COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 15

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 15 novembre 2005
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Patrick Ollier, Président,

puis de M. Yves Coussain, Vice-Président

SOMMAIRE

 

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- Examen de la proposition de résolution de M. Daniel Garrigue (n° 2550) sur la modernisation du cadre réglementaire des produits chimiques dans l'Union européenne, dit système Reach (COM [2003] 644 final / E 2433) 

 

(M. Alain VENOT, rapporteur)

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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Alain Venot, la proposition de résolution de M. Daniel Garrigue (n° 2550) sur la modernisation du cadre réglementaire des produits chimiques dans l'Union européenne, dit système Reach (COM [2003] 644 final / E 2433).

Le Président Patrick Ollier a indiqué que la proposition de résolution de la délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale portait sur deux propositions d'actes communautaires constituant ce qu'il est convenu d'appeler le système REACH. Il a souligné l'importance de cette réforme visant à mieux encadrer les risques sur la santé et l'environnement, sujet dont le rapporteur, M. Alain Venot, est un spécialiste. Il a indiqué que le projet de système REACH avait été retiré de l'ordre du jour du prochain Conseil européen consacré à la compétitivité des 28 et 29 novembre prochains, mais que la position de l'Assemblée méritait néanmoins d'être exprimée au plus vite.

A titre liminaire, le rapporteur Alain Venot a rappelé les grandes lignes du projet de système dit « REACH », pour « Enregistrement, évaluation et autorisation des substances chimiques », en renvoyant au rapport très complet réalisé par la délégation pour de plus amples informations.

Il a indiqué que le système actuel de contrôle communautaire des substances chimiques distingue les substances dites nouvelles, c'est-à-dire mises sur le marché après 1981, pour lesquelles les modalités de contrôle sont très contraignantes, des substances dites existantes, c'est-à-dire mises sur le marché avant cette date, pour lesquelles le dispositif de contrôle ne permet pas une connaissance satisfaisante des risques, alors que ces substances existantes représentent 99 % des substances chimiques fabriquées ou importées en Europe.

Pour remédier à ce problème, il a indiqué que le projet de système REACH prévoyait un nouveau dispositif global de gestion des risques liés aux substances chimiques, reposant sur l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances, suivant l'importance des risques qu'elles représentent.

L'enregistrement est la procédure la plus large, a-t-il indiqué, dans la mesure où elle s'applique à toutes les substances chimiques produites ou importées en quantité de plus d'une tonne. Il a rappelé que cette procédure impliquait l'acquisition de connaissances sur ces substances, en réalisant un certain nombre d'essais et de tests.

Il a ensuite indiqué que la procédure d'évaluation, plus contraignante, devait s'appliquer aux substances dont les tests seront réalisés sur des animaux vertébrés ou aux substances ayant un risque potentiel sur la santé ou l'environnement. Enfin, la procédure d'autorisation, la plus contraignante, doit permettre le contrôle des substances les plus préoccupantes, c'est-à-dire les substances cancérigènes, mutagènes, toxiques, persistantes et bio-cumulatives. Il a indiqué que l'obtention de cette autorisation nécessitait un rapport de sécurité chimique et une analyse des risques liés à l'utilisation de ces substances. Il a enfin précisé que la nouvelle agence européenne des produits chimiques aurait pour mission d'assurer la coordination et l'efficacité du nouveau système.

Il a ensuite indiqué que l'élaboration du nouveau système avait fait naître de nombreux débats, le principal étant relatif à sa complexité et à son coût potentiel pour les entreprises chimiques.

S'agissant du champ des substances soumises au nouveau système d'enregistrement, il a indiqué que de nombreux Etats avaient demandé l'exclusion des minerais, des déchets et des produits recyclés du dispositif, dans la mesure où ils ne sont pas à proprement parler des substances chimiques, rappelant par ailleurs que la présente proposition de résolution en demandait également l'exclusion.

Il a ensuite indiqué que, le dispositif de pré-enregistrement, destiné à faciliter la mise en place du système, étant modulé en fonction des quantités produites, plusieurs parties ont demandé que ce dispositif soit unique et simple ; conformément à la position de la France, il a indiqué que la proposition de résolution demandait également cette simplification.

Il a ajouté que plusieurs demandes tendaient à limiter les informations à fournir pour les substances produites ou importées en faible quantité ; conformément à la position française, il a indiqué que la proposition de résolution demandait cette limitation pour les substances produites ou importées entre 1 et 10 tonnes, mais aussi qu'elle la suggérait pour des volumes compris entre 10 et 100 tonnes, alors que le gouvernement français n'y est pas favorable.

