COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 18

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 28 octobre 2003
(Séance de 17 heures 15)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

SOMMAIRE

 

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-  Audition de M. François Fillon, Ministre des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité, sur les stratégies de réforme du ministère

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La Commission des finances, de l'économie générale et du Plan a procédé à l'audition de M. François Fillon, Ministre des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité, sur les stratégies de réforme du ministère.

Le Président Pierre Méhaignerie a insisté sur les marges de productivité offertes par l'allégement des procédures, la simplification des structures et l'amélioration des textes législatifs.

M. François Fillon, Ministre des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité a exprimé sa satisfaction de pouvoir présenter la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1er août 2001, saluant les artisans de cette réforme et les membres de la Commission chargée aujourd'hui du suivi de cette mise en œuvre. La LOLF invite désormais les parlementaires à faire évoluer leur pratique de contrôle vers une évaluation des résultats de l'action publique.

Evoquant la stratégie de réforme du ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité, le Ministre a insisté sur l'engagement de deux réformes d'envergure : la décentralisation du revenu minimum d'insertion (RMI) et l'achèvement de la décentralisation de la formation professionnelle. La décentralisation du RMI repose sur un constat : celui de la confusion actuelle des responsabilités qui aboutit à un dispositif inefficace, notamment au regard de la difficulté des bénéficiaires à retrouver un emploi. La réforme voulue par le Gouvernement fera du département le véritable chef de file de l'insertion, capable de mener dans ce domaine une politique conduite au plus près du terrain. L'achèvement de la décentralisation de la formation professionnelle touchera principalement, quant à lui, l'Association de formation professionnelle des adultes (AFPA). Sur les 700 millions d'euros de subvention octroyés à l'AFPA en 2004, 450 millions d'euros correspondant à la formation seront déconcentrés aux préfets de régions, puis progressivement transférés aux régions à partir de 2005 et jusqu'en 2008 au plus tard.

S'agissant de l'administration territoriale, le ministère approfondira en 2004 plusieurs initiatives visant à responsabiliser les gestionnaires locaux.

Parmi celles-ci, il convient de citer la directive nationale d'orientation, qui permettra de mettre fin à la multiplicité des circulaires adressées aux services déconcentrés. A cette fin, les instructions feront l'objet d'un document unique annuel, fixant des objectifs aux services et leur notifiant les moyens dont ils disposeront. La prochaine directive nationale d'orientation couvrira les deux années 2004 et 2005 et, afin d'assurer une véritable mobilisation des services, présentera un nombre de priorités réduit de trente à une quinzaine, ces priorités étant structurées de manière cohérente avec les programmes prévus par la LOLF.

Le Ministre a également évoqué le pilotage régional du ministère. Les liens entre l'action du ministère et les compétences confiées aux régions, ainsi que la relative faiblesse des effectifs dans certains départements, conduisent à privilégier l'échelon régional comme niveau d'animation du ministère. Dans ce cadre, le comité technique régional et interdépartemental (CTRI), qui associe le directeur régional et les directeurs départementaux, est chargé de répartir les effectifs et les moyens de fonctionnement entre les départements. En 2004, un secrétaire général sera créé dans chaque comité du secteur travail.

S'agissant des contrats de travail bénéficiant d'une aide publique, le Ministre a rappelé que ces contrats font désormais l'objet d'une globalisation, afin de permettre aux services déconcentrés de proposer au ministre, en cours d'année, un redéploiement entre mesures, à coût constant. Cette fongibilité appliquée au niveau local permet d'adapter les moyens à l'évolution du contexte économique dans chaque bassin d'emploi.

Le Ministre a souligné les changements intervenus en matière d'intégration.

Une agence issue de la fusion de l'Office des migrations internationales (OMI) et du Service social d'aide aux émigrants (SSAE) doit être créée à compter du 1er avril prochain, pour mettre en œuvre le contrat d'accueil et d'intégration qui sera à terme proposé à tous les nouveaux arrivants.

Par ailleurs, une réunion des ministres, le 17 juillet dernier, a conduit à créer un dispositif de coordination de la politique de l'asile, placé sous l'autorité d'un préfet. Une régionalisation de l'accueil des demandeurs d'asile sera expérimentée en Rhône-Alpes, le préfet de région disposant de moyens d'hébergement mutualisés.

