COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES,
DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 35

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 16 février 2005
(Séance de 11 heures)

Présidence de M. Patrick Ollier, Président

SOMMAIRE

 

page

- Communication de la mission d'information sur les relations commerciales

 

(M. Luc Chatel, président)

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La Commission a entendu M. Luc Chatel sur les travaux de la mission d'information sur les relations commerciales.

La Commission a entendu M. Luc Chatel, président, et MM. Jean-Paul Charié et Jean Dionis du Séjour, rapporteurs, sur les travaux de la mission d'information sur les relations commerciales.

Le président Patrick Ollier a tout d'abord rappelé que plusieurs commissaires, notamment MM. Jean-Paul Charié, Luc Chatel et Michel Raison, étaient des spécialistes de la question des relations commerciales et que la Commission avait décidé, en juin 2004, la création d'un groupe de travail sur les pratiques commerciales. Il a également rappelé que cette initiative avait coïncidé avec la décision de M. Nicolas Sarkozy, alors ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, d'obtenir des distributeurs et de leurs fournisseurs une baisse des prix et d'engager une réflexion sur la réforme du droit des relations commerciales.

Il a indiqué que le groupe de travail de la Commission s'était transformé, en novembre 2004, en mission d'information, date à laquelle le Gouvernement a annoncé le dépôt prochain d'un projet de loi sur la question, et qu'il avait été convenu avec le Gouvernement de subordonner le début de l'examen de ce texte à la présentation par la mission de ses premières conclusions sous la forme d'un rapport d'étape. Le président a précisé que plusieurs commissaires, dont M. Serge Poignant, avaient, en outre, participé aux groupes de travail créés par M. Christian Jacob, ministre aux petites et moyennes Entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation pour préparer l'avant-projet de loi.

Puis, le président Patrick Ollier a indiqué que la présente réunion était consacrée à la présentation du rapport d'étape de la mission d'information dont l'objet est d'expertiser les différentes pistes d'amélioration du cadre juridique issu de la loi n° 96-588 du 1er juillet 1996 sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales dite « loi Galland ».

En notant que le souci commun de l'intérêt des consommateurs devait permettre d'éviter les affrontements partisans sur cette question, le président a souligné que ce travail manifestait la volonté de la Commission de jouer son rôle de proposition dans ses domaines de compétence et a indiqué que les solutions retenues par la Commission pourraient être soit introduites par le Gouvernement dans le projet de loi avant son dépôt soit faire l'objet d'amendements au cours de l'examen de ce texte.

M. Luc Chatel, président de la mission d'information sur les relations commerciales, a tout d'abord remercié le président Patrick Ollier d'avoir pris l'initiative de la création du groupe de travail dont est issue la mission d'information, ainsi que les membres de la mission d'information, et en particulier ses trois rapporteurs, de leur travail très important sur un sujet intéressant le grand public mais très compliqué.

Il a rappelé que la mission avait procédé à une soixantaine d'auditions qui lui ont permis d'entendre les distributeurs (grande distribution et petits commerces), les fournisseurs (grands groupes et PME) et les consommateurs. Il a précisé que si la mission d'information présentait aujourd'hui un rapport d'étape, c'est parce qu'elle estimait opportun de poursuivre ses travaux jusqu'à l'examen du projet de loi prévu en avril, d'une part, pour lui permettre de jouer son rôle au cours de cet examen et, d'autre part, parce qu'il lui reste à travailler sur certains thèmes notamment sur la question très importante de l'équipement commercial que n'aborde pas le présent rapport d'étape.

Il a également indiqué que la mission avait beaucoup travaillé sur la spécificité des produits agricoles dans les relations commerciales mais que la question n'était traitée que de manière rapide dans son rapport d'étape, des avancées importantes, souhaitées par la mission, ayant déjà été mises en œuvre, avec l'accord du Gouvernement, notamment dans le cadre du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, pour gérer les crises agricoles au moyen de contractualisations en amont et de la création d'un système de coefficients multiplicateurs.

