COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 10

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 3 décembre 2003
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Xavier de Roux, vice-président

SOMMAIRE

Audition sur le projet de loi constitutionnelle relatif à la Charte de l'environnement (n° 992) : MM. Guy Carcassonne, professeur à l'université de Paris X-Nanterre, Dominique Chagnollaud, professeur à l'université de Paris II-Assas, Bertrand Mathieu, professeur à l'université de Paris I-Panthéon-Sorbonne.

La Commission a entendu MM. Guy Carcassonne, professeur à l'université de Paris X-Nanterre, Dominique Chagnollaud, professeur à l'université de Paris II-Assas, Bertrand Mathieu, professeur à l'université de Paris I-Panthéon-Sorbonne, sur le projet de loi constitutionnelle relatif à la Charte de l'environnement (n° 992) (Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure).

Après avoir rappelé que le projet de loi constitutionnelle relatif à la Charte de l'environnement serait examiné par la Commission le 11 février prochain, M. Xavier de Roux a estimé le sujet particulièrement sensible, d'abord parce qu'une nouvelle modification de la sphère constitutionnelle est ainsi entreprise, ensuite parce que celle-ci concerne un sujet qui n'avait encore jamais été abordé à ce niveau normatif. Il a ajouté que, au regard de la nature des enjeux, la Commission avait décidé d'organiser deux tables rondes, la première autour de constitutionnalistes, la seconde devant réunir plusieurs membres de la « Commission Coppens » de préparation de la Charte.

Accueillant MM. Guy Carcassonne, Dominique Chagnollaud et Bertrand Mathieu, il a rappelé que, si aucun d'eux n'avait été membre de la Commission Coppens, ce qui représentait un gage d'esprit critique, chacun s'était cependant exprimé sur la Charte, dans des cadres divers. Il a évoqué tout d'abord une chronique écrite par M. Guy Carcassonne, professeur à Paris X-Nanterre, en juillet dernier, qui exprimait une approbation de fond, tempérée par un certain nombre de mises en garde portant sur la technique rédactionnelle, ainsi que par une invitation claire : « Il suffit de laisser les assemblées faire leur travail, mais il le faut ». Il a rappelé que M. Dominique Chagnollaud, professeur à Paris II-Assas, dont il dirige le Centre d'études constitutionnelles et politiques, avait publié en juin dernier un commentaire du projet de la Commission Coppens, dans lequel il saluait le rôle pionnier que la Charte ferait jouer à la France en matière de droit constitutionnel de l'environnement, tout en appelant à une clarification, le propos d'ensemble étant bien résumé par le titre de l'article : « Un mélange de droit mou et dur ». Présentant M. Bertrand Mathieu, professeur à l'Université Paris I-Panthéon-Sorbonne, il a indiqué qu'il était l'auteur d'un article intitulé « Observations sur la portée normative de la Charte », qui distinguait quatre séries d'éléments juridiques dans la Charte : des éléments déclaratifs énumérés dans ses considérants ; des objectifs constitutionnels encadrant le pouvoir législatif et réglementaire ; deux principes, à savoir le devoir de préservation de l'environnement et le principe de précaution, de nature à légitimer un régime de responsabilité, enfin, des droits subjectifs pour les citoyens, l'information et la participation, dont la réalisation supposait l'intervention du législateur.

