COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

COMPTE RENDU N° 2

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 2 octobre 2002
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Patrick Ollier, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Louis Gallois, président de la SNCF

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- Information relative à la commission :

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La commission a entendu M. Louis Gallois, président de la SNCF.

M. Patrick Ollier, président de la commission de la production et des échanges, a souligné au préalable que la commission de la production et des échanges était particulièrement sensible aux questions relatives aux transports publics et plus particulièrement au mode ferroviaire dont le rôle est essentiel pour l'aménagement du territoire.

Il a demandé à M. Louis Gallois d'informer la Commission sur la situation financière de la SNCF qui semble s'être aggravée récemment et de lui indiquer si une restructuration de la dette ferroviaire était actuellement à l'étude, comme l'avait annoncé le précédent gouvernement.

Rappelant que le Gouvernement avait confié à l'Inspection générale des finances et au Conseil supérieur des ponts et chaussées un audit sur les projets d'infrastructures ferroviaires et routières pour évaluer leur intérêt socio-économique ainsi que leur faisabilité financière, il a demandé au président de la SNCF quels étaient les projets qu'il lui paraissait indispensable de mener à bien.

Il a ensuite souhaité interroger M. Louis Gallois sur l'ouverture à la concurrence du marché du fret ferroviaire en mars 2003 et lui a demandé comment la SNCF se préparait à relever ce nouveau défi alors que la compétitivité du fret paraît aujourd'hui très problématique.

Abordant enfin un sujet dont la presse s'est fait l'écho récemment, il a demandé à M. Louis Gallois comment se déroulaient les négociations sociales relatives au « service garanti » ou service prévisible et si le projet proposé par la SNCF était similaire au mécanisme d'alerte sociale mis en place à la RATP.

M. Louis Gallois, président de la SNCF, a tout d'abord remercié la commission de lui permettre d'exposer devant elle la politique et les ambitions de son entreprise.

Il a ensuite fait le point sur la situation économique, qui fait aujourd'hui largement débat, puisque, depuis le mois de mai, voire depuis le début de l'année, la conjoncture en Europe s'est largement dégradée dans le domaine des transports, notamment en matière de fret. Il a rappelé que la SNCF avait perdu 1,3% de trafic fret depuis le début de l'année par rapport à 2001, chiffre à rapprocher des 4 % perdus en Allemagne, 7 % en Italie et 3 % en Espagne. Il a souligné néanmoins que la grève du premier semestre 2001 en France faussait quelque peu le résultat français, puisque l'on partait d'un niveau plus bas que les autres transporteurs européens.

Il a souligné que la conjoncture défavorable avait également des conséquences sur le trafic passagers, dont la progression sur le premier semestre était inférieure aux prévisions, alors même que le TGV Méditerranée aurait du accélérer la progression du trafic. Il a précisé que les mois de juin, juillet et août 2002 avaient connu une quasi-stagnation, marquée par une hausse certaine du trafic TGV mais une baisse préoccupante du trafic grandes lignes classique. Au total, les recettes commerciales étaient sur le premier semestre inférieures de 115 millions d'euros à celles escomptées.

Il a indiqué que les résultats constatés, dont souffrent également d'autres compagnies, correspondaient au ralentissement de la croissance en Europe, mais que d'autres facteurs pouvaient être également intervenus, comme la fraude des voyageurs largement supérieure aux prévisions - l'écart représenterait un manque à gagner en 2002 de l'ordre de 50 millions d'euros - et peut-être stimulée par la perspective de l'amnistie présidentielle. Il a indiqué que la lutte contre la fraude était en conséquence un chantier prioritaire de l'entreprise. Il a également observé que l'allongement des week-ends lié à la mise en place des 35 heures pouvait également expliquer certaines diminutions du trafic, les usagers ayant d'avantage recours à la voiture sur des week-ends de trois jours, tandis que l'apparition de compagnies aériennes à bas coût sur certaines dessertes de la SNCF concurrençait également le train.

M. Louis Gallois a ensuite évoqué certains éléments concernant le fret ferroviaire français ; il a estimé que le premier d'entre eux tenait à la persistance d'une vision négative de la qualité de cette activité, notamment alimentée par le souvenir de la grève du premier semestre 2001, qui a marqué des entreprises en quête de régularité alors même que les résultats dans ce domaine étaient en amélioration significative en 2002 par rapport à 2001. Il a précisé également que le transport ferroviaire était en réalité, pour une partie de ces trafics, la variable d'ajustement du transport routier : en période de surchauffe, on transfère sur le rail le surplus de trafic, alors qu'en période récessive, le rail perd du trafic au profit de la route, moins saturée. Une autre cause de la situation du fret est liée aux difficultés conjoncturelles enregistrées avec le tunnel sous la Manche et dues aux immigrés clandestins qui a coûté sur le premier semestre environ 2 % de production à la SNCF. Une difficulté également préoccupante est celle de la rétention de trafic organisée à la frontière italienne qui pénalise la SNCF mais aussi les autres entreprises européennes de transport ferroviaire.

M. Louis Gallois a ensuite évoqué l'état d'avancement du 12ème Plan, en déplorant le retard pris pour son exécution, notamment s'agissant des travaux réalisés pour Réseau Ferré de France. Il a précisé que ce retard pouvait être lié à un allongement des procédures puisque l'instruction mixte à l'échelon central (IMEC) est aujourd'hui un préalable à toute décision, ainsi qu'à la nécessité pour RFF de réunir des financements complexes, provenant de l'Etat, des collectivités territoriales et de l'Union européenne.

Il a rappelé qu'en dépit de l'insuffisance des recettes réalisées par rapport à celles escomptées - même si le chiffre d'affaires de la SNCF avait continué à augmenter (+ 4 % au premier semestre) -, les charges, elles, avaient évolué comme prévu, et souligné que l'inélasticité des charges par rapport aux recettes était une des caractéristiques de la SNCF. Cet effet de ciseau entre charges et recettes explique le déficit de 156 millions d'euros du résultat opérationnel au premier semestre de 2002, déficit compensé par les plus-values réalisées sur des ventes d'actifs immobiliers qui expliquent le résultat net positif. Il a indiqué que les résultats consolidés pour le groupe SNCF, qui, avec l'ensemble de ses filiales, représente une fois et demie l'établissement public SNCF, étaient similaires.

Il a rappelé que pour faire face à cette dégradation, un certain nombre de mesures avaient été mises en œuvre dès avril 2002 : réduction des achats et des prestations externes à hauteur de 60 millions d'euros, lissage des recrutements et réduction des autorisations d'embauche de 1 000 emplois qui ne pourrait être revue que si la conjoncture marquait des signes de redressement durable et significatif d'ici à la fin de l'année.

