COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES,
DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 36

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 1er mars 2005
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Patrick Ollier, Président

SOMMAIRE

 

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- Examen des propositions de résolution de Mme Anne-Marie Comparini (n° 2054), de M. Jean-Marc Ayrault (n° 2048) et de M. Léonce Deprez (n° 2096), sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur (COM[2004] 2 final/E 2520)

 

(M. Robert LECOU, rapporteur)

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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Robert Lecou, les propositions de résolution de Mme Anne-Marie Comparini (n° 2054), de M. Jean-Marc Ayrault (n° 2048) et de M. Léonce Deprez (n° 2096), sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur (COM[2004] 2 final/E 2520).

Le président Patrick Ollier a salué le travail de M. Robert Lecou, rapporteur, avant de donner la parole aux représentants des groupes ayant déposé les propositions de résolution discutées.

Présentant à la Commission la proposition de résolution n° 2048 de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste et apparentés, M. Pierre Cohen a indiqué d'emblée que cette proposition s'inscrivait dans un mouvement de rejet de la proposition de directive relative aux services dans le marché intérieur, dite « directive Bolkestein ».

Il a précisé que les auteurs de cette proposition entendaient rejeter en bloc la proposition de directive et non l'amender ; il a en effet dénoncé la logique qui sous-tend cette proposition de directive, estimant qu'elle vise à soumettre l'ensemble des services à des règles de marché, bien que tous les services n'aient pas nécessairement la même dimension marchande.

Il a en particulier souhaité qu'une loi-cadre sur les services publics ou les services d'intérêt économique général soit débattue et adoptée préalablement à la discussion de toute directive relative aux services. Il a ajouté qu'une telle loi-cadre permettrait de définir la notion de services publics et, notamment, d'en préciser le périmètre. Il a rappelé qu'il fallait partir des droits fondamentaux des citoyens pour réfléchir sur les services publics au lieu de raisonner en termes de marchés et de consommateurs.

Il s'est ensuite déclaré défavorable au principe du pays d'origine, dont il a jugé qu'il était contraire à l'objectif communautaire d'harmonisation par le haut des législations comme à l'esprit du modèle social européen. Il a insisté sur l'importance que les notions de citoyenneté, de droit du travail, de protection sociale, avaient pour les partis de gauche. Il a aussi estimé que ce principe du pays d'origine entravait même la liberté d'entreprendre, dans la mesure où il tend à favoriser les entreprises des Etats les moins protecteurs de leurs salariés au détriment de celles des Etats dont le modèle social est plus développé, comme c'est le cas de la France, et a espéré que tous pourraient se retrouver sur ce point.

Il a ensuite rappelé qu'à l'occasion du vote du Parlement européen sur le programme de travail de la Commission européenne pour 2005, le 24 février dernier, les députés européens issus de l'UMP n'avaient pas voté pour le retrait de la directive : il a regretté que les représentants de la France aient pu ainsi paraître désunis alors même que le Premier ministre avait fait part à l'Assemblée nationale de ses réserves sur la proposition de directive Bolkestein.

Puis, il a souhaité que fussent clarifiés les quelques points sur lesquels il convenait que la France ne transigeât pas, dans les négociations communautaires, comme le respect des acquis sociaux et la garantie d'une concurrence qui ne soit pas déloyale, dans le cadre d'une harmonisation par le haut des législations.

Enfin, il a souligné les trois conclusions de la proposition de résolution du groupe socialiste : la demande de retrait de la proposition de directive, le souhait de l'adoption d'une loi-cadre sur les services publics ou les services d'intérêt économique général préalablement à toute nouvelle directive sur les services, et le rejet du principe du pays d'origine.

Présentant à la Commission sa proposition de résolution n° 2096, cosignée par plusieurs de ses collègues, M. Léonce Deprez a rappelé que l'Assemblée nationale venait d'accueillir les propos du Président du Gouvernement espagnol définissant l'Union européenne comme une union tendue vers le progrès social, économique et technologique avec des applaudissements unanimes ; il a donc regretté que la proposition de directive Bolkestein tende à marquer un retour à un marché dérégulé. Il a estimé que cette proposition de directive méritait un réexamen profond.

