COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

COMPTE RENDU N° 4

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 10 octobre 2002
(Séance de 9 heures)

Présidence de M. Patrick Ollier, Président

SOMMAIRE

 

pages

- Audition de M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine

2

- Examen pour avis des crédits pour 2003 :

 

Ville et rénovation urbaine (M. Philippe Pemezec, rapporteur)

11

- Information relative à la commission

12

   

La commission a entendu M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine, sur les crédits de son département pour 2003.

M. Patrick Ollier, président de la commission de la production et des échanges, a souhaité en préambule, qu'au-delà des questions strictement budgétaires, le ministre donne aux commissaires des éléments d'information sur le contenu du futur projet de loi d'orientation sur le logement social, annoncé au Congrès HLM de Lyon le 3 octobre, cette question préoccupant un bon nombre de députés sur le terrain. Il a regretté que la politique de la ville s'inscrive aujourd'hui dans un cadre trop restreint, celui des quartiers dits « sensibles », choisis selon un certain nombre de critères, car la violence et les incivilités sont aussi présents dans certains quartiers de villes plus aisées ou plus petites, qui ne répondent donc pas à ces critères. Il a souhaité que la politique audacieuse que le ministre a décidé de mettre en place puisse s'appliquer partout où ces problèmes se posent, sans critères préétablis.

Après avoir souligné qu'il convenait d'appréhender l'action de son ministère au delà du seul projet de budget pour 2003, M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine, a souhaité faire deux observations principales qu'il a jugées essentielles.

En premier lieu, il a précisé que le budget consacré à la ville donnait traditionnellement lieu à une faible consommation, aussi bien en moyens d'investissement qu'en dotations de fonctionnement, ce qui est plus grave. Il a signalé que le projet de budget de son département ministériel pour 2003 était quasiment constant par rapport aux moyens prévus en 2002, puisqu'il augmente de 0,7 % en dépenses ordinaires et crédits de paiement.

En second lieu, il a souhaité évoquer les principales modifications qu'il entendait apporter à la politique menée en faveur de la ville. Soulignant que celle-ci était aujourd'hui très complexe, il a observé que les procédures de demande de subventions se caractérisaient par une lenteur à laquelle son prédécesseur avait tenté de mettre un terme en déconcentrant le plus tôt possible les crédits. Pour autant, a-t-il noté, cette mesure n'a pas été suivie d'effets, 60 % des crédits de subventions de fonctionnement alloués aux associations n'étant en effet versés que dans les deux derniers mois de l'année, en raison de la lourdeur de la gestion administrative des procédures par les sous-préfets à la ville ; ce sont ainsi tous les ans 20 millions d'euros qui ne sont pas consommés. Il a déploré qu'en raison de difficultés structurelles, les reports de crédits soient finalement supérieurs au budget lui-même, ce qui pourrait être compréhensible s'agissant des crédits d'investissement en raison de la lourdeur des opérations de rénovation urbaine, mais semble peu justifié s'agissant des dépenses de fonctionnement.

Il a annoncé que pour mettre un terme à ces lourdeurs inutiles, seraient établies au dernier trimestre de l'année des conventions entre les villes qui le souhaitaient et les sous-préfets à la ville, afin que les collectivités bénéficient d'un virement, à charge pour elles de gérer cette somme sur leurs propres budgets et d'établir les partenariats nécessaires avec les associations concernées. Il a par ailleurs souligné que cette nouvelle procédure permettrait d'éviter que les mesures de régulation imposées en fin d'année par le ministère des finances ne ponctionnent trop ces subventions.

