COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 5

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 4 novembre 2003
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Pascal Clément, président

SOMMAIRE

Audition de M. Dominique Perben, garde des Sceaux, ministre de la Justice, et de M. Pierre Bédier, secrétaire d'État aux programmes immobiliers de la justice, sur les crédits du ministère de la Justice pour 2004.

La Commission a procédé à l'audition de M. Dominique Perben, garde des Sceaux, ministre de la Justice, et de M. Pierre Bédier, secrétaire d'État aux programmes immobiliers de la justice, sur les crédits du ministère de la Justice pour 2004.

M. Dominique Perben, garde des Sceaux, ministre de la Justice, a rappelé l'adoption, il y a un peu plus d'un an, au terme de débats approfondis, de la loi d'orientation et de programmation de la justice du 9 septembre 2002, mobilisant, pour la période 2003-2007, des moyens nouveaux importants afin d'améliorer l'efficacité de la justice, de traiter efficacement la délinquance des mineurs et d'améliorer l'accès des citoyens à la justice. Il a indiqué que le projet de budget pour 2004 était rigoureusement conforme aux engagements pris alors devant les Français. Il a considéré que ce traitement budgétaire favorable au regard des contraintes de maîtrise de la dépense publique ne faisait que renforcer son souci d'une bonne utilisation des moyens de l'État, afin de répondre aux attentes des Français. Il a ajouté que ce projet de budget s'inspirait également d'une volonté de modernisation et d'innovation dans le cadre de la réforme de l'État, tout en admettant que les traditions du ministère de la Justice étaient plutôt étrangères aux contraintes strictes de la gestion et de l'évaluation des résultats. Il a mis à la disposition de la Commission un document présentant sa stratégie ministérielle de réforme, arrêtée à la demande du Premier ministre, et qui repose sur une trentaine de réformes assorties d'un calendrier, dont certaines seront mises en œuvre dès 2004.

Il a ensuite développé plusieurs aspects du budget de la justice. Le projet de budget s'inscrit en cohérence avec la loi organique relative aux lois de finances, laquelle se traduira dès 2004 par des expérimentations dans chacune des composantes du ministère, portant sur un volume total de crédits de 180 millions d'euros. Dans le même esprit, les contrats d'objectifs et de moyens seront progressivement étendus à l'ensemble des cours d'appel. Dès 2004, les cours d'appel de Lyon et de Bastia ainsi que l'École nationale de la magistrature souscriront un tel contrat, dont le dispositif sera généralisé au 1er janvier 2006. Les engagements pris dans le cadre de ces contrats portent sur la réduction des stocks de dossiers en instance, sur la maîtrise des frais de justice, mais aussi sur des progrès qualitatifs et quantitatifs : amélioration du traitement des affaires civiles et pénales, efficacité de la mise en œuvre des politiques judiciaires. Plus qu'une technique, ces contrats d'objectifs sont un moyen d'administrer autrement. Afin de parvenir à ces résultats, le ministère passera à l'heure de l'administration électronique. Son budget informatique s'établira globalement à 84,1 millions d'euros en 2004, en progression de près de 3 % par rapport à 2003.

En 2004, avec un volume de crédits de 5,28 milliards d'euros et une progression de presque 5 %, la justice reste un secteur prioritaire. Les montants de crédits sont en ligne avec la loi d'orientation et de programmation, de même que les créations d'emplois, qui s'élèveront à 2 229 postes, soit une augmentation d'environ 10 % par rapport à 2003. Les services judiciaires disposeront de 715 emplois supplémentaires dont 150 magistrats, la protection judiciaire de la jeunesse de 234 emplois, les juridictions administratives de 97 emplois et l'administration centrale de 46 emplois. Les créations de postes commencent à donner leurs pleins effets sur le terrain : le nombre d'arrivées de magistrats, ou « localisations », dépassera ainsi le seuil de 300 en 2004. Le potentiel des juridictions et la rapidité de traitement des dossiers en seront significativement améliorés. En particulier, les sept juridictions interrégionales spécialisées dans la lutte contre la criminalité organisée et la délinquance économique et financière bénéficieront de l'affectation de 86 postes de magistrats et 112 postes de fonctionnaires, notamment de greffe.

