COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 62

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 27 septembre 2005
(Séance de 15 heures)

Présidence de M. Patrick Ollier, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Dominique BUSSEREAU, ministre de l'Agriculture et de la Pêche, sur le projet de loi d'orientation agricole


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La Commission a entendu M. Dominique Bussereau, ministre de l'Agriculture et de la Pêche, sur le projet de loi d'orientation agricole.

Le président Patrick Ollier a accueilli M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche, en se félicitant du nombre de commissaires présents et en saluant le travail réalisé par le rapporteur Antoine Herth, qui a procédé à une cinquantaine d'auditions depuis juillet.

Soulignant que le travail préparatoire réalisé en collaboration entre le Gouvernement et sa majorité avait été extrêmement constructif, il s'est félicité que le ministre de l'agriculture et le Premier ministre aient annoncé qu'ils étaient disposés à réintégrer dans le corps du texte de loi plusieurs dispositions qu'il était initialement prévu de faire adopter par ordonnances ; cette mesure très positive ne peut que satisfaire les parlementaires.

S'agissant de la déclaration d'urgence, il a indiqué que la Commission assumait totalement l'initiative du Gouvernement : l'urgence est justifiée car ce texte doit être adopté avant que l'examen du budget occulte largement le reste de l'activité parlementaire.

Se félicitant de l'esprit d'ouverture manifesté par le Gouvernement sur ce texte, il a indiqué que la Commission proposerait des amendements sur le volet montagne, de même que sur l'intéressement - lequel, au moment où la participation est relancée, appelle des signes très forts - et sur les biocarburants, sujet sur lequel les députés sont également très mobilisés.

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche s'est dit heureux et fier de présenter aux commissaires le projet de loi d'orientation agricole. Premier texte à être examiné lors de la session prochaine, sa discussion débute alors que le gouvernement britannique rouvre le débat sur la PAC et que l'Europe est engagée dans le cycle des négociations de Doha - dont les enjeux pour la France sont encore plus importants que ceux de la PAC. Le Président de la République vient de recevoir l'ensemble des organisations agricoles et les deux dossiers à l'ordre du jour étaient précisément la PAC et l'OMC.

Le débat devra être le plus direct possible et le Gouvernement se montrera très ouvert aux propositions d'amendements qui ne manqueront pas d'être émises. Le travail remarquable réalisé par Antoine Herth et les suggestions qu'il a recueillies se traduiront naturellement par des amendements, mais, au-delà, le texte pourra être enrichi sur plusieurs points : s'agissant du volet montagne, des mesures sont d'ores et déjà imaginées mais, de nature réglementaire, elles ne concernent pas l'Assemblée nationale ; des dispositions pourraient être prises en faveur des salariés agricoles ; quant aux biocarburants, le Premier ministre a annoncé au salon Space de Rennes qu'il accélérait le plan Raffarin en fixant la réalisation de l'objectif de 5,75 % d'incorporation non plus pour 2010 mais pour 2008, soit une multiplication par six de la production française de biocarburants, ce qui nécessitera le passage de six à huit usines.

Le texte relatif aux territoires ruraux, initialement porté par Hervé Gaymard et Nicolas Forissier, a été grandement enrichi par le Parlement et contient nombre de mesures réglementaires ; il est donc très lourd et difficile à expliquer sur le terrain. À l'inverse, le présent texte, dans la tradition des lois d'orientation, est bref et renvoie aux ordonnances et aux règlements tous les aspects de nature réglementaire, afin de ne pas encombrer le travail du Parlement.

Pourquoi une loi d'orientation agricole est-elle nécessaire ? Les grandes lois fondatrices de Michel Debré et d'Edgar Pisani, dans les années soixante, ont accompagné la mise en œuvre du premier marché commun en définissant un cadre stable pour l'exercice de l'activité agricole. Elles ont donné un statut fiscal, social et économique à l'exploitation agricole, organisé le statut du fermage et favorisé le progrès technique en agriculture. Elles ont promu le modèle de l'exploitation agricole à responsabilité familiale, dont la taille permettait d'assurer la rémunération de deux unités de travail.

Au fil du temps, ce modèle a dû se diversifier pour répondre à la multiplicité des formes d'exploitation. Alors que s'affirment de nouvelles attentes du corps social, notamment environnementales, les pouvoirs publics et les élus envisagent l'agriculture avec un autre regard, compte tenu de ses missions d'aménagement de l'espace, de préservation du paysage et de son impact environnemental.

Ce projet de loi d'orientation s'inscrit dans la continuité des précédents - le dernier, présenté par Jean Glavany, datant de 1999. Il fixe des lignes directrices et un cadre de travail permettant aux exploitations agricoles de s'adapter aux évolutions engagées. Il prend d'abord acte du nouveau contexte international créé par l'OMC et de la réforme de la PAC de 2003 qui est entrée en application depuis 2005. Il s'attache ensuite à prendre en compte la diversification des formes d'exploitation depuis quarante ans, ainsi que l'émergence des exigences nouvelles de nos concitoyens.

La France est aujourd'hui le premier exportateur mondial de produits bruts et le second pour les produits transformés. L'ambition de ce texte est donc de contribuer à maintenir une agriculture et une industrie alimentaire françaises efficaces et performantes, répondant aux besoins de la société et concourant à la richesse de l'économie. Agir pour l'agriculture, c'est aussi participer au combat en faveur de l'emploi, conférer du dynamisme au monde rural et préserver nos territoires.

Dans le cadre de cet objectif, le projet de loi d'orientation fait le choix d'accompagner l'effort d'adaptation et de modernisation de l'agriculture française en prenant en compte les évolutions du contexte international.

La libéralisation accrue des échanges et les mutations des mécanismes de régulation communautaires, avec l'introduction du découplage, mettent le secteur agricole de plus en plus en prise directe avec le marché. Il en résulte aussi une concurrence accrue, à laquelle il convient de se préparer en toute confiance car l'agriculture et l'industrie alimentaire françaises ne sont pas sur la défensive mais disposent d'atouts incontestables. Le haut niveau de technicité des agriculteurs - grâce à l'enseignement agricole -, le haut niveau de performance et de sécurité sanitaire placent la France dans un peloton de tête dont il ne faut pas sortir.

La PAC, même si son application est parfois difficile sur le terrain, constitue une formidable chance pour l'agriculture française. Le soutien communautaire représente un retour budgétaire annuel de 10 milliards d'euros pour la ferme France et l'Union européenne représente un marché intérieur de 450 millions d'habitants et de consommateurs, parmi les plus vastes et les plus solvables du monde. Si la France, dans les négociations de l'OMC, se retrouvait seule face aux États-Unis, au Brésil et à l'Argentine, elle pèserait peu.

Ces atouts doivent permettre au secteur de s'adapter au nouveau contexte. Des opportunités prometteuses s'offrent au monde agricole, qu'il s'agisse de la demande de produits agroalimentaires transformés, entraînée par la croissance démographique, ou des débouchés non alimentaires, comme les biocarburants.

Encore faut-il que le cadre national permette à l'agriculture d'exprimer ses potentialités. L'objectif de ce projet de loi est d'offrir à l'agriculture les moyens d'une compétitivité renforcée pour l'aider à conserver sa place de premier plan.

Naturellement, ce texte s'inscrit dans un ensemble plus large de dispositions, comme celles contenues dans le plan biocarburants.

Enfin, il est en cohérence avec les propositions du Gouvernement, en matière fiscale, s'agissant des plans d'urgence pour l'emploi, ou encore des décisions prises récemment sur les pôles de compétitivité, quinze d'entre eux étant consacrés à l'agriculture et à l'alimentation, de manière à promouvoir l'innovation par des liens renforcés avec le système éducatif et la recherche.

