COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 69

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 22 septembre 2004
(Séance de 11 heures 30)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Nicolas SARKOZY, ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et de M. Dominique BUSSEREAU, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, sur le projet de loi de finances pour 2005 (n° 1800)

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La Commission des finances, de l'économie générale et du plan a procédé à l'audition de M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et de M. Dominique Bussereau, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, sur le projet de loi de finances pour 2005 (n° 1800).

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a rappelé le contexte économique dans lequel se situe ce projet de loi. La croissance mondiale en 2004 a été l'une des plus fortes des trente dernières années, avec un taux de 4,5%. Dans la zone euro, elle devrait s'établir à 1,9% en 2004. En France, la croissance est supérieure à la moyenne européenne et devrait atteindre 2,5% en 2004, voire 2,7% selon les estimations. Si la France avait connu un taux de croissance inférieur à celui de ses voisins européens, d'aucuns en auraient imputé une part de responsabilité au Gouvernement. Il convient donc, en toute logique, de considérer que le Gouvernement est pour partie responsable de cette croissance française supérieure à celle de ses voisins européens.

L'action engagée par le Gouvernement a porté ses fruits.

Le Gouvernement a considéré que les déficits persistants minent la confiance des ménages. L'action résolue de diminution des déficits a été suivie par une baisse du taux d'épargne des ménages et donc un accroissement de la consommation et de l'investissement : tel est bien le cercle vertueux que le Gouvernement voulait recréer. Il y est parvenu. A la fin de 2004, le déficit public devrait diminuer de plus de 5 milliards d'euros.

Cette relance de la consommation est aussi le fruit de mesures ciblées efficaces. Ces mesures ont été adoptées dans la loi pour le soutien à la consommation et à l'investissement (loi n° 2004-804 du 9 août 2004). Elles ont déjà un effet très positif :

- l'exonération d'impôt sur les donations aux enfants et petits-enfants a fait la preuve de son efficacité. Pendant les mois de juin, juillet et août, 1,6 milliard d'euros ont été transmis aux jeunes générations, ce qui représente un doublement du nombre de donations qui atteint 90.000 à la fin du mois d'août ;

- la réduction d'impôt au titre des intérêts des prêts à la consommation répond au souci de ne plus culpabiliser « l'emprunt », mais au contraire de valoriser le projet qu'il permet. Selon la Fédération des banques françaises, les prêts à la consommation seraient en progression de 6%. Il convient de souligner que la clientèle ayant recours à ces prêts n'est pas seulement faite de gens aisés ;

- les mesures exceptionnelles de déblocage de la participation et de l'épargne salariale se sont traduites, à la fin du mois d'août, par la signature de 1.000 avenants aux accords de participation et d'intéressement couvrant 321.000 salariés.

Ces exemples démontrent bien qu'il existe des marges de manœuvre pour soutenir la croissance et que tout n'avait pas été tenté jusqu'alors.

La question de la hausse des prix est un enjeu considérable. Tous les gouvernements, se fondant sur les indices officiels, ont affirmé que le passage à l'euro n'avait pas entraîné de hausse des prix. Pourtant, la consommation était stagnante dans les supermarchés et les hypermarchés et les analyses montrent que les prix ont davantage augmenté en France qu'ailleurs, ce qui se traduit par une baisse du pouvoir d'achat. Les agriculteurs n'ont jamais connu de prix d'achat aussi bas qu'aujourd'hui, les petits commerces ferment, les petites et moyennes entreprises se sentent étranglées et les prix sont trop élevés. Il faut bien admettre que la loi Galland (loi n° 96-588 du 1er juillet 1996 sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales), qui comporte des aspects positifs, a aussi des effets pervers. Avec les « marges arrières » a été institué un facteur de hausse des prix qui pénalise le consommateur. Aujourd'hui, 3.500 produits de grandes marques ont vu leur prix diminuer. Ce chiffre devrait pouvoir augmenter à 4.000 d'ici la fin du mois, permettant ainsi d'accroître de 0,3 point le pouvoir d'achat des ménages. La Commission Canivet sur les prix dans la grande distribution rendra son rapport fin octobre. Il conviendra alors d'avoir un débat sur ces questions.