Un effort particulier est consenti pour les créations de postes dans l'administration pénitentiaire, qui bénéficiera de 1 128 emplois afin de répondre à l'augmentation récente de la population carcérale, de renforcer la capacité de maintien de l'ordre, de créer des établissements adaptés pour les mineurs et de poursuivre le programme d'ouverture d'unités hospitalières sécurisées interrégionales.

En vue d'améliorer la gestion du ministère, la filière administrative y sera renforcée, notamment par la création de 60 postes de secrétaires administratifs dans les juridictions, qui permettront aux greffiers de se recentrer sur leurs fonctions juridictionnelles. Pour assurer l'équilibre du système, ces créations d'emplois s'accompagnent d'une progression de 7 % des crédits de fonctionnement pour l'ensemble du ministère.

Les crédits de fonctionnement des services judiciaires augmentent de 5,4 % afin d'accompagner les recrutements de magistrats et de fonctionnaires, de mettre en service de nouveaux bâtiments judiciaires, de renforcer la sécurité des juridictions, de poursuivre le développement de l'informatique déconcentrée et de développer la visioconférence, laquelle fait l'objet d'un groupe de travail interne en vue d'expérimentations dès 2004. Le recrutement d'au moins 600 juges de proximité en 2004, conforme à l'objectif de 3 300 à la fin de 2007, sera rendu possible par l'augmentation de 5,8 % des crédits de vacation.

La progression de 5 % des crédits de fonctionnement de la protection judiciaire de la jeunesse permettra de prendre en compte l'évolution des dépenses immobilières et de communication, d'ouvrir trois nouveaux centres éducatifs fermés et de mettre en place une action éducative dans les quartiers pour mineurs des établissements pénitentiaires.

Les crédits de fonctionnement de l'administration pénitentiaire croissent de 10 %, afin de prendre en compte l'évolution du nombre des détenus et d'assurer la sécurité dans les prisons grâce à l'installation de tunnels à rayons X, à la mise en place de systèmes de téléphonie sans fil et à l'acquisition de gilets pare-balles pour les surveillants les plus exposés.

En matière de crédits d'intervention, les crédits d'aide juridictionnelle bénéficieront d'une mesure nouvelle de 15,8 millions d'euros, représentant 5 % de la dotation, afin d'améliorer la rétribution des avocats. Le budget de l'aide aux victimes augmentera de 17,5 %, soit un supplément de 1,1 million d'euros, afin d'aider davantage le réseau associatif et d'abonder le fonds de réserve pour la prise en charge des accidents collectifs. Pour justifier le caractère prioritaire de cette action, le garde des Sceaux a fait valoir qu'il n'y a pas de crédibilité de la justice sans une attention portée aux victimes.

Présentant les moyens consacrés à l'immobilier, M. Pierre Bédier, secrétaire d'État aux programmes immobiliers de la justice, a souligné qu'ils connaîtraient en 2004 une forte croissance pour la deuxième année consécutive, les autorisations de programme dépassant un milliard d'euros, en augmentation de 50 % environ, et les crédits de paiement atteignant pour la première fois 300 millions d'euros, soit une progression de 5 %. Les autorisations de programme consacrées aux programmes judiciaires s'élèvent à 309 millions d'euros et les crédits de paiement à 119 millions d'euros pour 2004. Neuf chantiers importants de construction ou de rénovation de palais de justice doivent être lancés.

Quant aux constructions pénitentiaires, elles font l'objet de 688 millions d'euros d'autorisations de programme et de 173 millions d'euros de crédits de paiement. Ces dotations permettront de livrer les quatre derniers établissements prévus dans le cadre du « programme 4000 », augmentant ainsi de 2 000 places environ la capacité nette du système carcéral français. En outre, le quart du budget d'investissement pénitentiaire est consacré à la rénovation des établissements existants, qu'il s'agisse de projets majeurs portant sur de grands établissements du type Fleury-Mérogis ou d'opérations plus limitées. Un effort tout particulier est consenti en direction des mineurs : dès 2004, l'intégralité des projets pénitentiaires prévus par la loi de programme en direction des mineurs aura été lancée, qu'il s'agisse de la construction de nouveaux établissements ou de la rénovation des quartiers pour mineurs dans les établissements classiques.

