COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 4

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 12 octobre 2005
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Patrick Ollier, Président

SOMMAIRE

 

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Audition de M. Thierry DESMAREST, Président du groupe TOTAL

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La Commission a entendu M. Thierry Desmarest, Président du groupe Total.

Le Président Patrick Ollier a remercié M. Thierry Desmarest, Président du groupe Total, d'avoir accepté de répondre à l'invitation de la commission, à un moment où les problèmes pétroliers sont particulièrement d'actualité. Hier, le baril de pétrole WTI s'échangeait à New York à 61,60 dollars, à un niveau supérieur de 50 % à celui du prix moyen de 2004, qui était de 41,40 dollars. L'évolution du marché est donc inquiétante. Cela dit, il faut se rappeler que le deuxième choc pétrolier, de 1980 à 1982, avait conduit le baril à se situer, compte tenu de l'évolution des prix, au-delà de l'équivalent de 80 dollars d'aujourd'hui.

Le premier problème qui se pose est celui de la capacité de l'offre à suivre l'évolution de la demande. Au rythme actuel, une production supplémentaire équivalente à celle de l'Arabie saoudite serait nécessaire tous les cinq ans pour satisfaire le supplément de demande. Il existe, en outre, un débat sur le moment auquel le pic de production mondial serait atteint.

Le deuxième sujet de préoccupation est évidemment l'augmentation du prix du carburant à la pompe découlant de cette évolution des cours du brut.

Enfin, le dernier point sur lequel la Commission attend des éclaircissements de la part du président Thierry Desmarest est le développement des carburants alternatifs, l'hydrogène, les motorisations électriques ou hybrides et les biocarburants. Il est, en effet, difficile de comprendre pourquoi ce qui se fait en la matière dans d'autres pays ne pourrait pas se faire aussi en France.

M. Thierry Desmarest, Président du groupe Total, a souligné combien il était heureux de s'exprimer devant la commission à un moment où les problèmes énergétiques et environnementaux sont particulièrement d'actualité. Le Brent était hier à 58 dollars le baril. Cela paraît élevé par rapport aux niveaux atteints par le passé, mais il faut souligner que l'année 1980 a connu un pic de 100 dollars aux prix d'aujourd'hui. D'autre part, en 1980, la facture d'importation d'hydrocarbures représentait dans les pays industrialisés plus de 5 % de leur PIB. Elle est aujourd'hui de l'ordre de 2,5 % de leur PIB.

L'évolution des prix du pétrole, a-t-il poursuivi, dépend beaucoup de l'OPEP. Celle-ci a longtemps milité pour un prix tournant autour de 25 dollars le baril. Elle s'aperçoit que les principaux pays consommateurs supportent sans trop de problèmes macroéconomiques un prix compris entre 40 et 50 dollars. Si les niveaux actuels sont plus élevés, c'est essentiellement parce que la capacité de production disponible de l'OPEP est très basse depuis 2004, de l'ordre de 2 millions de barils par jour. Autrement dit, la capacité de production est utilisée à 98 %. Chaque fois qu'un pays producteur connaît des difficultés, les marchés deviennent nerveux, ce qui provoque une augmentation du prix.

La question qui se pose aujourd'hui, a souligné M. Thierry Desmarest, est de savoir si la hausse des prix aura des effets sur la demande. Dans les grands pays européens la demande d'essence et de gazole est en baisse cette année, pour la première fois. Au niveau mondial, la croissance de la demande est relativement modérée, et l'Arabie saoudite est le seul pays où la capacité de production disponible est relativement importante.

L'Agence internationale de l'énergie prévoit une croissance de la demande mondiale d'énergie de l'ordre de 2 % par an d'ici à 2020, pour une hypothèse de croissance de 3,7 % par an entre 2002 et 2010, ce qui suppose un décrochage assez important entre la croissance économique et l'augmentation de la demande. Ce scénario est peut-être optimiste.

Les experts diffèrent quant à la date prévisible du pic de production, c'est-à-dire du moment où la production mondiale de pétrole atteindra son point culminant, mais il est certain que cette date est d'autant plus proche que la croissance de la demande est forte. Total souhaite, pour sa part, une évolution assez lente de la demande de pétrole, de l'ordre de 1 à 1,5 % par an, ce qui permettrait probablement de repousser le pic à environ 2025 et de laisser davantage de temps pour engager les évolutions nécessaires.

S'agissant des autres sources d'énergie, M. Thierry Desmarest a précisé que les réserves de gaz correspondent à environ 60 ans de consommation. En ce qui concerne le charbon, il n'y a pas de problème de ressources. Se pose, par contre, un problème environnemental, puisque le charbon est la source d'énergie qui produit les pires effets en termes d'émission de gaz à effet de serre.

Ce n'est pas l'Europe mais l'Asie, a-t-il ajouté, qui connaîtra dans les années qui viennent la plus forte demande énergétique. L'évolution de la demande en produits pétroliers est différente selon les régions. L'Europe a le plus bas taux de croissance, avec 0,2 %, alors qu'on prévoit en Chine une augmentation de la demande de 5 % par an.

En ce qui concerne le raffinage, le taux d'utilisation des raffineries est à son niveau le plus élevé depuis 1980. Partout dans le monde, sauf dans l'ex-URSS, ce taux se situe à 91 %, soit le maximum technique compte tenu des arrêts nécessaires pour la maintenance.

