COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 43

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 16 juin 2004
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Pascal Clément, président

SOMMAIRE

Examen du projet de loi organique pris en application de l'article 72-2 de la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales (n° 1638) (M. Guy Geoffroy, rapporteur) (2e lecture)

La Commission a examiné en deuxième lecture, sur le rapport de M. Guy Geoffroy, le projet de loi organique pris en application de l'article 72-2 de la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales (n° 1638).

Le rapporteur a rappelé que le projet de loi organique avait pour seul objectif de rendre applicables les dispositions du troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution ayant trait à la notion de part déterminante de ressources propres dans l'ensemble des ressources des collectivités locales. Il a ajouté qu'il ne s'agissait donc pas, comme l'avaient proposé de nombreux amendements déposés en première lecture, de définir les relations financières entre l'État et les collectivités territoriales.

Présentant les quatre articles du projet, il a indiqué que l'article 1er avait pour objet de définir trois grandes catégories de collectivités au regard de la définition du ratio d'autonomie financière, comprenant les communes - aux ressources desquelles sont ajoutées celles des groupements de communes - les départements et les régions. S'appuyant sur cette définition, il a récusé l'argument selon lequel l'échelon intercommunal était ignoré par le texte et a confirmé que les établissements publics de coopération intercommunale bénéficiaient de facto de la garantie constitutionnelle apportée aux communes. Il a rappelé que l'article 2 précisait la notion de ressources propres, cette notion servant de numérateur du ratio d'autonomie financière, l'article 3 poursuivant quant à lui le double objectif de définir le dénominateur du ratio, à savoir l'ensemble des ressources des collectivités locales, et de fixer un seuil plancher en deçà duquel le taux d'autonomie financière par catégorie de collectivités ne pourra être ramené. Il a rappelé qu'en cas de déséquilibre constaté, l'article 4 imposait de prévoir, dans la loi de finances de la deuxième année suivant ce constat, les mesures correctrices nécessaires au rétablissement de l'équilibre.

Évoquant les débats au Sénat, il a considéré que l'amendement initialement présenté par le rapporteur de la Commission des lois, M. Daniel Hoeffel, tendant à n'inclure parmi les ressources propres des collectivités locales que les ressources dont la loi les autorise à fixer l'assiette, le taux ou le tarif, paralyserait l'ensemble du dispositif puisqu'il ne permettait pas de classer en ressources propres le produit d'une imposition partagée sur laquelle les collectivités n'auraient pas la maîtrise des taux, telle que la part du produit issue de la tipp pour les départements. Il a jugé une telle rédaction très en retrait par rapport aux prescriptions constitutionnelles, le deuxième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution n'envisageant que comme une possibilité, et non une obligation, le pouvoir de fixer un taux à l'échelon local. Indiquant en conséquence que la fixation d'un taux par les collectivités locales n'était qu'une modalité de perception de l'impôt local, et non une condition de la définition des ressources propres, il a salué les efforts fournis par M. Yves Fréville en séance au Sénat pour compléter l'amendement de M. Hoeffel, afin de le rendre plus conforme à la Constitution. Il a néanmoins regretté que le résultat auquel est parvenu le Sénat soit la traduction d'un compromis laborieux entre le souci des rapporteurs de la Commission des lois et de celle des finances de défendre une conception radicale de la notion d'autonomie financière des collectivités locales et celui du Gouvernement de compter parmi ces ressources propres le produit de la tipp départementale. Déplorant ainsi le caractère conjoncturel de la rédaction adoptée, il a souhaité que l'on puisse se rapprocher de l'épure constitutionnelle et proposé à cet effet un amendement permettant de raisonner, lorsqu'il s'agit d'un taux ou d'une localisation d'assiette déterminée dans la loi, par catégorie de collectivités, et non collectivité par collectivité, la rédaction retenue par le Sénat devenant dans la pratique inapplicable aux 36 000 communes. Il a considéré que la rédaction ainsi proposée permettrait de respecter le consensus recueilli au Sénat sur une rédaction qui aboutit aux mêmes résultats que le texte de l'Assemblée nationale, tout en lui conférant une dimension plus générale et moins conjoncturelle.