Les premières procédures de partenariat entre public et privé pour la réalisation d'établissements pénitentiaires, prévues par la loi d'orientation et de programmation, seront lancées en 2004. Elles auront vocation à s'appliquer à une large proportion du programme de constructions, soit environ 9 000 places sur 13 200. Le budget pour 2004 prévoit à cet effet une autorisation de programme d'un montant de 335 millions d'euros ainsi que 60 millions d'euros de crédits de paiement destinés à l'achat des terrains. Il s'agira de la première mise en œuvre à une telle échelle d'un outil important de modernisation de la gestion publique.

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur pour avis des crédits des services judiciaires et de l'administration centrale, a salué le fait que l'augmentation significative des moyens alloués à la justice en 2004 s'accompagne, contrairement à ce que l'on pouvait traditionnellement constater, de réformes de procédures et de structures, de telle sorte que les délais de traitement des dossiers pourraient être effectivement réduits. Il a fait observer que les auditions qu'il avait conduites dans le cadre de la préparation de son rapport avaient fait ressortir les difficultés de fonctionnement quotidien éprouvées par certaines juridictions, à l'exemple du tribunal de grande instance (tgi) de Paris, dont 72 des 136 photocopieurs ne faisaient plus l'objet d'opérations de maintenance. Après avoir indiqué que les dépenses de loyer représentent en 2003 61,27 % de la dotation de l'arrondissement judiciaire de Paris, il s'est interrogé sur l'adaptation des crédits de fonctionnement à l'augmentation continue des emplois. Puis il a appelé l'attention du garde des Sceaux sur la nécessité de moderniser les indicateurs statistiques, afin de suivre au plus près et de manière plus rapide l'évolution de l'activité des juridictions.

Exprimant sa satisfaction à l'égard de la mise en place d'une prime modulable attribuée aux magistrats de l'ordre judiciaire, il a demandé au garde des Sceaux selon quelle périodicité et selon quels critères elle serait distribuée. Il a souligné que l'actuelle majorité avait d'ores et déjà revalorisé régulièrement les indemnités de fonctions des magistrats de l'ordre judiciaire, indemnités qui étaient passées à 37 % en 1996, à 41 % en 2003 et à 45 % du traitement pour 2004, permettant un rapprochement de la situation des magistrats judiciaires avec celle des magistrats administratifs et financiers.

Il a demandé quelles perspectives de carrière seraient offertes, au-delà du 1 % d'augmentation salariale prévue pour 2004, aux agents de catégorie C, dont la participation au service public de la justice s'avère primordiale. Il a interrogé le garde des Sceaux sur les suites qu'il comptait donner au rapport présenté par M. Anicet Le Pors sur le personnel des greffes des juridictions administratives. Il a également demandé si des mesures étaient envisagées pour rationaliser les modes de recrutement des magistrats et actualiser le programme du concours d'entrée à l'École nationale de la magistrature. Enfin, il s'est dit favorable à la transformation de l'École nationale des greffes en établissement public, afin qu'elle puisse faire face de la manière la plus satisfaisante possible à l'augmentation des effectifs d'élèves.

Mme Valérie Pécresse, rapporteure pour avis des crédits de l'administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse, après s'être félicitée du respect des objectifs de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, a souhaité savoir, à l'heure où le projet de budget prévoyait l'acquisition de 2 000 bracelets électroniques, quelles mesures seraient prises pour inciter les magistrats à recourir plus fréquemment à la surveillance électronique. Elle a demandé selon quelles modalités les « centres de détention à régime allégé », dont la création avait été proposée dans le rapport présenté récemment par M. René Eladari, s'articuleraient avec les centres de semi-liberté et les centres pour peines aménagées. Puis elle a sollicité l'avis du garde des Sceaux sur le rapport de l'Observatoire international des prisons, qui avait dénoncé la surpopulation carcérale. Enfin, elle l'a interrogé sur les mécanismes d'évaluation qui seraient mis en œuvre pour suivre l'activité de la protection judiciaire de la jeunesse, dont le fonctionnement avait été sévèrement critiqué par la Cour des comptes dans un rapport particulier de juillet 2003.

