COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES,
DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 26

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 13 février 2003
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Patrick Ollier, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de Mme Roselyne Bachelot, ministre de l'écologie et du développement durable, sur le projet de loi relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages (n° 606)



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- Information relative à la commission

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La Commission a entendu Mme Roselyne Bachelot, ministre de l'écologie et du développement durable, sur le projet de loi relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages (n° 606).

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable, a tout d'abord rappelé que le projet de loi soumis aux commissaires avait été adopté en première lecture par le Sénat dans un cadre consensuel, le seul groupe politique réservé à son propos s'étant abstenu. Elle a estimé qu'il répondait à une préoccupation largement partagée, consistant à œuvrer pour mieux garantir la sécurité des citoyens, non seulement dans le domaine du maintien de l'ordre mais également dans celui de la sécurité sous d'autres formes, en particulier la sécurité industrielle, la sécurité naturelle, la sécurité nucléaire ou encore la sécurité sanitaire.

Elle a précisé que le projet de loi soumis à la Commission concernait la sécurité industrielle et la sécurité naturelle, la question du nucléaire devant être abordée au cours des prochains mois par le biais d'un projet spécifique.

Soulignant que les dispositions du projet de loi pouvaient être reliées à des événements marquants ayant souvent conduit à mettre en cause la santé et la vie des personnes, elle a rappelé que le titre Ier du projet, traitant des risques industriels, tirait les enseignements de la catastrophe survenue à Toulouse le 21 septembre 2001, tandis que le titre II trouvait son origine dans l'analyse des catastrophes naturelles survenues ces dernières années, en particulier les inondations torrentielles de 1999 dans l'Aude et celles qui ont frappé le Gard, l'Hérault et le Vaucluse en 2002. Enfin, elle a ajouté que des dispositions spécifiques aux sols pollués avaient été adjointes sur proposition du Gouvernement lors de l'examen du texte au Sénat, à la suite de la polémique provoquée par « l'affaire Metaleurop ».

La ministre a toutefois jugé que ce texte, bien qu'inspiré par une actualité malheureuse et même dramatique, ne constituait pas pour autant une réaction émotionnelle mais se fondait bien davantage sur des retours d'expériences formalisés et réfléchis. Elle a précisé que les sources d'inspiration du texte gouvernemental provenaient de divers rapports d'expertise, issus notamment des travaux des inspections générales des ministères et surtout de l'Assemblée nationale. Elle a ainsi rappelé l'importance du rapport de la commission d'enquête sur la sûreté des installations industrielles menée par MM. François Loos et Jean-Yves Le Déaut, ainsi que celle du rapport de la commission d'enquête relative aux inondations présidée par M. Robert Galley. Elle a par ailleurs souligné l'apport de la proposition de loi de MM. Philippe Douste-Blazy et Jean Diébold tendant à garantir l'indemnisation des victimes et accélérer les procédures relatives aux marchés publics en cas de catastrophe industrielle, dont plusieurs articles ont été repris dans le projet de loi.

Elle a par ailleurs indiqué que le projet de loi soumis à la Commission, tout en ayant été élaboré à partir du projet de loi déposé à la fin de la précédente législature, avait été mûrement pesé et profondément remodelé, avec l'objectif de concilier ambition et réalisme. Elle a donc souhaité, sans rentrer dans le détail de chacun des 51 articles du texte issus du Sénat, apporter quelques éclairages permettant de comprendre l'architecture du texte et sa cohérence d'ensemble.

Après avoir jugé qu'un texte législatif n'avait d'intérêt que s'il donnait des instruments à une volonté politique, elle a précisé que le projet de loi confortait les mesures techniques, méthodologiques et financières arrêtées dès sa prise de fonction tant dans le domaine des risques industriels que des risques naturels.

Concernant les risques industriels, elle a rappelé que des actions très diverses étaient engagées, telles que l'harmonisation au plan national des méthodes d'évaluation utilisées par les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE), afin que la cohérence territoriale soit maintenue comme l'avaient demandé plusieurs députés lors de sa précédente audition par la Commission, la publication sur Internet des arrêtés d'autorisation et des rapports d'inspection, ou encore le renforcement des effectifs de l'inspection des installations classées décidé par le Premier ministre. Elle a ajouté qu'une action d'envergure consistant à élaborer des plans de réduction des dangers dans chaque établissement « Seveso » allait bientôt aboutir, à travers la remise à jour des études de dangers imposée par la directive n° 96/82/CE du Conseil du 9 décembre 1996 concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses, dite « Seveso 2 ».

Concernant les risques naturels, elle a précisé que la loi renforçait la portée du plan de prévention des inondations, présenté en septembre 2002, qui comporte deux volets distincts. Elle a ainsi rappelé que ce plan prévoyait, d'une part, le financement à hauteur de 130 millions d'euros des initiatives locales tendant à réguler les débits en amont des bassins versants et, d'autre part, la réforme du système de prévention des crues, consistant à reformuler les missions des services de prévention des crues, pour accroître leur connaissance des caractéristiques des bassins versants, et à les regrouper, pour obtenir des unités mieux dotées en agents capables de se spécialiser.

La ministre a ensuite fait observer que le projet de loi visait prioritairement à traiter les problèmes à leur source.

Elle a ainsi précisé que le titre Ier était destiné à donner une place plus importante aux représentants des salariés, principales victimes des accidents mais jusqu'à présent insuffisamment associés, dans la politique de prévention des risques technologiques menée par chaque entreprise. Elle a souligné que le projet de loi incluait à cet effet un volet « social », préparé et négocié avec les partenaires sociaux par le ministre chargé du travail, visant à élargir aux risques technologiques le rôle du comité d'hygiène et de sécurité des conditions de travail (CHSCT). Elle a ajouté que ce dernier pourrait désormais faire appel à un expert en risque technologique, alerter les inspecteurs des installations classées et serait à la fois mieux associé à la procédure d'autorisation par l'Etat et consulté sur les moyens de secours à mettre en place dans l'entreprise.