Le Ministre a observé que les effectifs cumulés du ministère du travail et de l'administration sanitaire et sociale représentent 1% des effectifs de l'Etat. L'administration des affaires sociales, du travail et de la solidarité ayant recours, pour la plupart des tâches de gestion et d'accueil du public, à des opérateurs extérieurs, il convient donc d'améliorer le fonctionnement de ces opérateurs et leur coordination. Deux initiatives méritent d'être soulignées à cet égard :

- la mission a été confiée à M. Jean Marimbert d'étudier les moyens de rapprocher l'ensemble des acteurs du service public de l'emploi, et notamment l'ANPE, l'UNEDIC et les services déconcentrés du ministère. L'objectif est de garantir un véritable suivi individualisé des demandeurs d'emploi, d'une part, en insistant sur l'offre de formation, ce qui suppose un lien avec les régions, et, d'autre part, en instaurant une évaluation rigoureuse des cotraitants afin de garantir l'efficacité des prestations pour le retour à l'emploi. Sur ce dernier point, l'ouverture du marché du placement devrait s'accompagner d'un recours accru de l'ANPE à des tiers, ce qui rend cette évaluation indispensable. La mise en œuvre de ces propositions devrait intervenir l'année prochaine ;

- la multiplicité des organismes de sécurité sociale constitue une gêne certaine pour les plus petites entreprises. C'est la raison pour laquelle la loi du 2 juillet 2003 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit a introduit deux mesures de simplification. D'une part, les travailleurs indépendants pourront s'adresser à un interlocuteur social unique de leur choix pour le paiement de leurs cotisations et contributions. D'autre part, les PME auront accès à un « titre emploi simplifié entreprise » (TESE), qui leur permettra de rémunérer leurs salariés sous une forme proche du chèque emploi-service des particuliers. Cette mesure doit être expérimentée dès le 1er janvier 2004 dans deux secteurs, celui des hôtels-cafés-restaurants et celui du bâtiment-travaux publics, et dans deux régions, une généralisation progressive étant prévue avant la fin de l'année.

Le Ministre a enfin souligné, comme autre exemple de réforme, la réintégration, par le projet de loi de finances pour 2004, dans le budget de son ministère des allégements de charges sociales.

M. Michel Bouvard, Rapporteur spécial des crédits du Travail, a fait les observations suivantes :

- il convient de tirer toutes les conséquences des mouvements actuels de décentralisation qui auront nécessairement un impact sur l'administration centrale du ministère. La gestion du RMI doit en effet être décentralisée, de même que la majeure partie des actions en matière de formation professionnelle. Il est aujourd'hui indispensable de connaître, à court et moyen terme, les conséquences de ces vagues de décentralisation sur des services tels que la direction générale des affaires sociales ou la délégation générale pour l'emploi et la formation professionnelle. De la même façon, il convient de réfléchir dès aujourd'hui à la manière dont seront organisés les services déconcentrés dans ce nouveau contexte ;

- une réflexion a été confiée à M. Jean Marimbert s'agissant de la nécessaire articulation entre les missions confiées à l'ANPE et à l'UNEDIC. Il apparaît en effet que malgré les efforts déjà accomplis, des démarches doivent encore être entreprises pour améliorer les synergies entre les deux organismes, afin de mettre en place un service public de l'emploi véritablement efficace ;

- la question de la simplification des procédures applicables aux entreprises reste posée. Il serait opportun de fixer des objectifs quantitatifs applicables dès le 1er janvier 2004 et permettant, par exemple, de simplifier les procédures administratives pour les entreprises de moins de 10 salariés. Une autre source de complexité devrait également être traitée : il s'agit des mesures d'allégement de charges sociales patronales qui comportent aujourd'hui 38 dispositifs différents. Ce nombre très important de mécanismes qui cohabitent les uns avec les autres, et parfois se cumulent, rend l'ensemble de la politique d'abaissement du coût du travail peu lisible. Les PME-PMI pâtissent aujourd'hui de cette situation complexe. Leur existence pourrait être grandement facilitée si une démarche globale de clarification et de simplification des différents mécanismes d'allégement était mise en œuvre ;

