COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 57

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 30 juin 2005
(Séance de 10 heures 30)

Présidence de M. Patrick Ollier, Président

SOMMAIRE

 

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- Examen du rapport de la mission d'information sur l'utilisation du chlordécone et des autres pesticides dans l'agriculture martiniquaise et guadeloupéenne.


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La Commission a examiné le rapport présenté par M. Joël Beaugendre en conclusion des travaux d'une mission d'information sur l'utilisation du chlordécone et des autres pesticides dans l'agriculture martiniquaise et guadeloupéenne.

Le président Patrick Ollier a rappelé que la présente mission d'information avait été créée en octobre 2004, avec pour président M. Philippe Edmond-Mariette et pour rapporteur M. Joël Beaugendre. Il a ensuite indiqué que la Commission était particulièrement sensible à l'inquiétude née de l'utilisation du chlordécone dans les territoires d'outre-mer, dont il avait eu l'occasion de mesurer l'importance personnellement lors d'un déplacement. Il a ajouté que le choix d'une mission d'information, plutôt que d'une commission d'enquête, lui semblait permettre l'interpellation de l'administration afin qu'elle prenne les mesures appropriées, au besoin en responsabilisant les membres du Gouvernement compétents.

Après avoir remercié le président de la Commission d'avoir accepté cette initiative, M. Philippe Edmond-Mariette a rappelé que les problèmes des territoires d'outre-mer étaient rarement abordés avec l'intérêt nécessaire au Parlement. Il s'est donc félicité que ceux liés à l'utilisation du chlordécone aient fait l'objet, dans le cadre de cette mission d'information, d'un travail approfondi.

Il a estimé que ce rapport d'information, faisant état d'un problème spécifique aux Antilles, pourrait enrichir le Parlement sur les moyens d'appréhender d'autres crises intervenant dans le domaine agricole, notamment lorsqu'elles sont liées à l'utilisation de produits polluants et de pesticides.

Le rapporteur a rappelé que c'était par une décision du 19 octobre 2004 que la Commission des affaires économiques de l'environnement et du territoire avait approuvé la création d'une mission d'information relative au chlordécone et autres pesticides dans l'agriculture martiniquaise et guadeloupéenne.

Il a estimé qu'il s'agissait d'un signal fort pour les populations utlramarines.

Il a en effet indiqué que bien souvent ces populations avaient le sentiment d'une méconnaissance des spécificités de leurs territoires, doublée d'un relatif désintérêt dans la manière dont les choix qui les concernent sont arrêtés. Il a jugé qu'une telle affirmation n'avait pas sa place, ajoutant que la décision de la Commission témoignait de l'attention que ses membres portent à la situation à laquelle les populations martiniquaises et guadeloupéennes sont confrontées.

Il a tenu à remercier le Président Ollier pour le soutien que celui-ci avait apporté à cette démarche.

Il a ensuite évoqué le contexte dans lequel la mission était intervenue.

Il a rappelé qu'elle s'était trouvée devant le constat d'une pollution généralisée au chlordécone, pollution des eaux, pollution des sols, pollution de certaines denrées alimentaires animales et végétales.

Il a indiqué que cette situation soulevait la question de l'efficacité de l'action de l'Etat, et présentait un double aspect rétrospectif et actuel.

S'agissant de l'aspect rétrospectif, il a jugé qu'il s'agissait de savoir si l'Etat ne s'était pas montré imprudent ou négligent lorsqu'il avait autorisé l'utilisation de ce produit, un insecticide destiné à lutter contre le charançon du bananier. Il a précisé qu'en filigrane, certains affirmaient qu'une telle négligence n'avait pu se produire que parce que l'Etat s'était montré spécialement désinvolte par rapport aux populations ultramarines.

Il a également constaté que les interrogations portaient sur le fait de savoir si l'Etat s'était montré suffisamment diligent dans la mise en œuvre de moyens permettant d'identifier cette pollution.

S'agissant de l'action actuelle de l'Etat, il a indiqué qu'il convenait de se demander si toutes les mesures avaient été prises afin de protéger efficacement les populations des risques potentiels liés à cette pollution. Il a notamment indiqué que certains arguaient de la présence de chlordécone dans le sol, plus de dix ans après la fin de son utilisation, pour conclure que le chlordécone continuait à être utilisé de manière illégale grâce à l'existence d'une filière d'importation clandestine.

