 42-31. La politique française de soutien à un élargissement significatif, ainsi qu'aux nouvelles relations OTAN-Russie, doit être soutenue. Alliance politique de plus en plus large et facteur de paix en Europe, l'OTAN laisse en revanche de plus en plus dubitatif quant à son organisation militaire et à ses objectifs. Les nouveaux pays membres n'apporteront aucune capacité militaire. La nouvelle organisation centrée sur la capacité de projection tarde à se mettre en place. Les GFIM (groupes de forces interarmées multilatérales) qui devaient constituer ses états-majors de projection ne sont pas encore opérationnels. Cette évolution de l'organisation militaire de l'OTAN rend d'autant plus nécessaire le développement des instruments de la politique européenne de sécurité et de défense.

L'évolution des crédits de la coopération militaire bilatérale laisse en revanche perplexe. Contrastant avec les crédits du ministère de la défense, ils diminuent franchement, de 10  %. Ils sont passés pour la première fois sous la barre des 100 millions d'euros, pour se situer à 93,5 millions d'euros, soit une perte de 10 millions d'euros.

La réforme de la coopération militaire lancée par le Conseil de défense du 3 mars 1998 est ainsi brutalement mise à mal. Celle-ci prévoyait une réorientation géographique vers des pays autres que ceux du « pré carré » de la France et une réorientation des actions vers ce qu'on appelle l'ingénierie de défense, la formation des officiers, en France ou sur place, et l'apprentissage du français en milieu militaire. La diminution des crédits ne permet pas de poursuivre cette réorientation. Les actions de coopération multilatérale en Europe de l'Est, qui étaient appelées à croître, diminuent de 40 %, passant de 305 000 euros à 185 000. En Afrique, les effectifs des missions de coopération sont désormais très limités, sans comparaison avec ceux de la période de coopération de substitution : une vingtaine de postes pour les plus nombreuses, à l'exception du Cameroun où ils sont 36. Ces effectifs sont pourtant indispensables à une coopération quotidienne dans la formation des officiers et les projets d'équipement. Les deux tiers de la diminution portent sur l'aide directe, dont les crédits passent de 22 millions d'euros en 2002 à 15 millions d'euros et diminuent d'un tiers, ce qui laisse planer l'incertitude sur les actions que les coopérants militaires vont pouvoir continuer à conduire.

Un dispositif raisonnable de coopération militaire active est pourtant indispensable à la politique africaine de la France. Or, le budget de la coopération militaire devient de plus en plus une variable d'ajustement à la baisse du budget du ministère des affaires étrangères. Si celui-ci ne veut plus conserver la conduite de la coopération militaire et de défense, elle doit être transférée au ministère de la défense. Alors que l'effectif actuel des coopérants militaires n'est plus que de 392, et sera réduit à 350 à partir de la mi-2003, le ministère de la défense dispose d'un réseau de 477 postes à l'étranger, dont 370 sous l'autorité directe du chef d'état-major des armées. Au niveau central, un dispositif d'impulsion et de contrôle, le comité international, a été créé en 1998 auprès du ministre de la défense. Si la décision politique de transférer la conduite de la coopération militaire au ministère de la défense était prise, celui-ci saurait la reprendre et l'organiser. Il resterait alors à créer des mécanismes d'exercice du contrôle politique du ministère des affaires étrangères, dans l'esprit des propositions du rapport d'information sur la coopération militaire et de défense élaboré à la demande de la commission par M. Bernard Cazeneuve sous la précédente législature.

Concluant qu'une ligne claire devait être définie, le rapporteur pour avis a indiqué que, tout en exprimant à titre personnel un avis défavorable à l'adoption des crédits des affaires étrangères, il s'en remettait à la sagesse de la commission.

M. Yves Fromion a demandé si la diminution des crédits consacrés à la coopération militaire procédait réellement d'une volonté affichée du ministère des affaires étrangères ou si elle ne résultait pas plutôt d'une incapacité à utiliser ces crédits.

M. François Lamy, rapporteur pour avis, a répondu que, paradoxalement, malgré la réforme de la coopération, ces crédits étaient devenus une variable d'ajustement et que la politique de coopération militaire ne faisait visiblement pas partie des priorités du ministère des affaires étrangères.

M. Michel Voisin a souhaité connaître l'évolution du nombre de stagiaires étrangers accueillis dans les écoles militaires françaises. Il a aussi fait remarquer la nécessité de tenir compte des crédits affectés aux manœuvres RECAMP (Renforcement des Capacités Africaines de Maintien de la Paix) par le ministère de la défense pour faire un bilan du montant des crédits affectés à la coopération militaire, leur importance pouvant amener à nuancer les propos du rapporteur sur la baisse importante des crédits de la coopération militaire.

M. François Lamy, rapporteur pour avis, a indiqué que le nombre des stagiaires étrangers était stable en France, mais qu'il était en hausse dans les écoles nationales à vocation régionale, implantées par la France dans les pays partenaires. Il a ensuite reconnu qu'il existait une certaine confusion sur le montant global des crédits de la coopération militaire, puisqu'il est impossible de connaître le volume des crédits du ministère de la défense qui lui sont consacrés, ceux-ci n'étant pas clairement identifiés et étant ventilés entre les différentes armées. L'action de coopération militaire et de défense des armées est très importante. Le dispositif des attachés de défense, les actions civilo-militaires, les forces prépositionnées y concourent. Si l'ensemble des opérations de coopération militaire devait revenir au ministère de la défense, il faudrait trouver un dispositif qui assure la cohérence avec les orientations et la conduite de la politique étrangère.

M. Michel Voisin a ensuite demandé des précisions sur l'évolution des dotations d'aide directe en matériel de la DCMD (direction de la coopération militaire et de défense).

M. François Lamy, rapporteur pour avis, a répondu que ces dotations étaient en baisse d'un tiers. Il a ensuite insisté sur la gravité de la situation créée pour la coopération militaire et de défense française par le projet de budget, qui aggravait une évolution engagée et qui n'était pas de nature à attirer à la DCMD les personnels dont elle avait besoin.

La commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des affaires étrangères pour 2003.

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