- la volonté de mettre en place par ordonnance un interlocuteur social unique constitue une initiative heureuse. Il convient aujourd'hui d'être attentif à la position des différentes caisses engagées dans ce processus ;

- le ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité est doté d'outils de recherche performants, le problème étant que les services et les équipes compétents en la matière sont relativement nombreux. Il paraîtrait pertinent de mieux articuler ces différents services autour de la Dares dont la compétence est reconnue. Il faut noter en effet l'existence de deux établissements publics à côté des services internes du ministère : il s'agit du Centre d'études et de recherche sur les qualifications (Cereq), qui fait l'objet d'une double tutelle du ministère des affaires sociales du travail et de la solidarité et du ministère de l'éducation nationale et du Centre d'études pour l'emploi (CEE) placé sous la tutelle des ministères des affaires sociales et de la recherche ;

- il serait intéressant de mener des études précises sur le coût de la cotraitance et de la sous-traitance pratiquées par l'ANPE. L'agence a en effet pris l'habitude de sous-traiter à l'extérieur diverses missions, ce qui n'est pas sans incidence budgétaire ;

- les services compétents en matière de lutte contre le travail illégal ne sont pas suffisamment nombreux dans les directions régionales de l'emploi et de la formation professionnelle. Une action commune pourrait opportunément être menée en liaison avec les deux autres ministères compétents, à savoir les ministères de l'intérieur et des finances. Seules des actions collectives et concertées et un renforcement des équipes mobilisées pourraient permettre de combattre efficacement un phénomène en expansion.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a fait les observations suivantes :

- étant donné les réformes actuelles en matière de décentralisation, la réorganisation des services déconcentrés et la démarche de simplification de multiples procédures, il serait bon d'en connaître, dès à présent, les conséquences à moyen terme sur les effectifs employés par le ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité, étant précisé que ces effectifs représentent environ 1% des effectifs de l'Etat ;

- la dépense du ministère tient pour partie à la consommation de crédits évaluatifs dans le cadre de procédures de « guichet ». Cette logique de guichet aboutit, dans certains cas, à des augmentations importantes et non prévues des crédits en cours d'exercice, donnant lieu même à des dérapages. Il serait bon que le ministère procède à un examen systématique des procédures concernées et mette en place des verrous pour éviter une surconsommation des crédits. Une réforme de l'aide médicale de l'Etat (AME) pourrait notamment permettre un meilleur encadrement de ces crédits.

Mme Marie-Anne Montchamp, Rapporteur spécial des crédits de la Solidarité, a posé les questions suivantes :

- en l'état actuel de la préparation du ministère à la pleine application de la loi organique relative aux lois de finances, il est envisagé de regrouper au sein d'un « programme mixte » relevant à la fois de la mission « Politique de santé » et de la mission « Solidarité et intégration », l'ensemble des personnels des services déconcentrés, soit plus de 80% des emplois budgétaires de l'actuelle section « Santé-solidarité ». Un tel programme serait manifestement contraire à l'article 7 de la loi organique. Comment est-il envisagé de ventiler les effectifs par mission ?

- toute globalisation excessive des crédits de personnels rendra vain l'objectif de maîtrise de ces dépenses. Est-on au moins certain qu'en administration centrale, les effectifs seront dans leur majorité répartis entre les différents programmes de politiques publiques ?

- la création d'un programme spécifique intitulé « Egalité entre les femmes et les hommes » au sein de la mission « Solidarité et intégration » est-elle acquise ? Ce programme sera-t-il accompagné d'un « Projet coordonné de politique interministérielle » ? Un tel projet sera-t-il un véritable outil de pilotage, dépassant largement l'optique purement informative de l'actuel « jaune » budgétaire sur les actions en faveur des droits des femmes ? Comment le Parlement sera-t-il associé à ce pilotage ?

