COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 52

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 22 juin 2005
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Patrick Ollier, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Renaud DUTREIL, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales sur le projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises



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La Commission a entendu M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales sur le projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises.

Le président Patrick Ollier a souhaité la bienvenue à M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales, rappelant qu'il avait attaché son nom à la loi sur l'initiative économique, qui a produit d'excellents résultats, et a souligné que le présent projet, qui en est le prolongement, est le fruit d'une vaste concertation. Plusieurs groupes de travail avaient été constitués par M. Christian Jacob, alors en charge de ce département ministériel, et la Commission des affaires économiques avait créé, sur la question des relations commerciales, une mission d'information présidée par Luc-Marie Chatel, et dont les rapporteurs étaient Jean-Paul Charié, Michel Raison et Jean Dionis du Séjour. Le Gouvernement avait sursis à légiférer dans l'attente des conclusions de la mission, dont il a en grande partie tenu compte. La Commission reste toutefois résolue à améliorer la rédaction initiale du texte, qui risque sur certains points de poser plus de problèmes qu'il n'en résout, et table sur l'objectivité du ministre pour trouver un accord avec le Gouvernement.

M. Renaud Dutreil, ministre des PME, a remercié le président Patrick Ollier d'avoir souligné l'importance du projet et rappelé que celui-ci se situe dans la droite ligne de la loi sur l'initiative économique, qui a permis de « démocratiser » la création d'entreprises. Il s'agit d'un texte concret, de bon sens, pragmatique et non idéologique, dont la finalité est quadruple : appuyer la création et le développement des entreprises ; favoriser l'emploi en améliorant différents statuts jusqu'ici précaires ou mal définis ; faciliter la transmission des entreprises pour ne pas voir disparaître des savoirs, des techniques et des gisements d'emplois ; revoir le cadre juridique des relations commerciales dans un souci d'équilibre, de transparence et de sécurité de l'ensemble des acteurs.

Dans la mesure où les membres de la Commission ont été associés étroitement à l'élaboration du projet, point n'est besoin de passer en revue le détail de ses dispositions, à l'exception de la réforme de la loi Galland, qui en constitue le cœur et que le Sénat, saisi du texte alors que le Gouvernement était tout juste constitué, n'a guère modifiée. Depuis 2002-2003, une prise de conscience collective s'est opérée quant à la nécessité de stopper la dérive des « marges arrière », une circulaire interprétative a été publiée le 16 mai 2003, et l'accord conclu le 17 juin 2004 à l'initiative du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de l'époque a produit des résultats immédiats, mais qui ne sauraient dispenser le législateur de réviser la loi Galland, sachant que, si la critique est aisée, l'art est difficile, et que toute réforme s'attire des critiques aussi aiguës que celles dont la réglementation actuelle est l'objet.

L'article 31, qui définit le mode de calcul du seuil de revente à perte, constitue le fondement de cette révision, et mérite sans doute d'être mieux expliqué pour être mieux compris, mais il est d'autres questions, comme l'appréciation du caractère léonin ou non d'un accord de gamme, la définition de la coopération commerciale, les conditions du contrôle. La législation française est devenue, au fil des textes successifs, l'une des plus complexes d'Europe ; il faut veiller à ce que ceux qui cherchent à la contourner ne soient pas encouragés à s'engouffrer dans ses failles...

M. Serge Poignant, rapporteur, a souligné l'importance du projet de loi dans la stratégie de lutte pour l'emploi du Gouvernement, et témoigné, pour avoir contribué à son élaboration à la tête d'un des groupes de travail du ministère, de la concertation très large à laquelle il a donné lieu avec les professionnels concernés, lesquels lui réservent d'ailleurs un accueil favorable.

Quelques questions demeurent cependant.

Certaines mesures en faveur des petites entreprises artisanales ou commerciales ne devraient-elles pas être étendues aux professions agricoles ? Certains aspects simples, comme l'obligation faite au conjoint de choisir un statut ou la possibilité de recourir au tutorat, pourraient être réglés sans attendre la loi d'orientation agricole.