A ce titre, il a jugé que la proposition de directive tendait à niveler les systèmes sociaux européens en les alignant sur les modèles sociaux les moins protecteurs. Il a estimé que ce nivellement par le bas n'était souhaitable dans aucun secteur et notamment pas dans celui des services, dont il a rappelé qu'il constitue le principal moteur de croissance et d'emploi pour la France, comme M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale le rappelait en présentant son plan de développement des services à la personne. Il a notamment regretté que la proposition de directive Bolkestein, s'appliquant à tous les services de façon horizontale, tende à toucher aussi à l'artisanat, dont il a souligné l'importance dans l'économie et la société françaises.

Il a ensuite jugé nécessaire de mettre en place un cadre juridique spécifique aux services publics. Il a rappelé que le Président de la République s'était plusieurs fois déclaré favorable à cette idée, et il a estimé qu'elle réunissait un consensus large au sein de la Représentation nationale.

Puis il a estimé que les citoyens européens ne pourraient adhérer pleinement à la construction européenne si celle-ci ne s'inscrivait pas dans une optique de progrès économique et social. Il a en effet rappelé que l'idée d'une économie sociale de marché était au cœur de la construction européenne et que le projet de Constitution européenne en affirmait l'importance. A ce titre, il a souligné le fait que l'esprit de la proposition de directive contredisait celui d'un certain nombre de directives ou de projets de directives relatifs aux droits sociaux dans le marché unique, comme par exemple celle qui tend à harmoniser la reconnaissance des qualifications professionnelles.

Le président Patrick Ollier, a indiqué que l'objet de la proposition de directive, à savoir la libre circulation des services, s'inscrivait dans le cadre de l'évolution européenne qu'il soutenait, mais que cela ne devait pas servir de prétexte à faire de l'Europe un champ d'action supplémentaire pour la technocratie.

Rappelant sa volonté de participer au contraire à une construction politique de l'union européenne, telle que souhaitée par le Général de Gaulle, il a souligné le fait que le marché devait constituer un instrument, mais non la finalité même de la construction européenne. Il a précisé qu'à cet égard, le débat suscité par la proposition de directive sur les services dans le marché intérieur constituait l'occasion d'une réflexion approfondie sur le sens de la construction communautaire.

Il a indiqué que la proposition de directive concernait plus de 6 000 métiers, et a estimé qu'un texte d'une telle portée ne devait pas en rester à sa mauvaise rédaction actuelle.

Soulignant la spécificité du service public à la française, issu du consensus national qu'illustrait le programme du Conseil national de la Résistance et dont l'esprit n'était manifestement pas compris par les auteurs de la proposition de directive, et insistant sur le fait que la majorité poursuivait elle aussi des objectifs sociaux, il a ensuite exprimé sa crainte devant les risques de dumping social que pourrait présenter l'application du principe du pays d'origine. Il a estimé qu'un tel principe pouvait devenir l'expression d'un libéralisme dangereux, dès lors qu'il était excessif, technocratique, et qu'il échappait au contrôle politique. Il a rappelé que les députés du groupe UMP étaient attachés au droit du travail, aux droits sociaux, au droit à la santé ainsi qu'aux services publics.

Il a enfin mis en avant la dimension de tri dans la tâche du rapporteur, qui devrait distinguer les avancées présentes dans la proposition de directive, des graves problèmes qu'elle soulève par ailleurs, et qui font d'elle un texte inacceptable en l'état.

M. Robert Lecou, rapporteur, a estimé qu'il ne fallait ni diaboliser la directive, ni ignorer les problèmes qu'elle soulève.

Il a rappelé que la proposition de directive présentée par la Commission européenne, et relative aux services dans le marché intérieur, dite « directive services » ou « directive Bolkestein », du nom du commissaire au marché intérieur dans la précédente Commission Prodi, s'inscrivait dans la « stratégie de Lisbonne », qui vise à faire de l'Union européenne, d'ici 2010, l'économie de la connaissance la plus compétitive au monde.

Il a précisé que la première proposition de résolution (n° 2054), présentée par Mme Anne-Marie Comparini au nom de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne avait été votée à l'unanimité par les membres de la Délégation le 2 février 2005. La deuxième proposition (n°2048) a été déposée le 1er février par M. Jean-Marc Ayrault et les membres du groupe socialiste et apparentés. La troisième (n° 2096) a été déposée par M. Léonce Deprez et plusieurs de ses collègues le 15 février 2005.

