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COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES,
DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 37

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 15 mars 2006
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Patrick Ollier,
Président de la Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire,

et de M. Jean-Michel Dubernard,
Président de la Commission des Affaires culturelles, familiales et sociales

SOMMAIRE

 

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- Audition, ouverte à la presse, commune avec la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales de M. Dominique Perben, ministre des Transports, de l'Équipement, du Tourisme et de la Mer, sur le service minimum



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La Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire et la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales ont, au cours d'une réunion commune, ouverte à la presse, entendu M. Dominique Perben, ministre des Transports, de l'Équipement, du Tourisme et de la Mer, sur le service minimum.

Le président Patrick Ollier a souhaité la bienvenue à M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, et l'a remercié d'avoir une nouvelle fois respecté la clause de rendez-vous dont l'Assemblée nationale était convenue avec son prédécesseur, M. Gilles de Robien, à l'issue du débat du 9 décembre 2003 sur la conciliation des deux principes constitutionnels que sont le droit de grève et la continuité du service public.

Rappelant qu'un certain nombre de députés de la majorité avaient déposé une proposition de loi visant à garantir celle-ci dans les transports publics, le président de la Commission des affaires économiques a indiqué que la voie de la négociation sociale avait jusqu'ici été préférée à la voie législative : mieux vaut un accord respecté par ses signataires qu'une loi qui soulèverait davantage de problèmes qu'elle n'en résoudrait. Estimant que sur ce terrain, les organisations syndicales font preuve d'une attitude de plus en plus ouverte, il a néanmoins souligné qu'une partie des signataires de la proposition de loi continuaient de souhaiter que le Parlement légifère, et insisté sur l'importance particulière que devaient revêtir les propos du ministre.

Le président Jean-Michel Dubernard a salué à son tour la venue du ministre devant les deux commissions réunies, qui travaillent main dans la main sur ce dossier, comme elles l'ont fait sur d'autres sujets ainsi que pour célébrer le 60e anniversaire de la création de la sécurité sociale. Le ministre a réuni, la semaine dernière, les représentants des entreprises de transports publics et des collectivités locales, pour leur demander d'intensifier les discussions en vue de la définition contractuelle, d'ici le mois de juin, d'un service minimum garanti, qui respecte l'équilibre entre deux exigences a priori contradictoires : le respect du droit de grève et celui de la continuité du service public. La France a la chance d'avoir un droit du travail assez souple, qui réserve une grande place à la négociation collective.

Il faut souligner que cette méthode rejoint ainsi la promotion du dialogue social à laquelle œuvre la présente majorité depuis maintenant quatre ans et ce dans les domaines les plus divers, qu'il s'agisse de formation professionnelle ou d'égalité professionnelle, mais aussi de temps de travail, pour ne citer que quelques exemples.

À ce jour, la négociation collective a produit ses effets dans le domaine qui occupe aujourd'hui les deux commissions ; ainsi, la SNCF a signé le 28 octobre 2004 un accord historique avec les organisations syndicales sur le dialogue social et la prévention des conflits. Le bilan en est positif : seule une très faible proportion des alarmes sociales déposées - à la RATP - aboutit au dépôt d'un préavis de grève. Le Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF) a signé le 17 juin 2005 un avenant à son contrat avec la SNCF et un engagement de service avec la RATP, et la région Alsace a signé le 18 juin 2005 un avenant à la convention TER conclue avec la SNCF. Le bilan en est également positif : lors de la grève nationale du 4 octobre, les deux tiers environ du trafic étaient assurés à la RATP, pour un engagement de trafic de 50 % ; à la SNCF, 35 % des trains ont circulé, pour un engagement de 33 %.

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, a remercié les deux commissions de leur invitation et affirmé constater, depuis sa précédente audition par celles-ci le 12 juillet 2005, une profonde et rapide évolution des mentalités sur la nécessité d'un service minimum garanti, c'est-à-dire d'un dispositif apte à maintenir la continuité du service public de transport.

Plusieurs mouvements sociaux ont permis de vérifier que les accords mis en œuvre donnent des résultats concrets. Lors de la journée nationale d'action du 4 octobre, les accords d'engagement de service conclus par le Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF) ont bien fonctionné : 35 % de service assuré à la SNCF, entre 50 et 75 % à la RATP. Le 22 novembre, 34 % du trafic SNCF était assuré en Île-de-France. Et durant le conflit du RER D, le taux de service a pu être maintenu au-dessus de 35 % tous les jours.