Le Professeur Guy Carcassonne a précisé d'emblée qu'il n'éprouvait, sur le fond même du texte proposé, ni états d'âme, ni regrets, ni réticences, le temps étant venu d'élever les enjeux environnementaux à un niveau normatif approprié. Il a ajouté, dans le même esprit, que le fait que le niveau choisi fût celui de la Constitution ne le troublait nullement, avant de préciser que la France ne serait pas la première à s'engager dans cette démarche, même si elle rejoindrait un camp encore minoritaire. Quant à la méthode retenue pour aboutir à ce résultat, à savoir un texte adossé à la Constitution, il a estimé qu'elle n'avait certes pas sa préférence - l'ajout d'un alinéa à l'article 34 de la Constitution lui aurait semblé plus judicieux - mais qu'elle ne paraissait pas devoir être remise en question. Il a considéré en revanche que la question de la pertinence rédactionnelle de la Charte restait pleinement d'actualité ; insistant sur la nécessité d'une rédaction très soigneuse de ce texte, il a estimé que celle-ci n'était pas, en l'état, satisfaisante d'un point de vue constitutionnel. Il a proposé, pour remédier à ce problème, de procéder à une sorte de « Lego constitutionnel », consistant à reprendre les différents blocs du texte pour les aménager différemment et les remettre en ordre de manière pertinente. Il a montré que le projet souffrait aujourd'hui d'un manque total de hiérarchisation des notions, la distinction, classique en droit constitutionnel, entre objectifs et règles constitutionnels étant absente de la rédaction proposée. Or, a-t-il rappelé, si les premiers ne comportent qu'une obligation de moyens et nécessitent l'intervention du législateur, les secondes fixent une obligation de résultat et peuvent être applicables en elles-mêmes. Il a jugé qu'en l'absence d'une distinction de ce type, le projet de loi constitutionnelle recelait le risque d'une multiplication irraisonnée des recours, du fait d'une « vaporisation » excessive des droits subjectifs. Il a fait valoir de surcroît qu'elle contraindrait le juge constitutionnel à définir la portée normative de chaque alinéa, en lieu et place du Constituant, dont c'était pourtant la responsabilité, et enfin que le Conseil constitutionnel pourrait interpréter la totalité des dispositions de la Charte soit comme des règles soit comme des objectifs. C'est afin d'éviter ces deux interprétations, l'une par excès, l'autre par défaut, qu'il a plaidé en faveur d'une réorganisation de la Charte. S'agissant de son articulation avec le texte actuel de la Constitution, M. Guy Carcassonne a récusé toute modification du Préambule, démarche qui lui paraît outrecuidante au regard des textes patinés par le temps auxquels il renvoyait, et a jugé déplacée toute prosopopée en matière constitutionnelle à laquelle une telle démarche pouvait être assimilée. Il a précisé que, dans la mesure où c'était le peuple français qui s'exprimait dans le Préambule, toute modification de cette partie du texte constitutionnel ne saurait être opérée que par la voie du référendum. Il a jugé en conséquence plus justifié d'adosser la Charte de l'environnement à l'article 1er de la Constitution.

En réponse à M. Xavier de Roux, qui s'interrogeait sur la signification exacte de cet « adossement », le professeur Guy Carcassonne a estimé que ce procédé d'adossement n'était pas nouveau, notre système constitutionnel étant d'ores et déjà un texte « gigogne », comprenant un Préambule qui renvoyait à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et au préambule de la Constitution de 1946, renvoyant lui-même aux « principes particulièrement nécessaires à notre temps » et aux « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République », non détaillés dans le texte constitutionnel. Il a donc estimé que, une référence explicite à la Charte étant inscrite dans le dispositif du texte constitutionnel, la notion d'adossement ne posait pas de difficulté majeure.

Après avoir récusé l'utilisation du terme d'adossement - dépourvu de contenu juridique précis - pour qualifier le rapport entre la Charte et la Constitution, le professeur Dominique Chagnollaud a approuvé la démarche tendant à donner une valeur constitutionnelle aux exigences de préservation et de valorisation de l'environnement et souligné l'influence qu'elle pourrait exercer en Europe. Il a toutefois regretté les nombreuses imperfections que recèle la rédaction du projet de loi et de son exposé des motifs, la classification des dispositions de la Charte étant parfois malaisée.

Évoquant successivement les différents articles du projet de Charte, il a indiqué que son article 1er - reconnaissant à chacun le droit de vivre dans un environnement équilibré et favorable à sa santé - pouvait donner lieu à deux interprétations, la première consistant à le priver d'effet direct, la seconde lui permettant d'être invoqué au cours d'une procédure juridictionnelle, et notamment dans le cadre d'une procédure de référé, tant devant le juge administratif que devant le juge judiciaire. Après avoir jugé souhaitable de fusionner les articles 2 et 3 - qui assignent à toute personne des devoirs en matière d'environnement - il s'est interrogé sur l'opportunité d'y faire référence à la notion de « devoir », qui est d'ordre moral, alors que le droit positif ne connaît que des obligations, et sur les incidences, notamment en matière fiscale, de la disposition prévoyant que toute personne a le devoir de « prendre part » à la préservation et à l'amélioration de l'environnement. Observant que l'article 4 posait la question de la responsabilité du fait des dommages causés à l'environnement, il a estimé qu'il impliquait à la fois une responsabilité en amont, de nature à justifier la mise en place de mécanismes reposant sur la logique du « pollueur-payeur », mais également une responsabilité en aval, de nature civile et environnementale. Il a admis que la rédaction de l'article 5 avait été améliorée, les termes de « mesures provisoires et proportionnées » ayant été substitués aux termes de « mesures appropriées », initialement envisagés ; mais il a considéré que ces dispositions seraient difficilement conciliables avec celles de l'article 6, relatif aux politiques publiques, avant de relever que la conciliation des objectifs de développement durable et de développement économique et social affaiblissait la portée du premier objectif. Il a approuvé les dispositions de l'article 7, prévoyant notamment l'accès de toute personne aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques, en indiquant qu'elles reprenaient des dispositions déjà inscrites dans des textes communautaires. Évoquant les conséquences de l'adoption de ce projet de loi, il a estimé qu'il appartiendra au Conseil constitutionnel de trancher la question de la valeur respective des principes et des objectifs que comporte ce texte et de concilier ces différentes exigences constitutionnelles ; il a également jugé que ce texte entraînerait la révision de nombreuses lois en vigueur, encouragerait les études d'impact sur l'environnement et aurait une incidence sur la réglementation des activités polluantes et la mise en place de dispositifs tels que les péages urbains. Il a toutefois jugé nécessaire de procéder à sa réécriture, sous peine de s'exposer à des surprises lors de sa mise en œuvre.