Il a indiqué que deux de ces propositions de résolution, la première et la troisième, étaient identiques, et que la deuxième présentait quelques différences, mais aboutissait à la même conclusion, puisque toutes trois demandaient le retrait de la proposition de directive pour une remise à plat approfondie.

Il a rappelé que nous n'en étions qu'au début d'un long processus, que la Commission avait présenté sa proposition de directive relative aux services dans le marché intérieur le 13 janvier 2004, et que cette directive serait adoptée le cas échéant au terme de la procédure de codécision, qui impliquait l'accord conjoint du Conseil et du Parlement européen.

Il a précisé que la Commission avait présenté début janvier 2005 une version consolidée de la proposition de directive, prenant en compte les clarifications proposées dans un document de travail de la présidence luxembourgeoise, et que le 2 février 2005, lors de la présentation des propositions de la Commission pour la révision de la stratégie de Lisbonne, le Président José Manuel Durão Barroso avait indiqué que la Commission s'engageait à remettre à plat la proposition de directive.

Il a ensuite indiqué que le 24 février, le Parlement européen s'était prononcé sur le programme de travail de la Commission européenne pour 2005, rejetant une demande d'adoption de la proposition de directive dans les meilleurs délais, ainsi que les amendements en demandant le retrait pur et simple. La position actuelle du Parlement européen était donc de demander une remise à plat du texte.

Il a souligné que les prochaines échéances étaient le conseil « compétitivité » puis le conseil européen de mars 2005, que le Parlement européen devrait débattre en séance plénière en juillet prochain du rapport de Mme Evelyne Gebhardt (SPD, Allemagne), rapporteur pour la commission du marché intérieur, son rapport devant être présenté en mars.

Il a mentionné l'annonce, par le Président de l'Assemblée nationale, M. Jean-Louis Debré, et le Président du Bundestag, M. Wolfgang Thierse, de la mise en place d'un groupe de travail parlementaire franco-allemand, qui devrait formuler des pistes de révision de la proposition de directive.

Il a ensuite constaté que le principe d'une meilleure intégration des services dans l'Union européenne n'était pas contesté.

Il a estimé que la perspective d'une simplification des procédures administratives et d'un renforcement de la coopération administrative entre les Etats membres allait dans le sens d'un meilleur fonctionnement du marché intérieur.

En revanche, il a déclaré que la méthode retenue par la Commission et le fond de la proposition de directive provoquaient de nombreuses critiques.

Il en a dénoncé le champ d'application extrêmement vaste, et confus, regrettant qu'une partie des services publics soit couverte par la proposition, alors que ces services devraient faire l'objet d'une directive-cadre spécifique, demandée depuis longtemps par la France et la Belgique. Il a souligné que l'article III-122 du Traité établissant une constitution pour l'Europe offrirait également une base juridique pour une loi européenne sur les services d'intérêt économique général.

Pour des raisons d'intérêt général, et parce qu'on ne peut pas les assimiler à des services marchands classiques, il a considéré que de nombreux secteurs devraient en outre être exclus du champ d'application du texte, qu'il s'agisse de la santé, de la culture et de l'audiovisuel, des professions juridiques réglementées, des jeux d'argent, et de l'ensemble des transports.

S'il a estimé que certaines des mesures de simplification administrative prévues au titre de la liberté d'établissement ne soulevaient pas de difficulté, il a dénoncé la méthode retenue pour faciliter la libre prestation de services, qui repose sur la généralisation du principe du pays d'origine, sans disposer d'études d'impact sectorielles approfondies, et a qualifié cette méthode d'inacceptable. Il a également dénoncé la suppression de la déclaration préalable au détachement des salariés comme étant inadmissible, dans la mesure où elle priverait d'efficacité tout contrôle par le pays d'accueil, et accroîtrait ainsi les risques de dumping social, environnemental, juridique, etc.

Il a également souligné que cette proposition de directive se trouvait en contradiction avec le traité instituant une constitution pour l'Europe adopté par les chefs d'Etat et de gouvernement des pays membres de l'Union européenne le 18 juin 2004, et en particulier avec ses articles I-3 (objectif de cohésion économique et sociale), III-119 (exigences de la protection de l'environnement), III-120 (protection des consommateurs), III-122 (bon accomplissement des missions des services d'intérêt économique général), III-172 (protection du milieu de travail), III-209 (promotion de l'emploi, amélioration des conditions de vie et de travail et leur égalisation dans le progrès).

