COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES,
DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 47

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 3 mai 2005
(Séance de 17 heures)

Présidence de M. Patrick Ollier, Président

SOMMAIRE

 

pages

- Désignation d'un rapporteur et examen du projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2004-1391 du 20 décembre 2004 relative à la partie législative du code du tourisme (n° 2162)


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- Désignation d'un rapporteur et examen de la proposition de loi de M. Jean-Pierre Kucheida et plusieurs de ses collègues créant une couverture énergétique universelle pour les personnes défavorisées (n° 2011)



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- Informations relatives à la Commission

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La Commission a désigné Mme Hélène Tanguy rapporteure sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2004-1391 du 20 décembre 2004 relative à la partie législative du code du tourisme (n° 2162), puis a procédé à l'examen de ce texte.

Invitée par le Président Patrick Ollier à présenter à la Commission le projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2004-1390 du 20 décembre 2004 relative à la partie législative du code du tourisme, Mme Hélène Tanguy, rapporteur, a rappelé que la création de ce code avait été lancée en 2000, sous la précédente législature, et que le projet de code avait recueilli les avis positifs des juristes de la commission supérieure de codification comme des professionnels du comité national du tourisme.

Elle a ensuite rappelé que le Gouvernement avait été habilité à promulguer par ordonnance la partie législative de ce code en vertu de l'article 33 de la loi n° 2003-591 du 2 juillet 2003 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, et que cette habilitation encadrait le travail du Gouvernement en précisant qu'il devait codifier le droit du tourisme à droit constant, c'est-à-dire sans modification substantielle du droit applicable.

Elle a ensuite indiqué que l'examen d'un projet de loi de ce type soulevait trois questions relatives à l'intérêt d'une codification du droit du tourisme, à la qualité du code annexé à l'ordonnance n° 2004-1390 du 20 décembre 2004, et à l'intérêt d'une ratification explicite de cette ordonnance.

S'agissant d'abord de l'intérêt de la codification du droit du tourisme, le rapporteur a d'abord admis qu'il y avait plus urgent dans le calendrier parlementaire, et rappelé que c'était pour cette raison que le législateur avait choisi de déléguer ce travail au Gouvernement, en utilisant la méthode de la codification par ordonnance.

Ella a ensuite souligné que la codification du droit du tourisme était particulièrement souhaitable pour deux raisons.

D'une part, elle a estimé que la codification permettait de rendre plus accessible et plus intelligible un droit de plus en plus complexe, rappelant que le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999 sur la loi habilitant le Gouvernement à procéder par ordonnance à l'adoption de certains codes, avait reconnu à cet objectif une valeur constitutionnelle. Elle a ainsi souligné que pour que nul ne soit censé ignorer la loi, il fallait la rendre lisible et compréhensible.

D'autre part, elle a souligné que la codification répondait à une demande des acteurs du tourisme, confrontés à un droit de plus en plus complexe et de plus en plus épars. Elle a noté que si certains grands groupes disposaient de services juridiques importants, tel n'était pas le cas de la plupart des 200 000 entreprises et du million de personnes qui relèvent de ce secteur économique. Elle a observé en effet que la plupart de ces sociétés étaient de très petites entreprises, et que leurs dirigeants, dans leur grande majorité, n'avaient pas reçu de formation juridique adaptée à leurs responsabilités, notant par ailleurs qu'il n'était pas rare qu'ils créent leur petite entreprise après un parcours professionnel étranger au secteur du tourisme. Elle a souligné par ailleurs que ces entreprises ont de plus en plus besoin de moyens juridiques, constatant que le contentieux lié aux activités touristiques se développait, qu'il soit lié à des accidents survenus par exemple dans les piscines ou sur les remontées mécaniques, ou qu'il soit lié à l'application de normes législatives ou réglementaires de plus en plus précises, à l'image des règlements sanitaires, des règlements d'urbanisme ou des normes de sécurité. Elle a donc estimé qu'il était important, pour ces très petites entreprises, de disposer d'un manuel juridique unique et clair.