Après avoir rendu hommage à la clarté des propos du rapporteur, le président Pascal Clément a salué la présence de membres de la Commission des finances et souhaité que le débat se concentre sur l'objet même du projet de loi organique en jugeant inutile de revenir sur la rédaction des dispositions de l'article 72-2 de la Constitution relatives aux ressources propres et qui s'imposent au législateur.

M. Bernard Derosier a regretté que le Sénat ne soit pas allé au terme de sa logique de défense de l'autonomie des collectivités locales, qui aurait dû le conduire à donner toute sa portée à la notion de ressources propres. Il a donc invité la Commission à adopter les amendements du groupe socialiste, qui ont précisément cet objet.

M. Augustin Bonrepaux a déploré que la majorité soutienne des amendements tendant à définir de façon restrictive la notion de ressources propres et lui a reproché d'avoir rendu possible, lors de la révision constitutionnelle, une telle restriction. Il a dénoncé les effets des dispositions du projet de loi organique qui ne tiennent pas compte des mécanismes de péréquation des ressources entre les collectivités locales. Évoquant la rédaction de l'article 2 du texte, issue des travaux du Sénat, il s'est demandé en quoi la localisation par la loi de l'assiette ou du taux d'un impôt pouvait favoriser l'autonomie financière des collectivités territoriales.

Ayant rappelé que le précédent gouvernement avait supprimé la part salariale dans l'assiette de la taxe professionnelle ainsi que la part régionale de la taxe d'habitation, le président Pascal Clément a souligné que le choix de privilégier les ressources propres des collectivités locales, dont elles pourraient fixer librement l'assiette et les taux, aurait conduit inévitablement à une grande rigidité du dispositif, susceptible d'interrompre le processus de décentralisation. C'est pourquoi il a approuvé la démarche du Gouvernement, qui permet la poursuite des transferts de compétences et soutenu les modifications proposées par le rapporteur, qui permettent de tenir compte des spécificités locales dans la détermination de l'assiette et du taux des impositions transférées. Il a souligné que, même dans un État fédéral comme l'Allemagne, l'essentiel des ressources propres des Länder étaient constituées par des impositions partagées.

Le rapporteur a relevé l'oscillation permanente de l'opposition entre la demande d'une autonomie financière complète pour les collectivités territoriales et celle de l'étatisation de leurs ressources, justifiée par le souci de permettre aux collectivités d'exercer les compétences qui leur sont confiées. À titre d'illustration, il a cité un propos récent de M. Augustin Bonrepaux, déclarant préférer une bonne dotation à un mauvais impôt. Il a insisté sur la portée de la révision constitutionnelle de mars 2003, qui oblige l'État à prendre ses responsabilités, quelle que soit la notion de ressources propres des collectivités territoriales finalement retenue, si ces collectivités n'étaient pas en mesure d'exercer leurs missions. S'agissant de la notion de ressources propres, il a évoqué, pour justifier le lien établi entre ressources propres et assiette ou taux localisable dans la loi, l'exemple des droits de mutation, qui sont à l'évidence perçus par les élus locaux comme des ressources propres alors que leur taux est fixé par la loi.

Le président Pascal Clément a souligné les inconvénients, sur le plan de l'équité, d'un trop large recours à la notion de ressources propres localisables, qui aurait pour effet de creuser les inégalités entre collectivités territoriales.

