COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES,
DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 11

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 6 novembre 2002
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Patrick Ollier, Président,

SOMMAIRE

 

pages

- Examen pour avis des crédits pour 2003 :

 

- Commerce extérieur (M. Jean Gaubert, rapporteur)

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- Saisine de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

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- Informations relatives à la commission

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La commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire a examiné les crédits du commerce extérieur pour 2003.

Après avoir observé que de nombreux organismes publics financés sur les budgets de plusieurs ministère contribuaient au soutien public au commerce extérieur, M. Jean Gaubert, rapporteur pour avis des crédits du commerce extérieur pour 2003, a néanmoins souligné la disparité existant entre l'importance économique de l'activité exportatrice, à laquelle sont liés cinq millions d'emplois représentant 22 % de la population active, et la faiblesse des crédits du ministère du commerce extérieur qui s'élèvent à moins de 0,17 % des dépenses de l'Etat.

Il a jugé cette situation particulièrement regrettable au vu de la très forte efficacité de la dépense publique en ce domaine dont témoignent les nombreux exemples d'entreprises petites ou moyennes devenues exportatrices grâce à des aides publiques très modestes qui leur ont permis de prendre conscience des possibilités offertes par l'export.

Il a donc estimé nécessaire que l'Etat joue pleinement son rôle et organise de manière volontariste l'insertion internationale de l'économie française en rappelant que, de ce point de vue, la précédente législature avait permis des avancées importantes.

Il a ainsi rappelé qu'en quelques années, les services du commerce extérieur avaient été profondément modernisés et que la qualité du service rendu à leurs usagers avait été très sensiblement améliorée, comme l'ont souligné l'ensemble des professionnels interrogés et comme l'atteste la certification des prestations d'appui au développement international des entreprises françaises selon le référentiel ISO 9001, intervenue pour l'ensemble du réseau extérieur à l'été 2002.

Le rapporteur pour avis a donc rendu solennellement hommage à l'action de M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, qui a conduit cette modernisation avec compétence et énergie, ainsi qu'à celle de l'ensemble des personnels concernés.

Puis, il a regretté que le même volontarisme ne se retrouve pas aujourd'hui dans l'action des pouvoirs publics en notant que le dynamisme et l'engagement personnel de M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur, ne compensait pas le fait que son secteur de compétence ne figure manifestement pas parmi les priorités de la nouvelle majorité.

Il a, en effet, rappelé que le projet de loi de finances pour 2003 marquait, en dépenses ordinaires et crédits de paiement, un recul de près de 3 % des moyens alloués au commerce extérieur par rapport à la loi de finances pour 2002 alors que ces crédits progressaient, l'année dernière, à périmètre constant de 7,2 % et que la progression des dépenses ordinaires et des autorisations de programme, qui est de 2,6 %, était très sensiblement ralentie par rapport à la loi de finances pour 2002, qui prévoyait leur augmentation de 6,7 %.

Il a ajouté que des organismes, dont l'action est importante en matière de commerce extérieur mais qui sont financés par d'autres budgets que celui du ministère du commerce extérieur, voyaient également leurs moyens reculer très sensiblement.

Après avoir précisé qu'il avait choisi d'étudier, cette année, de manière plus approfondie les exportations de produits agro-alimentaires, M. Jean Gaubert a attiré l'attention sur les signes de fragilité très inquiétants se multipliant dans ce secteur.

Il a ainsi rappelé que la filière céréalière était confrontée à la vive concurrence des blés de la Mer noire, que les filières viandes continuaient de payer le prix des crises sanitaires qu'a connues notre pays, et que la filière vitivinicole, qui assure l'essentiel de notre excédent commercial en matière agro-alimentaire, subissait, sur les marchés étrangers, la concurrence des vins du Nouveau monde, dont les producteurs allouent au marketing et à la communication des ressources considérables.

Le rapporteur pour avis a donc estimé que les performances à l'export de notre secteur agro-alimentaire étaient menacées de toutes parts et que cette situation appelait une mobilisation des pouvoirs publics, seuls à même de pallier l'émiettement de nos exportateurs dans de nombreuses filières et tout particulièrement dans la filière vinicole.

Puis, il a fermement réaffirmé la légitimité de l'action publique dans ce domaine en estimant que son affaiblissement dans le secteur agricole aurait pour seule conséquence de conduire, dans les pays en voie de développement, à une hégémonie complète des exportations américaines puisque, alors que l'Europe s'interroge sur l'avenir de la politique agricole commune, les Etats-Unis renforcent résolument leur soutien public à l'agriculture.