Le président de la République, lors de ses vœux aux forces vives de la nation en janvier 2005, avait préconisé l'alignement de la taxation des plus-values professionnelles sur le régime des plus-values immobilières, exonérées au bout de quinze ans. Ne pourrait-on, sans attendre la loi de finances, adopter dès maintenant cette mesure, éventuellement assortie d'un plafond d'application ?

Le Sénat a élargi le dispositif de provision pour investissement de l'article 8 aux entreprises créées depuis moins de cinq ans au lieu de trois, aux entreprises reprises et aux EURL imposées à l'impôt sur le revenu. Est-il envisagé d'aller plus loin ?

La gérance-mandat permet la constitution d'un vivier d'entrepreneurs potentiels qui peuvent ainsi s'initier à la situation de gérance en laissant la responsabilité patrimoniale à la charge du mandant. Or l'article 16, qui vise à consolider cette formule, recourt à une terminologie qui renvoie à l'univers juridique du salariat. Cela ne risque-t-il pas d'avoir un effet contraire à celui désiré ?

L'amélioration du statut de conjoint collaborateur repose sur une cotisation obligatoire à l'assurance-vieillesse, fondée soit sur une assiette propre, soit sur un partage de l'assiette du chef d'entreprise. Le Gouvernement serait-il d'avis d'imposer cette dernière option seulement pour les premières années suivant la création de l'entreprise ?

La suppression du rapport de contrôle interne pour les sociétés non cotées, proposée par la Commission des affaires économiques du Sénat, n'a pas reçu l'aval du Gouvernement. Or le respect de cette obligation s'apparente, dans les petites structures, à un exercice assez virtuel, inutilement coûteux. Le ministre peut-il expliquer davantage sa position ?

Des dispositions ont été introduites par le Sénat, à l'initiative du Gouvernement, sur les fraudes transnationales. Face au développement des interventions d'entreprises étrangères sur le territoire national, il importe en effet de prévenir tout risque de dumping social. Les mesures prises par la France pour transposer la directive de 1996 sur le détachement de salariés étrangers sont-elles suffisantes ? Sur quels points le Gouvernement entend-il aller au-delà de la directive ?

La réforme du réseau des chambres de commerce et d'industrie marque l'aboutissement d'un long processus de concertation. Un bon équilibre a été trouvé, mais le ministre peut-il confirmer que la réaffirmation du rôle des CCI ne modifie en rien celui des organisations professionnelles ? Quelles sont les intentions du Gouvernement en matière d'éligibilité des ressortissants non communautaires ? Où en est la préparation des nombreux décrets mentionnés au titre VII relatif aux chambres de commerce ? Et quel est l'état d'avancement de l'élaboration du futur code des métiers et de l'artisanat ?

M. Luc Chatel, rapporteur, a remercié le Gouvernement d'avoir associé la Commission à l'élaboration du projet et remercié le président Patrick Ollier d'avoir créé, dès juin 2004, un groupe de travail sur les relations commerciales, puis, à l'automne, une mission d'information, qui a fait des propositions sur ce sujet hautement complexe aux enjeux considérables.

Le projet reprend certaines recommandations de la mission : il affirme la non-négociabilité des conditions générales de vente, qui permet de rapprocher le prix de vente de la réalité économique ; il tend à encadrer la coopération commerciale, qui a donné lieu à d'importantes dérives ces dernières années ; il renforce la sanction des abus et la rend plus efficace ; il inverse la charge de la preuve en faveur des fournisseurs. Le Sénat a certes supprimé la disposition relative aux « accords de gamme », que le Gouvernement entendait limiter, mais le sujet, qui est de ceux qui tiennent à cœur aux membres de la mission, donnera lieu à des échanges nourris dans l'hémicycle.