La situation est donc assez tendue. Le déficit de capacité nord-américain s'accroît sous la pression d'une demande soutenue. L'ex-URSS a un excédent de 5 millions de barils/jour par rapport à sa demande. Les États-Unis ne sont pas le seul pays où il faudrait construire des raffineries. L'Asie aura besoin de nouvelles raffineries pour faire face à la croissance. Au Moyen-Orient, les capacités devraient s'accroître dans le cadre d'une politique d'intégration économique.

En Europe, l'offre et la demande sont globalement en équilibre. Toutefois, les déséquilibres entre la demande et la production en essence et diesel s'accroissent. Plutôt que de construire de nouvelles raffineries, l'Europe devra, à l'intérieur des raffineries existantes, construire des unités de conversion, en particulier des unités d'hydrocraquage, afin de satisfaire la demande croissante de gazole et produire moins d'essence et de fuel lourd.

En ce qui concerne les essences, l'Europe est déjà excédentaire d'une vingtaine de millions de tonne, l'excédent pouvant atteindre 40 millions de tonnes en 2010. Elle est déficitaire en gazole et kérosène, de l'ordre de 30 millions de tonnes, le déficit pouvant atteindre 50 millions de tonnes en 2010. Il serait donc préférable, a estimé M. Thierry Desmarest, de produire des biodiesels que des additifs d'origine végétale aux essences.

L'Europe envoyant l'essentiel de ses excédents d'essence en Amérique du Nord, le fait que celle-ci soit déficitaire simplifie les choses. Quant aux déficits européens en gazole, ils sont couverts intégralement par des importations en provenance de l'ex-URSS.

S'agissant de ses raffineries en France, Total a réalisé en 2003 et 2004 le triple de ses investissements durant la période 2000-2002. Ses investissements sur la période 2005-2010 en représenteront le quintuple. Ces investissements sont avant tout destinés à accroître la production de diesel en Europe et à réduire l'autoconsommation des raffineries. L'hydrocraqueur de la raffinerie de Normandie entrera en service en 2006. Il amène à lui seul une production de diesel supplémentaire de 1,3 million de tonnes par an. L'unité de conversion profonde entrera en service vers 2010. Les unités d'hydrodésulfuration permettent de traiter des bruts à haute teneur en soufre.

Total s'engage, a insisté M. Thierry Desmarest, à diversifier son approvisionnement en énergie. En ce qui concerne les biocarburants, trois sites produisent d'ores et déjà de l'ETBE. Total achète 100 000 tonnes d'éthanol, et prévoit de doubler ce chiffre dans les prochaines années. Il achète 200 000 tonnes d'EMHV et s'engage à tripler ce chiffre. Il est prêt à participer au développement industriel de la filière. Total s'engagera également dans la nouvelle génération de biocarburants, notamment ceux issus de l'hydrogénation des huiles végétales ou animales.

S'agissant des énergies renouvelables, M. Thierry Desmarest a indiqué que Total est présent dans l'énergie solaire, avec Photovoltech, en association avec le groupe Suez, ainsi que dans le montage de systèmes, en association avec EDF. L'entreprise participe également à la filière de silicium cristallin et des couches minces. Dans l'éolien, Total a soumis deux projets au Gouvernement, de 100 mégawatts chacun. L'investissement envisagé est de 200 millions d'euros pour l'unité offshore de Dunkerque et de 100 millions d'euros dans l'Aveyron. Total commence en outre à nouer des partenariats de recherche sur l'énergie de la houle.

Dans le domaine des « énergies du futur » et de l'environnement, Total s'engage dans la recherche, notamment pour les nouveaux procédés de liquéfaction des gaz (« gas to liquids ») ainsi que sur des procédés de conversion de la biomasse en bio-hydrocarbures de synthèse. La décision a été prise de lancer une unité pilote de captation et de stockage de CO2 à Lacq, ce projet représentant environ 50 millions d'euros. Environ 100 millions d'euros seront investis dans les prochaines années dans les nouvelles motorisations et les économies d'énergie.

Dans l'ensemble, a conclu M. Thierry Desmarest, Total est, grâce à une forte croissance interne et à la fusion avec Fina et Elf, le quatrième groupe pétrolier international. Il fait partie des vingt premières capitalisations boursières mondiales, et est de loin la première capitalisation française. Total a 110 000 collaborateurs dans 130 pays, dont 44 % en France. Sa production de pétrole et de gaz dans le monde représente 6 millions de barils équivalent pétrole par jour, ce qui correspond à peu près à la consommation française. Le taux de croissance sur la période 1999-2006 a été de 4,6 %. Total est le premier raffineur en Europe, avec environ 15 % du raffinage européen, et le deuxième en Afrique.

Les investissements se sont élevés en 2004 à 8,7 milliards d'euros, et augmenteront fortement en 2005, pour se situer au-delà de 10 milliards. En trois ans, le groupe aura augmenté ses investissements de 40 %.

Le résultat net de 2004 était de 9 milliards d'euros, et augmentera en 2005. L'année dernière, la répartition du résultat opérationnel était de 75 % dans les activités amont - exploration, production, gaz -, 19 % dans l'aval - raffinage, marketing, trading - et 6 % dans la chimie. Dans les dernières années, 5 % du résultat était réalisé en France. En 2005, cette part sera sans doute en augmentation.

Le Président Patrick Ollier a remercié le président Thierry Desmarest pour avoir dressé un tableau très complet de la situation du marché pétrolier et de l'activité de Total, répondant ainsi par avance à un certain nombre de questions.

