COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 21

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 6 décembre 2005
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Patrick Ollier, Président

SOMMAIRE

 

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Audition de M. Pierre GADONNEIX, Président d'EDF

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La Commission a entendu M. Pierre Gadonneix, Président d'EDF.

Après avoir souhaité la bienvenue à M. Pierre Gadonneix, le Président Patrick Ollier a souligné la richesse de l'actualité concernant EDF marquée, en particulier, par la conclusion du contrat de service public et l'ouverture du capital. Il a rappelé que l'entreprise avait, en outre, comme l'avait annoncé le président Gadonneix lors de sa précédente audition par la Commission, engagé un programme de cessions d'actifs non stratégiques la conduisant à se désengager notamment d'Argentine et d'Egypte. Il a également rappelé que, dans le même temps, l'entreprise avait consolidé sa situation en Europe en prenant notamment des positions en Suisse. Puis, il a souhaité que le président Gadonneix puisse présenter ces évolutions et indiquer les orientations stratégiques de l'entreprise, en particulier dans le secteur du gaz naturel.

M. Pierre Gadonneix a souligné que l'actualité d'EDF avait été particulièrement chargée depuis sa précédente audition par la Commission l'an dernier et qu'un chemin important avait été parcouru dans la réalisation du projet d'entreprise, dans sa composante industrielle, dans sa composante économique et dans sa composante de service public. Il a ajouté que l'entreprise allait en outre être confrontée à de nouveaux défis.

Il a d'abord précisé que le projet industriel n'avait pas changé et que certains objectifs avaient été atteints, tandis que d'autres avaient été précisés voire amplifiés.

Il a indiqué que ce projet pouvait s'articuler autour de trois ambitions :

- renforcer l'outil industriel de production, de transport et de distribution en France afin de sécuriser l'approvisionnement énergétique dans un contexte de croissance des besoins ;

- conforter la position de l'entreprise en Europe en se concentrant sur la France et quelques pays voisins ;

- donner au service public un nouvel avenir dans un contexte d'ouverture à la concurrence.

Il a estimé que la réalisation de ce projet passait par une forte reprise des investissements dont le financement s'appuyait sur trois leviers : un effort de performance et de rentabilité, la cession d'actifs non stratégiques et l'appel à la souscription publique.

Il a expliqué que l'effort de rentabilité commençait à porter ses fruits car le résultat net de 2004, égal à 1,3 milliard d'euros et déjà en forte progression par rapport à 2003, allait être dépassé par celui de 2005, qui, selon les dernières prévisions, pourrait atteindre au moins 2,6 milliards d'euros.

Il a également indiqué que le bilan avait été assaini et que les différents passifs avaient été pris en compte, notamment celui lié au financement des retraites. Il a ajouté qu'EDF s'était désengagée d'activités non stratégiques, notamment en cédant sa filiale Edenor en Argentine dans des conditions responsables vis-à-vis des personnels et des pouvoirs publics argentins qui ont préservé l'image de la France. Il a indiqué que des discussions étaient en cours s'agissant de la filiale brésilienne Light dont la situation s'améliore. Il a précisé en outre que la cession de centrales thermiques à Suez et Port-Saïd en Egypte est en cours et devrait s'effectuer dans d'excellentes conditions financières pour EDF.

Il a souligné que l'opération d'augmentation du capital avait apporté plus de 6 milliards de fonds propres à l'entreprise et s'est félicité de la confiance manifestée à l'égard d'EDF par près de 5 millions de souscripteurs, dont font notamment partie 65 % du personnel de l'entreprise. Il a salué le sens des responsabilités des agents et des organisations syndicales d'EDF lors de cette opération, signe de la qualité du dialogue social.