S'agissant ensuite du code tel qu'il est proposé, le rapporteur a jugé son architecture globale satisfaisante. Admettant qu'il serait illusoire de penser que la création de ce code solderait tous les problèmes liés au tourisme, elle a jugé son périmètre suffisamment large pour englober l'essentiel des dispositions législatives applicables. Elle a souligné par ailleurs la difficulté de définir un périmètre pertinent pour un code, compte tenu du caractère transversal du droit du tourisme, qui regroupe, entre autres, des normes de droit commercial, de droit rural ou de droit social. Elle a rappelé que certains parlementaires avaient souhaité que d'autres pans de la législation soient intégrés au code du tourisme, et notamment les dispositions relatives aux casinos ; elle a toutefois estimé qu'il fallait reconnaître que le périmètre du code du tourisme avait été défini de façon raisonnable. Constatant que deux propositions de loi relatives au régime des casinos avaient été déposées récemment, elle a évoqué la possibilité d'un débat spécifique sur ce sujet.

Pour ce qui est du contenu du code, elle a constaté que le principe de codification à droit constant avait été parfaitement respecté, rappelant que l'habilitation dont disposait le Gouvernement lui laissait le soin de prendre des mesures d'harmonisation du droit, de correction rédactionnelle, de reclassement de certaines mesures au titre de la hiérarchie des normes, ainsi que d'extension des mesures nationales à l'outre-mer. Elle a jugé que le Gouvernement avait utilisé raisonnablement ces quatre facultés.

Elle a ensuite souligné qu'il ne fallait pas attendre plus de l'exercice de codification à droit constant.

Elle a ainsi rappelé que le code n'était pas un instrument de réforme du droit du tourisme, soulignant par ailleurs que des réformes du droit du tourisme sont en cours, indépendamment de la codification. Elle a cité notamment l'ordonnance n° 2005-174 du 24 février 2005 relative à l'organisation et à la vente de voyages et de séjours qui simplifie le droit applicable aux agences de voyage.

Elle a aussi rappelé que le code n'était pas non plus une compilation exhaustive de tous les textes concernant plus ou moins le tourisme. Elle a ainsi admis que certaines dispositions d'autres codes auraient pu être intégrées au code du tourisme, citant notamment celles qui encadrent le travail saisonnier. Toutefois, elle a rappelé que le code du tourisme ne serait vraiment accessible et intelligible que s'il n'intégrait que des dispositions exclusivement liées aux activités touristiques.

S'agissant enfin de l'intérêt de ratifier l'ordonnance de codification, le rapporteur a estimé que la discussion de ce projet de loi permettait au Parlement de contrôler le travail accompli par le Gouvernement dans le domaine législatif. Elle a rappelé que M. Etienne Blanc, rapporteur du projet de loi d'habilitation, plaidait pour un véritable « droit de suite » parlementaire, pour que le recours à l'article 38 de la Constitution ne dépossède pas excessivement le Parlement de ses pouvoirs.

Elle a ensuite jugé que les délais impartis au Gouvernement avaient été respectés, et que l'élaboration de la partie réglementaire du code du tourisme était en bonne voie. Elle a indiqué que celle-ci devrait être adoptée à la fin de l'année, délai qu'elle a jugé raisonnable.

S'agissant des modifications susceptibles d'être apportées au code du tourisme dans le cadre de la discussion du présent projet de loi, elle a indiqué que le projet de loi en comportait déjà deux : d'une part, l'intégration au code du tourisme du régime de contrôle des tapis roulants neige, et d'autre part, une correction rédactionnelle des dispositions relatives à l'agence nationale pour les chèques-vacances.

Elle a indiqué qu'elle soumettrait à la Commission plusieurs amendements tendant à mieux prendre en compte, dans le code du tourisme, le tourisme rural et les refuges de montagne. Elle a précisé qu'elle proposerait aussi une mesure tendant à combler une lacune juridique et élargissant aux départements et aux syndicats mixtes la possibilité de demander au préfet l'instauration de servitudes pour le passage et l'aménagement des pistes de ski, possibilité qui n'appartient jusqu'à présent qu'aux communes et à leurs groupements.

En conclusion, elle a estimé que le code du tourisme avait vocation à devenir la « bible » des acteurs du tourisme et, par extension, de presque tous les Français qui pratiquent des activités touristiques. Elle a aussi relevé que le code du tourisme faciliterait le travail de certaines partenaires de justice comme les conciliateurs, quand ils sont saisis de contentieux locaux dans le domaine du tourisme. Elle a indiqué en outre que ce code constituait un signe fort de reconnaissance de la filière touristique, dont elle a souligné l'importance économique.