Le professeur Bertrand Mathieu s'est tout d'abord étonné qu'à la veille de la révision des lois relatives à la bioéthique, la protection de l'environnement semble passer avant celle de l'homme. Il a relevé l'hésitation conceptuelle du projet de loi, jugeant difficile de savoir s'il tend à protéger l'environnement en tant que tel ou aux fins de protection de l'homme. S'il a estimé que les considérants tendaient à privilégier la première hypothèse - la protection de la diversité biologique, de l'épanouissement de la personne et du progrès des sociétés humaines étant mises sur le même plan plutôt que d'être ordonnées autour de la protection de l'homme - il a fait observer que l'article 1er du projet de Charte de l'environnement privilégiait l'autre logique. Après avoir souhaité une clarification de ce point, il s'est dit frappé de ce que l'article 2 du projet de loi confie au « peuple français » le soin de proclamer la Charte, alors que ce texte ne sera probablement pas soumis au référendum ; rappelant que la Constitution de 1958 et le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 avaient été proclamés par le peuple français, tandis que la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 l'avait été par « les représentants du peuple français », il a jugé souhaitable de modifier sur ce point l'article 2 du projet de loi. S'interrogeant sur la portée juridique des considérants de la Charte, il a souligné qu'ils pouvaient un jour être exploités par le juge et rappelé, à cet égard, les conditions dans lesquelles le Conseil constitutionnel avait dégagé le principe de dignité de la personne humaine. Après avoir jugé peu souhaitable de transformer des règles scientifiques en règles juridiques et inutile de préciser dans un texte constitutionnel les conditions de l'émergence de l'humanité, il a relevé que les considérants faisaient référence à des concepts, tels que la diversité biologique, l'être humain, le développement durable, dont l'imprécision pourrait donner lieu à diverses interprétations. Il a considéré que le texte comportait une source d'insécurité juridique, les différents objectifs constitutionnels qui y sont affirmés pouvant constituer autant de normes de référence. Rappelant que ces objectifs permettent au Conseil constitutionnel de censurer des dispositions législatives et de justifier les limites apportées à d'autres droits fondamentaux, il a estimé que l'article 1er du projet de Charte sera sans doute considéré par le Conseil comme définissant un objectif constitutionnel, à l'instar de ce qu'il fit pour les « droits-créances », inscrits dans le préambule de 1946, tels que le droit au travail ou à la santé. Il a également noté que la Charte ferait du développement économique et social un objectif constitutionnel.

Après avoir précisé que l'exercice des droits inscrits dans l'article 7 supposait une intervention du législateur, il a souligné l'importance des dispositions relatives à l'application du principe de précaution. Notant que l'article 5 de la Charte pourrait être directement appliqué par le juge constitutionnel, mais également par les juges administratif et judiciaire, notamment dans le cadre d'une procédure de référé, il a fait observer que ces dispositions pourraient entraîner la mise en cause de la responsabilité des pouvoirs publics, mais également celle du législateur ou de l'autorité judiciaire. Sans contester l'opportunité de ces dispositions, il a tenu à en souligner la portée, à savoir la mise en cause de la responsabilité des autorités publiques s'il apparaît qu'elles se sont abstenues de prendre des mesures destinées à éviter la réalisation d'un dommage pour l'environnement. Il a ainsi jugé qu'au-delà des difficultés de rédaction que soulevait ce projet de loi, c'était la portée de ce principe qu'il convenait avant tout d'éclaircir.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure, a posé les questions suivantes :

-  Le pouvoir du législateur sera-t-il restreint du fait de l'extension du « bloc de constitutionnalité » ? Faut-il craindre des saisines incessantes du Conseil constitutionnel, fondées sur l'atteinte à la Charte de l'environnement ? Le Conseil risque-t-il d'être amené à trancher des questions de nature scientifique et technique ?

-  Quelle est la valeur, normative ou purement déclaratoire, des considérants par lesquels s'ouvre la Charte ?