Il a indiqué par ailleurs que l'entreprise avait renforcé son implantation en Suisse, pays qui constitue une plaque tournante de l'Europe électrique, en détenant 25 % du capital de la société ATEL. Il a ajouté qu'en Italie où la situation était très compromise, EDF avait réussi à conclure un accord équilibré avec AEM, lui permettant de devenir l'actionnaire industriel de référence d'EDISON et qu'un accord formel de la Commission européenne avait été obtenu le 4 août dernier. Il a souligné qu'avec une forte implantation au Royaume-Uni, en Allemagne, et en Italie, EDF achevait cette année considérablement renforcée.

Il a rappelé les grandes lignes du projet industriel, dévoilées lors de la signature du contrat de service public. Il a indiqué que 40 milliards d'investissements étaient prévus sur la période 2006-2010, parmi lesquels 30 milliards seront engagés les trois premières années. Il a estimé que cet effort marquait une reprise très nette des investissements après trois ans d'interruption des investissements de développement, une pause de dix ans des investissements de production et une baisse continue des investissements dans les réseaux.

Il a précisé que ce programme d'investissements serait concentré en France pour répondre notamment à des besoins de capacité de pointe et qu'il concernerait à la fois les moyens thermiques classiques, le nucléaire et les énergies renouvelables. Il a ajouté que ce programme apporterait 5000 MW de capacités supplémentaires à l'horizon 2012, soit l'équivalent de cinq réacteurs nucléaires et qu'il pourrait créer des milliers d'emplois.

Il a précisé que ce programme concerne d'abord la remise en service de quatre tranches fonctionnant au fioul - deux à Porcheville (Yvelines), une à Cordemais (Loire Atlantique) et une à Aramon (Gard) - ainsi que la construction de 500 MW de turbines à combustion, ce qui permet d'arriver à 3 100 MW de moyens de pointe et d'extrême pointe supplémentaires d'ici 2008.

Il a indiqué que pour des raisons de sécurisation de l'approvisionnement électrique du grand ouest, des turbines seraient probablement implantées en Bretagne. Il a par ailleurs rappelé l'engagement de la tête de série EPR à Flamanville et l'optimisation du parc hydraulique avec le renouvellement des installations de Gavet. Il a ajouté que des investissements allaient aussi être réalisés dans le développement de l'énergie solaire et de l'éolien avec, comme objectif, le développement d'une capacité de production de plusieurs centaines de mégawatts en France et de plus de 3 000 dans l'ensemble du groupe.

Il a observé que les incidents de l'hiver dernier avaient révélé la nécessité de sécuriser également les systèmes insulaires, notamment en Corse et souligné le caractère essentiel de la croissance des investissements dans les réseaux électriques dans l'engagement de service public d'EDF.

Il a indiqué que ce dernier était renforcé et pérennisé dans le contrat de service public signé le 24 octobre dernier, qui consolide d'autant mieux les missions de service public qu'il précise clairement leur financement.

Il a attiré l'attention sur les quatre dispositions principales de ce contrat :

- une évolution des tarifs aux particuliers à un rythme ne dépassant pas l'inflation ;

- un engagement d'EDF de répondre à tout éventuel appel d'offre visant au développement de capacités de production, ce qui permet d'assurer à la France une sécurité énergétique ;

- une attention particulière aux clients en situation de précarité conformément au nouveau dispositif voté par le Sénat ;

- une hausse de 12 % des investissements dans le secteur de la distribution sur 2006- 2007.

Il a rappelé que les réseaux étaient désormais gérés de manière indépendante sous le contrôle de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) et que la filialisation de RTE EDF Transport répondait à cet impératif selon des modalités préservant le caractère intégré du groupe.

Il a précisé que cette filiale allait poursuivre le programme de sécurisation engagé après les tempêtes de 1999 et lancer de nouveaux projets : réalisation des interconnexions nécessaires à la solidarité électrique européenne (Belgique et Espagne), sécurisation des régions (PACA, Rhône Alpes, Alsace), accompagnement des grands projets d'infrastructure (EPR, TGV Est). Il a ajouté que le nouveau tarif d'utilisation des réseaux permettait de les financer.