La France a su préserver l'équilibre entre villes et campagnes ; c'est l'un des premiers pays touristiques au monde, son agriculture, performante au niveau mondial, est très respectueuse de l'environnement, mais elle rencontre des difficultés et il faut essayer de l'aider.

Le ministre a ensuite présenté les mesures principales du projet de loi, organisé autour de cinq titres.

Le titre Ier s'intéresse à l'entité fondamentale que constitue l'exploitation agricole, à la modernisation de l'exploitation agricole et à la démarche d'entreprise.

Dans les exploitations d'aujourd'hui, le conjoint travaille de plus en plus à l'extérieur, les types d'exploitation se sont diversifiés, les formes sociétaires se sont développées et les installations en dehors du cadre familial sont plus fréquentes.

Sur la base de ce constat, le projet de loi encourage la formation d'exploitations organisées autour d'une démarche d'entreprise en conservant toutefois la responsabilité personnelle voulue par les grandes lois des années soixante.

Le bail cessible permettra à un exploitant de transmettre globalement une exploitation hors du cadre familial, évitant son démembrement entre les différents propriétaires bailleurs, comme c'est parfois le cas aujourd'hui. Cette possibilité, qui supposera le libre choix entre les parties, ne se substituera pas au bail rural classique.

Le fonds agricole, à l'image du fonds de commerce, permettra de mieux reconnaître la valeur du travail agricole et de mieux distinguer la valeur patrimoniale de la valeur économique de l'exploitation agricole.

Pour promouvoir la forme sociétaire, le projet de loi autorise les associés d'EARL -exploitations agricoles à responsabilité limitée - à conserver leur statut fiscal de type personnel et donc à ne pas être soumis à l'impôt sur les sociétés, cette disposition s'appliquant hors du cadre familial. Par ailleurs, le Premier ministre a annoncé, le 13 septembre, la suppression de la cotisation de solidarité pour les associés non exploitants. Cette disposition, qui doit stimuler l'investissement dans les entreprises agricoles, sera intégrée au projet de loi sous forme d'amendement au moment de l'examen parlementaire.

Pour tenir compte de l'évolution des structures d'exploitation, le projet de loi contient deux dispositions importantes.

Premièrement, l'article 5 assouplit le contrôle des structures : le seuil de contrôle lié à l'exploitation du repreneur est relevé. Il s'agit d'un point d'équilibre entre les positions des différentes parties introduisant de la simplification tout en maintenant le pouvoir de la CDOA (commission départementale d'orientation de l'agriculture).

Deuxièmement, un mécanisme fiscal de crédit d'impôt tendant à inciter à la transmission progressive est instauré. Cette mesure est très attendue par les jeunes car les transmissions d'exploitations sont de plus en plus prioritaires par rapport aux restructurations.

Le projet de loi améliore aussi les conditions de vie des exploitants avec le crédit d'impôt pour remplacement, qui apporte une réponse aux difficultés réelles d'exercice de ce métier.

Le titre II vise à conforter le revenu agricole et intervient au niveau des filières, à l'intérieur des marges de manœuvre autorisées par le cadre communautaire. Le Gouvernement privilégie plusieurs voies : les nouveaux débouchés, le renforcement de l'offre, la gestion des risques et la baisse des charges.

L'agriculture et la forêt ont une carte à jouer dans l'enjeu stratégique que constitue le développement de nouveaux débouchés comme la biomasse. Avec l'article 11, il s'agit de reconnaître la contribution de la production agricole et forestière à la lutte contre l'effet de serre : l'agriculture et la forêt participeront aux bilans et mécanismes de marché destinés à mettre en œuvre les engagements internationaux de la France dans le cadre du protocole de Kyôto. Au-delà de l'impact attendu sur le plan environnemental, il s'agit également pour l'agriculture de conquérir de nouveaux débouchés non alimentaires et de créer des marchés.

Sécuriser le revenu, c'est aussi renforcer l'organisation des filières. Une position de compromis a été trouvée : les missions des interprofessions seront étendues de manière à leur permettre d'intervenir dans la promotion de nouveaux débouchés ou la gestion des crises. La contractualisation sera encouragée dans la mesure où elle crée les conditions d'une relation plus équilibrée entre l'amont et l'aval. Enfin, conformément aux recommandations de M. François Guillaume, la coopération agricole, qui a un rôle essentiel à jouer dans l'équilibre des filières, bénéficiera de moyens accrus et modernisés.

Garantir le revenu, c'est encore développer les outils de gestion des risques, qu'ils soient climatiques ou conjoncturels. Le projet de loi réaffirme le nécessaire développement de l'assurance récolte - qui, cette année, remporte un franc succès - et revalorise les plafonds applicables à la déduction pour investissement et à la dotation pour aléas.

Garantir le revenu, c'est enfin baisser les charges. Le Président de la République, dans son discours de Murat, a annoncé la disparition progressive de la taxe sur le foncier non bâti pour les exploitants agricoles. Le Gouvernement proposera, dans le projet de loi de finances 2006, une baisse de 20 % de cette taxe, représentant 140 millions d'euros, lesquels seront compensés par l'État au centime d'euro près pour les communes.

Le titre III traite des préoccupations sociales, de l'environnement et de la qualité. Il complète le dispositif déjà très développé de sécurité sanitaire des aliments en confiant l'évaluation du risque lié aux fertilisants et produits phytosanitaires à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, connue pour sa rigueur et son efficacité.

Il cherche également à améliorer la lisibilité des signes de qualité pour le consommateur en créant un institut de la qualité.

L'agriculture biologique sera encouragée au travers d'un crédit d'impôt.

Enfin, le texte instaure la possibilité de conclure un bail comportant des clauses environnementales dans certains territoires présentant des enjeux environnementaux importants.

Le titre IV simplifie l'environnement administratif de l'agriculture, actuellement sur-administrée, la multitude de réglementations de toutes natures étant tantôt issues de la législation européenne, tantôt inventée avec talent par l'administration nationale. Il convient de faire disparaître l'« impôt paperasse » pour que les exploitants se consacrent à leur métier : produire.

Le projet de loi crée ainsi l'agence unique de paiement pour les aides du premier pilier.

Le dispositif de développement agricole sera simplifié.

Enfin, la loi sur l'élevage sera adaptée pour tenir compte du nouveau contexte communautaire et des besoins des éleveurs.

Le titre V apporte des réponses adaptées à la situation foncière particulière des départements et collectivités d'outre-mer.

Ce texte ayant été présenté en Conseil des ministres le 18 mai, il a été possible de poursuivre le dialogue avec les organisations agricoles, le Conseil économique et social, les rapporteurs des commissions saisies au fond et pour avis, ainsi que des parlementaires de la majorité comme de l'opposition. C'est ainsi que le texte a été amélioré sur des points comme le foncier ou l'emploi, grâce notamment à l'excellent travail accompli par Jacques Le Guen, en sa qualité de parlementaire en mission, à propos des distorsions de concurrence en termes d'emploi et de salaires.

S'agissant du foncier, la préoccupation est vive devant le recul du foncier agricole au profit d'autres usages. La loi sur le développement des territoires ruraux apportait une première réponse et les choses doivent encore être améliorées dans ce domaine.

Sur le plan de l'emploi, depuis la présentation du projet de loi en Conseil des ministres, des arbitrages favorables ont été obtenus pour alléger le coût du travail, améliorer la rémunération et donc le pouvoir d'achat et accroître la sécurité.

Le Gouvernement proposera notamment la création d'un contrat jeune saisonnier agricole, la mise en place d'une incitation à la conversion de contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée et des mesures en faveur des groupements d'employeurs.

