COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 45

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 1er juillet 2004
(Séance de 15 heures)

Présidence de M. Pascal Clément, président

SOMMAIRE

Audition de M. Dominique de Villepin, ministre de l'Intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, et discussion générale du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, de modernisation de la sécurité civile (n° 1680) (M. Thierry Mariani, rapporteur)

La Commission a procédé à l'audition de M. Dominique de Villepin, ministre de l'Intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, et à la discussion générale sur le projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, sur la modernisation de la sécurité civile (n° 1680).

Soulignant que le projet de loi constituait un dispositif ambitieux, tirant les enseignements des crises récentes, le président Pascal Clément a indiqué que les parlementaires attendaient du Gouvernement des précisions sur les mesures traduisant la reconnaissance par la Nation du caractère dangereux du métier de sapeur-pompier, en particulier la refondation du congé pour raison opérationnelle et l'institution d'un avantage de retraite pour les sapeurs-pompiers volontaires.

M. Dominique de Villepin, ministre de l'Intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, a souligné que le projet de loi, soumis à l'Assemblée nationale quelques jours après sa discussion au Sénat, concernait tous les Français car la société contemporaine est de plus en plus exposée à des perturbations mettant en cause son fonctionnement normal.

Au-delà de la montée des risques, certaines évolutions récentes ont rendu plus difficile la protection de la population : la fin de la conscription a considérablement réduit le potentiel humain disponible en cas d'accident majeur, tandis que la libéralisation des grands réseaux - de transports, de communications ou d'énergie - impose une gestion plus moderne de ces fonctions vitales, contraignant à redéfinir le rôle de chacun en situation de crise.

C'est pourquoi le projet de loi de modernisation de la sécurité civile vise à refonder la protection des populations sur des principes clairs :

-  le principe de responsabilité, fondé sur l'apprentissage dès l'école et complété par de nombreuses formes d'engagement, le citoyen étant le premier acteur de la sécurité civile ;

-  le souci de clarté dans la répartition des tâches, l'État devant assurer la coordination et la maîtrise des moyens de la sécurité civile dans les situations les plus graves, et les acteurs locaux étant mieux à même de traiter les secours au quotidien ;

-  le principe de solidarité, dans le respect de l'intérêt général.

Le Gouvernement a choisi de transmettre d'abord ce projet au Sénat car celui-ci assure la représentation des collectivités territoriales qui doivent rester au cœur de l'organisation des secours. Le travail accompli au Sénat a permis d'améliorer le texte et d'en préciser certains points essentiels. Il revient maintenant à l'Assemblée nationale, et en premier lieu à sa commission des Lois, d'y apporter son expertise et son propre regard.

Dans cette perspective, le ministre a souhaité formuler quelques remarques générales sur le texte :

-  Celui-ci vise à préserver le regroupement, au niveau départemental, de la gestion des services d'incendie et de secours (sdis), ainsi que le partage actuel des responsabilités entre l'État et les collectivités locales, en garantissant ainsi l'équilibre historique entre les compétences des départements et le traitement des crises dans un cadre national. Cet équilibre, qui a parfois suscité diverses interrogations et incompréhensions, constitue le gage de l'efficacité de l'organisation des secours : d'une part, il est en effet considéré par un très grand nombre de pays européens comme un modèle, à la fois opérationnel et financier puisque, à titre d'exemple, son coût global est deux fois moindre que celui du système allemand ; d'autre part, il fournit la meilleure articulation possible entre des événements locaux qui appellent des réponses locales, et des crises d'ampleur nationale qui requièrent une coordination par l'État de l'ensemble des moyens disponibles.

Pour maintenir cet équilibre, ont été écartées les deux hypothèses extrêmes d'une étatisation des services départementaux d'incendie et de secours, ou d'un abandon des compétences opérationnelles de l'État.

En l'occurrence, étatiser les services d'incendie et de secours reviendrait à rompre avec le mouvement de décentralisation qui a prouvé son efficacité, et supprimerait le lien indispensable entre les élus et les sapeurs-pompiers volontaires, qui constituent l'ossature des secours dans le monde rural. À l'inverse, désengager l'État et reconnaître une pleine et entière capacité opérationnelle aux élus locaux interdirait de mobiliser tous les moyens disponibles et nécessaires pour les sinistres de grande ampleur, des exemples étrangers ayant montré les limites d'un cloisonnement excessif des services de secours.