M. Philippe Auberger a demandé s'il existe désormais un dispositif permettant l'évaluation, au moins annuelle, notamment en matière d'emplois, de l'ensemble et de chacune des mesures d'allégement des charges sociales. Il est regrettable que la mise en œuvre, durant la législature précédente, de dispositions législatives tout à fait importantes relatives à l'aménagement et à la réduction du temps de travail, n'ait pas été accompagnée de la création d'un dispositif permettant leur évaluation. A ce titre, constitue une initiative opportune la création, le 16 octobre dernier, d'une mission d'information commune relative aux conséquences économiques et sociales de la législation sur le temps de travail, par la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales, la Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire et par la Commission des finances, de l'économie générale et du plan. En tout état de cause, il est nécessaire d'évaluer les effets de ces dispositifs, généralement coûteux, dont certains ont été récemment modifiés et dont d'autres pourraient l'être à l'avenir.

Il a ensuite souhaité savoir si la désignation récente du nouveau directeur général de l'AFPA s'accompagnerait de l'élaboration d'un véritable outil d'évaluation de l'efficacité de l'action de cette association, dont les « consommations budgétaires » sont substantielles.

M. Marc Laffineur a félicité le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité pour l'ensemble des réformes mises en œuvre au sein des services relevant de son autorité et des organismes qui sont sous sa tutelle. Il a demandé si la future décentralisation de la gestion du revenu minimum d'insertion dans le ressort de compétences des départements, serait accompagnée d'une mise à disposition des fonctionnaires de l'Etat actuellement affectés à cette gestion. Il s'est ensuite interrogé sur les modalités de la coordination nécessaire entre les actions des collectivités territoriales qui seront à l'avenir compétentes en matière de formation professionnelle et l'AFPA, dont le champ d'intervention devrait demeurer national.

S'il faut se réjouir du projet tendant au rapprochement de l'ANPE et des services de l'UNEDIC, il est nécessaire d'entreprendre sans attendre une évaluation des services déconcentrés de la première. Cette évaluation doit permettre de comparer le dispositif français d'aide à la recherche d'emploi avec, par exemple, le dispositif britannique, qui s'appuie sur la mise en concurrence d'associations dont l'action est guidée par un cahier des charges précis fixé par la puissance publique.

Il a souligné que de nouveaux efforts doivent être consentis afin de procéder à une réelle simplification des feuilles de paie des salariés, tant elles demeurent plus complexes que dans d'autres pays.

M. Jean-Louis Dumont a félicité le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité pour la qualité du document qu'il a présenté concernant sa stratégie ministérielle de réforme. Il s'est inquiété de l'éventualité de voir une concurrence apparaître entre les régions, dès lors que celles-ci auront été chargées par la loi de mettre en œuvre les politiques publiques en matière de formation professionnelle, concurrence pouvant aboutir à offrir une même formation, alors que la mise en œuvre actuelle de ces politiques publiques au niveau national permet, le cas échéant, d'organiser cette offre en un point unique du territoire. Les régions les plus défavorisées pourraient pâtir de l'absence d'une régulation territoriale, au niveau national, de l'offre de formation.

S'il est admissible de mesurer l'efficacité de l'action de l'AFPA en considérant le volume des personnes qu'elle « place » en formation, une véritable démarche d'évaluation ne saurait faire abstraction de son rôle capital d'accompagnement psychologique des personnes qui sont à la recherche d'un travail, tant il est vrai que l'AFPA est l'une des rares structures existantes à assumer aujourd'hui un tel rôle.

Il a enfin estimé que l'efficacité réelle d'une politique publique doit s'apprécier au regard du lien effectif entre les lois votées par le Parlement et leur mise en œuvre concrète en considérant les besoins exprimés au niveau local. Cela vaut tout particulièrement pour l'action des directions départementales à l'action sanitaire et sociale (DDASS). Ce lien, facteur de cohésion sociale, est sans doute plus important que l'affirmation majestueuse de grands principes comme la transparence et la gouvernance en matière de gestion et de pilotage des structures administratives. Il est d'ailleurs certain que l'approfondissement de la décentralisation et de la déconcentration, par l'amélioration des capacités de réaction des collectivités et des structures qu'il impose, est susceptible de contribuer au renforcement de ce lien.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, est revenu sur les perspectives de transfert aux collectivités locales d'agents de l'État, à l'occasion des réformes en cours ou en projet. La dévolution de la gestion du RMI au département s'accompagnera du transfert des personnels qui assurent l'instruction des dossiers. Les modalités de mise à disposition de ces personnels, en nombre vraisemblablement assez modeste, devront être précisées à l'occasion de la discussion du projet de loi par le Parlement. Il faut noter que la détermination des moyens précisément affectés à la gestion du RMI est malaisée en raison de la polyvalence des personnels concernés, qui accomplissent également d'autres tâches.