Des interrogations demeurent également sur le mode de calcul du seuil de revente à perte, qui fait l'objet de l'article 31. Un consensus s'était dégagé, au sein de la mission, sur la nécessité de conserver le principe de la loi Galland en en corrigeant les effets pervers, de façon à assurer des relations plus transparentes et plus équilibrées, ce dont le consommateur, grand oublié de ces dernières années, ne pourra que profiter. Les marges arrière devront être éradiquées progressivement, selon une formule que la Commission s'efforcera d'affiner pour la rendre aussi adaptée que possible à la réalité économique.

M. Jean-Paul Charié a insisté, au nom du groupe UMP, sur l'importance des petites et moyennes entreprises dans l'économie nationale : ce sont elles qui animent la concurrence, laquelle est absente des secteurs dominés par des oligopoles ; elles concourent aussi à l'aménagement du territoire, à la transmission des savoir-faire et au développement humain ; elles constituent, enfin, un immense gisement potentiel d'emploi.

Or, les PME sont découragées, pour ne pas dire exaspérées par les contrôles incessants - techniques, sanitaires, fiscaux - dont elles sont l'objet de la part d'administrations qui jamais ne leur reconnaissent le moindre droit à l'erreur, alors que les professionnels du droit eux-mêmes se perdent dans le maquis des textes et que les grandes surfaces se vantent quasi ouvertement de s'asseoir sur la loi !

Quant aux mesures prises pour leur faciliter l'accès au financement, elles restent bien souvent lettre morte : combien de fonds d'investissement de proximité ont été créés, quel volume d'épargne ont-ils collecté, et à quoi a-t-il été employé ? Personne n'en sait rien. Et les moyens accordés à OSEO, ex-Banque de développement des PME, ne permettent de financer que 24 000 prêts par an.

Les délais de paiement imposés par les fournisseurs, qui sont de 33 jours en moyenne, équivalent à un crédit gratuit de 170 milliards d'euros, dont les administrations publiques ne sont pas les dernières à abuser. En outre, l'UGAP et le ministère des finances, en décidant de centraliser leurs achats de fournitures, ont évincé les PME de nombreux marchés.

La réglementation du travail est perçue comme trop contraignante par un dirigeant de PME sur deux, et beaucoup seraient prêts à embaucher s'il y avait plus de souplesse et de flexibilité. La confiance des dirigeants de PME dans le Gouvernement est tombée de 54 % en 2002 à 20 % en 2005, et seuls 15 % d'entre eux se disent optimistes. Alors qu'ils avaient créé 60 000 emplois en 2001, ils n'en créent quasiment plus aujourd'hui.

Les mesures annoncées par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale sont de bon sens, et méritent d'être soutenues. Certains articles du projet sont néanmoins trop complexes : ainsi, l'article 8 relatif aux provisions pour investissement comporte pas moins de quinze contraintes - il serait bon que le ministre se souvienne qu'il a promis d'être le ministre de la simplification ! S'agissant des chambres de commerce et d'industrie, qui font l'objet du titre VII, il serait temps de mettre davantage l'accent sur ce qu'elles doivent faire que sur ce qu'elles peuvent faire... Enfin, la loi Galland doit être avant tout rendue applicable, car rien n'est pire qu'un texte que les tribunaux sont incapables d'appliquer, ou que le pouvoir politique est impuissant à faire respecter ; par ailleurs, il ne faut pas confondre l'interdiction de revendre au-dessous du prix d'achat et la lutte contre la pratique des marges arrière.

M. Michel Vergnier a regretté, au nom du groupe socialiste, que le projet de loi vienne en discussion de façon précipitée, et que l'urgence déclarée prive le législateur d'utiles navettes : ceux qui sont concernés par ses dispositions méritaient de meilleures conditions d'examen, d'autant que certains points font l'objet de nombreuses réserves, critiques ou craintes. La nécessité de soutenir les PME n'est guère contestée, ni celle de réformer la loi Galland. L'amélioration du statut des conjoints, la facilitation de la transmission, la régulation des enchères électroniques sont assurément des éléments positifs. Reste que les sujets abordés sont bien disparates : réforme des chambres de commerce et d'industrie - mais non pas, étrangement, des chambres de métiers-, sociétés d'exercice libéral, travail illégal, travail dans l'industrie cinématographique, etc. Surtout, on peut redouter que certaines dispositions ne soient contrecarrées par d'autres textes du Gouvernement, comme le projet de loi sur les services à la personne, ou comme le contrat nouvelle embauche, assimilable à une sorte de contrat de 24 heures renouvelable 730 fois... Il n'y a, enfin, aucune mesure en faveur des salariés des PME, ni de l'aide à la reprise par le salarié principal - qui est souvent, pourtant, le mieux placé car le plus apte -, et la création du comité d'action sociale inter-entreprises, naguère envisagée par le secrétaire d'Etat François Patriat, ne semble pas davantage à l'ordre du jour.