M. Pierre Gadonneix a ensuite abordé les échéances et les enjeux qui se présentent désormais à EDF. Il a indiqué que l'entreprise devait poursuivre son effort de redressement pour atteindre le même niveau de rentabilité que ses concurrents et gagner en réactivité, évolution qui doit s'appuyer sur une adaptation de l'organisation et une utilisation des techniques de pointe.

Il a estimé que l'ouverture totale du marché au 1er juillet 2007 représentait une échéance essentielle pour laquelle il importait de prendre en compte les enseignements de l'ouverture à la concurrence à l'ensemble des clients professionnels en 2004 et notamment de porter une attention particulière à l'adaptation des systèmes d'information. Il a souligné que la dissociation des activités commerciales des activités de réseau pour l'ensemble des consommateurs représentait également un chantier important, qui concerne 10 000 personnes, et impose des regroupements qui seront menés en concertation avec les élus. Il s'est dit également attentif à la nécessité d'améliorer le traitement des demandes de raccordement des producteurs décentralisés.

Enfin, il a indiqué que l'évolution du cadre réglementaire relatif à l'aval du cycle avec l'examen en 2006 par le Parlement d'un projet de loi relatif aux déchets nucléaires, conformément aux engagements figurant dans la loi « Bataille » de 1991 constituerait également une étape importante pour EDF.

Il a conclu en soulignant qu'EDF était entrée dans une nouvelle phase de développement s'inscrivant pleinement dans la tradition de service public de l'entreprise, dans la politique énergétique du pays définie par la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique et dans l'ouverture à la concurrence des marchés européens.

M. François Brottes, s'exprimant au nom du groupe socialiste, a indiqué sa satisfaction que cette audition ait lieu, car elle répondait à une attente forte du groupe socialiste, qui, ayant regretté que les dispositions régissant le contrat de service public d'EDF ne soient pas inscrites dans la loi, avait souhaité obtenir communication du contenu de ce contrat et interroger son président.

Il a fait trois observations concernant ce contrat : il a noté qu'il ne se suffisait pas à lui-même, puisque les dispositions concernant le traitement des impayés des personnes défavorisées devraient de toute façon être consolidées par la loi, qu'il prévoyait une hausse des tarifs correspondant à l'inflation alors que les contrats de plan précédents organisaient une baisse tendancielle des tarifs, enfin qu'il comportait plusieurs clauses permettant d'échapper aux contraintes en cas de circonstances exceptionnelles, preuve que l'entreprise EDF savait négocier mais aussi source potentielle de tension pour l'avenir.

Il a estimé que le sujet majeur à ce jour en ce qui concerne l'électricité était la hausse inexorable des tarifs et des prix et l'impact que cette hausse aurait sur les industries électro-intensives, qui risquaient d'être acculées à la délocalisation.

Il a souhaité que le président Gadonneix réponde également aux préoccupations qui semblent s'exprimer à propos d'une tendance, sensible depuis quelque temps, à la moins grande proximité des services de maintenance d'EDF.

Il s'est interrogé sur les moyens dévolus à la filiale RTE pour qu'elle puisse assumer ses obligations et sur les relations d'EDF avec la commission de régulation de l'énergie. A cet égard, il a noté que des désaccords n'étaient pas exclus, comme l'avait illustré le récent conflit de la commission de régulation avec GDF sur le maintien de tarifs réduits dans les périodes d'hiver, et il a souhaité savoir dans quelle mesure il serait possible de se prémunir contre des décisions d'autorité de régulation venant frapper les opérateurs longtemps après les faits, comme le Conseil de la concurrence en avait récemment donné l'exemple à l'encontre des opérateurs de téléphonie mobile.

Enfin, il a souhaité connaître le sentiment du président Gadonneix sur la pérennité des tarifs réglementés.

M. Claude Gatignol, au nom du groupe UMP, s'est félicité à son tour de la visite rendue par le président d'EDF à la commission.