M. Charles de Courson a nié, pour sa part, que la Constitution empêche le législateur de donner son plein effet à la notion de ressources propres, l'article 72-2 prévoyant simplement, en son deuxième alinéa, que les collectivités territoriales peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures et, en son troisième alinéa, que les recettes fiscales sont au nombre de leurs ressources propres. Il a rappelé que, lors des débats parlementaires sur la révision constitutionnelle, le Gouvernement avait déclaré que la définition des ressources propres serait opérée dans la présente loi organique. Abordant la définition des impositions localisables, il a fait valoir que, pour être retenu parmi celles-ci, un impôt devait être à la fois compatible avec les normes européennes, suffisamment démocratique et doté d'une assiette relativement stable. Il s'est alors demandé quels grands impôts respectaient ces trois critères. Après avoir exclu la tva, il a fait part de ses doutes quant à la taxe intérieure sur les produits pétroliers, dans la mesure où la « transférabilité » de cette taxe est conditionnée par des décisions relevant de la compétence du Conseil de l'Union européenne statuant à l'unanimité et où, pour pouvoir être considérée comme localisable, la taxe, qui est payée sur le lieu de raffinage, devra faire l'objet d'une définition statistique de son assiette, laquelle se heurte à des difficultés techniques. Pour lui, l'impôt sur le revenu, quoique localisable, n'est pas suffisamment démocratique, puisqu'il n'est acquitté que par la moitié des citoyens environ et que son taux est fortement progressif. Il a estimé en revanche que la contribution sociale généralisée correspondait aux exigences requises et qu'il serait aisé d'en abaisser le taux national, qui est de 7,5 % et d'ouvrir aux collectivités territoriales la faculté de voter un taux additionnel, moyennant un dispositif de péréquation compensant les inégalités de ressources. Ayant souligné que cette contribution présentait toutes les caractéristiques d'un bon impôt, il a fait valoir que son taux avait déjà été réduit de 0,15 point, la recette correspondante étant, par le biais d'un mécanisme complexe, indirectement affectée aux départements. Il a ajouté que d'autres hypothèses étaient imaginables, telles que la majoration par la loi de finances du taux de la taxe sur l'électricité, ou la création d'une taxe sur le gaz.

Évoquant l'examen du texte par le Sénat, il a rappelé qu'un premier amendement, élaboré notamment par lui-même et le sénateur Michel Mercier en concertation avec l'association des maires de France et notamment son président, M. Daniel Hoeffel, s'était heurté à l'opposition du Gouvernement, puis qu'un sous-amendement, présenté par M. Yves Fréville, avait été rectifié pour permettre à la taxe intérieure sur les produits pétroliers, dont le taux est fixé par le Parlement, d'être artificiellement classée dans les ressources propres des collectivités locales dès lors que l'on disposerait d'une assiette statistique. Contestant enfin l'argument tiré du système allemand, il rappelé que la Loi fondamentale fixait le partage par moitié entre les recettes fédérales et celles dévolues aux Länder, de sorte que, lorsqu'une loi fédérale a prévu un abattement, par exemple au titre des charges de famille, elle doit corrélativement prévoir un dispositif de compensation. Il a conclu en indiquant que la tâche à laquelle le Parlement devait s'atteler était de désigner les impôts inclus dans les ressources propres et de définir les modalités de modulation de leur assiette.

M. Xavier de Roux a considéré que le texte de la Constitution n'exigeait ni que les collectivités territoriales puissent fixer l'assiette ou le taux des impôts, puisque cette possibilité est laissée à la discrétion du législateur, ni que les recettes fiscales de ces collectivités soient localisables. Il a conclu que le débat sur la définition des ressources propres était un débat de caractère politique, le législateur n'étant pas tenu de privilégier l'une des options possibles.

M. Michel Piron a rappelé que le Parlement avait débattu longuement de ce qui constituait l'autonomie des collectivités territoriales. Pour lui, les collectivités françaises disposant déjà de moyens financiers très significatifs par rapport à la situation des autres pays européens, il conviendrait de mettre l'accent sur l'aspect réglementaire de l'autonomie plutôt que sur son aspect financier.