Elle a indiqué que, dans le même esprit, le titre II du projet de loi donnait de nouveaux instruments à la puissance publique pour agir sur les terrains engendrant les risques et non plus seulement sur les terrains exposés aux risques, qui sont le plus souvent des zones urbanisées.

Elle a, sur ce point, souligné l'exemplarité de la concertation menée avec les principaux représentants du monde agricole pour faire mieux respecter les bonnes pratiques agricoles permettant de limiter l'érosion, notamment par la préservation des haies bocagères ou encore le labour des terres dans le sens perpendiculaire à la pente. Elle a estimé que cet objectif pouvait être atteint par la voie de la conviction et de la négociation, mais pouvait parfois requérir l'institution d'une obligation par les représentants de l'Etat, ce qui permettrait de conjuguer préservation des milieux naturels et prévention des risques.

Elle a ajouté que cinq articles concernant la pollution des sols avaient été introduits par le Gouvernement lors de l'examen du texte par le Sénat, pour prendre en compte l'impact écologique de l'activité d'une entreprise tout au long de sa vie et permettre de faire face aux cas d'insolvabilité d'entreprises cessant leur activité. Elle a précisé que serait en particulier instituée une obligation d'informer le représentant de l'Etat, lorsque la capacité financière de l'entreprise serait modifiée, et que celui-ci pourrait demander des garanties financières, telles que la caution de la maison-mère ou le blocage de sommes déposées dans un établissement bancaire.

Puis, elle a souligné que le projet de loi visait par ailleurs à développer la conscience du risque dans l'esprit des décideurs publics et des citoyens les plus exposés, la suppression complète des risques étant naturellement impossible. Elle a ainsi précisé que l'information de la population, qui doit être considérée comme co-gestionnaire du risque, serait accrue pour développer des comportements préventifs. Soulignant que la volonté de rendre plus transparente l'information sur le risque permettrait également de le rendre plus acceptable, ce qui constituerait une rupture vis-à-vis de l'illusion du « risque zéro », elle a rappelé que la catastrophe survenue à Toulouse le 21 septembre 2001 avait failli aboutir à un rejet par la population de l'industrie dans son ensemble et avait conduit à l'arrêt de la chimie du phosgène à la Société nationale des poudres et explosifs (SNPE) alors que ce site avait résisté à l'explosion.

Elle a précisé que l'information serait portée à la connaissance des personnes concernées dans de meilleures conditions et qu'ainsi l'article 30 instituait l'obligation de mentionner les risques lorsqu'une transaction était effectuée sur un immeuble dans une zone soumise à un risque technologique ou naturel. Elle a rappelé que l'expérience des grandes crues torrentielles survenues en 1999 dans l'Aude et en 2002 dans le Gard, l'Hérault et le Vaucluse avait montré qu'il était nécessaire de mieux faire connaître aux nouvelles populations s'installant en milieu rural les risques auxquelles elles pouvaient être exposées, afin de développer des comportements préventifs. Elle a ajouté que le projet prévoyait également, pour perpétuer la mémoire du risque, la pose obligatoire de repères de crues sur les édifices publics, action qui sera mise à la charge des maires et menée sur le fondement d'informations fournies par les services de l'Etat. Elle a en outre précisé que les populations des communes les plus exposées aux risques naturels devraient être informées sur ceux-ci. Elle a enfin annoncé que des comités locaux d'information et de concertation sur les risques seraient créés autour de chaque site à haut risque industriel, comme cela existe en matière nucléaire et de déchets, et disposeraient de budgets et de capacités d'expertise afin de mener une réelle concertation avec la population.

Puis, la ministre a fait observer que le projet de loi visait également à remédier aux problèmes d'urbanisme hérités du passé. Elle a annoncé que le titre I du projet prévoyait à cet effet la mise en place de plans de prévention de risques technologiques (PPRT) au voisinage des usines classées « Seveso », ces plans déterminant, en fonction du danger, les zones inconstructibles et celles dans lesquelles il est possible d'imposer certains travaux de bon sens aux riverains. Elle a ajouté que les outils de l'expropriation et du délaissement pourraient également être utilisés pour reconquérir progressivement les zones soumises à un risque important, les frais occasionnés étant partagés entre les collectivités locales, les industriels et l'Etat, et a jugé que la patience était préférable en la matière aux grands bouleversements, les réformes en cours ne donnant peut-être leurs pleins effets que dans plusieurs dizaines d'années mais devant malgré tout être menées.

Abordant le titre II du projet de loi, elle a estimé qu'il traduisait la même démarche et partait du constat que, dans de nombreuses zones inondables, telles que la Somme ou le Gard, les indemnisations versées par les assurances ne suffisent pas pour reconstruire les biens fortement endommagés ailleurs que sur leur emplacement initial. Elle a précisé que pour remédier à cette situation, le projet prévoyait de faire intervenir le Fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds « Barnier », en complément des indemnisations versées par les assureurs, pour financer l'achat, par les propriétaires des habitations ou immeubles d'exploitation de petites entreprises détruites ou endommagées à plus de 50 % de leur valeur, d'un terrain hors de la zone dangereuse.

