COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES,
DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 38

(Application de l'article 46 du Règlement)

mardi 25 mars 2003
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Patrick Ollier, Président

SOMMAIRE

 

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- Examen du projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à la création d'une zone de protection écologique au large des côtes du territoire de la République (n° 560) -

 

(M. Jean-Pierre GRAND, rapporteur) :

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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Jean-Pierre Grand, le projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à la création d'une zone de protection écologique au large des côtes du territoire de la République (n° 560).

M. Jean Pierre Grand, rapporteur, a d'abord rappelé que le projet de loi examiné avait été adopté au Sénat à l'unanimité des suffrages exprimés. Il a souhaité qu'il en soit de même à l'Assemblée nationale, compte tenu du caractère consensuel du texte, déposé au Sénat par le précédent gouvernement. Il a indiqué que le texte permettrait de créer des zones de protection écologique au large des côtes françaises, ce qui serait surtout utile dans la mer Méditerranée.

Il a par ailleurs estimé que le naufrage du Prestige, le 19 novembre 2002, avait mis en évidence l'urgence, plus de deux ans après la catastrophe de l'Erika, d'un renforcement de la sécurité maritime et d'un encadrement plus strict de certaines pratiques polluantes.

Il a ensuite précisé que la pollution des mers ne résultait pas seulement du naufrage ponctuel de navires peu fiables, mais était aussi provoquée par les déballastages et dégazages sauvages auxquels se livrent certains navires. Il a observé que 211 incidents de ce type avaient été constatés en 2002, année au cours de laquelle avaient été dressés seulement 9 procès-verbaux, dont un seul avait été transmis au tribunal de grande instance de Marseille. Il en a conclu que la législation française devait être améliorée pour donner aux juges les moyens juridiques de poursuivre les auteurs de ces actes. Il a donc salué, dans cet esprit, l'institution par le projet de loi, au large des côtes françaises, d'une zone de protection écologique, celle-ci devant faciliter considérablement la répression de telles infractions.

Puis il a estimé qu'il convenait d'examiner les conditions dans lesquelles le projet de loi s'insérait dans le droit international. Il a indiqué que la convention des Nations-Unies signée en 1982 à Montego Bay constituait sur ces questions le traité le plus important.

Il a ainsi rappelé que les eaux territoriales s'étendaient jusqu'à 12 milles marins (22,2 kilomètres) des « lignes de base » obtenues en reliant les points extrêmes de la côte nationale à marée basse, et que l'Etat côtier y exerçait pleinement sa souveraineté. Il a également précisé que l'Etat côtier pouvait exercer certains contrôles administratifs dans la zone contiguë, s'étendant jusqu'à 24 milles marins (44,4 kilomètres) des lignes de base.

Il a remarqué que cette convention avait en outre consacré l'existence d'une « zone économique exclusive » pouvant s'étendre jusqu'à 200 milles marins (370,4 kilomètres) des lignes de base. Il a ajouté que seul l'Etat côtier pouvait exploiter les ressources de cette zone et y juger les actes de pollution maritime comme ceux relatifs à la recherche scientifique. Il a enfin remarqué que les navires pouvaient toutefois y circuler aussi librement qu'en haute mer, cette dernière notion s'appliquant à la zone qui s'étend au-delà de la zone économique exclusive.

Il a ensuite noté que la France disposait de « zones économiques exclusives » sur l'ensemble de ses côtes, à l'exception de la côte méditerranéenne, pour des raisons géographiques notamment.

Le rapporteur a souligné que le projet de loi visait à instituer une « zone de protection écologique » pour remédier à cette situation, cette zone pouvant être de même largeur et de même nature que la zone économique exclusive, excepté pour les ressources économiques, sur lesquelles elle n'accorde aucun droit spécifique, en matière minière comme pour la pêche.