M. André Chassaigne a précisé, au nom du groupe communiste et républicain, qu'il ne développerait pas, sur un texte présenté par le ministre comme « concret », « pragmatique » et « de bon sens », une argumentation de type « idéologique », mais qu'il se réservait d'aborder en séance publique la question des droits des salariés dans les entreprises. Le statut des conjoints est une avancée appréciable, d'autant qu'elle concerne également les concubins et les pacsés. Mais les patrons de PME que l'on rencontre sur le terrain ne font pas de la « souplesse » qui leur permettrait d'embaucher leur revendication première : ils se plaignent avant tout d'être asphyxiés par les frais financiers, d'avoir grand mal à obtenir les prêts nécessaires à leur développement, et d'être étranglés - notamment dans des secteurs comme la sous-traitance automobile ou la plasturgie - par les donneurs d'ordres, qui leur demandent, mois après mois, de tirer sans cesse davantage sur leurs prix. Une action plus volontariste est nécessaire sur ces trois fronts. On avait espéré régler, dans la loi de finances pour 2004, le problème des sous-traitants qui ne sont pas propriétaires de leur outillage, en réincorporant celui-ci dans l'assiette de taxe professionnelle du donneur d'ordres, mais on s'aperçoit aujourd'hui que certains détournent la loi en passant par des intermédiaires étrangers !

Quant au soutien à l'innovation et aux transferts de technologie, doit-il être laissé à la discrétion des conseils régionaux, ou faire l'objet d'une politique d'Etat ?

Enfin, la fixation par décret des circonscriptions et des sièges des chambres de commerce et d'industrie ne fait-elle pas courir le risque d'une suppression autoritaire de chambres correspondant à certains bassins d'emploi ?

M. Jean Dionis du Séjour a salué, au nom du groupe UDF, le retour de M. Renaud Dutreil dans un ministère où il avait laissé un bon souvenir, estimé que la partie du projet qui tend à faciliter de la vie des petites et moyennes entreprises n'appelle que des amendements d'ampleur limitée, et regretté que la réforme des chambres de commerce et d'industrie, sans doute opportune, ne soit pas couplée à celle de l'urbanisme commercial - qui devrait sans doute comporter la création de commissions régionales d'équipement commercial.

S'agissant de la réforme, très attendue, de la loi Galland, le Parlement a tous les éléments pour trancher : il dispose des analyses de terrain quant aux résultats de l'accord obtenu en juin 2004 par M. Nicolas Sarkozy, alors ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, il dispose aussi de l'excellent rapport Canivet, dont la mission d'information s'est beaucoup servie, ainsi que des conclusions du groupe de travail. Le dispositif proposé limite les marges arrière à 20 % du prix net des produits ; il s'agit d'un compromis qui ne peut être que temporaire, l'objectif à atteindre étant la suppression complète, à terme plus ou moins rapproché, des marges arrière. Ceux qui s'opposent à cette suppression mettent en avant le risque d'une violente guerre des prix. C'est une perspective que les résultats actuels des groupes de distribution rendent peu probable. D'aucuns redoutent le retour de la pratique des prix d'appel, mais toute une partie du commerce travaille déjà en « triple net ». Quant à la définition de la coopération commerciale, elle fait déjà débat, et une plus grande audace serait bienvenue dans la rédaction de l'ensemble des articles 28 à 31.

