COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 48

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 27 avril 2004
(Séance de 12 heures)

Présidence de M. Michel Bouvard, Vice-Président

SOMMAIRE

 

pages

- Examen du projet de loi modifiant la loi n° 2003-322 du 9 avril 2003 relative aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France (n° 1484) .

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- Information relative à la Commission

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La commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a examiné, sur le rapport de M. Charles de Courson, le projet de loi modifiant la loi n° 2003-322 du 9 avril 20003 relative aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France (n° 1484).

M. Charles de Courson, Rapporteur, a indiqué qu'après avoir été Rapporteur de la commission des Finances sur la loi du 9 avril 2003 relative aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France, il était chargé aujourd'hui de présenter un texte modifiant cette loi sur un certain nombre de points techniques, compte tenu de l'accord signé entre Air France et KLM qui va aboutir, à l'issue d'une offre publique d'échange amicale en cours, à un transfert au secteur privé de la majorité du capital de la compagnie nationale.

Le principe de la privatisation d'Air France a été acté lors du vote par le Parlement de la loi de privatisation du 19 juillet 1993. L'ouverture du capital de la future ex-entreprise publique a été retardé jusqu'à ce que les conditions économiques et boursières la permettent, soit en février 1999 lorsque le gouvernement Jospin a cédé plus de 44 % du capital que l'État détenait dans la société. Les fluctuations des marchés n'ont pas permis d'aller au-delà depuis, malgré l'annonce faite par le gouvernement Raffarin II en juillet 2002 de désengager l'État sous la barre des 50 % du capital.

De fait, l'opportunité de l'accord conclu en septembre 2003 entre les sociétés Air France et KLM va aboutir à une privatisation par dilution de la part de l'État dans le capital ainsi augmenté d'Air France, sans que celui-ci ne soit obligé tout de suite de céder ses titres. Il faut cependant procéder à quelques aménagements techniques des dispositions législatives régissant Air France, telles que résultant de la loi du 9 avril 2003 qui avait pour objectif d'anticiper sur une cession de parts de l'État. Le présent projet de loi permet ainsi de tenir compte, au niveau juridique, d'une privatisation en conséquence d'une augmentation de capital et d'une filialisation d'Air France dans le cadre d'un rapprochement stratégique avec une autre entreprise communautaire de transport aérien.

Ce texte traduit une insuffisance d'Europe. Si l'Europe du transport aérien avait été plus intégrée, il n'y aurait pas eu besoin de savants montages juridiques pour préserver les droits de trafic nationaux ; si l'Europe aérienne avançait plus vite, il ne serait pas nécessaire de légiférer aujourd'hui. En l'absence de clause communautaire communément reconnue dans les accords internationaux régissant le transport aérien, la nationalité des actionnariats doit donc être préservée, au moins de manière transitoire. Ce projet de loi marque donc un nouveau pas - initié par deux entreprises commerciales - vers plus d'Europe, au bénéfice de l'ensemble des consommateurs d'un marché unique encore plus vaste, avec les dix nouveaux pays entrants.

Il ne s'agit pas non plus de la correction d'une quelconque « scorie » de la loi du 9 avril 2003, un an après son adoption par le Parlement : sans cette loi, le rapprochement entre Air France et KLM n'aurait pas été possible, la perspective de la privatisation n'aurait pas pu se concrétiser. Il s'agit donc seulement aujourd'hui pour le Parlement de tenir compte, dans le droit, d'une opportunité saisie par Air France, suite au vote de cette loi et dans le droit fil de ce qui était déjà l'intention du législateur : privatiser et renforcer la compagnie nationale. Les réalités économiques ayant déjà dépassé le droit, il est nécessaire aujourd'hui de l'adapter.

Le projet de loi prévoit ainsi de maintenir le dispositif de protection des droits de trafic et de la licence d'exploitation accordés à l'actuelle société Air France, compte tenu de la filialisation de la société. Il faut souligner que le schéma retenu pour l'opération de rapprochement entre Air France et KLM va conduire à la constitution d'un actionnariat étranger plus important qu'actuellement au sein de la holding, rendant ainsi plus probable la mise en oeuvre éventuelle de la procédure de cession forcée permettant de garantir les droits de trafic d'Air France qui a été mis en place avec la loi du 9 avril 2003.

Toujours dans la perspective de la filialisation d'Air France, le texte modifie les dispositions de la loi du 9 avril 2003 qui devaient accompagner la transformation d'Air France en société privée, notamment pour permettre aux salariés transférés à la nouvelle filiale de transport aérien de continuer à bénéficier d'une période transitoire d'au plus deux ans avant la disparition du statut du personnel, ainsi que pour maintenir la représentation spécifique des salariés au sein du conseil d'administration de la future société opérationnelle.