M. Louis Gallois a par ailleurs souligné que les difficultés de la SNCF n'étaient pas identiques pour tous ses secteurs d'activité et que, par exemple, les lignes TGV, TER et Ile-de-France avaient gardé un rythme de croisière tout à fait satisfaisant, même s'il fallait toujours veiller à éviter une potentielle dérive des coûts. Il a estimé que les faiblesses de la SNCF étaient ailleurs : difficultés d'ajustement des dépenses par rapport aux variations de recettes, activités fortement déficitaires telles que certaines dessertes de grandes lignes « classiques » et le fret.

Il a précisé qu'un plan d'action avait été mis au point pour réduire le « point mort » de l'entreprise - point d'équilibre des comptes - et évoqué les dix chantiers d'efficacité lancés l'année dernière : amélioration de la productivité des matériels, des personnels et des infrastructures. Il a indiqué à cet égard que les matériels devaient tourner plus, que les personnels, passés aux 35 heures, devaient reconquérir une meilleure productivité, et que les infrastructures devaient accueillir plus de trafic. Il a précisé que les coûts de structure, notamment les coûts du siège et des directions régionales, seraient réduits au profit des directions opérationnelles sur le terrain ; que le prix des achats et les prestations des fournisseurs étaient aujourd'hui plus finement analysés pour en réduire les coûts et que les besoins de trésorerie de l'entreprise devaient être limités (stocks, créances clients) afin de diminuer la pression sur l'endettement.

Il a ensuite précisé sa position sur les trains grandes lignes classiques, de jour et de nuit, en indiquant qu'il convenait de relancer leur image et d'améliorer la qualité du service fourni ; cela a été fait avec succès sur certains trains de nuit. Il a annoncé une promotion de la marque « Corail » et un nouveau produit sur ces lignes, dit « Train rapide de demain » TRD, qui a été conçu en réaménageant fondamentalement les voitures Corail pour offrir un meilleur confort aux voyageurs. Il a par ailleurs indiqué qu'il convenait de réexaminer les dessertes grandes lignes afin d'alléger les plus déficitaires et de rationaliser les autres en supprimant certains arrêts qui les ralentissent, en concertation avec les régions, autorités organisatrices du TER. Enfin, il a rappelé que la loi LOTI précisait clairement qu'une entreprise qui accomplit, à perte, des missions de service public et d'aménagement du territoire, devait pouvoir être compensée et jugé qu'il conviendrait donc également de réfléchir à cette possibilité pour certaines dessertes.

Il a ensuite abordé la question du fret ferroviaire. Après avoir souligné que la SNCF avait en Europe une des plus fortes parts de marché avec plus de 20 % de celui des marchandises parcourant plus de 150 km (l'Allemagne étant à 17 % et l'Espagne, par exemple, à 6 %) et s'être réjoui de l'étude confiée aux sénateurs Haenel et Gerbaud, il a précisé que trois sujets étaient à l'ordre du jour : l'organisation, la productivité, l'action commerciale. Il a estimé que l'organisation était en train d'être rationalisée et que le fret s'est vu affecter des moyens propres, puisqu'il dispose déjà de son parc de locomotives et le gérera de manière centralisée d'ici à la fin de l'année. L'organisation en axes longues distances et zones locales destinées à approvisionner les triages, qui sont des sortes de « hubs », devrait également contribuer à mieux suivre la qualité.

Il a ensuite indiqué que l'amélioration de la productivité de l'activité fret passerait par une baisse du coût des structures et par la modernisation du parc de locomotives très ancien, puisque certaines locomotives diesel ont plus de 30 ans alors que certaines électriques datent des années 50 ! Il a ajouté qu'il fallait améliorer la rotation de ce parc et précisé que cette amélioration de productivité passait également par une négociation avec les agents de conduite, permettant de mieux valoriser pour eux le trafic fret de favoriser les étapes longues, même si ceci pose la difficile question de la charge de travail et des résidences d'agents de conduite tout au long des itinéraires fret.

Enfin, M. Louis Gallois a indiqué que le troisième élément de la politique concernant le fret portait sur l'action commerciale en favorisant une approche plus axée sur le marketing, proposant aux clients des « produits » adaptés à leurs besoins, tout en permettant un remplissage optimal des rames.

Il a précisé que l'ensemble de ces actions devait permettre d'augmenter de 60 à 80 millions d'euros par an les résultats sur le fret, dans l'optique d'un retour à l'équilibre autour de 2006.

Puis M. Louis Gallois a évoqué la dimension européenne dans laquelle s'inscrit désormais inéluctablement l'activité de la SNCF.

Rappelant que le chemin de fer s'était organisé en Europe sur des bases nationales, il a souligné que le marché européen était aujourd'hui une donnée incontournable pour l'ensemble des compagnies ferroviaires européennes. Pour illustrer les problèmes d'unification de ce marché, il a suggéré d'imaginer ce que serait le transport routier en Europe s'il fallait à chaque passage de frontière, changer de camion, de conducteur, de carburant, et modifier les conditions de travail du conducteur...

Il est donc nécessaire aujourd'hui de remettre cette situation en cause, et d'atténuer cet effet « frontière », non seulement pour répondre à la demande de la commission européenne, mais encore et surtout pour profiter d'un potentiel industriel et commercial considérable et inexploité. A cet égard, M. Louis Gallois a estimé que si certaines options du Livre Blanc présenté par Mme Loyola de Palacio, commissaire européen aux transports, ne faisaient pas l'unanimité, les objectifs qu'il fixait étaient partagés par la SNCF.

M. Louis Gallois a ensuite exposé les ambitions européennes de son entreprise.

Il a rappelé que la SNCF bénéficiait d'une position pour l'instant très favorable ; en effet, l'entreprise assure la moitié de son trafic fret à l'international et était leader sur le marché des grandes lignes européennes de voyageurs, notamment grâce à Thalys et Eurostar.

Soulignant que la SNCF était un acteur majeur aujourd'hui en Europe, il a estimé que tout devait être mis en œuvre pour conserver cette position. L'entreprise doit ainsi en premier lieu promouvoir sa propre conception du chemin de fer en Europe, ce dont elle est capable, car elle bénéficie de la taille critique et de la réputation sur le plan technique pour le faire.

