COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES,
DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 26

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 14 décembre 2005
(Séance de 11 heures 30)

Présidence de M. Patrick Ollier, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Jean-Louis BORLOO, ministre de l'Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement sur le projet de loi portant engagement national sur le logement


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- Informations relatives à la Commission : :

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·  Désignation de candidats pour siéger à une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, relatif à la sécurité et au développement des transports (n° 2604) ;

 

·  Désignation de candidats pour siéger au Conseil national pour le développement, l'aménagement et la protection de la montagne ;

 

·  Désignation d'un candidat pour siéger à la Commission d'examen des pratiques commerciales.

 

La Commission a entendu M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement sur le projet de loi portant engagement national sur le logement.

M. François Brottes est intervenu pour déplorer que le président d'EDF, auditionné la semaine précédente pendant deux heures pour évoquer l'avenir de l'entreprise et le contrat de service public, ait caché à la représentation nationale la suppression de 6 000 emplois annoncée le lendemain dans la presse.

Le Président Patrick Ollier a informé la Commission qu'il avait déjà fait part au président d'EDF de son irritation par téléphone et qu'il confirmerait ses remontrances par écrit, mais il a précisé qu'il ne s'agissait pas de 6 000 licenciements secs.

Puis il a remercié le Ministre de venir présenter devant la Commission le projet de loi portant engagement national sur le logement. Il a indiqué que ce texte extrêmement important, modifié par le Sénat, serait examiné par l'Assemblée nationale à partir du 18 janvier 2006 et que le dépôt des amendements était autorisé jusqu'au 13 janvier.

Il a insisté sur la nécessité de mettre en place, pour l'accession sociale à la propriété, une procédure claire et simple, gérée par un guichet unique en mairie, analogue à celle en vigueur pour l'attribution des logements locatifs sociaux. Il a noté que le dispositif qu'il avait proposé à ce propos n'était pas encore définitivement établi, qu'il travaillait à son amélioration avec le rapporteur, et il a demandé au Ministre son avis sur ce point.

M. François Brottes, tout en remerciant le Président de l'Assemblée nationale de permettre aux parlementaires de déposer leurs amendements jusqu'au 13 janvier, a souhaité avoir des éclaircissements sur l'itinéraire exact suivi par un amendement relatif au Syndicat des transports d'Ile-de-France, arrivé inopinément en séance la nuit précédente sans avoir été examiné en Commission.

Le Président Patrick Ollier a répondu que les commissions ne maîtrisaient pas les procédures de recevabilité, notamment financière, et que l'amendement incriminé était l'un des premiers à avoir été déposé parmi la multitude parvenue en séance la veille au soir.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement, a rappelé que le projet de loi portant engagement national pour le logement constituait une étape complémentaire d'un processus déjà engagé. Les capacités de production de la France, pour des raisons diverses et complexes, sont tombées de 400 000 ou 450 000 logements par an (dont 70 000 à 80 000 logements sociaux) à 270 000 ou 300 000 logements, dont environ 50 000 logements sociaux, d'où un déficit important. Il est incohérent d'opposer les différents types d'habitat car le logement est une chaîne dont tous les segments doivent être soutenus.

Il a souligné que ce texte n'était que le complément de la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine et de la loi de cohésion sociale, complément demandé par les acteurs pour pouvoir aller « mieux, plus vite et plus loin ». Le Gouvernement, en 2006, mettra en chantier 400 000 logements nouveaux, et un peu plus que les 74 000 logements sociaux construits en 2005, chiffres historiques : la machine s'est remise en route, grâce à la mobilisation et à la confiance de tous les partenaires. Le Gouvernement propose de poursuivre l'effort et de mettre en œuvre les mesures suivantes pour accélérer la sortie de la crise du logement :

- il faut en finir avec le scandale du financement du logement social, plus cher que celui du logement privé, en réduisant le taux des prêts de façon drastique ;

- la Caisse des dépôts et consignations, à compter du 1er janvier 2006, proposera à toutes les collectivités locales et à tous les organismes publics des prêts à cinquante ans pour l'acquisition foncière ;