Elle a par ailleurs annoncé que le fonds « Barnier » pourrait financer les travaux de prévention dans les habitations prévus par les plans de prévention des risques approuvés, ce qui permettrait d'améliorer l'acceptation de ces plans par la population et ainsi de sauver des vies humaines. Elle a précisé que ces travaux pouvaient consister à placer les installations électriques au-dessus du niveau des plus hautes eaux, à sceller les cuves à fioul au sol, à créer des batardeaux devant les entrées ou encore des escaliers intérieurs et des exutoires sur les toits permettant d'être hélitreuillé en cas de crue torrentielle.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable, a enfin estimé que le projet soumis à la Commission était à la fois modeste et ambitieux et privilégiait le long terme, en insistant sur la négociation et le partenariat local. Elle a ajouté que la stigmatisation de catégories professionnelles, telles que les agriculteurs en matière d'inondation ou les industriels en matière d'accidents technologiques, était évitée, ce qui permettrait d'échapper au refus de l'industrie par la population et aux nouvelles délocalisations qui ne manqueraient pas de l'accompagner. Elle a souhaité que ce projet soit l'objet de discussions vives mais néanmoins constructives, transcendant les groupes politiques, comme cela avait été le cas au Sénat, ce qui permettrait d'en améliorer encore le dispositif. Elle a précisé qu'elle resterait largement disponible et réceptive pour poursuivre ce travail en liaison avec les députés.

M. Alain Venot, rapporteur, a tout d'abord estimé qu'il n'était pas étonnant que les sénateurs, toutes tendances politiques confondues, aient largement approuvé les orientations du projet de loi, celui-ci étant en effet ambitieux. A cet égard, il s'est réjoui de la véritable rupture opérée avec l'idée, trop répandue, selon laquelle les risques majeurs seraient une fatalité dont on pourrait seulement tenter de se protéger, mais dont la prévention ne serait pas envisageable. Il s'est donc déclaré très satisfait de la politique offensive et réaliste choisie par la ministre, visant à résorber progressivement les zones exposées aux risques naturels et technologiques.

Abordant la question des risques technologiques, il a salué les innovations proposées par le projet de loi, notamment concernant l'indemnisation des riverains d'installations « Seveso » pour le préjudice résultant de l'institution de servitudes d'utilité publique à l'occasion de la création d'une installation nouvelle sur un site existant ou de la modification d'une installation existante, mais également s'agissant des mécanismes de délaissement et d'expropriation, ainsi que de l'obligation d'instituer, dans certaines zones, des plans de prévention des risques technologiques (PPRT). Il s'est également réjoui que la ministre, lors de l'élaboration du projet de loi, ait pris en compte les initiatives passées, telles que le projet de loi tendant à renforcer la maîtrise des risques technologiques, présenté par M. Yves Cochet, le rapport de M. Jean-Yves le Déaut dans le cadre de la commission d'enquête sur la sûreté des installations industrielles, ou encore la proposition de loi tendant à garantir l'indemnisation des victimes et accélérer les procédures relatives aux marchés publics en cas de catastrophe industrielle, déposée par M. Philippe Douste-Blazy. Il s'est par ailleurs réjoui de constater que le projet de loi présenté par la ministre n'était pas pour autant un texte de circonstance, élaboré dans l'émotion et dans l'urgence, et a salué l'ambition de vouloir l'inscrire dans la durée. Il s'est, par ailleurs, interrogé sur la possibilité de mettre en place un parallélisme des formes entre les titres relatifs respectivement aux risques technologiques et aux risques naturels, en tenant bien entendu compte de la nature très différente de ces deux catégories de risques.

Puis, abordant la question des risques naturels, le rapporteur s'est félicité de l'extension par le projet de l'utilisation du Fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit Fonds « Barnier », au financement de travaux de protection et de prévention, dont il a estimé qu'ils constituaient des éléments indispensables de lutte contre les risques.

Il a également salué la volonté manifestée par Mme la Ministre d'associer l'ensemble des acteurs concernés à l'élaboration de la politique de prévention des risques.

Le rapporteur a enfin fait part de pistes de réflexion afin d'améliorer certains points du texte. Concernant les risques technologiques, il a noté que la question de la sous-traitance « en cascade » n'était pas traitée ; soulignant qu'il n'envisageait pas de nier l'utilité d'une telle pratique, il a estimé qu'il convenait néanmoins d'évaluer celle-ci au regard des risques encourus. Par ailleurs, il a regretté que les sénateurs aient supprimé l'article 14 du projet de loi, qui impose aux exploitants d'installations « Seveso seuil haut » de procéder à une évaluation de la probabilité d'occurrence et du coût des dommages matériels potentiels aux tiers en cas d'accident. Sur ce point, il a estimé qu'il fallait éviter de déresponsabiliser les exploitants. Il a en outre souhaité savoir quels seraient le rôle exact et la participation financière des collectivités locales dans la mise en œuvre des mécanismes d'expropriation et de délaissement.

S'agissant des risques naturels, le rapporteur a souligné que le fonds « Barnier » devait permettre de financer 25 % des travaux de prévention. Reconnaissant que ce fonds n'était pas un « puits sans fond », il a souhaité savoir si d'autres mécanismes pourraient intervenir de manière complémentaire pour cofinancer ces travaux, afin de créer un effet de levier plus important. Enfin, il a souhaité savoir si le relèvement du seuil limitant aux entreprises de moins de 10 salariés la possibilité pour une collectivité de bénéficier d'un cofinancement du fonds « Barnier » lors de l'acquisition amiable de leurs biens lorsque ceux-ci sont sinistrés à plus de la moitié de leur valeur, était envisageable.

S'exprimant au nom du groupe UMP, M. André Flajolet a tout d'abord salué le fait que le projet de loi s'inscrive dans la volonté de rompre avec une certaine naïveté en matière de risques. Il a jugé très positif l'équilibre choisi entre la reconnaissance du fait que le « risque zéro » n'existe pas et le refus de la fatalité de l'accident. Puis, il a estimé que la conciliation opérée entre développement économique et impératifs de protection des populations traduisait une conception intelligente du développement durable qui, compte tenu de la profonde transformation de la nature par l'action de l'homme, doit allier l'éthique de conviction et l'éthique de responsabilité.