Il a affirmé que l'articulation de la proposition de directive avec les autres instruments juridiques communautaires était également nécessaire.

Il a ensuite estimé que l'interdiction faite en France à l'autorité judiciaire d'appliquer la loi pénale française porterait atteinte au principe de territorialité de la loi française, alors que ce principe relevait pourtant des conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale. Il a considéré que la France ne pouvait pas accepter de telles dispositions en si forte contradiction avec ses principes constitutionnels.

Compte tenu de la trop grande complexité du texte, de son imprécision dans sa rédaction actuelle, et de l'impossibilité à ce jour d'en évaluer correctement la portée, il a donc estimé qu'il fallait demander que la Commission remette à plat cette proposition de directive, profitant de la poursuite des travaux du Parlement européen et du Conseil européen conformément à la procédure de codécision, de manière que cette remise à plat approfondie aboutisse à des modifications de très grande ampleur.

En conclusion, il a proposé l'adoption d'une proposition de résolution synthétique, prenant appui sur l'article unique de la proposition de résolution présentée par la Délégation pour l'Union européenne, adopté par celle-ci à l'unanimité et repris par M. Léonce Deprez et ses collègues, en tenant compte des motifs détaillés exposés par le groupe socialiste, et notamment de la question de la compatibilité de la proposition de directive avec plusieurs articles du traité établissant une constitution pour l'Europe.

Il a indiqué que cette proposition de résolution demandait :

- la remise à plat approfondie de la proposition de directive ;

- l'abandon du principe du pays d'origine ;

- le maintien de la déclaration préalable au détachement des travailleurs ;

- un contrôle renforcé de la qualification professionnelle en contrepartie de la limitation des régimes d'autorisation ;

- le respect de la constitution et de la souveraineté du droit pénal ;

- l'exclusion des services d'intérêt général de la proposition de directive ;

- la mise en œuvre rapide d'une directive-cadre protégeant les services publics ;

- des exclusions sectorielles : services de transports dans leur ensemble, professions juridiques réglementées, services de santé, d'aide sociale et médico-sociale, audiovisuel et services culturels, jeux d'argent.

Il a estimé que cette proposition de résolution devrait rassembler l'ensemble des membres de la commission, souhaitant que la proposition de directive s'inscrive dans la perspective d'une meilleure intégration du marché des services, source de croissance et d'emploi, mais a conclu que la proposition de directive actuelle était inacceptable.

M. Daniel Paul a souligné que le groupe communiste et républicain, après avoir été alerté sur le contenu du projet de directive à l'été 2004, avait attiré l'attention du Gouvernement sur ses dispositions dès le début de la session parlementaire.

Déplorant le peu d'intérêt suscité à l'époque par cette démarche, il a précisé que le groupe qu'il représentait demandait le retrait du projet de directive, et a estimé que la proposition du rapporteur tendant à demander « résolument » une remise à plat n'était pas très éloignée de cette position.

Il a également estimé que ce projet de directive était représentatif des orientations communautaires actuelles, qui ne lui paraissent pas recueillir l'assentiment de la population et a rappelé que le présent texte avait été adopté par la Commission européenne, alors présidée par Romano Prodi, à l'unanimité du collège des commissaires.

Il a indiqué que seuls les députés communistes s'étaient opposés au texte lors de son examen préliminaire par les instances européennes ; il a qualifié ce projet de directive d'erreur politique.

Indiquant que la Grande-Bretagne, favorable au projet, allait assumer à partir du mois de juillet et pour six mois, la Présidence de l'Union européenne, il a estimé que le retrait du texte constituait une garantie que n'offrait pas une simple remise à plat. Il a également appelé à rejeter le projet de Traité constitutionnel européen.

Rappelant qu'il était personnellement favorable à un vote positif au référendum sur le projet de constitution européenne, M. Jacques Le Guen a indiqué qu'il était nécessaire de remettre totalement à plat ce projet de directive, mais que ses principes étaient déjà appliqués en pratique dans le secteur agricole.

Les sociétés de service feraient notamment travailler en Allemagne près de 270 000 employés saisonniers polonais, par le biais d'accords de main-d'œuvre datant de 1991, avec un coût horaire de 4,6 à 5,4 euros, ce qui ne pouvait entraîner qu'une grave distorsion de concurrence à l'égard des producteurs français dont le coût horaire est en moyenne de 10,6 euros.