-  Dans les articles de la Charte, est-il possible de dresser clairement la liste des principes constitutionnels et celle des objectifs de valeur constitutionnelle ? Les articles ne comportent-ils pas aussi des dispositions à caractère non normatif ? Comment clarifier les différentes séries d'exigences constitutionnelles, du point de vue du législateur, du juge, du citoyen et, le cas échéant, de l'entreprise ? Quelle est la pertinence des renvois à la loi prévus dans certains articles ?

-  Faut-il s'attendre à une attitude « conquérante » de certains juges appelés demain à mettre en œuvre le droit constitutionnel de l'environnement, qui se reconnaîtraient compétents pour examiner et sanctionner les atteintes à l'ensemble des dispositions de la Charte ?

- Enfin, le texte comporte-t-il des lacunes rédactionnelles ? Les destinataires de chaque norme sont-ils toujours clairement identifiés ?

Le professeur Guy Carcassonne a apporté les éléments de réponse suivants :

-  Nul ne peut évaluer avec certitude le risque de saisines répétées du Conseil constitutionnel, mais l'expérience montre que, lorsque les parlementaires de l'opposition disposent d'instruments susceptibles de faire du tort au Gouvernement, ils sont portés à s'en servir. À l'évidence, la Charte leur offre des moyens nouveaux et suscitera la tentation de multiplier les arguments d'ordre environnemental dans les saisines du Conseil constitutionnel.

-  La Charte comporte, en l'état, un risque sérieux de subdélégations en chaîne : si le Constituant ne prend pas ses responsabilités, c'est au Conseil constitutionnel qu'il incombera d'apprécier si telle loi porte atteinte à l'environnement ; or, si le Conseil constitutionnel ne dispose pas de la compétence technique nécessaire à cette appréciation, il lui faudra faire appel à l'expertise de laboratoires scientifiques indépendants, de sorte que le choix de ce qui est possible et impossible en matière d'environnement pourrait glisser du Constituant à des experts privés.

-  Les considérants figurant dans la Charte auront la valeur que le Conseil constitutionnel décidera de leur attribuer ; tout ce qui est écrit dans la Constitution est susceptible d'avoir des conséquences juridiques. C'est ainsi que le principe de dignité humaine a été tiré d'une phrase du Préambule de 1946 qui avait initialement une portée purement historique. Par conséquent, le Constituant a tout intérêt à indiquer expressément la valeur des exigences qui y figurent.

-  Le fait que l'inspiration de la Charte oscille entre deux systèmes de valeurs, comme l'a souligné le professeur Bertrand Mathieu, n'est pas nécessairement dommageable. Ainsi, par exemple, souveraineté du peuple et souveraineté nationale sont en principe contradictoires ; néanmoins, la Constitution les associe sans inconvénient.

-  S'agissant du classement entre les catégories de normes, trois dispositions comportent des règles, toutes les autres contenant des objectifs. Les règles figurent à l'article 2 (« Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement »), à l'article 3 (« Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir ou, à défaut, limiter les atteintes qu'elle est susceptible de porter à l'environnement ») et à l'article 5, qui pose le principe de précaution. Ces articles appellent deux remarques : l'article 3 recèle un potentiel juridique considérable, l'article 5 ne paraît ni déraisonnable, ni inquiétant, dès lors qu'il pose des conditions strictes à l'application du principe de précaution. Cet article appellerait toutefois un amendement rédactionnel, pour préciser que c'est la réalisation d'un dommage à l'environnement qui serait prise en compte.

-  En ce qui concerne l'attitude du juge, ce n'est pas faire insulte aux membres de la magistrature, eu égard à leur nombre et à leur diversité, que d'imaginer la possibilité pour certains d'entre eux d'adopter une lecture intégriste ou provocatrice de la Charte. Il existe donc bien un risque d'instabilité juridique que le Constituant devrait s'efforcer de limiter.

-  L'obligation de réparation qui figure à l'article 4 peut être entendue de deux manières : soit elle consacre une obligation de réparation des dommages éventuels, actuellement prévue par la loi, soit, prise dans un sens beaucoup plus large, elle implique la possibilité, dans le domaine de l'environnement, de déroger à l'article 34 de la Constitution qui réserve au législateur la compétence pour fixer l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures. La fiscalité écologique, en particulier la taxe générale sur les activités polluantes, en fournissent une illustration : il est possible de considérer que, le Parlement étant moins bien placé que le pouvoir réglementaire ou les collectivités locales pour édicter une « écofiscalité », les dispositions de la Charte leur transfèrent la compétence en la matière. La question se pose en termes voisins s'agissant de la fiscalité sur les déchets ou des redevances perçues par les agences de bassin. Pour assurer une telle interprétation, il suffirait que le Constituant l'exprime de façon claire dans les travaux préparatoires.