M. André Vallini a indiqué qu'il n'était pas convaincu par la mise en place de primes au rendement, qu'il a jugées contraires à l'indépendance des magistrats et dont les critères sont difficiles à déterminer, rappelant par ailleurs que les chefs de cour ignoraient souvent l'activité réelle des magistrats dont ils ont la responsabilité. Tout en indiquant que l'Observatoire international des prisons avait également publié des rapports très sévères sur la gestion carcérale du précédent gouvernement, il a observé que la surpopulation des prisons avait atteint cet été un record historique, expliquant les prises de position de cette association. Après avoir indiqué qu'il souscrivait aux propositions de M. Jean-Luc Warsmann relatives au développement des mesures alternatives à l'incarcération et qu'il était favorable au développement des établissements pour mineurs, il a regretté que l'état de grâce observé lors du vote de la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et du rapport de la commission d'enquête sur les prisons ait pris fin en 2001. Évoquant enfin le rapport Terra sur le suicide en prison, il a souhaité connaître les mesures concrètes envisagées par le Gouvernement pour lutter contre ce phénomène.

M. Gérard Léonard a déclaré partager la satisfaction des rapporteurs pour avis sur la bonne exécution de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, observant que la deuxième année était souvent décisive. Il s'est notamment félicité de voir que les créations d'emplois sont accompagnées des moyens de fonctionnement correspondants. Évoquant l'évaluation en cours des maisons de justice et du droit, il a souhaité savoir s'il existait une synthèse des conclusions de cette évaluation. Après avoir rappelé que trois maisons de justice et du droit avaient été créées dans la communauté urbaine du grand Nancy, et qu'elles fonctionnaient de manière satisfaisante, il a souhaité connaître la politique de la Chancellerie en matière de financement, observant que ces structures bénéficiaient souvent des services d'un greffier et d'agents de justice.

Après avoir évoqué le rapport de la Cour des comptes remettant en cause de manière relativement sévère le fonctionnement des services de la protection judiciaire de la jeunesse, M. Jean Leonetti a jugé nécessaire d'évaluer les moyens mis en œuvre pour lutter contre la délinquance des mineurs. Après avoir cité l'augmentation des mesures de réparation, le raccourcissement des délais d'exécution des mesures éducatives et la construction de quartiers pour mineurs, il a insisté sur l'importance des classes-relais, fondamentales pour l'insertion des jeunes délinquants. Au-delà du partenariat État-conseils généraux, il a souhaité savoir s'il était possible d'associer plus étroitement les municipalités à la politique de prévention de la délinquance.

Évoquant la difficulté que pouvait éprouver le Conseil supérieur de la magistrature à s'assurer de la pertinence et du bien-fondé des notations de magistrats, notamment au regard de la pratique des surnotations utilisée pour faciliter le transfert d'un magistrat vers une nouvelle affectation, le Président Pascal Clément s'est demandé s'il ne serait pas judicieux de mettre l'inspection générale des services judiciaires non seulement à la disposition du garde des Sceaux, mais également des chefs de cours et de juridictions.

M. Robert Pandraud a souhaité connaître l'état du dossier relatif à la salle d'audience de l'aéroport de Roissy. M. André Vallini ayant suggéré, à cet égard, de créer un tribunal à Roissy, d'autant plus justifié que, dans cette zone économique en plein essor, la mise en place d'une juridiction prud'homale, commerciale et civile était incontestablement légitime, M. Robert Pandraud a ajouté qu'il demandait une telle création depuis deux décennies.

Évoquant le placement en foyer de mineurs délinquants, M. Xavier de Roux a jugé indispensable de développer la coopération entre les conseils généraux et le ministère de la Justice afin de trouver des solutions alternatives à celles qui consistent à placer des jeunes délinquants dans des foyers de protection de l'enfance. Il a déploré que, du fait d'un manque patent de places dans des structures adaptées, des jeunes soient placés, pour des raisons familiales et sociales, dans des foyers avec des jeunes délinquants. Interrogeant ensuite le ministre sur le taux de progression des incarcérations par rapport aux capacités d'accueil dans les établissements pénitentiaires, il a souhaité qu'une réflexion soit menée sur le développement des alternatives à l'incarcération. Il a enfin demandé au ministre de fournir un bilan de la mise en place des juridictions de proximité dont la création a été décidée par le législateur en 2002.