Par ailleurs, il a constaté que le fonds de revitalisation économique ne fonctionnait pas et que ses crédits n'étaient pas consommés, puisqu'on aboutissait aujourd'hui à 90 millions d'euros de report de crédits sur ce fonds. Il a indiqué qu'en conséquence, les dotations à ce fonds étaient réduites dans le projet de budget pour 2003, l'objectif étant plutôt d'octroyer des aides directes aux associations spécialisées et aux communes en grande difficulté ; une ligne budgétaire sera dotée de 20 millions d'euros à cet effet. Les reports de crédits seront évidemment utilisés pour l'action menée par le fonds. Il a estimé que l'octroi d'aides directes constituerait probablement la solution la plus appropriée et a cité en exemple le PACT-ARIM 93 qui, à la demande des communes de Clichy et Montfermeil, a repris les copropriétés privées très dégradées, pour un coût de 3,5 millions d'euros par an, coût qu'il est aujourd'hui incapable d'assumer ; les deux communes ne peuvent, elles non plus, en raison de leur déficit de fonctionnement chronique, assumer une telle charge. Dans ce cadre, le problème, a-t-il estimé, ne consiste pas à aider le PACT-ARIM 93 mais à traiter globalement le cas de Montfermeil et de Clichy.

Puis, le ministre délégué a souhaité souligner que la politique de la ville ne se résumait pas à de telles opérations, le vrai problème résidant dans l'état de certains quartiers qui se dégradent de semaine en semaine. Il a ainsi observé que si, dans les cinq dernières années, le taux de chômage avait baissé d'un tiers, il avait parallèlement augmenté dans la même proportion dans les quartiers concernés par la politique de la ville, qui regroupent 6,5 millions d'habitants, ce constat étant également applicable au RMI, à l'Allocation de solidarité spécifique ou au taux de signalement des mineurs. Il a également attiré l'attention sur le fait que plus de la moitié des enfants habitant dans certains quartiers fortement dégradés n'allait pas à l'école, alors que le taux d'absentéisme moyen s'élève à 21 % sur le territoire national. Il a en outre jugé que l'état du parc social privé et public se révélait dans certains lieux criminogènes ; ainsi, on a recensé 200 000 logements dans des bâtiments où existent cinq « points mortels ». Notant que cette situation pouvait grandement contribuer à la déstructuration de la personnalité des enfants, il a indiqué que, à l'heure actuelle, les opérations de réhabilitation menées dans le cadre de la PALULOS (Prime à l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale) ne permettaient plus de compenser la dégradation du parc social et que certains quartiers étaient dans une situation pré insurrectionnelle, avec de réels risques d'affrontements ethniques, religieux et sociaux et une paupérisation croissante et alarmante de populations aux origines de plus en plus diverses.

Le ministre délégué a annoncé qu'il souhaitait donc privilégier les deux axes suivants :

- certains problèmes doivent donner lieu à un traitement conjoint de la part du ministère délégué à la ville et à la rénovation urbaine et d'autres ministères. C'est ainsi le cas dans le domaine scolaire ; il n'est pas normal que le taux d'effort consenti par l'éducation nationale en faveur, par exemple, de Montfermeil, ne soit que de 9 % supérieur à celui consacré au lycée Henri IV à Paris. Sur des territoires comparables, le Royaume-Uni alloue des moyens supérieurs de 45 %, tandis qu'au Canada, l'effort consenti est supérieur de 88 %. Il faut donc que soient conclues des conventions entre le ministère délégué à la ville et à la rénovation urbaine et le ministère de l'éducation nationale pour mettre en œuvre des mesures parascolaires permettant à la fois de protéger l'école et de réduire le taux d'absentéisme. Un traitement conjoint du problème du chômage doit également être envisagé, en partenariat avec les chambres de commerce et d'industrie ou l'ANPE, afin de réduire le taux de chômage dans les quartiers sensibles, qui s'élève aujourd'hui à 40 %. De même, dans le domaine de la santé, des actions conjointes devront être menées avec les conseils généraux ou le ministère de la santé ;

- le ministère délégué à la ville et à la rénovation urbaine traitera directement des questions de logement et de renouvellement urbain, à partir d'un diagnostic établi en partenariat avec l'Union sociale pour l'Habitat (ex- Union HLM), les acteurs du « 1 % logement », l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH), la Caisse des dépôts et consignations et les élus locaux. Il reste en effet aujourd'hui 200 000 réhabilitations lourdes à entreprendre et 200 000 lots de copropriétés dégradés à rénover ; sur 2 millions de logements vacants, la moitié peut être occupée, 100 000 sont disponibles de suite ; On compte par ailleurs 1,2 million de logements à détruire. Dans ce cadre, il est aujourd'hui nécessaire et urgent de construire environ 25 000 logements par an.