M. Christian Bataille a remercié à son tour le président Thierry Desmarest, tout en souhaitant aborder d'autres questions que celles qu'il a évoquées. Selon lui, en France, le problème du pétrole est essentiellement un problème de transport. Le protocole de Kyoto n'est pas appliqué partout, et notamment pas aux États-Unis, ce qui pèse sur le mode de consommation.

S'agissant du prix à la pompe, l'accord de modération correspond, a-t-il estimé, à un effort qu'on ne saurait négliger car toutes les évolutions positives sont bienvenues mais Total ne distribue qu'environ 30 % des carburants français, ce qui signifie que l'effort en direction des consommateurs est somme toute modeste.

Par ailleurs, on annonce une augmentation inquiétante du prix du gaz, de l'ordre de 7 % pour le consommateur. Au niveau mondial, l'augmentation frappe en particulier les Américains, qui ont construit beaucoup de centrales électriques au gaz. Il serait intéressant de connaître le point de vue de M. Thierry Desmarest sur l'évolution du prix du gaz.

L'orateur a également interrogé le président-directeur général de Total sur les recherches relatives à la capture du CO2 et sur l'éventuelle participation de l'entreprise aux recherches sur la liquéfaction du charbon. Il lui a en outre demandé si Total envisageait de participer à l'exploitation de certains gisements de schistes bitumineux, qui constituent une ressource au sujet de laquelle sont émis des jugements contradictoires.

En ce qui concerne l'hydrogène, les Américains, notamment Chevron, consentent un effort de recherche très important. Certains chercheurs américains prétendant qu'il est possible de produire de l'hydrogène à partir des éoliennes, l'orateur a entrepris M. Thierry Desmarest sur les perspectives de développement en la matière.

Il lui a enfin demandé si l'on pouvait, selon lui, espérer un changement du modèle de consommation américain dans les prochaines décennies, estimant, pour sa part, que les Américains éprouvent beaucoup de difficultés à sortir de la « culture » du pétrole.

M. Jean Dionis du Séjour a remercié le président Thierry Desmarest pour sa présentation, tout en regrettant que celle-ci n'ait comporté aucun chiffre sur les réserves mondiales de gaz et de pétrole, dont on estime souvent qu'elles seront épuisées d'ici trente ou quarante ans. D'autre part, il lui a demandé s'il pouvait faire le point sur l'état des réserves irakiennes ainsi que sur la réalité de la production actuelle de l'Irak.

Considérant que l'accord de modération des prix signé par Total correspond à un effort somme toute très marginal, il a posé la question, plus fondamentale à ses yeux, de savoir s'il est légitime ou non de demander à l'industrie pétrolière une plus grande participation à un certain nombre d'objectifs d'intérêt public comme le prévoit, par exemple, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 avec l'augmentation importante de la contribution spécifique de l'industrie pharmaceutique, qui passerait de 0,6 à 1,96 milliard d'euros.

Enfin, il a observé, s'agissant des huiles végétales pures, que le Gouvernement semblait privilégier les diesters et l'éthanol, et demandé quelle était la position de Total ?

M. Serge Poignant a remercié le président Thierry Desmarest pour sa présentation à la fois complète et synthétique. Abordant la question des réserves mondiales de pétrole, dont beaucoup annoncent l'épuisement d'ici quarante ans, il a souhaité savoir si cette estimation correspondait aux réserves actuellement accessibles ou bien incluait d'éventuelles réserves non encore accessibles. Il lui a également demandé jusqu'où pouvait aller, selon lui, la hausse du prix du baril et si la capacité de production disponible de l'OPEP pouvait s'élever de manière significative.

En matière de biocarburants, il s'est interrogé sur la pertinence de la répartition par filière des agréments. Il a enfin demandé au président-directeur général de Total, entreprise dont les activités de recherche couvrent toute la gamme des énergies alternatives possibles - ce qui est une bonne chose - quelle était son implication dans la recherche sur le véhicule propre.

M. Daniel Paul a dit combien il était impressionné de recevoir le président d'un groupe dont le résultat net est de 1,5 million d'euros par heure. Or Le Figaro affirme ce matin que « Total s'enlise dans sa grève en Normandie ». Renseignements pris auprès de la raffinerie de Gonfreville-l'Orcher, le conflit actuel coûte à Total entre 1 et 4 millions d'euros par jour. Son président ne pense-t-il pas que, compte tenu des résultats importants du groupe Total, il serait opportun de répondre aux demandes exprimées depuis plus de trois semaines par les salariés de Gonfreville ?

Se souvenant que, lors de la précédente législature, M. Thierry Desmarest avait expliqué aux parlementaires que le raffinage était déficitaire, il lui a demandé si, maintenant que ce n'est plus le cas et que Total va donc procéder à des augmentations de sa capacité de raffinage, il songeait à le faire en France même. Il a ajouté que l'unité de conversion profonde devrait être, selon lui, accueillie par la raffinerie de Normandie.

En ce qui concerne les réserves mondiales de pétrole, il a souhaité savoir si elles sont constituées par un pétrole de même nature que celui qui est extrait aujourd'hui, et si elles répondront aux normes environnementales qui s'imposent actuellement en Europe - et qui seront probablement adoptées par le reste du monde dans les années à venir.

Il a également demandé à M. Thierry Desmarest si la diversification du groupe touchera le nucléaire et s'il y a, sur le marché de l'électricité, des perspectives d'accord entre Total et tel ou tel électricien.