- une délégation interministérielle sera chargée de rendre opérationnelle la liste des terrains publics ou parapublics disponibles, en Ile-de-France et ailleurs, de façon à arbitrer entre les ministères ou les organes de tutelle, et à obtenir la libération de ces terrains ;

- on peut déplorer que la France connaisse une crise du foncier alors que c'est l'un des pays d'Europe qui a la plus faible densité d'occupation des sols. Les collectivités locales n'ont malheureusement aucun intérêt objectif à rendre un terrain constructible et à le vendre. Il convient d'abord de rendre cette démarche économiquement rationnelle en faisant en sorte qu'une partie de la plus-value déclenchée par l'acte administratif revienne à la collectivité qui a apporté le terrain. Ensuite, la taxe locale d'équipement et l'impôt sur le foncier non bâti doivent être assouplis. Enfin, l'impôt direct du propriétaire du terrain bâti doit être modifié afin d'éviter la spéculation et d'accélérer les transactions ;

- le dispositif d'amortissement fiscal « Robien » a rendu des services mais se heurte à des limites. Il convient de le recentrer sur les zones chères et tendues du territoire, tout en créant un système complémentaire d'amortissement fiscal, pour des logements accessibles sous conditions de ressources et de plafond de loyer ;

- tous les maires des zones urbaines sensibles, à commencer par celui de Vénissieux, M. André Gerin, réclament davantage d'accession à la propriété. La TVA à 5,5 % dans le cadre du PSLA, le prêt social de location-accession, sera proposée à tout le monde, de même que la possibilité de dissocier juridiquement le foncier du bâti. Dans les zones de rénovation urbaine ou les zones urbaines sensibles, la TVA à 5,5 % modifie considérablement l'amortissement financier. L'idée n'est pas de vendre des HLM, mais d'augmenter l'offre d'accession populaire, en permettant aux ménages d'accéder à la propriété à un coût budgétaire équivalent au financement du logement locatif social ;

- des mesures exorbitantes du droit commun seront prises par ordonnance pour intervenir d'urgence sur l'habitat indigne ou insalubre. Les décisions du préfet ou du maire à l'encontre du propriétaire seront exécutoires quelles que soient les voies de recours. La direction générale de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction s'attelle également à mieux distinguer juridiquement entre la police du préfet et celle du maire, dont les compétences respectives sont confuses.

Le Ministre s'est engagé, en conclusion, à ce que la presse, le lendemain de son audition, n'annonce pas de suppressions de postes dans le bâtiment ; la profession prévoit au contraire 100 000 créations d'emplois en 2006 après les 65 000 enregistrées en 2005.

M. Gérard Hamel, rapporteur, s'est félicité du dépôt de ce projet de loi, qui agit sur tous les leviers disponibles pour enrayer la crise du logement puisqu'il traite à la fois des questions d'urbanisme, de foncier, de relance de l'offre de logements, d'accession à la propriété et de logement des plus défavorisés. Ce texte a de surcroît été considérablement enrichi par le Sénat, ce qui était sans doute nécessaire dans la mesure où sa version initiale était assez brève. Son architecture a été refondue dans le sens de la clarification. Le rapporteur s'est réjoui qu'une seconde lecture du projet de loi soit envisagée dans les deux assemblées.

Sur le fond, s'agissant de l'urbanisme et du foncier, il a estimé que l'intérêt majeur du projet de loi consistait à lever les blocages freinant la réalisation de logements. L'Etat pourra en effet agir et construire même en cas d'opposition des communes concernées.

Il a noté que le projet encourage également les maires bâtisseurs et prévoit des mesures de lutte contre la rétention foncière de la part des propriétaires. Au terme de la première lecture par le Sénat, le texte permet aussi d'améliorer la transparence de l'information sur le marché foncier.