Le ministre délégué a estimé que la situation actuelle résultait de l'échec des politiques menées depuis 20 ans, échec lié au fait que notre système repose sur le financement de procédures et non de projets. En effet, a-t-il indiqué, il est statistiquement improbable de parvenir à mobiliser les fonds nécessaires au bon endroit et au bon moment, étant donné notamment la faible fongibilité de ces crédits, répartis par procédure et par département. De plus, il est rare que les stratégies des partenaires impliqués soient identiques sur les mêmes quartiers. A titre d'exemple, il a indiqué que, en France, à l'heure actuelle, 500 bâtiments vides depuis plus de trois ans et squattés, n'ont pas encore pu être démolis en raison d'un manque de fonds.

Il a par ailleurs souligné qu'il était incohérent que les organismes HLM bénéficient d'aides identiques alors qu'ils sont dans des situations financières très diverses, certains, florissants, devenant de véritables propriétaires fonciers privés dotés de filiales sans vocation sociale, alors que d'autres, privés de moyens financiers suffisants car situés dans les zones les plus sensibles, ont à gérer des parcs très dégradés et des impayés de loyers importants. Il a estimé qu'un tel exemple montrait bien l'épuisement du système français du logement.

Evoquant le « 1 % logement », il a par ailleurs estimé que ce dispositif résultait d'une belle invention mais a noté qu'il ne bénéficiait qu'aux réservataires, c'est-à-dire les salariés des entreprises, partenaires du dispositif, les populations démunies, et notamment les chômeurs, n'y ayant donc pas accès. Le ministre délégué a jugé que ce modèle d'intervention devait être remis en cause, comme en sont d'ailleurs conscients les partenaires impliqués, afin d'assurer la mission sociale du logement. Il a à cet égard ajouté que sur les 117 sites qu'il avait visités, les intervenants de près de 115 d'entre eux étaient aujourd'hui convaincus que les financements ne pourraient être mobilisés au bon moment pour mener des opérations devenues urgentes, qui doivent être menées sur le moyen terme -deux à trois ans- et amorties sur 20 ans. Il a jugé qu'aujourd'hui se posait un réel problème de fiabilité des politiques menées, ce qui met à mal la confiance des intervenants dans le secteur et explique les inerties.

Le ministre délégué a indiqué que le montant des travaux à mener était évalué à 30 milliards d'euros. Il a annoncé pour réaliser cet objectif, que le Gouvernement prendrait deux mesures :

- créer un guichet unique regroupant l'ensemble des crédits de l'Etat consacrés à la politique de la ville, auxquels s'ajouteront les crédits du fonds de renouvellement urbain, de la Caisse des dépôts et consignation et de l'ANAH (Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat), ainsi que 500 millions d'euros du « 1 % logement » et 200 millions d'euros octroyés aux non-réservataires de ce dernier dispositif. Ce guichet unique bénéficiera d'un abondement de l'Etat situé dans une fourchette de 200 à 400 millions d'euros sur cinq ans, ce qui permettra de créer un effet de levier important afin de rénover les quartiers sensibles. Ce guichet unique sera doté au total de 1,5 milliard d'euros en faveur d'interventions marginales par rapport aux crédits de droit commun, eux-mêmes intégrés dans ce guichet unique. Une commission publique de contrôle sera mise en place pour vérifier l'utilisation de ces fonds. Il est certes difficile de faire admettre à certains intervenants l'idée qu'il ne s'agira plus de financer des procédures, mais il convient aujourd'hui de traiter les dossiers au cas par cas. Il a cité l'exemple du quartier de la Fouilleuse, à Rueil-Malmaison, qui pourrait, dans ce cadre, prétendre à des aides. Un projet de loi de programmation permettra de donner une visibilité à moyen terme à la politique de la ville, qui sera ainsi « sanctuarisée » pour les cinq ans à venir.