Il a également rappelé le débat sur le partage des données entre les entreprises, auquel le nouveau dispositif cherche à inciter pour limiter le nombre des évaluations menées, indiquant que seul le partage des données portant sur des tests sur des animaux vertébrés était obligatoire ; il a précisé que, conformément à la position française, la proposition de résolution refusait que ce partage devienne obligatoire pour les autres évaluations, dans la mesure où cela risquerait de porter atteinte aux intérêts des entreprises.

Il a ensuite indiqué que la proposition de résolution demandait, conformément à la position du gouvernement, un renforcement des pouvoirs de la nouvelle agence, afin d'assurer l'efficacité globale du système.

Il a enfin abordé le problème du contrôle des substances présentes dans les produits fabriqués en Europe ou dans le reste du monde, indiquant que le projet actuel était source de distorsion de concurrence puisqu'il prévoit un dispositif de contrôle plus contraignant pour les substances importées en Europe en vue d'être intégrées dans un produit fabriqué dans l'espace communautaire que pour les substances déjà intégrées dans un produit fabriqué à l'extérieur de l'Union européenne. Il a précisé que la proposition de résolution demandait la prise en compte des effets sur la concurrence internationale du dispositif de contrôle des substances présentes dans les produits.

En conclusion, il a estimé que la proposition de résolution était équilibrée, mais qu'il avait néanmoins quelques amendements de précision à soumettre à la Commission.

Mme Geneviève Gaillard, s'exprimant au nom du groupe socialiste, a indiqué qu'elle était favorable au système REACH dans son esprit tout en ayant un certain nombre de questions et de remarques à formuler.

Elle a, en premier lieu, interrogé le rapporteur sur le sens du terme « praticable » dans le point 2 de la proposition de résolution. Elle a ensuite rappelé que les industriels avaient exercé des pressions importantes pour assouplir ce dispositif, alors que son coût ne représenterait que 0,05 à 0,1 % de leur chiffre d'affaires. Elle a indiqué qu'il fallait aller dans le sens d'un enregistrement unique pour une substance, pour faciliter la mise en place du système, mais que celui-ci ne devait pas être assoupli outre mesure, notamment en excluant de l'obligation d'enregistrement les minerais et les déchets qui contiennent parfois des substances chimiques.

Elle a indiqué qu'elle était très défavorable aux expérimentations sur les animaux, rappelant qu'il existe une instance communautaire compétente dans ce domaine mais rarement consultée. Elle a observé que, lorsque cette expérimentation est nécessaire, elle n'est pas toujours suffisante pour évaluer les risques d'une substance, comme ce fut le cas récemment s'agissant de la thalidomide. Elle a estimé qu'il était nécessaire d'imposer la substitution d'une substance moins dangereuse à une substance très préoccupante lorsque cela est possible, conformément au principe de précaution inscrit dans la Charte de l'environnement.

En conclusion, elle a indiqué que si elle n'obtenait pas de réponses sur ces points, le groupe socialiste ne voterait pas cette proposition de résolution.

M. Alain Cousin, s'exprimant au nom du groupe UMP, a rappelé l'importance du secteur de l'industrie chimique française qui représente notre quatrième secteur industriel et est fort de 240 000 emplois. Il a indiqué qu'il était, pour la France, le deuxième secteur industriel en termes de chiffre d'affaires, plaçant la France au deuxième rang européen et au cinquième rang mondial. Il a rappelé que le ministre délégué à l'industrie M. François Loos avait décidé la création d'un conseil stratégique dédié à la chimie pour la fin du mois de novembre.

Il a salué le travail réalisé par le rapporteur de la délégation pour l'Union européenne, M. Daniel Garrigue, rappelant que les petites et moyennes entreprises du secteur de la chimie sont vulnérables du fait de la concurrence internationale, et qu'il faut par conséquent simplifier au maximum la procédure d'enregistrement. Il a appelé au développement de la coopération internationale afin d'éviter toute distorsion de concurrence liée au nouveau système REACH, développement qui pourrait être confié à la nouvelle agence. Il a estimé que la proposition de résolution était équilibrée et exprimait clairement la nécessité d'améliorer le contrôle des produits chimiques tout en préservant la compétitivité des entreprises communautaires du secteur de la chimie, en prévoyant un dispositif d'enregistrement nécessitant la démonstration de la maîtrise des risques liés à la mise sur le marché des substances.