Il a ensuite noté que le projet de loi permettrait de mieux mettre en œuvre le droit à l'information sur les risques, d'identifier de façon plus précise les territoires exposés dans le cadre des plans de prévention des risques technologiques (PPRT) et d'amorcer, notamment grâce au droit de délaissement, une structuration plus responsable des territoires.

Evoquant les dispositions du projet de loi relatives à la lutte contre les inondations, il a salué la reconnaissance du rôle fondamental joué par les agriculteurs et a souligné la nécessité d'une action portant sur les têtes de bassin d'où partent les crues.

Il a ensuite évoqué les modifications apportées au projet de loi par le Sénat. Il a, tout d'abord, rappelé que l'extension de l'application des prescriptions des PPRT aux installations agricoles ne constituait pas une contrainte pour celles-ci mais qu'elle permettrait, au contraire, de mieux les protéger notamment contre l'urbanisation diffuse. Puis, il a regretté la suppression de l'article 14 par le Sénat en estimant que les dispositions de celui-ci pouvaient être aménagées mais qu'elles étaient nécessaires. Il a également estimé que le champ d'application et les conditions de mise en œuvre des servitudes d'utilité publique prévues en matière de risques naturels et susceptibles d'affecter le droit de propriété pourraient être précisées.

En conclusion, il a jugé que l'homme n'avait pas vocation à retrouver un illusoire Eden originel d'une nature vierge de son action mais qu'il devait continuer à agir sur celle-ci en la respectant davantage. Il a estimé que le projet de loi s'inscrivait dans la recherche de cette nouvelle alliance entre l'homme et la nature et qu'il préfigurait ainsi, à certains égards, la future Charte de l'environnement adossée à la Constitution.

S'exprimant au nom du groupe socialiste, Mme Claude Darciaux a exprimé la satisfaction de celui-ci de voir reprises dans le projet de loi certaines des dispositions du projet de loi tendant à renforcer la maîtrise des risques technologiques présenté par M. Yves Cochet en février 2002 ainsi que plusieurs des propositions du rapport de M. Jean-Yves Le Déaut au nom de la commission d'enquête sur la sûreté des installations industrielles.

Puis, elle a jugé particulièrement importantes les dispositions du projet de loi tendant à développer la culture du risque afin de susciter des comportements de prévention et de rendre la population co-gestionnaire des risques. Notant que le risque zéro n'existait pas, elle a néanmoins estimé nécessaire de tendre à l'atteindre et a salué cette ambition, présente dans le projet de loi.

Elle a ensuite exprimé des réserves sur certains points de ce dernier. Elle a, tout d'abord, regretté que la plupart des dispositions prévues en matière de risques technologiques concernent les seules installations « Seveso seuil haut » et que le projet de loi concerne davantage les installations existantes que les installations nouvelles.

Elle a ensuite estimé que l'institution de comités locaux d'information et de concertation sur les risques (CLIC) constituait une avancée importante mais que les dispositions relatives à l'information des populations gagneraient à être complétées afin de mieux les associer à l'élaboration des futurs PPRT.

Puis, elle a jugé que le financement des mesures d'expropriation et de délaissement prévu par des conventions passées entre l'Etat, les collectivités territoriales et les industriels devait être précisé pour qu'il n'entraîne pas de difficultés pour de petites collectivités locales. Elle a, en outre, rappelé que le coût de la création de « ceintures vertes » autour des installations présentant des risques était estimé entre 2 et 3 milliards d'euros, montant que les collectivités locales ne seront pas en mesure d'assumer.

Enfin, elle a souligné que la lutte contre les inondations devait être gérée plutôt au niveau des bassins hydrographiques qu'à celui des communes.

M. Yves Cochet a, tout d'abord, exprimé sa satisfaction de voir examiné un projet de loi relatif à la lutte contre les risques et a indiqué que la rédaction initiale du projet de loi, avant les modifications apportées par le Sénat, lui paraissait également en partie satisfaisante.

Il a ensuite rappelé que la prévention des risques technologiques reposait sur trois acteurs, l'exploitant, le contrôleur et l'expert, que le précédent Gouvernement s'était attaché à distinguer de manière claire en matière nucléaire. Jugeant nécessaire de renforcer les moyens des acteurs publics concernés pour rendre plus efficace le contrôle, il a souhaité que la ministre précise l'évolution réalisée pour 2002 et 2003 et prévue pour les exercices ultérieurs du nombre de postes de l'inspection des installations classées, qui est l'organisme de contrôle en matière de risques industriels. Il a également souhaité connaître l'évolution des moyens de l'Institut national de l'environnement et des risques (INERIS), principal expert public dans ce domaine et dont l'expertise concluant au doublement du périmètre des zones de danger du pôle chimique sud de Toulouse rendue publique lors du débat national sur les risques avait mis en évidence l'indépendance. Il a également estimé souhaitable que l'INERIS puisse être saisi par les futurs CLIC.

Puis, soulignant que les citoyens avaient le droit d'être informés non seulement sur les risques mais également sur les conduites à suivre en cas d'accident, il a jugé que cela impliquait que la population ait connaissance des consignes de protection et que celles-ci soient adaptées. Il a estimé que tel n'était pas le cas lorsque ces consignes intimaient de se confiner, ce qui est inapplicable en cas d'explosion ayant détruit les vitres, de ne pas téléphoner et de ne pas aller chercher les enfants dans leurs écoles, à l'encontre des premiers réflexes des populations. Il a donc jugé indispensable de revoir ces consignes inadaptées, en concertation avec les CLIC. Il a également rappelé les problèmes de communication rencontrés y compris par certains services de l'Etat après l'accident de Toulouse en raison de la défaillance des réseaux téléphoniques publics et a estimé nécessaire de mener une action sur ce point.