Il a en effet rappelé que les exportations agro-alimentaires françaises étaient rarement en concurrence avec les productions des pays en développement compte tenu de notre spécialisation dans des filières, comme les vins et spiritueux ou les viandes, qui y sont marginales. Il a, en outre, précisé que notre premier client hors de l'Union européenne était les Etats-Unis et que notre premier fournisseur hors de l'Union européenne était le Brésil, dont nous importons du soja car il y est produit sans organismes génétiquement modifiés.

Au regard de la nécessité du renforcement du soutien public à l'export agro-alimentaire, il a jugé particulièrement regrettable que les subventions des offices nationaux interprofessionnels, qui sont des acteurs importants dans ce domaine, reculent de 15 % dans le projet de budget du ministère de l'agriculture pour 2003. Il a également regretté que la subvention allouée à la société pour l'expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires (Sopexa), qui assure la promotion de nos produits agro-alimentaires, stagne alors que cet organisme sera frappé par la réduction inéluctable des dépenses de promotion et de communication des offices agricoles qui sont ses clients.

Il a donc appelé tous les membres de la commission, et tout particulièrement les commissaires de la majorité, à se mobiliser et à intervenir auprès du Gouvernement pour obtenir une relance du soutien public à l'export agro-alimentaire en soulignant que les moyens nécessaires étaient, en outre, modiques puisque quelques millions d'euros supplémentaires peuvent véritablement faire une différence.

Compte tenu de cette évolution des crédits du ministère du commerce extérieur comme de ceux d'autres organismes intervenant dans le secteur, d'une part, et des incertitudes entourant la renégociation imminente du contrat d'objectifs pluriannuel de la direction des relations économiques extérieures qui déterminera les moyens de celle-ci, d'autre part, M. Jean Gaubert a estimé ne pas pouvoir, en l'état, appeler à adopter les crédits du commerce extérieur pour 2003.

Intervenant au nom du groupe UMP, M. Antoine Herth a déclaré souscrire à certaines des analyses du rapporteur pour avis. Après avoir souligné l'importance des exportations agro-alimentaires dans notre solde commercial, il a estimé que la concurrence croissante de producteurs étrangers fragilisait nos exportations en prenant l'exemple des céréales pour lesquelles de nouveaux concurrents, situés autour de la Mer noire, s'ajoutaient désormais aux concurrents traditionnels nord-américains ou membres du groupe de Cairns.

Il a jugé que cette situation appelait une réaction européenne mais également nationale impliquant une remise à plat de nos politiques. Il a, par exemple, estimé que l'orientation de la politique agricole commune, dans le secteur des céréales, vers la baisse des prix pour permettre la reconquête du marché de l'alimentation animale avait permis d'obtenir des succès mais qu'elle devait aujourd'hui être revue.

Evoquant ensuite les exportations vitivinicoles, il a souhaité que la défense de le notion d'appellation d'origine contrôlée, contestée par certains de nos concurrents et qui concerne également le secteur fromager, figure parmi les priorités des ministres du commerce extérieur et de l'agriculture en soulignant l'importance des normes de toute nature dans les échanges internationaux.

Puis, il a rappelé que les subventions allouées par le ministère de l'agriculture aux offices nationaux interprofessionnels ne constituaient qu'une faible partie des moyens de ces organismes. Il a également indiqué que si la subvention de la Sopexa ne progressait pas, le président de cette société, récemment rencontré par une délégation de la commission conduite par son président, n'était pas inquiet de l'évolution de ses moyens mais proposait de développer une action plus forte de promotion de l'ensemble des produits agroalimentaires français avec la création d'un label « La belle France ». En matière de promotion, M. Antoine Herth a d'ailleurs jugé souhaitable de dépenser mieux plutôt que de dépenser plus, par exemple en marquant des priorités plus nettes, notamment sur les marchés émergents, pour éviter le saupoudrage des moyens.

Puis, après avoir rappelé que les exportations agroalimentaires ne constituaient qu'une partie de nos exportations, qui comprennent, par exemple, également des produits technologiques comme les Airbus, il a indiqué que le groupe UMP voterait les crédits du commerce extérieur pour 2003.

M. François Brottes, s'exprimant au nom du groupe socialiste, a annoncé que celui-ci était défavorable à l'adoption des crédits du commerce extérieur. Tout en soulignant qu'il n'avait pas pour intention de donner des leçons, il a estimé que désormais, il faudrait soit supprimer, soit muscler le secrétariat d'Etat au commerce extérieur, constat que, selon lui, on pouvait d'ailleurs déjà dresser lors de la précédente législature.