En réponse aux différents intervenants, le ministre a apporté les précisions suivantes :

- les dispositions relatives aux professions agricoles seront prises dans le cadre de la loi d'orientation agricole, qui sera examinée très prochainement ;

- l'article 23 sur les sociétés civiles artisanales à responsabilité limitée a été supprimé par le Sénat avec l'accord du Gouvernement. Pour séduire les artisans rétifs à se constituer en société, il faudrait un statut combinant les avantages de la forme sociétaire et ceux du statut de travailleur indépendant, mais la difficulté de confection d'un tel objet juridique a conduit le Gouvernement à renoncer, au moins provisoirement ;

- l'alignement du régime des plus-values sur celui en vigueur pour l'immobilier, annoncé par le président de la République en janvier 2005, n'est que justice. Comment défendre l'idée que deux frères ayant reçu la même part d'héritage et l'ayant réinvestie, l'un dans une entreprise et l'autre dans un appartement, soit traités différemment sur le plan fiscal, en défavorisant qui plus est celui qui a pris les plus grands risques ? Le dispositif sera probablement présenté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2006, sans exclure toutefois qu'il le soit plus tôt. Quant aux seuils et aux tranches, il faut s'en méfier car ils présentent de lourds inconvénients ;

- l'étendue du dispositif de provision pour investissement pose un problème purement financier : plus il sera large, plus il sera coûteux ! En accorder le bénéfice à toutes les entreprises de moins de 20 salariés coûterait 300 millions d'euros... Cela dit, annoncer un dispositif et le vider de sa substance afin qu'il coûte le moins cher possible n'aurait pas grand sens. Peut-être pourrait-on tenter l'expérience pour une durée limitée ?

- l'article 16 relatif à la gérance-mandat vise à sécuriser la relation entre mandant et mandataire, qui est parfois un peu floue. Il s'agit bien d'un contrat de nature commerciale, régi donc par le code de commerce, à la différence des gérants d'alimentation, qui relèvent du code du travail. Cela dit, le Gouvernement est ouvert à des amendements susceptibles d'assouplir le dispositif ;

- s'agissant du partage de l'assiette du chef d'entreprise, la formule la plus couramment choisie par les personnes ayant le statut de conjoint collaborateur est celle du forfait égal au tiers du plafond de la sécurité sociale, qui permet de valider chaque année quatre trimestres travaillés ;

- la suppression du rapport de contrôle interne des sociétés non cotées serait plutôt à examiner dans le cadre du projet de loi sur la confiance et la modernisation de l'économie, mais le Gouvernement est très ouvert à tout ce qui va dans le bon sens ;

- il faut tordre le cou à l'idée que le dumping social est lié à la concurrence déloyale d'entreprises étrangères qui enverraient leurs salariés travailler en France à des conditions de salaire, d'impôt et de charges sociales qui seraient celles du pays d'origine. Que l'on soit français ou polonais, plombier ou autre, il n'y a pas deux poids, deux mesures : il n'y a en France qu'un seul droit social et fiscal, le droit français ;

- l'article relatif au chèque emploi pour les très petites entreprises a été retiré, et cette mesure fera l'objet, après adoption de la loi d'habilitation par le Parlement, d'une ordonnance particulière ;

- l'élection des étrangers non communautaires aux chambres de métiers est sans doute un sujet sensible, mais le Gouvernement souhaite néanmoins rouvrir le dossier, car il est contestable que des commerçants ou artisans payant des impôts et cotisations en France, et ayant leur mot à dire dans la vie économique de leur arrondissement ou de leur département, ne puissent être électeurs consulaires, au motif qu'ils sont originaires de pays extérieurs à l'Union européenne ;

- l'élaboration du code des métiers de l'artisanat est sur la bonne voie et devrait être achevée à la fin de l'année ;