Cette conception repose sur la sécurité des circulations, une entreprise intégrée sur le plan opérationnel - caractéristique partagée avec l'Allemagne et l'Italie, mais parfois récusée par la commission européenne - un développement qui donne toute sa place à la coopération entre les différents réseaux, coopération nécessitée par les problèmes d'interopérabilité même s'il ne méconnaît pas la montée de la concurrence, un service public plus exigeant que le concept européen de service d'intérêt général et enfin un statut social des personnel, s'opposant au dumping.

M. Louis Gallois a estimé que la SNCF devait accepter l'existence du marché unique du rail, avec ses contraintes, soulignant que l'entreprise pouvait tirer parti de cette nouvelle donne à condition d'être un acteur de son développement et de sa propre stratégie concurrentielle.

Puis, M. Louis Gallois a précisé la stratégie de son entreprise pour s'insérer au mieux dans le marché européen et tirer parti de la concurrence. Cette stratégie s'appuie sur les axes suivants :

- accroître la compétitivité de l'entreprise (c'est une priorité du projet industriel pour 2003-2005), les chantiers évoqués auparavant y contribuent fortement ;

- adapter l'organisation interne de l'entreprise à la concurrence et à la réglementation européenne nouvelle. La SNCF est en train de créer des structures pour se mettre en conformité avec les textes européens : le Gouvernement a ainsi décidé de confier à RFF l'attribution des sillons, c'est-à-dire le droit d'utiliser une portion de ligne ferroviaire à un créneau horaire donné, RFF régulant les différentes demandes y compris celles d'opérateurs étrangers lorsque le trafic sera ouvert à la concurrence. Pour mettre en œuvre cette décision, la SNCF crée actuellement une nouvelle structure, le service des sillons, qui aura pour tâche de présenter les demandes de sillons de la SNCF à RFF, après arbitrage interne pour aboutir à une demande unifiée. Parallèlement, la SNCF s'organise pour faire le travail technique de dessin des sillons, pour le compte de RFF, dans des conditions d'équité et de transparence telles que la concurrence ne se sente pas lésée. Cette structure également nouvelle, identifiée et autonome, pourra ainsi être contrôlée et auditée ;

- isoler les comptes du fret ;

- apporter une réponse de qualité aux services qui seront demandés par les compagnies concurrentes, certaines prestations étant obligatoires et devant pouvoir être auditées pour éviter les accusations d'abus de position dominante, d'autres facultatives et soumises à la loi du marché (par exemple, formation des conducteurs, fourniture d'énergie, garage et dépannage des trains, première maintenance...) ;

- préparer les agents qui seront amenés, comme cela est déjà le cas à Londres, Bruxelles ou Mannheim, à aller à l'étranger, ce qui implique de mener une réflexion avec les autres compagnies ferroviaires européennes et les syndicats concernés sur le statut de ces agents, qu'il s'agisse des modalités de certification, du contrôle des capacités techniques, des horaires et des conditions de travail ;

- développer une stratégie de coopération et d'alliances, afin de maîtriser et de fidéliser les clients européens. A l'heure actuelle, seule la Deutsche Bahn et la SNCF sont vraiment engagées dans une telle stratégie. La SNCF ne doit pas perdre de temps : il s'agit-là d'un enjeu majeur. Ces alliances peuvent prendre toutes les formes utiles, comme cela a été le cas pour le fret avec les corridors entre la France, la Belgique et l'Italie, et avec la Deutsche Bahn entre Mannheim et Woippy, ou la création de sociétés pour la gestion de trafics fret spécifiques avec les Italiens et les Espagnols (Sideuropa et Codefer). Pour les voyageurs, des structures commerciales ont été créées pour tous les trafics avec nos voisins, certaines prennent la forme de véritables sociétés, comme c'est le cas d'Eurostar, dont la SNCF aura 54 %.

M. Louis Gallois a estimé nécessaire que cette stratégie de la SNCF soit accompagnée par le groupe SNCF dans son ensemble car il constitue un atout puissant pour la SNCF.

M. Louis Gallois a, en conclusion, souligné que la SNCF avait des atouts pour prendre sa place dans le marché européen et que l'entreprise devait saisir cette opportunité pour se dynamiser. Il a fait part de son optimisme quant à la capacité d'adaptation des personnels. Il a souligné que l'état d'esprit des cheminots avait profondément évolué, comme le montre la consultation organisée dans le cadre de la préparation du projet d'entreprise, d'où il ressort que le phénomène européen est plutôt considéré aujourd'hui comme un fait positif ou, en tous les cas, incontournable, alors qu'il était ressenti essentiellement comme une menace qu'il fallait éviter il y a quelques années.

M. François-Michel Gonnot, rapporteur pour avis des crédits de l'équipement et des transports terrestres, a indiqué qu'il centrerait ses questions sur le problème du fret. Prenant note des informations données par M. Louis Gallois sur l'activité fret concernant la mise en place d'une comptabilité séparée ainsi que d'équipements spécifiques, il s'est interrogé sur l'opportunité d'aller plus loin dans l'organisation de cette activité, prochainement soumise à la concurrence, en créant à terme une filiale pour le fret.

Il s'est demandé si cette solution, qui aurait des avantages indéniables en terme de lisibilité financière et qui serait conforme à la philosophie de la directive européenne, serait socialement acceptable dans l'entreprise. Il s'est interrogé sur la possibilité pour la SNCF de disposer de lignes ferroviaires propres au fret.

Il a également souhaité connaître l'avis de M. Louis Gallois sur le projet de loi de finances pour 2003 qui prévoit une augmentation de 9 % des crédits pour le secteur ferroviaire.

Abordant la question des investissements de la SNCF, il a demandé si un contrat de plan Etat-SNCF ne serait pas utile pour contractualiser, sur plusieurs années, les engagements de l'Etat vis-à-vis de l'entreprise et pour qu'elle dispose ainsi d'une meilleure visibilité de ses capacités d'investissement sur le moyen terme.

Il a enfin demandé à M. Louis Gallois des précisions sur sa politique d'embauche pour 2003 et sur l'endettement de l'entreprise.

S'exprimant au nom du groupe UMP, M. Martial Saddier, à propos de la santé financière de l'entreprise, s'est interrogé sur le coût de l'accord conclu pour la mise en œuvre des 35 heures et sur ses conséquences sur le fonctionnement de l'entreprise. Il s'est demandé si le recours à des filiales, pour près du tiers des activités de l'entreprise était justifié. Soulignant l'importance des départs à la retraite des personnels qui représenteront 40 % des effectifs dans les dix ans à venir, il a souhaité savoir comment l'entreprise s'y préparait. Il a également demandé des informations sur l'instauration d'un service garanti pour le transport ferroviaire.