Le ministre a précisé que l'élaboration de ce texte avait été précédée, à l'initiative de son prédécesseur, M. Hervé Gaymard, par des débats en région très intéressants, la mise en place d'une instance de réflexion ad hoc et un travail très utile du Conseil économique et social.

Puis il a abordé le sujet de l'habilitation à légiférer par ordonnances. En vue de présenter un texte court, les mesures concernées par cette procédure étaient initialement nombreuses, mais toutes portaient sur des aspects techniques ou des transpositions de directives, comme il est d'usage, cette procédure étant admise de longue date par le Conseil d'État. Sans le recours à ordonnances, la loi aurait comporté 143 articles, comme celle de Jean Glavany.

Tenant compte des remarques du président de la Commission et du rapporteur, le Gouvernement propose de faire évoluer le dispositif prévu par la suppression de cinq articles sur les onze envisagés ; pour quatre d'entre eux, les modifications législatives seraient introduites dans le texte par amendement ; deux articles verraient leur champ d'application réduit, notamment celui relatif à la loi sur l'élevage, dont les orientations feraient l'objet d'un article de loi nouveau ; quatre articles d'habilitation seulement seraient maintenus en l'état.

Rien ne s'oppose à l'introduction directe dans le projet de loi, à l'article 15, des mesures concernant l'extension des règles édictées par les comités économiques agricoles ; à l'article 19, de celles concernant le développement de l'assurance récolte ; dans la deuxième partie de l'article 11, de celles concernant l'extension des missions de divers organismes.

Un vecteur législatif plus adapté sera trouvé pour l'article 30, relatif aux aspects organisationnels du ministère, et une partie de l'article 22, qui concerne le domaine sanitaire, les transpositions de droit communautaire étant néanmoins maintenues.

Il a également été envisagé de supprimer l'article 34, concernant Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, mais les représentants de ces collectivités se sont prononcés en faveur d'ordonnances.

Quant à l'article de la loi d'habilitation sur la prise en compte de l'agriculture et de la forêt dans la lutte contre l'effet de serre, il pourrait être remplacé par un article de principe intégré au code rural, le Gouvernement s'engageant à présenter un rapport dans les vingt-quatre mois.

Le Parlement connaît bien la question des signes de qualité. Les évolutions envisagées ayant reçu l'accord de l'INAO - Institut national des appellations d'origine -, de la Commission nationale des labels et des organisations professionnelles, le Gouvernement propose de maintenir le recours à l'ordonnance, sachant par ailleurs qu'une modification par voie législative supposerait la modification de quarante-sept articles du code rural.

Enfin, une réforme de la loi sur l'élevage est nécessaire car le principe de monopole des années soixante ne saurait être maintenu. Il faut mettre en place un nouveau dispositif plus responsabilisant pour la profession et préservant l'accès à des ressources génétiques de qualité pour tous les éleveurs. Il serait envisageable de définir ces orientations dans un article de loi de manière à limiter l'article d'habilitation aux dispositions les plus techniques.

Le ministre a assuré que, sur chaque point, les professionnels et les parlementaires seraient associés à la rédaction des ordonnances maintenues et il a demandé au président de la Commission de désigner à cet effet un petit groupe d'experts, autour des rapporteurs.

Le président Patrick Ollier a remercié le ministre et ses services pour leur réactivité sur le problème des ordonnances, qui préoccupait beaucoup la commission. Le Gouvernement ayant annoncé la suppression de la moitié des articles d'habilitation, les mesures à discuter seront plus nombreuses et les députés, compte tenu du temps parlementaire disponible réduit, devront accomplir un effort de concision lors des débats.

Il importe que le groupe de travail suive jusqu'à son terme la rédaction de l'ordonnance sur les signes de qualité et que la commission y soit le mieux représentée possible.

M. Antoine Herth, rapporteur, après avoir à son tour remercié le ministre pour ses réponses concernant les ordonnances, l'a néanmoins interrogé sur ses intentions concernant l'article 22, relatif à la sécurité sanitaire.

Puis, il a fait part de certaines inquiétudes sur plusieurs problèmes.

Le fonds agricole et le bail cessible suscitent ainsi de nombreuses remarques relatives au risque de renchérissement de l'installation des jeunes agriculteurs ou à leurs conséquences sur la fiscalité des transmissions. Il a regretté à cet égard que la Commission des affaires économiques ne puisse disposer de l'avis de la Commission des finances pour sa réunion du 28 septembre.

L'article 14 sur les organisations de producteurs et les interprofessions est tout aussi délicat. Il convient certes de poser dans la loi un principe pour permettre une évolution de la situation de l'organisation des marchés mais aussi, dans un second temps, de considérer le problème secteur par secteur afin de trouver des dispositions particulières adaptées à chacun.

Le contrôle des structures, déjà évoqué dans la loi de 1999, connaît des difficultés de traitement administratif. Mais dispose-t-on de statistiques permettant de connaître le nombre de dossiers traités et de savoir dans quelle mesure alléger le dispositif ?

De même, la multifonctionnalité était déjà présente dans la loi de 1999 avec la reconnaissance des contributions non marchandes et souvent non alimentaires de l'activité des agriculteurs et le recours à l'aide publique pour les rémunérer. Le projet effectue un saut qualitatif puisqu'il ouvre la possibilité de valoriser ces contributions sur le marché, avec les carburants, les huiles végétales et accessoirement l'allégement de la TVA sur le bois énergie. Quelle est la position actuelle du ministère sur ce point ? Il est en effet possible d'aller plus loin par une politique plus générale de valorisation de la biomasse, voire des déjections animales, comme le montrent les exemples étrangers.

Enfin, le texte ne traite pas de la question particulièrement sensible des organismes génétiquement modifiés, alors qu'une Mission d'information de l'Assemblée nationale a élaboré un rapport à ce propos. Quelles mesures législatives le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour préparer l'avenir ?

M. Jean Gaubert a déduit des propos du rapporteur que celui-ci n'était pas mieux informé que lui sur les dernières avancées du gouvernement et donc que les députés allaient devoir travailler dans une certaine précipitation, alors même que le projet de loi est annoncé depuis trois ans et demi. Il a observé que si celui-ci avait été présenté un peu plus tôt, la déclaration d'urgence n'aurait pas été nécessaire.

Il a demandé quand la nouvelle rédaction des articles cités par le ministre serait disponible en insistant sur l'urgence pour les parlementaires d'en disposer, faute de quoi ils seraient dans l'incapacité de réagir et de préparer leurs amendements éventuels, ce qui serait tout à fait inacceptable.

Estimant que le projet de loi n'était pas une loi fondatrice comme celles des années soixante, il a reconnu que, la législation européenne ayant changé et que le secteur agricole dépendant de décisions adoptées à l'échelon européen, la loi ne pouvait qu'accompagner ces mutations.

Il a jugé les orientations du projet complètement libérales. Ainsi, les nouvelles conditions d'accès à la terre et de contrôle des structures vont forcément modifier la situation actuelle. Une ancienne présidente du CNJA disait : « J'aime mieux avoir des voisins que des hectares autour de moi. » Ce projet de loi ne consacrera-t-il pas la présence d'hectares autour des exploitations agricoles plutôt que de voisins ? Il a indiqué que le groupe socialiste ferait donc des propositions afin de rendre le contrôle des structures plus opérant et plus efficace sans pour autant l'alléger.

Observant que la création du « fameux » fonds agricole procédait du raisonnement suivant : puisque les pas-de-porte existent, il faut les légaliser, il a considéré que cela conduirait à généraliser une pratique qui n'existait pas dans de nombreuses régions, notamment celles où les agriculteurs sont les moins riches. Il s'est inquiété des conséquences de la création du fonds agricole sur le coût de la reprise des exploitations.