Il a noté avec satisfaction le nouvel élan de l'entreprise dans l'investissement de production puis il s'est interrogé sur ses perspectives d'engagement dans le secteur du gaz.

Revenant sur les montants financiers très importants qui seraient mobilisés sur la période 2006 - 2010, il a souhaité savoir s'ils seraient supportés par l'entreprise seule, ou s'il était prévu un appel de fonds auprès de partenaires éventuels tels que d'autres sociétés du monde de l'énergie, ou des consortiums de gros consommateurs, et en ce cas, selon quelles modalités.

Indiquant qu'il était très attentif aux questions de tarifs et de prix, il a souhaité savoir quel était l'impact de la constitution des droits d'émission, quelle était la réalité de la pression de la concurrence à la baisse et quelle était l'évolution prévisible des charges du service public de l'électricité.

Il a enfin demandé si l'effort de l'entreprise dans le domaine de la coopération avec les pays en développement, qui a déjà produit des résultats remarquables notamment au Vietnam ou au Laos, serait poursuivi.

M. Daniel Paul, a observé qu'il n'étonnerait personne en expliquant que le groupe communiste et républicain, au nom duquel il s'exprimait, ne partageait pas l'enthousiasme suscité par le succès de l'ouverture récente du capital d'EDF, qui a mobilisé cinq millions de petits actionnaires, dans la mesure où il voyait dans cette opération les prémices d'une prochaine privatisation. Il a souhaité qu'on puisse sortir de cette situation.

Il a manifesté son pessimisme quant à la question de l'évolution des tarifs, rappelant que les travaux de la commission Roulet, dont il était membre, avaient mis en évidence le caractère inévitable du relèvement des prix de l'électricité en France au niveau des coûts de production à partir du gaz. Il a, à cet égard, souligné l'inquiétude des syndicats d'Eurodif, plus gros consommateur français, devant ces perspectives de hausse du prix de l'électricité, qui mettait en cause la pérennité en France des industries électro-intensives. Il s'est, en particulier, interrogé sur l'existence d'un jeu à trois, entre EDF, Eurodif et Areva, visant à créer les circonstances d'une accélération du processus de privatisation de ce dernier groupe.

Revenant sur les propos du président Gadonneix, il a relevé que la progression du tarif au particulier se ferait à un rythme inférieur ou égal à l'inflation, mais s'est interrogé sur la durée de cet engagement, qui lui semblait garanti jusqu'en 2007 seulement ; quant à la contrainte de répondre à tout appel d'offre concernant des projets d'augmentation de la production d'électricité, il a estimé qu'elle devrait s'accompagner d'une obligation en matière de prix et de qualité de la réponse proposée.

Il a évoqué le cas difficile de consommateurs, notamment d'hôpitaux, abusés par les perspectives de baisse de prix et étant sortis des tarifs régulés et s'est demandé dans quelle mesure ces consommateurs pourraient à nouveau bénéficier des tarifs.

S'agissant du projet EPR, il s'est interrogé sur la possibilité qu'une tranche soit également construite à Panly et sur les conditions du financement de la tranche prévue à Flamanville, la participation de capitaux privés ayant été évoquée.

Enfin, il a demandé s'il était prévu qu'EDF étende ses activités au secteur du gaz, et sur la base de quel partenariat éventuel.

M. François Sauvadet, s'exprimant au nom du groupe UDF, a demandé des détails sur la stratégie internationale d'EDF, sur les leçons tirées en ce domaine des expériences critiquables passées et sur les opportunités que l'entreprise juge qu'il faudrait saisir compte tenu des évolutions du contexte mondial.

Il a demandé le sentiment du président Gadonneix sur le développement actuel des accords de transfert de technologie en direction des pays en développement.

Il a enfin souhaité avoir un bilan chiffré du coût que représente pour EDF le soutien à l'énergie éolienne.