Il a donc estimé qu'il existait déjà une distorsion de concurrence préjudiciable aux agriculteurs français, notamment dans le domaine des fruits et légumes, ajoutant que cette distorsion ne pourrait que s'aggraver avec l'arrivée de travailleurs ukrainiens en Pologne, dont le salaire horaire est inférieur à un euro. Il a conclu qu'il fallait instaurer une véritable police sociale permettant d'éviter que notre système agricole fût mis en péril.

M. François Brottes a estimé que l'Assemblée nationale devait adresser un message parfaitement clair à la Commission européenne en adoptant une proposition de résolution courte et claire ; il a donc engagé la Commission à adopter la proposition de résolution déposée par le groupe socialiste, dont la rédaction synthétique permettrait d'éviter qu'elle ne servît à légitimer, d'une manière ou d'une autre, une nouvelle directive légèrement modifiée.

Il s'est en particulier interrogé sur l'opportunité d'y préciser les secteurs qui devraient être exclus de l'application de cette directive, dans la mesure où cette liste risquait de ne pas être exhaustive ; ainsi, le rapporteur a-t-il fait mention du domaine des transports, mais l'on pourrait aussi bien y ajouter ceux de l'agriculture, du bâtiment, et par extension, toutes les activités jouant un rôle dans l'aménagement du territoire.

Il a jugé positive l'initiative du rapporteur consistant à ne pas désigner les nouveaux pays entrants dans l'Union européenne comme les auteurs d'une concurrence déloyale.

Il a par ailleurs précisé que le groupe socialiste était favorable, avant toute directive sur les services dans le marché intérieur, à l'élaboration d'une directive-cadre sur les services publics, notion plus large que les services d'intérêt économique général visés à l'article III-122 du projet de traité constitutionnel européen.

Il a par ailleurs estimé qu'en proposant une « remise à plat » de la directive, la résolution était à la fois trop réservée et trop vague, cette expression risquant de ne pas être comprise par des interlocuteurs étrangers ; que la rédaction de la proposition de résolution du groupe socialiste, en optant clairement pour une demande de retrait du projet de directive, était donc plus efficace que celle du rapporteur, bien que cette dernière fût globalement meilleure que celle du rapporteur de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont a vivement regretté que le caractère inacceptable de la proposition de directive relative aux services dans le marché intérieur soit instrumentalisé pour appeler à rejeter le traité instituant une Constitution européenne. Elle a estimé que l'absence de rejet total d'une telle proposition de directive constituerait une faute politique, alors que le processus d'examen de ce texte ne faisait que débuter. Elle a ajouté que les élus locaux avaient bien perçu, sur le terrain, la menace que cette proposition de directive faisait planer sur les services publics et sur l'artisanat, pourtant essentiels pour le maillage territorial de la France. Elle a donc jugé préférable de demander un retrait de la proposition de directive plutôt qu'une simple « remise à plat ».

Mme Nathalie Gautier a considéré que la proposition de directive n'était pas seulement « vaste et confuse », mais foncièrement inacceptable. Elle a rappelé qu'elle n'avait pas suscité de simples critiques mais un véritable tollé. Jugeant la proposition de directive contre-productive vis-à-vis de la construction européenne, et notamment du traité instituant une Constitution européenne, elle a souhaité que le retrait de ce texte soit demandé. Elle a remarqué que les citoyens avaient bien compris les dangers de cette proposition de directive et, rappelant qu'elle préside le groupe d'amitié France-Lettonie de l'Assemblée nationale, a cité l'exemple du conflit violent provoqué récemment par le recours à une entreprise lettone sur un chantier suédois, perçu par l'opinion publique comme une pratique de concurrence déloyale.

Elle a enfin fait valoir que les services, menacés par cette directive, représentaient environ 70 % du produit intérieur brut. Notant que la Commission européenne avait l'intention de conserver ce texte dans son principe, elle a conclu que la seule solution efficace, claire et compréhensible serait de demander le retrait de ce texte.

Le président Patrick Ollier a souligné l'existence d'un consensus au sein de la Commission pour refuser la directive dans sa rédaction actuelle. Il a toutefois appelé la Commission à faire preuve de responsabilité, en mesurant les limites de l'action pouvant être conduite dans le cadre des institutions communautaires.