Le Ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a ensuite décrit les hypothèses macroéconomiques sur lesquelles s'appuie l'équilibre du projet de loi de finances pour 2005. L'inflation devrait s'établir à 1,8%, chiffre légèrement inférieur à celui anticipé pour 2004. Cette prévision est raisonnable, intégrant notamment l'hypothèse d'un prix moyen du baril de pétrole de 36,5 dollars, soit un niveau suffisamment élevé en cas de mauvaises surprises sur le marché des matières premières. La croissance s'élèverait pour sa part à 2,5%. Cette prévision, comme chaque année, nourrit des débats importants dont il faut pourtant relativiser la portée au regard de la grande dispersion des précisions établies par les spécialistes. Cette prévision est certes légèrement supérieure à la moyenne du consensus des économistes, qui s'établit pour sa part à 2,3%. Mais, le choix du Gouvernement, qui est naturellement ouvert à la discussion et soumis à l'appréciation du Parlement, s'appuie sur les données disponibles pour 2004 : l'OCDE prévoit d'ores et déjà une croissance de l'ordre de 2,7% en 2004, ce qui suppose la prolongation des tendances observées dans la première partie de l'année. Dans la mesure où le taux de croissance atteint en fin d'année joue un rôle déterminant dans celui de l'année suivante, ce qu'on nomme l'« acquis » de croissance, il a semblé cohérent de ne pas anticiper une réduction brutale de la croissance en 2005.

Sur cette toile de fond économique, ont été arrêtées les priorités du budget pour 2005. Chacune a pour objectif ultime l'emploi. Chacune sert cet objectif avec détermination et cohérence.

La première priorité est imposée par le niveau excessif de notre endettement public. Il faut redonner des marges de manœuvre à la politique budgétaire en réduisant le déficit de l'Etat. Le déficit prévu pour 2005 est de 44,9 milliards d'euros. C'est une performance remarquable, puisqu'elle signifie une amélioration de plus de 10 milliards d'euros par rapport au déficit anticipé dans la loi de finances initiale pour 2004. C'est aussi une performance sans précédent : jamais, en effet, dans l'histoire économique de la France, la réduction du déficit d'une année sur l'autre n'aura été aussi importante. Il est possible d'espérer que ce sera aussi une performance saluée et reconnue par tous.

Le Ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a rappelé que cette maîtrise du déficit est rendue possible par la stabilisation, pour la troisième année consécutive, des dépenses de l'Etat. Comme en 2003, et comme en 2004, les charges de l'Etat n'augmenteront pas plus vite que l'inflation en 2005. Et puisque que 40% de ces dépenses sont liées aux versements des traitements et des pensions des fonctionnaires, la maîtrise de la dépense ne peut négliger la voie de la révision des effectifs de la fonction publique. Le projet de loi de finances pour 2005 prévoit ainsi la suppression de plus de 10.000 emplois, ce qui, compte tenu de la création de 3.000 emplois dans les ministères prioritaires, permet une diminution nette des effectifs des fonctionnaires civils de l'Etat de 7.200 emplois. Certes, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, dans son rôle décisif de gardien des équilibres budgétaires, a plaidé pour que ce chiffre soit plus élevé encore. Mais la performance n'en est pas moins exceptionnelle : 2005 voit le plus important effort de réduction d'effectifs consenti depuis au moins 20 ans. Et il faut rappeler que les économies réalisées par la suppression d'emplois sont des économies de très long terme, puisqu'elles s'étendent sur toute la durée de la carrière d'un fonctionnaire et même sur ses pensions, l'Etat assumant seul et directement le versement et le financement des retraites de ses fonctionnaires.

La deuxième priorité du budget pour 2005 est évidemment de renforcer encore la croissance de l'économie française.