- la réflexion n'est pas achevée sur la réforme de la loi Galland, hormis certains principes comme le caractère obligatoire des conditions générales de vente et l'interdiction de la revente à perte. Mais pour que le seuil de revente à perte soit respecté, encore faut-il qu'il soit calculé de façon appropriée. Par ailleurs, pour réussir, la réforme devra être progressive et ne pas déstabiliser le marché, car personne n'a intérêt à une surenchère à la baisse des prix. Ceux-ci ont déjà bien baissé sur les douze derniers mois : même si ce n'est pas autant qu'on pouvait le souhaiter, il s'agit bien d'une rupture par rapport à la période 1997-2003, durant laquelle prédominait un certain fatalisme quant à l'évolution inflationniste des prix des produits de marques. Mais, indépendamment du mode de calcul du seuil de revente à perte, l'article L. 420-5 du code de commerce prévoit une procédure protectrice abusivement bas, et les distributeurs, d'autre part, ne sont plus en situation de se livrer à une guerre des prix. Au lendemain de la déclaration de politique générale du Premier ministre, les cours des actions de deux grands groupes de distribution ont d'ailleurs baissé ;

- les fonds d'investissement de proximité, au nombre d'une trentaine, ont collecté 90 millions d'euros, soit le quart de la collecte des FCP innovation. Reste la question de leur affectation. On note que les collectivités locales, invitées à y placer de l'argent, ne l'ont pas fait, alors qu'elles avaient la possibilité de soutenir ainsi les PME sans tomber dans l'économie administrée. Quant à l'emploi des fonds, il est encore un peu tôt pour faire un bilan, car le législateur a fixé un délai de trois ans pour investir l'argent. Par ailleurs, s'agissant des établissements pouvant venir en garantie des prêts, la Sofaris, la BDPME et OSEO, le Premier ministre a souhaité faire de leur mobilisation un axe fort de sa politique de soutien à l'innovation ;

- sur le lancinant sujet des délais de paiement, traditionnellement plus longs dans les pays de l'Europe du Sud, dont la France, que de l'Europe du Nord, le Gouvernement s'apprête à créer un groupe de travail. Plutôt que de modifier brutalement les règles, ou de résoudre le problème par l'injection de capital - dont on peut se demander qui le fournirait -, il faut imaginer un système à la fois progressif et vertueux ;

- le contrat nouvelle embauche est une approche pragmatique, non idéologique, de la réglementation du travail, visant à redonner l'envie d'embaucher. Une PME ne peut être soumise aux mêmes contraintes qu'une entreprise qui emploie 5 000 salariés. Beaucoup d'artisans qui n'ont pas le personnel suffisant pour faire face aux commandes hésitent à embaucher des gens s'ils n'ont pas le temps suffisant pour les tester. C'est pourquoi il est probable que la formule réussira ;

- l'accès aux marchés publics est un sujet très délicat. Sans doute faudrait-il modifier les règles européennes en matière de mise en concurrence, mais cela risque d'être assez long... En attendant, il faudrait obtenir des grands donneurs d'ordres qu'ils s'engagent à affecter une part de leurs marchés aux PME ;

- les chambres de commerce et d'industrie sont trop nombreuses en France, notamment dans certains départements, mais il n'est pas question de procéder autoritairement à des fusions. Huit d'entre elles l'ont fait d'elles-mêmes, deux à deux. Quant aux chambres de métiers, si le projet n'y fait pas référence, c'est parce que leur organisation a déjà été réformée et simplifiée ;

- les appréciations positives de M. Michel Vergnier sur plusieurs points du texte, tels que l'amélioration du statut des conjoints collaborateurs, sont allées droit au cœur du ministre ;

- l'innovation fait bien partie des priorités du Gouvernement, et le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a annoncé à ce titre des réductions, pouvant aller jusqu'à 65 %, de l'impôt sur les sociétés ;

- on peut regretter l'absence de dispositions visant à réformer l'urbanisme commercial. Un groupe de travail sera créé afin de faire émerger des idées neuves, qui permettraient notamment d'éviter que les commerces de bouche, dont la rentabilité est faible, soient supplantés par les succursales de grands réseaux du secteur tertiaire, attirés par la perspective de valorisation des fonds de commerce. Il faut réfléchir à des outils d'intervention publique pour préserver la diversité commerciale, ainsi qu'à des règles contraignantes pour améliorer l'esthétique des zones commerciales qui défigurent les abords des villes ;

Le président Patrick Ollier a remercié le ministre de ses réponses précises et de sa proposition de travailler en commun avec la Commission. Pour empêcher que certains types de commerces ne disparaissent des centres-ville au bénéfice des agences bancaires ou de sociétés d'assurance, les maires ne peuvent actuellement compter que sur leur force de persuasion ; il faudrait que la loi leur donne d'autres atouts.