Il a rappelé son attachement particulier à l'accession sociale à la propriété et a approuvé l'instauration de la TVA à taux réduit pour les logements en accession sociale à la propriété situés en zone de rénovation urbaine ainsi que les mesures adoptées par le Sénat tendant à favoriser le dispositif des « maisons à 100 000 euros » et à améliorer le régime fiscal du PSLA.

Il s'est cependant demandé s'il ne faudrait pas aller plus loin dans ce domaine et définir une véritable politique ambitieuse d'accession à la propriété, comme le prévoyait un ancien ministre chargé du logement. Des retraités se voient refuser, en raison de leur âge, des prêts auprès des établissements de crédit alors que l'accession à la propriété correspond à une aspiration de tous les Français. Celle-ci rend légitime une intervention forte de l'Etat, qui doit veiller à améliorer la solvabilité des ménages et renforcer la sécurisation des opérations d'accession. Il a pris acte de la signature avec les professionnels du secteur et les élus locaux, la semaine précédente, de la charte de la maison à 100 000 euros, mais a estimé que la discussion du projet de loi devait être l'occasion d'un véritable débat parlementaire sur la politique d'accession à la propriété.

Le rapporteur a préconisé que les maires puissent déroger de plus ou moins 25 %, et non de plus ou moins 10 %, à l'estimation établie par le service des domaines dans le cadre des opérations d'accession.

S'agissant de l'investissement locatif, il a demandé au Ministre de décrire les grandes lignes du dispositif qualifié de « Borloo populaire », introduit dans le texte par la voie d'un amendement du Gouvernement, et sur son absence de ciblage territorial.

Le projet de loi comprend également une habilitation du Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance pour réformer le statut des offices publics d'HLM et des OPAC, les offices publics d'aménagement et de construction. Cette réforme, qui simplifiera la gestion des logements sociaux, peut être considérée comme consensuelle car elle a fait l'objet d'une concertation avec les fédérations concernées. Le rapporteur a néanmoins fait état d'inquiétudes quant au devenir des fonctionnaires des offices actuels.

Il s'est interrogé sur l'opportunité de la modification introduite par le Sénat autorisant la délégation du contingent préfectoral aux EPCI, les établissements publics de coopération intercommunale, même en l'absence d'approbation du maire, en cas d'accord collectif intercommunal avec les bailleurs sociaux, ce qui remet en cause l'équilibre institué par la loi « responsabilités locales », votée à peine un an auparavant.

S'agissant du surloyer, il a suggéré qu'une distinction soit opérée entre, d'une part, Paris et les grandes agglomérations, où cette mesure revêt peut-être une utilité, et les autres parties du territoire, où il serait envisageable d'autoriser le maire à ne pas l'appliquer, dans le cadre, par exemple, du plan local de l'habitat.

S'agissant de l'encadrement des coupures d'électricité, de gaz et d'eau, il s'est demandé s'il ne conviendrait pas de distinguer entre les coupures d'eau, bien indispensable toute l'année, et les coupures d'énergie, consommée bien plus abondamment en hiver, notamment pour se chauffer. En outre, il s'est interrogé sur l'opportunité des modifications apportées par le Sénat à l'article 11.

En ce qui concerne le montant en deçà duquel les aides au logement ne sont plus versées, il a proposé un retour au seuil antérieur de quinze euros de préférence à vingt-quatre euros, cette somme représentant beaucoup pour certains publics en difficulté. L'argument des frais de gestion administrative est peu fondé dès lors qu'il est question de solidarité nationale à l'égard de populations fragiles. Il a rappelé que, lors de l'examen du projet de loi de finances, le versement des aides par trimestre avait été envisagé pour régler ce problème.

Il s'est prononcé en faveur de la constitution d'un groupe de travail pour dresser le bilan de l'article 55 de la loi « SRU » et formuler des propositions.

M. Jean-Pierre Abelin, rapporteur pour avis de la mission « Ville et logement », a indiqué qu'il avait lui-même déposé une proposition de loi, soutenue par le Médiateur de la République, tendant à ramener le seuil de versement des aides au logement à quinze euros.

