COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 11

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 13 octobre 2004
(Séance de 19 heures 30)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

SOMMAIRE

 

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- Examen de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005 (n° 1800) :

Vote sur les crédits de la Forêt (M. Pascal TERRASSE, Rapporteur spécial).

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La Commission a poursuivi l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005 (n° 1800) en examinant, sur le rapport de M. Pascal Terrasse, Rapporteur spécial, les crédits de la Forêt.

M. Pascal Terrasse, Rapporteur spécial, a jugé que si les Français aiment leur forêt, ce sentiment ne semble pas partagé par le ministère de l'Agriculture. La forêt est malade : elle est malade des tempêtes de décembre 1999, de la sécheresse de 2003 et de la déprime des cours du bois. Le prix du mètre cube est, en effet, passé de 37,9 euros en 1999 à 26,4 euros en 2003. Ainsi, en Lorraine, les travaux rendus nécessaires par les tempêtes de 1999 ne peuvent être menés à leur terme car, sur les 18 millions d'euros prévus, seulement 7 millions seront distribués cette année. Compte tenu de la situation particulièrement difficile de la filière forêt, les inquiétudes, comme celles de la Fédération nationale des communes forestières sur l'évolution des crédits consacrés à la forêt, sont légitimes. Ces inquiétudes sont partagées par l'ensemble des acteurs du secteur, en particulier l'Office national des forêts, les propriétaires privés, l'ensemble des collectivités territoriales et les entreprises du secteur. De nombreux éléments alimentent les craintes : la réorganisation du fret menée par la SNCF, l'augmentation des prix du carburant, la concurrence de plus en plus rude des pays de l'Est et du Brésil, la déprime des cours du bois et, enfin, les difficultés de circulation des camions de transport de bois.

Les crédits consacrés à la forêt dans le projet de loi de finances pour 2005 sont en baisse de 6,6  %. S'agissant de la production forestière et du plan tempêtes, les crédits versés sont en baisse alors que les besoins se font sentir maintenant : il y aura en particulier un effet différé en 2005/2007 qu'il conviendrait d'anticiper.

Force est de constater une diminution des crédits sur toutes les lignes budgétaires. S'agissant de l'ONF, un nouveau président vient de prendre ses fonctions. Contrairement à une tradition, il ne s'agit pas du directeur du cabinet du Président de la République. Il conviendra toutefois de vérifier si sa rémunération est bien imputée sur les crédits de l'ONF. La convention d'objectifs et de gestion conclue entre l'État et l'ONF suit son cours. Cependant sur les 25 millions d'euros prévus en 2004 afin de compenser le déficit de l'organisme, seuls 20 millions d'euros seront vraisemblablement versés : l'État ne respecte pas l'engagement de compenser le déficit de l'ONF qu'il avait pourtant pris dans le contrat d'objectifs. Par ailleurs, alors que l'ONF est sollicité par l'État pour mener des travaux forestiers en montagne, celui-ci n'honore pas ses engagements de paiement : plus de dix-huit mois séparent la réalisation des travaux et le paiement effectif par l'État. De tels délais posent un problème de trésorerie à l'ONF qui doit payer des agios.

Compte tenu de l'évolution du prix du baril, la filière bois semble avoir de beaux jours devant elle, mais le gouvernement n'est pas suffisamment conscient de cet enjeu. En effet, la filière bois a été complètement ignorée dans le plan énergie récemment présenté, alors qu'il y a beaucoup à faire.

S'agissant des centres régionaux de la propriété forestière, si l'engagement pris par le ministre de créer trente postes a été respecté l'année dernière, il est ajourné cette année, ce qui est regrettable.

M. Jean-Louis Dumont a constaté qu'en effet la filière bois est en crise. Le bois se vend difficilement, l'industrie de première transformation connaît une chute de ses effectifs, et la forêt a subi des dégâts considérables lors de l'ouragan de 1999. Les aides de l'État à ce secteur seront-elles renouvelées en 2005 comme elles l'ont été en 2003 et 2004 ? Au-delà de la perte de substance économique subie en 1999, il demeure une grande œuvre technique à poursuivre afin que la forêt française retrouve sa qualité.