Soulignant que le projet rendait commercialisable un droit à primes que les agriculteurs actuels n'avaient pas payé, et qui n'était pas acquis au-delà de 2013, voire avant, selon les arbitrages qui seront rendus au niveau européen, il s'est interrogé sur la logique consistant à comptabiliser dans le fonds des droits à primes qui seront un jour ou l'autre remis en cause et il s'est demandé comment réorienter et diversifier l'exploitation quand ces droits avaient été achetés au prix fort.

Estimant que les dispositions relatives aux interprofessions concrétisaient un très fort désengagement de l'État, il a jugé que leur mise en œuvre ne réglerait pas forcément le problème de la gestion de crise, ce dont les différents opérateurs rencontrés sur le terrain sont conscients.

Il a indiqué que le groupe socialiste ferait des propositions concernant le statut des salariés, complètement absent du texte en s'inspirant des mesures prises par M. Renaud Dutreil avec le soutien du groupe socialiste sur le statut des conjoints d'artisans et de commerçants et a jugé inacceptable que l'on puisse travailler, en 2005, sur une exploitation sans bénéficier d'aucun statut.

Il a souligné que la question des biocarburants devrait être abordée et a estimé nécessaire de redéfinir l'intégration de l'agriculture, qui a beaucoup changé depuis la loi de 1964 et les modifications de 1979 ou 1980.

M. François Sauvadet a souligné combien ce rendez-vous était attendu par les parlementaires, par la profession agricole et, au-delà, par tout le monde rural, qui attend, dans une période de profonde incertitude, qu'on lui fixe un cap.

Il a souhaité que la représentation nationale soit informée de la position du Gouvernement dans les négociations qui vont s'ouvrir à Doha, alors que l'Union européenne se trouve extrêmement divisée après le « non » au référendum et compte tenu des incertitudes pesant sur le budget communautaire.

Soulignant que le groupe UDF souhaitait une loi d'orientation et non pas se bornant à prendre acte des décisions prises et à mettre en place des outils, il s'est réjoui de la réintroduction de certaines dispositions qui devaient faire l'objet d'ordonnances dans le projet, mais a jugé qu'il conviendrait d'aller plus loin, notamment pour les signes de qualité, sujet d'importance qui concerne aussi les consommateurs.

Dans le cadre de ce travail en cours, il conviendrait également que le Gouvernement affiche d'emblée quelles sont les grandes orientations qu'il envisage pour l'agriculture française. Les réformes successives de la PAC ont fait reculer l'agriculture française, y compris dans les domaines où elle était extrêmement forte, comme la viticulture, pour laquelle les clignotants sont aujourd'hui au rouge. Quel message la France va-t-elle porter dans les futures renégociations au plan européen ? C'est seulement une fois précisées ces grandes orientations que l'on pourra mettre l'agriculture en mesure de relever les grands défis qui l'attendent.

S'agissant des outils mis en œuvre dans le projet de loi et plus précisément du fonds, l'objectif est de clarifier ce qui relève du patrimoine privé et de l'exploitation et d'améliorer la transmission. Toutefois, faute d'avoir mené la réflexion à son terme, notamment sur les aspects fiscaux, les inquiétudes dépassent désormais l'espérance suscitée à l'annonce de la création du fonds. Le fonds n'est pas créé, il est révélé, mais un renchérissement des transmissions, même familiales, est à craindre.

S'agissant de l'avenir, il aurait été souhaitable d'aborder la question de la modernisation de l'enseignement et de la recherche pour renforcer la place de l'innovation et l'adaptation à l'emploi. Le groupe UDF fera des propositions à ce propos.

Le fermage, sujet d'importance dont le Parlement devrait pouvoir débattre, reste renvoyé à une ordonnance ; il faudra également trouver un équilibre entre, d'une part, la liberté et le souffle nécessaires aux exploitations pour qu'elles restent compétitives et, d'autre part, la nécessité d'être attentif au maintien des agriculteurs sur le territoire, dans chaque département.

En matière de gestion des risques et de gestion des marchés, il semble que le choix opéré par le gouvernement soit de s'engager résolument dans la gestion des risques. Des leçons doivent également être tirées de la mise en place de l'assurance récolte. Ainsi, des céréaliers en Côte d'or, bien que reconnus pour la quatrième année consécutive en situation de calamité agricole, ne bénéficient pas de l'assurance récolte car les années de référence ne permettent pas de prendre en compte la réalité du revenu, et, dans le même temps, n'obtiennent pas de réponse en matière de gestion des marchés et de la part du fonds des calamités. La position du Gouvernement sur la gestion du risque lié à l'exploitation et sur la gestion du risque de calamité doit donc être clarifiée, notamment pour les zones herbagères et les zones d'élevage, ainsi que sur l'avenir de l'ancien BAPSA (Budget annexe des prestations sociales agricoles) devenu FFIPSA (Fonds de financement des prestations sociales des non salariés agricoles), dont le déficit se monte à 3,2 milliards d'euros.

Estimant qu'une bonne loi d'adaptation devait comporter un volet fiscal et social, il a annoncé que le groupe UDF formulerait des propositions.

Soulignant que les députés devaient avoir le temps d'examiner les amendements relatifs aux dispositions qui relevaient jusqu'à présent d'ordonnances, il a demandé comment les travaux seraient organisés.

M. André Chassaigne a félicité le président de la Commission et le rapporteur pour leur admirable démonstration de dialectique consistant à démontrer à la fois qu'il convenait de faire vite mais que la porte restait ouverte à la discussion de nombreux amendements.

Il a exprimé son assentiment aux propos tenus par M. François Sauvadet tout en se désolidarisant de l'affirmation selon laquelle le projet de loi n'était pas un texte fondateur. Il a estimé le contraire, le texte orchestrant le glissement de l'agriculture familiale, socle de la ruralité, vers une agriculture libérale et même capitaliste.

Sur le fond, un des dispositifs juridiques prévus dans le projet de loi remet en cause le statut du fermage, sans qu'il y soit fait la moindre référence dans l'exposé des motifs. Ainsi, l'augmentation de 50 % du prix du bail cessible s'imposera au fur et à mesure que les bailleurs en auront l'opportunité. De même, avec l'introduction de la possibilité de ne pas renouveler un bail sans justification, l'ensemble de l'équilibre du statut du fermage est remis en cause. Le Gouvernement considère-t-il le statut du fermage comme un obstacle au développement de l'agriculture ?

Comment les générations pourront-elles se renouveler avec la hausse généralisée du prix du foncier, des baux ruraux et plus généralement de l'installation ? Il semblerait que le gouvernement ne veuille pas alléger l'agriculture française mais la « plomber » avec des charges accrues. Quelle aide envisager pour l'installation ? L'article 6, relatif à l'installation progressive, ne conduira-t-il pas à transférer le risque de l'installation des banques vers les agriculteurs retraités ?

Sur l'article 23, il a demandé au Gouvernement de préciser sa position sur la réforme des labels, AOC et autres signes de qualité.

Observant que le projet de loi d'orientation devait être largement amendé, notamment sur les salaires, les saisonniers, le foncier, les biocarburants, il a demandé si l'Assemblée serait informée des rectifications annoncées : le projet de loi fera-t-il l'objet d'une lettre rectificative ou sera-t-il modifié par le dépôt d'amendements du Gouvernement ou de la majorité ?

Indiquant que le groupe communiste se réservait d'évaluer l'importance des sujets qui resteront renvoyés à des ordonnances, il s'est demandé s'il ne serait pas possible de réintégrer l'ensemble des dispositions faisant l'objet d'une habilitation dans le projet.