M. Yves Cochet a rappelé que l'élaboration du système REACH avait été entreprise de longue date au niveau communautaire, et que son principe était très intéressant puisqu'il prévoit le renversement de la charge de la preuve sur les producteurs ou les importateurs s'agissant des risques liés à une substance chimique. Il reviendra donc aux industriels de prouver l'innocuité d'une molécule de synthèse, comme par exemple l'amiante ou l'éther de glycol, avant toute commercialisation.

Il a néanmoins regretté que les pressions des industriels du secteur aient conduit à assouplir de plus en plus le dispositif, ce qui se reflète dans la présente proposition de résolution. Il a indiqué être défavorable, par exemple, à l'exclusion de l'obligation d'enregistrement des déchets et des minéraux, ou encore au caractère facultatif de la substitution des substances les plus préoccupantes par des substances plus sûres.

Il a donc indiqué qu'il serait défavorable à cette proposition de résolution, et a demandé au rapporteur si la France avait été favorable au retrait du système REACH de l'ordre du jour du prochain conseil « compétitivité », ou si ce retrait avait été demandé seulement par l'Allemagne.

M. Daniel Paul, s'exprimant au nom du groupe des député-e-s communistes et républicains, a indiqué que certains débats entourant l'élaboration du système REACH lui rappelaient ceux auxquels il assistait dans le cadre de la Commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les effets de l'amiante. Il a en particulier estimé que le dispositif, prévu par le système REACH, d'autorisation des substances chimiques, possible dès lors que les risques qu'elles représentent sont censés être maîtrisés présentait une similitude avec celui qui avait conduit certains Etats à continuer d'utiliser l'amiante, alors que l'on constate aujourd'hui ses effets néfastes sur la santé. Il a indiqué que l'utilisation de l'amiante avait été interdite en Europe au 1er janvier 2005, mais que des demandes de dérogation avaient été formulées par deux Etats membres, notamment le Portugal, ce qui risque de prolonger l'utilisation de cette substance dans tout l'espace communautaire par le biais de la libre circulation des marchandises dans lesquelles cette substance peut être intégrée.

Il a estimé que l'on n'était jamais assez précautionneux en matière de substances chimiques, et que l'interdiction d'utilisation des substances dangereuses devait aller de soi, même en l'absence de produit de substitution. Il a estimé que cet impératif s'imposait dans un but de protection de la santé publique et de la santé au travail qui en constitue un aspect essentiel.

Compte tenu des incertitudes sur la portée du dispositif REACH, il a indiqué que son groupe s'abstiendrait de voter sur la présente proposition de résolution.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur Alain Venot a apporté les précisions suivantes :

- à sa connaissance, le report de l'examen a été demandé par l'Allemagne, qui a été soutenue par la France dans la mesure où ce report permettrait au nouveau gouvernement allemand de prendre connaissance du dossier ;

- les pressions des représentants de l'industrie chimique n'ont pas été ressenties dans les travaux de notre Commission, et n'ont, en tout état de cause, pas influencé le travail du rapporteur. Cependant, il ne paraît pas irrationnel de se préoccuper des incidences, notamment en termes de coûts pour l'industrie chimique, de la mise en place du système REACH, ni de chercher à concilier au mieux protection de la santé et de l'environnement et compétitivité de nos entreprises chimiques. Un excès de contraintes peut avoir des effets dévastateurs sur la santé économique du secteur, et il n'est pas anormal que les intérêts des entreprises concernées soient exprimés ouvertement ;

- un amendement du rapporteur propose de remplacer la notion de système « praticable » par celle de système facile à mettre en œuvre ;

- concernant l'exclusion de l'enregistrement des déchets et des minerais, la proposition de résolution peut raisonnablement rester en l'état, dans la mesure, d'une part, où les déchets les plus dangereux, tels que les déchets nucléaires, font l'objet d'une réglementation spécifique, et d'autre part où les minéraux sont inclus dans le dispositif ;

- le système REACH paraît accroître considérablement l'encadrement des évaluations impliquant des tests sur les animaux vertébrés, bien qu'il ne conduise pas encore à les interdire, ce qui semble aujourd'hui prématuré ;

- le principe de la substitution des substances les plus préoccupantes par des substances plus sûres doit s'appliquer dès que cela est possible, mais il n'est pas réaliste aujourd'hui de rendre ce principe obligatoire. A cet égard, la proposition de résolution adopte une position équilibrée, en encourageant cette substitution tout en refusant qu'elle ne devienne une obligation dès lors que les risques liés à l'utilisation de la substance en cause doivent par ailleurs être maîtrisés ;

- en prévoyant un système d'enregistrement, d'évaluation et d'autorisation, le système REACH ne prévoit pas d'autoriser toutes les utilisations de substances dès lors que les risques ont été évalués, contrairement à ce qu'a indiqué M. Daniel Paul. L'autorité publique conserve évidemment le droit de refuser un enregistrement ou une autorisation. L'exemple de l'amiante permet précisément de souligner la nécessité d'élaborer de nouvelles normes plus contraignantes d'évaluation des risques d'une substance, sans que l'on puisse affirmer que les nouvelles substances seront autorisées dans les mêmes conditions que les anciennes.