M. François-Michel Gonnot a rappelé qu'EDF s'était engagé dans le contrat de service public sur la réalisation d'investissements d'un montant supérieur de 10 milliards d'euros à ce qui avait été initialement annoncé. Il a donc souhaité savoir si cet effort supplémentaire n'était pas de nature à créer des difficultés de financement malgré l'allongement de la période au cours de laquelle les investissements doivent être réalisés.

Puis, il a interrogé M. Pierre Gadonneix sur ce qu'il adviendrait des tarifs à partir du 1er juillet 2007, le contrat de service public étant basé pour l'essentiel sur des tarifs.

Enfin, il l'a interrogé sur l'entrée d'EDF sur le marché du gaz et la réalisation d'investissements dans le domaine gazier. Rappelant les déclarations récentes d'un dirigeant de Gazprom relatives aux attentes de cette entreprise en matière de financement des gazoducs, il a indiqué que cette entreprise semblait rechercher, en France, un partenaire prêt à investir dans des projets et s'est interrogé sur l'opportunité pour EDF de répondre à ce type d'offre, dans la mesure où l'entreprise est elle-même une consommatrice importante de gaz pour ces installations de production hors de France.

M. Pierre Ducout, rappelant les attentes déçues de l'ouverture à la concurrence en matière de baisse des prix, a souhaité savoir quelles seraient les conséquences de la libéralisation totale pour les consommateurs et notamment si EDF prévoyait d'imposer aux collectivités territoriales et aux PME n'ayant pas, à cette date, fait jouer leur éligibilité, une augmentation des prix couvrant la différence entre les tarifs et les prix de marché soit environ 20 %.

Rappelant sa participation à la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la gestion des entreprises publiques qui avait dramatisé la situation de la société Edison, il a demandé si cette opération présentait finalement un bilan positif pour EDF.

Évoquant des propos de M. Pierre Gardonneix rapportés dans la presse estimant qu'une introduction en bourse des actions d'EDF autour de 28 euros au lieu de 33 aurait été préférable, il lui a demandé de s'en expliquer.

M. Pierre Gadonneix a contesté avoir tenu de tels propos.

M. Pierre Ducout a souhaité savoir quelle serait la charge supportée par EDF du fait de la distribution de dividendes à ces nouveaux actionnaires.

Puis, il a interrogé M. Pierre Gadonneix sur les perspectives d'ouverture du capital de la filiale de transport d'EDF, sur l'évolution prévisible des interconnexions et sur les difficultés prévisibles à très court terme au sein du service commun à EDF et à GDF du fait de la concurrence entre les deux entreprises.

M. François Dosé a tout d'abord demandé à M. Pierre Gadonneix quelle était la part de la production d'EDF exportée puis quelles étaient les grandes tendances en termes de diversification des sources de production d'électricité. Enfin il a voulu savoir quelles étaient les ressources provisionnées pour financer le démantèlement des installations et dans quelle mesure elles étaient mobilisables.

M. Pierre Micaux a interrogé M. Pierre Gadonneix sur les déficiences du réseau électrique français, apparues notamment lors de la tempête de 1999 ou plus récemment lors des évènements en Bretagne, en Vendée et en Loire atlantique.

Rappelant à cet égard que seuls 35 % du réseau était enfoui ou torsadé en France alors qu'en Allemagne ou en Grande-Bretagne, ce taux atteignait quasiment 100 %, il a demandé quels efforts allaient être consacrés par EDF à la poursuite de ces investissements.

Il a par ailleurs souhaité savoir quelles concertations seraient engagées entre EDF et les autorités concédantes, où en étaient les relations d'EDF avec la Commission de régulation de l'électricité (CRE) et ce que l'entreprise comptait faire en matière de gaz et d'énergies renouvelables.

M. Gilles Cocquempot a souhaité savoir si un accroissement de la désintégration de l'entreprise n'était pas à attendre des exigences nouvelles susceptibles d'être formulées par la Commission européenne à l'issue de l'enquête sur les conditions de la concurrence sur les marchés du gaz et de l'électricité.