Puis, M. Yves Cochet a jugé très inopportunes plusieurs des modifications apportées au projet de loi par le Sénat, en regrettant particulièrement le remplacement à plusieurs reprises du mot « prévention » par celui de « protection », dont le sens est profondément différent.

Enfin, en matière de risques naturels, il a estimé qu'il serait souhaitable de renforcer les règles applicables aux activités conduites dans le lit majeur des fleuves et dans les zones inondables, une part importante du risque n'étant pas imputable à la nature mais à l'action de l'homme.

En réponse aux intervenants, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable, a apporté les précisions suivantes :

- le projet de loi traduit effectivement un refus de la fatalité, concilié avec une approche réaliste des problèmes. M. André Flajolet, qui s'est exprimé avec une grande hauteur de vue, a bien mis en perspective la discussion des dispositions très concrètes du projet de loi qui traduisent effectivement une philosophie dont la future Charte de l'environnement pourra s'inspirer ;

- une meilleure articulation des dispositifs prévus en matière de risques naturels et de risques industriels, voire un certain parallélisme entre eux, peut être recherché ;

- l'utilisation des moyens du fonds « Barnier », qui est un bon instrument, traduit la volonté de mieux mobiliser les fonds publics. En ce qui concerne les aides attribuables par ce fonds, le taux de 25 %, bien que significatif, reste sans doute insuffisant. Le dispositif serait plus efficace si ce taux était, par exemple, de 35 % ;

- l'association des populations à la gestion des risques est essentielle car la culture du risque, qui génère les comportements de prévention, ne peut apparaître spontanément. A cet égard, le rôle des futurs CLIC sera très important. Il est toutefois vrai que la multiplication des réunions publiques n'est pas toujours la meilleure solution, notamment lors des enquêtes publiques, car les commissaires enquêteurs ou les présidents des commissions d'enquête ne disposent pas nécessairement de moyens adaptés pour les organiser efficacement et pour éviter que le débat ne soit confisqué par des perturbateurs refusant de prendre en compte l'intérêt général ;

- en ce qui concerne la sous-traitance dite « en cascade », il importe de rappeler que le projet de loi concerne, contrairement à ce qui est parfois dit, les sous-traitants dont les salariés doivent être bien informés sur les risques, ce à quoi veilleront les CHSCT ;

- les dispositions qui figuraient à l'article 14 du projet de loi, supprimé par le Sénat, sont effectivement importantes ;

- l'extension aux dépenses finançant des travaux de prévention des risques naturels du crédit d'impôt créé par le Sénat pour les dépenses finançant des travaux prescrits pour protéger les personnes contre les risques technologiques présenterait des avantages ;

- le relèvement de dix à vingt salariés de la taille des entreprises dont les biens peuvent être acquis par une collectivité publique avec l'aide du fonds « Barnier » améliorerait l'efficacité du dispositif ;

- la protection des populations contre les risques est un objectif poursuivi par tous ce qui explique que le projet de loi intègre les réflexions importantes réalisées notamment par le précédent gouvernement et par l'Assemblée nationale sous la précédente législature ;

- certaines des dispositions du projet de loi ne concernent que les installations « Seveso seuil haut » car il s'agit de protéger les populations contre les accidents industriels et, in fine, de sauver des vies humaines. Les salariés de nombreuses autres installations sont exposés à des risques mais leur protection relève d'une autre problématique qui est de la compétence du ministre chargé du travail ;

- les dispositions du projet de loi concernent tout autant les nouvelles installations que les installations existantes ;

- la répartition de la charge du financement des opérations d'expropriation et de délaissement réduisant l'exposition des populations aux risques technologiques sera réglée par les conventions prévues à cet effet. Il n'est pas souhaitable de la figer à ce stade compte tenu des différences locales et notamment de l'inégalité des moyens des collectivités locales concernées. Il est donc souhaitable de laisser, pendant environ un an, le système fonctionner dans la souplesse, à titre expérimental, une évolution législative pouvant intervenir ensuite si cela se révèle nécessaire ;

- il importe, en effet, d'agir pour prévenir les inondations au niveau des bassins en veillant particulièrement à ce que les maîtres d'ouvrage disposent des moyens qui leur sont nécessaires, ce que favorise un amendement adopté par le Sénat confortant le rôle des établissements publics territoriaux de bassin ;

il est en effet indispensable de séparer clairement le contrôle de l'Etat et l'expertise d'un organisme indépendant. Ainsi, dans le domaine nucléaire, l'action de la Direction générale de la radioprotection et de la sûreté nucléaire (DGRSR) se distingue-t-elle de la mission d'expertise de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). En matière industrielle, le Gouvernement suit la même logique. Ainsi, le budget de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) a augmenté de 6% en 2003 ;

- l'accident de l'usine AZF a montré que des consignes d'alerte aux populations élaborées au niveau national peuvent être inadaptées aux circonstances locales. Il est donc primordial de décrire les risques pouvant survenir et de bâtir des outils de prévention et d'alerte qui y soient adaptés ;

- le projet de loi prend le parti de renforcer la prévention des risques, même si la protection devient naturellement l'objectif prioritaire lorsque celle-ci a échoué ;

- concernant les emplois d'inspecteurs des installations classées, un concours a été ouvert lors de la prise de fonctions de la ministre en 2002, afin de pourvoir les 150 nouveaux postes créés par le précédent gouvernement. En outre, les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE) doivent faire l'objet d'une réorganisation en 2003, à l'issue de laquelle la création de 400 postes a été planifiée jusqu'en 2007, ce qui signifie à terme un doublement des effectifs d'inspecteurs des installations classées.