M. Michel Bouvard a interrogé le Rapporteur spécial sur la façon dont le service de restauration des terrains en montagne (RTM) serait traité dans le cadre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Ce service n'est même plus identifié au niveau des actions et il est difficile d'y voir actuellement clair sur sa situation budgétaire.

Il y a une dispersion totale des crédits. Il est donc souhaitable de consolider les crédits rattachés au ministère de l'agriculture à ceux que le ministère de l'écologie est censé apporter au fonctionnement du RTM. Il ne semble pas logique dans la démarche actuelle de conserver des crédits dispersés entre deux ministères. Il est à craindre que ces crédits n'augmentent guère globalement, et dans ce cas, on ne pourra pas faire face aux besoins d'urgence. Une telle situation a d'ailleurs pu être constatée récemment lors d'une intervention indispensable pour le lac de Rochemelon, en Savoie, pour lequel l'effort a dû reposer sur la petite commune de Bessans, le ministère de l'écologie ayant déclaré ne pouvoir financer les travaux de restauration.

M. Louis Giscard d'Estaing a précisé que la tempête de 1999 avait suscité l'insertion d'avenants dans les contrats de plan État-régions ; ceux-ci doivent être pris en compte. Il a demandé quelle était l'articulation des crédits présentés avec les mesures prévues par certains conseils régionaux.

M. Augustin Bonrepaux s'est lui aussi interrogé sur la nature des crédits destinés aux services du RTM, et a demandé si le Fonds forestier national avait été conservé et quels étaient ses crédits. Il a repoussé, au cas d'espèce, le raisonnement selon lequel un bon budget est un budget en diminution, regrettant que l'État soit en cessation de paiement dans tous les domaines. Les actions sont engagées, puis arrêtées car les préfets ne reçoivent pas les moyens de les financer. Le déficit croissant de l'ONF en est une illustration : on pourra le creuser comme cela a été fait pour Réseau ferré de France par exemple, mais un jour il faudra bien payer l'addition. Une telle pratique n'est pas acceptable quand il s'agit de la richesse nationale que représente la forêt. La situation budgétaire contraste avec le caractère précieux de la ressource. Il a indiqué qu'il ne voterait pas les crédits pour la forêt considérant qu'il s'agit d'un très mauvais budget.

M. Pascal Terrasse, Rapporteur spécial, a répondu que la nomenclature budgétaire actuelle ne permet pas d'apprécier l'importance donnée aux services de la RTM. Les crédits de la RTM devraient en effet figurer au sein de l'action « développer la prévention des risques et améliorer la protection de la forêt », dispersés au milieu de crédits consacrés à une multitude d'opérations. Ces crédits accusent, par ailleurs, une baisse significative en 2005.

Il a confirmé que les collectivités locales ont souvent joué un rôle d'aménagement dans le secteur forestier ; les crédits prévus par les contrats de plan État-régions figureront dans le rapport spécial.

Il est difficile de recouper les différentes actions qui relèvent de l'ONF, qui vont de la prévention des risques à la mise en place de pépinières. Toutefois, il est certain que les crédits sont en baisse.

Le Fonds forestier national a été dissous à la fin des années 90, avant la tempête de 1999, ce qui peut, a posteriori, apparaître regrettable.

Il est vrai que le budget de la forêt est en forte diminution, alors que des besoins incontestables se font ressentir : c'est maintenant que les travaux de reconstitution de la forêt doivent être réalisés, d'autant plus que la forêt a souffert de la sécheresse en 2003, ce qui produira des conséquences dans les années qui viennent. Le sénateur Yann Gaillard, Président de la Fédération des communes forestières de France, a également manifesté son inquiétude quant à la baisse des crédits.

Le Président Pierre Méhaignerie a demandé au Rapporteur spécial quelle était son appréciation sur la nouvelle nomenclature budgétaire.