Cela passe tout d'abord par l'allégement des charges des entreprises et, par là même, par le renforcement de l'attractivité du pays. Plus de 1,1 milliard d'euros d'allégements fiscaux sont prévus en direction des entreprises en 2005. La contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés sera réduite à 1,5%, avant sa suppression complète en 2006. A terme, le taux de notre impôt sur les bénéfices sera ramené à 33,3%. Il convient d'ailleurs de rappeler que ce taux restera supérieur à la moyenne européenne, qui s'établit à environ 30%, et surtout aux taux pratiqués dans les pays d'Europe centrale et orientale qui viennent d'entrer dans l'Union, de l'ordre de 20%. Cela permet d'ailleurs de rappeler ce que signifie concrètement l'exigence, exprimée récemment et bruyamment par une personnalité politique de tout premier plan, d'une harmonisation fiscale européenne : il serait illusoire d'imaginer un alignement des taux européens vers le taux le plus élevé, qui s'avère être celui de la France. Le seul compromis envisageable serait une harmonisation vers la moyenne, soit un taux de 25%. Cela donne la mesure de l'ampleur des prétendus « cadeaux aux entreprises » que cette même personnalité se fait fort de dénoncer qui devraient être consentis pour avancer vers une réelle harmonisation européenne de la fiscalité des entreprises.

Une autre mesure permettant d'améliorer la situation financière des entreprises sera la prorogation pour six mois, jusqu'à la fin de 2005, du dispositif de dégrèvement de taxe professionnelle au titre des investissements nouveaux institué par la loi sur la consommation et l'investissement. Cette mesure de bon sens prouve en effet toute son efficacité : la progression de l'investissement devrait atteindre 8% en 2004, mettant fin à un cycle de baisse des investissements entre 2002 et 2003.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a, à ce stade, apporté des précisions sur l'incidence globale de ces allégements de fiscalité sur le niveau des prélèvements obligatoires. S'appuyant sur des données chiffrées pour le moins contestables, une partie de la presse a dénoncé un brusque ressaut du taux de prélèvements obligatoires en 2005. Il n'en est rien. Les prélèvements obligatoires ne dépasseront pas 43,7% du PIB en 2005 - loin des 44,2% parfois avancés -, après 43,8% en 2002 et en 2003 et 43,6% en 2004. Ce chiffre reste très inférieur aux 45,5% constatés en 1999.

Le renforcement de la croissance passe aussi par le développement d'outils financiers adaptés aux besoins des petites et moyennes entreprises. Une mesure phare est la réforme des contrats d'assurance-vie principalement investis en actions afin de renforcer la part des fonds investis dans les PME en conditionnant notamment les exonérations dont bénéficient ces contrats à des quotas d'investissements dans les sociétés non cotées. La rénovation très prochaine des outils de notre commerce extérieur s'ajoutera à ces mesures pour encourager le développement des PME.

Le présent projet de loi de finances comporte trois mesures destinées à lutter contre les délocalisations : une mesure dite « antidélocalisations », une mesure dite « relocalisations » et un soutien à la création de pôles de compétitivité.

La première mesure s'adresse aux zones d'emploi qui connaissent les situations les plus difficiles, du point de vue du chômage ou de l'évolution de l'emploi industriel. Une trentaine de bassins d'emploi doivent ainsi être sélectionnés dans un premier temps. L'aide prendra la forme d'un crédit d'impôt qui se montera à 1.000 euros par emploi pendant trois ans. Les entreprises bénéficiaires seront les entreprises industrielles et celles du secteur tertiaire délocalisables. Selon les estimations disponibles, 400.000 emplois pourraient être concernés, pour un coût de 330 millions d'euros.

Le projet de loi de finances comporte en outre une mesure en faveur des « relocalisations » : un crédit d'impôt sur les bénéfices sera institué pour les entreprises qui choisissent de relocaliser leurs activités en France. Calculé en fonction des charges de personnel correspondant aux emplois recréés en France, ce crédit d'impôt sera dégressif sur cinq ans. La première année, il se montera à 50% de la dépense.