M. Luc Chatel a précisé que la mission présentait donc un rapport d'étape centré sur l'analyse de l'équilibre des relations commerciales et sur l'évaluation du cadre juridique applicable c'est-à-dire de la loi dite « Galland ». Il a précisé que la mission avait acquis la conviction que cette loi, aujourd'hui critiquée par une campagne de presse, avait constitué une avancée importante apportant des acquis significatifs notamment grâce à la définition précise du seuil de revente à perte qui a permis de mettre fin à des pratiques prédatrices. Il a noté que ce cadre juridique avait notamment permis la préservation de la diversité de l'offre commerciale.

Il a précisé que la mission jugeait donc souhaitable de préserver les acquis de la loi « Galland » tout en luttant contre ses effets pervers et, en premier lieu, le développement du système des marges arrière qui a entraîné une spirale inflationniste des prix des produits de grandes marques dans la grande distribution, prix qui sont aujourd'hui de 10 à 15 % plus élevés en France que chez nos principaux partenaires européens. M. Luc Chatel a rappelé que cette situation résultait de l'augmentation parallèle des tarifs et des marges arrière par les distributeurs et les industriels.

Il a toutefois relevé que, dans le même cadre juridique, les relations commerciales variaient fortement selon les secteurs, la distribution spécialisée, qui pratique des marges arrière inférieures en général à 5 %, ne connaissant pas les mêmes dérives que la distribution alimentaire. Il a jugé qu'il n'était donc pas pertinent de remettre en cause de fond en comble le cadre juridique en vigueur et qu'il convenait bien de préserver ce qui fonctionne en luttant contre les effets pervers constatés.

A cette fin, il a indiqué que trois objectifs avaient été retenus par la mission :

- améliorer la transparence pour rapprocher les prix de vente de la réalité économique notamment en réduisant les marges arrière,

- garantir un équilibre réel dans le partage des marges d'une part, et dans la présence de l'offre commerciale sur le territoire d'autre part, afin de veiller à l'aménagement du territoire,

- redonner du pouvoir d'achat aux consommateurs et lutter contre le décalage entre l'inflation perçue et l'inflation réelle.

Puis, M. Luc Chatel a précisé que ces objectifs conduisaient la mission à formuler trois catégories de propositions portant sur la détermination des conditions générales de vente, la fixation du seuil de revente à perte et le contrôle de l'application de la loi.

S'agissant, en premier lieu, de la détermination des conditions générales de vente, il a rappelé que les distributeurs réclamaient vivement la possibilité de négocier les tarifs de leurs fournisseurs mais que la mission n'estimait pas une telle évolution souhaitable notamment pour préserver, dans les prix, un élément objectif prenant en compte les réalités économiques et les coûts de revient.

Puis, il a jugé que la majorité des membres de la mission estimaient, en revanche, souhaitable de maintenir la possibilité de négocier notamment des rabais, des remises et des ristournes ainsi que d'autoriser clairement l'élaboration de conditions particulières de vente évoquées par la circulaire, dite « Dutreil », du 16 mai 2003 relative à la négociation commerciale entre fournisseurs et distributeurs.

M. Luc Chatel a ensuite évoqué la question des accords de gamme en notant qu'il convenait de distinguer entre les accords abusifs qui portent réellement atteinte à la libre concurrence et ceux qui permettent à des PME de profiter d'un produit phare pour en commercialiser d'autres. Il a précisé que la mission recommandait, en conséquence, de ne pas établir d'interdiction générale des accords de gamme mais de sanctionner les pratiques discriminatoires et les abus de position dominante.

Puis, M. Luc Chatel a abordé, en second lieu, les propositions de la mission relatives à la fixation du prix de revente. Il a souligné qu'un consensus s'était dégagé au sein de la mission sur la nécessité de maintenir l'interdiction de revente à perte et qu'une majorité de la mission estimait nécessaire de réformer le calcul du seuil de revente à perte.