Rappelant que selon des informations parues dans la presse, plus du quart des actions d'EDF mises sur le marché avaient changé de mains dès les premiers jours de cotation, il a souhaité savoir quelle était la composition actuelle du capital de l'entreprise et en particulier la place des fonds de pension anglo-saxons en son sein.

Sur la question de la qualité du service, évoquant la baisse des effectifs d'EDF, il s'est interrogé sur d'éventuelles difficultés à intervenir dans des conditions de rapidité satisfaisantes en cas d'aléa climatique. Il a ensuite demandé à M. Pierre Gadonneix sa position sur l'enfouissement des lignes. Enfin, il s'est étonné que soient prévus simultanément une hausse des tarifs et un renforcement des gains de productivité.

M. Jean-Pierre Nicolas a interrogé le président d'EDF sur la répercussion mécanique de l'augmentation des prix du gaz et du fioul sur le chauffage urbain alimenté par ces deux énergies, rappelant que, selon les estimations, son coût devrait augmenter de 30 % en 2005 et 20 % en 2006. Il a estimé que c'était là une situation fort préjudiciable pour le pouvoir d'achat des ménages disposant de ce type de chauffage.

Puis, il a rappelé que les exploitants des installations de cogénération avaient annoncé leur volonté de procéder à une forte augmentation de leurs prix de chauffage dans le cas où EDF appliquait strictement le dispositif contractuel plafonnant le prix d'achat de l'électricité produite par ces cogénérations.

Il a donc demandé à M. Pierre Gadonneix si, dans le rôle de cohésion sociale d'EDF que celui-ci avait évoqué dans son intervention, il était prêt à discuter avec les cogénérateurs et l'État afin de faire en sorte que le coût répercuté sur les ménages les plus défavorisés soit le plus bas possible.

Enfin, M. Serge Poignant a souhaité que le président d'EDF précise ses analyses sur la question des énergies renouvelables et indique les actions de l'entreprise dans ce domaine.

En réponse aux différents intervenants, M. Pierre Gadonneix, président d'EDF, a apporté les précisions suivantes :

- la sécurité d'approvisionnement électrique de la France est assurée par le mécanisme de la programmation pluriannuelle des investissements (PPI), dispositif astucieux et qu'il serait pertinent d'étendre à l'échelle de l'ensemble de l'Union européenne. La PPI permet de faire coexister un pilotage par les pouvoirs publics et une concurrence effective. Elle repose sur une comparaison faite par l'administration entre la capacité de production résultant des investissements prévus spontanément par les opérateurs et les prévisions de consommation à l'horizon de dix ans. Dans l'hypothèse où les investissements spontanés apparaîtraient insuffisants, les pouvoirs publics organisent le renforcement des capacités de production par le lancement d'appels d'offre, appels d'offre auxquels EDF s'est engagé à répondre systématiquement ;

- les prix de l'électricité se sont, pendant une période d'environ cinq ans, effondrés sur le marché européen en raison de surcapacités de la production. Ces surcapacités se sont résorbées de sorte que les prix sont revenus aux environs des coûts marginaux de la production nécessaire pour faire face à la demande. En pratique, il s'agit des coûts de production de turbines à cycle combiné au gaz qui sont proches de ceux du réacteur tête de série EPR sachant que les coûts de production diminueraient pour d'autres réacteurs de la série en raison d'économies d'échelle ;

- les tarifs de l'électricité sont quasiment aujourd'hui au même niveau qu'il y a une douzaine d'années en monnaie courante. Ils ont donc diminué en termes réels. Dans le même temps, les coûts d'EDF ont progressé. Un rattrapage est donc nécessaire dans la durée. Le contrat de service public prévoit que les tarifs n'augmenteront pas plus vite que l'inflation. Ce contrat devra tenir compte des conséquences de l'ouverture totale à la concurrence au 1er juillet 2007 mais, en tout état de cause, l'engagement d'EDF de ne pas augmenter les prix de vente aux particuliers plus vite que l'inflation est pris pour une durée de cinq ans ;