La Commission a ensuite examiné les amendements présentés par le rapporteur à l'article unique de la proposition de résolution.

Elle a adopté un amendement rédactionnel portant sur le troisième alinéa de cet article, puis un amendement de précision sur le quatrième alinéa visant à préciser que les substances sont dites « existantes » dès lors qu'elles ont été mises sur le marché avant 1981, et précisant que les techniques d'analyse actuelles doivent être prises en compte.

Elle a ensuite adopté un amendement rédactionnel portant sur le sixième alinéa de cet article, ainsi que deux amendements rédactionnels portant sur le septième alinéa (point 1).

Puis, la Commission a examiné un amendement précisant que le système REACH doit pouvoir être facilement mis en œuvre par l'ensemble des acteurs, et non pas « praticable » comme le prévoit le huitième alinéa proposition de résolution (point 2). Conformément à une suggestion de Mme Geneviève Gaillard, le rapporteur a rectifié son amendement afin de préciser que ce système doit être « applicable » par l'ensemble des acteurs ; puis, la Commission a adopté cet amendement ainsi rectifié.

La Commission a ensuite adopté deux amendements rédactionnels portant sur le neuvième alinéa (point 3) et deux amendements rédactionnels portant sur le onzième alinéa (point 5).

La Commission a ensuite examiné un amendement simplifiant la rédaction du treizième alinéa (point 7) de cet article, en retirant la référence à « une certaine prise en compte des risques liés aux substances ».

Le rapporteur Alain Venot a indiqué que la rédaction actuelle du début de cet alinéa pouvait prêter à confusion, en prévoyant que la prise en compte des risques liés à une substance puisse conduire à limiter les informations à fournir, ce qui peut paraître contradictoire.

M. Daniel Garrigue a estimé que cette simplification ne permettait plus de comprendre que les risques objectifs liés à l'utilisation d'une substance pouvaient conduire à ne pas limiter l'étendue des informations à fournir lors de l'enregistrement des substances produites ou importées en faible quantité. Il a donc proposé au rapporteur de rectifier son amendement, afin de préciser, dans la dernière proposition de phrase de cet alinéa, que l'agence européenne détermine, « en fonction des risques » les substances pour lesquelles des informations plus étendues seraient requises.

Après que le rapporteur eut accepté cette rectification, la Commission a adopté cet amendement ainsi rectifié.

Puis, la Commission a examiné un amendement rédactionnel portant sur le quatorzième alinéa (point 8) de cet article, visant à substituer la notion de secret en matière industrielle et commerciale à celle de protection de la confidentialité et du savoir-faire, et apportant certaines précisions rédactionnelles à cet alinéa.

Mme Geneviève Gaillard a indiqué que l'obligation de partage des données impliquant des tests sur les animaux devrait concerner tous les types d'animaux, et pas seulement les vertébrés, comme le prévoit la proposition de résolution.

M. Daniel Garrigue a indiqué que cette obligation avait été introduite à la demande du Royaume-Uni, au nom d'une certaine conception du bien-être animal. Précisant que la position de cet Etat avait déjà été considérée comme maximaliste par les autres Etats membres, il a appelé ses collègues à ne pas aller trop loin dans ce domaine.

Mme Geneviève Gaillard a estimé que le bien-être animal n'était pas en question dans ce dispositif, qui encadre les expérimentations de produits chimiques menées sur des animaux, lesquelles doivent être limitées au maximum.

Puis, la Commission a adopté cet amendement.

La Commission a ensuite adopté deux amendements rédactionnels, portant sur les alinéas 15 et 17 (points 9 et 11), puis un amendement rédactionnel portant sur le 18ème alinéa (point 12) visant à supprimer la notion de produits « finis », trop restrictive par rapport au système REACH. Elle a ensuite adopté trois amendements rédactionnels portant sur les alinéas 19, 20, et 21 de cet article (points 13, 14 et 15).

La Commission a enfin adopté l'article unique de cette proposition de résolution ainsi modifié.

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