- Un projet de loi d'orientation pour le logement sera également présenté. Une telle démarche est aujourd'hui indispensable et pourra s'inspirer de la dernière grande loi adoptée dans le domaine de l'habitat, la loi du 13 juillet 1928, dite « Loucheur », qui reste finalement toujours d'actualité. Cette loi est à l'origine des quartiers pavillonnaires populaires dans nos villes. Le projet de loi d'orientation définira trois orientations principales. La première consistera à permettre d'appliquer des règles exorbitantes du droit commun, dès lors que le préfet et le maire concernés s'accorderont sur un projet de rénovation urbaine ; il s'agira donc d'établir une sorte « d'extraterritorialité » pour mettre en œuvre ces projets, parallèlement au soutien logistique et financier apporté par le guichet unique. La deuxième orientation consistera à créer un outil pour traiter le problème des copropriétés dégradées : d'une part, un traitement spécifique sera accordé aux copropriétés fragiles, comme le recommande le récent rapport du Conseil économique et social sur le sujet, et, d'autre part, l'Etat aura pour mission de contrôler et de prendre en charge les procédures de destruction des copropriétés dégradées, qui concernent aujourd'hui 200 000 lots. Cette intervention de l'Etat semble en effet indispensable afin d'éviter tout risque de pression à l'encontre des élus locaux. Enfin, la troisième orientation consistera à traiter le problème des logements vacants en collaboration avec l'ANAH, dont 80 % sont aujourd'hui détenus par des personnes âgées de plus de 75 ans qui ne souhaitent pas s'endetter ou faire face aux risques de non-paiement du loyer par le locataire. Il s'agira donc d'améliorer les garanties des bailleurs et d'accorder des facilités fiscales pour la réalisation des travaux.

En conclusion, M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine, a estimé que, si la situation était grave, les partenaires étaient motivés, ce qui permettait d'être optimiste sur l'issue de la bataille à mener pour simplifier et améliorer l'efficacité du dispositif français dont l'enjeu est déterminant pour la France.

Puis, M. Patrick Ollier, président, a remercié le ministre pour son analyse lucide et courageuse. Il a en outre émis le souhait que cette question grave fasse l'objet d'un consensus politique large.

M. Philippe Pemezec, rapporteur pour avis, a souligné que le ministre avait en grande partie répondu par son exposé complet aux questions qu'il s'apprêtait à lui poser. Il a seulement souhaité rappeler trois points essentiels pour rendre toute son efficacité à la politique de la ville :

- il a estimé en premier lieu que le maire devait retrouver toute sa place dans le contrôle de l'attribution des logements, car il est beaucoup plus au fait des problèmes et des équilibres de sa commune que le préfet, et peut donc empêcher les dérives ou les dégradations. Observant que le maire devait avoir un rôle central sur le terrain, il a jugé nécessaire de toiletter tous les textes, et notamment les plus récents, qui constituent des entraves à la libre administration des communes ;

- soulignant en deuxième lieu que l'accession à la propriété permettait de responsabiliser les habitants des quartiers sensibles, et ainsi de pacifier ces quartiers, notamment dans les villes où le pourcentage de logements sociaux est élevé, il a estimé fondamental de relancer l'accession à la propriété ;

- enfin, tout en admettant qu'il fallait détruire les constructions calamiteuses et délirantes qui ont été celles des trente dernières années, il a souligné qu'il fallait surtout reconstruire à la place « du beau », qui ne coûte pas plus cher, la rénovation urbaine et la mixité réussies passant nécessairement par de belles constructions de qualité. Il a, à cet égard, déploré que les écoles d'architecture ne l'aient pas encore compris.

Mme Arlette Grosskost, s'exprimant au nom du groupe UMP, s'est félicitée que le budget de la Ville augmente de 0,7 %, cette progression affectant les dépenses en capital alors que les dépenses ordinaires diminuent.