S'agissant du foncier, il a souligné que l'Etat a pour priorité de rentabiliser ses ventes pour se désendetter mais aussi de produire du logement. Il faudrait garantir qu'un pourcentage des transactions effectuées par l'Etat soient effectivement destinées au logement social, tout comme les collectivités territoriales en ont l'obligation dans leur plan local d'urbanisme.

Le rapporteur pour avis a demandé quelle était la porte de sortie, pour le locataire, au terme de l'application du dispositif « Borloo populaire ».

Enfin, il a évoqué la possibilité de prendre en compte les prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI) dans le calcul des 20 % prévus dans l'article 55 de la loi SRU.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec a signalé que ce projet de loi était très attendu car il avait été annoncé par les deux ministres précédents. Son contenu a beaucoup changé - le nombre d'articles est passé de onze à soixante-trois - et est devenu un texte très technique, mais le problème du logement est d'abord d'ordre politique.

Il s'est dit heureux que l'urgence n'ait pas été déclarée, mais a demandé que le Gouvernement songe parfois à faire délibérer l'Assemblée nationale en premier, considérant qu'il n'était pas aisé de se glisser dans les sillons tracés par le Sénat.

Il a rappelé que l'amendement sur la taxe foncière sur les propriétés bâties déposé par le groupe socialiste lors de la discussion du projet de loi de finances avait donné lieu à un débat fructueux, et a regretté que les sénateurs aient fait partir du 1er décembre 2005 la compensation intégrale par l'Etat de l'exonération de taxe foncière aux maires bâtisseurs, sans penser à ceux qui ont construit pendant des années sans attendre cet avantage. Il n'y a aucune raison que l'Etat ne rembourse pas la taxe foncière aux collectivités territoriales qui ont construit depuis plusieurs années. Même si le ministère de l'Economie, des finances et de l'industrie n'est pas d'accord, il serait injuste et même scandaleux que ceux qui commencent à construire maintenant soient avantagés.

Il a demandé des éclaircissements sur la réforme de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH), qui va devenir un instrument direct de l'Etat dans le privé et pourra faire bénéficier d'exonérations fiscales.

Il a estimé qu'il existe une contradiction, dans la problématique de l'accès au logement, entre, d'une part, les dispositifs décentralisés d'aide à la pierre et de réservation, et, d'autre part, le maintien du rôle du préfet.

Il s'est enquis du sens donné par le Gouvernement au surloyer. S'agit-il simplement de faire sortir certaines familles du patrimoine HLM ou de renflouer les caisses et, si oui, lesquelles ?

Il a noté que pas un ministère, dans la loi de finances, n'avait oublié de rentabiliser au maximum la vente de son patrimoine, et que le ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, M. Jean-François Copé, avait même laissé entendre qu'il fallait créer une structure spéciale pour vendre le patrimoine de l'Etat. Il ne faudrait pas que la loi de finances contredise le projet de loi portant engagement national pour le logement.

Il a demandé quelle option le Gouvernement prendra en ce qui concerne le statut des offices et si, une fois habilité, il ira jusqu'à déposer un projet d'ordonnance.

Il a considéré qu'il serait inimaginable de parvenir au terme de la législature sans apporter des solutions plus contraignantes concernant les objectifs de la loi « SRU » alors que le Gouvernement, parfois aidé par la Commission, doit sans cesse empêcher que l'esprit de l'article 55 de la loi n° 2000-1208 soit altéré.

Il a rappelé que, deux ans auparavant, dès le lendemain de la publication du décret portant le seuil de versement de l'aide personnalisée au logement de 15 à 24 euros, il avait posé une question au Gouvernement sur ce sujet sans que le problème soit réglé. Le Médiateur de la République, qui était alors ministre, a lui-même jugé cette mesure scandaleuse. Il convient de la revoir, d'autant que la loi de finances a renchéri de trois euros la participation minimale laissée à la charge du locataire et que le taux d'effort des ouvriers a augmenté de cinq points en deux ans.