C'est pourquoi le service départemental d'incendie et de secours doit être conforté, rénové et amélioré dans son statut d'établissement public. À cet effet, il est proposé que la représentation des maires au sein du conseil d'administration soit maintenue ; de même, le pilotage de la gestion de cet établissement doit être clairement confié à la collectivité départementale qui, avec au moins trois cinquièmes des membres du conseil d'administration, verra sa prééminence désormais incontestablement consacrée. Au-delà, la création de la conférence nationale d'incendie et de secours permettra une meilleure régulation : elle garantira en effet que les décisions de l'État ayant un impact direct sur la gestion de l'établissement public du sdis, et donc sur les ressources qui lui sont affectées par les collectivités locales, auront été analysées préalablement avec les élus. Si le principe d'un avis conforme ne peut être juridiquement retenu, le Gouvernement s'engage à se conformer à l'avis de la conférence.

À partir de cette organisation renouvelée, le projet de loi souhaite également répondre aux attentes des sapeurs-pompiers en ce qui concerne leur statut et les conditions d'exercice de leurs missions. Trois mesures importantes sont prévues en ce sens.

-  La première est la reconnaissance du caractère dangereux de la profession et des missions des sapeurs-pompiers, volontaires ou professionnels. Son inscription dans la loi répond à une demande ancienne et justifiée par les faits, vingt-cinq sapeurs-pompiers ayant perdu la vie en 2002, et dix-sept depuis le début 2003, sans parler de ceux qui ont été grièvement blessés. Il n'est toutefois pas envisageable de reconnaître le caractère « insalubre », auquel est associé un âge d'ouverture des droits à la retraite - 50 ans - difficile à justifier au moment où il est demandé à chaque Français de travailler plus longtemps pour assurer la pérennité des régimes par répartition. Le coût de cette mesure, expertisée dans le cadre d'un groupe de travail auquel participaient les organisations syndicales de sapeurs-pompiers et les différents ministères concernés, a été évalué à près de 100 millions d'euros par an, ce qui paraît incompatible avec les capacités financières des sdis, et explique qu'elle n'ait pas pu être retenue.

-  La deuxième mesure concerne l'organisation de la fin de carrière des sapeurs-pompiers professionnels, auxquels est proposé un dispositif de reclassement pour ceux éprouvant des difficultés opérationnelles, de façon à leur permettre, après avis médical, de maintenir leur niveau de rémunération. Par ailleurs, est prévu l'abaissement de 30 ans à 25 ans du seuil de déclenchement de la bonification des points de retraite, afin de tenir compte de l'entrée plus tardive des professionnels dans le service actif et faciliter, pour ceux qui le souhaitent, l'accès à une seconde carrière.

--  La troisième mesure vise à renforcer le volontariat grâce à la création d'une véritable prestation de « fidélisation », étant rappelé qu'un sapeur-pompier volontaire coûte environ six à sept fois moins cher qu'un professionnel, et un volontaire, fidèle sur la durée de son engagement, beaucoup moins cher qu'un volontaire qui y renonce après quelques années seulement. Ainsi, la création d'une prestation de fidélisation et de reconnaissance n'est pas seulement une mesure de justice permettant de récompenser un engagement civique, mais constitue aussi une mesure nécessaire : en soutenant le volontariat menacé par l'individualisme, elle maintiendra le caractère mixte des personnels des services de secours.

Le ministre a ensuite souligné que l'État assumerait toutes ses responsabilités. Ces dernières années, l'évolution rapide des dépenses de secours - avec un triplement des budgets des sdis en 7 ans - a été essentiellement supportée par les finances des départements. Les causes en sont connues : la réforme des carrières des professionnels, les incidences de la réduction de la durée du temps de travail à 35 heures, l'amélioration de la couverture globale des risques. S'y est ajoutée l'augmentation continue du nombre des interventions, dont certaines ne relèvent pas des missions traditionnelles des services d'incendie et de secours.

L'inquiétude des responsables de la gestion de ces services est légitime, et l'État y répondra, soit dans le cadre du projet de loi, soit par des mesures d'accompagnement.