M. Michel Raison a jugé que le texte était bien une loi d'orientation mais qu'en revanche ce n'était pas un texte fondateur puisqu'il s'appuyait sur des bases existantes solides, avec un fonctionnement très structuré de l'agriculture, tout en s'inscrivant sans un environnement économique européen et international en forte évolution.

Il s'agit par conséquent d'une loi d'orientation, voire de réorientation, de l'exploitation familiale traditionnelle vers une véritable entreprise agricole, ce qui n'empêche évidemment pas les petites entreprises familiales de le rester. Il s'agit de permettre à ceux qui souhaitent créer de véritables entreprises agricoles de bâtir de véritables projets de carrière et de s'installer ou se réinstaller en agriculture tout en anticipant leur cessation d'activité, qui peut intervenir avant l'âge de la retraite.

Le projet de carrière sera facilité par l'allégement du contrôle des structures, qui favorisera l'arrivée de nouveaux éléments en agriculture, ainsi que par une fiscalité plus adaptée, qui sera aménagée au cours du débat.

Il a ensuite souhaité évoquer trois questions.

S'agissant de l'emploi salarié, il s'est demandé s'il ne faudrait pas en tenir compte dans la mesure des exploitations.

S'agissant des débouchés non alimentaires, il importe, à côté des biocarburants, de poursuivre le développement de la biomasse, de l'énergie provenant du bois, de la paille, du biogaz et d'autres sous-produits agricoles, des matériaux à base de fibres comme le chanvre, ou d'amidon, avec lesquelles on peut fabriquer du béton armé isolant ou des plastiques biodégradables, sans oublier les débouchés dans l'industrie automobile ou l'agrochimie (tensioactifs, détergents, solvants, lubrifiants, cosmétiques...).

Enfin, il a considéré que, dès lors que l'agriculture était mieux structurée en entreprises, les entrepreneurs de travaux agricoles devaient aussi participer à l'orientation agricole puisqu'ils servent les exploitations, toute taille confondue, et qu'ils servent plus généralement le milieu rural, en évitant cependant toute distorsion de concurrence avec les autres entrepreneurs ruraux que sont les artisans.

Le groupe UMP est donc satisfait de l'orientation donnée par cette loi et proposera évidemment de nouveaux amendements, en commission comme en séance, pour l'enrichir et en faire davantage encore un texte d'orientation.

Le président Patrick Ollier a précisé que les amendements du Gouvernement étaient à l'instant même en cours de transmission à la Commission et que la plupart d'entre eux lui parviendraient au cours de la soirée.

Le ministre a apporté les éléments de réponse suivants aux orateurs des groupes :

- la création du fonds agricole et du bail cessible constitue une évolution importante. Le jeune agriculteur qui souhaite s'installer doit racheter tout ou partie d'une exploitation en état de marche, l'objectif étant d'éviter l'éclatement. Le coût des reprises d'exploitation va sans doute augmenter, mais il s'agit de toute manière d'une tendance lourde et il est naturel que le vendeur souhaite valoriser son bien. Le fonds agricole ne devrait pas amplifier le phénomène ; au contraire, il clarifiera les conditions juridiques et facilitera le plan de financement. Le Gouvernement est cependant ouvert aux propositions d'amélioration pour éviter ce risque ;

- sur l'article 14 et les organisations de producteurs, le Gouvernement a recherché un point d'équilibre. Il convient de privilégier les organisations de producteurs qui assurent l'achat de la production de leurs membres en vue de sa commercialisation. Cette révolution culturelle appelle une évolution progressive. C'est pourquoi le projet de loi n'impose pas le transfert de propriété mais prévoit des solutions alternatives. Les modalités concrètes seront déterminées filière par filière dans les décrets d'application, qui seront très rapidement communiqués aux parlementaires et aux organisations professionnelles ;

- le concept de multifonctionnalité constituait l'un des points majeurs de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole, avec les fameux contrats territoriaux d'exploitation (CTE) qui se sont avérés très coûteux. Mais les démarches contractuelles pour rémunérer les services non marchands vont continuer à se développer ; c'est un élément important du deuxième pilier de la politique agricole commune (PAC). Pour assumer toutes ces fonctions, il faut néanmoins commencer par consolider l'avenir de l'agriculture. C'est pourquoi, en réorientant celle-ci vers sa fonction économique, loin de remettre en cause la multifonctionnalité, on pose à la mise en œuvre de celle-ci une condition préalable : la rentabilité de l'exploitation. Le développement des utilisations non alimentaires est évidemment une dimension essentielle de la multifonctionnalité ;

- sur les organismes génétiquement modifiés, la Mission d'information présidée par Jean-Yves Le Déaut, et dont le rapporteur était Christian Ménard, a effectué un travail remarquable et le Gouvernement déposera un projet de loi s'inspirant largement de ses conclusions. Le texte sera déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale ou du Sénat et viendra en discussion au cours du quatrième trimestre 2005 ;

- l'article 22, relatif à l'habilitation sanitaire, a essentiellement pour objet d'harmoniser la réglementation nationale avec la règle européenne. Sur ses six alinéas, le Gouvernement propose d'en supprimer deux, le quatrième et le sixième. Le troisième sera précisé pour expliciter la formulation un peu ambiguë sur l'élargissement des pouvoirs de contrôle des agents ;

- la loi n° 99-574 précitée avait renforcé le contrôle des structures sans que cela ait un impact significatif sur les installations. Il convient de maintenir cette procédure mais tout dépend de la manière dont elle est appliquée dans chaque département. C'est pourquoi le Gouvernement a choisi d'alléger le contrôle et de revenir à une situation proche de celle d'avant-1999 : il sera ciblé sur les aspects les plus structurants. Les commissions départementales des opérations agricoles (CDOA) instruisent 50 000 dossiers de contrôle par an et émettent 4 000 refus ; le relèvement des seuils allégerait leur travail ;

- le texte ne comporte encore, c'est vrai, aucune mesure concernant les biocarburants, mais le Gouvernement est très ouvert sur cette question puisqu'il vient de nommer un coordinateur interministériel de la biomasse ;

- le Conseil d'État a considéré, comme le Gouvernement, que ce texte mérite l'appellation de loi d'orientation parce qu'il propose un nouveau modèle d'exploitation agricole, avec des évolutions de fond en matière de relations entre le propriétaire et le fermier, mais aussi parce qu'il apporte des réponses à des attentes sociales fortes ;

- des amendements gouvernementaux seront déposés et, conformément à la loi de la démocratie, il est souhaitable que le rapporteur et la majorité, qui ont travaillé avec le Gouvernement, déposent les leurs. Il n'en demeure pas moins que le Gouvernement sera ouvert à ceux provenant des groupes d'opposition dans un souci de dialogue constructif ;

- si la PAC actuelle court jusqu'en 2013 - n'en déplaise à M. Tony Blair -, les DPU, droits à paiement unique, constitueront à terme un élément essentiel de la viabilité des exploitations. Les mesures d'application fixées avec les organisations tendent à éviter tout trafic de DPU. Ces droits, de nature très différente par rapport aux droits à produire ou aux primes traditionnelles, ont vocation à être intégrés dans le fonds agricole, lequel permettra de gérer l'ensemble de biens, corporels ou incorporels. Dans le fonds agricole, les DPU seront marchands tandis que les droits à prime seront administrés ;

- sur la question des salariés agricoles, le texte peut être enrichi : le Gouvernement présentera des amendements et sera très attentif à ceux que les parlementaires proposeront pour améliorer la condition des salariés agricoles ;