Il a ensuite indiqué que la population s'interrogeait sur l'impact sur la santé de cette pollution au chlordécone, et notamment sur le point de savoir s'il existait un danger grave et imminent lié à la présence de ce pesticide dans l'environnement, l'eau et les denrées alimentaires.

Enfin, il a souligné que la dernière interrogation émanait des agriculteurs, dans la mesure où deux arrêtés préfectoraux imposent aujourd'hui, sur le fondement du principe de précaution, l'analyse obligatoire des sols avant toute mise en culture de légume racines (igname, dachine...), le coût de ces analyses étant pris en charge grâce à des financements européens.

Il a toutefois précisé que si les sols contenaient du chlordécone, les agriculteurs pouvaient mettre leurs légumes en culture, mais qu'ils devaient faire analyser leur production, à leurs frais, avant toute mise en marché.

Il a indiqué que si cette production contenait des traces de chlordécone, elle ne pouvait être vendue, occasionnant une perte sèche pour l'agriculteur. Il a insisté sur le désarroi que ceux-ci avaient exprimé.

Il a ensuite souligné que la mission avait travaillé sur chacun de ces aspects.

S'agissant de l'action de l'Etat, il a indiqué que la mission avait constaté que, dès que la crise avait été clairement identifiée, en 1999, et depuis cette date, l'action des services de l'Etat était énergique et déterminée. Des mesures de gestion du risque avaient été prises pour assurer la protection de la population, sous l'impulsion de groupes régionaux phytosanitaires regroupant tous les acteurs intéressés.

Il a estimé que ces groupes lui paraissaient exemplaires pour la France dans son ensemble, et a indiqué que la mission préconisait que des démarches identiques soient étendues à l'ensemble du territoire national ; il a précisé que ces groupes devraient également inspirer la gestion, par l'administration centrale, de ce dossier transversal des pesticides, l'action de l'Etat étant en la matière par trop cloisonnée.

Il a également tenu à préciser que la mission avait recueilli des éléments qui lui permettaient d'affirmer avec certitude qu'il n'existait pas de filière d'importation illégale de Curlone, et que la présence du produit dans l'environnement s'expliquait par sa forte persistance dans le sol, que l'INRA estime à plusieurs siècles.

Il a également indiqué que compte tenu du caractère rudimentaire des outils d'analyse disponibles à l'époque, mais aussi d'une attention moins grande qu'aujourd'hui pour toutes les problématiques liées aux pesticides , l'identification tardive du problème de pollution par le Curlone ne résultait pas d'une carence des pouvoirs publics.

Il a également estimé que compte tenu des connaissances disponibles à l'époque, l'Etat, en autorisant le chlordécone, en 1981, n'avait pas fait preuve d'imprudence. Il a considéré qu'à cette époque, pour n'importe quel produit, et en n'importe quel point du territoire, l'Etat aurait agi de la même manière.

Néanmoins, il a tenu à rappeler qu'en 1992, après le délai de deux ans que la loi prévoit, après le retrait d'une homologation, pour la commercialisation d'un produit, le Ministère de l'agriculture, avait accordé aux planteurs, par deux décisions de mars 1992 et de février 1993, l'autorisation d'utiliser le Curlone jusqu'en septembre 1993. En conséquence, il a jugé qu'on ne pouvait qu'émettre de sérieux doutes sur les conditions dans lesquelles ces décisions avaient été prises, en particulier compte tenu du fait qu'en 1990, la commission d'étude de la toxicité des produits antiparasitaires à usage agricoles avait conclu à la toxicité de ce produit, et à la nécessité de son interdiction.

S'agissant des préoccupations relatives à la santé, il a rappelé que les risques potentiels liés à l'exposition au produit étaient importants. Mais il a précisé qu'en l'état actuel des connaissances, on ignore à quelle dose et pour quelle durée d'exposition cette toxicité se manifeste. Il a également indiqué que dans certains cas, les chercheurs ne pouvaient se prononcer de manière certaine sur l'existence d'un lien de causalité direct et avéré avec l'exposition au Curlone, citant l'exemple du cancer de la prostate. Il a toutefois tenu à préciser que de très nombreuses études étaient en cours sur place pour évaluer ce risque, leurs résultats devant être connus prochainement. Dans l'attente de ces résultats, il a rappelé que toutes les précautions étaient prises pour protéger la population.