Puis, il a regretté que les institutions françaises n'aient pas su s'adapter aux évolutions du monde, marquées par l'élargissement de l'Union européenne, la place croissante de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et une vulgarisation de notre savoir faire, ce dont témoigne l'exemple des vins du Nouveau monde. Il a estimé indispensable de « se réveiller », en renforçant la coordination des actions engagées sur les marchés extérieurs ; il a également souhaité que l'action du ministère du commerce extérieur bénéficie de moyens suffisants pour qu'elle ne se limite pas à de simples relations publiques, relevant parfois plus du champ diplomatique que de la prospection économique.

Par ailleurs, il a déploré, au vu des attentes fortes des petites et moyennes entreprises (PME) dans ce domaine qu'il avait eues l'occasion de constater dans sa circonscription, que davantage ne soit pas fait pour leur montrer le chemin de l'exportation et les aider dans cette démarche. Il a estimé que ni les services déconcentrés du ministère du commerce extérieur, insuffisamment implantés sur le territoire, ni les chambres de commerce et d'industrie ne remplissaient cette mission.

Soulignant que l'heure était grave, il a appelé les commissaires de la majorité à faire jouer un « droit d'alerte » en choisissant une abstention positive lors du vote des crédits du commerce extérieur, afin de signaler au Gouvernement la nécessité de muscler le ministère en charge de ce secteur. Après avoir indiqué qu'il partageait l'analyse de M. Antoine Herth sur l'importance des normes en matière de relations commerciales internationales et avoir souligné la faiblesse des moyens alloués par la France pour peser sur leur élaboration, il a estimé nécessaire le renforcement des moyens humains et financiers du ministère du commerce extérieur, faute de quoi la France se ferait « tailler des croupières » sur les marchés étrangers en raison de sa passivité.

Après avoir indiqué qu'il était favorable à l'adoption des crédits du commerce extérieur, M. Serge Poignant a émis le souhait que ces derniers soient mieux utilisés ; en effet, a-t-il estimé, l'attention doit porter, au-delà du volume budgétaire, sur la rapidité et l'efficacité des procédures de financement. Il a exprimé l'espoir que la prochaine étape de la décentralisation permette de réelles avancées sur cette question et a insisté sur la nécessité d'utiliser la totalité des crédits disponibles. Par ailleurs, s'associant aux propos de M. François Brottes concernant la mondialisation et l'élargissement de l'Europe, il a déploré que la France ne mette pas suffisamment l'accent sur la communication afin de promouvoir ses produits à l'extérieur et a cité à ce propos l'exemple de l'agriculture.

Puis, M. Jacques Bobe a estimé que dans le domaine de l'agroalimentaire et dans certaines activités industrielles, hier performantes mais aujourd'hui moins bien placées dans la concurrence internationale, des efforts restaient à faire et devaient être mieux ciblés, tant d'un point de vue géographique que sectoriel.

Abordant plus particulièrement le domaine agroalimentaire et après avoir rappelé qu'il était député de Cognac, il a indiqué que l'excédent de la balance commerciale dans ce secteur était de l'ordre de 7 milliards d'euros et qu'une part importante de cet excédent résultait des performances du secteur des vins et spiritueux, les exportations de Cognac assurant à elles seules un excédent commercial de l'ordre de 2 milliards d'euros. Puis, il a estimé qu'il convenait d'attacher à la promotion de ces produits une importance toute particulière, notamment en direction des pays candidats à l'élargissement de l'Union européenne. Il s'est par ailleurs inquiété de la concurrence exercée par les pays émergents dans le domaine vinicole et des pertes de parts de marché pour la France qui pourraient en résulter. Notant qu'il convenait d'entretenir de bonnes relations avec les entreprises pour les aider à conquérir les marchés extérieurs et jugeant qu'il était préférable de mieux cibler les aides plutôt que d'accroître le volume global des crédits du commerce extérieur, il a indiqué qu'il voterait en faveur de l'adoption du budget du commerce extérieur et a émis l'espoir que celui-ci serait utilisé de façon optimale.

M. Gérard Voisin a indiqué qu'il voterait le budget du commerce extérieur pour 2003 et estimé qu'il fallait laisser du temps au Gouvernement pour prendre la mesure des problèmes posés. Il a souligné que la volonté et la culture d'exportation semblaient moins fortes en France que dans les pays voisins et insisté sur la nécessité de développer dès lors la formation, notamment des jeunes pour développer un « savoir-faire » à l'international qui fait gravement défaut aujourd'hui. Il a jugé révélateur l'exemple du secteur de la viticulture qui montre que nous savons produire mais que nous sommes moins efficaces que les Italiens ou les Australiens pour promouvoir nos produits et les vendre à l'étranger.