Mais la lutte contre les délocalisations passe aussi par la synergie entre l'entreprise, la recherche et la formation. Des pôles de compétitivité seront donc désignés à partir d'un appel à projets. Selon le dispositif mis en place pour les jeunes entreprises innovantes l'an dernier, les entreprises participant au projet collectif de recherche et de développement au sein du pôle bénéficieront d'exonérations d'impôts sur les bénéfices ainsi que sur les cotisations de taxe professionnelle et de taxe foncière sur les propriétés bâties. Pour ceux de leurs emp1oyés qui se consacreront à des activités de recherche et d'innovation, elles seront de 50% ou de 25% des cotisations sociales selon leur taille.

Un des objectifs du Gouvernement est de faire de la recherche un moteur de la croissance. Dans le cadre du plan national en faveur de la recherche, une enveloppe d'un milliard d'euros de moyens nouveaux est dégagée. 300 millions supplémentaires sont mis en place pour le crédit d'impôt recherche, 350 millions vont abonder le budget du ministère de la recherche, et 350 millions d'euros proviendront des recettes de privatisations pour financer la création d'une Agence nationale de la recherche, qui fonctionnera sur une logique d'excellence et d'appel à projets.

Un point fort du présent projet de loi de finances est qu'il a vocation à aider les Français à créer des emplois. Tel est l'objet du relèvement du plafond de la réduction d'impôt pour les emplois à domicile. Cette mesure, instaurée en 1992 par le Gouvernement de l'actuelle opposition, est fortement créatrice d'emplois : aujourd'hui, 1,6 million de particuliers emploient du personnel à domicile, contre 500.000 en 1991. L'intérêt de cette mesure est qu'elle va permettre à de très nombreuses personnes de trouver un emploi déclaré et donc de bénéficier d'une protection sociale dont sans cela, elles auraient été privées.

Le projet de loi de finances marque également la volonté du Gouvernement de relancer l'apprentissage, c'est-à-dire de passer de 350.000 apprentis aujourd'hui à 500.000 d'ici cinq ans. Une ressource propre est créée pour les régions. Simultanément est instauré un crédit d'impôt d'apprentissage qui devrait s'élever à 1.600 euros par an et par apprenti employé dans l'entreprise. Le système fonctionnera comme une sorte de « bonus-malus » : les entreprises qui embaucheront des apprentis verront leur crédit d'impôt plus que compenser la nouvelle contribution ; les autres, en revanche, connaîtront un alourdissement de leurs charges.

Un des objectifs majeurs que se fixe le Gouvernement est de mettre en œuvre un budget de justice sociale. Le présent projet de loi de finances permet le financement de deux mesures très importantes : les allégements de charges sociales patronales accompagnant la réunification des SMIC à un niveau supérieur de 3,7% à celui de l'inflation, au 1er juillet 2005. Par ailleurs, la suppression du SMIC hôtelier, en contrepartie de la prime versée en faveur de l'emploi dans l'hôtellerie et la restauration, doit se traduire par une augmentation de 11% du revenu minimum dans ce secteur d'activité.

De même, la prime pour l'emploi voit son barème revalorisé de 4%, ce qui correspond à une hausse réelle de 2,3% compte tenu de l'inflation : la dépense est de 400 millions d'euros, pour 8,2 millions de bénéficiaires.

Les modalités d'imposition des personnes liées par un pacte civil de solidarité sont alignées sur celles applicables aux contribuables mariés.

Une autre mesure très importante concerne le remplacement du prêt à taux zéro sous sa forme actuelle par un dispositif de crédit d'impôt pour la première accession à la propriété. Ce crédit d'impôt permettra en réalité de conserver les avantages du prêt à taux zéro actuel, et notamment d'être compté comme un apport personnel. Il permettra cependant de doubler le nombre des bénéficiaires et favorisera l'accession à l'ancien.