Il a indiqué qu'une carte précise et consensuelle de cette zone de protection écologique serait élaborée par le Gouvernement et permettrait, dès que le projet de loi aurait été adopté, une publication très rapide des décrets d'application créant effectivement cette zone en Méditerranée.

Il a par ailleurs estimé que le projet de loi permettrait d'améliorer la protection du milieu marin. Il a en effet jugé nécessaire une intervention législative pour accroître l'efficacité du dispositif réprimant les rejets polluants au large des côtes françaises. Il a constaté qu'en matière de pollution maritime comme dans d'autres domaines, la sanction des comportements fautifs pouvait jouer un rôle dissuasif, complétant ainsi utilement la prévention des infractions.

Puis, il a indiqué que le projet de loi créait la zone de protection écologique et prévoyait d'y étendre les compétences et sanctions existant dans la zone économique en matière écologique et scientifique. Il a précisé que le texte donnerait aux autorités françaises les moyens juridiques d'éloigner des côtes françaises les pratiques polluantes comme les navires les plus dangereux.

Il a ajouté que des juridictions spécialisées, les tribunaux du littoral maritime, pourraient poursuivre et juger l'ensemble des rejets polluants illicites. Il a également souligné que les activités de recherche scientifique seraient soumises à autorisation préalable dans la zone de protection écologique pour éviter certaines dérives commerciales portant préjudice à la biodiversité. Enfin, il a noté que les opérations d'immersion, comme celles, plus rares depuis une trentaine d'années, d'incinération de déchets en mer, pourraient être sanctionnées par les tribunaux spécialisés, établis à Marseille, à Brest et au Havre.

S'exprimant au nom du groupe socialiste, M. Jacques Bascou a confirmé les propos du rapporteur, rappelant que le projet de loi avait été élaboré par le précédent Gouvernement et a souligné que ce texte était très attendu en Méditerranée, mer fermée caractérisée par de graves risques de pollutions accidentelles. Ainsi, a-t-il fait observer, la Méditerranée accueille 28 % du trafic maritime mondial de transport de produits pétroliers et les dégazages s'élèvent chaque année à 1 million de tonnes d'hydrocarbures, soit 15 fois le volume de fioul contenu dans les cuves du Prestige et 50 fois celui de l'Erika. Soulignant l'intérêt du projet de loi pour traiter ces problèmes, il a jugé que ce dernier devrait être complété par d'autres instruments, notamment s'agissant du dégazage des navires. Sur ce dernier point, il a déploré que seulement 1 % des navires ayant recours à de telles pratiques soient verbalisés et que le paiement d'une amende soit jugé économiquement plus rentable que l'attente dans un port, qui peut durer jusqu'à quatre jours, en vue d'un dégazage. Enfin, il a souhaité que des moyens suffisants soient affectés à la politique de sécurité maritime en Méditerranée.

Puis, M. Jean-Sébastien Vialatte, s'exprimant au nom du groupe UMP, a observé que le projet de loi devait recueillir un large consensus, les sénateurs l'ayant adopté à l'unanimité après l'avoir simplement complété par un nouvel article 8. Il a par ailleurs souligné que ce texte présentait l'intérêt d'optimiser le dispositif judiciaire en achevant la réforme des tribunaux du littoral maritime. Il a en effet remarqué que chaque façade maritime devrait désormais bénéficier d'une telle structure, située à Marseille pour la Méditerranée, et a jugé que ces tribunaux spécialisés seraient appelés à devenir de vrais pôles d'expertise.

Il s'est également réjoui du caractère dissuasif des sanctions pénales étendues à la zone de protection écologique, ainsi que de l'intégration des dispositions du projet de loi dans le code de l'environnement, afin d'affirmer le caractère exhaustif de ce dernier. Appelant les commissaires à adopter le projet de loi dans des termes identiques à ceux votés par le Sénat, il a conclu sur la nécessité d'une promulgation rapide de celui-ci, afin que ne se reproduisent pas des événements tels que la pollution des côtes du Var en 1991.