Les conclusions des missions confiées, respectivement, à M. Marimbert et à M. de Virville sont attendues pour le début du mois de janvier prochain. Le Gouvernement souhaite pouvoir engager les réformes nécessaires, sur la base de ces conclusions, dès le début de l'année 2004.

L'utilisation du « titre-emploi simplifié » sera expérimentée dans la région Aquitaine, pour le secteur du bâtiment-entreprise-travaux publics, et dans la région Rhône-Alpes, pour le secteur des cafés, des hôtels et de la restauration. Il est difficile d'évaluer le nombre d'employeurs et de personnes concernées. L'idée sous-jacente est de généraliser le dispositif d'ici la fin 2004, pour les emplois occasionnels et les petites entreprises.

Le régime des allégements de charges a été simplifié avec la loi du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi. Les deux « ristournes », dites « Juppé » et « Aubry », ont été fusionnées en un seul allégement, indépendant de la durée du travail. Cette démarche doit être poursuivie, en prenant garde que la simplification ne se traduise pas par une réduction de l'intensité des allégements. Les évaluations ne manquent pas sur l'effet des allégements de charges : elles concluent toutes que l'allégement est d'autant plus efficace qu'il est ciblé sur les bas salaires. L'INSEE a estimé récemment que l'ensemble des dispositifs d'allégement de charges sociales a permis de ramener à moins de 1% le taux de croissance de l'économie nécessaire pour créer des emplois. Ce taux était évalué à près de 2,3% avant la mise en œuvre des premières politiques d'allégement ; selon l'INSEE, l'application des ristournes « Juppé » et « Aubry » aurait déjà permis de réduire ce seuil à 1,3% environ.

Les réactions au projet d'« interlocuteur social unique » sont complexes. Les professionnels et leurs organisations représentatives, comme les institutions de protection sociale, sont globalement favorables mais tardent à se mettre d'accord sur la façon d'engager le processus de réforme. La semaine dernière, une réunion a été organisée conjointement par le ministère des affaires sociales, le ministère de la santé et le ministère des PME, du commerce et de l'artisanat, pour faire le point avec les intéressés. Le Gouvernement a choisi de laisser à ceux-ci un délai supplémentaire - la fin de l'année 2003 - mais a indiqué qu'à défaut d'une décision de leur part, il serait amené à prendre ses responsabilités, tout en s'inscrivant dans la perspective générale qui s'est dessinée jusqu'ici, à savoir le libre choix de l'organisme de rattachement. Quelques difficultés pourront peut-être apparaître, liées à l'éventuel rapprochement de certains organismes.

L'AFPA n'est pas un organisme de formation professionnelle comme les autres. Elle a pour mission de prendre en charge des cas délicats et accomplit, de ce fait, un travail difficile. A cet égard, tous les organismes de formation professionnelle ne sont pas logés à la même enseigne : certains ciblent leur action vers des publics choisis, qui disposent déjà de bonnes capacités. L'AFPA, elle, doit travailler à la réinsertion de publics en difficulté, ce qui doit conduire à relativiser les comparaisons trop directes avec les performances d'autres organismes intervenant dans le même secteur. L'esprit de la réforme est clair : la « commande d'État » en matière de formation professionnelle va être transférée aux régions, mais l'AFPA restera un outil national, qui devra proposer ses services aux régions. D'ailleurs, l'État garde la responsabilité pleine et entière de la politique de l'emploi, à laquelle l'AFPA doit continuer d'apporter sa contribution. Le Gouvernement travaille à intégrer cette dimension spécifique dans le contrat d'objectifs de l'AFPA, qui est actuellement en cours d'élaboration. Par ailleurs, une démarche a été engagée pour améliorer les capacités nationales d'évaluation des organismes qui participent aux programmes nationaux de formation professionnelle.