-  S'agissant du principe de précaution, il faut considérer qu'est supprimé le lien de causalité entre la personne et le dommage ; la moindre action - ouvrir un robinet d'eau ou consommer un produit emballé - peut être considérée comme porteuse d'un dommage pour l'environnement. La logique qui paraît inspirer l'article 5 de la Charte est de permettre notamment au Parlement de participer à la réparation des pollutions ou des atteintes à l'environnement.

Le professeur Dominique Chagnollaud a, pour sa part, apporté les réponses suivantes :

-  Le risque d'effets en chaîne sur l'exercice des compétences constitutionnelles est bien réel. Quant aux considérants de la Charte, dès lors qu'ils sont inscrits dans la Constitution, on ne pourra jamais exclure qu'un juge s'en empare pour leur reconnaître, en tout ou partie, valeur normative. Même si l'intention est seulement de leur conférer un caractère déclaratoire, il importe donc de les rédiger avec précision. Délimiter les règles et les objectifs de valeur constitutionnelle est une tâche hasardeuse, sinon impossible. Il est sans doute plus opératoire de distinguer l'article 5 - qui contient une règle d'effet direct, à savoir le principe de précaution - des autres articles, dont l'effet est seulement indirect, puisqu'il suppose la médiation de la loi. C'est pourquoi, pour assurer la clarté du texte, il faudrait ajouter les mots : « dans les conditions prévues par la loi » à la fin des articles 1er, 2 et 3 regroupés, et 5. Ils figurent d'ailleurs déjà à l'article 4.

-  La principale question à traiter par le Constituant est de clarifier ce qui est recherché en matière d'environnement, en définissant ce qui deviendra juridiquement possible et ce qui sera prohibé. Ce choix étant fait, il sera probablement en mesure d'élaborer un texte plus clair et plus concis.

Le professeur Bertrand Mathieu a déclaré partager pleinement l'analyse de M. Guy Carcassonne sur les risques de multiplication des saisines du Conseil constitutionnel, ainsi que sur le renforcement prévisible du rôle des experts, de nature à créer des difficultés pour le Conseil constitutionnel et à poser la question du statut de l'expert.

Il a insisté sur le fait que, plus le texte sera imprécis et fera usage de concepts flous, plus le rôle dévolu au Conseil constitutionnel sera lourd. Pour lui, la distinction la plus claire peut être opérée entre les principes objectifs, qui supposent l'intervention préalable d'une norme, et les droits subjectifs, directement invocables par toute personne et dont tout juge peut être appelé à assurer la protection.

Il a fait part de sa divergence de vue avec M. Guy Carcassonne sur la portée de l'article 5 relatif au principe de précaution : celui-ci fonde un principe d'effet direct, à la base d'un régime de responsabilité, ce qui appelle le constituant à mesurer soigneusement les conséquences et la portée de l'article ; même si la règle posée consiste, dans un premier temps, à exiger des autorités publiques l'adoption « de mesures provisoires et proportionnées » et de mesures d'évaluation, elle suppose, dans un deuxième temps, que la responsabilité de ces autorités soit engagée en cas de carence. Ce dispositif est donc générateur de mises en cause de la responsabilité des autorités compétentes.

Après avoir déploré que la réalisation d'expertises - rendues nécessaires par le contenu du texte - serait suivie par d'inévitables demandes de contre-expertises, M. Robert Pandraud a souligné qu'il ne serait guère possible de trouver des experts sérieux capables de travailler dans les délais imposés au Conseil constitutionnel pour statuer sur les lois qui lui sont soumises.

Observant que le Conseil constitutionnel serait peu saisi sur ce point, puisqu'il ne sera, par définition, pas saisi des mesures provisoires, le professeur Bertrand Mathieu a estimé que le problème se poserait en revanche devant les juridictions de droit commun, dans le cadre de la procédure de référé.

M. Xavier de Roux a rappelé que, jusqu'à présent, le principe de précaution était évoqué devant les juridictions administratives pour obtenir l'interdiction ou la suspension d'une mesure.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure, s'est interrogée sur les effets prévisibles de la Charte sur le contentieux de la responsabilité, se demandant si elle conduirait à établir un régime propre de la responsabilité environnementale ou se traduirait par une application pure et simple du régime de la responsabilité administrative. Elle a souhaité savoir si les lois en vigueur pouvaient être considérées comme des textes d'application de la Charte ou s'il faudrait une loi « balai » pour leur donner cette nature. Évoquant les effets de la Charte en matière de droit pénal, elle s'est demandée si de nouvelles incriminations pourraient être fondées sur l'atteinte au principe de précaution ou aux dispositions de l'article 2. Revenant sur le principe de précaution, elle s'est interrogée sur la nécessité de compléter le texte afin de mettre en place des instances d'évaluation indépendantes, qui pourraient être saisies de manière systématique par les autorités publiques.