- les négociations de l'OMC se trouvent à un point clé puisque les représentants de la Commission européenne viennent de rencontrer ceux des États-Unis, de l'Inde et du Brésil. Le Gouvernement français considère que la Commission européenne, dans cette affaire, ne négocie pas correctement puisqu'elle n'a rien obtenu sur le plan des échanges industriels, des biens et des services, quand elle a déjà fait des concessions sur les questions agricoles ou laissé entendre qu'elle était prête à en consentir, aussi bien s'agissant des exportations que de l'accès aux marchés et des soutiens internes. Mais le Gouvernement va tracer une ligne rouge et il ne se retrouve pas seul, la quasi-totalité des vingt-cinq États membres se situant sur la même ligne de fermeté et de respect du mandat donné à la Commission ;

- sur le FFIPSA, les parlementaires trancheront lors de l'examen du PLFSS. Il s'agit, à ce stade, de dégager des ressources nouvelles, comme s'y emploie M. Yves Censi, président du conseil de surveillance, et de pérenniser la spécificité du système de protection sociale agricole avec son support, la mutualité sociale agricole. Sur cette ligne, le Gouvernement ne transigera pas ;

- le fonds agricole bénéficiera du droit forfaitaire appliqué aux mutations de parts des sociétés agricoles, sous réserve du travail effectué avec M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis de la commission des finances, qui prépare un amendement dans cette direction ;

- il est apparu utile au Gouvernement d'accompagner toutes ces mesures nouvelles par un travail de simplification et d'adaptation du statut du fermage afin de conforter ce dernier. Il s'agit d'harmoniser et de regrouper les cas de résiliation du bail et en aucun cas de remettre en cause le fondement du statut et le droit au renouvellement du bail pour le preneur, sur lequel s'appuie tout un pan de la vie agricole ;

- le projet de loi sur la recherche sera le véhicule le mieux adapté aux mesures concernant la recherche agricole. Le Premier ministre a annoncé, à Rennes, qu'il créerait une mission de réflexion sur l'enseignement agricole, sous la responsabilité conjointe des ministères de l'éducation nationale et de l'agriculture, laquelle sera vraisemblablement confiée à M. François Grosrichard, journaliste spécialiste de l'aménagement du territoire ;

- s'agissant de l'allègement des charges, le remboursement de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), avec le passage de quatre à cinq centimes par litre, atteint maintenant 88 %, et la mesure, annoncée par le Premier ministre en septembre, est rétroactive au 1er septembre. La taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFNB) fera l'objet d'un débat, la commission des finances du Sénat s'opposant résolument à sa suppression. Le projet de loi comporte aussi des mesures d'aide importantes comme les revalorisations du plafond de la déduction pour investissement (DPI) et de la déduction pour aléas (DPA), le crédit transmission ou le crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique ;

- le dispositif d'aide à l'installation vise à adapter les procédures grâce au crédit transmission, mis au point avec l'ensemble des jeunes agriculteurs, et pas seulement avec le CNJA. Le taux d'intérêt du prêt bonifié pour les jeunes agriculteurs vient également d'être abaissé ;

- l'article 23 introduit le principe d'une réforme des signes de qualité, l'idée du Gouvernement étant de les simplifier dans le cadre de l'INAO ;

- le Gouvernement est prêt à examiner un amendement en faveur des entrepreneurs de travaux agricoles ;

- en matière de biomasse, le texte comporte des mesures fortes, notamment en son article 11 sur les mécanismes de marché et le prix du carbone. L'article 12 permet sous conditions d'employer l'huile végétale produite sur l'exploitation pour des usages professionnels. Il faudrait trouver un équilibre entre les impératifs techniques et environnementaux et l'intérêt de développer cette filière. Le Gouvernement est également prêt à accepter d'autres mesures concernant les bioénergies mais celles-ci ne sont pas de nature législative. La loi prévoit aussi que les collectivités territoriales bénéficient d'un taux de TVA allégé lorsqu'elles consomment du bois énergie ;

- il est important, enfin, de prendre en compte l'emploi salarié dans les exploitations agricoles. Le Gouvernement s'est engagé à ouvrir ce chantier, qui est plutôt d'ordre réglementaire, puisqu'il concerne les règles d'attribution des aides qui leur sont accordées.

M. François Brottes a insisté à son tour sur la nécessité de disposer des amendements du Gouvernement au plus tôt, d'autant que le projet ne fera l'objet que d'une seule lecture.

Il a indiqué qu'en Rhône-Alpes, aucun agriculteur, même parmi les membres de la FNSEA, ne semblait être partisan du fonds agricole, qui sera défavorable aux petites et moyennes exploitations et mettra en péril l'installation des jeunes.

Il a estimé que le sujet des signes de qualité devait être traité par les parlementaires et souligné l'importance de la traçabilité des produits tant vis-à-vis du consommateur que pour ses effets économiques et les garanties qu'elle apporte en matière de santé et de goût.

Observant que le projet ne comportait pas de volet montagne, il a jugé crucial de conforter l'agriculture de montagne, qui concerne des exploitations de douze à dix-huit hectares et estimé que le fonds agricole risquait encore d'avoir un impact négatif sur ces territoires.

Enfin, il a déploré l'absence d'étude d'impact du projet de loi, contraire à la tradition des lois d'orientation.

M. Jean-Paul Charié s'est associé aux propos de l'orateur précédent sur l'organisation des débats parlementaires et la communication des amendements à l'ensemble des commissaires.

Il s'est interrogé sur la philosophie du Gouvernement à propos des interprofessions, soulignant que la loi d'orientation n'aurait de valeur que si le monde agricole vivait du revenu de son travail, c'est-à-dire s'il vendait sa production au-dessus de ses coûts de revient. Observant qu'en France, lorsque les prix au départ de la propriété baissent, les prix à la consommation augmentent, il a estimé que la pression des grandes surfaces s'effectuait aux dépens des producteurs et que même la concurrence entre coopératives agricoles s'exerçait parfois au détriment des agriculteurs. Il a conclu son propos en disant que si la France ne parvenait pas à résoudre le problème pour les produits alimentaires, elle ne le ferait pas d'avantage pour les produits non alimentaires comme le carburant.

M. Philippe-Armand Martin a fait état des vives craintes que suscite le fonds agricole, notamment pour des filières comme l'horticulture, la production maraîchère et la viticulture, dont une grosse partie est actuellement en crise. Il a affirmé que, dans les régions viticoles en difficulté, ce n'était pas en renchérissant le coût fiscal que les exploitations pourraient être transmises. Les dispositifs fiscaux destinés à faciliter la transmission des entreprises individuelles supposent une transmission intégrale, ce à quoi ne répond pas du tout le fonds agricole. Il a jugé que la création du fonds aboutirait à déséquilibrer les partages familiaux d'où un risque de disparition des entreprises. Il a donc insisté sur la nécessité de trouver un compromis pour éviter la catastrophe dans certaines filières.

Il a enfin souhaité qu'un équilibre soit trouvé entre interprofessions et groupements de producteurs, ces derniers ne devant pas empiéter sur les interprofessions, qui, généralement, fonctionnent bien en région.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard s'est déclarée choquée par ce projet de loi d'orientation agricole. Son exposé des motifs indique qu'il « doit aider l'agriculture française à répondre aux attentes nouvelles de la société » et évoque à plusieurs reprises les attentes environnementales auxquelles les agriculteurs doivent continuer à s'adapter, ainsi que la PAC et même le bien-être animal. Malheureusement, hormis le petit crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique et la diminution de la TVA pour les collectivités s'inscrivant dans la filière bois, le texte ne comporte aucune mesure allant dans le sens d'une meilleure protection de l'environnement, laquelle est pourtant mise à mal par l'agriculture française. Les quelques dispositions concernant les phytosanitaires ne vont pas suffisamment loin.

Pour Mayotte, par exemple, où la confrontation entre protection de l'environnement et développement agricole est très forte, le problème est renvoyé à une ordonnance, ce qui signifie que le Parlement ne pourra pas discuter de tous ces problèmes.