Le Président Pierre Méhaignerie a souhaité savoir comment interviendront les ouvertures et fermetures de centres locaux de l'AFPA et qui sera chargé de les contrôler.

Le Ministre a indiqué que le transfert aux régions des compétences en matière de formation professionnelle nécessitera de nombreux ajustements et qu'un certain apprentissage et un effort de coordination avec l'Etat seront nécessaires.

L'idée de regrouper au sein de la DARES l'ensemble des compétences en matière d'études, de recherches et de statistiques peut être étudiée. Il ne faut cependant pas méconnaître certaines spécificités des organismes qui pourraient être ainsi « absorbés ». Par exemple, le centre d'études sur l'emploi intervient en tant qu'expert et aide à la décision. De même, le CEREQ est essentiellement un organisme d'évaluation et, dans une moindre mesure, de statistiques dans le domaine de la formation.

La lutte contre le travail illégal est progressivement renforcée. Améliorer son efficacité suppose de renforcer les coopérations avec le ministère des finances. Là encore, l'évaluation doit devenir une règle : les premiers éléments disponibles à ce jour suggèrent qu'un rapprochement des structures locales de lutte contre le travail illégal avec les directions régionales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle permettrait de renforcer l'efficacité du dispositif public.

S'agissant des incidences des réformes en cours sur le personnel, la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) subira l'incidence du transfert de la formation professionnelle. La direction générale de l'action sociale (DGAS) ne devrait pas être concernée puisqu'elle joue essentiellement un rôle de conception et d'évaluation.

Le regroupement des personnels dans un programme support spécifique soulève une véritable interrogation. En effet, il serait souhaitable de laisser plus de liberté au plan local en fonction des politiques menées. Le ministère a en charge de nombreux programmes dont les effectifs sont réduits. Si l'on procède à l'affectation précise des effectifs à un programme déterminé, aucune possibilité ne sera laissée de les modifier en fonction des besoins constatés localement. Le Ministre s'est dit sensible au souci exprimé par la Commission des finances et son Rapporteur spécial et, si l'on doit finalement procéder au rattachement du programme support à une mission, alors sa préférence va au rattachement de ce programme à la mission « Solidarité et intégration ».

Quoi qu'il en soit, tous les efforts en vue de rationaliser la présentation des crédits se heurteront fatalement à l'instabilité des structures ministérielles. Il serait souhaitable d'inscrire dans la loi la structure des ministères afin de remédier aux problèmes posés par ces allers et retours d'organigrammes, l'organisation arrêtée étant adaptée uniquement en cas d'évolution majeure de notre société.

En ce qui concerne la globalisation des crédits de personnel, il faut insister sur la particularité du budget des Affaires sociales, du travail et de la solidarité. Budget essentiellement d'intervention, les crédits de personnel ne représentent qu'1% des crédits du ministère. Au sein de l'administration centrale, les directions ne pourront pas être toutes rattachées à une seule mission. Ainsi, la direction générale des affaires sociales est en charge de la lutte contre l'exclusion et des politiques en faveur des personnes âgées, des personnes handicapées et de la famille.

La structure du programme pour l'égalité entre les hommes et les femmes n'a pas encore été arrêtée mais un projet coordonné de politique interministérielle a été conçu. La nouvelle loi organique donne les moyens de créer un comité de pilotage auquel le Parlement devra être associé, notamment en ce qui concerne la définition d'indicateurs.

Le constat du dérapage des crédits en cours d'année concerne notamment deux postes : le revenu minimum d'insertion et l'aide médicale de l'Etat. Il est nécessaire de maîtriser la dépense mais la sous-évaluation des crédits en loi de finances initiale doit également être soulignée. S'agissant de l'AME, il existe un problème de contrôle d'accès aux droits. Pour le RMI, le dérapage des crédits est plus lié à la conjoncture économique, le transfert de sa gestion aux départements mettant un terme à ce débat pour l'Etat.

S'agissant de la cohésion sociale, la difficulté des administrations à mettre en œuvre les politiques a été soulignée. Certains textes, dont les objectifs sont à la fois généreux et généraux, n'ont été ni précédés d'une évaluation précise ni suivis de la mise en œuvre des moyens adéquats. C'est le cas de la loi d'orientation relative à la lutte contre l'exclusion du 29 juillet 1998. C'est la raison pour laquelle son évaluation est prioritaire.