-  L'effort de remboursement aux sdis de certaines dépenses doit être poursuivi, s'agissant notamment de leurs interventions sur les réseaux autoroutiers, qui seront à la charge des sociétés autoroutières. De même, la prise en charge par l'assurance-maladie des transports effectués par les sapeurs-pompiers, en remplacement des services ambulanciers, sera améliorée.

-  Si les interventions quotidiennes et de proximité seront à la charge de l'établissement public et donc des collectivités locales qui le financent, la solidarité nationale prendra le relais avec le financement de l'État dès lors qu'une catastrophe d'ampleur imposera, sur décision de l'État, l'engagement de moyens extérieurs au département.

-  Enfin, par une contribution de l'ordre de 30 millions d'euros par an, l'État apportera, en consentant un exceptionnel effort qui doit être salué, près de la moitié du financement de la nouvelle prestation de fidélisation et de reconnaissance des sapeurs-pompiers volontaires.

Pour accompagner ce projet de loi, il est également prévu de remplacer, pour un montant très significatif, une dotation existante par une ressource fiscale, à l'évolution beaucoup plus dynamique, répondant ainsi à la fois à une demande ancienne des élus départementaux et au respect de l'autonomie fiscale des collectivités qu'ils représentent.

L'État transférera ainsi, au 1er janvier 2005, en contrepartie de 900 millions d'euros de la dotation globale de fonctionnement indexée sur la croissance et l'inflation, et pour un montant identique, une partie du produit de la taxe sur les conventions d'assurance automobile (tca).

Les départements y trouveront avantage, car, en premier lieu, ils bénéficieront dès 2006 du dynamisme d'une ressource dont l'évolution est plus forte - de 2 à 3 points par an -, que celle de la dotation globale de fonctionnement, ce différentiel se cumulant au demeurant d'année en année. Par ailleurs, quand les transferts prévus par le projet de loi relatif aux responsabilités locales auront été mis en œuvre, la totalité du produit de cette taxe sera transférée aux départements, qui seront alors dotés du pouvoir d'en moduler les taux. Ce montant de 900 millions d'euros s'ajoutera, en tout état de cause, au produit de la fiscalité transférée au titre de la compensation des transferts de compétence prévus dans le projet de loi relatif aux responsabilités locales.

Les élus sont, à juste titre, préoccupés par la question du financement des services de secours ; les nouvelles dispositions du projet de loi n'entraîneront cependant pas, pour leur part, de dérive dans la structure des dépenses.

Ainsi, la surcotisation de 2 % prélevée sur la masse salariale des sapeurs-pompiers professionnels pour financer la formation de leurs officiers n'est que la contrepartie de la suspension de leurs salaires pendant la période de formation, ceux-ci étant désormais pris en charge par le Centre national de la fonction publique territoriale. Il s'agit donc bien de substituer une cotisation à une facture ; la Conférence nationale pourra d'ailleurs la réévaluer, sous réserve du plafond fixé par la loi. De même, la création, abondamment discutée, de réserves de sécurité civile, que le Sénat a souhaité limiter au niveau communal, relèvera de manière facultative de la seule initiative des maires et n'emportera, en conséquence, que des dépenses très réduites.

Concluant son propos, le ministre a indiqué que les réformes proposées étaient essentielles à la modernisation de l'organisation des secours, afin de répondre aux attentes des citoyens, tout en permettant d'anticiper les nouveaux risques et les nouvelles menaces. Soulignant que le Parlement contribuera pleinement à améliorer le texte, comme l'ont déjà montré les débats au Sénat, il a précisé que le Gouvernement serait à la fois attentif et réceptif aux travaux de la commission des Lois.