Le professeur Guy Carcassonne a considéré que, si l'on séparait bien les dispositions relevant des objectifs à valeur constitutionnelle des règles constitutionnelles, la Charte n'affecterait pas les règles relatives à la mise en cause de la responsabilité pénale. Il a en effet précisé que la référence aux objectifs de valeur constitutionnelle impliquait l'intervention d'une disposition législative pour créer une infraction pénale, alors que le maintien du texte actuel permettrait à un magistrat désireux de faire une lecture « intégriste » de la Charte, de rendre celle-ci directement applicable. Il s'est, en revanche, élevé contre les dispositions de l'article 2, qui permettent d'imposer des sujétions aux individus, comme l'obligation d'effectuer une sorte de service environnemental ou une journée consacrée à la protection de l'environnement, alors que les seules dispositions de cette nature concernent actuellement la défense nationale.

Le professeur Dominique Chagnollaud a considéré qu'à terme, la Charte élargirait de manière inévitable le champ d'application de la responsabilité civile et pénale. Après avoir rappelé qu'une version antérieure du projet de loi constitutionnelle prévoyait l'intervention d'une loi organique, il a considéré qu'une loi « balai » risquerait de semer la confusion, alors même qu'un renvoi systématique à la loi dans chaque article de la Charte constituait une solution simple et efficace pour régler le problème de compatibilité des lois déjà promulguées.

Le professeur Guy Carcassonne a estimé, au contraire, que le renvoi à un texte pour l'application du principe de précaution constituait une fausse sécurité, la loi ne pouvant que paraphraser les dispositions de l'article 5. Il a néanmoins jugé utile de définir dans un texte le principe de précaution.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure, a souhaité savoir si la mise en place d'instances d'évaluation était de nature à écarter les risques liés à la consécration du principe de précaution.

Le professeur Dominique Chagnollaud s'est déclaré réservé sur les instances d'expertise.

Soulignant la nécessité d'aborder de manière pragmatique ces questions, le professeur Guy Carcassonne a évoqué la possibilité pour le Parlement de saisir l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, le juge constitutionnel ayant ainsi la possibilité de s'appuyer sur une expertise préalable, qu'il pourra éventuellement compléter en fonction de la qualité de celle-ci.

Le professeur Bertrand Mathieu a rappelé que le principe de précaution ne s'appliquait pas uniquement au Parlement, mais à l'ensemble des autorités publiques, évoquant notamment le problème de la responsabilité des maires et l'absence d'experts à leur disposition.

Mme Ségolène Royal, dénonçant la confusion opérée dans le projet de loi entre les objectifs et les règles, s'est demandée si la commission des Lois devait participer à l'effet d'affichage produit par ce texte, bon nombre des principes énoncés se trouvant d'ores et déjà en tête du code de l'environnement, et si une simple déclaration politique n'avait pas suffi à les rappeler. Elle a estimé que le creusement de l'écart entre les textes et les actes, qui résulterait d'un tel projet de loi, ne ferait qu'accentuer la crise politique que traverse le pays et ce d'autant plus que le projet de loi de finances en cours d'examen au Sénat contient d'importantes mesures de réduction des crédits destinés à la politique environnementale et, en particulier, aux associations chargées de protéger l'environnement, de surcroît fragilisées par la disparition des emplois-jeunes.

Prenant l'exemple de la hausse des taxes sur le gazole, qui épargne les poids lourds et ne prend pas en compte le fait que certains véhicules à moteur diesel sont équipés de filtres préservant davantage la couche d'ozone que les moteurs à essence, elle a demandé si le Conseil constitutionnel ne pourrait, dès lors, censurer, sur le fondement de l'article 9, toute disposition de la loi de finances qui aurait pour effet de réduire les moyens consacrés à la politique de l'environnement, et, sur la base de l'article 6, toute politique qui, comme celle qui est menée aujourd'hui, ferait régresser la protection de l'environnement. Elle a enfin émis des doutes sur l'extension du rôle du Conseil constitutionnel à la définition du contenu et du champ du développement durable et sur sa capacité à disposer des outils scientifiques lui permettant de se prononcer en toute connaissance de cause dans cette matière.