- la séparation du réseau de transport s'est faite dans des conditions unanimement saluées et le cas français est cité en exemple par la Commission européenne. L'étape du 1er juillet 2007 impose de procéder à des évolutions similaires à certains égards concernant la distribution. Il importe que celles-ci ne conduisent pas à une dégradation du service de proximité rendu aux Français, ce qui est un défi compte tenu des difficultés techniques que pose la séparation des services commerciaux et de la gestion du réseau. Ces évolutions doivent également être conformes aux règles européennes et consolider le modèle de l'entreprise intégrée ;

- EDF doit investir de manière massive. Il est frappant de constater que les étrangers, et, en particulier, les américains, admirent profondément la capacité qu'a eue la France à développer son parc électro-nucléaire et à le gérer, pendant trente ans, sans incident majeur. Cette réussite, qui est l'atout majeur d'EDF, doit être valorisée ce qui implique des investissements lourds dans le renouvellement du parc. EDF qui a une expérience inégalée dans l'exploitation d'un parc électro-nucléaire aura, avec l'EPR, l'atout supplémentaire de disposer d'un réacteur de nouvelle génération. Cet avantage compétitif est essentiel. Aussi, si les investisseurs autres qu'EDF peuvent librement développer des moyens de production en France et que plusieurs envisagent d'ailleurs de le faire, beaucoup aimeraient aussi profiter du savoir-faire d'EDF en matière nucléaire en participant au développement de l'EPR. Ces partenaires seront les bienvenus s'ils apportent, en contrepartie, quelque chose à EDF, sachant que l'entreprise n'a pas besoin de leur aide pour le financement du projet. EDF a financé seule la construction des 58 tranches nucléaires en exploitation. Elle peut également financer la construction de l'EPR ;

- la constitution d'un véritable marché européen de l'électricité progresse. La priorité du développement international d'EDF est donc de se renforcer sur ce marché en développant ses filiales en Europe. En revanche, il convient de désengager le groupe des pays où sa présence ne permet pas de dégager des synergies. La seule exception à ce principe concerne les opérations à l'étranger permettant de valoriser et de développer les compétences d'ingénierie d'EDF, notamment dans les domaines du nucléaire ou de l'hydraulique. C'est dans cette logique qu'EDF est, en particulier, attentive aux perspectives du marché chinois où des perspectives existent, malgré l'acquisition progressive du savoir-faire par les partenaires locaux, et où l'excellente image d'EDF peut lui donner de nouvelles opportunités, y compris comme investisseur ;

- EDF ne consomme pas de gaz naturel en France mais le fera puisque l'entreprise va développer sur notre sol des turbines à gaz. Ses filiales européennes sont, en revanche, fortes consommatrices et la consommation totale du groupe en Europe devrait atteindre 40 milliards de mètres cube dans trois ans. Aujourd'hui, chaque filiale couvre ses propres besoins et il est donc souhaitable de doter le groupe d'une politique commune d'approvisionnement gazier. Celle-ci doit reposer sur des contrats à long terme et sur la participation à des infrastructures. En revanche, compte tenu du niveau des prix, la période n'est pas propice à l'acquisition de capacités de production. Sur le marché français, EDF n'a vocation à être fournisseur de gaz naturel que dans une logique défensive visant à conserver ses clients acquéreurs d'électricité désireux d'avoir un fournisseur unique pour cette électricité et pour le gaz naturel ;

- l'évaluation du coût du démantèlement des installations nucléaires par les comptes d'EDF est fiable. La dépense future est provisionnée en fonction de son montant prévu, qui a été réévalué à la hausse, et de son échéance, que le prolongement de la durée de vie des centrales éloigne. A ces provisions correspondent des éléments de l'actif de l'entreprise. Cet argent est donc dans l'entreprise. Il a toutefois été décidé, au terme d'une mission d'inspection administrative et pour tenir compte des attentes des investisseurs, de renforcer la constitution d'actifs dédiés. Avec un rythme de près de 2,5 milliards d'euros par an, le montant supplémentaire de ces actifs dédiés atteindra ainsi 12 milliards d'euros en 2010 ;