Il a précisé qu'en étudiant les différentes hypothèses envisageables, la mission avait estimé, tout d'abord, qu'un seuil dit « double net », correspondant au prix facturé minoré des rabais et ristournes conditionnels, ne modifiait pas substantiellement l'équilibre actuel, qu'il ne prenait pas en compte les marges arrières et qu'il risquait donc de ne pas affecter les prix.

M. Luc Chatel a indiqué que la mission avait ensuite étudié la mise en place d'un seuil dit « triple net », intégrant le montant total de la coopération commerciale, proposé par la commission du groupe d'experts constitué sur les rapports entre industrie et commerce présidée par le Premier Président Guy Canivet. Il a précisé que cette solution avait des avantages (solution proche de la réalité économique, simplicité d'application, possibilité d'application progressive, impact important sur les prix possible) mais que la mission ne l'avait pas retenue car elle serait de nature à fragiliser fortement la situation des plus petits acteurs du secteur et de conduire à une guerre des prix.

Puis, M. Luc Chatel a indiqué que deux solutions apparaissaient pertinentes à la mission :

- l'utilisation du seuil dit « triple net » majoré, pour les commerces de plus de 300 m², d'un coefficient de marge, par exemple de 10 %, solution qui permet de protéger les petits commerces tout en préservant les avantages du « triple net » mais qui présente l'inconvénient d'augmenter les prix dans les secteurs où les marges arrières sont inférieures au coefficient de marge retenu, ou

- l'abaissement progressif sur plusieurs années du seuil de revente à perte par la prise en compte des marges arrière, soit au-delà d'un seuil (par exemple, les marges arrière au-delà de 20 % la première année, de 15 % la suivante et de 10 % la troisième), soit d'une fraction croissante des marges arrière existantes (par exemple, un tiers la première année puis un second tiers la suivante et ce jusqu'à environ 90 % de la marge arrière totale).

M. Luc Chatel a précisé que cette dernière solution était de nature à neutraliser les effets pervers des augmentations des coopérations commerciales sans plafonner celles-ci mais qu'elle risquait d'être complexe à mettre en œuvre et à contrôler.

Par ailleurs, il a précisé que, comme la commission présidée par M. Guy Canivet, la mission jugeait souhaitable de mieux définir les formes de la coopération commerciale pour mettre fin à la coopération commerciale fictive, et de les contractualiser de manière transparente.

Enfin, M. Luc Chatel a indiqué, en dernier lieu, que la mission jugeait essentiel de garantir une plus grande effectivité de la loi. Rappelant que si le montant maximal d'amende possible est de près de deux millions d'euros par infraction, le montant total des amendes prononcées au cours des trois dernières années était de l'ordre de 250 000 euros, M. Luc Chatel a notamment jugé opportun de développer, en complément des sanctions pénales, des sanctions administratives, de graduer les amendes en prenant en compte l'avantage procuré par l'infraction, de spécialiser en droit de la concurrence un tribunal par ressort de cour d'appel et d'inverser la charge de la preuve en cas de plainte relative à des coopérations commerciales fictives.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur, a remercié le président Patrick Ollier pour l'initiative prise par la commission de mettre en place le groupe de travail puis la mission d'information, et a souligné la qualité de ses réflexions et du climat de travail.

Il a ensuite insisté sur la parfaite communauté de pensée des membres du groupe de travail sur les objectifs à atteindre, même s'il pouvait exister des divergences sur les pistes envisagées pour remédier à la situation actuelle.

Il a rappelé que, selon lui, l'urgence d'une modification des règles en vigueur s'agissant des relations commerciales entre les distributeurs et les producteurs tenait à trois raisons :

- en premier lieu, à la nécessité d'assurer la protection de la loi aux « petits », à savoir en l'occurrence les consommateurs et les PME ; il a souligné la source irremplaçable de lien social que sont les petits commerçants.