Elle a rappelé que le groupe UMP soutenait pleinement le recentrage du budget sur trois objectifs majeurs, à savoir :

- l'amélioration du cadre de vie par un développement des opérations de renouvellement urbain (ORU) et des grands projets de ville (GPV) ;

- le soutien fort aux acteurs locaux ;

- l'implication dans les actions de solidarité.

Elle a rappelé que la politique de la ville ne se limite pas aux seuls crédits gérés par ce ministère puisqu'il s'agit d'une action interministérielle à l'intersection des politiques du logement, de la sécurité, de la justice, de l'éducation et des politiques sociales de l'Etat, mais également liée à la politique économique et à la politique de l'emploi. Elle a souligné que, si l'Etat devait garder un rôle fédérateur, les partenariats avec les collectivités locales et les associations, la Caisse des dépôts et consignations et les grands services publics, pour parvenir à des actions concrètes et efficaces, devaient être poursuivis.

Elle a constaté que le bilan du précédent gouvernement était en demi-teinte car la prise de conscience de la nécessité d'agir avait été tardive et que la politique mise en œuvre avait été fort coûteuse sans faire preuve de son efficacité. Elle a déploré la complexité des mécanismes en cause et a cité pour exemple la ville de Mulhouse où de nombreux acteurs locaux ont renoncé à comprendre les objectifs poursuivis, y compris dans la mise en œuvre du contrat local de sécurité.

Elle a rappelé que la politique de la ville était un élément essentiel du renforcement de la cohésion nationale et de la politique d'aménagement du territoire et souligné la pertinence du diagnostic posé par M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine mais elle a toutefois souhaité l'interroger sur certains points :

- dans les procédures actuelles de rénovation de l'habitat dans le cadre des grands projets de ville, la prise en compte de la qualité du cadre de vie est-elle suffisante ? Dans le même ordre d'idée, intègre-t-on suffisamment la qualité environnementale dans ces opérations d'urbanisme ?

- Par ailleurs, compte tenu du manque de lisibilité des différentes procédures qui se superposent, n'y a-t-il pas lieu de clarifier et de réduire le nombre de procédures ou mécanismes d'aides et d'identifier clairement les rôles respectifs de l'Etat, des collectivités locales, des bailleurs sociaux et des associations ?

Abordant la question de la loi d'orientation sur le logement social, elle s'est félicitée que le ministre ait pu préciser aux commissaires les marges de manœuvre budgétaires qui seraient dégagées. Elle s'est déclarée rassurée par les explications du ministre sur la diminution des crédits du fonds de revitalisation économique (FRE).

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, intervenant au nom du groupe socialiste, après avoir souligné qu'il ne souhaitait pas intenter un procès d'intention à l'encontre du ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine, a déploré la faiblesse des moyens financiers mis en œuvre dans le projet de budget 2003. Rappelant que les crédits consacrés à la Ville avaient triplé ces quatre dernières années, il a jugé que l'effort financier du PLF n'était pas à la hauteur des ambitions affichées puisque le budget de la Ville connaîtra une stagnation.

Il a émis la crainte que cette stagnation ne conduise à remettre en cause les actions engagées par le précédent gouvernement, dont la montée en charge des procédures contractuelles impliquant un certain nombre d'études et de réunions préalables. Il a estimé qu'il s'agissait d'un budget en trompe-l'œil marqué par la baisse des subventions de fonctionnement alloués au Fonds d'intervention pour la ville (FIV), pourtant au cœur du dispositif des contrats de ville (- 34 millions d'euros), et par celles des subventions de fonctionnement du Fonds de revitalisation économique (FRE) (- 17 millions d'euros) dont les subventions d'investissement étaient par ailleurs supprimées.

Il a aussi regretté que la politique de la ville soit centrée uniquement sur les opérations de rénovation urbaine alors que les objectifs doivent être plus larges et concerner notamment des actions dynamiques en faveur de l'intégration et de la lutte contre le chômage. Il a ainsi déploré que les contrats d'aide à l'emploi tels que les contrats emploi-solidarité (CES), les contrats emploi-consolidé (CEC), les dispositifs « emploi-jeune » et le recours aux « adultes-relais » ne figurent plus parmi les priorités de ce ministère alors que leur rôle est fondamental en matière de prévention et de maintien du lien social.