M. Jean-Marc Nudant a alors indiqué qu'il présidait un comité de vallée inondable visant à élaborer un plan de prévention des risques naturels prévisibles, afin de traiter les questions relatives au risque d'inondation, au captage des eaux, aux eaux usées, ainsi qu'aux pratiques agricoles et environnementales. Notant que ce comité de vallée, qui implique 4 régions, 7 départements, 150 communes, près de 700 000 habitants et 400 kilomètres de rivière, doit conclure sous peu un contrat avec le ministère de l'écologie et du développement durable, il a souhaité savoir si le projet de loi permettrait d'aider, sur le plan administratif et financier et en termes de calendrier, l'élaboration de tels contrats. Il a conclu en souhaitant que le débat parlementaire soit l'occasion d'une prise en compte plus large des risques naturels et de leurs conséquences pour l'aménagement du territoire.

M. François Brottes, après avoir souligné que la volonté de prévenir les risques ne constituait pas une mise en cause des industriels, s'est réjoui des propos du rapporteur, qu'il a jugés constructifs. Puis, il a souhaité savoir si les comités locaux d'information et de concertation sur les risques seraient dotés de la personnalité morale, leur permettant ainsi d'avoir recours, de manière autonome, à des expertises. Après avoir remarqué que le projet de loi ne traitait pas du problème du transport des matières dangereuses, il a demandé comment les préfets, dans la cadre des procédures de dépollution, contrôleraient les capacités financières d'une holding dont le siège est parfois à l'étranger. Il a, par ailleurs, regretté que la mesure introduite lors du débat en première lecture au Sénat, visant à assurer le financement de la dépollution, ne précise pas le délai dans lequel celle-ci doit être menée et s'est inquiété qu'une zone soumise à dépollution puisse voir son industrialisation bloquée si ce délai s'étend sur trois ou quatre années.

M. François Brottes a, en outre, souhaité connaître la position du Gouvernement sur la suppression, lors de la première lecture au Sénat, du droit d'information des locataires sur les risques industriels et naturels touchant leur zone d'habitation. Il a enfin demandé quelles étaient les intentions du Gouvernement pour résoudre les difficultés liées à l'incohérence de certaines consignes d'alerte.

M. François-Michel Gonnot a estimé que les pouvoirs publics devaient réduire et, si possible, éliminer les risques naturels et industriels, et a jugé qu'à cet égard le projet de loi manquait d'ambition en n'établissant pas d'outils adaptés pour obliger à réduire ces risques.

Se déclarant réservé sur le rôle donné au préfet coordonnateur de bassin dans la prévention des inondations, il a souligné la nécessité de proximité pour assurer une telle mission, alors que les bassins versants sont extrêmement vastes. Il a ainsi cité, à titre d'exemple, le bassin Seine-Normandie, qui s'étend de la Belgique à l'Atlantique et dont le préfet coordonnateur est le préfet de l'Ile-de-France.

Enfin, il s'est interrogé sur la possibilité d'étendre le rôle de la Commission départementale des risques majeurs, introduite dans le projet de loi par le Sénat en première lecture, aux risques technologiques, et souhaité qu'un bilan de l'utilisation du fonds « Barnier » soit réalisé afin d'aboutir à une plus grande transparence et à un meilleur contrôle parlementaire.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard, soulignant le fait que les établissements publics territoriaux de bassin ne sont pour l'instant que des regroupements de collectivités locales, a estimé qu'il pourrait être bénéfique de les ouvrir aux associations et aux riverains, qui sont pour l'instant exclus de leur organisation dès lors que l'organe gestionnaire du bassin est un établissement public.

Observant par ailleurs que certaines communes peuvent voir l'essentiel de leur surface protégée par un plan de prévention des risques technologiques ou par un plan de prévention des risques naturels, ce qui obère largement leurs perspectives de développement, elle s'est demandé s'il ne serait pas opportun que la dotation globale de fonctionnement (DGF) puisse être modulée en leur faveur.

Soulignant enfin que les études visant à déterminer les risques naturels et technologiques devaient être menées dans un souci de transparence, et que les industriels étaient encore souvent réticents à fournir les informations nécessaires aux acteurs de la prévention des risques, elle a insisté sur la nécessité de donner aux CLIC les moyens de remplir leur mission.

M. Serge Poignant s'est tout d'abord félicité que le projet de loi aborde sereinement et non pas dans l'urgence la question des risques technologiques et naturels, en consacrant le principe de la concertation entre partenaires locaux (industriels, agriculteurs, collectivités locales et populations riveraines), l'Etat n'intervenant qu'en cas de carence de ces derniers.

Puis, il a souhaité obtenir des précisions sur les éventuels financements croisés dans le cadre de la procédure de délaissement et a souhaité savoir quelle serait la part maximale du financement engagé par les collectivités locales pour ces acquisitions.

Abordant la question de la prévention des risques naturels, il a fait remarquer qu'un amendement sénatorial consacrait l'existence des établissements publics territoriaux de bassin (EPTB), alors que d'autres expériences pouvaient, par ailleurs, être menées sous une forme différente par des collectivités locales, par exemple en constituant des groupements de communes qui travaillent en concertation avec les riverains. Il a souhaité qu'en conséquence, soit prise en compte la diversité des structures locales pouvant intervenir dans le domaine de la prévention des risques naturels, et a jugé que le recours à la forme juridique de l'établissement public territorial de bassin devait rester facultatif.

Enfin, notant que selon le projet de loi, il incombait au maire d'instaurer des repères de crues, il s'est inquiété de constater qu'il n'avait pas été prévu de charger également d'une telle mission, le cas échéant, des structures intercommunales.

M. David Habib, rappelant qu'il était élu d'une circonscription où se concentrent quatorze sites classés « Seveso » dans le bassin de Lacq, a déploré que le projet de loi ne traite pas, concernant les risques industriels, la question centrale du confinement des risques. Après avoir rappelé que de nombreux industriels souhaitant réaliser des investissements importants pour réduire les risques technologiques sont dans l'incapacité de le faire faute de mécanismes financiers incitatifs suffisants, il a estimé indispensable de compléter le projet de loi afin de définir des mécanismes financiers, notamment par le biais d'incitations fiscales, pour encourager les investissements de réduction à la source des risques industriels. Il a par ailleurs remarqué que sur ce point, le Sénat n'avait que renforcé les insuffisances du texte, en supprimant l'article 14 du projet de loi.