Le Président Pierre Méhaignerie a dénoncé le foisonnement des textes et des structures et la parcellisation des tâches et des missions qui affectent la lisibilité des politiques de l'emploi et obèrent la mobilisation des acteurs. La loi sur les exclusions constitue à cet égard un exemple éloquent. Les excellentes intentions qui ont inspiré le texte sont malheureusement noyées dans une excessive complexité et une profusion bureaucratique, dont témoignent les 52 décrets publiés pour assurer son application. Il semble maintenant urgent d'identifier clairement les missions et les acteurs de cette politique publique en prenant appui, par exemple, sur l'échelon pertinent que constitue le bassin d'emploi.

Le Ministre a estimé que deux démarches qu'il a présentées répondent d'ores et déjà à cette préoccupation essentielle. Tout d'abord, le mouvement de globalisation des crédits de fonctionnement au niveau régional est effectif. Mais surtout, des efforts considérables sont fournis pour renforcer l'intervention de l'échelon régional. A cet égard, de récentes réunions de travail entre les services régionaux, les services de l'Etat et les partenaires sociaux ont montré que la dimension régionale est encore insuffisamment prise en compte par certains acteurs de la politique de l'emploi, l'élargissement des compétences régionales qui va être décidé par le Parlement n'étant pas pleinement intégré dans leur réflexion et leur action.

Le Président Pierre Méhaignerie a estimé que ce renforcement, louable, de l'échelon régional ne sera synonyme de proximité et, partant, d'efficacité, que si l'écueil d'une bureaucratisation des services régionaux est évité.

M. Michel Bouvard a interrogé le Ministre sur le problème de la réorganisation des services chargés des missions d'intégration. Quels avantages procurera la fusion de l'OMI avec les SSAE ? Que deviendront dans ce nouveau schéma la direction de la population et des migrations et le Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD) ?

M. Jean-Michel Fourgous, Rapporteur spécial des crédits de la Formation professionnelle, s'est interrogé sur la possibilité de créer une nouvelle ligne budgétaire permettant d'identifier clairement l'effort nouveau de formation professionnelle induit par la signature du récent accord interprofessionnel. Il a par suite estimé indispensable, au moment où les moyens dévolus à la formation professionnelle opéreront un saut qualitatif et quantitatif, de développer les expertises susceptibles de permettre de mieux connaître les métiers et les compétences de demain. Des études préalables sont-elles prévues à cet égard ? Serait-il par ailleurs possible d'identifier la contribution à la croissance de notre produit intérieur brut du potentiel d'exportation de notre système de formation professionnelle ? Peut-on ainsi mesurer la capacité française à valoriser à l'étranger son ingénierie pédagogique en la matière ?

Le Ministre a estimé que la fusion entre l'OMI et les SSAE sera d'autant plus profitable qu'elle accompagnera la mise en œuvre du contrat d'intégration. Les effectifs des deux organismes ne seront pas de trop pour instruire plus de 100.000 contrats en régime de croisière. S'agissant des expérimentations évoquées par M. Jean-Michel Fourgous, l'urgence est plutôt de mettre en œuvre l'accord des partenaires sociaux. Un projet de loi en ce sens sera présenté au Parlement dans le courant du mois de décembre. Il comportera des dispositions nouvelles par rapport à l'accord précité avec, notamment, l'institution d'un « droit de tirage » accordé à toute personne sortie du système scolaire sans qualification. Ces réformes législatives ne seront cependant pleinement efficaces qu'à la condition de placer la gestion prévisionnelle des emplois au cœur de l'adaptation de notre système de formation, comme d'ailleurs de celui des politiques en faveur de l'emploi des populations les plus âgées. A cet égard, des travaux seront engagés avec les partenaires sociaux et les régions pour mettre en place des procédures de gestion prévisionnelle des emplois à la fois plus rationnelles et plus scientifiques. Il est vrai qu'en la matière tout ou presque reste à faire. Abordant la problématique de l'exportation du savoir-faire français en matière de formation professionnelle, le Ministre s'est dit prêt à approfondir la réflexion.


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