Enfin, a-t-il noté - le produit a une durée de vie très importante dans le sol, et de ce fait, les agriculteurs seront confrontés encore longtemps à la présence du chlordécone dans leur production.

Dès lors, quand les limites maximales de résidus de chlordécone auront été fixées, conformément aux recommandations de l'Agence Française de sécurité sanitaire des aliments, il a indiqué qu'il faudrait apporter un soutien, tant financier que technique et prospectif, aux agriculteurs touchés.

Dans l'attente de ce LMR, il a également estimé qu'il convenait de mettre en place une compensation des surcoûts et des pertes occasionnées pour les agriculteurs concernés par l'application du principe de précaution.

Il a ensuite précisé que la mission s'était efforcée de tirer les leçons de cette expérience pour l'ensemble de la communauté nationale.

Il a ainsi cité certaines des propositions contenues dans le rapport, comme l'application de mesures de solidarité nationale, y compris aux Antilles, pour les agriculteurs concernés, la compensation des conséquences de l'application du principe de précaution, le décloisonnement de l'action administrative, une meilleure protection de la ressource en eau, la pérennisation de la filière de prise en charge des déchets de pesticides.

Il a conclu en demandant à la Commission d'autoriser la publication de ce rapport.

Le Président Patrick Ollier a ensuite rappelé quels étaient les membres de la mission d'information : M. Philippe Edmond-Mariette, Président, M. Joël Beaugendre, rapporteur, M. Jacques Le Guen, représentant du groupe UMP, M. Louis-Joseph Manscour, représentant du groupe socialiste, M. François Sauvadet, représentant du groupe UDF et vice-président de la Commission, et M. Jean-Sébastien Vialatte, également représentant de l'UMP.

Il a ajouté que MM. Jean-Sébastien Vialatte, Jacques Le Guen et Joël Beaugendre, en leurs qualités de biologiste et médecins, avaient pu apporter un point de vue éclairant sur cette question.

Puis, après avoir remercié le rapporteur de son intervention, il a rappelé qu'en 1990, la Commission d'étude de la toxicité des produits antiparasitaires à usage agricole avait, en 1990, émis un avis favorable au retrait de l'autorisation du Curlone. Après avoir fait part de son attachement au principe de précaution, il a souligné la contradiction existant entre l'avis défavorable rendu par la Commission d'étude de la toxicité précitée, ainsi que par le Comité d'homologation, et le fait que des décisions avaient été prises par le ministre de l'agriculture permettant de prolonger en 1992 et 1993 l'utilisation du produit jusqu'en septembre 1993. Il a estimé, en accord avec les propos du rapporteur, qu'on pouvait pour l'instant émettre des doutes sur les conditions dans lesquelles les décisions avaient été prises.

Répondant aux remarques du Président Patrick Ollier, M. Joël Beaugendre, rapporteur, a concédé qu'en dépit du fait que ces décisions invitaient les cultivateurs à recourir à d'autres pesticides que le Curlone, ceux-ci n'avaient pas immédiatement utilisé d'autres produits jugés moins toxiques et tout aussi efficaces.

Il a ajouté qu'il partageait le scepticisme du Président au sujet de l'opportunité de ces décisions, rappelant qu'une épidémie de charançons avait justifié l'utilisation du curlone, en raison d'une demande économique forte des agriculteurs.

Le Président Patrick Ollier a estimé qu'il importait de s'interroger sur l'opportunité de ces décisions. Insistant une nouvelle fois sur le caractère essentiel du principe de précaution s'agissant de l'utilisation d'un produit pouvant présenter des risques pour la santé humaine, il a indiqué qu'il souscrivait aux conclusions rendues par le rapporteur dans son rapport d'information, étant entendu que des études épidémiologiques étaient en cours, et que de ce point de vue, le rapport ne pouvait être trop conclusif.