S'exprimant au nom du groupe UMP, M. Martial Saddier a souligné l'importance de ce texte pour le secteur du tourisme et les territoires, qu'il s'agisse du littoral, de la montagne ou du monde rural. Avec 75 millions de touristes par an, la France représente la première destination au monde. Ce secteur représente 6% du produit intérieur brut, concerne 200 000 entreprises et fait travailler 2 millions de personnes. En outre, 35 000 emplois ont été créés entre 2001 et 2003 grâce à cette activité. Il a souligné l'attachement manifesté par le gouvernement à ce secteur qui s'est traduit par la réunion en 2003 et 2004 du comité interministériel du tourisme, qui ne s'était plus réuni depuis vingt ans et par la tenue des Assises nationales du tourisme en décembre 2003. Ce code du tourisme est donc une bonne nouvelle car il favorise une meilleure accessibilité du droit et répond à une attente forte des consommateurs et des professionnels de ce secteur. Outre l'adoption par ordonnance de la partie législative de ce code, il faut également souligner l'importance du travail réglementaire déjà effectué. L'ordonnance du 20 décembre 2004 procède à une codification à droit constant et le projet de loi de ratification intègre également dans le code certaines dispositions concernant la montagne, relatives notamment aux tapis roulant, résultant de la loi sur le développement des territoires ruraux. La loi d'habilitation du 2 juillet 2003 est ainsi respectée à la fois sur le fond et sur la forme, s'agissant en particulier du délai de trois mois fixé pour le dépôt du projet de ratification.

Enfin, l'adoption de ce code intervient dans un contexte marqué par l'apparition de nouveaux enjeux pour notre pays, tel l'accueil de nouvelles populations touristiques en provenance notamment de la Chine, qui rend d'autant plus nécessaire l'existence d'un document unique accessible aux professionnels du tourisme.

S'exprimant au nom du groupe socialiste, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont a indiqué que ce code, qui a vocation à rassembler les règles de droit en vigueur, était très attendu et que ce travail avait été initié dès le printemps 2001. Elle a cependant observé que, si ce recueil de normes jusque-là disparates était un outil précieux pour les professionnels et l'ensemble des citoyens, il ne restait qu'un simple cadre et ne faisait pas une politique.

M. Jean-Michel Couve s'est félicité de l'adoption de ce code, qui renforce l'existence institutionnelle du tourisme et permet une meilleure prise en considération de ce secteur dont il a souligné l'importance économique, sociale et en termes d'aménagement du territoire. Rappelant que l'ouverture de nouveaux marchés prometteurs était un enjeu majeur, il a observé que les acteurs du tourisme devaient aussi faire face aux conséquences de l'approfondissement de la décentralisation.

La Commission est ensuite passée à l'examen des articles du projet de loi.

Article 1er : Ratification de l'ordonnance n° 2004-1391 du 20 décembre 2004 relative à la partie législative du code du tourisme

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.

Article 2  (articles L. 342-17-1 [nouveaux], L. 411-13 et L. 411-14 du code du tourisme) : Modifications apportées au code du tourisme

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur tendant à consacrer cet article aux seules modifications du code du tourisme relatives au statut de l'agence nationale pour les chèques-vacances.

Article 3 : Abrogation de l'article 50 bis de la loi « montagne » à des fins de coordination

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur tendant à consacrer cet article à la codification de l'article 50 bis de la loi « montagne ».

Article additionnel après l'article 3  (article L. 236-1 [nouveau] du code du tourisme) : Définition du refuge de montagne

La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à codifier, dans un nouvel article L. 326-1 du code du tourisme, la définition des refuges de montagne et à abroger l'article 193 de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux dont cette définition est issue.

Article additionnel après l'article 3  (article L. 343-1 [nouveau] du code du tourisme) : Règles relatives aux activités touristiques en milieu rural

La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à intégrer, dans un nouvel article L. 343-1 du code du tourisme, des renvois aux articles L. 112-18, L. 311-1 et L. 722-1 du code rural qui comportent des dispositions relatives au tourisme rural et à décaler en conséquence la numérotation des autres articles du même chapitre ainsi qu'à rectifier les références qui y étaient faites dans le reste du code.

Article additionnel après l'article 3 : Régime d'établissement des servitudes destinées à permettre le passage et l'aménagement de pistes de ski

La Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à étendre aux départements et aux syndicats mixtes la possibilité offerte aux communes et à leurs groupements de bénéficier d'une servitude destinée à assurer l'aménagement de pistes de ski et de remontées mécaniques.