Tout en faisant état des divergences de fond qui subsistent entre l'actuelle majorité et l'opposition sur les problèmes de la justice, M. Bernard Roman a salué la qualité d'écoute dont témoigne le garde des Sceaux à l'égard des parlementaires. Déclarant partager la satisfaction du ministre sur le taux de progression du budget du ministère de la Justice, il a néanmoins émis des réserves sur la façon dont les crédits pouvaient être utilisés : citant le cas de personnes placées en garde à vue pendant toute une nuit dans un commissariat de Lille, à la suite d'un léger dépassement du taux d'alcoolémie autorisé au volant, il a souhaité que les procédures soient améliorées afin que ces dérives ne puissent se reproduire.

M. Robert Pandraud a interrogé le ministre sur le nombre d'étrangers en prison ; il a plaidé pour une politique de coopération avec leur pays d'origine, dans lesquels ces détenus devraient effectuer ou achever leur détention.

En réponse aux intervenants, les ministres ont apporté les précisions suivantes :

· Sur les services judiciaires et les juridictions administratives

-  La location des bureaux grevant lourdement les budgets de certaines juridictions, et pas seulement celle de Paris, une réflexion est conduite par la Chancellerie et le secrétariat d'État aux programmes immobiliers de la justice sur les investissements nécessaires pour remédier à cette situation.

-  Des efforts doivent être consentis afin de limiter le grand nombre de vacances de postes au tribunal de grande instance de Paris qui fait figure d'exception en la matière : cette juridiction semble en effet peu attractive pour les magistrats comme pour les personnels des greffes, dont les effectifs connaissent un renouvellement rapide, les personnels y ayant souvent leur première affectation mais retournant en province dès que possible.

-  Une enveloppe de 150 000 euros a été affectée au tribunal de grande instance de Paris, afin d'assurer l'entretien des photocopieurs, fortement sollicités depuis que les avocats peuvent se faire délivrer copie de tout ou partie des actes et pièces des dossiers.

-  Les statistiques sur l'activité des services judiciaires élaborées par le ministère de la Justice pêchent par perfectionnisme et ne sont, du fait d'un décalage de deux ans, guère opérationnelles ; un travail est donc engagé pour disposer de statistiques portant sur des périodes d'activité plus rapprochées, nécessaires pour une bonne mise en œuvre des contrats d'objectifs ; si un gros travail reste à faire en matière pénale, les statistiques disponibles en 2004 en matière civile devraient porter sur l'année 2003.

-  Les magistrats de l'ordre judiciaire ont bénéficié en 2003 et bénéficieront en 2004 de revalorisations indemnitaires qui rapprocheront leur régime de celui des magistrats administratifs et financiers, 2,5 points seulement les séparant d'un alignement complet avec ces derniers ; cette revalorisation doit cependant être assortie d'un effort budgétaire à travers la mise en place d'une modulation des primes ; l'inconstitutionnalité de cette dernière ne paraît pas avérée, des mécanismes analogues ayant été mis en place au Conseil d'État, à la Cour de cassation, dans le juridictions administratives et financières ; l'attribution de cette prime ne relèvera pas de la compétence du ministre mais de celles des chefs de cour, sur proposition des chefs de juridiction ; cette prime sera versée mensuellement et sa révision, semestrielle, sera l'occasion d'un entretien entre l'intéressé et le chef de cour ; les critères d'appréciation qui seront retenus ne sauraient être des critères de moyens, tels que le nombre de placements en garde à vue ordonnés, mais des critères de résultat.

-  Essentiels au bon fonctionnement des juridictions, les agents de catégorie C ne doivent pas être oubliés ; à cette fin, le projet de loi de finances pour 2004 prévoit une revalorisation d'un point de leur indemnité, l'accès pour 80 agents de catégorie C au corps des greffiers, la création de postes de secrétaire administratif et la transformation des emplois d'agents de services techniques en emplois d'agents administratifs.

-  S'agissant des recrutements de magistrats, l'augmentation des effectifs ne nuit pas à la qualité des recrutements de magistrats, dont la diversification - étudiants, personnes disposant d'une expérience professionnelle - est satisfaisante.