Il a enfin estimé que le monde est entré dans une phase de disparition, à plus ou moins long terme, des énergies fossiles, qui posera des problèmes plus difficiles dans certains secteurs que dans d'autres, et s'est interrogé sur une possible réorientation des missions du groupe Total vers la recherche de l'économie et de la maîtrise des énergies fossiles.

M. Yves Cochet a indiqué qu'il n'interrogerait pas M. Thierry Desmarest sur la Birmanie, le naufrage de l'Erika ou la catastrophe d'AZF, mais sur les perspectives à long terme.

Le président de Total ayant indiqué que, si la demande mondiale était modérée, le pic de production des liquides pétroliers pourrait se situer autour de 2025, il a objecté que, dans le cas contraire, ce pic pourrait en fait se produire avant 2010, surtout si les hypothèses de l'Agence internationale de l'énergie sont fausses, ce qui lui paraît probable.

Estimant que parler de quarante ans de réserves de pétrole - ou de soixante ans pour le gaz - n'a aucun sens, il a jugé que la question n'est pas de savoir quand sera brûlée la dernière goutte de pétrole mais quand se produira le pic, car le monde changera radicalement après cette date, passant d'une situation où le pétrole a été abondant et bon marché - comme cela a été le cas pendant cent cinquante ans - à une situation où il sera rare et donc cher. Les chiffres de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), selon lui, contribuent à dresser le tableau d'un monde merveilleux où la demande de pétrole, de gaz, d'énergie nucléaire pourrait croître à l'infini, indépendamment de la ressource disponible, du coût de production et du coût de distribution. Il a demandé à M. Thierry Desmarest, qui évoquait il y a quelques semaines la perspective de voir « bientôt » le cours du pétrole revenir à environ 40 dollars le baril à New York, s'il pouvait préciser cette échéance et sur quels éléments il fondait son pronostic.

L'orateur a enfin souligné que, si l'humanité a consommé à peu près la moitié des hydrocarbures liquides présents dans la nature, la seconde moitié ne sera pas du tout équivalente à la première du point de vue de la qualité, car il s'agira de produits beaucoup plus lourds, plus visqueux, à plus haute teneur en soufre, et dont l'extraction sera plus difficile. Il en a conclu à la faible probabilité, dans ces conditions, que le prix du baril puisse baisser, non plus que celui des produits finaux.

Mme Marcelle Ramonet a souligné que M. Thierry Desmarest avait déjà répondu, tant sur les biocarburants que sur le solaire, la biomasse et l'éolien, à la question qu'elle souhaitait poser sur l'implication de Total Energie dans les énergies renouvelables.

Elle a aussi évoqué la production d'énergie par la houle. Citant l'exemple de la société HydroHélix, dirigée par MM. Hervé Majastre et Jean-François Daviau, implantée dans sa circonscription, à Quimper, qui se propose de développer l'énergie cinétique des courants marins grâce à des hydrohéliennes, en raz de Sein ou d'Ouessant, elle a souhaité savoir quelle était la position de Total sur cette forme d'énergie.

M. Jacques Le Guen a interrogé le président de Total sur la fiscalité, sur l'impact de l'augmentation du prix du pétrole sur le bénéfice mondial du groupe et sur son bénéfice en France et, au passage, sur la part que représentent l'un et l'autre.

Il a ensuite souligné qu'un grand nombre de serristes de sa circonscription utilisaient le fioul lourd, dont le prix est passé de 179 euros la tonne au 31 mars 2004 à 260 euros au 30 avril 2005, puis à 288 euros au 31 août, pour atteindre 356 euros sur la prochaine facture, soit plus de 100 % d'augmentation, et jugé que des explications s'imposaient.

Mme Chantal Brunel a observé que les questions qu'elle souhaitait poser sur le nucléaire et sur l'Irak l'avaient déjà été, même si on pourrait aussi s'interroger sur l'Iran, et s'est par ailleurs demandé pourquoi Total ne communiquait pas davantage sur la faible part de ses bénéfices réalisée en France.

M. Claude Gatignol a observé que le marché du gaz, naguère régional, est devenu international, ce qui provoque des tensions et nécessite de grands investissements pour le transport, notamment sous sa forme liquéfiée. Il a par conséquent demandé si Total était intéressé par la création des équipements correspondants.

Etant l'auteur du rapport sur la pile à combustible, l'orateur a évoqué l'hydrogène, que beaucoup rêvent d'utiliser dans les véhicules particuliers, mais a souligné les énormes difficultés pratiques que cela poserait. Il a souhaité savoir si Total, qui a créé à Berlin une excellente station-service où il est possible de faire le plein de son réservoir en hydrogène, s'intéresse aux nouveaux véhicules hybrides, qui posent encore d'importants problèmes de stockage de l'énergie.

Il a enfin rappelé que la filière de production de carburants liquides à partir de la biomasse (« biomass to liquids ») présente l'intérêt de provenir à la fois des graisses végétales et animales, ce qui peut fournir un exutoire à nombre de produits agricoles qui s'amoncellent. Puis, il a demandé quelles sont les possibilités de conversion en gazole ainsi que leur coût.

Rappelant que le Gouvernement a fait de la lutte contre le chômage la priorité absolue de son action et que Total emploie 111 400 salariés, dont 44 % sur le territoire national, M. Jean-Pierre Grand a demandé quelle sera sa contribution à ce combat, et donc ses perspectives d'embauche, dans les prochains mois.