Pour conclure, elle a demandé si le ministère de l'écologie et du développement durable avait été associé à l'élaboration de ce projet de loi.

M. Philippe Martin a approuvé les propos du rapporteur concernant les OGM. Rappelant qu'une Mission d'information s'était penchée pendant plusieurs mois sur les conditions d'encadrement de la recherche sur les OGM et avait émis une soixantaine de propositions - notamment la pause des essais en 2005 et la création d'un régime d'indemnisation -, fondées sur le triple principe de la précaution, de la parcimonie et de la transparence, il a noté qu'au cours de l'été, la culture de plus d'un millier d'hectares de culture OGM avait été rendue publique, obéissant au triple principe du risque, de la prolifération et de l'opacité.

C'est pourquoi il s'est demandé quel sort serait réservé aux travaux de la Mission d'information, quelle était la réalité de ces mille hectares et des conditions dans lesquelles ils avaient pu être plantés et surtout quel serait le calendrier de transposition de la directive 2001-18 du 12 mars 2001. Il a déclaré en conclusion que le Gouvernement proposait une loi d'orientation à une agriculture désorientée.

M. Jean-Marie Binetruy a expliqué que la première version du texte avait été utile car elle avait permis aux parlementaires d'enregistrer les réactions du terrain. Soulignant que l'agriculture française était très diverse et que les problèmes ne se posaient pas partout de la même manière, il a indiqué que, dans le Doubs, les agriculteurs étaient globalement favorables au fonds agricole mais s'interrogeaient sur le bail cessible. Certains fermiers ayant jusqu'à quarante-huit bailleurs, le bail cessible risque de leur poser problème car ils devront contracter une multitude de contrats. Par ailleurs, en zone périurbaine ou à proximité des villages, les bailleurs seront-ils prêts à s'engager sur une longue période ?

Rappelant que le Doubs connaissait 1,2 départ pour une installation, et tout en reconnaissant que des assouplissements s'imposaient en matière de contrôle des structures, il s'est fait l'écho de l'inquiétude suscitée par la disposition permettant la mise en valeur des biens familiaux sans autorisation d'exploiter, d'aucuns craignant une déstructuration des exploitations et demandant une limitation de l'exemption.

Il a estimé que la cession de la production prévue à l'article 14 posait problème. Il faut notamment apporter des précisions sur le fonctionnement des interprofessions. L'unanimité des professions représentées est évidemment requise mais, à l'intérieur de chacune d'entre elles, cette même unanimité est-elle bien utile ? Pourquoi ne pas profiter de la loi pour préciser ce point technique ?

Enfin, M. Binetruy a signalé qu'il avait déposé un amendement tendant à revenir sur l'interdiction aberrante de cumuler AOC et dénomination montagne.

M. Jean-Claude Lemoine a demandé comment le fonds national de garantie des calamités agricoles s'articulera avec les assurances récoltes. La dotation de l'État sera-t-elle pérennisée et à quel taux ?

La diminution du foncier non bâti sera évidemment compensée au centime près, mais l'autonomie financière des collectivités ne se trouvera-t-elle pas amputée ? En principe, aucune collectivité publique ne peut exercer de tutelle sur une autre.

M. Germinal Peiro a évoqué trois questions :

- dans le contexte mondial de la libéralisation des échanges et de la réforme de la PAC, qui fait peu à peu disparaître les outils de régulation, comment le Gouvernement français entend-il intervenir, à l'OMC et dans l'Union européenne, pour contrecarrer les disparités de coût de production ? Les produits français n'arriveront jamais à concurrencer ni les bovins argentins, ni les moutons néo-zélandais, ni le blé ukrainien, ni nombre de productions légumières et fruitières ;

- la loi d'orientation vise à renforcer la compétitivité des exploitations agricoles, ce qui peut se comprendre, mais il ne faut pas oublier les petites et moyennes exploitations, encore majoritaires, qui participent à la fois à l'aménagement du territoire et à la présence sociale. En Dordogne, une exploitation meurt chaque jour. Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il en faveur des petites et moyennes exploitations ?

- le texte ne contient pas non plus d'avancées sociales ni de mesures en faveur des retraites agricoles. La loi sur la retraite complémentaire obligatoire, adoptée à l'unanimité n'était qu'une étape mais, depuis trois ans, rien de plus n'a été fait dans ce domaine. Que prévoit la loi pour améliorer la situation des retraités agricoles ?

M. Jean Auclair est revenu sur l'article 14 et le transfert de propriété, notamment pour les productions animales, pour souligner que les aides ne devraient pas être attribuées aux organisations de producteurs mais aux producteurs eux-mêmes car l'expérience montre que les structures ne redistribuent pratiquement rien, ce qui suscite des distorsions de concurrence considérables entre les agriculteurs appartenant à une coopérative et les indépendants. Les premiers représentent environ 40 % de la population agricole ; les 60 % restants ne veulent pas entendre parler de transfert de propriété : ils veulent demeurer indépendants. Il est donc crucial de supprimer cette notion de transfert de propriété. Une association de producteurs n'a pas vocation à commercialiser mais à regrouper des éleveurs.

Les SARL et les SA composées d'indépendants vont donc modifier leurs statuts pour être reconnues, mais ce n'est pas ce qu'elles demandent. Les indépendants ne désirent pas être assistés par l'État comme les coopératives. D'un côté, les coopératives sont des consommatrices d'argent public, de l'autre, les indépendants sont créateurs de richesses ; il faut tenir compte de l'avis de ces derniers. L'article 14 est tout sauf libéral.

Le Gouvernement est-il prêt à faire sortir les productions animales du champ d'application de l'article 14 ? Il faut aussi penser aux problèmes de commercialisation des animaux maigres.

M. Philippe Feneuil a évoqué les accords bilatéraux entre l'Union européenne et les États-Unis et le fait que ces derniers demandent la reconnaissance de leurs pratiques œnologiques et s'est inquiété de l'éventualité que l'Europe cède sans pour autant obtenir la reconnaissance et la protection des appellations d'origine et des signes de qualité demandée par la France.

Estimant excessives les critiques de l'opposition à l'égard d'un texte qui constitue la première tentative de reconnaissance des entreprises agricoles, il s'est cependant demandé si la portée des articles 1er et 2 avait été suffisamment mesurée et s'ils ne risquaient pas de perturber certaines filières.

M. Jacques Bobe a insisté sur l'attention que prêtent les collectivités territoriales à la taxe sur le foncier non bâti.

S'agissant de l'article 23, relatif aux signes de qualité et aux appellations d'origine contrôlée, il a souhaité que le groupe de réflexion annoncé par le Gouvernement soit rapidement constitué et observé que les dispositions à venir devraient se concilier avec la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux.

M. Jean Dionis du Séjour s'est étonné de l'absence d'un « article zéro » sur les orientations de la politique agricole française, comme celui que contenait la loi fixant les orientations de la politique énergétique.

Se faisant l'écho des agriculteurs de Lot-et-Garonne qui sont plutôt favorables à la création du fonds agricole et à sa cessibilité, il s'est opposé en revanche à ce que la question du fermage, éminemment politique, objet de l'article 3, soit traitée par ordonnance : soit les aménagements sont d'ordre rédactionnel, auquel cas il faut attendre un vecteur législatif adapté, soit la réforme est profonde et le Parlement doit en être saisi.

Il a indiqué qu'il semblait y avoir une incohérence entre le discours volontariste de l'article 11 sur les biocarburants et la baisse des exonérations sur les diesters et le bioéthanol envisagée par le projet de loi de finances.