En matière de droits de mutation, le projet de loi de finances prévoit d'exonérer totalement les successions portant sur des patrimoines inférieurs à 100.000 euros. Il est légitime qu'au bout d'une vie de travail, les Français veuillent que soit transmis à leurs enfants le fruit de leurs efforts, sur lequel ils ont déjà payé l'impôt. Pour des patrimoines au plus égaux à 100.000 euros, il n'y a pas de raison que l'État prélève une nouvelle fois sa dîme. La souffrance est aussi dans la France qui travaille et qui souhaite que ce travail soit reconnu et récompensé. L'État n'a pas à prendre plus qu'il ne faut et les parents n'ont pas à s'excuser de transmettre à leurs descendants le patrimoine qu'ils ont constitué.

En définitive, le projet de loi de finances pour 2005 récuse la fatalité et témoigne d'un véritable volontarisme économique et politique.

M. Henri Emmanuelli a estimé que les propos tenus par le Ministre d'État devant la Commission tenaient plus de la harangue de meeting politique que du discours de présentation des mesures contenues dans le projet de loi de finances. Il a considéré que le ton choisi par le Ministre d'Etat n'est guère approprié et qu'il est notamment particulièrement déplacé d'annoncer la mesure d'aide à domicile incluse dans le projet de loi de finances comme une prolongation d'une politique ayant été menée dans le passé par un Gouvernement de gauche.

M. Dominique Bussereau, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, a souligné, en premier lieu, que le projet de loi de finances pour 2005 sera le dernier à être présenté, adopté et exécuté suivant les dispositions de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances. Aux documents annexes au projet seront adjoints des documents présentant les crédits dans le « format LOLF », autour des 132 programmes arrêtés par le Gouvernement. Parallèlement, celui-ci poursuit l'entreprise de rénovation de la comptabilité de l'État, en vue de la certification future des comptes par la Cour des comptes. De même, le chantier de la réforme du contrôle financier suit son cours et le Gouvernement réfléchit à une refonte de la procédure budgétaire.

Le projet de loi de finances pour 2005 témoigne également de l'engagement du Gouvernement dans la simplification de l'impôt. Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie s'est fixé pour objectif de doubler le nombre de télédéclarations des revenus en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, 1,25 million de déclarations ayant été remplies sous forme électronique en 2004. A cette fin, il est proposé de doubler, de 10 à 20 euros, l'avantage consenti aux personnes qui déclareront leurs revenus par voie informatique ; c'est le prix aujourd'hui d'un mois d'abonnement à l'ADSL.

Dans la même perspective, la redevance audiovisuelle sera désormais adossée à la taxe d'habitation (pour les particuliers) et à la TVA (pour les entreprises). Il n'y aura donc plus qu'une seule redevance à percevoir par foyer et les exonérations d'impôt prévues pour les RMIstes ou les bénéficiaires de l'allocation pour adulte handicapé, par exemple, seront automatiquement étendues à la redevance audiovisuelle. Cela représente environ un million d'exonérations supplémentaires. La modification proposée permettra d'assurer un meilleur recouvrement de la redevance, c'est-à-dire une ressource plus sûre pour l'audiovisuel public, et d'engager des gains de productivité, les agents jusqu'ici affectés à la gestion de cet impôt devant être redéployés vers de nouvelles fonctions.

Enfin, le comité des finances locales, qui s'est réuni le mardi 21 septembre, a pris connaissance des décisions importantes qui concerneront les collectivités locales dans le projet de loi de finances. La dotation globale de fonctionnement (DGF) connaîtra, grâce à des modalités d'indexation très favorables, sa deuxième plus forte augmentation depuis 1996. En accompagnement de la décentralisation, une part de la TIPP sera transférée aux régions, pour un montant d'environ 400 millions d'euros, et une part de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance sera transférée aux départements, pour un montant d'environ 120 millions d'euros. Après la clarification des concours aux collectivités locales décidée dans la loi de finances pour 2004, le projet de loi de finances proposera une rénovation du contenu de la DGF, en vue d'améliorer l'effort visant à réduire les inégalités entre les territoires. Cette réforme a été longuement soumise à la concertation avec les élus locaux et leurs organes représentatifs.