Puis la Commission a adopté le projet de loi ainsi modifié.

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La Commission a désigné M. Jean-Pierre Kucheida rapporteur sur sa proposition de loi créant une couverture énergétique universelle pour les personnes défavorisées (n° 2011), puis a procédé à l'examen de ce texte.

M. Jean-Pierre Kucheida, rapporteur, s'est tout d'abord déclaré heureux et honoré d'être à nouveau membre de la Commission des affaires économiques comme il l'avait été lors de son premier mandat, à partir de 1981.

Puis, il a indiqué que la proposition de loi qu'il présentait avait vocation à rassembler tous les élus dans la mesure où elle concerne une question dépassant les clivages partisans. Il a d'ailleurs indiqué que de nombreux députés de la majorité lui avaient exprimé leur soutien à cette initiative.

Il a précisé que l'objet de la proposition de loi était d'instituer une couverture énergétique universelle et que la nécessité d'une telle mesure lui était apparue après le drame de Saint-Denis et au vu de l'accroissement du nombre de coupures qu'il avait constaté sur le terrain en raison du développement de la précarité.

Il a estimé que la croissance économique devait, dans une nation civilisée, se traduire par la création de nouveaux droits sociaux, comme cela avait été le cas dans notre histoire récente, de la création de la sécurité sociale à la mise en place de la couverture maladie universelle. Il a précisé que sa proposition s'inscrivait dans cette tendance de long terme en proposant la création d'une couverture énergétique universelle permettant de garantir un droit effectif à une fourniture continue d'énergie pour les personnes confrontées à des difficultés économiques ou sociales soudaines. Il a souligné que seules les personnes incapables de régler leurs factures en raison d'éléments indépendants de leur volonté étaient concernées. Il a toutefois insisté sur l'injustice consistant à sanctionner des enfants du fait du comportement de leurs parents.

M. Jean-Pierre Kucheida a ajouté que disposer d'une fourniture d'énergie constituait aujourd'hui incontestablement une nécessité vitale dans la mesure où l'on ne peut plus vivre décemment, dans le monde moderne, sans électricité ou sans gaz.

Puis, il a rappelé qu'il avait interpellé, à l'occasion de l'examen en deuxième lecture du projet de loi d'orientation sur l'énergie, le 24 mars dernier, M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie, et que celui-ci avait reconnu l'existence de difficultés liées notamment au fait que les services sociaux ne pouvaient, en l'état du droit, être informés des coupures d'énergie. Il a précisé que le ministre avait annoncé l'intention du Gouvernement de publier un décret permettant l'information des services sociaux, décret dont l'examen par le Conseil supérieur de l'électricité et du gaz est prévu la semaine prochaine.

M. Jean-Pierre Kucheida a indiqué que le projet de décret qui lui avait été communiqué constituait une avancée mais que la question lui paraissait devoir être traitée de manière plus ambitieuse et par la loi. Il a, en effet, jugé que la loi apportait davantage de garanties quant à la pérennité du dispositif.

Puis, il a indiqué que le deuxième objectif de la proposition de loi était de réformer le financement de la prise en charge des impayés pour revenir sur le transfert de la charge correspondante aux départements par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales.

Il a ensuite rappelé l'extrême inégalité des départements tant sur le plan des ressources que sur celui des charges auxquelles ils ont à faire face compte tenu de la situation sociale de leurs habitants, inégalité qui justifie l'intervention de la solidarité nationale. Il a estimé qu'il s'agissait là d'une mesure de justice.

Enfin, il a indiqué que la proposition de loi qu'il présentait concernait la fourniture d'électricité et de gaz et non la fourniture d'eau mais que la garantie de celle-ci lui paraissait tout aussi essentielle de sorte que si la présente proposition de loi devait être adoptée, il conviendrait d'adopter un dispositif similaire concernant l'eau.

Intervenant au nom du groupe UMP, M. Jean-Claude Lenoir a estimé qu'aucun élu ne pouvait être indifférent à la question évoquée par la proposition de loi présentée par M. Jean-Pierre Kucheida.

Il a d'ailleurs rappelé que le problème de l'interruption de la fourniture d'énergie aux ménages en difficulté n'était pas nouveau et qu'au fil du temps, des dispositifs avaient été mis en place pour prévenir les coupures.