Le rapporteur a réaffirmé son interprétation du texte constitutionnel, qui met l'accent sur la capacité des collectivités locales à disposer librement de leurs ressources plutôt que sur la composition de ces ressources, et donne à la loi le pouvoir de déterminer les conditions dans lesquelles les collectivités disposent de leurs ressources, de les autoriser à fixer l'assiette ou le taux de recettes fiscales, et de fixer les limites de cette capacité. Il a également relevé que la Constitution mentionnait parmi les ressources propres des collectivités locales les « recettes fiscales », sans distinguer entre la fiscalité locale et les autres impositions. Il a réitéré son intention que puisse être également considéré comme ressource propre un impôt affecté aux collectivités territoriales et pour lequel la loi fixe une assiette locale et un taux particulier pour chaque catégorie de collectivités ; il a démontré que cette rédaction était conforme à la Constitution, qu'elle permettait de prendre en compte des mécanisme de péréquation tout en garantissant l'autonomie financière des collectivités territoriales.

Après avoir rejeté l'exception d'irrecevabilité n° 1 et la question préalable n° 1 présentées par M. Alain Bocquet, la Commission a examiné les articles du projet de loi organique.

Article 1er : Définition de la notion de catégorie de collectivités territoriales :

La Commission a été saisie d'un amendement de M. Bernard Derosier tendant à distinguer, parmi les catégories de collectivités territoriales mentionnées, les communes de moins de 10 000 habitants et celles de plus de 10 000 habitants. Après que l'auteur de l'amendement eut souligné qu'il serait peu significatif de regrouper les communes dans une seule catégorie, le rapporteur a rappelé qu'un amendement identique avait été rejeté en première lecture et contesté la pertinence de cette distinction qui n'apparaît d'ailleurs pas dans le texte constitutionnel. La Commission a donc rejeté cet amendement.

La Commission a rejeté un autre amendement du même auteur tendant à considérer comme catégorie de collectivités territoriales les établissements publics de coopération intercommunale (epci). Le rapporteur a rappelé que la Constitution n'avait pas érigé les epci en collectivités territoriales, tout en soulignant qu'elle avait reconnu leur importance dans le droit à l'expérimentation ou la notion de chef de file. Il a ajouté que le projet de loi organique mentionnait parmi les ressources propres des communes celles qui bénéficient aux epci, permettant ainsi à ces établissements de bénéficier, de façon certes indirecte, de la garantie d'autonomie financière.

La Commission a ensuite été saisie de trois amendements de M. Bernard Derosier supprimant l'assimilation de Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, des collectivités à statut particulier, des collectivités d'outre-mer et des provinces de la Nouvelle-Calédonie aux départements et régions, et prévoyant une catégorie propre à ces collectivités d'outre-mer. M. Bernard Derosier ayant souligné qu'il s'agissait ainsi de mieux prendre en considération la spécificité fiscale de ces collectivités, le rapporteur a jugé peu opportun de prévoir des catégories comportant trop peu de collectivités et s'est interrogé sur le souhait des populations d'outre mer de faire l'objet d'une telle différenciation. La Commission a donc rejeté ces trois amendements.

La Commission a adopté l'article 1er sans modification.

Avant l'article 2 :

La Commission a rejeté un amendement de M. Bernard Derosier, tendant à préciser que la péréquation est un élément constitutif de l'autonomie financière des collectivités territoriales, le rapporteur, sans minimiser l'importance des dispositifs de péréquation, ayant rappelé qu'ils relevaient de la loi, conformément à l'article 72-2 de la Constitution, et non de la loi organique.