Il a ensuite regretté que la part du ferroviaire dans le transport de fret se limite à 8 % en France, contre 40 % aux Etats-Unis, l'exemple de ce pays montrant qu'il n'existe aucune fatalité du déclin du fret ferroviaire. Il s'est interrogé sur les moyens de réduire les pertes générées pour la SNCF par l'activité fret et sur les solutions envisageables pour accélérer la vitesse du trafic fret qui n'est actuellement que de 18 km/heure en moyenne.

Puis, il a souhaité obtenir des précisions sur les points de désaccord existant avec les prescriptions du Livre Blanc, concernant notamment le cadre réglementaire commun et sur l'Agence européenne pour la sécurité et l'interopérabilité ferroviaires. Il a également demandé quelle était la position de M. Louis Gallois sur la question des sillons internationaux.

M. Martial Saddier, observant que l'importance des grèves dans les transports ferroviaires suscitait des demandes tendant à autoriser des fabricants de matières premières à affréter eux-mêmes leurs trains pour ne plus dépendre des entreprises ferroviaires, a souhaité connaître le point de vue de M. Louis Gallois sur ce point, ainsi que sur la création de plates-formes multimodales.

S'agissant du transport de passagers, il a demandé quel était le bilan de la régionalisation et s'est interrogé sur la possibilité d'améliorer les horaires des trains qui sont souvent inadaptés aux déplacements domicile-travail ; et il a également émis le souhait que les suppressions d'arrêts fassent l'objet d'une meilleure concertation avec les élus.

Enfin, il a demandé des précisions sur l'audit des infrastructures, notamment pour le projet de la ligne TGV Ouest ou la liaison Lyon-Turin. Faisant état de rumeurs persistantes sur la saturation du tronçon commun de la ligne TGV Paris-Lyon et du retard pris dans la réalisation des travaux alpins nécessaires à l'autoroute ferroviaire transalpine, il a demandé des éclaircissements sur tous ces points.

Intervenant au nom du groupe socialiste, Mme Odile Saugues, après avoir rappelé l'importance pour la représentation nationale de disposer d'un bulletin de santé complet sur une grande entreprise telle que la SNCF et l'attachement des Français au service public qu'elle leur assure quotidiennement, a estimé que les informations fournies faisaient apparaître plusieurs sujets d'inquiétude liés aux difficultés de la conjoncture, à l'accroissement de la concurrence et notamment celle engendrée par le développement des compagnies aériennes « low cost » ou la situation dégradée du fret à la veille de son ouverture à la concurrence, prévue en mars 2003.

Puis, elle a tenu à souligner les aspects positifs que représentent le succès du TGV Méditerranée et la régionalisation des transports ferroviaires réalisée sous l'ancienne majorité, qui constitue un modèle pour la relance annoncée de la décentralisation, avant de s'interroger sur les conséquences de l'audit des infrastructures sur les projets d'infrastructures et sur le financement des grandes infrastructures européennes.

En ce qui concerne la situation interne de l'entreprise, elle a regretté certaines annonces publiques prématurées, qui risquent de fragiliser la mise en œuvre du système de veille sociale que vient de soumettre aux partenaires sociaux la direction de la SNCF et qui nécessite un dialogue social approfondi, et a salué la démarche volontariste de l'entreprise en faveur d'un meilleur service rendu à l'usager que traduit cette initiative.

Mme Odile Saugues a ensuite souhaité obtenir des précisions sur les perspectives de développement de la SNCF en Grande-Bretagne, l'entreprise étant propriétaire d'Eurostar à hauteur de 54,6 %, ainsi que sur les mesures de prévention adoptées pour faire face aux menaces terroristes.

Revenant sur les propos du président concernant l'irritation provoquée au sein des instances communautaires par la notion de « service public à la française », elle a insisté sur l'attachement légitime des citoyens français à leurs services publics, notamment en matière ferroviaire, qui doit conduire à éviter le plus possible les fermetures de grandes lignes et les suppressions de dessertes. Elle a rappelé la volonté de son groupe de voir la SNCF confortée grâce à des dotations étatiques substantielles, un meilleur dialogue social, et des investissements conséquents pour maintenir des infrastructures de qualité.

Intervenant au nom du groupe député-e-s communistes et républicains M. Jacques Desallangre, après s'être dit convaincu de l'importance de la période qui s'ouvre pour le rail, a dénoncé l'approche idéologique qui conduit les instances communautaires à poursuivre le processus de libéralisation des services publics, sans tenir compte des exemples désastreux des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne en matière ferroviaire, électrique et téléphonique notamment, débouchant souvent sur des faillites, une hausse importante des tarifs pratiqués et une sécurité moindre pour les usagers.

Il a par ailleurs estimé que les projets européens d'ouverture à la concurrence des transports publics de voyageurs risquaient de remettre en cause la régionalisation des TER et entraîneraient de graves conséquences pour l'aménagement du territoire et pour la qualité du service public. Il a ajouté que le financement des coûteux investissements requis pour assurer, au sein de l'Union européenne, l'interopérabilité des chemins de fer par l'édiction de règles communes, serait vraisemblablement supporté par la SNCF par le biais d'une augmentation des péages payés à RFF. Il s'est donc inquiété d'une éventuelle baisse de la compétitivité de l'entreprise et de la hausse probable de ses tarifs, soulignant qu'elles pourraient être évitées si l'Union européenne et ses Etats-membres finançaient eux-mêmes ces investissements lourds.

Il a par ailleurs affirmé que, si la stratégie de gestion de la dette mise en place par RFF a certes permis à cet établissement de dégager l'an dernier un excédent brut d'exploitation, ce résultat n'a été obtenu qu'en imposant à la SNCF des péages excessivement coûteux, s'élevant par exemple à près de 100 millions d'euros pour le TGV Méditerranée. Il a estimé que cette politique conduit à d'importantes distorsions de concurrence vis-à-vis des transports routiers, alors même que la route assure déjà 90 % du transport de fret, contre moins de 10 % pour le rail.

En ce qui concerne la dette de la SNCF, M. Jacques Desallangre a souhaité savoir si l'engagement pris par l'Etat de restructurer et reprendre à son compte la dette afin de préserver la capacité d'investissement de l'entreprise serait respecté. Précisant que sa démarche s'inscrivait dans une perspective constructive, il a rappelé que l'Etat devait assumer ses responsabilités vis-à-vis de l'entreprise, en lui donnant les moyens de relever certains défis, comme par exemple la gestion prévisionnelle des emplois, alors que près de la moitié des cheminots partiront à la retraite dans les dix prochaines années, la SNCF ayant donc un effort très important de formation de son personnel à assurer.