M. Léonce Deprez a témoigné de la bataille qu'il mène contre la vacance de logements, phénomène grave : avant de construire et de dégager des moyens nouveaux, il convient de mettre à profit le patrimoine gelé, mortel pour certaines communes qui sont désertées. Le problème est particulièrement sensible dans les 2 280 communes touristiques de France, qui souffrent d'un taux de vacance de plus en plus élevé au fur et à mesure que la valorisation de leur territoire tend à faire gagner de la valeur aux terrains et aux logements. Les collectivités territoriales, pour ne plus être pénalisées par leurs efforts, doivent avoir les moyens de reprendre ces logements plus facilement et de les rénover. Il a sollicité le président de la Commission pour que celui-ci l'aide à convaincre le Ministre, devenu le « Borloo populaire », de prendre des mesures en ce sens.

Le Président Patrick Ollier a rappelé qu'un excellent amendement adopté dans la loi « Pasqua » de 1995, dont il était le rapporteur, prévoyait une telle mesure mais n'a jamais été mis en œuvre.

M. Pierre Ducout a approuvé le report au 1er janvier 2010 de la date limite pour réviser les plans d'occupation des sols (POS), le passage en PLU étant très lourd et beaucoup de communes périurbaines étant concernées par l'article 55 de la loi « SRU ». Ce report permettra de mettre des terrains sur le marché.

Il a annoncé qu'il avait accepté, en qualité de président de la commission urbanisme de l'Association des maires de France, de participer au groupe de travail sur l'efficacité des pouvoirs des préfets. Après les propos du Président de la République et du Premier ministre, il s'est étonné que le projet de loi ne comprenne aucune mesure concernant les pénalités contre les communes ne respectant pas les objectifs de la loi « SRU ».

Il a estimé que la vente des logements locatifs sociaux au bout de dix ans était positive pour l'accession à la propriété mais devrait être réservée aux occupants, et que les maires devraient pouvoir interdire que la vente se fasse au bénéfice de n'importe qui.

Il a approuvé le reversement d'une part de la plus-value à la collectivité mais a déploré que le taux retenu - 10 % - soit si faible ; une répartition paritaire aurait été préférable.

Il a ajouté que la création d'un groupe de travail chargé d'examiner les mesures de nature à encourager les communes et les EPCI qui s'engagent dans la construction de logements, auquel il avait également accepté de participer, allait dans le bon sens mais n'était pas suffisante.

M. Édouard Jacque a appelé l'attention du Ministre sur les difficultés particulières des zones frontalières, dont les spécificités doivent être reconnues.

Il s'est enquis des primes envisagées pour encourager l'économie d'espaces naturels et agricoles ainsi que la reprise de friches industrielles et a fait part de sa préférence pour la reconquête des espaces industriels plutôt que celle des espaces agricoles.

Il a souhaité que la France redéfinisse la notion de logement social. Pourquoi un seuil de 20 % de logements locatifs a-t-il été imposé, alors que l'idéal serait que 100 % des ménages accèdent à la propriété.

Il a demandé si le Gouvernement avait des projets pour limiter la concentration de logements sociaux, qui, dans certaines communes, excèdent 40 ou 50 % du parc et encouragent la ghettoïsation, au détriment de la qualité de vie des citoyens.

M. Daniel Boisserie a souligné que le dispositif des « maisons à 100 000 euros », mis en place par M. Jean-Louis Borloo, était assorti d'avantages fiscaux pour les zones de redynamisation urbaine et aussi pour les zones de revitalisation rurale et a demandé si le Gouvernement accepterait de les étendre aux autres zones rurales volontaires.

Il s'est inquiété du sort de cette mesure si la TVA à 5,5 % ne passait pas le cap du début de l'année 2006.

Il a rappelé que Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, avait donné son accord de principe à la rédaction d'un rapport sur la situation du logement, public et privé, en milieu très rural, et a demandé confirmation au Ministre.

M. Jean-Pierre Grand a promis qu'il mettrait tout en œuvre pour parvenir, dans sa commune, au taux de 20 % de logements sociaux et a souhaité que tous les parlementaires prennent le même engagement sur l'honneur.