M. Thierry Mariani, rapporteur, a indiqué que le projet de loi, annoncé et attendu depuis plusieurs années, contenait de réelles avancées pour l'organisation des structures de la sécurité civile, le financement des secours et la situation des personnels. Il a en particulier souligné les dispositions relatives à la fin de carrière des sapeurs-pompiers, l'institution d'une prestation de fidélisation destinée aux volontaires et la reconnaissance du caractère dangereux de leur métier et de leurs missions. Il a ensuite souhaité savoir en quoi la réforme des plans orsec allaient permettre une organisation plus efficace des secours, et a demandé quels changements le projet de loi apportait à la répartition des compétences entre les maires, les préfets et les préfets de zone pour la direction des opérations de secours. Il a considéré que la création de réserves communales de sécurité civile permettrait de mobiliser et d'organiser les bonnes volontés, mais risquait d'être une source de charges de gestion pour les communes et de faire double emploi avec les services techniques, forcément mobilisés en cas de catastrophe. Rappelant que le Gouvernement a prévu de transférer aux départements, à hauteur de 900 millions d'euros, une partie de la taxe sur les conventions d'assurance automobile, il a souhaité savoir comment ce transfert s'articulerait avec celui prévu pour financer les compétences transférées aux collectivités territoriales par le projet de loi relatif aux responsabilités locales. Après avoir souligné que les dispositions destinées à donner un nouveau souffle au volontariat constituaient l'un des points forts du projet de loi, en particulier grâce à la substitution de la prestation de fidélisation et de reconnaissance à l'allocation de vétérance actuellement en vigueur, il a demandé quelles raisons justifiaient la gestion de cette prestation par une association créée à cet effet plutôt que par la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales. Il s'est enfin demandé s'il ne serait pas légitime de lui appliquer les exonérations d'impôt sur le revenu et de csg actuellement applicables à l'allocation de vétérance.

En réponse aux questions du rapporteur, le ministre a apporté les éléments de réponse suivants :

-  Le dispositif actuel des plans de secours est devenu désuet. Les plans orsec, trop généraux, sont complétés par des plans de nature technique, composant un ensemble de quelque deux mille plans, devenus quasiment impossibles à actualiser. Afin de moderniser et de simplifier la planification des secours, le nouveau plan orsec prévu par le projet de loi organise, autour du plan orsec national et des plans orsec départementaux, des dispositifs spécifiques assurant une gestion commune et simplifiée des risques.

-  L'article 22 clarifie les rôles en matière de financement, en précisant en particulier que les moyens de secours sont financés par l'État dès lors que celui-ci a décidé le déclenchement d'un plan orsec. Ainsi, le choix du dispositif retenu ne pourra plus être influencé par des préoccupations de nature financière.

-  Les articles 13 à 16 du projet de loi définissent très précisément la chaîne des responsabilités. Le maire, en tant qu'autorité de police, voit consacré son rôle central de direction des opérations de secours dans sa commune. Toutefois, si plusieurs communes sont concernées ou si un plan orsec a été déclenché, le préfet du département reste chargé de cette direction. À cet effet, un plan de modernisation des salles opérationnelles des préfectures vient d'être engagé par le Gouvernement, afin d'assurer aux préfets des outils appropriés de gestion des crises ; cet effort s'est également traduit par la mise en place d'une salle opérationnelle à proximité du bureau du ministre de l'Intérieur. Lorsque l'ampleur, la durée ou les moyens requis par la crise le justifient, c'est au préfet de zone qu'il incombe de mobiliser et de coordonner les moyens de secours publics et privés nécessaires. Les récentes crises de sécurité civile ont montré l'importance de ce rôle de coordination.

-  L'idée de créer des réserves de sécurité civile est partie d'un premier constat simple : la nécessité de renforcer les capacités de mobilisation en cas de crise majeure, qu'il s'agisse par exemple de catastrophe naturelle ou d'acte terroriste. La suppression de la conscription a créé, à cet égard, une situation nouvelle. Alors qu'en Allemagne, les associations de sécurité civile rassemblent environ un million de personnes, la France ne dispose, outre les 240 000 sapeurs-pompiers, que d'environ 120 000 secouristes au sein des associations de bénévoles. Un deuxième constat est celui de la formidable réserve d'énergie qui se révèle à l'occasion de chaque catastrophe, mais de manière parfois désordonnée. Il convenait de fournir aux communes qui le souhaitent un cadre adapté et organisé afin que les maires puissent disposer d'un complément utile aux forces de secours opérationnelles. Les missions des réserves consisteront à apporter une assistance à la population, par exemple, en cas d'inondation, pour l'organisation de l'hébergement ou le secours aux populations fragiles ; elles répondront ainsi aux attentes de nombreux maires. Le Sénat a préféré supprimer les réserves départementales facultatives pour ne les maintenir qu'à l'échelon communal, qui est celui de la proximité. Le Gouvernement ne s'est pas opposé à cette suppression. Pour les communes qui en feraient le choix, la création d'une réserve n'impliquerait que des coûts très modestes et se traduirait par le recensement des personnes motivées et disponibles et par l'organisation de quelques réunions annuelles de formation.