- ensuite, au besoin de remédier à la dérive des pratiques concurrentielles observée depuis 25 ans ; afin d'illustrer cette dérive, le rapporteur a rappelé plusieurs déclarations de quelques acteurs importants des relations commerciales.

Marcel Fournier, président fondateur de Carrefour, expliquait en 1969 que ce qui comptait avant tout c'était de bien vendre plus que de bien acheter en perdant des heures et des heures à négocier les conditions d'achat et en discutant à perdre haleine pour grignoter 0,5 % à un fournisseur. Le rapporteur a noté qu'en 25 ans, ces marges étaient passées de 0,5 à 60 %.

M. Lepatre, Président de l'Association Nationale des Industries Agro-alimentaires (ANIA), écrivait en 1986 que nulle part ailleurs dans le monde la situation n'était aussi détériorée que dans notre pays et qu'il fallait fixer des règles simples mais rigoureuses, le principe de non discrimination étant absolu.

Quant à M. Leclerc, il déclarait en 1993 que ce qui comptait pour lui, c'était d'engranger le maximum.

- Enfin, à l'obligation de mettre fin à des comportements intolérables pour accroître de manière disproportionnée les marges. Il n'était pas acceptable de voir des produits achetés 16 aux agriculteurs et revendus 60, des distributeurs soucieux de sécuriser leurs marges demander à leurs fournisseurs d'augmenter leurs prix pour financer les marges arrière au détriment du consommateur, ou facturer plusieurs fois le même service, voire des services de coopération commerciale inexistants.

Il a indiqué qu'il se ralliait au souci d'aborder la question de manière apaisée, mais que cela ne devait pas conduire pour autant à occulter le fait que certaines relations de négociation s'apparentaient selon lui à du racket, voire à du terrorisme économique.

Citant l'exemple d'une décision récente du tribunal de Moulins, qui avait condamné une enseigne à une amende de cent mille euros pour un délit d'un montant de six cent mille euros, il a déploré que les dispositions en vigueur ne représentent plus une sanction, mais une incitation à détourner la loi, certains grands distributeurs comme M. M.-E. Leclerc affichant d'ailleurs ouvertement depuis plusieurs années qu'ils n'en tenaient aucun compte.

Il a ensuite estimé qu'il ne fallait pas se laisser entraîner vers des solutions privilégiant de manière exagérée la diminution des prix, car cela enclencherait une spirale à la baisse qui finirait par pénaliser dangereusement les petits producteurs, l'exemple du prix unique du livre étant là pour démontrer qu'une bonne régulation des prix permettait au contraire d'assurer la poursuite harmonieuse du développement d'un secteur.

Il a affirmé partager l'objectif d'une modification de la loi destinée à la rendre mieux applicable, et ce au profit des consommateurs.

Il s'est déclaré favorable à l'existence d'un document unique pour les conditions générales de vente, et à la manifestation d'une certaine forme de différentiation dans l'établissement des conditions générales de vente, dans la mesure notamment où il serait de toute façon impossible d'empêcher un volant minimal de négociation. Néanmoins, il a souhaité que cette capacité de différenciation fût encadrée pour interdire des débordements comme ceux conduisant à ce qu'un producteur se vît privé de la possibilité de porter sur ses factures des avantages qu'il accorderait à des clients.

S'agissant du seuil de la revente à perte, il s'est dit partisan d'en rester à l'équilibre qui avait été obtenu en 1996, après une longue période de débats qui avaient commencé en 1963. Il a observé que 4 000 produits seulement sur les 120 000 actuellement en distribution avaient un prix ramené à ce seuil, et que cela offrait aux grands distributeurs qui souhaitent plus de liberté pour baisser leurs prix la possibilité de le faire sur 96 % des produits qu'ils vendent.

Il s'est prononcé pour des mesures encourageant les PME à se regrouper pour renforcer leur pouvoir de négociation face aux distributeurs.