Il a demandé si les logements en accession à la propriété seraient comptabilisés dans ce taux, de même que les places des aires des gens du voyage, lesquels acquittent une taxe d'habitation, sont éligibles à toutes les actions sociales des communes et ne sont pas démesurément nombreux.

Il a suggéré que les gendarmeries désaffectées, généralement situées en zone urbaine et relevant des domaines, soient transférées pour l'euro symbolique aux collectivités qui prendraient l'engagement de les transformer en logements sociaux.

Il s'est dit favorable à ce que les logements sociaux de fait ne soient pas comptabilisés dans les 20 %, mais a préconisé qu'ils soient tout de même recensés dans le rapport au préfet pour épargner aux maires concernés l'inscription au fichier du grand banditisme social.

M. Claude Birraux a considéré qu'imposer aux promoteurs privés la rétrocession de 20 % des logements aux offices HLM était le seul moyen de garantir la mixité sociale en zone frontalière.

Il a déclaré que le surloyer, en zone frontalière, était destiné à assurer la mobilité et la rotation des occupants et devait être suffisamment dissuasif pour que les personnes trouvant un emploi mieux payé de l'autre côté de la frontière ne puissent plus bénéficier d'un logement HLM. La loi Besson limitait le surloyer à 55 euros par mois, ce qui est nettement insuffisant.

Il a recommandé que l'accession à la propriété soit assortie de mécanismes empêchant la spéculation.

Il a déploré que le pays genevois haut-savoyard ait été classé et maintenu dans le cadre du dispositif « Robien » en zone A plutôt qu'en zone B, ce qui contribue à l'élévation des loyers.

Il a indiqué qu'une ancienne colonie SNCF passée aux mains de la promotion privée avait été transformée en appartements qui se vendent 6 500 euros le mètre carré.

Le Ministre, après avoir souligné que les questions posées montraient la diversité des territoires français, a apporté les éléments de réponse suivants aux différents intervenants :

- il n'existe pas d'obstacle intellectuel à l'extension des marges de dérogation par rapport aux estimations des domaines et le Gouvernement n'est pas hostile à ce que la Commission dépose un amendement en ce sens ;

- le dispositif du « Borloo populaire » est ciblé en fonction des ressources et du montant des loyers et de fait « zoné » ;

- l'expression « loyer de solidarité » est préférable au terme « surloyer », qui a une connotation péjorative. Il s'agit en effet, pour les organismes, d'essayer de compenser le droit perpétuel à occuper un logement locatif social, droit qui est exorbitant du droit commun. Est-il normal d'y rester lorsqu'on ne réunit plus les conditions d'accès à ces logements ? Le problème est très difficile à trancher mais l'accord est unanime pour ne pas remettre ce principe en cause dans les zones de grande tension sociale, afin que des familles structurées puissent rester dans des quartiers qui le sont moins. En revanche, il convient de laisser la latitude de fixer un loyer de solidarité aux décideurs dans les autres zones ;

- la fixation du seuil de versement des aides au logement à 15 ou à 24 euros relève du domaine réglementaire ;

- la liste des terrains d'Etat s'enrichit toujours car aucun ne se vend, les administrations s'efforçant de conserver leur patrimoine par précaution, quel que soit leur objet social. Les considérations budgétaires devraient les pousser à s'en débarrasser en les valorisant mais elles préfèrent alors les vendre à une station d'essence plutôt que pour construire des logements. D'où l'idée d'une délégation interministérielle placée auprès du ministre chargé du logement, sous l'autorité du Premier ministre, pour décider avant Pâques 2006 des transferts à des opérateurs. Et le Gouvernement propose de faire passer de moins 20 à moins 35 % la marge de dérogation par rapport à l'estimation des domaines. La délégation interministérielle pour le développement de l'offre de logements, dirigée par Jean-Pierre Beysson, est fondamentale car 20 000 logements sont en jeu, indépendamment de la machine de production traditionnelle ;

- la sortie du dispositif « Borloo » se fera selon les mêmes modalités que celle des dispositifs « Besson » et « Robien », c'est-à-dire en sifflet sur 6 ans ;