M. Gérard Voisin a souligné que le ministre de l'Intérieur avait demandé aux préfets de réunir les élus locaux pour parler des services publics et du service au public. Il a ensuite observé que Total est à la tête d'un réseau de stations service considérable, même si, comme de nombreuses sociétés pétrolières, il l'a beaucoup réduit ces dernières années et si les modes de distribution ont profondément changé, avec la part prise par la grande distribution. Il a enfin estimé que l'entreprise, avec les moyens dont elle dispose, pourrait conduire une autre politique, plus respectueuse des impératifs de l'aménagement du territoire et du service au public.

M. Jacques Bobe a souhaité que le président Thierry Desmarest, compte tenu de ses propos sur la diversification de l'approvisionnement en énergie et sur la nouvelle génération des biocarburants, indique si les nouvelles sources d'approvisionnement du groupe seraient recherchées plutôt du côté des huiles végétales ou animales.

M. François Dosé s'est demandé si, d'un strict point de vue financier, on avait intérêt à s'en tenir aux modalités de la croissance actuelle, qui feront qu'il n'y aura plus de pétrole dans quelques décennies et qu'il faudra bien trouver autre chose, ou bien s'il fallait faire en sorte qu'on écarte certaines utilisations du pétrole et qu'on travaille plutôt sur les technologies modernes pour faire en sorte que ce modèle dure deux fois plus longtemps.

M. Dominique Le Méner a demandé quelles garanties avaient été prises à la suite des naufrages qui ont pollué les côtes françaises, dans la mesure où, en dépit des incertitudes qui pèsent sur la ressource, il faudra continuer encore longtemps à transporter du pétrole par la mer. Par ailleurs, M. Thierry Desmarest ayant parlé du différentiel des capacités de raffinage en essence, gazole et kérosène, il lui a également demandé s'il s'agissait selon lui d'une spécificité française et s'il convenait de prévoir des incitations fiscales pour parvenir à un rééquilibrage.

M. Thierry Desmarest a tout d'abord répondu à M. Christian Bataille, qui avait dit que le pétrole servait surtout aux transports en France, que cela était vrai aussi pour les Etats-Unis. Dans la gestion des ressources énergétiques, il va falloir concentrer de plus en plus l'usage du pétrole sur les fonctions pour lesquelles il est le plus difficile à remplacer : transports, terrestres, aériens et maritimes et matière première de la pétrochimie, encore qu'il soit partiellement possible, pour cet usage, de lui substituer le gaz. Total, a-t-il précisé, en tient compte en faisant que les produits qui sortent des raffineries soient de plus en plus directement destinés aux transports.

Il a rappelé que le prix du gaz a beaucoup augmenté récemment aux États-Unis et en Asie, moins en Europe, et que ceux qui se chauffent au fioul souffrent actuellement davantage que ceux qui utilisent le gaz. Il en a tiré la conclusion que, dans les prochaines années, avec un prix du pétrole qui demeurera sensiblement plus élevé qu'au cours de la période précédente, les parts de marché du fioul domestique vont se réduire au profit du gaz et de l'électricité, même si certains contestent ce dernier choix.

Il a également souligné que la capture du CO2 était techniquement possible, que Total avait déjà participé à une réalisation en Norvège et que le problème était désormais d'en réduire le coût très élevé, puisque la capture représenterait un surcoût de 30 à 40 dollars par baril. L'enjeu technologique est de réduire le coût de la capture proprement dite, c'est-à-dire de la séparation du CO2 en surface, et celui de la séquestration, autrement dit de l'injection dans des couches géologiques suffisamment profondes pour être stables. L'installation pilote en construction à Lacq testera un certain nombre de techniques destinées à le concentrer plus rapidement. Dans une chaudière qui fonctionne à l'air, à la sortie il y a beaucoup d'azote et un peu de CO2, et il faut donc séparer des masses énormes de gaz chauds, ce qui est compliqué et coûteux. Total va tester, en partenariat avec Air liquide, un procédé d'oxycombustion qui consiste à faire entrer de l'oxygène plutôt que de l'air, afin d'obtenir un taux de CO2 plus important. Le travail devra aussi porter sur les techniques de compression pour envoyer le CO2 dans les couches profondes. On le voit, on en est au début d'un processus long mais très important, en particulier au regard des problèmes d'émission de gaz à effet de serre. C'est précisément, a expliqué l'orateur, parce que les émissions de gaz sont très importantes qu'il n'a pas parlé des procédés de liquéfaction du charbon.

Total est en revanche très actif, a-t-il poursuivi, dans le domaine des schistes bitumineux, que le groupe produit au Venezuela et pour lequel il a pris des positions importantes au Canada. On en arrive aujourd'hui à exploiter ces schistes de façon économique avec un prix de 30 à 35 dollars par baril. Il s'agit de pétrole lourd, difficile à traiter dans une raffinerie et Total est convaincu qu'il va falloir, comme cela se fait au Venezuela, en quelque sorte raffiner sur le lieu même de production afin de fabriquer un pétrole synthétique, léger, de bonne qualité. Les ressources sont très importantes, mais les mobiliser rapidement suppose d'énormes investissements concentrés sur des zones géographiques limitées aux bassins de l'Alberta au Canada et de l'Orénoque au Venezuela. La montée en régime ne devrait donc être que très progressive.