Article 2 : Définition de la notion de ressources propres :

La Commission a été saisie d'un amendement de M. Bernard Derosier précisant que les ressources propres sont constituées du produit des impositions de toutes natures dont les collectivités votent le taux ou déterminent le tarif, des redevances pour services rendus, des produits du domaine, des participations d'urbanisme, des produits financiers et des dons et legs. Évoquant les conditions dans lesquelles a été compensé le financement par les départements des dépenses liées à l'allocation personnalisée d'autonomie, l'auteur a jugé que le Gouvernement ne respectait pas les engagements pris par le précédent gouvernement lors de l'examen de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité. Constatant que se reproduisait le même scénario pour le transfert du rmi-rma, il s'est demandé, de façon plus générale, comment faire en sorte que l'État respecte ses engagements financiers sans que les départements aient à faire l'avance des dépenses. Il a dès lors jugé indispensable que les collectivités puissent avoir la maîtrise des taux afin de pouvoir compenser les manquements de l'État. Le président Pascal Clément ayant constaté que cette situation n'était pas inédite, aucun gouvernement ne pouvant calculer avec exactitude la dépense susceptible d'être engagée par les collectivités, le rapporteur a proposé le rejet de cet amendement, conformément à la position qui avait déjà été celle de l'Assemblée nationale en première lecture, avant de rappeler que l'article 4 du projet de loi organique avait précisément pour objet de régler les cas dans lesquels le ratio d'autonomie financière passerait en dessous du seuil, une loi de finances qui ne prendrait pas les dispositions nécessaires s'exposant à être censurée par le Conseil constitutionnel. Après avoir souligné que les difficultés financières de l'État le conduisaient à octroyer des libertés à défaut de pouvoir verser de l'argent, M. Charles de Courson a estimé que la lecture que le rapporteur fait de la Constitution n'est pas exacte, sinon le troisième alinéa de l'article 72-2 ferait mention, non pas des recettes fiscales, mais des impositions de toutes natures. La Commission a rejeté cet amendement, ainsi que, pour les mêmes raisons, un amendement de M. Bernard Derosier précisant que les ressources propres des collectivités territoriales sont celles dont les collectivités et leurs groupements fixent librement le montant.

La Commission a ensuite été saisie de quatre amendements sur lesquels elle a engagé une discussion commune : deux amendements identiques, l'un de Mme Anne-Marie Comparini, l'autre de M. Bernard Derosier, tendant à supprimer les mots : « ou dont elle détermine, par collectivité, la localisation de l'assiette ou du taux » ; un autre de M. Bernard Derosier, supprimant les mots : « par collectivité » ; le dernier, du rapporteur, substituant aux mots : « la localisation de l'assiette ou du taux » les mots : « ou par catégorie de collectivités, le taux ou une part locale de l'assiette ».

Mme Anne-Marie Comparini a insisté sur le fait que l'autonomie financière des collectivités territoriales supposait la possibilité pour un exécutif d'agir sur les recettes et rappelé que, dans certaines collectivités, il ne reste aucune imposition qui permette de faire jouer l'« effet levier » que permet la fixation du taux.

Présentant ses amendements, M. Bernard Derosier a rappelé qu'ils manifestaient l'attachement de son groupe au pouvoir des collectivités de déterminer l'assiette et le taux de leurs ressources, estimant que l'adoption de cet amendement permettrait de résoudre le problème lancinant des finances locales.

Jugeant incompréhensible la rédaction retenue par le Sénat, M. Charles de Courson a contesté la possibilité de confier à la loi le soin de déterminer le taux d'une imposition, jugeant que cela conduirait à considérer l'impôt comme une recette fiscale entrant dans le numérateur du ratio d'autonomie financière alors que l'assiette ne serait pas localisable. De même, il s'est interrogé sur le sens de la formule : « localisation de l'assiette », se demandant si le lieu qui sera retenu, à cette fin, sera celui de la perception ; prenant l'exemple la tipp départementale et rappelant que son lieu de paiement est la raffinerie, et non le lieu de consommation, il s'est demandé s'il était concevable que la localisation d'une imposition puisse varier selon qu'elle est entendue dans le sens de la loi organique ou qu'elle entre dans la définition de l'impôt national. Évoquant ensuite la taxe sur les conventions d'assurance dans son volet « véhicules automobiles » dont le Gouvernement a promis le transfert et qui représente près de 3 milliards sur les 4,2 milliards que produit cette taxe, il a estimé que la localisation était possible mais qu'elle supposait simultanément la création d'un dispositif de péréquation.