Abordant la question de la loi d'orientation sur les logements sociaux, il a tout d'abord relevé que les déclarations volontaristes du ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine contrastaient avec celles de M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, qui semblent beaucoup plus prudentes.

Tout en admettant que la mise en œuvre d'un « guichet unique » pour financer la réhabilitation du logement social pouvait paraître opportune, il a souligné que M. Jean-Louis Borloo n'avait pas précisé quel serait l'engagement financier de l'Etat, alors qu'il paraît improbable que les autres partenaires, tels que les bailleurs sociaux, soient en mesure de financer sur leurs fonds propres les travaux de réhabilitation, voire de reconstruction, du parc social, les habitants de ces quartiers ne pouvant à l'évidence supporter des augmentations de loyer pour financer ces programmes de rénovation.

M. Jean-Marc Nudant a fait remarquer qu'il ne partageait pas le pessimisme de M. Jean-Yves Le Bouillonnec et qu'il appuyait totalement le recentrage de la politique de la ville évoqué par le ministre. Il a néanmoins tenu à demander au ministre si les engagements pris par le précédent gouvernement en matière d'opération de renouvellement urbain (ORU), de contrat de ville et de contrat éducatif local (CEL) seraient tenus. Il s'est également interrogé sur les risques de « sur-consommation » des crédits et donc d'une rupture des financements, si, du fait de cette simplification des procédures, un plus grand nombre de demandes étaient examinées et acceptées.

M. Jean-Pierre Grand a souhaité aborder la question des quartiers non éligibles à la politique de la ville mais en voie de dégradation, notamment en raison de l'existence d'un parc privé très vétuste, occupé par des personnes à revenus modestes. Il a déploré que la loi solidarité et renouvellement urbains ne permette pas d'imputer les dépenses liées à la réhabilitation de ce parc privé dégradé sur le quota de logements sociaux à respecter, ce qui conduit à des aberrations, puisque les communes concernées paient la pénalité imposée par l'article 55 de cette loi. Il s'est interrogé sur la possibilité pour les sociétés d'HLM de racheter ces logements dégradés afin de procéder à leur rénovation.

Il a conclu en demandant à M. Jean-Louis Borloo si des maires pouvaient saisir directement son cabinet pour étudier plus rapidement la faisabilité d'opérations de rénovation urbaine sans passer par de multiples intermédiaires.

M. Jean-Charles Taugourdeau, après avoir assuré le ministre de son soutien, a observé que le milieu rural était souvent confronté aux mêmes difficultés que les villes, tant la mobilité de la délinquance était forte. Il a rappelé que ses problèmes existaient, même dans des logements en bon état et que, par ailleurs, certains propriétaires louaient encore aujourd'hui des logements insalubres, sans que la DDASS intervienne. Il s'est interrogé sur la possibilité de réquisitionner ces logements, afin d'y réaliser des travaux, et de les rendre à leurs propriétaires, incapables de les réaliser eux-mêmes, lorsque le coût des travaux serait amorti.

M. Georges Mothron, s'appuyant sur sa propre expérience dans le secteur privé, a estimé difficile de garantir une gestion économe des deniers publics en s'appuyant sur des offices HLM intercommunaux qui gèrent simultanément jusqu'à 12 000 logements. Il a estimé qu'une réforme de ces organismes était aujourd'hui nécessaire, leur gestion par des personnels de la fonction publique ne permettant pas d'utiliser efficacement les possibilités du marché du travail, et notamment d'embaucher des personnels contractuels.

Se basant sur l'exemple d'Argenteuil, où un grand projet de ville (GPV) a succédé au grand projet urbain (GPU) alors que les crédits globaux diminuaient dans le temps, il a dénoncé un dispositif « machine à gaz », qui n'a commencé à donner des résultats qu'après 8 ou 9 ans. Il a souligné qu'une gestion directe de ces questions par les maires lui paraissait nettement plus efficace.