Le Rapporteur général a souligné que le projet de loi de finances pour 2005 est clairement un budget de rétablissement des comptes publics. Jamais on n'a budgété une réduction du déficit de 10 milliards d'euros d'une année sur l'autre. Cette perspective s'appuie sur la stabilisation de la dépense, politique reconduite de l'année en cours, et sur l'affectation à la réduction du déficit de la majeure partie des surplus de recettes procurés par la croissance. La stratégie poursuivie par le Gouvernement est ainsi exactement inverse de celle qui avait présidé, sous la précédente législature, à la dilapidation de la « cagnotte ». Elle est indispensable à l'affermissement de la confiance des Français, qui constitue l'un des socles de la croissance. D'ailleurs, les développements économiques du premier semestre 2004 montrent le bien fondé de la démarche retenue par le Gouvernement et sa majorité.

La dynamique présentée pour 2005 est déjà à l'œuvre en 2004 : l'amélioration imprévue de la croissance devrait apporter 5 milliards d'euros de recettes supplémentaires par rapport à la loi de finances initiale. De ce fait, le déficit public pour 2005 sera ramené au-dessous du plafond de 3%, conformément aux engagements pris par la France devant ses partenaires européens, ce qui ne manquera pas de susciter la confiance des ménages et des entreprises.

Les dépenses seront stabilisées en volume, et seront portées à 288,8 milliards d'euros compte tenu d'une prévision d'inflation fixée à 1,8%. Cette enveloppe permettra de respecter les engagements pris dans les lois de programmation (défense, justice, sécurité), de soutenir la priorité accordée à la recherche et à la cohésion sociale. Pour financer ces dépenses prioritaires, le Gouvernement a travaillé sur trois axes : améliorer la gestion des administrations, redéployer les crédits et réformer l'État. La réforme de la redevance audiovisuelle, trop longtemps différée, est enfin décidée. Les concours aux collectivités locales seront majorés de 3%, dans le cadre de l'accompagnement financier de la décentralisation.

En matière de recettes, les baisses d'impôts, d'environ 2 milliards d'euros, ont été calibrées en fonction des objectifs poursuivis pour la baisse du déficit. De ce fait, elles sont gagées par les recettes pérennes supplémentaires apportées par la croissance. Les réductions d'impôt proposées par le Gouvernement sont justes et équilibrées. Celles qui concernent les ménages sont, pour l'essentiel, tournées vers les foyers les plus modestes : l'augmentation du SMIC comme celle de la prime pour l'emploi (+ 4%) représentent un coût réel pour les finances de l'État. D'autres mesures concernent tous les foyers français. Le dispositif proposé pour l'exonération des droits de succession est approprié ; d'ailleurs le succès enregistré par la mesure « donations » décidée pendant l'été confirme l'adage selon lequel une mesure fiscale fonctionne bien dès lors qu'elle est comprise par nos concitoyens et qu'elle répond à un besoin réel. L'amélioration du régime de la réduction d'impôt pour emplois familiaux est également une bonne décision. Elle répond aux soucis de nombreuses familles, notamment en Ile-de-France, et de personnes âgées. Les modifications proposées font revenir l'ensemble du dispositif à la configuration prévalant en 1994.

Les entreprises ne sont pas non plus négligées : la disparition programmée en deux ans de la « surtaxe Juppé » sur l'impôt sur les sociétés est un pas supplémentaire vers l'harmonisation de la fiscalité en Europe. La prolongation sur l'ensemble de l'année 2005 de l'exonération de taxe professionnelle sur les nouveaux investissements favorisera l'investissement et contribuera à la lutte contre les délocalisations. Les modifications proposées au régime de la taxe d'apprentissage devraient avoir un impact sensible sur la formation des apprentis et l'emploi.