M. Thierry Desmarest a ensuite rappelé que l'hydrogène n'est pas une source d'énergie et qu'il faut donc commencer par le fabriquer avec une autre énergie, en général le gaz, ce qui ne fait guère progresser en termes de disponibilité des ressources. Un des schémas à long terme serait donc de se tourner vers des sources d'énergie non émettrices de gaz à effet de serre et on peut imaginer des techniques d'électrolyse à partir de centrales nucléaires. En revanche, l'usage de l'éolien n'est pas, selon lui, envisageable puisqu'il faut, pour une grosse unité de fabrication d'hydrogène, une source d'énergie qui fonctionne tout le temps.

S'agissant des modes de consommation des États-Unis, le président de Total a répondu que l'on ne sentait rien venir il y a encore deux mois, mais que les deux ouragans dans le Golfe du Mexique avaient ébranlé les esprits et que, pour la première fois, le président George Bush qui ne parlait jusqu'ici que de l'augmentation de l'offre et jamais de la demande, avait commencé à demander à ses concitoyens de faire davantage attention à leur consommation, sans qu'il soit aisé de discerner s'il s'agit de propos de circonstances ou de la marque d'une inflexion plus profonde des autorités américaines. Cela étant, il y a plusieurs années qu'un certain nombre d'États, notamment du nord-est et de la côte pacifique, ont commencé à se préoccuper d'économies d'énergie et d'émission de gaz à effet de serre. Force est toutefois de constater que tel n'est pas encore le cas dans le Middle West traditionnel mais, qui sait, peut-être les esprits évolueront-ils aussi là-bas, voire à Washington...

A ceux qui, tels MM. Jean Dionis du Séjour et Serge Poignant, ont parlé des réserves mondiales de pétrole et de gaz, le président de Total a répondu que s'en tenir au chiffre de quarante ans de réserves serait sans doute un peu simplificateur. Il y a trente ans, on estimait les réserves à trente années ; depuis la consommation a augmenté et on les estime aujourd'hui à quarante ans... Il faut essayer, a-t-il déclaré, de trouver un équilibre entre une vision optimiste de ce que le progrès technique peut apporter et la tendance malthusienne du Club de Rome, qui appelait, il y a trente ans, à la croissance zéro par crainte de la pénurie. Ces exhortations n'ont pas été suivies, fort heureusement car les populations ont ainsi bénéficié d'un certain nombre de progrès depuis lors. Toujours est-il qu'on en est aujourd'hui à une estimation de soixante-cinq ans pour le gaz et de quarante ans pour le pétrole, en sachant que les schistes bitumineux permettront sans doute de relever ces prévisions.

L'Irak, a-t-il rappelé a d'importantes ressources conventionnelles, les deuxièmes derrière celle de l'Arabie Saoudite, et Total a travaillé à un certain nombre de projets dans ce pays dans les années 1990 mais a dû y mettre un terme compte tenu du régime de sanctions des Nations Unies. Aujourd'hui la production irakienne est de 2 millions de barils par jour contre 3 millions avant la guerre. Si un terme était mis à l'insécurité, la production pourrait atteindre cinq à six millions de barils dans cinq à six ans. Ces ressources seraient importantes, non seulement pour la population irakienne mais aussi pour reconstituer une réserve qui permettrait d'éviter que le marché ne réagisse trop nerveusement aux aléas touchant un des principaux pays producteurs. Mais le fait qu'on ne puisse aujourd'hui envoyer personne sur place n'incite guère à l'optimisme.

À propos des commentaires sur le niveau de profit de l'industrie pétrolière et de Total en particulier, M. Thierry Desmarest a souligné que le groupe réalise 95 % de ses profits hors du territoire national et que, s'ils atteignent 12 milliards d'euros, le groupe paie la même somme en impôts, avec un taux d'imposition mondiale de 50 %.

Pour rester bien portant, a-t-il insisté, il faut être suffisamment gros, suffisamment efficace et bien valorisé. Si la fusion Total-Fina Elf n'avait pas été réalisée en 1998-99, au moins un des deux groupes serait passé sous contrôle étranger, car un groupe américain lorgnait alors sur Total. Il faut être cohérent dans ses choix, et le fait qu'un groupe français représente la douzième ou treizième plus forte capitalisation boursière mondiale n'est pas une source d'indignité ; beaucoup de pays en seraient même fiers.

À propos des huiles végétales, l'intention de Total est bien de les « laisser vivre », comme le demande M. Jean Dionis du Séjour. On s'attend, a estimé M. Thierry Desmarest, à ce que la demande en gazole en France passe de 31 à 37 millions de tonnes d'ici 2010 tandis que celle d'essence tomberait de 11,5 à 9 millions de tonnes. Il faudrait donc, au minimum, produire des biocarburants dans les mêmes proportions que ce qu'on envisage comme part de marché pour le gazole et pour l'essence, soit 80 % de biodiesel et 20 % d'éthanol. Pour la sécurité des approvisionnements, mieux vaudrait même aller plus loin pour le premier. Bien sûr, les choses sont un peu compliquées du fait que ce ne sont ni les mêmes agriculteurs ni les mêmes régions qui sont concernés par les différentes filières de biocarburants. Total, avec ses investissements dans le raffinage, va mettre à disposition 4 millions de tonnes de gazole de plus en 2010-2011, c'est-à-dire que, pour satisfaire l'augmentation de la demande, il faudra apporter 2 millions de tonnes de biodiesel de plus. Cela irait aussi dans le bon sens en permettant de ne pas augmenter la dépendance vis-à-vis des importations.