M. Jérôme Bignon, s'exprimant au nom du groupe U.M.P, a tenu à saluer à son tour la qualité du travail accompli par le président et le rapporteur de la mission d'information sur cette difficile question. S'étant lui-même beaucoup occupé des questions relatives à l'Outre-mer à la Commission des lois, notamment en tant que rapporteur pour avis sur le budget des collectivités locales d'outre-mer, il a déclaré ressentir une forte solidarité avec ses collègues ultramarins.

Il a ensuite souligné que le rapport d'information permettait de mesurer les progrès qui restaient à réaliser ainsi que l'immense intérêt que revêtait la Charte de l'Environnement pour notre pays. Il a néanmoins fait remarquer que le problème du chlordécone, qui a connu son apogée dans les années 1990, n'aurait probablement pas été traité de la même manière en 2005, l'État ayant profondément évolué dans son comportement grâce à la réflexion menée sur le développement durable et le principe de précaution. Cette prise de conscience fondamentale, qui résulte en partie des autres problèmes advenus dans l'intervalle, doit mettre l'accent sur l'idée de transversalité, idée qui figure dans les conclusions de la mission et se situe au cœur des politiques de développement durable. Estimant que c'était là un thème central que l'État devait prendre en charge, il a fait état de la difficulté à faire travailler ensemble au niveau local les directions départementales de l'agriculture, les directions départementales de l'équipement et les directions régionales de l'environnement. Constatant par ailleurs qu'il ne s'agissait pas que d'un problème ultramarin mais profondément français, il a appelé à une révolution culturelle destinée à mettre en œuvre des politiques plus intelligentes et moins dangereuses pour la population. Il a enfin souligné la nécessité de tirer les conséquences de cette mission pour notre comportement sur l'ensemble du territoire national.

S'agissant des mesures de solidarité nationale, il a considéré qu'elles allaient de soi, même en l'absence de responsabilité ou de faute clairement définies, dans la mesure où il y avait eu manifestement des erreurs d'appréciation. A cet égard, il a précisé que ces mesures de solidarité nationale devaient répondre aux problèmes qui affectent les cultivateurs, le fait que les sols soient durablement touchés ayant un impact sur le prix de vente de leurs produits. Mais il a également insisté sur le fait que ces mesures devaient aussi s'adresser à tous ceux qui avaient éventuellement eu à souffrir de maladies, s'il était avéré que ces maladies sont en lien avec ce pesticide. Dressant un parallèle avec les cas de cancer et de stérilité masculine advenus dans sa circonscription, pays de culture intensive où les agriculteurs ont fait une utilisation massive d'intrants et l'ont pour certains payé dans leur intégrité physique, il a estimé qu'il n'était pas invraisemblable que les recherches en cours aboutissent à des conclusions analogues sur le chlordécone. En conséquence, il a envisagé qu'il soit fait appel, dans des conditions à déterminer, à la solidarité nationale, comme cela a pu être le cas sur d'autres sujets plus médiatisés.

Sur la question de la gestion des ressources en eau et de la pérennisation de la filière de mise en décharge des déchets des pesticides, il a déclaré qu'il s'agissait là de sujets essentiels pour les milieux naturels de l'Outre-mer dans une logique de développement durable. Affirmant qu'il convenait d'être optimiste, la nature ayant une capacité de résilience extraordinaire une fois les dégâts arrêtés, il a néanmoins jugé nécessaire qu'il y ait une volonté nationale et locale de travailler afin de traiter, rechercher les causes et remettre en état le milieu. A cet égard, il a estimé que le rapport était particulièrement utile à cette prise de conscience.

Enfin, il a proposé qu'un bilan soit fait dans six mois ou un an sur les sujets encore « en suspens » sur lesquels la mission n'avait pu se prononcer, des études étant en cours sur place dont les conclusions n'étaient pas arrêtées.. Se félicitant à nouveau du travail accompli dans le cadre de la mission, il a exprimé l'intention du groupe U.M.P de voter en faveur des conclusions et de la publication du rapport.

M. Louis-Joseph Manscour a tout d'abord vivement regretté le très faible nombre de commissaires présents et, en particulier, l'absence des membres de la mission n'étant pas élus dans les Antilles.