Soulignant la difficulté de la question soulevée à travers ces amendements, M. Xavier de Roux a observé qu'il fallait choisir entre une « territorialisation » de tous les impôts, qui soulève des difficultés compte tenu de la diversité des ressources des collectivités, et l'attribution par l'État aux collectivités d'une part du produit de telle ou telle taxe. Jugeant nécessaire de maintenir une forme de péréquation dans un souci de justice, il a pris l'exemple de la taxe sur les contrats d'assurance et souligné que, si la loi ne fixait pas l'assiette et le taux, des délocalisations en résulteraient.

Après avoir rappelé que, selon les propos du précédent ministre de l'Intérieur, les collectivités auraient la maîtrise du taux de la taxe sur les conventions d'assurances, le rapporteur a jugé que le classement parmi les ressources propres du produit de cette taxe ne faisait pas de difficulté. Il a ensuite rappelé que, de l'aveu même de nombreux sénateurs, la rédaction retenue par ces derniers était confuse, complexe et incertaine, et jugé que son amendement répondait aux préoccupations exprimées dans les autres amendements. Explicitant la rédaction adoptée par le Sénat, il a distingué deux hypothèses, selon qu'il est, ou non, possible de déterminer une assiette locale : lorsqu'il est matériellement impossible de déterminer la part locale de l'assiette d'un impôt national transféré, par exemple dans le cas de la tipp transférée aux départements, cette rédaction permettra de garder un lien de proximité avec la collectivité en fixant un taux appliqué à chaque département. Il a ajouté qu'un tel mécanisme permettra en outre d'inclure des éléments de péréquation. En revanche, lorsque l'assiette locale sera « visualisable », comme c'est par exemple le cas en matière de droits de mutation, il a précisé que le taux serait fixé par l'État. Présentant son amendement, il a considéré qu'il permettait une lecture plus générale de la loi organique, en sortant du caractère très conjoncturel de la rédaction adoptée au Sénat, destinée à régler le seul problème de la tipp affectée aux départements.

M. Augustin Bonrepaux s'est interrogé sur la différence entre une dotation et un produit, lequel résulte de l'application d'un taux à une base. Il a jugé qu'une dotation évoluant en fonction de l'inflation et du pib était préférable, pour les collectivités locales, à un impôt qui n'évolue pas, la Constitution garantissant seulement qu'il ne baissera pas. Admettant qu'il puisse être difficile de localiser une assiette, il a estimé que le Gouvernement adaptait peu à peu la loi aux transferts de compétences envisagées ; considérant ensuite que des solutions différentes existaient, il a jugé que le projet de loi limitait excessivement l'autonomie financière des collectivités. Évoquant la réforme de la taxe professionnelle, il a jugé qu'il ne resterait rien de l'autonomie des collectivités si on lui substituait une part de tipp localisée dont le taux serait fixé par le Parlement. Il a donc considéré que seul l'amendement de M. Bernard Derosier était conforme au souci d'assurer une véritable autonomie financière des collectivités locales.

S'interrogeant sur la portée de l'amendement du rapporteur, M. Charles de Courson s'est demandé si « le » taux fixé par la loi serait unique, auquel cas il a jugé qu'il s'agirait davantage d'une dotation que d'une ressource propre ; en outre, il a considéré que la rédaction permettrait de considérer comme une ressource propre un impôt national dépourvu d'assiette locale à condition que le taux soit déterminé dans la loi ; enfin, il s'est interrogé sur la notion de « part locale d'assiette » figurant dans l'amendement.