Puis, M. David Habib a insisté sur la nécessité de revoir le fonctionnement concret des plans particuliers d'intervention (PPI), prenant pour exemple le récent exercice d'évacuation qui avait eu lieu dans la commune de Lacq et qui avait révélé de sérieux dysfonctionnements, le système d'alerte de la population par sirènes n'ayant pas fonctionné correctement.

Abordant le problème du droit de délaissement, il a estimé que ce mécanisme, certes nécessaire, devait par ailleurs s'accompagner d'une réduction du risque à la source. En effet, a-t-il estimé, il ne doit pas seulement s'agir de compenser financièrement un préjudice, les exploitants d'installations industrielles à risques pouvant ainsi se constituer un périmètre de protection sans aucune habitation, tandis que les collectivités locales assumeraient seules le coût des expropriations et des délaissements nécessaires.

Enfin, il a souhaité connaître la position de la ministre sur la possibilité d'indemniser le préjudice subi par les riverains par une révision des bases locatives.

Soulignant le caractère récurrent et parfois annuel des inondations, M. Jean-Pierre Grand a souhaité savoir si les dispositions du projet de loi en matière d'urbanisme permettraient aux maires d'intervenir de façon rapide. Abordant le problème de l'ensablement des cours d'eau, il a par ailleurs fait part de la préoccupation de nombreux maires qui ne disposent pas du droit de les curer et a demandé si, en conséquence, des dispositions pourraient être introduites dans le projet de loi pour améliorer l'entretien des cours d'eau.

Constatant que lors des dernières inondations survenues dans le Gard et l'Hérault, les fonds publics avaient été rapidement débloqués, il a fait remarquer que les victimes s'étaient en revanche heurtées à l'inertie des compagnies d'assurances qui ont tardé à leur faire connaître le montant de leur indemnisation. Il a donc estimé indispensable que la loi fixe un délai maximal de notification du montant de l'indemnisation par les compagnies d'assurances.

M. Jean Proriol a tout d'abord fait remarquer que ses questions traduiraient ses préoccupations d'élu local et de maire. Abordant la question des plans de prévention des risques technologiques (PPRT), il s'est inquiété d'une sollicitation accrue des collectivités locales, qui seront mises financièrement à contribution, auront à diffuser des informations et se verront donner de nouvelles responsabilités. S'agissant notamment de leur intervention en cas d'expropriation ou lors la mise en œuvre du droit de délaissement, il a noté que le projet de loi prévoyait un concours éventuel des industriels et de l'Etat dans le cadre de conventions tripartites et s'est interrogé sur l'opportunité du caractère facultatif de ces conventions, le concours financier des industriels et de l'Etat risquant donc d'être très hypothétique.

Abordant le problème des risques naturels, il a relevé que la délimitation de zones d'expansion des crues ouvrirait droit à l'indemnisation des propriétaires par la collectivité instauratrice de la servitude et a souhaité savoir si le fonds « Barnier » pourrait être sollicité pour contribuer au financement de cette indemnisation.

Il a également fait part de l'inquiétude des collectivités locales en matière d'organisation de la prévision des crues. Notant que le projet de loi prévoyait simplement une mise en cohérence des services de l'Etat et de ceux des collectivités locales, dans le cadre d'un schéma directeur élaboré par l'Etat, il a regretté que ne soit apportée aucune précision concernant les responsabilités respectives de l'Etat et des collectivités locales.

Il a conclu son propos en soulignant la difficulté, pour les maires, de déterminer le moyen le plus efficace pour informer les populations d'un risque imminent, les maires étant fréquemment sollicités pour recourir à des moyens plus ou moins sophistiqués, comme Internet. Il a souhaité savoir si une réflexion était en cours sur cette question.

Insistant sur la nécessité d'établir une réelle concertation lors de l'application du projet de loi, M. Antoine Herth a fait part de ses doutes quant à l'opportunité de créer, s'agissant des risques naturels, une nouvelle commission ad hoc alors qu'il serait possible d'accroître les compétences d'instances déjà existantes. Par ailleurs, il a souhaité savoir comment serait assurée l'articulation des actions françaises de prévention des inondations avec les initiatives de nos voisins européens, lorsqu'un bassin versant est transfrontalier, comme cela est le cas en Alsace.

Intervenant en application de l'article 38 du Règlement, M. Christian Decocq s'est réjoui que le projet de loi soumis à l'examen de l'Assemblée nationale ne soit pas un simple texte de circonstance et amorce une rupture avec les pratiques antérieures en matière de prévention des risques. Il a toutefois noté qu'il restait nécessaire de le faire avancer sur deux points, relatifs à la réparation et à la prévention.

S'agissant de la réparation, il a estimé nécessaire de renforcer la responsabilité civile des pollueurs, non seulement concernant les effets directs de leurs activités sur les milieux naturels, mais également en raison de l'impact de leurs activités sur l'usage qui est fait de ces milieux. Sur ce point, a-t-il jugé, la mise en jeu de leur responsabilité pénale, qui se traduit par le paiement d'amendes au montant relativement faible, ou le paiement de taxes et de redevances, ne peuvent suffire.

S'agissant de la prévention des risques naturels, il anoté qu'une des principales causes des inondations était l'érosion des sols et a plaidé en faveur d'une pérennisation des dispositifs prévus par le projet de loi en matière d'utilisation des sols, telles que les haies.