Il a indiqué que des efforts avaient d'abord été entrepris par les opérateurs historiques, en particulier EDF, permettant une très forte réduction du nombre de coupures d'électricité puisque celles-ci sont passées de 670 000 en 1993 à 189 000 en 2004.

Il également rappelé que la loi n° 92-722 du 29 juillet 1992 portant adaptation de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion et relative à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale et professionnelle avait créé un dispositif national d'aide à la prise en charge des dépenses d'électricité et de gaz, reposant sur les fonds de solidarité énergie, fonds intégrés, depuis la loi du°2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, aux fonds de solidarité pour le logement (FSL) gérés par les conseils généraux dans le cadre d'un plan départemental d'action associant l'ensemble des partenaires intéressés.

Il a ensuite évoqué le tarif social prévu par la loi n° 2000-18 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ; il a néanmoins déploré que les décrets conditionnant sa mise en œuvre n'aient été pris qu'en 2004 par l'actuelle majorité.

Il a également estimé que la prévention demeurait insuffisante du fait de l'impossibilité de transmettre aux services sociaux les informations relatives aux coupures d'électricité, en application des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

Il a néanmoins rappelé qu'à la suite d'un dramatique accident, M. Patrick Devedjian, ministre de l'industrie, avait mis en place un groupe de travail dont les conclusions ont inspiré deux décrets qui devraient être pris prochainement. Il a indiqué que le premier de ces décrets, qui doit effectivement être examiné la semaine prochaine par le Conseil supérieur de l'électricité et du gaz, améliore la prévention des coupures en permettant l'information des services sociaux. Il a également précisé qu'un second décret est en préparation pour mettre en œuvre l'extension du tarif social aux services liés à la fourniture ce qui permettra, par exemple, de réduire très fortement le coût du rétablissement d'une fourniture normale.

Il a estimé que ces décrets en complétant le dispositif existant répondaient aux préoccupations légitimes exprimées par la proposition de loi de sorte qu'il a appelé les commissaires à ne pas adopter celle-ci.

M. François Brottes, s'exprimant au nom du groupe socialiste, a estimé que M. Jean-Claude Lenoir n'avait pu avancer de raison convaincante pour justifier son appel à rejeter cette proposition de loi et a jugé qu'il n'aurait pas, compte tenu de sa connaissance parfaite de ces questions, recouru à une démonstration aussi alambiquée si la conclusion en était évidente.

M. François Brottes a ensuite estimé que l'élargissement de l'ouverture à la concurrence des marchés électrique et gazier et l'évolution du statut des opérateurs historiques créaient un contexte nouveau de nature à poser de nouvelles difficultés aux clients les plus fragiles. Il a notamment souligné la perspective d'intervention de nouveaux opérateurs, pouvant ne pas avoir de tradition de service public, et face auxquels il importe de pérenniser, en l'inscrivant dans la loi, un dispositif de prévention des coupures d'électricité plus efficace que ceux qui existent déjà.

Reconnaissant que les deux décrets annoncés allaient dans le bon sens pour améliorer l'existant, il a cependant déploré leur manque d'ambition en estimant qu'ils ne répondraient pas pleinement au problème soulevé par le rapporteur.

Considérant qu'aucun texte actuel ne donnait de garantie aussi forte que celle proposée par la proposition de loi, il a souhaité que la commission des affaires économiques adopte celle-ci.

Il a, en outre, indiqué que le fait que la majorité ait refusé de fixer, dans la loi, les missions de service public d'EDF constituait un autre élément justifiant l'adoption de la proposition de loi.

Puis, il a rappelé que le lien social était souvent coupé avec les familles les plus en difficulté et que les services sociaux eux-mêmes pouvaient ne pas parvenir à prendre contact avec elles. Il a donc conclu qu'il était indispensable d'introduire une garantie du maintien de la fourniture pour éviter que ne se reproduisent des drames.

En conclusion, M. François Brottes a estimé que l'article premier de la proposition de loi ne pouvait qu'être approuvé de manière unanime par les commissaires.

M. François Sauvadet, s'exprimant au nom du groupe UDF, a estimé qu'il fallait se méfier des effets pervers pouvant résulter de la mise en œuvre de mesures conçues avec les meilleures intentions.