Pour le professeur Bertrand Mathieu, élever certains principes au rang constitutionnel est en soi lourd de signification, même si l'utilité d'une telle élévation peut être discutée d'un point de vue politique. Il a considéré que l'article 9 pourrait être à la source d'un important contentieux constitutionnel, même s'il est vrai que le Conseil constitutionnel ne se reconnaît pas un pouvoir d'appréciation de même nature que celui du Parlement, qui pourra toujours disposer, dans une certaine limite, de marges de manœuvre pour restreindre ou élargir un droit. Il a enfin partagé les doutes exprimés par de Mme Ségolène Royal sur la capacité du Conseil à juger du concept de développement durable.

Le professeur Guy Carcassonne a également jugé que les dispositions du projet de loi pourraient servir de fondement à de nombreuses saisines, la plupart des dispositions législatives pouvant être considérées comme ayant un impact sur l'environnement. Mais il a précisé qu'un tri serait effectué par le Conseil constitutionnel, comme il a l'habitude de le faire, sur le fondement d'un principe reconnaissant au Parlement un large pouvoir d'appréciation et qui conduirait à ne censurer que les dispositions portant une atteinte manifeste aux principes énoncés par la Charte. Il a estimé que le Conseil serait immanquablement soumis à de fortes pressions et pourrait être accusé de ne pas donner toute sa valeur à la Charte, ce qui pourrait conduire à un certain désordre institutionnel.

Le professeur Dominique Chagnollaud s'est dit favorable à la constitutionnalisation des dispositions de principe relatives à l'environnement, à condition que l'articulation avec les dispositions législatives soit correctement définie. Après avoir relevé à son tour les risques de contentieux, il a rappelé que le Conseil constitutionnel était d'ores et déjà armé pour concilier les diverses exigences constitutionnelles et juger au cas par cas des atteintes les plus manifestes aux principes fondamentaux.

M. Philippe Vuilque, ayant qualifié la Charte de texte bavard, imprécis et contradictoire, a jugé nécessaire une réécriture totale du projet. Il a souligné qu'il convenait, dans les articles 3 et suivants, de préciser qu'étaient visées à la fois les personnes physiques et les personnes morales, de telle sorte que la recherche de responsabilité soit la plus large possible. Il a dit comprendre les préventions du professeur Bertrand Mathieu face au risque de blocage qui pourrait résulter d'une interprétation extensive par les acteurs, notamment locaux, des dispositions du projet de loi. Il a enfin déploré le caractère particulièrement flou du concept de développement durable.

M. Didier Quentin a demandé si les dispositions de l'article 7, qui accordaient un droit d'accès aux informations et prévoyaient la participation des citoyens à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement, ne seraient pas une source de demandes innombrables et incontrôlables, ce qui justifierait un encadrement plus précis.

Le professeur Dominique Chagnollaud a considéré que ces dispositions, à condition d'être rendues compatibles avec l'article 72 de la Constitution, constitueraient une source de protection plus qu'une source de revendications et empêcheraient, par exemple, que certaines instances de concertation soient supprimées.

Le professeur Guy Carcassonne a indiqué que ce droit d'information et de participation aux décisions serait certainement encadré par la loi, qui pourra créer des procédures adaptées comme il en existe déjà dans d'autres domaines, tels que l'expropriation. En outre, il a estimé que, si la mise en cause de la responsabilité des élus locaux avait donné lieu à des excès, elle avait également permis que de nombreux accidents soient évités et bien des négligences éradiquées, sans pour autant paralyser toute initiative. Il a ajouté qu'une telle évolution pourrait être envisagée en matière d'environnement sur le fondement de l'article 5.

Le professeur Bertrand Mathieu a craint les risques de dérives contentieuses et souhaité que la mise en œuvre des principes énoncés, dans l'article 7 en particulier, soit renvoyée au législateur, qui ne pourra pas se contenter de reprendre ces principes en l'état.

Évoquant les dispositions de l'article 4 de la Charte, M. Christian Decocq s'est demandé si, en obligeant toute personne à contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement, le texte proposé n'avait pas choisi de privilégier la conception « naturaliste » de l'environnement, qui tend à faire des objets naturels de véritables sujets de droits.

Le professeur Bertrand Mathieu a jugé possible d'interpréter les articles 2 et 3 de la Charte à la lumière de son article 1er, lequel reconnaît le droit à chacun de vivre dans un environnement équilibré, ce qui permet de faire ressortir la conception « humaniste » du droit à l'environnement. Il a en revanche jugé contestable que, dans les considérants, trois objectifs soient placés sur le même plan - diversité biologique, épanouissement de la personne, progrès des sociétés humaines - alors qu'il eût été préférable de les hiérarchiser.