-  Le rapport de l'inspection générale des services judiciaires sur les maisons de justice et du droit ne les remet pas en cause et ne demande pas non plus leur généralisation ; mais elles doivent s'insérer dans un schéma départemental et disposer de moyens pérennes ; l'augmentation des dotations aux associations permettra à la Chancellerie de leur apporter son soutien financier, qui prend le relais de crédits du ministère de la Ville ; en outre, il est impératif que les personnels des greffes affectés à ces maisons de justice et du droit soient de bonne qualité et des efforts sont consentis pour intégrer les agents de justice dans les métiers de la justice ; en tout état de cause, le bon fonctionnement de ces structures suppose une concertation entre les collectivités locales et le ministère de la Justice.

-  Il est indispensable que les chefs de cour exercent de la façon la plus complète et effective les compétences qui leur sont attribuées en matière disciplinaire ; le rapport que remettra la commission sur l'éthique des magistrats devrait comporter des propositions sur l'exercice du pouvoir disciplinaire.

-  32 juges de proximité sont d'ores et déjà nommés et une liste de 150 candidats a été transmise au Conseil supérieur de la magistrature ; des propositions portant sur un nombre équivalent de candidatures devraient ensuite être présentées au Conseil supérieur de la magistrature tous les trois mois environ ; l'examen des dossiers montre que les différents viviers de recrutement pointés par le législateur sont exploités et on dénombre beaucoup de candidatures de qualité ; le fonctionnement concret de ces nouvelles juridictions devra être examiné sur le terrain, mais, d'ores et déjà, les premiers échos sont encourageants.

-  La chancellerie et le ministère de l'Intérieur ont confié à une mission commune le soin d'expertiser le site de la salle d'audience de Roissy afin de s'assurer qu'il est adapté au fonctionnement d'une juridiction et d'évaluer les travaux nécessaires à son utilisation ; il est vrai que la plan de cette salle, conçue à l'époque par le ministère de l'Intérieur, ne correspond pas aux us et coutumes des palais de justice ; en tout état de cause, il est préférable, pour des raisons humanitaires, de juger sur place plutôt qu'au tribunal de grande instance de Bobigny confronté à une charge de travail considérable en matière correctionnelle.

-  Le rapport rendu par MM. Anicet Le Pors et Frédéric Aladjidi sur l'amélioration de la situation statutaire et des modalités de gestion des personnels des greffes des juridictions administratives a été transmis aux partenaires sociaux.

· S'agissant de l'administration pénitentiaire :

- La surpopulation carcérale reste préoccupante : le nombre des détenus est aujourd'hui de 58 500, après avoir atteint près de 61 000 au 1er juillet, près de 25 % d'entre eux sont des étrangers. Il faut garder présent à l'esprit le fait que l'augmentation de la population carcérale résulte d'une multitude de décisions juridictionnelles sur lesquelles l'administration pénitentiaire n'a aucune prise et qui s'imposent à elle.

-  L'observatoire international des prisons est une simple association de la loi de 1901 ; ses rapports ne reflètent que sa position et ne sont d'ailleurs pas toujours fondés sur une analyse rigoureuse de la situation carcérale. Toutefois, il est notoire que le parc pénitentiaire français est vétuste, près d'un établissement sur deux ayant été construit au 19e siècle. L'amélioration des conditions de détention est d'ailleurs l'une des priorités du Gouvernement, qui a initié un ambitieux programme de construction, tout en prévoyant un important recrutement de personnels : 2 000 gardiens surveillants seront recrutés annuellement pendant les cinq années à venir afin de tenir compte des importants besoins de l'administration pénitentiaire en personnels et des nombreux départs à la retraite prévus. C'est d'ailleurs grâce au renforcement des effectifs de gardiens surveillants, à leur professionnalisme et aux initiatives qu'ils ont prises que l'été 2003 s'est déroulé sans heurts majeurs, en dépit de la forte chaleur et de la surpopulation carcérale.