Au total, le projet de loi de finances pour 2005 est un budget de confiance et de croissance. Confiance, car il démontre la volonté du Gouvernement de redresser, dans la durée, les comptes publics ; croissance, car il contribue à l'augmentation du pouvoir d'achat des ménages et au renforcement de la compétitivité de l'économie française.

Trois questions méritent cependant d'être soulevées. En premier lieu, comment devraient s'articuler les comptes de l'État et les comptes sociaux ? En d'autres termes, le risque est-il grand de voir les efforts consentis par l'État contrecarrés par d'éventuelles dérives sur l'assurance maladie et l'UNEDIC ? En 2004, les 5 milliards d'euros de recettes supplémentaires sur le budget de l'État pourraient bien être « recyclés » dans les dépenses supplémentaires de la sphère publique sociale. Ceci est-il susceptible d'avoir des répercussions sur le respect de l'objectif de déficit public, fixé à 3,6% du PIB pour 2004 ? Le Gouvernement pourrait également préciser les perspectives pour 2005 et la façon dont le projet de loi de finances s'insère dans le programme de stabilité qui sera présenté ultérieurement aux institutions communautaires.

En deuxième lieu, quelles sont les clefs de passage du scénario macro-économique, notamment la croissance du PIB, fixée à 2,5%, et les recettes fiscales et non fiscales ? La prudence a-t-elle guidé les choix du Gouvernement ? La loi de finances pour 2004 prévoit 500 millions d'euros de recettes résultant de cessions immobilières : le Gouvernement pourrait préciser les perspectives de réalisations effectives pour 2004 et les montants envisagés pour 2005.

Enfin, l'exécution 2004 montre que des tensions pourraient apparaître sur le respect de la norme d'évolution des dépenses fixée dans la loi de finances. On observe, par exemple que les dispositifs sociaux à « guichet ouvert » connaissent des dépenses dynamiques et que le budget de la Défense semble être « en avance » de plus d'un milliard d'euros par rapport aux prévisions de la loi de finances. Quelles actions permettront de tenir le plafond des dépenses autorisé par le Parlement ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a remarqué qu'une réponse appropriée aux questions posées par le Rapporteur général exigerait de longs développements. Il a craint de ne pas disposer du temps nécessaire pour apporter les réponses précises que les députés sont en droit d'attendre, le jour de la présentation du budget ayant été, cette année plus que de coutume, difficile à organiser. Il s'est dit à la disposition de la Commission pour lui apporter, dès l'après-midi si nécessaire, tous les éléments susceptibles de l'éclairer sur le projet de loi de finances pour 2005. En effet, le Gouvernement est très attaché à la pleine information de la Commission.

M. Didier Migaud a pris acte de ce que les questions des commissaires aux finances seraient posées dans une séance ultérieure et déploré que, pour la première fois, la Commission ait auditionné un ministre des finances sans disposer au préalable des éléments d'information indispensables à un débat constructif sur le projet de loi de finances.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a indiqué que tous les documents nécessaires seraient disponibles dans l'après-midi.

M. Didier Migaud, soulignant que, comme à l'accoutumée, les documents avaient été imprimés au plus tard dans la nuit, a demandé pourquoi ils n'avaient pas été transmis en temps utile à la Commission, l'obligeant ainsi à auditionner les ministres sans qu'elle soit en mesure de poser les questions que la lecture de ces documents aurait inévitablement suscitées.

M. Jean-Pierre Brard a également regretté l'absence des documents d'information budgétaires et s'est demandé si cette absence ne résultait pas d'une volonté délibérée d'empêcher la Commission de disposer des éléments écrits susceptibles de contredire le brillant exposé qu'elle a écouté.

M. Charles de Courson a déploré les conditions dans lesquelles les ministres sont auditionnés par la Commission, qui nuisent à la clarté du débat.


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