-  Le transfert, à hauteur de 900 millions d'euros, d'une partie du produit de la taxe sur les conventions d'assurance, se substituant aux actuelles dotations des départements, leur permettra de financer les services d'incendie et de secours en bénéficiant d'une ressource fiscale plus dynamique que la dotation globale de fonctionnement. Corrélativement, les départements fixeront librement le taux de cet impôt à partir de l'année 2007. Le produit total de la taxe sur les conventions d'assurance est proche de 3,2 milliards d'euros. Sur ce montant, outre les 900 millions d'euros destinés au financement du présent projet, 2,3 milliards d'euros seraient affectés au financement des compétences transférées conformément à la loi sur les responsabilités locales, en cours d'examen au Parlement.

-  S'agissant de la nouvelle prime de fidélisation et de reconnaissance qui constituera un avantage de retraite complémentaire pour les sapeurs-pompiers volontaires ayant accompli au moins vingt ans de service, le régime de droit commun conduirait à les assujettir à la fois à l'impôt sur le revenu, à la contribution sociale généralisée et à la contribution au remboursement de la dette sociale. Cependant, les organisations représentatives des sapeurs-pompiers plaident en faveur du maintien de l'exonération dont bénéficie l'actuelle allocation de vétérance. Le Gouvernement examine les conséquences de cette demande, étant précisé que l'enjeu financier d'une éventuelle exonération demeure limité.

Après s'être réjoui que l'amélioration de la sécurité civile, attendue depuis plusieurs années, vienne à l'ordre du jour de l'Assemblée, tout en contestant la priorité reconnue par le ministre au Sénat, qui n'a pas le monopole de la représentation des collectivités territoriales, M. Bernard Derosier a rendu hommage au rôle joué par M. Daniel Vaillant dans la genèse de ce projet de loi. Il a estimé que l'importance de ce texte devait être appréciée du point de vue des professionnels, mais aussi des usagers. Rappelant que, dans le département du Nord, deux pompiers étaient morts au feu depuis moins d'un an, il a admis que la reconnaissance de la dangerosité du métier de sapeur-pompier était une avancée importante. Considérant que le maire disposait de pouvoirs de police sans avoir les moyens de les exercer et que les sdis devaient dégager des moyens pour financer des décisions prises par l'État, il a estimé que l'organisation de la sécurité civile laissait subsister des contradictions. Attirant l'attention sur la persistance des difficultés de financement, il a souhaité savoir si les collectivités territoriales pourraient librement délibérer sur la taxe qui leur serait transférée, et sur quelle dotation la compensation de ce transfert s'effectuerait. Il a considéré qu'en limitant la participation de l'État à la moitié du coût de l'allocation de fidélisation, le Gouvernement n'avait pas respecté la Constitution qui prévoit une compensation intégrale des charges transférées aux collectivités territoriales. Il a également estimé que la suppression des réserves départementales était en contradiction avec le mouvement de départementalisation de la sécurité civile. Rappelant que la possibilité d'intégrer les sdis dans les services des conseils généraux avait été introduite en 2002 à l'initiative du Sénat, il s'est étonné que les sénateurs aient accepté de revenir sur cette disposition et a interrogé le ministre sur la justification de sa suppression. De même, il a estimé qu'il aurait été plus cohérent d'aligner le rythme des élections des conseils d'administration des sdis sur le calendrier des élections cantonales, plutôt que sur celui des élections municipales.

Il a enfin demandé des précisions sur les modalités de prise en charge des secours intervenant sur les autoroutes non concédées et sur la justification du sort particulier réservé par le projet de loi au département des Bouches-du-Rhône.