Enfin, il a estimé que l'Etat, qui s'apprête à accorder 15 milliards d'euros à France Télécom, pourrait légitimement accorder à la SNCF un soutien financier du même ordre, alors même que cette entreprise ne s'est pas, elle, lancée dans des opérations hasardeuses.

M. Robert Lecou s'est interrogé sur les perspectives de prolongation du TGV Méditerranée vers l'Espagne, soulignant les retombées économiques importantes qu'elle engendrerait pour le Languedoc-Roussillon.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, constatant qu'il existait de grandes disparités de dessertes ferroviaires entre les régions, a interrogé M. Louis Gallois sur les perspectives de réalisation de la ligne ferroviaire Paris-Orléans-Limoges-Toulouse utilisant un matériel de TGV pendulaire à l'horizon 2004-2005 et s'est demandée si le POLT constituait pour la SNCF une étape de la modernisation de l'axe central ou bien s'il était une fin en soi. Elle a souhaité connaître sa position sur l'audit demandé par l'Etat sur les grandes infrastructures. Elle s'est enfin inquiétée du retrait de la SNCF des zones rurales les moins rentables, d'autant plus que la définition du service public appartient aujourd'hui à l'autorité organisatrice de transport régional. Elle a regretté que la politique des TER ne soit pas plus adaptée aux réalités locales.

M. Joël Giraud a ensuite évoqué le problème de la desserte ferroviaire des Alpes du sud et le détournement de trafic créé par le TGV Méditerranée, en raison de l'emplacement de la gare TGV de Valence, les liaisons régionales étant fortement perturbées et les capacités des trains en correspondance avec la gare TGV nettement insuffisantes. Il a indiqué que la SNCF n'avait pas cerné les spécificités, notamment touristiques de cette zone et que la suppression programmée du train de nuit Paris-Briançon ne ferait qu'accentuer les problèmes. Il a ensuite déploré que la SNCF refuse d'ouvrir administrativement la ligne Paris-Briançon au fret alors qu'il existe une demande. Il a donc interrogé M. Louis Gallois sur les intentions et la stratégie de la SNCF dans cette région, en l'invitant à une nécessaire restructuration du réseau.

M. Jacques Le Guen, après avoir rappelé son attachement au développement du TGV Ouest et à l'amélioration de la desserte du Finistère, a regretté que peu d'informations soient données sur le développement du trafic fret sur les axes ouest-est, qui permettrait de faciliter l'écoulement des produits agricoles de la Bretagne.

M. Léonce Deprez a estimé que le problème central pour la SNCF était d'accroître son chiffre d'affaires pour financer sa dette et poursuivre son développement qui passe, par exemple, par une extension de l'électrification des lignes. Il a par ailleurs souhaité que la SNCF accroisse ses efforts pour acquérir une démarche plus commerciale, de façon, non seulement à augmenter le nombre de voyageurs qu'elle transporte, mais aussi à réduire l'importance du recours à la route pour le transport du fret, la proportion actuelle de 80 % étant inacceptable.

Enfin, il a rappelé que la SNCF devait accroître ses investissements, notamment pour certaines de ses filiales, comme Géodis, afin d'améliorer sa productivité et son efficacité. Il a conclu en déplorant l'absence de modernisation rapide des lignes ferroviaires, pourtant rentables, en direction du Nord-Pas-de-Calais.

M. Daniel Paul a tout d'abord souhaité relever une contradiction dans la politique menée par la SNCF, qui décide de geler les embauches, alors que la pyramide des âges exigerait des recrutements réguliers pour parvenir à une formation progressive du personnel. Soulignant que, selon les déclarations mêmes de M. Louis Gallois, un des atouts essentiels de l'entreprise réside dans la qualité de ses agents, il a regretté que de nombreux sous-effectifs, notamment dans la traction fret, compromettent la rentabilité de l'entreprise.

Il a ensuite estimé que le développement du fret suppose une volonté politique réelle, et constaté qu'il n'existait pas actuellement d'égalité entre les différents acteurs du transport, comme le montre l'importance des péages payés par la SNCF (12 milliards d'euros), alors que les transporteurs ne contribuent pas à l'entretien du réseau routier.

M. Daniel Paul a ensuite estimé que la comparaison avec les entreprises ferroviaires aux Etats-Unis et au Japon n'était pas pertinente, car la SNCF opère en Europe et est concernée par l'exemple britannique, la faillite du système britannique devant inciter à une réflexion approfondie sur les dangers de l'ouverture à la concurrence.

M. Daniel Paul a ensuite évoqué les problèmes de desserte fret du port du Havre dans la perspective de l'accroissement du trafic ouverte par la mise en œuvre de « Port 2000 » prévue pour 2004, rappelant que l'hinterland de ce port est déjà saturé. Déplorant le retard des travaux destinés à améliorer la liaison ferroviaire à l'est du Havre, il a évoqué le risque de voir les chargeurs choisir un autre mode de transport que le fret ferroviaire.

M. Jean-Pierre Grand a abordé la question du TGV Méditerranée. Observant que des avancées réelles ont été obtenues en matière de financement du contournement de Montpellier et Nîmes, il a demandé à M. Louis Gallois de prendre une position publique sur l'avenir de la desserte de la péninsule ibérique.

M. Christophe Priou a fait part à M. Louis Gallois des difficultés rencontrées par la municipalité du Croisic pour mener à bien une restructuration des quartiers à proximité de la gare, en raison de l'impossibilité de trouver un interlocuteur compétent pour mener à bien des négociations d'acquisitions foncières de terrains appartenant à la SNCF.

M. Alain Marty s'est inquiété du retard observé dans le démarrage des travaux du TGV Est et demandé des précisions sur les perspectives de prolongation de cette liaison jusqu'en Allemagne. Il a ensuite déploré la saturation des lignes ferroviaires, notamment celles entre Strasbourg et Mannheim et a souligné que le fret ferroviaire était lourdement handicapé dans cette région en raison d'une congestion chronique du réseau.

M. Alain Cousin a interrogé M. Louis Gallois sur les nouveaux trains Corail, souhaitant pouvoir connaître l'échéancier de leur mise en place et la nature des matériels en cause. Il a souligné également les difficultés rencontrées pour utiliser les téléphones portables dans les trains en raison, semble-t-il, de difficultés techniques des réseaux de télécommunication.