Enfin, le projet précise que l'échange salaire contre actions rendu possible par la loi du 9 avril 2003 et ouvert à tous les salariés de la société sur la base du volontariat restera possible après la filialisation d'Air France. Cependant, pour que la part du capital pouvant faire l'objet de cet échange ne soit pas affectée par l'augmentation de capital résultant de la prise de contrôle de la société KLM par Air France, il est précisé que cette part demeure calculée sur la base du capital existant au 9 avril 2003.

Ces aménagements purement techniques, s'ils se contentent en fait de maintenir l'état du droit en vigueur, n'en sont pas moins porteurs d'avenir car ils rendent possible l'évolution d'Air France, gage de sa compétitivité, de sa croissance et donc de sa survie dans l'environnement difficile et cyclique du transport aérien. Il s'agit donc in fine d'un petit pas pour le droit, mais d'un grand envol pour la compagnie nationale.

Une certaine émotion s'est toutefois manifestée parmi les salariés d'Air France, compte tenu de l'absence dans le projet de loi de toute disposition concernant l'âge de cessation d'activité du personnel navigant commercial. En effet, alors que les pilotes doivent arrêter leur activité dès soixante ans en vertu du code de l'aviation civile - ce qui n'en n'empêche pas certains de continuer de travailler à l'étranger -, les personnels navigants commerciaux ne partent en préretraite, en droit à cinquante-cinq ans et en fait en moyenne dès cinquante-deux ans et demi, qu'en vertu d'une disposition du statut du personnel de la compagnie qui leur assure une indemnisation financière tout à fait honorable. En l'absence de toute disposition législative dans ce texte, les hôtesses et stewards perdraient le bénéfice de cette préretraite. Il s'agit donc d'une lacune du texte qu'il conviendrait de combler par voie d'amendement portant article additionnel.

M. Alain Rodet a souhaité savoir si, dans cette nouvelle configuration, le comité central d'entreprise resterait au sein de la nouvelle filiale Air France. Quel est l'impact de la création de cette holding sur l'alliance Skyteam ? Les liens entre les différentes entreprises au sein de cette alliance sont-ils modifiés ? Les modifications doivent-elles se traduire par un échange de participations ?

M. Charles de Courson, Rapporteur, a indiqué que la place du comité d'entreprise n'était pas modifiée par la filialisation, quant à l'alliance Skyteam, il s'agit d'une simple alliance commerciale qui a des conséquences importantes en termes d'augmentation des dessertes et d'optimisation des flottes. A l'heure actuelle, Skyteam est la plus petite des trois grandes alliances opérant au niveau mondial. Les perspectives du rapprochement d'Air France avec KLM ne peuvent donc avoir qu'un effet positif sur la place de Skyteam sur le marché mondial.

La Commission a ensuite procédé à l'examen des articles du projet de loi.

Article 1er (articles L. 360-1 et L. 360-2 du code de l'aviation civile) : Préservation des droits de trafic et de la licence d'exploitation de transporteur aérien d'Air France :

M. Charles de Courson, Rapporteur, a présenté un amendement affinant la rédaction de cet article quant à la définition des holdings pouvant bénéficier de la procédure de cession forcée de titres. Il s'agit d'éviter d'être amené à légiférer une troisième fois si Air France, filialisée, devait par la suite se sous-filialiser !

La Commission a adopté cet amendement.

M. Charles de Courson, Rapporteur, a présenté un amendement de conséquence, que la Commission a adopté.

La Commission a ensuite adopté l'article 1er ainsi modifié.

Article 2 (article L. 342-3 du code de l'aviation civile) : Maintien de la composition actuelle du conseil d'administration d'Air France :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 3 (article 3 bis nouveau de la loi n° 2003-322 du 9 avril 2003) : Maintien du régime transitoire pour le statut du personnel d'Air France :

M. Charles de Courson, Rapporteur, a présenté un amendement de simplification rédactionnelle, visant à supprimer le premier alinéa de cet article. Il n'est pas de bonne technique législative d'insérer dans une loi déjà publiée une disposition non codifiée. La Commission a adopté cet amendement.