-  Compte tenu de cette surpopulation, les peines alternatives à l'incarcération doivent impérativement être développées ; la diminution du nombre des travaux d'intérêt général observée au cours des dernières années n'est pas acceptable, d'autant moins que nombre de collectivités locales sont désireuses d'en bénéficier. Par ailleurs, grâce à la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, l'administration pénitentiaire peut mettre en œuvre et assurer le suivi de près de 500 mesures de placement sous surveillance électronique, bien que les magistrats y recourent trop peu, puisque 250 personnes seulement sont placées sous ce régime. C'est pourquoi, dans le cadre de l'examen du projet de loi adaptant la justice aux évolutions de la criminalité, et conformément aux recommandations élaborées par M. Jean-Luc Warsmann dans son rapport sur les peines alternatives à l'incarcération et les modalités d'exécution des courtes peines, il est proposé de permettre aux juridictions de jugement, et non au seul juge de l'application des peines, de prononcer ab initio un placement sous surveillance électronique. Le développement du bracelet électronique ne doit cependant pas être considéré comme l'unique solution à l'ensemble des problèmes liés à la surpopulation carcérale et à l'exécution des peines. En effet, cette mesure, difficile à supporter physiquement et exigeant une forte autodiscipline de la part des intéressés, s'adresse plus particulièrement aux personnes condamnées insérées socialement et équilibrées. Le développement du recours à la surveillance électronique passe également par une amélioration de l'organisation de l'exécution des peines, notamment grâce au renforcement des effectifs et des moyens alloués aux services pénitentiaires d'insertion et de probation. En tout état de cause, il importe qu'à l'avenir aucune libération sèche de prison ne puisse plus intervenir afin de mieux lutter contre la récidive et favoriser la réinsertion des condamnés.

-  L'essoufflement du recours aux mesures de semi-liberté et des placements à l'extérieur a conduit M. René Eladari à préconiser la mise en place de « centres de détention allégés ». Ces centres, moins sécurisés que les établissements pénitentiaires traditionnels et donc moins coûteux pour les finances publiques tout en offrant de meilleures conditions de détention aux condamnés, bénéficieraient, en revanche, de la présence renforcée de personnels socio-éducatifs et d'insertion. Cependant, l'administration pénitentiaire mène une réflexion sur la faisabilité technique de cette proposition.

-  Le rapport du professeur Terra sur les suicides en prison n'est pas encore achevé ; il a pour objectif de déterminer les moyens permettant d'obtenir une diminution du nombre de ces actes grâce à la mise en place de véritables indicateurs d'alerte au service de personnels chargés de la surveillance des détenus. A cet effet, ces personnels devraient bénéficier d'une formation spécifique rendant possible la détection anticipée des détenus présentant un risque suicidaire.

-  La mixité des détenus majeurs et des mineurs au sein des établissements pénitentiaires doit être évitée et c'est pourquoi le Gouvernement, tout en poursuivant un ambitieux programme de rénovation des quartiers mineurs prévoit, par ailleurs, la construction d'établissement pénitentiaires pour mineurs. Ces établissements devraient permettre d'adapter le rythme de la détention aux mineurs afin de tenir compte des contraintes spécifiques dues à leur âge, notamment grâce à la mise en place d'action de scolarisation et de formation soutenues.

-  Si la garde à vue tend à devenir la règle, au lieu de rester l'exception, c'est aussi parce qu'elle revêt un caractère protecteur pour les personnes avec l'intervention de l'avocat, comme pour la justice. Toutefois, la procédure de remise en liberté demeure trop complexe ; cette situation requiert non une modification de la loi, mais des instructions aux parquets.

· S'agissant de la protection judiciaire de la jeunesse :

-  La nécessaire réforme de la protection judiciaire de la jeunesse doit s'inscrire dans un projet global tendant à l'amélioration de la justice des mineurs. A cet égard, il importe de renforcer les liens institutionnels entre cette administration et celle relevant des départements en permettant le développement de véritables partenariats.

-  Les actions de prévention de la délinquance des mineurs doivent, en priorité, être menées conjointement par les administrations d'État et celles du département, ce qui n'exclut pas la participation d'autres services relevant des collectivités locales à l'instar des administrations municipales.

- Le recours aux classes relais constitue indéniablement une solution intéressante à destination des mineurs en rupture scolaire mais capables de suivre un enseignement et doit, à ce titre, être encouragé.

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Conformément aux conclusions de ses rapporteurs pour avis, M. Jean-Paul Garraud pour l'administration centrale et les services judiciaires et Mme Valérie Pecresse pour les services pénitentiaires et la protection judiciaire de la jeunesse, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de la Justice pour 2004.


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