M. Christian Decocq a déclaré approuver l'amendement du rapporteur jugeant qu'il permettra à l'État d'être juste.

A l'issue de ce débat, la Commission a rejeté les amendements de Mme Anne-marie Comparini et de M. Bernard Derosier et adopté l'amendement du rapporteur.

La Commission a rejeté deux amendements de Mme Anne-Marie Comparini devenus sans objet, ainsi que deux amendements de M. Bernard Derosier relatifs aux dégrèvements, le rapporteur ayant souligné que les dégrèvements, étant neutres pour la collectivité, pouvaient être considérés comme des ressources propres. Elle a adopté l'article 2 ainsi modifié.

Article 3 : Définition des notions d' « ensemble des ressources » et de « part déterminante » :

La Commission a rejeté deux amendements de M. Bernard Derosier, mentionnant les transferts financiers réalisés au titre de la péréquation ainsi que six autres amendements du même auteur précisant que la part de ressources propres des collectivités ne pouvait être inférieure, respectivement, aux taux de 60 %, 55 %, 50 %, 45 %, 40 % et 33 % de l'ensemble de leurs ressources. Le rapporteur a estimé que le taux de 33 % serait inférieur au taux effectif constaté pour les départements et les communes pour l'année 2003 et rappelé que le taux d'autonomie financière des régions qui était de 62 % en 1997, s'était trouvé ramené à 35 % en 2003.

M. Charles de Courson s'est demandé sur quel fondement constitutionnel pouvait reposer une différence de taux d'autonomie financière selon les collectivités locales et rappelé que les taux de ressources fiscales propres des collectivités pour 2003 étaient de 54 % pour les communes, 51 % pour les départements et 35 % pour les régions.

La Commission a adopté l'article 3 sans modification.

Article 4 : Mécanisme de mise en œuvre de la garantie :

La Commission a rejeté six amendements présentés par M. Bernard Derosier, le premier imposant de prendre en compte le déséquilibre entre le taux d'autonomie financière constaté en 2003 et le taux effectif le 1er juin de l'année qui suit et non pas deux ans après, le deuxième et le troisième prévoyant respectivement l'obligation ou la possibilité d'organiser un débat au Parlement sur le rapport relatif à l'autonomie financière, le quatrième obligeant à corriger le déséquilibre dans la plus prochaine loi de finances suivant celle où le constat a été fait, le cinquième et le sixième précisant que le rapport fera également apparaître le taux médian de ressources propres constaté par rapport à l'ensemble des ressources, son évolution dans le temps et les mesures prises pour assurer son relèvement, ainsi que les écarts par rapport à la moyenne du niveau de ressources et les mesures correctrices.

La Commission a adopté l'article 4 sans modification.

Après l'article 4 :

Après que le rapporteur eut indiqué que la question de la péréquation devait être traitée dans une loi ordinaire, la Commission a rejeté un amendement présenté par M. Bernard Derosier définissant la péréquation. Elle a rejeté trois autres amendements du même auteur : le premier prévoit que toute création, extension ou transfert de compétences au profit des collectivités territoriales doit s'accompagner de la mise en place de mécanismes de péréquation permettant d'assurer l'exercice dans des conditions égales de ces compétences sur l'ensemble du territoire ; le deuxième dispose que toute création, diminution ou modification des recettes d'origine fiscale d'une catégorie de collectivités ayant pour conséquence de modifier la structure de ces recettes ou de diminuer leur autonomie financière ne peut intervenir qu'après concertation avec les collectivités concernées ; le troisième propose qu'à compter de 2006, les collectivités locales et leurs établissements dotés d'une fiscalité propre puissent augmenter leur taux de taxe professionnelle par rapport à l'année précédente et par rapport aux taux et tarifs des autres impositions perçues au profit des collectivités.

La Commission a adopté l'ensemble du projet de loi organique ainsi modifié.


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