Le ministre a répondu qu'une table ronde aura justement lieu le 11 juillet prochain sur ce sujet avec des représentants des différents secteurs du commerce, et que la présence de représentants de la Commission y sera bienvenue, notamment pour discuter de l'extension éventuelle aux fonds de commerce du droit de préemption.

Le président Patrick Ollier a observé que la CMP sur le présent texte se réunirait probablement ce matin-là, sous sa présidence.

M. Michel Raison s'est dit favorable à l'éligibilité des entrepreneurs étrangers, et a souhaité que la mesure soit étendue au secteur agricole.

S'agissant de l'imposition des plus-values, il faut certes éviter les effets de seuil, mais la création de tranches permettrait justement de ménager une certaine progressivité, grâce à quoi les intéressés ne chercheront plus à brider leur chiffre d'affaires pour n'être pas imposés. L'exonération devrait, elle aussi, être étendue à l'agriculture.

Les PME, et même les TPE, dont la réalité économique n'a rien à voir avec celle des grandes entreprises, sont trop souvent traitées comme elles, se voient infliger des contrôles incessants, sont l'objet d'une suspicion systématique. Le ministre peut-il user de son pouvoir pour faire appliquer la loi intelligemment ?

S'agissant enfin de la réforme de la loi Galland, il ne faut pas faire croire que les prix peuvent baisser indéfiniment. Le consommateur est aussi un travailleur, parfois un producteur, il y a donc des limites à ne pas dépasser. Ce qu'il faut surtout, c'est faire cesser les pratiques commerciales détestables des grands distributeurs vis-à-vis de leurs fournisseurs. On avait évoqué la création d'un observatoire des pratiques commerciales. Où en est-elle ?

M. François Brottes a salué le pragmatisme d'un grand nombre de dispositions du projet. Toutefois, s'il est louable de vouloir libérer l'envie d'embaucher, il faut aussi libérer l'envie d'acheter, en améliorant le pouvoir d'achat des salariés et en leur redonnant confiance dans l'avenir.

S'agissant de la réforme des pratiques commerciales, il faudra veiller, dans la rédaction de l'article 31, à ce que le remède ne soit pas pire que le mal pour le commerce de proximité.

Tout ce qui concerne les activités agricoles ne peut être renvoyé à la loi d'orientation, ne serait-ce qu'à cause des pluriactifs, dont la présence est incontournable en zone de montagne ; il faut que le Gouvernement fasse preuve d'une plus grande ouverture et règle sans attendre ce qui peut l'être.

Quant à la provision pour investissement, le temps de la création et celui de la reprise sont importants, mais celui du développement ne l'est pas moins. Les marchés sont si fluctuants qu'il vaudrait mieux, plutôt que de fixer une limite à trois, quatre ou cinq ans, prévoir une sorte de droit de tirage, dont le chef d'entreprise userait au moment qu'il juge le plus utile.

Mme Arlette Franco a évoqué la question du tutorat : faut-il accorder les mêmes avantages aux apprentis et aux étudiants ?

La pluriactivité doit être traitée soit dans la présente loi, soit dans la loi d'orientation agricole, soit dans la loi sur le tourisme, soit, plus probablement, dans les trois. L'essentiel est d'aboutir à un dispositif d'ensemble, applicable à toutes les personnes concernées.

M. François Dosé a constaté que les agriculteurs cherchent de plus en plus à diversifier leurs activités, notamment vers l'artisanat, car ils craignent de perdre une grande partie des fonds de la PAC dans les années qui viennent.