Après s'être félicité de l'examen d'un projet de loi attendu depuis maintenant deux ans, M. Daniel Vaillant a rappelé que, à la suite du rapport rendu par M. Jacques Fleury sur le bilan de la mise en œuvre de la réforme des services d'incendie et de secours intervenue en 1996, il avait, en qualité de ministre de l'intérieur, présenté un projet de loi relatif à la modernisation de la sécurité civile en février 2002. Soulignant la convergence des deux projets sur certains points, il a approuvé le souci du présent texte de renforcer la participation des citoyens à la sécurité civile et d'améliorer leur formation aux gestes de secours, tout en regrettant que l'actuelle majorité n'ait pas donné suite à sa proposition de loi conjointe avec M. Jean-Marc Ayrault, tendant à la création d'un service civique pour les jeunes, qui offrait pourtant une réponse particulièrement adaptée aux objectifs poursuivis par le Gouvernement. De même, il a approuvé la simplification de la planification des secours prévue par le texte, les dispositions relatives à l'intervention des associations compétentes en matière de sécurité civile ainsi que l'institution d'une réserve de sécurité civile, dont il n'a pas contesté le rattachement au niveau communal voulu par le Sénat. Il a en revanche déploré que, contrairement au texte qu'il avait présenté sous la précédente législature, le présent projet de loi n'établisse pas de solidarité entre l'État et les collectivités territoriales, ni ne rende obligatoire la création d'établissements publics départementaux d'incendie et de secours. De même, il a regretté que la formation des sapeurs-pompiers soit moins exigeante, alors que le précédent projet de loi, à la suite d'une concertation avec les professionnels, avait prévu un schéma national de formation, défini par décret et constituant un cadre de référence pour les formations applicables aux sapeurs-pompiers.

Tout en notant que les termes de sécurité civile étaient sans doute moins évocateurs pour l'opinion que ceux de protection civile, M. Patrick Delnatte a souligné l'importance du présent projet de loi pour les citoyens. Après avoir fait état du retard de la France en matière de bénévolat, il a insisté sur la nécessité d'assurer une bonne articulation entre les associations intervenant en matière de sécurité civile et les réserves de sécurité civile qui seront créées. S'agissant de ces dernières, il a soutenu le choix du Sénat de ne leur donner qu'une dimension communale, jugeant que la commune est, dans l'opinion, un véritable échelon de proximité. Il a ensuite suggéré que les mairies désignent un correspondant chargé de la sécurité civile, comme il en existe un en matière de défense. Enfin, tout en relevant les efforts consentis en matière d'initiation au secourisme en milieu scolaire, à l'occasion de la journée d'appel à la défense ou encore lors de l'apprentissage de la conduite automobile, il a souhaité que la France comble son retard en la matière et qu'à cette fin, toutes les administrations concernées fassent preuve d'une véritable volonté en ce sens.

Rappelant que, en sa qualité de rapporteur pour avis des crédits de la sécurité civile sous la précédente législature, il avait pu mesurer la nécessité d'une intervention législative dans ce secteur, M. Jean Léonetti s'est félicité que ce projet de loi soit enfin débattu au Parlement. Il a en particulier jugé nécessaire de lever les ambiguïtés de l'organisation actuelle, dans laquelle l'État décide, la commune est responsable et le département paye, avant de relever que l'augmentation des dépenses tenait sans doute aux conditions de détermination des schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques. Il a ensuite approuvé les dispositions relatives à la réserve de sécurité civile telles qu'elles ont été adoptées par le Sénat, ainsi que la suggestion faite par M. Patrick Delnatte de désigner un élu municipal qui serait chargé des questions de sécurité civile. Enfin, après s'être félicité de la clarification des conditions de financement des secours opérée par l'article 22 du projet de loi, il a estimé que ce texte, résultat d'une réflexion approfondie, devrait être consensuel.

Après avoir rendu hommage à l'efficacité des services de la sécurité civile, dont la compétence est internationalement reconnue en raison de leurs nombreuses interventions dans les pays malheureusement frappés par une catastrophe naturelle, M. Jacques Floch a toutefois regretté que le projet de loi ne souligne pas davantage la dimension internationale des missions dévolues aux sdis. Il a ajouté que le projet de constitution européenne comprenait des dispositions appelant les États membres à prendre en considération l'expérience des pays les plus avancés en matière d'organisation des services de la sécurité civile. C'est pourquoi il s'est demandé s'il ne serait pas opportun que la France prenne l'initiative de proposer la mise en place, au niveau européen tout d'abord puis au niveau international, d'équipes opérationnelles de services de la sécurité civile capables d'intervenir, dans les meilleurs délais, auprès des régions victimes d'une catastrophe naturelle.

Évoquant son expérience d'élu d'une circonscription rurale, M. Jérôme Lambert a souligné l'accueil favorable réservé au projet de loi par l'ensemble des professionnels concernés, exception faite des réserves exprimées par certains élus concernant son financement. Il a cependant appelé l'attention du ministre sur les inquiétudes manifestées par les personnels des sdis en raison de la disposition du projet prévoyant la fiscalisation, ainsi que l'assujettissement à la csg et à la crds, de la prime de fidélisation et de reconnaissance.