S'agissant du projet de rapport, il a rappelé que la mission avait pris l'engagement, notamment auprès des populations antillaises, de faire toute la transparence sur les conséquences de l'utilisation aux Antilles du chlordécone et des autres pesticides. Il a souligné que les attentes étaient, en la matière, très vives, notamment dans la circonscription où il a été élu et où se trouvent 70 % des terres plantées en banane à la Martinique, terres désormais polluées pour des décennies.

Or, il a jugé qu'en l'état, le public pourrait juger trompeur le projet de rapport dans la mesure où il met insuffisamment l'accent sur certaines erreurs d'appréciation, notamment des services de l'Etat, et, en particulier, sur le fait, profondément choquant, que l'utilisation du chlordécone ait continué à être autorisée pendant deux ans après la date à laquelle les dangers qu'il présentait étaient parfaitement établis.

Il a estimé qu'il n'était donc pas pleinement satisfait du projet de rapport tout en précisant qu'il n'entendait toutefois pas remettre en cause la qualité du travail de la mission à laquelle il avait participé.

Après s'être déclaré heureux que la Commission accueille en son sein, en la personne de M. Jérôme Bignon, un commissaire supplémentaire familier des problématiques ultramarines, le président Patrick Ollier a suggéré que le président et le rapporteur de la mission veillent au suivi de la mise en œuvre de ces recommandations.

Puis, il a indiqué à M. Louis-Joseph Manscour qu'il lui appartenait de proposer les modifications qui lui semblaient nécessaires au projet de rapport.

Répondant à M. Jérôme Bignon, le rapporteur, M. Joël Beaugendre, a indiqué que s'agissant de l'impact du chlordécone sur la santé, de nombreuses études épidémiologiques étaient en cours sur place. En ce qui concerne le problème du cancer de la prostate, qui inquiète tout particulièrement les ultramarins, il a précisé que l'étude karu-prostate se déroulait actuellement sur place. Il a également indiqué qu'une étude menée par l'Association martiniquaise pour la recherche épidémiologique sur le cancer et présentée lors de la réunion du GREPHY (Groupe d'étude sur les produits phytosanitaires) du 15 février 2005, montrait que la répartition géographique des cas de cancer de la prostate ne coïncidait pas avec celle de l'utilisation du curlone. Il a donc jugé qu'en l'état actuel des connaissances, il existait une suspicion de lien entre ce pesticide et cette maladie, mais que ce lien ne pouvait être décrit comme avéré.

S'agissant de la prise de rendez-vous que le président avait fixée à la mission, il a précisé que si des missions administratives avaient été diligentées, cela n'empêchait nullement l'administration ni le Parlement de jouer leur rôle, d'autant plus que les parlementaires ne se contentaient pas de faire état du résultat des missions administratives, mais qu'ils entendaient également, dans un souci de transparence, relayer le vécu des populations locales confrontées au problème.

Il s'est étonné des interrogations exprimées par M. Louis-Joseph Manscour eu égard à la transparence des travaux de la mission d'information. En effet, précisant que les conclusions rendues par la mission étaient le fruit d'un travail approfondi et collectif, s'agissant en particulier de la réflexion sur les décisions de 1992 et 1993, il a insisté sur le fait qu'aucune information n'avait été dissimulée dans le rapport, que l'ensemble des documents de la mission seraient présentés en annexe de celui-ci. Il a par conséquent souligné que la mission d'information ne pouvait être assimilée à une chambre d'enregistrement, ni, a fortiori, confinée à un rôle d'atténuation de la responsabilité de l'Etat.

Le Président de la mission d'information, M. Philippe Edmond-Mariette, a reconnu que, sur le plan de la méthode, la mission avait rencontré des difficultés dans les relations qu'elle avait nouées, tant avec le ministère de la santé qu'avec le ministère de l'agriculture, de la pêche et de la ruralité. S'agissant du principe de précaution, il s'est associé aux propos de M. Jérôme Bignon, considérant que depuis l'adoption par le Parlement de la Charte de l'environnement, qui avait désormais valeur constitutionnelle, l'Etat allait avoir l'obligation d'instaurer un mécanisme de solidarité à l'égard des personnes affectées par l'application de ce principe, dès lors que l'on ne pouvait désigner de responsables ni les condamner à des sanctions financières. S'agissant du problème du décloisonnement interministériel, il a rappelé qu'il existait aux Antilles, notamment en Guadeloupe, mais plus encore en Martinique, des groupements régionaux, rassemblant l'ensemble des services déconcentrés de l'Etat, les agriculteurs, ainsi que les associations de consommateurs, et travaillant sur les pesticides, alors qu'en métropole, ces groupements ne travaillaient que sur le problème de la pollution de l'eau par les nitrates. Il a ainsi souligné que ces groupements constituaient, au niveau régional, des mécanismes efficaces de veille et d'alerte.