En réponse aux intervenants, M. Louis Gallois, président de la SNCF, a apporté les précisions suivantes :

Sur le fret ferroviaire

* Sur la filialisation du fret, qui a été réalisée par plusieurs réseaux « historiques » en Europe, trois motifs peuvent inspirer ceux qui la promeuvent :

- l'obtention de capitaux d'abord, mais l'on se heurte alors à la difficulté de rémunérer ces capitaux, le fret n'ayant pas aujourd'hui la rentabilité nécessaire pour assurer la rémunération du capital ;

- la création de partenariats, par échange de participations, comme ce fut le cas pour la filiale allemande de fret, qui a fusionné avec les entreprises danoises et hollandaises ;

- une clarification des responsabilités et une motivation des équipes par une individualisation des objectifs, des comptes, des personnels et des moyens matériels. Chacun peut avoir son point de vue sur ce sujet. Il a rappelé cependant que d'ores et déjà, le fret possédait au sein de la SNCF ses comptes propres, ses locomotives et ses wagons. Les agents de conduite sont restés, quant à eux, communs aux activités voyageurs et fret, pour des raisons de souplesse d'emploi et parce que ce personnel est très attaché à la mixité de ses missions.

La mise en œuvre de la filialisation imposerait plusieurs évolutions : en premier lieu, il faudrait pousser plus loin la « désimbrication » du fret et des autres activités, notamment en ce qui concerne les agents de conduite qui travaillent sur différents services ; il faudrait également substantiellement capitaliser cette filiale, ce que la SNCF ne serait pas en mesure de faire seule, ses fonds propres - 4,2 milliards d'euros - étant à peine supérieures à la moitié de sa dette (7,5 milliards d'euros). Il faudrait enfin répartir un certain nombre de charges, notamment celles des retraites. Il conviendrait enfin de préciser les responsabilités de la maison mère et de la filiale ainsi que le calendrier d'application.

La filialisation du fret relève, en fait, d'un choix politique car les difficultés techniques d'une telle opération peuvent être résolues et l'ont été, comme cela a été indiqué plus haut, dans plusieurs réseaux européens. Il conviendrait d'ailleurs d'examiner parallèlement les avantages de souplesse d'une entreprise ferroviaire intégrée à laquelle les agents de la SNCF sont très attachés. La mission confiée aux sénateurs Haenel et Gerbaud pourrait permettre de décrire les avantages et les inconvénients de la filialisation et sera au moins l'occasion, pour toutes les parties prenantes, de s'exprimer sur cette question.

* La spécialisation de certaines lignes ferroviaires dédiées totalement ou partiellement au fret, est une question centrale pour améliorer, à terme, la qualité et assurer la pérennité économique du fret, notamment sur certains grands axes. En raison de l'engorgement actuel de l'axe Nord-Sud, qui supporte 40 % du fret, il paraît nécessaire de réaliser progressivement le contournement de Dijon et de Lyon, ainsi que de Nîmes et de Montpellier, pour pouvoir mettre en œuvre une voie dédiée au fret. Une autre amélioration importante devrait porter sur les lignes reliant le port du Havre et le tunnel sous la Manche au grand axe Nord-Sud, ainsi que sur l'axe Nord-Est, allant de Dunkerque à la Lorraine, essentiel pour la sidérurgie mais où le trafic est en voie de saturation, notamment en raison de la densification du trafic TER en région Nord-Pas-de-Calais. Il s'agit d'une question complexe, la création de lignes totalement nouvelles de bout en bout paraissant beaucoup trop onéreuse, alors que certaines lignes existantes sont peu utilisées et que leurs performances peuvent être améliorées, notamment par l'électrification, ce qui permettrait une meilleure fluidité du trafic fret avec un coût plus raisonnable. Ces décisions relèvent aujourd'hui avant tout de l'autorité politique et de RFF.

Plus généralement, il faut se poser la question des coûts comparés de la route et du fer. Le Livre Blanc européen est très clair sur ce point : il considère qu'il ne peut y avoir de solution au problème du transport en Europe sans une augmentation de son coût. Celui-ci est en effet fixé par rapport au transport routier dont le prix est artificiellement bas parce qu'il ne prend que partiellement en compte certains coûts (infrastructure, coûts sociaux, coûts externes : sécurité, congestion, pollution). Cette situation pèse sur la compétitivité du fret ferroviaire et explique la faiblesse des investissements qui lui ont été consacrés en Europe, par rapport à ceux consentis pour le trafic voyageurs.

* Le problème du fret n'est pas tant la rapidité que la régularité. A cet égard, le chiffre de vitesse moyenne du fret de 18 km/h n'est pas significatif de la réalité des trafics (les trains de fret sont « tracés » en France sur une moyenne de l'ordre de 60 km/h). La SNCF relie aussi Avignon à Paris en six heures, ce que ne font pas les routiers. Par ailleurs, les clients font parfois baisser les moyennes horaires en demandant expressément que leurs trains stationnent, car leurs espaces de stockage ne sont pas disponibles. Le fret a beaucoup souffert de la perte des grands trafics de minerai de charbon et de fer et de grands progrès restent à faire pour améliorer sa qualité, même si des progrès récents ont été constatés. A ce titre la performance du fret ferroviaire américain peut être riche d'enseignements.

* La création de l'Agence de sécurité et d'interopérabilité européenne (ASI) est une bonne initiative à condition que cette agence sollicite les expertises des compagnies nationales.

* Les sillons internationaux ont fait l'objet d'une expérience positive avec Belifret, mais il y a d'énormes progrès à accomplir pour fluidifier les passages de frontières, alors même que certains matériels en provenance de l'Est de l'Europe posent des problèmes de sécurité.

* Concernant l'ouverture à la concurrence du fret et la possibilité donnée à des opérateurs non ferroviaires de faire circuler leurs propres trains après avoir obtenu des sillons, la SNCF a une attitude modérée sur ce sujet sensible, qui sera tranché par les instances politiques lors des prochains conseils européens.

* Les plates-formes multimodales sont un chantier à développer. Il en existe trop peu pour l'instant (Dourges, Vierzon, Gennevilliers), car ces plates-formes sont des lieux de concentration très utiles pour le chemin de fer, à l'instar « des ports secs » pour le trafic maritime.

* La réalisation de l'autoroute ferroviaire transalpine a pris un peu de retard en raison des délais d'homologation des wagons, prévue pour début 2003, elle ne sera effective que vers mi-2003 ; les travaux d'infrastructures nécessaires sont engagés.

* Il est effectivement nécessaire de développer une culture « marketing » pour le trafic fret comme a très bien su le faire la SNCF pour le TGV, même si cette évolution est en rupture avec une certaine tradition des cheminots en France et en Europe.