S'agissant des réserves, le président de Total a répondu à M. Serge Poignant, qui a évoqué la capacité de la production de l'OPEP, que celle-ci pourrait remonter sous l'effet d'une certaine modération de l'évolution de la demande, qui apparaît souhaitable, et de la mise en production plus rapide de nouveaux champs, mais que, pour accroître la capacité de production, il faut commencer par lutter contre le déclin des champs existants, qui est actuellement de 5 % par an. Pour accroître de 1 à 2 % la capacité mondiale de production, il faut par conséquent, chaque année, en brancher de nouvelles à hauteur de plus de 6 % ; c'est pourquoi les investissements sont énormes. Le retour de l'Irak dans le paysage serait donc fort utile, de même que l'accélération du développement des huiles extra lourdes du Venezuela et du Canada ; or le groupe a quelques difficultés avec le gouvernement vénézuélien actuel. Quant au Canada, il conviendrait que les pouvoirs publics y prennent davantage de mesures pour éviter les goulets d'étranglement en termes d'infrastructures et de main-d'œuvre, afin qu'il soit possible de mener en parallèle cinq à sept chantiers pour un investissement de 5 à 8  milliards pour chacun, pour parvenir à une véritable contribution à la production mondiale.

Total, a indiqué son président, développe des partenariats avec les deux grands producteurs automobiles français pour la recherche sur les véhicules propres, afin de gérer au mieux le coût carburant/moteur. Il faut étudier les façons d'améliorer les performances. Après une période au cours de laquelle les constructeurs et les motoristes ont mis l'accent sur les performances des moteurs diesel, il faut désormais qu'ils fassent porter leurs efforts sur les moteurs à essence, pour lesquels le potentiel d'amélioration de la consommation n'est pas négligeable. Certaines techniques développées pour le diesel peuvent être transposées, et Total participe à ces travaux.

S'agissant de la grève à Gonfreville-l'Orcher, qu'a évoquée M. Daniel Paul, M. Thierry Desmarest s'est dit assez déçu par le climat social dans cette raffinerie où le groupe a investi lourdement et où les personnels sont bien payés puisque la rémunération des non-cadres chez Total est supérieure de 70 % la moyenne nationale et de 25 % à celle des grandes entreprises. La grève n'est suivie que par 50 personnes sur 1600, mais elles utilisent au-delà du raisonnable leur pouvoir de nuire et de tout bloquer, car elles sont à l'expédition des produits. Le groupe essaie de trouver une solution.

Le raffinage, a rappelé le président de Total, a été longtemps déficitaire. Aujourd'hui, il n'est pas nécessaire d'augmenter la capacité, qui est de 100 millions de tonnes et qui, en produisant 85 millions de produits raffinés, répond à la demande française, dont on ne s'attend pas à ce qu'elle augmente mais plutôt qu'elle diminue. Le groupe concentre donc ses efforts sur les capacités de conversion-production, y compris avec un volet « conversion profonde ».

Il n'y a pas de véritable lien, a-t-il ensuite expliqué, entre le permafrost et la production de pétrole, si ce n'est qu'il est plus facile de forer dans un sol gelé. C'est aussi la raison pour laquelle, en dépit de la rigueur du climat, on travaille surtout en hiver dans les zones septentrionales très froides.

M. Thierry Desmarest a confié à la Commission avoir toujours considéré que le nucléaire et les hydrocarbures étaient plus complémentaires que concurrents. Et c'est bien parce que le nucléaire l'intéresse, a-t-il souligné, qu'il siège au conseil de surveillance d'Areva. Dans quelques cas, le nucléaire peut aider à produire des pétroles difficiles, notamment pour émettre, sans gaz à effet de serre, les grandes quantités de vapeur nécessaires à l'injection dans les schistes bitumineux. Cela étant, le groupe n'envisage pas pour l'instant d'aller plus loin que sa petite participation de 1 % dans Areva, ne serait-ce que parce que le gouvernement n'a pas arrêté sa position sur ce sujet, et il n'a pas prévu de nouer des partenariats avec un électricien.

A propos de la maîtrise publique de l'énergie, le président de Total a considéré que la comparaison entre les économies centralisées et les économies plus libérales devrait inciter certains à quelque modestie, au vu du gâchis énergétique constaté dans l'Union soviétique d'il y a une vingtaine d'années, même si, certes, tout n'est pas réglé aujourd'hui et si les marges d'amélioration restent considérables. Selon lui, les pouvoirs publics ont pour responsabilité de définir le grand cadre de la politique énergétique, dans lequel Total inscrit son action, mais, une fois les objectifs définis par le Gouvernement et le Parlement, ce sont les entreprises qui maîtrisent leurs moyens qui sont plus particulièrement efficaces.

M. Thierry Desmarest a dit situer vers 2025, si la croissance se réduit, et vers 2020 si la demande est aussi forte que le prévoit l'AIE, le pic de la production pétrolière et estime entre 105 à 110 millions de barils par jour la production à cet horizon plutôt qu'à 125 à 130 millions comme l'envisage l'AIE. Or, disposer de plus de temps est très important pour permettre de faire mûrir des solutions alternatives et pour parvenir à un cocktail énergétique diversifié. Mais il ne suffit pas pour cela de claquer dans ses doigts : il faut mobiliser tous les efforts possibles en faveur des économies d'énergie pour que la transition soit la moins brutale possible.