Il a enfin souhaité que le rapport final du groupe de travail intègre de nouvelles idées, comme la possibilité de déposer des plaintes en toute confidentialité, l'introduction d'un délai de mise en conformité avant la prise de sanctions, le réajustement du niveau des amendes, dont une quote-part pourrait être reversée aux associations de consommateurs, et enfin l'instauration d'un tribunal spécialisé par ressort de cour d'appel.

Il a conclu en réitérant sa satisfaction sur la qualité du fonctionnement au sein de la mission d'information, et en constatant que l'accord unanime sur les objectifs poursuivis n'interdisait pas des divergences sur la manière d'envisager les points les plus techniques des réformes nécessaires.

Le Président Patrick Ollier a rappelé qu'il convenait d'indiquer, à l'occasion de la conférence de presse prévue sur le rapport d'étape de la mission d'information, que la discussion sur les solutions techniques envisagées pourrait être poursuivie lors de l'examen du futur projet de loi spécifique, un accord sur les lignes directrices de cette réforme étant déjà acquis. Il a ajouté que le rapport définitif de la mission d'information proposerait des conclusions qui pourraient être mises en œuvre avant la fin de la « navette » parlementaire de ce texte. Il a enfin constaté l'existence, au sein de la mission d'information, d'une volonté commune, dépassant les clivages partisans, de trouver des solutions adaptées sur un sujet difficile, même si des divergences personnelles pouvaient subsister ponctuellement.

M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur, a estimé que la mission d'information devait chercher à atteindre plusieurs grands objectifs politiques. Il a d'abord estimé nécessaire de modifier le partage de la valeur ajoutée au profit des producteurs et des consommateurs, la grande distribution bénéficiant aujourd'hui d'un rapport de forces exceptionnellement favorable dans les relations commerciales en France.

Il a également appelé à lutter contre les pratiques illicites, cette démarche supposant de reconnaître l'existence d'une véritable « délinquance commerciale » et de combattre cette dernière.

Il a enfin souhaité une amélioration du service commercial rendu à tous les citoyens sur l'ensemble du territoire national (centres-villes, quartiers sensibles, ruralité profonde).

Puis, il a estimé que les pouvoirs publics disposaient de plusieurs moyens d'action pour atteindre ces objectifs.

Il s'est d'abord prononcé en faveur de la suppression, à terme, de la totalité des marges arrière. Il a jugé que leur simple réduction, aujourd'hui consensuelle, n'était pas suffisante, puisque selon lui aucune justification de fond à leur existence même n'avait été apportée au cours des débats de la mission.

S'agissant de l'organisation des conditions générales de vente (CGV), il a préconisé de distinguer le rôle des tarifs, d'une part, et celui de l'ensemble des remises, ristournes et rabais, d'autre part. Il a considéré que les tarifs avaient vocation à exprimer une réalité de production et que leur fixation ne devait donc pas pouvoir être discutée dans le cadre d'une négociation entre fournisseur et distributeur. Il a fait valoir que la discussion des remises, ristournes et rabais, devait en revanche rester un espace de négociation commerciale individualisée entre fournisseur et distributeur, les préférences humaines devant pouvoir s'y exprimer naturellement -la suppression de cette liberté risquant de produire mécaniquement des effets pervers.

Il a par ailleurs, à titre personnel, apporté son soutien à l'idée d'accompagner la suppression des marges arrière en se référant aux prix nets-nets-nets, auxquels serait affecté un coefficient fixé par les pouvoirs publics.

Il s'est ensuite réjoui de l'avancée obtenue par la commission des affaires économiques avec l'instauration par la loi relative au développement des territoires ruraux d'un coefficient multiplicateur pour la fixation du prix des fruits et légumes en période de crise. Il a toutefois noté que cette réforme n'était pas encore aboutie et que la commission devrait rester vigilante jusqu'à la publication des décrets d'application de cette disposition, afin que le nouveau dispositif soit applicable à la campagne 2005.