Il a considéré qu'il aurait été possible de demander le retrait de la proposition de directive dans la foulée de son dépôt, mais a rappelé qu'au contraire le débat était déjà engagé, le Parlement européen s'en étant saisi et la rapporteure de la commission du marché intérieur, Mme Evelyne Gebhardt ayant débuté son travail. Il a noté qu'un conseil des ministres de l'Union européenne aurait lieu au mois de mars et indiqué que la procédure de codécision devait se poursuivre, notamment au Parlement européen en juillet prochain.

Il a estimé que la position de la France pourrait être mal comprise des autres Etats membres si l'Assemblée nationale, pour défendre le service public « à la française », demandait le retrait d'un texte déjà en discussion. Il a toutefois suggéré de réfléchir à des améliorations rédactionnelles de la proposition de résolution, la notion de « remise à plat » de la proposition de directive étant sans doute ambiguë.

M. Léonce Deprez a estimé qu'il était souhaitable de remplacer l'expression peu claire de « remise à plat » par une demande de « réexamen » de la directive. Puis, M. Jacques Le Guen a insisté sur la nécessité de demeurer vigilant, dans l'hypothèse d'une réécriture du texte de la directive. Il a estimé que celle-ci introduisait une véritable dérégulation du secteur des services dans l'Union européenne.

Après que M. Jean-Marc Lefranc a exprimé son souhait de préciser au point 11 de la proposition de résolution que la directive était inacceptable et que sa réécriture était nécessaire, Mme Nathalie Gautier a estimé que l'expression de « spécificité française en matière de services publics » n'était pas opportune, dans la mesure où certains Etats membres, notamment l'Allemagne, disposaient de services publics locaux, de sociétés d'économie mixte, et de services d'intérêt économique général, et avaient développé un contrôle public sur certains services.

Le président Patrick Ollier, a néanmoins souligné qu'il s'agissait plutôt dans ces Etats de services au public, et que la France se distinguait par sa conception originale du service public. Il a souligné que l'enjeu majeur du débat résidait dans l'importance plus ou moins grande que l'on souhaitait accorder aux interventions de l'Etat.

Mme Sylvia Bassot a estimé que la notion de « réexamen », parce qu'elle visait le fond du texte de la directive, était préférable à la notion de « réécriture », qui visait plutôt sa forme.

M. François Brottes a rappelé que la proposition de résolution rédigée par le groupe socialiste posait le principe d'une directive-cadre sur les services d'intérêt économique général ou sur les services publics, comme garantie d'une protection préalable. Il a également précisé que son groupe n'était favorable ni au réexamen, ni à la réécriture de la proposition de directive dite Bolkenstein, jugeant ces deux démarches insuffisantes. Il a en outre précisé que la notion de « retrait » de la directive figurait au point 13 de la proposition de résolution de la Délégation européenne, ce qui n'était pas le cas au point 11 de la proposition de résolution du rapporteur de la Commission des affaires économiques, M. Robert Lecou.

M. Frédéric Soulier a suggéré de demander un nouvel examen du texte.

M. Léonce Deprez a estimé que le terme de « réexamen » était plus fort que celui de « réécriture », et plus conforme à la volonté exprimée par la Commission au cours du débat.

M. Yves Coussain a exprimé sa préférence pour un retrait du texte dans son écriture actuelle.

M. Jacques Bobe a alors suggéré la formule « retrait en vue d'un réexamen ».

Le rapporteur a ensuite rappelé que la procédure de codécision devant aboutir à l'adoption du texte n'en était qu'à ses débuts, et que le texte dont la Commission avait à connaître n'était qu'un projet de directive destiné à être modifié.

Il a estimé que la demande de retrait était une option excessive et maladroite eu égard tant au droit qu'aux usages communautaires, et a rappelé que le Parlement européen devait en outre s'exprimer sur ce projet de directive, en particulier dans le cadre de l'examen du rapport adopté par la commission compétente et débattu au mois de juillet prochain.

Il a alors proposé de demander un réexamen du projet de directive, plutôt qu'une remise à plat, ainsi que l'examen simultané d'un projet de directive-cadre sur les services publics.

M. François Brottes a alors indiqué que, le rapporteur ne proposant pas le retrait du projet de directive, le groupe socialiste voterait contre sa proposition de résolution.

La Commission a alors adopté la proposition de résolution de son rapporteur ainsi modifiée.

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