Le président Patrick Ollier a alors déploré la mauvaise rédaction du projet de loi, soulignant qu'aux termes du 3° de l'article 1er, il reviendrait « également » à un décret en Conseil d'Etat de « créer » la zone de protection écologique, par ailleurs déjà créée par la loi. Il a jugé que cette rédaction n'était pas satisfaisante, le décret en Conseil d'Etat ne pouvant, à l'évidence, que déterminer les modalités de mise en œuvre de cette zone.

Le rapporteur, après avoir souligné la nécessité d'adopter le projet de loi sans modification pour pouvoir réagir efficacement en cas de catastrophe, a convenu que l'emploi du terme « créer » n'était pas adéquat, le terme « délimiter » pouvant paraître plus approprié. Expliquant que la zone de protection écologique serait physiquement créée par décret en Conseil d'Etat, à l'issue d'une concertation avec l'ensemble des pays riverains de la Méditerranée, il a jugé que l'adoption d'un amendement, qui conduirait à une navette supplémentaire, n'était pas souhaitable.

M. Jacques Bascou a alors rappelé que le Sénat avait adopté le projet de loi à l'unanimité, en raison de son caractère urgent. Notant que la délimitation de la zone économique relevait également d'un décret en Conseil d'Etat, il n'a pas jugé opportun d'attendre la fin des négociations actuellement en cours sur le périmètre de la zone de protection écologique pour adopter définitivement le projet de loi. Soulignant le risque d'une prolongation de ces négociations et le retard que subirait forcément la promulgation de la loi en cas de navette, il a jugé qu'une telle situation serait difficile à assumer auprès des populations concernées. Il a enfin rappelé que le projet de loi visait à traiter le cas spécifique de la Méditerranée, pour lequel il convenait d'être efficace, sans attendre l'issue des négociations.

Le président Patrick Ollier, regrettant que la qualité rédactionnelle du projet de loi soit médiocre, a souligné que ce point, dépendant du législateur, n'avait pas à être mis en rapport avec les négociations internationales en cours.

M. Daniel Paul a rejoint les propos du président, et estimé que le Gouvernement n'avait pas été suffisamment vigilant quant à la rédaction du texte mais a cependant souligné la nécessité d'adopter rapidement le projet de loi.

Le président Patrick Ollier, convenant de ce caractère d'urgence, a alors suggéré au rapporteur d'alerter la ministre, lors de la séance publique.

Puis, la Commission est passée à l'examen des articles.

· Article 1er (loi n° 76-655 du 16 juillet 1976 relative à la zone économique au large des côtes du territoire de la République) Création d'une zone de protection écologique (ZPE) au large des côtes françaises

La commission a adopté cet article sans modification.

· Article 2 (loi n° 86-826 du 11 juillet 1986 relative à la recherche marine) : Extension à la ZPE du régime d'autorisation préalable applicable à la recherche marine dans la zone économique

La commission a adopté cet article sans modification.

· Article 3 (Art. L 218-21 du code de l'environnement) : Extension à la ZPE des dispositions répressives applicables dans les eaux territoriales et dans la zone économique

La commission a adopté cet article sans modification.

· Article 4 (Art. L 218-29 du code de l'environnement) : Extension de la compétence des tribunaux du littoral maritime

La commission a adopté cet article sans modification.

· Article 5 (Art. L 218-45 du code de l'environnement) : Sanctions pénales en cas de pollution par des opérations d'immersion

La commission a adopté cet article sans modification.

· Article 6 (Art. L 218-61 du code de l'environnement) : Sanctions pénales en cas d'opérations d'incinération

La commission a adopté cet article sans modification.

· Article 7 (Art. L 218-81 [nouveau] du code de l'environnement) : Codification

La commission a adopté cet article sans modification.

· Article 8 (nouveau) : Institution d'un bilan gouvernemental annuel devant le Parlement

La commission a adopté cet article sans modification.

Enfin, la Commission a adopté l'ensemble du projet de loi sans modification.

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