La SNCF souhaite une augmentation du capital de Geodis et y souscrira afin de maintenir sa participation au même niveau que par le passé, car elle souhaite être présente chez un grand opérateur logistique. Cela dit, la SNCF a toujours indiqué qu'elle était prête à diminuer sa participation si cela favorisait un rapprochement européen de Geodis, utile pour cette dernière, dès lors qu'elle-même conserverait une position d'opérateur industriel dans l'ensemble regroupé. Lorsque l'hypothèse d'un rapprochement entre Geodis et Geopost avait été évoquée, elle avait accepté de descendre sa participation jusqu'à 25 % dans un tel schéma.

Sur les relations Etat-SNCF

* La privatisation de la SNCF n'est demandée par personne. L'exemple britannique a montré les dérives possibles d'un tel processus. Mais il faut rappeler que certains services ferroviaires pourtant privatisés comme les compagnies japonaises et américaines, sont parmi les plus performants du monde, l'un pour le transport de passagers, l'autre pour le fret. Ces exemples montrent qu'une entreprise privée est à même de faire du transport ferroviaire dans des conditions techniques satisfaisantes. Le choix entre public et privé relève d'un choix politique. De même, l'ouverture à la concurrence qui a été, à certains égards, désastreuse en Grande-Bretagne, s'est plus correctement passée en Allemagne.

* L'intérêt d'un contrat pluriannuel entre l'Etat et la SNCF n'est pas contestable. Il pourrait, d'une part, comporter des engagements de l'entreprise, touchant par exemple à son excédent brut d'exploitation ou à son résultat courant, à son endettement ou à son volume d'investissements, à la qualité du service rendu et, d'autre part, lui offrir une réelle lisibilité sur plusieurs points et, notamment, sur l'évolution de la convention de gestion avec RFF, sur le montant des péages, et sur les compensations de service public ; mais M. Louis Gallois a estimé que le point d'équilibre entre les parties au contrat sera toujours difficile à trouver, mais qu'il convient de le rechercher.

* S'agissant de la dette, l'entreprise s'est engagée à ne pas dépasser un montant d'endettement supérieur à 7,5 milliards d'euros, ce qui représente déjà une charge très lourde correspondant à près du double de ses fonds propres. L'endettement de la SNCF est stable puisque de l'ordre de 7,6 milliards d'euros en 1997, son montant actuel s'élève à 7,5 milliards d'euros. L'endettement du groupe SNCF est également stable, de l'ordre de 8,1 milliards d'euros à la fin du premier semestre 2002, contre un peu plus de 9 milliards en1997.

* La création de Réseau ferré de France (RFF) a permis d'une part de clarifier les comptes et d'autre part d'éviter l'explosion de la dette grâce à la contribution de l'Etat sous la forme de dotations en capital représentant 1,5 milliard à 1,9 milliard d'euros par an. Les péages ne sont pas destinés à payer les frais financiers de RFF mais le coût marginal d'utilisation de l'infrastructure. Il faudra cependant sans doute trouver une solution de moyen terme pour la dette de RFF, car l'abondement annuel en dotations en capital introduit dans le schéma actuel un élément de précarité qui freine la capacité de RFF à se projeter dans l'avenir.

* Le montant des péages n'est pas excessif au regard des péages pratiqués dans les autres pays européens, mais une pause est souhaitée après une période de forte hausse car la capacité contributive de la SNCF n'est pas extensible à un tel rythme. Entre 1998 et 2002, la charge nette pour la SNCF des péages a augmenté de 594 millions d'euros, TGV Méditerranée inclus (418 millions d'euros hors TGV Méditerranée). Cet accroissement de charge est considérable, mais la hausse était inéluctable, car il est normal que le transporteur participe aux frais d'infrastructures. Il faut cependant conserver un équilibre par rapport à la concurrence, de la route et des compagnies ferroviaires étrangères. A cet égard, les péages fret sont en moyenne plus élevés à l'étranger, mais les péages passagers sur le TGV et en Ile-de-France sont par contre supérieurs en France.

Sur les questions de personnel

* Le coût net de la mise en œuvre des 35 heures est évalué pour 2002 à 200 millions d'euros ; l'entreprise a un grand défi à relever sur le plan des ressources humaines, car la moitié des effectifs partiront à la retraite entre 2000 et 2010. L'effort de formation du personnel à recruter et de transmission des compétences sera donc très important dans les prochaines années.

* Concernant les embauches pour 2003, aucune indication chiffrée ne peut être donnée à ce stade de la préparation du Budget pour cet exercice.

* La direction de la SNCF vient d'adresser aux organisations syndicales un projet de protocole d'accord sur le dialogue social et la prévention des conflits. Ce projet, qui assure un respect total du droit de grève comporte deux innovations importantes : la démarche de concertation immédiate, qui pourra être entreprise à l'initiative d'une organisation syndicale (ou de la direction) sur un différend pouvant conduire à un conflit. Une réunion devra alors être organisée dans les trois jours. L'objectif recherché est de donner du temps à la concertation pour parvenir à clarifier les points de désaccord. C'est pour cette raison qu'un préavis de grève ne pourra être déposé sur la même question, avant un délai de dix jours, à compter de la date de mise en œuvre de la démarche de concertation immédiate. La deuxième innovation porte sur la mise au point d'un plan de transport pour arriver à déterminer précisément quels seront les trains qui pourront être en service les jours de grève sur un itinéraire donné, compte tenu de l'ampleur prévisible du mouvement social. Ce document prévisionnel sera transmis aux organisations syndicales qui pourront faire valoir leurs observations. Le plan de transport prévisionnel, qui serait rendu public, deviendrait un engagement de l'entreprise d'assurer la circulation des trains annoncés, dans le respect du droit de grève.

Ce projet de protocole est l'aboutissement d'une concertation engagée avec les organisations professionnelles depuis décembre 2001 et veut encourager une évolution de l'entreprise, d'une culture du conflit vers une culture du compromis.

La régionalisation des TER

* Le bilan de la régionalisation est globalement positif. Ainsi, alors que les dernières acquisitions de matériel TER par la SNCF dataient de 1988, les régions ont, de 1997 à 2002, passé des commandes de matériel pour un montant de 3 milliards d'euros, commandes qui vont permettre un profond renouvellement du parc ;

* l'autorité compétente pour fixer les dessertes est désormais la région. C'est elle qui défini la consistance du service public, ce qui est une excellente chose en redonnant au politique ses prérogatives. Les régions expriment ainsi avec tout leur légitimité les préoccupations d'aménagement du territoire en prenant en compte, cependant, que le chemin de fer nécessite un certain volume de trafic car il a un coût unitaire indubitablement élevé par rapport à d'autres modes de transport comme l'autobus ;

* concernant l'évolution des dessertes des trains grandes lignes, elle se fera de manière concertée avec les régions concernées du fait de son impact sur le TER. Actuellement, les concertations engagées durent un à deux ans.