M. David Habib, tout en souscrivant aux objectifs annoncés par le ministre, a dénoncé la remise en cause par le Gouvernement des dispositifs d'occupation et d'insertion professionnelle des jeunes, tels que les emplois-jeunes, qui risque d'aboutir à une augmentation des demandes de ce public aux collectivités locales, et particulièrement aux communes.

Il a en outre estimé que la diminution des crédits inscrits au titre IV du budget risquait d'accroître les charges pesant sur les collectivités locales de premier rang et demandé au ministre de réfléchir à un partenariat plus équilibré entre les communes et l'Etat.

En tant que maire d'une commune des Pyrénées-Atlantiques dotée de 67 % de logements sociaux, cas atypique dans ce département, il a par ailleurs insisté sur la nécessité de la mixité sociale, amorcée par la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains. Il a jugé qu'une remise en cause des quotas de logements sociaux conduirait à concentrer des populations en déshérence dans quelques enclaves.

Il a enfin appelé le Gouvernement à limiter les évolutions erratiques de la dotation de solidarité urbaine (DSU), qui baisse dans sa commune alors même que le nombre de logements sociaux est stable. Il a rappelé que les communes avaient besoin d'une vision plus stable à moyen terme, notamment dans le cadre du financement des programmes.

Il a demandé au ministre s'il était possible d'examiner plus avant le cas particulier et aujourd'hui problématique de Sarcelles et Mourenx, villes soumises à un régime particulier, dans le cadre d'un partenariat spécifique avec la Caisse des Dépôts et Consignations et la Société centrale immobilière de cette caisse (SCIC).

M. Antoine Herth a souhaité obtenir des précisions sur la possibilité de créer une police municipale intercommunale dans le cadre des contrats de ville. Il s'est par ailleurs interrogé sur la position du ministre concernant le financement des postes de gardiens d'immeubles. Enfin, il a demandé au ministre quel avenir serait réservé aux cellules de veille éducative, nouvellement créées et placées sous la responsabilité des maires.

En réponse aux intervenants, le ministre a apporté les précisions suivantes :

- l'accession à la propriété doit être évidemment fortement encouragée ; des réformes sont cependant nécessaires, notamment en matière de rémunération des dirigeants des offices, qui est aujourd'hui liée à la taille du parc. Par ailleurs, l'accession à la propriété ne peut se faire concrètement que dans le secteur du logement individuel ou du collectif résidentialisé (petites copropriétés), dans des quartiers qui ne relèvent pas de la politique de la ville, afin d'éviter de recréer de nouvelles copropriétés dégradées ;

- le souci de « faire du beau » en matière d'urbanisme est tout à fait légitime. Il faut par ailleurs rappeler que les villes se sont construites au fil des siècles, et observer que, partout où l'on a construit des villes pour ceux qui y vivent, les mamans par exemple, et non des lots d'habitation « pour salariés » absents toute la journée, les problèmes ont été beaucoup moins aigus. L'échec scolaire baisse dans ces quartiers de vie, et non plus uniquement d'habitation, et la mixité sociale se fait naturellement ;

- les moyens alloués au ministère de la ville ne devraient pas faire l'objet de polémique partisane ; ce budget permettra en effet de récupérer 700 millions d'euros pris par le budget de l'Etat sur la rénovation urbaine. Ces moyens financiers sont plus importants que ceux dont disposait le Gouvernement précédent et le ministère de la ville a un poids accru au sein du Gouvernement, les résultats du premier tour des présidentielles ayant en effet permis une prise de conscience de la priorité que la République devait accorder à ces questions ;

- concernant la faiblesse des fonds propres des organismes HLM, les aides et exonérations de l'Etat sont les mêmes pour tous ces organismes, qu'ils gèrent un parc dégradé ou florissant, qu'ils disposent de fonds propres ou non. Des regroupements sont donc nécessaires et indispensables, ce qui suppose de dépasser les féodalités locales ;

- la gestion des ressources humaines dans les offices soulève des problèmes qu'il faudra traiter rapidement ;

- les engagements contractuels pris par le Gouvernement précédent seront honorés ;