Après avoir rappelé le débat ayant eu lieu, sous la précédente législature lors de la discussion du projet de loi sur l'eau, quant à l'équilibre à trouver entre l'aide systématique et le principe de la responsabilité individuelle, il s'est déclaré convaincu qu'il n'y avait pas de solution à apporter aux familles en situation de fragilité extrême sans accompagnement social permettant de les responsabiliser.

Il a indiqué que si les situations difficiles étaient souvent liées à la situation économique, elles résultaient parfois aussi d'un manque de rigueur dans la gestion des budgets familiaux notamment face aux offres de crédits.

Considérant que ces situations devaient être traitées au cas par cas, il a refusé le système d'assistance automatique que le texte proposait de mettre en place à l'échelle nationale, qui risquait de contrevenir à l'objectif affiché de solidarité du fait d'une déresponsabilisation excessive.

Il a également souligné que tout ce qui n'était pas payé par les uns devrait l'être par les autres et s'est montré soucieux de prendre aussi en compte la situation des classes moyennes.

M. François Sauvadet a conclu en déclarant partager l'objectif pousuivi mais pas les moyens retenus pour l'atteindre et s'est prononcé contre l'adoption de la proposition.

M Jean-Paul Charié a remercié le rapporteur de faire réfléchir les membres de la commission sur cette situation et s'est félicité de la qualité de la distribution de l'électricité en France, à la différence de l'Italie par exemple, qui fait que la question des coupures accidentelles ne se pose pas dans notre pays.

Il a affirmé que personne n'était insensible à la situation des familles connaissant des difficultés économiques pour des raisons indépendantes de leur volonté. Il a également souligné l'attitude responsable de tous les distributeurs d'électricité à l'égard des familles en situation de réelle détresse et a estimé que la solution à leurs problèmes ne passait pas par la loi car la mesure proposée encouragerait la déresponsabilisation. Il a rappelé que les élus de toutes tendances politiques intervenaient pour éviter des coupures d'électricité et constataient parfois, à cette occasion, qu'étaient concernés des foyers pourtant fort bien équipés.

Il a, en outre, estimé que la mesure proposée pouvait créer de l'exaspération et que la solidarité ne s'édictait pas par la loi.

Enfin, M. Jean-Paul Charié a évoqué la situation des petites et moyennes entreprises victimes de coupures d'électricité lors de grèves et s'est demandé si cette proposition de loi, si elle était votée, leur serait applicable.

M. Pierre Cohen a estimé que la discussion engagée traduisait des divergences politiques profondes.

Il a admis qu'il était impossible d'éviter que des mesures de solidarité puissent être détournées et conduire à certains abus mais qu'il estimait néanmoins, pour sa part, que ce risque limité ne devait pas empêcher de garantir la protection des plus faibles.

Il a également souligné que la proposition de loi évitait, en outre, de faire peser la charge de tout le dispositif de financement sur les communes, qui participaient déjà amplement à l'aide au logement et à la fourniture d'énergie aux publics en difficulté à travers les centres communaux d'action sociale. Il a remarqué que les familles en situation de précarité vivaient souvent dans des collectivités territoriales dont les moyens étaient faibles.

Il a, en outre, insisté sur l'intérêt d'organiser un dispositif de soutien très en amont.

Enfin, M. Pierre Cohen a exprimé ses craintes devant les conséquences de l'ouverture à la concurrence du secteur de l'énergie voire de la privatisation des opérateurs historiques sur les comportements de terrain, les personnels aujourd'hui très attentifs aux difficultés sociales risquant de se voir imposer une préoccupation exclusive de rentabilité.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont a souhaité insister sur l'une des nombreuses raisons qu'elle voyait d'adopter la proposition de loi. En réponse aux propos de M. Jean-Paul Charié, elle a estimé que si la solidarité ne s'édictait pas par la loi, elle passait en revanche nécessairement par la loi. Elle a reconnu les avancées que constituaient les décrets préparés par le Gouvernement, mais a réaffirmé qu'un texte de nature législative serait mieux à même d'obliger tous les partenaires à trouver des solutions très en amont.

Le président Patrick Ollier a estimé qu'un décret ou une loi auraient le même effet.

Puis, il a rappelé que la question de l'interdiction des coupures avait déjà donné lieu à des débats nourris en commission le 9 mars à l'occasion de l'examen de la proposition de loi relative au droit à vivre dans la dignité puis, en séance, d'abord sur le même texte, le 15 mars, puis à l'occasion de la deuxième lecture de la loi d'orientation sur l'énergie, le 24 mars. Il a rappelé qu'à chacune de ces occasions, la majorité avait repoussé des initiatives tendant à interdire les coupures compte tenu de la possibilité d'apporter des réponses plus concrètes, le Gouvernement ayant, en séance, présenté des projets de décrets.