- le prix d'émission de l'action EDF a été naturellement fixé par l'actionnaire. Il ne semble pas avoir déterminé les décisions d'achat des particuliers. Les investisseurs institutionnels, en revanche, avaient un objectif de cours, de l'ordre entre 31 à 32 euros environ. Il n'est donc pas surprenant que le cours se stabilise à ce niveau dans un premier temps. En tout état de cause, l'action EDF constitue un investissement de long terme dont la performance doit être appréciée dans la durée ;

- les consommateurs éligibles s'approvisionnent au prix du marché en fonction de leurs caractéristiques de consommation. Ces prix, qui ont beaucoup augmenté dans les trois dernières années, sont, depuis environ dix-huit mois, supérieurs aux tarifs. Certains consommateurs ont fait jouer leur éligibilité dans la période précédente où les tarifs étaient supérieurs aux prix. Ceux de ces consommateurs dits « électro-intensifs », c'est-à-dire pour lesquels le prix de l'électricité représente une part importante de la valeur ajoutée, peuvent se trouver, du fait de l'augmentation des prix, dans une situation difficile vis-à-vis de ceux de leurs concurrents implantés hors d'Europe et payant leur électricité à un prix différent de celui du marché européen. Une réflexion a donc été engagée, sous l'égide du Gouvernement, pour définir une solution spécifique au problème de ces consommateurs. La solution qui semble se dessiner serait de leur permettre d'acquérir des droits de tirage sur des installations de production au coût de revient de celles-ci en contrepartie d'engagements portant sur une période d'au moins quinze ans. Tout se passerait ainsi comme si ces consommateurs avaient développé des moyens de production sans toutefois qu'ils aient la charge de leur exploitation. Il importe de veiller à ce que ce dispositif soit compatible avec le droit de la concurrence ce qui implique, en particulier, que le prix d'acquisition de l'électricité ne soit pas inférieur à son prix de revient ;

- les charges de service public financées par l'ensemble des consommateurs, via la contribution pour les charges de service public de l'électricité (CSPE), représentent, en 2005, environ 1 550 millions d'euros répartis entre 1 000 millions d'euros liés au surcoût de l'obligation d'achat, dont les trois quarts correspondent à l'obligation d'achat de l'électricité produite par des cogénérations, 450 millions d'euros liés à la péréquation nationale des tarifs au profit de l'outre-mer et de la Corse et environ 100 millions d'euros pour les actions de solidarité au profit des ménages les plus modestes ;

- s'agissant des réseaux, des investissements sont nécessaires pour améliorer la qualité. Ces investissements doivent être approuvés par le régulateur pour être financés par les tarifs d'utilisation des réseaux. L'enfouissement des lignes peut présenter des avantages mais n'est pas toujours pertinent compte tenu de son coût. Les tempêtes de 1999 ont beaucoup appris à EDF et le dispositif de réaction à des événements similaires est désormais performant sur le continent où la mutualisation des moyens est plus facile comme l'attestent les exemples récents des incidents de Vendée et de Bretagne ;

- l'hydroélectricité est la première source renouvelable d'électricité et la principale priorité est donc de maintenir le potentiel de production existant qui est aujourd'hui menacé. S'agissant des éoliennes, le retard de la France est en voie d'être rattrapé mais le potentiel n'est pas infini et les meilleurs sites sont désormais équipés. Le solaire photovoltaïque offre, en revanche, un gisement énorme mais les coûts de production, qui sont de l'ordre de 300 euros par mégawatt-heure restent très élevés. Nous sommes encore dans une phase d'émergence des technologies et du marché où ces coûts peuvent fortement diminuer, probablement d'un facteur trois, ce qui n'est plus le cas de l'éolien.

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