Observant que le projet de loi prévoyait le transfert aux collectivités territoriales d'une recette de l'État, en l'occurrence la taxe sur les conventions d'assurance des véhicules automobiles dont lesdites collectivités pourront librement déterminer le taux en 2007, M. Guy Geoffroy a souligné à quel point cette disposition était emblématique de la détermination du Gouvernement à préserver l'autonomie financière des collectivités territoriales, garante du bon exercice de leurs compétences, tout en mettant un terme à la dégradation de leurs finances publiques.

En réponse aux intervenants, le ministre a apporté les précisions suivantes :

-  Le transfert de la taxe sur les conventions d'assurance représentera pour les départements 900 millions d'euros par an, somme qui sera déduite de leur dotation générale de fonctionnement (dgf). Les départements pourront ainsi mieux faire face à l'évolution des dépenses, étant rappelé que le produit de cette taxe évolue plus vite que la dgf, de l'ordre de 3 points par an, et que les conseils généraux en fixeront le taux dès 2007.

-  L'État n'est nullement contraint de financer la prestation de fidélisation et de reconnaissance, les sapeurs-pompiers volontaires n'étant pas des agents de l'État, mais il prend en charge la moitié de son coût pour aider les collectivités locales à l'assumer.

-  Les frais d'intervention des véhicules de secours sur le réseau autoroutier feront l'objet d'une convention avec les sociétés concessionnaires d'autoroute selon des conditions fixées par arrêté conjoint des ministres de l'Intérieur, du Budget et de l'Équipement et resteront à la charge des sdis pour le réseau non concédé.

-  Le projet de loi respecte la spécificité du département des Bouches-du-Rhône, en reconnaissant l'identité de chacun des services de secours, mais assure une coordination grâce au règlement opérationnel et au schéma départemental d'analyse et de couverture des risques, qui sont élaborés par le préfet et comprendront un volet commun aux deux services.

-  Les services départementaux d'incendie et de secours conservent leur statut d'établissement public, car leur intégration dans les services du conseil général, en rompant le lien avec les maires, aurait pu fragiliser le recrutement de sapeurs-pompiers volontaires et être source de conflits.

-  La désignation des membres du conseil d'administration des services départementaux d'incendie et de secours prendra en compte les rythmes différents des élections locales, se traduisant par le renouvellement des représentants des départements tous les trois ans et des communes tous les six ans.

-  La création obligatoire d'établissements publics interdépartementaux d'incendie et de secours aurait été trop contraignante, en raison de la dimension de certaines zones. Le Gouvernement a donc préféré se borner à encourager la mutualisation.

-  La formation des sapeurs-pompiers sera accrue tout au long de leur carrière, notamment pour tenir compte de l'importance des risques qu'ils encourent, et à cet effet les comités d'hygiène et de sécurité seront généralisés.

-  Le terme même de protection civile est certes communément admis en Europe, mais c'est en France le nom d'un grand réseau associatif, ce qui aurait pu être source de confusions.

-  Il serait en effet judicieux que le « correspondant défense » du conseil municipal soit également compétent pour la sécurité civile.

-  Un équilibre satisfaisant a été trouvé en matière financière, puisque l'État assume ses responsabilités, les pouvoirs des départements sont accrus, les règles de prise en charge des dépenses de secours sont clarifiées et une conférence nationale des services d'incendie et de secours permettra de mieux planifier les dépenses.

-  La dimension internationale de la sécurité civile est essentielle, comme l'a montré la coopération dans la lutte contre les feux de forêts en 2003 ou l'intervention conjointe des pays européens suite aux tremblements de terre en Iran et en Algérie. S'il existe déjà des procédures communes, la coopération européenne devrait être plus formalisée à l'avenir, notamment avec la création d'une véritable force européenne de réaction rapide en matière de sécurité civile.

-  La prime de fidélisation et de reconnaissance est défiscalisée, mais la possibilité de l'exonérer également de prélèvements sociaux est à l'étude.

Concluant son propos, M. Dominique de Villepin a enfin salué la qualité du travail du rapporteur et s'est déclaré convaincu que ce texte apporterait les réponses attendues.

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