Régissant aux propos tenus par Mme Ségolène Royal, M. Guy Geoffroy a souligné que les nombreuses remarques faites par les différents professeurs de droit, loin de constituer un réquisitoire contre le projet de Charte, constituaient, bien au contraire, des observations constructives destinées à éclairer le Constituant dans son travail d'analyse et d'amélioration rédactionnelle du projet de loi. Après avoir contesté avec vigueur la prétendue « inutilité » de la Charte, il a indiqué qu'en conférant une valeur constitutionnelle à des dispositions dont certaines relèvent aujourd'hui seulement de la loi, elle constituait un acte politique fort destiné à garantir la pérennité et le respect de valeurs essentielles à la survie de l'humanité.

Après avoir observé que l'opposition entre la conception « naturaliste » et « humaniste » de la Charte recouvrait un débat philosophique très ancien entre les concepts de nature et de culture, M. Michel Piron a fait part de sa crainte de voir les dispositions de l'article 5 de la Charte, relatives au principe de précaution, conduire les élus locaux à faire preuve d'une prudence excessive, confinant à l'inaction, en raison des nouvelles responsabilités qu'ils encourent.

Le professeur Guy Carcassonne a confirmé que la Charte, quelle que soit la formulation qui serait finalement retenue, constituerait un nouveau gisement de contentieux. Il a donc estimé que le juge devrait veiller à canaliser les recours en s'assurant qu'ils ne sont ni excessifs ni sans objet. S'agissant des dispositions de l'article 5, il a indiqué qu'elles n'avaient ni pour objet ni pour effet d'interdire aux élus locaux de prendre des initiatives, mais au contraire de les inciter à agir pour prendre les mesures appropriées. Rappelant que les ingénieurs chargés de la construction des centrales nucléaires s'efforçaient de résoudre les problèmes en fonction des conséquences majeures d'un éventuel accident et non en fonction de sa probabilité infime, il a indiqué que les dispositions de l'article 5 se contentaient de conférer une valeur juridique supérieure à ces pratiques. Revenant sur la disposition de l'article 2 selon laquelle la Charte est proclamée par le « peuple français », il a jugé préférable que cette proclamation soit faite au nom de la « République française » en raison de l'adoption probable de la Charte par la voie parlementaire et non référendaire.

M. Robert Pandraud ayant rappelé son hostilité au contrôle de constitutionnalité des lois, surtout lorsqu'il est fondé sur des préambules, a déploré une excessive juridiciarisation des rapports sociaux. Il a considéré que le rattachement à la Constitution d'une Charte de l'environnement aurait pour effet de multiplier les recours juridictionnels et aggraverait la propension de notre société à s'en remettre au gouvernement des juges. Il a jugé symptomatique la multiplication des procédures et des contentieux qui retardent considérablement l'achèvement des grands travaux d'aménagement, alors que, parallèlement, les techniques de construction ont été améliorées. Il s'est interrogé sur la compatibilité de l'article 7 de la Charte, qui pose le principe d'un droit à l'information, avec le respect des impératifs de défense nationale. Il a jugé inutiles les dispositions de l'article 9, qui assignent à la recherche et l'innovation une obligation en termes de préservation et de mise en valeur de l'environnement. Il s'est donc déclaré hostile, sous réserve de profondes modifications, au texte de la Charte.

Le professeur Guy Carcassonne a répondu à l'interrogation de M. Robert Pandraud sur le respect des impératifs de défense nationale en précisant que le droit à l'information affirmé à l'article 7 était subordonné au respect de conditions et limites fixées par le législateur, lequel sera donc incité à encadrer ce droit à l'information.

Le professeur Bertrand Mathieu a souhaité apporter une précision relative à l'article 10, qui indique que la Charte doit inspirer l'action européenne et internationale de la France. Il a jugé qu'une telle disposition pourrait parfaitement fonder un contrôle de constitutionnalité des traités signés à l'avenir par la France. S'agissant du droit communautaire, il a précisé que ne pourraient être ainsi contrôlées que les règles communautaires « primaires », le droit dérivé s'imposant directement en droit national.

Le professeur Dominique Chagnollaud a considéré pour sa part que le terme utilisé par l'article 10, qui fait référence à « l'action internationale et européenne de la France » ne saurait revêtir une telle portée, car il n'a pas de signification juridique.

Après avoir remercié les intervenants, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure, a constaté leur accord sur la nécessité de clarifier la portée respective des différentes dispositions de la Charte. Ayant noté la position nuancée du professeur Bertrand Mathieu, elle a retenu deux pistes principales de clarification : l'une, proposée par le professeur Guy Carcassonne, tendant à opérer une classification des normes en fonction de leur nature, soit de principes soit d'objectifs de valeur constitutionnelle, la seconde, suggérée par le professeur Dominique Chagnollaud, consistant à utiliser comme critère l'applicabilité directe ou indirecte des articles de la Charte.

--____--


© Assemblée nationale