Il a enfin remarqué que la mission d'information poursuivait sa réflexion s'agissant des commissions départementales d'extension commerciale (CDEC).

Le Président Patrick Ollier a estimé que l'objectif du Parlement devait être certes la suppression des marges arrière illicites, mais aussi le maintien d'une « respiration » suffisante dans les négociations commerciales, dès lors qu'elles sont transparentes, consignées par écrit et portent sur des services commerciaux effectivement rendus. Il a donc appelé, à titre personnel, à faire preuve d'une certaine souplesse et à bien distinguer les véritables négociations commerciales, qu'il a jugé légitimes, de certaines pratiques commerciales abusives ayant des effets pervers sur l'évolution des prix à la consommation.

M. Jean Gaubert, s'exprimant au nom du groupe socialiste, a indiqué que ce débat, qui met en évidence des relations commerciales complexes et différentes suivant les secteurs, intéressait de nombreux parlementaires malgré sa technicité.

Il a rappelé que son groupe aurait préféré la création d'une commission d'enquête, qui aurait été plus efficace dans son travail, mais a néanmoins exprimé sa satisfaction sur le déroulement des travaux de la mission d'information.

Il a estimé que le cœur du problème résidait dans un déséquilibre entre l'offre et la demande, cette dernière étant structurée autour de grandes centrales d'achat depuis une trentaine d'années. En outre, il a indiqué que les effets de ce déséquilibre étaient différents suivant le degré de concentration de l'offre.

En effet, a-t-il indiqué, une forte concentration de l'offre permet d'accroître son poids dans les négociations commerciales. Ainsi pourrait-on expliquer, dans le domaine du luxe, que les parfums soient moins chers dans les petits commerces allemands que dans les grandes surfaces françaises. A l'inverse, les prix des produits pour lesquels l'offre est éclatée ont tendance à baisser depuis quelques années.

Il a donc indiqué qu'il était nécessaire de déterminer les moyens de rétablir une négociation équilibrée lorsque l'offre est éclatée, notamment entre de nombreux petits producteurs, et que seul le demandeur est en position de négocier.

A cet effet, il s'est interrogé sur l'opportunité de favoriser la concentration de l'offre, rappelant qu'actuellement cette concentration est quasiment interdite du fait de la législation applicable aux ententes. Il a donc estimé qu'il pourrait être utile de réformer la notion d'entente.

S'agissant des conditions générales de vente, il a indiqué qu'il fallait maintenir un prix tarif public et respecté. Il a précisé qu'il approuvait l'idée de laisser une respiration à la négociation commerciale, à condition d'encadrer les négociations sur les rabais, ristournes et remises, sous peine de voir se développer de nouvelles dérives.

S'agissant par ailleurs des marges arrière, il a indiqué que son groupe était favorable à leur interdiction globale et progressive. Des mesures ponctuelles, a-t-il indiqué, risquent d'être contournées par la grande distribution qui n'hésite pas à avoir recours dans ce domaine à des pratiques mafieuses.

Il a estimé que la suppression des marges arrière et la baisse consécutive du seuil de revente à perte n'auraient probablement pas l'effet négatif sur les petits commerces annoncé par certains. Il a en effet expliqué qu'actuellement, le fournisseur avait tendance à surfacturer ses produits aux petits commerces afin de compenser l'effet des marges arrière pratiquées par la grande distribution. En supprimant les marges arrière, il est donc également possible que le prix de vente aux petits commerces soit revu à la baisse.

Il a ensuite exprimé son accord avec l'analyse du rapporteur M. Jean Dionis du Séjour sur l'importance du lien entre cette question et celle de l'aménagement de nos territoires ruraux. Il a ajouté que le problème de la disparition des commerces de proximité était aussi néfaste aux centres urbains.