En réponse aux différents intervenants, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable, a précisé les points suivants :

- le projet de loi prévoit effectivement des outils financiers et administratifs en matière de prévention des risques naturels. On peut citer, s'agissant des outils administratifs, la possibilité d'instituer des servitudes de sur-inondation. Quant aux instruments financiers, ils sont également présents dans le projet de loi. Tel est le cas, par exemple, du cofinancement par le fonds « Barnier » de certains travaux de prévention. On doit également souligner la mise en œuvre du plan de lutte contre les inondations, doté de 130 millions d'euros et qui devrait créer un effet de levier important, permettant de réaliser des travaux de prévention et de protection pour un montant de 400 millions d'euros ;

- il ne semble pas indispensable de doter les comités locaux d'information et de concertation sur les risques de la personnalité juridique, ce qui contribuerait à alourdir le dispositif. On doit par ailleurs noter que le projet de loi prévoit que l'Etat pourvoira au financement de leur fonctionnement ;

- le projet de loi ne traite pas de la question du transport de matières dangereuses, ni de celle des ports et gares de triage, qui sont pourtant de réelles zones de danger industriel. Pour autant, le Gouvernement est conscient des problèmes posés. C'est pourquoi la ministre de l'écologie et du développement durable et le ministre chargé de l'équipement ont commandé un rapport sur cette question, qui devrait être remis dans deux mois environ. Il devrait donc être possible d'intégrer ses conclusions dans le projet de loi lors d'une lecture ultérieure ;

- il est vrai que les délais de dépollution de certains sites industriels peuvent poser problème. Afin de limiter les conséquences des comportements « voyous » de certaines entreprises, le Gouvernement a donc introduit au Sénat, par voie d'amendements, des dispositions visant à prévenir ce genre de situation ;

- le Gouvernement reste très attaché à l'information des locataires s'agissant des risques auxquels leur habitation est exposée et se montrera en conséquence très ouvert à toute initiative visant à réintroduire un tel dispositif ;

- on doit souligner que si le projet de loi prévoit de nombreux instruments afin de réduire les risques d'inondations en amont des zones urbanisées, il ne supprime pas les dispositifs existants de protection en aval, tels que les digues, qui restent bien évidemment indispensables ;

- il ne semble pas nécessaire de créer une commission départementale des risques technologiques, qui serait redondante avec le conseil départemental d'hygiène ;

- le Gouvernement n'envisage pas d'ouvrir la possibilité de recourir au fonds « Barnier » en matière de risques technologiques ;

- l'association des populations riveraines est très importante en matière de risques naturels. La création de commissions départementales des risques naturels majeurs, rendue possible par les sénateurs, devrait permettre une telle association. En revanche, il semble moins opportun de rendre possible une telle association concernant les établissements publics territoriaux de bassin, qui sont avant tout des outils de gestion ;

- s'agissant de l'information en matière de risques industriels, on doit noter que le projet de loi prévoit que les CHSCT pourront faire appel à une tierce expertise, par exemple par l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) ;

- les sénateurs ont utilement consacré, par voie législative, les EPTB. Ces établissements n'ont évidemment pas vocation à être les uniques intervenants en matière de prévention des risques ; un conseil général, un syndicat mixte peuvent bien sûr assurer eux aussi la maîtrise d'ouvrage de travaux de prévention et de protection contre les crues ;

- s'agissant de la mise en place de repères de crues, elle relève bien du maire et non d'un groupement de communes, conformément aux dispositions du code général des collectivités territoriales ;

- le projet de loi insiste, en matière de risques industriels, sur la prévention en amont. Le confinement du risque est évidemment un élément indispensable pour mener une politique efficace en la matière, mais il relève de dispositions de nature réglementaire qui n'ont pas à figurer dans le projet de loi ;

- faire intervenir la révision des bases locatives en matière d'indemnisation pourrait être une mesure intéressante ;

- le projet de loi est très clair concernant les délais d'indemnisation des sinistrés par les assurances, puisqu'il a prévu un délai maximal de trois mois. Certaines compagnies d'assurance ont pu parfois faire preuve d'inertie, mais le Gouvernement est récemment intervenu auprès d'elles, notamment lors des inondations du Gard, afin qu'elles se montrent plus rapides dans le traitement des dossiers ;

- la technique de curage des rivières ressort plus des bonnes pratiques que de la loi. Il convient néanmoins de souligner que, s'il est indispensable de libérer le lit d'un fleuve, la technique du curage peut entraîner une érosion rétrograde, contrairement à certaines techniques plus adaptées comme la méthode « vieux fonds, vieux bords » ;

- concernant le droit de délaissement, il ne pourra être mis en œuvre en l'absence de convention. Par ailleurs, le fonds « Barnier » n'a pas vocation à être réservé au seul financement des acquisitions immobilières ;

- s'agissant du schéma directeur de prévision des crues et des interventions respectives de l'Etat et des communes, il est clair que l'Etat est compétent pour le système d'alerte et les axes importants tels que la Seine ou la Loire ;

- s'agissant des bassins versants « internationaux », la concertation existe sur le bassin de la Meuse et est tout à fait satisfaisante. Les résultats sont moins probants sur le bassin du Rhin. Par ailleurs, il est envisagé de mettre en place un réseau d'échange d'expériences sur le traitement des crues, avec nos voisins européens ;

- concernant le principe de responsabilité environnementale, une directive communautaire est actuellement en cours d'examen ; une initiative isolée en la matière n'est donc pas souhaitable.

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Information relative à la commission

La Commission a ensuite nommé MM. Jean-Marie Binetruy, François Brottes, Jean Charropin, André Chassaigne, Yves Coussain, Mme Arlette Franco, MM. Jean Lassalle, Jean Launay, Jean Proriol, Martial Saddier et Daniel Spagnou membres d'une mission d'information sur l'évaluation de la loi montagne.


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