- s'agissant du PLAI, le texte est appliqué ; un bilan de cette mesure sera établi à la fin de l'année. Le groupe socialiste du Sénat a pour sa part proposé que le PLAI soit survalorisé ;

- il était prévu, jusqu'au dernier moment, que ce projet de loi soit d'abord déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, conformément aux souhaits du Président de la Commission et du Ministre, mais cela s'est finalement avéré impossible, en raison de l'agenda chargé des travaux de la Commission. Le Sénat a du reste considérablement enrichi le projet de loi, dans un état d'esprit assez proche de celui de l'Assemblée ;

- les exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties, jusqu'à présent, n'avaient jamais été compensées par l'Etat. C'était effectivement une requête des collectivités territoriales, sur laquelle s'est greffée la demande de l'Union sociale pour l'habitat de porter la mesure d'exonération de quinze à vingt-cinq ans. La compensation de l'exonération est acquise à partir d'aujourd'hui, de la première à la quinzième année, pour accélérer la construction de logements sociaux. Tous les députés devraient applaudir cette avancée exceptionnelle ;

- il existe trois sortes de logements vacants. Les logements vacants situés au-dessus d'un commerce sont très nombreux en France ; le texte prévoit de leur ôter leur statut commercial pour qu'ils soient de nouveau affectés au logement, et cette mesure devrait toucher 80 000 à 100 000 logements. Pour les logements devenus vacants du fait de leur abandon, le texte prévoit l'application de la procédure d'abandon manifeste ainsi qu'un financement exceptionnel de l'ANAH. Enfin, pour les logements devenus vacants par précaution, toute remise sur le marché locatif d'un logement soumis à la taxe sur les logements vacants bénéficiera d'une déduction fiscale de 30 % sur le loyer, pendant deux ans ;

- si des dispositions complémentaires s'imposent pour les zones frontalières et industrielles, il faudra les examiner, mais les établissements publics fonciers à fiscalité propre sont de nature à apporter une réponse au problème ;

- le modèle économique de la TVA à 5,5 % avec foncier différé permet de réaliser des logements d'excellente qualité, pour un rapport qualité-prix remarquable au mètre carré puisque cela ne coûte pas plus cher que la production de logements sociaux : c'est une vraie révolution dans le domaine de l'accession, valable pour la majeure partie du territoire national ;

- une révision des zones de revitalisation rurale est envisageable mais, sur ces sujets techniques, requérant de l'expertise et représentant des sommes considérables, le Gouvernement n'acceptera pas d'amendements de dernière minute rédigés sur un coin de table ; le travail doit être accompli de manière approfondie en collaboration avec la Commission ;

- s'agissant des gens du voyage, un bilan pourra être réalisé d'ici la fin de l'année avant l'examen du projet ;

- le recensement du patrimoine de l'Etat et la transformation des casernes de gendarmerie s'inscrit dans la logique de la délégation interministérielle qui est présidée par M. Jean-Pierre Beysson.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a procédé à la désignation de candidats pour siéger à une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, relatif à la sécurité et au développement des transports (n° 2604) ; ont été nommés :

comme membres titulaires : comme membres suppléants :

MM.  Patrick Ollier (UMP) MM.  Jean Proriol (UMP)

Dominique Le Mèner (UMP) Jean-Pierre Grand (UMP)

Hervé Mariton (UMP) Michel Raison (UMP)

Christian Philip (UMP) Jean-Michel Bertrand (UMP)

Antoine Herth (UMP) Jean-Pierre Blazy (S)

Mme Odile Saugues (S) Jean-Pierre Abelin (UDF)

M. Maxime Bono (S)

La Commission a ensuite désigné MM. François Brottes et Daniel Spagnou (titulaires) et M. Jean-Marie Binetruy pour siéger au Conseil national pour le développement, l'aménagement et la protection de la montagne.

Puis, elle a nommé M. Jean-Paul Charié pour siéger à la Commission d'examen des pratiques commerciales.

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