Il a en outre estimé qu'il était nécessaire d'accepter, dans une certaine mesure, certains accords de gamme à condition qu'ils soient encadrés. Il a néanmoins précisé que la multiplication de ce type d'accords ne devait pas conduire à exclure du marché un produit qui aurait pu être préféré par les consommateurs.

Il a en outre indiqué que les sanctions, qu'elles soient administratives ou judiciaires, devaient être renforcées. Il a précisé qu'il fallait se garder de trop accroître le caractère automatique des sanctions administratives, afin de ne pas les rendre discrétionnaires. En outre, les sanctions judiciaires doivent être infligées plus rapidement et avec un montant proportionné, voire supérieur, à celui-ci du bénéficie réel tiré des pratiques illicites.

En complément des mesures proposées par la mission, il a estimé qu'il serait nécessaire de renforcer les pouvoirs des associations de consommateurs et de faciliter leur financement, ainsi que les moyens de la direction de la concurrence.

En conclusion, il a estimé qu'il ne fallait pas avoir peur de soumettre les prix de vente à une procédure plus contraignante sur le plan administratif. Actuellement en effet, les gains réalisés par les grands distributeurs ne résultent pas de leurs efforts commerciaux, mais simplement de leur répercussion sur les fournisseurs.

M. Serge Poignant, s'exprimant au nom du groupe UMP, a salué la qualité du rapport d'étape présenté par la mission d'information, dont il a souligné l'importance, rappelant la perspective de l'examen en première lecture à l'Assemblée nationale du projet de loi relatif aux relations commerciales et au développement des entreprises.

Il est revenu sur trois postulats du rapport d'étape dont il a souligné qu'ils devraient inspirer la réforme prochaine des marges arrière.

D'abord, il a estimé qu'il n'y avait pas lieu d'abolir la loi « Galland » mais de la réformer : il s'est déclaré favorable au maintien du seuil de revente à perte et à la correction des pratiques qui tendent à en abuser ou à le contourner.

Ensuite, il a souligné qu'une course à la baisse des prix nuirait dangereusement aux producteurs, notamment dans le secteur agricole. Il a donc jugé qu'il n'y avait pas lieu de poursuivre un objectif de baisse continue des prix à la consommation.

Enfin, il a souhaité que la réforme envisagée tende à transférer les marges « arrière » vers « l'avant ». Il a estimé en effet qu'il convenait de trouver un équilibre entre l'encadrement complet des prix et la dérégulation totale. Aussi a-t-il jugé que la négociation des services de coopération commerciale devait être possible à condition d'être transparente, et que la meilleure façon de garantir cette transparence consistait en un transfert des marges « arrière ».

Il a aussi estimé que les accords de gamme étaient acceptables et bénéfiques pour les petits producteurs à condition qu'ils soient transparents et correctement contrôlés.

Enfin il a souhaité savoir quelles étaient la nature et l'efficacité du dispositif actuel sur les conditions particulières de vente.

En réponse à la question de M. Serge Poignant, M. Luc-Marie Chatel a précisé que c'était une circulaire de M. Renaud Dutreil qui avait abordé en 2003 le sujet de l'instauration de conditions particulières de vente. Toutefois, les membres de la mission d'information souhaitent réformer ces conditions plus profondément que ne le faisait cette circulaire et estiment donc qu'il y a lieu de légiférer.

Ensuite, M. Jean-Paul Charié a rappelé que la différenciation des prix était nécessaire au bon déroulement des négociations commerciales à condition que cette différenciation soit inscrite dans les conditions générales de vente, ou qu'elle donne lieu à un contrat de coopération commerciale qui fixe la rémunération de services offerts par l'acheteur tout en respectant un cadre réglementaire strict.

En conclusion, le Président Patrick Ollier a souligné la qualité des débats et des apports du rapport d'étape de la mission d'information et a mis aux voix ce rapport d'étape.

La Commission a alors adopté les recommandations du rapport d'étape, les groupes UMP et UDF votant pour et le groupe socialiste s'abstenant.

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