M. Charles de Courson, Rapporteur, a ensuite présenté un amendement de conséquence, que la Commission a adopté.

Enfin, il a présenté un amendement visant à introduire une précision dans le décompte des alinéas. La Commission a adopté cet amendement et l'article 3 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 3 (articles L. 421-3, L. 421-9 et L. 423-1 du code de l'aviation civile) : Maintien de l'âge de cessation d'activité du personnel navigant commercial d'Air France :

M. Charles de Courson, Rapporteur, a présenté un amendement relatif à l'âge de cessation d'activité du personnel navigant commercial d'Air France. Il est important de maintenir le principe d'une limite d'âge dérogatoire au droit commun, ne serait-ce que parce que de nombreuses grandes compagnies aériennes européennes ont édicté de telles limitations. Air France n'adhérant pas aux ASSEDIC, la société a conclu une convention avec ces dernières et rembourse aux ASSEDIC les prestations euro pour euro. Actuellement, en vertu du statut du personnel, le personnel navigant commercial doit cesser son activité à 55 ans.

M. Alain Rodet a fait remarquer que, à Singapour Airlines par exemple, les hôtesses s'arrêtaient également avant 60 ans.

M. Charles de Courson, Rapporteur, a précisé qu'il y avait d'autres entreprises de transport aérien où l'âge de départ à la retraite était de 60 ans et non de 55 ans. À British Airways et à Lufthansa, l'âge de cessation d'activité du personnel navigant commercial est de 55 ans alors que l'âge légal de la retraite est de 63 ans en Grande-Bretagne et de 60 ans en Allemagne. Chez KLM, le personnel navigant commercial part à la retraite à 56 ans, l'âge légal de départ à la retraite étant de 65 ans. Cette question a suscité une certaine émotion auprès du personnel navigant commercial d'Air France. L'amendement propose que l'âge dérogatoire de départ à la retraite du personnel navigant commercial soit fixé par décret, pour faciliter le dialogue social et pour pouvoir plus facilement tenir compte des évolutions du secteur. En tout état de cause, les compagnies aériennes doivent mettre en place une politique active et incitative d'accompagnement social de la cessation d'activité navigante et de reclassement au sol de leurs personnels navigant commerciaux, ce qui leur permettra d'alléger leurs coûts. L'amendement précise le montant des indemnités de départ versées dans ce cas afin d'éviter des divergences de jurisprudence et de clarifier le dispositif applicable aux salariés concernés. L'amendement vise le montant de l'indemnité légale. En fait, l'indemnité conventionnelle est environ de neuf fois supérieure à l'indemnité légale. L'amendement permet de trancher une question jurisprudentielle lancinante, liée à la nature juridique de cette indemnité.

La Commission a adopté cet amendement.

M. Charles de Courson, Rapporteur, a tenu à préciser qu'il n'était pas nécessaire de déposer un amendement comparable pour le personnel navigant technique. Les auditions auxquelles il a procédé ont montré que les syndicats de pilote étaient divisés sur cette question. Une partie d'entre eux souhaite le relèvement de l'âge de départ à la retraite de 60 à 65 ans. La direction d'Air France est très sceptique, évoquant notamment le problème - parfois rencontré - du survol par des pilotes de plus de 60 ans de pays n'autorisant les personnels navigants techniques à exercer leur activité que jusqu'à l'âge de 60 ans. Des discussions sont en cours sur cette question au sein de l'OACI. Il convient donc de ne pas anticiper une décision en la matière.

Article 4 (article L. 342-4 du code de l'aviation civile) : Maintien de la composition actuelle des comités d'établissement et du comité central d'entreprise d'Air France :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 5 (article 51 de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998) : Maintien du dispositif actuel de prise de participation du personnel dans le capital d'Air France :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Puis, la Commission a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.

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M. Gérard Bapt a souhaité savoir si le redécoupage ministériel induit par la composition du gouvernement « Raffarin III » impliquait une reconfiguration du champ d'investigation des rapporteurs spéciaux. En particulier, le secteur des personnes âgées ayant été réaffecté, conformément aux recommandations de la commission d'enquête parlementaire, le budget des handicapés devrait être rattaché à celui des personnes âgées. Il a souhaité que le Bureau de la Commission se saisisse de cette question afin d'éviter des empiètements de compétences constatés par le passé, où le partage entre les rapports spéciaux concernait parfois le même chapitre, voire le même article.

M. Michel Bouvard, Président, a indiqué que la réunion de la Commission du mercredi 5 mai prochain avait pour objet de déterminer les titulaires des différents rapports spéciaux. La question soulevée pourrait être abordée dans la perspective de cette prochaine réunion.

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Information relative à la Commission

La Commission a nommé :

M. Charles de Courson, rapporteur sur le projet de loi modifiant la loi n° 2003-322 du 9 avril 2003 relative aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France (n° 1484).

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