Il a observé par ailleurs, dans les petits bourgs-centres, un phénomène étrange : depuis quelques années, il est de plus en plus fréquent que, lorsqu'un nouveau commerce ouvre, on s'aperçoive le jour de l'inauguration que l'enseigne est tout autre que celle pour laquelle la demande avait été présentée en Commission départementale d'équipement commercial (CDEC). On peut comprendre que le commerçant change son fusil d'épaule au bout de deux ans si sa première tentative ne marche pas, mais il est plus discutable qu'il le fasse avant même d'avoir ouvert ! Interpellée, Mme Nicole Fontaine, alors ministre déléguée à l'industrie, avait répondu qu'il n'y avait rien à faire contre ces pratiques, qui sapent la crédibilité des élus aux yeux des commerçants et artisans locaux.

Mme Josiane Boyce, après avoir jugé que le projet de loi comportait de nombreuses dispositions intéressantes, a suggéré que les stages d'initiation proposés aux créateurs d'entreprise le soient également à leurs conjoints, car ce souvent eux qui gèreront l'entreprise pendant que l'artisan lui-même sera sur des chantiers.

Un problème douloureux est celui des conjoints salariés qui, après avoir cotisé aux Assedic, se voient refuser toute indemnisation de chômage en cas de faillite, sous prétexte qu'ils détiennent des parts de l'entreprise, et n'obtiennent, dans le meilleur des cas, que le remboursement des trois dernières années de cotisation. Quant aux chômeurs qui se lancent dans la création d'entreprise, il faut qu'ils retrouvent intacts leurs droits à indemnisation en cas d'échec.

Enfin, s'il est inacceptable d'attendre jusqu'à 160 jours pour être payé, il l'est encore plus de devoir acquitter la TVA sur des factures dont on n'est même pas sûr qu'elles vous seront réglées.

M. Daniel Boisserie a évoqué le sort des conjoints de personnes exerçant des professions réglementées lorsque celles-ci décèdent, ainsi que la difficulté de contrôler et de sanctionner les employeurs établis hors de France qui feraient travailler à plein temps des salariés sous contrat à temps partiel.

Le ministre a apporté en réponse les précisions suivantes :

- les effets de seuil brutaux sont anti-économiques, c'est pourquoi il faut ménager des paliers progressifs ;

- pour que les PME ne se sentent plus prises entre l'enclume de la concurrence et le marteau de l'Etat, le président de la République avait évoqué en 2002, dans son discours de Saint-Cyr-sur-Loire, l'instauration possible de médiateurs des entreprises, dont la mission serait de rechercher une solution aux litiges entre celles-ci et les administrations avant que ceux-ci n'entrent dans une phase judiciaire ou punitive ;

- l'observation des effets de la réforme de la loi Galland fera l'objet d'un rapport du Gouvernement au Parlement, ainsi que du rapport annuel de la Commission d'examen des pratiques commerciales, dont le projet étend la compétence aux litiges entre fournisseurs et distributeurs ;

- le Gouvernement fait beaucoup pour stimuler l'« envie d'acheter », le Premier ministre a même annoncé des mesures nouvelles à cet effet ;

- s'agissant des pluriactifs, il faut veiller à ce que le statut de conjoint collaborateur n'empiète pas sur celui, différent, de conjoint d'exploitant agricole, mais il est loisible de discuter des aspects qui sont à la jonction des deux secteurs ;

- la question des avantages respectifs des apprentis et des étudiants en matière de tutorat sera étudiée ;

- afin de s'assurer que les ouvertures de commerces correspondent bien aux autorisations délivrées, un décret sera pris, qui définira six grandes catégories d'activité. Il sera ainsi plus facile de faire respecter le principe selon lequel la destination d'un local commercial ne saurait être unilatéralement changée du tout au tout ;

- l'extension de la formation au conjoint du créateur d'entreprise est une bonne idée ;

- la question des conjoints de personnes exerçant des professions réglementées est délicate, car être conjoint de médecin ou d'avocat, par exemple, ne donne pas de compétence particulière dans ce domaine. On peut toutefois envisager des mesures permettant de répondre à certaines situations personnelles.

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