En réponse, M. Pascal Terrasse, Rapporteur spécial, a considéré qu'elle présentait l'inconvénient, s'agissant des objectifs, de ne renseigner qu'une dimension du système de mesure de la performance, celle relative à l'efficacité socio-économique. La qualité du service rendu à l'usager et l'efficience de la gestion sont complètement ignorées. Certes, la politique forestière présente des spécificités, qu'il est difficile d'appréhender au travers d'un nombre restreint d'objectifs et d'indicateurs quantifiables. Néanmoins, la mesure de l'amélioration de l'efficacité de la dépense, principale finalité de la mise en œuvre du dispositif, ne pourra être réalisée au travers de seuls objectifs relatifs à l'efficacité socio-économique. S'il peut s'avérer que, pour des raisons spécifiques au domaine étudié, il n'y ait pas lieu de définir d'objectif relatif à la qualité du service rendu à l'usager, ce qui est néanmoins rare pour un service de l'État, il n'est pas acceptable qu'aucun objectif ne soit fixé en matière d'efficience de la gestion, dans la mesure où des crédits sont nécessairement mobilisés à cet effet. L'absence d'objectif d'efficience est d'autant plus surprenante qu'il existe un contrat d'objectif entre l'État et l'ONF, dont le ministère aurait pu s'inspirer.

Par ailleurs, certains objectifs mériteraient d'être précisés. Ainsi, le premier objectif se décompose en réalité en deux, auxquels sont d'ailleurs associés deux indicateurs bien distincts, ce qui nuit à la clarté de l'objectif défini. De même, l'objectif 4 pourrait simplement s'intituler « protection de la forêt », ce qui semble inclure assez naturellement la prévention des incendies. En outre, l'objectif 2 est trop vague, notamment si on le met en relation avec l'indicateur censé l'illustrer, qui s'avère très précis.

Le nombre d'indicateurs associés aux objectifs correspond aux principes fixés par la direction de la réforme budgétaire, puisqu'un ou deux indicateurs renseignent chaque objectif. Toutefois, certains d'entre eux ne sont pas pleinement satisfaisants. Il en va ainsi des indicateurs « surfaces de forêts avec aménagement forestier » associé à l'objectif 2 et « surfaces forestières privées relevant d'un plan simple de gestion rapportée à la surface théorique pouvant relever d'un tel plan » associé à l'objectif 3 qui s'avèrent être de simples indicateurs d'activité, et non de véritables indicateurs de performance. Les résultats de ces indicateurs peuvent progresser du simple fait de l'augmentation des moyens qui y sont consacrés, sans qu'ils traduisent une amélioration dans l'utilisation des crédits.

Le Président Pierre Méhaignerie a observé qu'une comparaison européenne pourrait être instructive, considérant que, dans certains grands pays forestiers européens, ce secteur était entretenu sans crédits de l'État.

M. Louis Giscard d'Estaing a considéré qu'il serait également utile de disposer d'un indicateur reflétant la part des quantités de bois importées et exportées dans la consommation nationale de bois, par type de consommation.

Le Président Pierre Méhaignerie a regretté l'échec de l'initiative apparue il y a quelques années consistant à développer la construction de maisons à ossature bois, échec lié aux dispositions de notre code des marchés publics. Une relance de cette initiative pourrait contribuer à rentabiliser cette filière, à améliorer la construction, à valoriser l'usage de la ressource en bois et aurait des effets bénéfiques sur les conditions de travail des salariés du bâtiment.

M. Pascal Terrasse, Rapporteur spécial, a rappelé que le marché immobilier est florissant alors que le marché du bois connaît de réelles difficultés. En 1995, le législateur avait prévu qu'au moins 10 % des matériaux utilisés pour construire une maison devaient être en bois, mais les décrets d'application n'ont jamais été publiés.

M. Jean-Louis Dumont a indiqué que la gare TGV Meuse aura de nombreux éléments en bois.

La Commission a ensuite, contre l'avis du Rapporteur spécial, adopté les crédits de la Forêt.

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