Rappelant que la directive européenne n° 2003-30 citait les huiles végétales pures - dont Agen est la capitale européenne - parmi les biocarburants, il a invité les services du ministère de l'agriculture à cesser de « persécuter » les huiles végétales pures, qui sont des biocarburants comme les autres.

M. Serge Grouard a jugé que ce texte pourrait être fondateur s'il s'organisait autour d'un axe central : le développement durable. Une loi d'orientation ayant vocation à préparer l'avenir, cet aspect devrait être davantage approfondi, avec trois déclinaisons au moins : la qualité des produits, les incitations à produire en respectant davantage l'environnement et l'ouverture de l'agriculture vers des débouchés non alimentaires.

M. Martial Saddier a salué la création d'un crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique indiquant que la majorité serait amenée à déposer quelques amendements peu coûteux pour aller plus loin.

Les élus de la montagne attendent également la bienveillance du Gouvernement pour compenser le handicap naturel de l'agriculture de montagne et promouvoir sa production de qualité, d'autant que, lorsqu'elles sont situées en zone touristique, les propriétés agricoles échappent complètement au secteur agricole et se vendent à des fins touristiques. Il a évoqué les interrogations des agriculteurs de montagne sur le fonds agricole.

Il a enfin attiré l'attention sur les conséquences des dispositions relatives aux activités équestres à vocation ludique prévues par la loi n° 2005-157 qui entraînent une inflation de projets consommateurs d'espace qui échappent à l'agriculture.

M. Michel Raison est revenu sur la question du fonds agricole. Comme tout changement fondamental, cet outil fait peur. Avec le fonds, l'agriculture sortira d'une vision purement patrimoniale pour s'orienter progressivement vers une prise en compte de la valeur économique de l'entreprise. La peur incite à penser que la valeur économique s'ajoutera à la valeur patrimoniale, ce qui est inexact car la valeur patrimoniale est aujourd'hui faussée : un bâtiment agricole valant 20 000 euros est commercialisé 150 000 euros parce que la ferme, avec son quota, contient 197 500 litres de lait. Il faut faire confiance au marché pour atteindre l'équilibre.

Le ministre a apporté aux différents intervenants les éléments de réponse suivants :

- les députés auront connaissance de tous les amendements au cours de la soirée ;

- la création du fonds agricole répond à un besoin ;

- le Gouvernement est preneur de mesures en faveur de la montagne ;

- face aux cinq grandes centrales d'achat, les agriculteurs sont isolés, sauf lorsqu'ils se regroupent. Il faut donc renforcer le rôle économique des interprofessions. Quand un produit, notamment un fruit, rencontre des difficultés, les interprofessions et les organismes étatiques d'intervention peuvent immédiatement déclencher des campagnes de communication à la radio : en quelques jours, la consommation repart et les prix remontent. L'interprofession est un outil à la disposition de l'amont et de l'aval pour faire exister économiquement les producteurs face à la grande distribution ;

- le ministère de l'agriculture a travaillé avec celui de l'écologie et le texte contient des éléments sur l'environnement. Par ailleurs, le projet de loi sur l'eau, texte fondamental en matière environnementale, aura des conséquences notables sur le monde agricole. La simple mesure sur l'agriculture biologique coûte déjà 18 millions d'euros mais le Gouvernement est disposé à accepter des dispositions complémentaires, dans les limites des équilibres financiers garantis par l'article 40 de la Constitution ;

- les 1 000 hectares d'OGM cultivés en France relèvent de l'autorisation accordée par l'Union européenne en 1991 et 1992 ; ils ne sont pas soumis à déclaration obligatoire auprès des pouvoirs publics. Sur le total, 500 hectares ont cependant été déclarés spontanément. La situation est anormale et, même si des règles de biovigilance et de séparation s'appliquent, il est souhaitable que les pouvoirs publics disposent d'une vision complète sur les OGM expérimentaux comme sur les OGM commerciaux. La loi s'inspirant de la directive européenne et des conclusions de la Mission d'information viendra en discussion le plus rapidement possible pour sortir de cette situation de non-droit et d'absence de transparence, comme l'attendent les citoyens et les élus locaux ;

- le bail cessible, de longue durée, a vocation à être transmis. Il est par conséquent normal qu'il soit enregistré. Cela aura un coût, mais c'est le prix de la sécurité juridique pour les deux signataires. Il faudra réfléchir avec la profession notariale sur la possibilité d'appliquer des tarifs d'enregistrement adaptés en cas de baux multiples ;

- en zone périurbaine, l'espace rural est rogné par les constructions pavillonnaires, notamment à vocation sociale, que les maires privilégient par rapport aux barres et aux tours. Le Conseil économique et social a émis des propositions à ce sujet et le Gouvernement est ouvert à la discussion ;

- le Gouvernement souhaite que l'assurance récolte monte progressivement en charge mais, tant que le seuil de couverture du marché ne sera pas atteint, il faudra conserver le fonds national de garantie des calamités agricoles. Le Gouvernement s'emploiera en particulier à augmenter le taux de couverture des « plurisinistrés » ;

- la mesure sur le foncier non bâti annoncée par le Président de la République est importante car elle représente 140 millions d'euros de charges en moins pour les exploitants, à condition que, en cas de fermage, les propriétaires répercutent cette baisse. Cela pose néanmoins problème du point de vue de la capacité des collectivités territoriales à décider de leurs impôts et de leur autonomie. L'idée est donc de compenser la baisse à l'euro près ; mais la mesure sera inscrite au projet de loi de finances et le débat sera donc ouvert en commission des finances ;

- la première réponse à la mondialisation est européenne : dans les négociations de l'OMC, avec 450 millions de consommateurs, l'Europe pèse, tandis que, avec ses 62 millions d'habitants, la France, seule, serait morte. La deuxième réponse est celle de la qualité et de la traçabilité, ce qui justifie la prise en compte des préoccupations environnementales ;

- l'ensemble des mesures du projet de loi concerne les exploitations de toutes tailles, petites, moyennes et grandes ;

- l'effort sur les retraites agricoles mérite d'être accru. Beaucoup de mesures ont été prises en la matière depuis 2002 mais un effort devra certainement être accompli par le biais du PLFSS ;

- le transfert de propriété proposé par le Gouvernement est facultatif. La rédaction de décrets par filière permettra de traiter le cas spécifique de la filière animale et il pourra être demandé que celle-ci n'entre pas dans le dispositif ;

- un accord a été signé mi-septembre sur les relations viticoles entre les États-Unis et l'Union européenne. Il aura la vertu de faire cesser les contentieux anciens, mais encore faut-il que les Américains l'appliquent et abandonnent les appellations frauduleuses. La France leur demandera aussi de modifier la loi d'Amato. L'accord n'a donc pas été signé pour solde de tout compte ;

- l'« article zéro » du projet de loi d'orientation, c'est son exposé de motifs, qui est d'une grande portée, et auquel le Conseil constitutionnel et les tribunaux pourront du reste se référer ;

- le Gouvernement ne projette pas de remettre en cause le fermage mais de procéder à des aménagements techniques, ce qui motive son choix de légiférer par ordonnances ;

- à propos de la taxe générale sur les activités polluantes, il n'est pas question que le Ministre de l'économie et des finances reprenne aux agriculteurs ce qui leur est accordé d'un autre côté ;

- le ministère de l'agriculture est sensible aux préoccupations relatives au développement durable et prêt à travailler sur les questions de l'agriculture biologique et de l'agriculture de montagne. MM. Martial Saddier et Yves Simon ont accepté de mener une mission de quelques mois pour aider le Président de la République et le Gouvernement à élaborer le mémorandum français sur la réforme de la PAC avant la fin de l'année.

Pour conclure, le ministre a approuvé la mise au point formulée par M. Michel Raison sur le fonds agricole.


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