M. François Dosé s'est interrogé sur l'efficacité de nos services diplomatiques en matière de commerce extérieur. Estimant qu'ils font preuve d'une culture d'exportation tout à fait insuffisante, il a regretté qu'ils ne constituent pas dès lors le levier de promotion des échanges internationaux que l'on pourrait souhaiter.

M. Jean-Marie Binetruy a souligné l'incidence, notamment dans le secteur industriel, du coût du travail sur la compétitivité de la France. Donnant l'exemple de l'horlogerie, il a fait valoir que notre pays avait été pénalisé sur les marchés extérieurs par l'institution de la semaine de 35 heures. Il a souhaité enfin qu'il soit procédé à un effort de baisse du coût du travail par le biais d'une diminution des charges.

M. Patrick Ollier, président, a souligné la qualité et la richesse du débat engagé entre les membres de la commission. Jugeant qu'un bon budget n'est pas nécessairement un budget en augmentation, il a insisté sur les orientations positives et les choix qui sont contenus dans le projet de loi de finances pour 2003, qui doit être rapproché du souci gouvernemental de réduire les dépenses publiques. Le président a donc déclaré ne pas souscrire aux conclusions du rapporteur puis il a émis le souhait que la commission puisse entendre dans l'avenir des personnalités en charge des questions de commerce extérieur. Enfin, il a estimé que la diplomatie française s'impliquait sans doute insuffisamment, à la différence de celle des Etats-Unis, dans le développement de notre commerce extérieur.

En réponse aux différents intervenants, M. Jean Gaubert, rapporteur pour avis des crédits du commerce extérieur pour 2003, a apporté les précisions suivantes :

- faute de pouvoir évoquer exhaustivement l'ensemble des secteurs du commerce extérieur, le rapport étudie plus précisément les exportations agroalimentaires qui suscitent de nombreuses interrogations et pour lesquelles la légitimité du soutien public est parfois contestée ;

- le mécanisme de formation des prix des céréales, qui répond à l'objectif légitime de garantir le revenu des producteurs, a des effets pervers en matière de commerce extérieur. Le système des majorations mensuelles, qui conduit à l'augmentation du prix au fil de la campagne, conduit en effet les céréaliers français à retarder la vente de leur production. Par voie de conséquence, les acheteurs doivent se tourner vers les importations pour satisfaire leurs besoins et, en fin de campagne, il est nécessaire d'exporter la production stockée jusqu'alors ;

- en matière vinicole, le système des appellations d'origine contrôlée, qui fait la force de notre filière sur le marché national, constitue, à certains égards, une faiblesse sur les nouveaux marchés étrangers. En effet, il ne permet pas toujours de satisfaire les consommateurs désireux de pouvoir acquérir des produits homogènes qui leur sont aujourd'hui vendus par des producteurs étrangers. L'exemple des fromages est d'ailleurs éclairant puisque les entreprises françaises du secteur, comme Bongrain, ont connu un grand succès à l'export avec des produits homogènes qui, souvent, ne bénéficient pas d'une appellation d'origine contrôlée ;

- les aides publiques apportées par nos concurrents à leurs exportateurs agroalimentaires sont souvent très importantes comme l'atteste le soutien accordé par l'Etat de Californie aux actions de promotion en faveur de ses vins, y compris lorsqu'elles sont conduites par de grandes entreprises comme Gallo ;

- le budget des offices est effectivement très supérieur à la subvention qui leur est versée par le ministère de l'agriculture mais le reste de leurs crédits correspond à des dotations européennes affectées au paiement d'actions de la politique agricole commune pour lesquelles les offices ne disposent d'aucune marge de manœuvre ;

- contrairement à certaines idées reçues, l'efficacité des missions économiques, saluée par de nombreux professionnels, est remarquable. Il reste néanmoins, en effet, beaucoup à faire pour améliorer les liens les unissant aux services diplomatiques.

Puis, contrairement aux conclusions de M. Jean Gaubert, rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du commerce extérieur pour 2003.

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La commission, sur proposition de son bureau, a décidé de saisir l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques d'une étude sur la durée de vie des centrales nucléaires et les nouveaux types de réacteurs.

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Informations relatives à la commission

La commission a décidé, sur proposition de son bureau, de créer une mission d'information de quinze membres sur les activités agricoles et la protection de l'environnement et de confier à M. Serge Poignant un rapport d'information sur la politique de soutien au développement des énergies renouvelables.

La commission a ensuite désigné M. François-Michel Gonnot rapporteur sur le projet de loi (n° 326), adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, relatif aux marchés énergétiques et au service public de l'énergie.


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