Evoquant enfin la question de la recherche, il a précisé qu'en matière de toxicologie et d'écotoxicologie, il était impératif que les moyens financiers mis en œuvre soient sanctuarisés, afin de pouvoir former de jeunes chercheurs, sans quoi les fabricants seraient les seuls à faire de la recherche préalablement à la mise sur le marché des produits. Il a également proposé de créer un permis-pesticide, afin que, sur tout le territoire national, chacun des acteurs utilisant des pesticides bénéficie d'une formation, et soit en mesure d'agir en connaissance de cause dès lors qu'il aurait accès à ces produits. Puis, se félicitant de la proposition du président d'inscrire dans la lettre de mission un droit de suite, il a rappelé qu'une mission de prospective agronomique devait être conduite sous l'égide du ministère de l'agriculture, de la pêche et de la ruralité, en collaboration avec d'autres ministères, et que cette mission pourrait se rendre dans les départements d'Outre-Mer à la fin du mois de septembre 2005. Il a précisé que les conclusions de cette mission de prospective économique étaient très attendues, s'agissant en particulier des pistes dégagées par la mission de prospective pour accorder des compensations financières aux agriculteurs se voyant dans l'impossibilité de cultiver leurs sols, en raison de leur pollution. Il a ajouté que ce droit de suite pourrait lui permettre, ainsi qu'au rapporteur, de vérifier que les résultats des analyses épidémiologiques et des enquêtes alimentaires menées sur place confirmaient l'efficacité des dispositifs mis en oeuvre pour lutter contre la pollution des sols, et contre les problèmes de santé publique. C'est pourquoi il a insisté sur la nécessité pour le Parlement de favoriser, dans ce cadre, une certaine neutralité ainsi qu'une relation transversale entre l'Etat et les citoyens. Il a estimé que le rôle du Parlement consistait en effet à assurer un suivi de la question, et non de rendre seulement un rapport d'information, pour s'en désintéresser une fois le rapport rendu.

Le président Patrick Ollier a indiqué qu'il n'avait pas été informé des difficultés de la mission pour rencontrer des responsables du ministère de la santé qu'il a estimé tout à fait inacceptables. Précisant qu'il exigerait, sur le champ, l'organisation de cette rencontre, il a proposé :

- que la Commission autorise la publication du rapport d'information et qu'elle autorise également le président et le rapporteur à apporter au projet de rapport les modifications résultant de leur rencontre avec des responsables du ministère de la santé,

- que le président et le rapporteur de la mission d'information assurent le suivi de la mise en œuvre de ses recommandations.

M. Joël Beaugendre, rapporteur de la mission d'information, a rappelé que la mission avait pu rencontrer, aux Antilles, les responsables locaux de la santé publique ainsi que des personnalités médicales de premier plan. Soulignant qu'il convenait donc de ne pas jeter la suspicion sur les conclusions de la mission s'agissant des aspects médicaux, il a suggéré que le rapport soit adopté en l'état. Il a, en outre, indiqué qu'il serait attentif au suivi des recommandations de la mission.

Le président Patrick Ollier a précisé qu'il ne lui appartenait pas de juger, sur le fond, de la pertinence du travail de la mission s'agissant des problématiques de santé publique mais que les difficultés de la mission pour rencontrer des responsables du ministère de la santé posaient une question de principe quant au respect des prérogatives du Parlement et qu'il lui semblait nécessaire de veiller à l'organisation d'une rencontre dans les meilleurs délais.

La Commission a ensuite autorisé, en application de l'article 145 du Règlement et dans les conditions prévues à l'article premier de l'instruction générale du Bureau, la publication du rapport d'information.

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