Il existe des problèmes de régularité qui doivent être signalés s'ils sont répétés.

* L'ouverture à la concurrence du transport régional de voyageurs, qui fait actuellement l'objet de discussions au sein des instances communautaires, entraînerait une remise en cause des modalités de la régionalisation des TER, telle qu'elles ont été prévues par la loi « solidarité et renouvellement urbains » (SRU) ;

L'audit sur les infrastructures

* Le développement des infrastructures n'est plus de la responsabilité de la SNCF mais relève désormais de RFF. Toutefois, à titre personnel, M. Louis Gallois a estimé qu'il est utile à échéance régulière de mettre à plat les dossiers et de recadrer les priorités, comme le gouvernement de M. Edouard Balladur l'avait fait en 1993 à propos du programme de réseau à grande vitesse. L'audit n'a pas pour but de geler les infrastructures et les parlementaires pourront s'exprimer, puisque l'audit sera soumis au Parlement ;

* la mise en œuvre du TGV pendulaire est soumise à l'audit sur les infrastructures qui devra se prononcer sur ce programme dont l'échéance est actuellement fixée à 2007 ;

M. Louis Gallois a ensuite évoqué les questions suivantes :

- concernant la ligne TGV Paris-Dijon, il y a actuellement des problèmes de saturation sur le tronçon Paris-Montbard. La SNCF souhaite, à terme, que l'on puisse augmenter les capacités, en portant l'espacement entre deux trains de 4 à 3 minutes, comme c'est déjà le cas sur Paris-Lille. Cela nécessitera toutefois des investissements significatifs ;

- concernant le prolongement du TGV Méditerranée jusqu'en Espagne, la question de la liaison Montpellier-Perpignan se posera inéluctablement à terme et la pression espagnole pour la réaliser sera forte ;

- concernant la desserte ferroviaire des Alpes-de-Haute-Provence, comme cela a été indiqué à M. Patrick Ollier et reprécisé par M. Guillaume Pepy (directeur général délégué clientèles de la SNCF) à M. Joël Giraud, la liaison de nuit Paris-Briançon sera maintenue et la SNCF souhaite, en liaison avec les syndicats d'initiative alpins, participer au développement de cette ligne.

En revanche, la desserte auto-train a été interrompue pendant l'hiver car ce service entraîne une perte de 200 euros par voiture transportée.

Concernant la liaison Briançon jusqu'à Lyon, la SNCF a engagé des négociations avec la région Rhône-Alpes pour améliorer le service rendu aux voyageurs. Un effort de sensibilisation des vendeurs SNCF sera fait pour promouvoir la desserte directe de Briançon, sans passer par Marseille.

Le développement du réseau fret dans la région des Alpes-de-Haute-Provence se heurte à de multiples obstacles, notamment physiques, tels que des pentes importantes. Une modernisation de la signalisation serait également nécessaire pour améliorer le service ;

- la question du TGV Bretagne fait également partie de l'audit sur les infrastructures.

S'agissant des lignes de fret ouest-est, il n'existe pas de saturation contrairement à ce qui est observé sur la liaison nord-sud et le trafic fret sur cet axe est certainement appelé à se développer en utilisant par exemple la liaison ferroviaire Nantes-Lyon ;

- le développement des investissements de la SNCF dépendra de la capacité d'autofinancement de l'entreprise, ce qui suppose que l'entreprise réalise des bénéfices, objectif qui n'est pas encore évident pour tout le monde, qu'il s'agisse des cheminots, des collectivités publiques ou même de l'Etat ;

- malgré le retard pris par les travaux prévus par le XIIème plan, la SNCF confirme sa la volonté de profiter de l'accroissement du trafic qu'engendrera la mise en œuvre de Port 2000, le mode ferroviaire étant particulièrement adapté pour les transports massifs et réguliers de containers à partir des ports ;

- les difficultés d'acquisition des terrains proches des gares sont réelles. On doit s'y attaquer et, notamment, la SNCF et RFF ne doivent pas répercuter sur les candidats acquéreurs leurs débats internes sur la dévolution entre eux des terrains concernés ;

- le projet de TGV Est a un an de retard mais il est aujourd'hui lancé. L'exploitant devra développer le trafic sur cette ligne, notamment grâce à l'international. Une structure commune a été constituée avec le Luxembourg (CFL), la Suisse (CFF) et l'Allemagne (DB). Elle est actuellement au travail pour élaborer des politiques communes concernant le marketing, les arrêts, les tarifs, la desserte et les structures à mettre en place pour gérer ce trafic international ;

- il y a effectivement un risque d'engorgement de la ligne classique vers Strasbourg lorsque la ligne à grande vitesse sera mise en service jusqu'à Baudrecourt. La circulation fret est déjà particulièrement intense entre le nord-est de la France et Bâle, et le TER se développe très rapidement sur cet axe ;

- il n'y a pas d'échéancier précis pour la mise en œuvre du train rapide de demain (TRD), qui sera fonction des moyens financiers de la SNCF, les premiers devant être mis en service en 2003 sur la ligne Paris-Clermont-Ferrand. Les voitures « corail » étant particulièrement solides, la SNCF a décidé de les conserver mais de réaménager totalement leur habitacle intérieur pour améliorer le confort des voyageurs. Dans un avenir de 15 à 20 ans, le développement des grandes lignes classiques reposera probablement plutôt sur des rames automotrices ;

- des progrès restent à réaliser pour assurer un meilleur accès au réseau téléphonique mobile dans les trains, mais il existe des problèmes techniques réels à surmonter pour les trains circulant à grande vitesse ;

- en ce qui concerne les risques terroristes, les 35 000 kilomètres de voies non clôturées rendent difficile une sécurité absolue. La SNCF fait de son mieux dans l'application du plan Vigipirate. Le nombre de paquets suspects est d'ailleurs un obstacle important à la régularité des trains.

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Information relative à la Commission

La commission a désigné M. Patrick Ollier, rapporteur pour la proposition de résolution de M. Christian Estrosi tendant à la création d'une commission d'enquête sur la présence du loup en France (n° 155).

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