Il ne s'est nullement hasardé, a-t-il précisé, à pronostiquer que le prix du baril redescendrait à 40 dollars, mais a simplement dit, que, si les effets des prix sur la demande qu'on constate actuellement se confirmaient, il serait possible que le prix baisse, sans descendre toutefois au-dessous de 40 à 45 dollars, car il suffirait que l'Arabie Saoudite ajuste un peu sa production pour que l'OPEP parvienne au prix plancher qu'elle souhaiterait.

En réponse à Mme Marcelle Ramonet qui a parlé des énergies marines, il a précisé qu'elles sont de deux types, houle et courant marin, qui supposent des moyens un peu différents, et proposé de prendre contact avec l'entreprise qu'elle a citée pour voir ce qu'il sera possible de faire.

A M. Jacques Le Guen, il a répondu que l'impact de la variation du prix du baril sur le résultat mondial de l'entreprise était de l'ordre de 200 millions d'euros de résultat supplémentaire pour chaque dollar d'augmentation du prix. S'agissant d'augmentation du prix du fioul lourd, l'évolution en pourcentage du prix est d'autant plus importante que le niveau des taxes est faible. Cela pose en effet d'importants problèmes aux producteurs, même si ceux de tous les pays sont confrontés aux mêmes difficultés.

A la suggestion, faite par Mme Chantal Brunel, de communiquer davantage sur la faible part des bénéfices du groupe réalisée en France, il a répondu qu'il souhaiterait naturellement en faire davantage, mais qu'il est dans la nature même de ses activités que l'exploration et la production bénéficient des investissements les plus importants et dégagent les meilleurs résultats. La rentabilité des activités françaises s'améliore néanmoins, après une période très difficile pour la chimie, et c'est une bonne chose.

Il a ensuite répondu à M Claude Gatignol que le marché international du gaz se développe rapidement, et que Total est, depuis longtemps, l'un des principaux acteurs du gaz naturel liquéfié. Si la demande globale de gaz doit croître de 2,5 % par an, le gaz transporté sur de longues distances sous forme liquéfiée devrait pour sa part connaître une croissance de 10 % et Total espère gagner des parts de marché pour atteindre un rythme de croissance de 11 ou 12 %.

En matière de nouveaux carburants, Total est plutôt favorable, a-t-il souligné, aux moteurs hybrides, mais cela relève moins de ses métiers que de ceux des constructeurs automobiles et des équipementiers. Si plus de 80 % de ses efforts de recherche et développement sont faits en France, le groupe n'en a pas moins une certaine activité dans d'autres pays et c'est dans ce cadre que s'inscrit la station pilote de Berlin. Celle-ci n'est destinée qu'aux autobus, et permet de mieux appréhender les problèmes logistiques que poserait la mise à disposition de l'hydrogène pour les véhicules. L'ensemble des acteurs devrait travailler davantage sur toutes ces techniques, en particulier sur la mise en forme de la biomasse. Qu'il s'agisse d'huiles animales ou végétales, de produits cellulosiques ou de déchets de la forêt, les enjeux de la recherche-développement paraissent très importants.

A M. Jean-Pierre Grand qui l'avait interrogé sur la contribution de Total au développement de l'emploi, M. Thierry Desmarest a répondu que le groupe employait- en CDI - environ 50 000 salariés en France et en recrutait 3 000 chaque année, et que ce ratio lui paraissait satisfaisant.

Il a ensuite souhaité rassurer M. Gérard Voisin sur la taille du réseau de stations-service. À la suite de la fusion, le groupe vendait sous une dizaine de marques mais il est maintenant revenu à trois. Le réseau principal est celui de Total, avec 300 stations-service dans les zones à forte densité de population, qui visent la même clientèle que la grande distribution, avec des produits un peu plus chers mais une meilleure qualité de service et d'accueil. Un autre gros réseau, qui est en train de se regrouper sous la marque Elan, comportera plus de 2 500 stations, essentiellement dans le monde rural. Pour pouvoir maintenir un nombre suffisant de points de vente et pour aider ces stations à disposer d'une clientèle suffisante, elles pourront désormais accepter les cartes professionnelles.

Il a répondu à M. Jacques Bobe, qui avait insisté sur la diversification des énergies et s'était interrogé sur les sources de biocarburants, qu'il y avait beaucoup de travail à faire dans ce domaine, en partenariat avec l'INRA et avec des acteurs de la filière agricole.

En réponse à la question de M. Dominique Le Méner sur le déséquilibre entre le diesel et l'essence, il a répondu que ce déséquilibre tenait à la fois aux différences de traitement fiscal et aux mérites propres du diesel, puisqu'on a aussi observé un progrès, quoique moins rapide, de cette consommation dans les pays où l'avantage fiscal n'existe pas.

S'agissant enfin de la sécurité des transports maritimes, Total a eu tort, a reconnu son président, de faire confiance au certificateur de l'Erika. À l'époque, le groupe acceptait de travailler avec une dizaine de certificateurs. La liste a ensuite été réduite à trois sociétés, dont l'une a certifié le Prestige... C'est pourquoi il a été finalement décidé de n'affréter que des bateaux âgés de moins de 15 ans, la moyenne d'âge étant actuellement de huit ans.

Le Président Patrick Ollier a remercié M. Thierry Desmarets de s'être livré à l'exercice, qui n'était pas facile, de répondre à toutes les questions qui lui avaient été posées. Il a estimé qu'il serait sans doute utile que les commissaires rencontrent à nouveau le président de Total dans un avenir proche.

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