Il a indiqué que l'un de ces décrets donnait à EDF la responsabilité de prévenir les services sociaux pour que ceux-ci puissent préparer une demande d'aide au titre du FSL. Or, il a rappelé que la loi prévoyait déjà l'interdiction des coupures d'énergie pour les ménages ayant demandé une aide du FSL.

Il a estimé qu'il n'y avait donc pas lieu de voter la proposition de loi.

M. Jean-Pierre Kucheida, rapporteur, a indiqué que l'une des principales raisons l'ayant conduit à déposer cette proposition de loi était le net raidissement des comportements d'EDF vis-à-vis des personnes en difficulté qu'il avait constaté immédiatement après l'adoption de la loi du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières qui a changé le statut de cette entreprise.

Il a ainsi pris l'exemple du maire de Givenchy-en-Gohelle, dans le Pas-de-Calais, qui, saisi du cas d'une famille ayant 200 euros de dettes vis-à-vis d'EDF, avait été jusqu'à proposer à l'entreprise de régler sur le champ la moitié de cette dette sur ses deniers propres pour éviter la coupure sans que cela empêche EDF d'y procéder. Il a également rappelé que, face à de tels comportements, une centaine de maires du bassin minier du Nord-Pas de Calais, constatant la multiplication des coupures compte tenu de ce raidissement et du développement de la précarité, avaient réagi en interdisant par arrêté les coupures.

M. Jean-Pierre Kucheida a expliqué que, compte tenu de ce changement de comportement d'EDF, il lui était apparu nécessaire de protéger par la loi les personnes en réelle difficulté économique ou sociale. Il a jugé que ce type de problème avait vocation à se multiplier en particulier si de nouveaux opérateurs intervenaient sur le marché et que les élus de tous bords seraient alors confrontés au problème.

S'agissant du financement, il a estimé qu'il devait impérativement relever de la solidarité nationale, d'autant que le montant des dépenses supplémentaires susceptibles de résulter d'un maintien systématique de la fourniture aux personnes en réelle difficulté resterait très modeste au regard du coût considérable des missions de service public de l'électricité qui atteint environ 1,7 milliard d'euros.

Enfin, il a estimé nécessaire le recours à une loi, compte tenu du risque qu'un décret soit écarté ou remis en cause. Il a également jugé absolument nécessaire d'aider les personnes rencontrant des difficultés temporaires pour leur permettre d'en sortir. Il a donc vivement appelé l'ensemble des commissaires à adopter sa proposition de loi dans un contexte où les difficultés sociales s'accroissent fortement.

M. François Brottes a dénoncé la fausse alternative présentée par la majorité entre le soutien aux populations en détresse et la responsabilité individuelle. Rappelant que des gens en difficulté pouvaient refuser de faire appel à l'aide sociale, il a estimé qu'il convenait de ne pas leur couper l'énergie en établissant ainsi un véritable droit à la décence. Il a donc appelé avec gravité l'ensemble des commissaires à se rassembler autour de la proposition de loi.

La Commission a alors décidé de ne pas passer à la discussion des articles de la proposition de loi n° 2011 créant une couverture énergétique universelle pour les personnes défavorisées.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a procédé à la désignation de candidats pour siéger à une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la régulation des activités postales ; ont été nommés :

comme membres titulaires : comme membres suppléants :

MM.  Patrick Ollier (UMP) MM. Léonce Deprez (UMP)

Jean Proriol (UMP) Alain Joyandet (UMP)

Jacques Bobe (UMP) Robert Lecou (UMP)

Frédéric Soulier (UMP) Alfred Trassy-Paillogues (UMP)

Jacques Pélissard (UMP) Jean Dionis du Séjour (UDF)

François Brottes (S) Jean Gaubert (S)

Alain Gouriou (S)

La Commission a ensuite procédé à la nomination de rapporteurs :

- M. Patrick Ollier a été nommé rapporteur pour avis sur le projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie (n° 2249) ;

- M. Serge Poignant et M. Luc-Marie Chatel ont été nommés rapporteurs sur le projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises, sous réserve de son dépôt.

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