- le principe du « guichet unique » répond à la nécessité de financer rapidement des projets, quelle que soit leur localisation, à partir du moment où la volonté politique existe. Dans ce cadre, l'action du Gouvernement vise à simplifier et à accroître la transparence des procédures, dans le respect des principes posés. Cela permettra de gérer les situations qui, sans être encore dramatiques, risquent de dégénérer, et, donc, de limiter le coût des opérations à réaliser ;

- une réflexion va être engagée sur les GPV et les GIP, afin qu'ils répondent enfin aux objectifs qui les ont fondés, et ne soient plus détournés ;

- l'ANAH étudie actuellement le dispositif des baux à réhabilitation et un recensement s'opère dans les territoires ruraux ;

- le Gouvernement est favorable à des contrats de ville incluant des polices municipales intercommunales ; la question des gardiens d'immeuble relève quant à elle du droit commun, et donc de la responsabilité des organismes HLM ;

- les cellules de veille éducative sont opérationnelles.

Répondant aux questions concernant les emplois jeunes, M. Jean-Louis Borloo a tenu à conclure en indiquant qu'il existait une véritable déperdition d'énergie dans l'action des travailleurs sociaux ; ceux-ci s'inscrivent dans des stratégies multiples et relèvent de divers organismes et de statuts différents et précaires, alors qu'ils exercent des métiers essentiels et témoignent d'un grand professionnalisme. Il a précisé que le Gouvernement envisageait de regrouper ces efforts, en s'inspirant de la logique du « guichet unique » à laquelle il a recours en matière de rénovation urbaine. Le Gouvernement a une volonté forte, dans la « guerre de l'humain » actuelle, de sortir de la précarité : il est donc nécessaire de préciser clairement les objectifs, le chef et les moyens de cette lutte, même si cela peut susciter un certain nombre de tensions.

Le président Patrick Ollier, a indiqué qu'il avait pris note avec intérêt des efforts décrits pour essayer de rationaliser l'utilisation des crédits, et a remercié le ministre pour le courage dont il avait fait preuve au cours de son intervention. Il a constaté qu'un certain consensus se dégageait autour des objectifs, même si les moyens utilisés pour les atteindre pouvaient encore donner lieu à débat.

·

· ·

La commission a ensuite examiné les crédits de la ville pour 2003.

Le président Patrick Ollier a donné la parole à M. Philippe Pemezec pour qu'il présente son avis sur le budget de la ville et de la rénovation urbaine.

M. Philippe Pemezec a noté que ce budget portait la marque d'une ambition très forte, et qu'il bénéficiait de moyens financiers importants ; qu'il visait des objectifs qu'il convenait d'approuver, notamment la simplification des procédures d'accès aux aides à travers la mise en place d'un guichet unique ; qu'il participait d'une vision moins dogmatique et idéologique que celle mise en œuvre sous le gouvernement précédent. En conséquence, il a appelé à émettre un avis favorable à l'adoption des crédits.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec a expliqué que le groupe socialiste voterait contre ce projet de budget, parce qu'il rompait avec la démarche initiée jusqu'alors, cela se traduisant notamment par une réduction de 34 millions d'euros des subventions de fonctionnement du Fonds d'intervention pour la Ville ; il a estimé que ce budget négligeait, au niveau des moyens mobilisés, ce qui devait être le deuxième objectif de la politique de la ville, à côté de la rénovation urbaine : les habitants.

M. Philippe Pemezec s'est dit surpris de cette réaction, eu égard à l'accord général qui s'était manifesté autour des objectifs.

Conformément aux conclusions de M. Philippe Pemezec, rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la ville pour 2003.

--____--

Information relative à la Commission

La commission a procédé à la modification de la composition de deux organismes extraparlementaires :

- Conférence permanente « Habitat-construction-développement durable » : M. Georges Mothron (titulaire) et M. Jacques Desallangre (suppléant) ;

- Conseil d'orientation de l'Observatoire nationale sur les effets du réchauffement climatique : M. Jean-Louis Christ (titulaire) et M. Philippe Tourtelier (suppléant).

--____--


© Assemblée nationale