Le bilan des mécanismes de prévention des conflits est également satisfaisant. À la RATP, le recours à l'alarme sociale a permis d'éviter 50 % des conflits en 2005. À la SNCF, l'accord d'octobre 2004 commence à porter ses fruits : en 2005, le nombre des préavis s'est établi à 699, nombre le plus bas depuis quinze ans, et l'application du dispositif d'alarme sociale s'est traduite par une réduction de 20 % du nombre de préavis déposés.

Enfin, la fiabilité des informations transmises par la SNCF, c'est-à-dire l'écart entre le nombre des trains prévus et celui des trains ayant circulé, a été proche de 100 %.

La méthode et les outils existent, et ont fait leurs preuves pour faire respecter le droit au transport des voyageurs sans porter atteinte au droit de grève. Pour autant, aucun autre accord n'a été conclu depuis juillet 2005, alors même que le conflit de dix jours qui a affecté début décembre les lignes du RER D puis B a permis de constater chez les usagers une forte demande de continuité réelle du service public de transport.

Les mentalités ont évolué du côté syndical, ainsi que l'illustrent les déclarations de M. François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, à la suite du conflit du RER D : « Les syndicats doivent s'interroger sur leurs modes d'action dans les services publics pour ne pas se couper de l'opinion... Nous ne pouvons pas continuer à avoir des actions qui pénalisent les usagers ».

Le Gouvernement s'emploie, notamment depuis le 12 juillet 2005, date de la précédente audition du ministre par les deux commissions, à obtenir la signature de nouveaux accords et souhaite désormais que les responsables des réseaux de transports, les collectivités organisatrices et les opérateurs de transport trouvent ensemble le moyen d'avancer et signent des accords reposant sur trois piliers : la recherche d'un accord de prévention des conflits ou d'alarme sociale ; un dispositif d'informations fiables transmises aux usagers ; l'élaboration d'un plan de transport garanti en période de conflit.

Le ministre a donc écrit le 17 novembre à l'ensemble des présidents des associations fédérant les collectivités - Association des maires de France (AMF), Association des maires de grandes villes de France (AMGVF), Association des communautés urbaines de France (ACUF), Association des communautés de France (ADCF) - ainsi qu'aux acteurs directement intéressés - le Groupement des autorités responsables des transports publics (GART), l'Union des transports publics (UTP) et la SNCF - pour leur demander de s'engager dans la négociation de clauses d'engagement de service minimum garanti dans les contrats de transports urbains et interurbains, à l'exemple des accords signés en Île-de-France et en Alsace. Il a adressé un courrier analogue, le 16 décembre, aux 166 présidents de communautés d'agglomérations et de communautés urbaines, puis conduit une série de rencontres avec les représentants des parties concernées, et en particulier les principaux dirigeants des organisations syndicales.

Ce travail a indiscutablement fait évoluer les positions des uns et des autres et en premier celle du GART, au bureau duquel sont représentés des élus de toutes tendances, et qui est présidé par M. Michel Destot, maire socialiste de Grenoble.

S'agissant des résultats obtenus à ce jour, il faut distinguer la relation entre l'entreprise de transports et l'autorité organisatrice de la relation entre l'entreprise et ses salariés. Dans le premier cas, il s'agit de modifier le contrat de transport, qui relève le plus souvent d'une délégation de service public, pour y ajouter des dispositions d'engagement de service garanti de la part de l'opérateur ; ce qui ne peut se faire que par avenant ou lors du renouvellement du contrat -  ce que préfèrent les collectivités. Il faut donc tenir compte des calendriers de renouvellement. Dans le second cas, il faut signer un accord d'entreprise, de groupe ou de branche, portant sur la prévention des conflits, l'alarme sociale et le service en temps de grève.

L'idéal est d'agir aux deux niveaux concomitamment, car l'un influe sur l'autre. Un engagement de service garanti demandé à l'opérateur incite celui-ci à signer un accord de prévention des conflits. Inversement, la négociation d'un tel accord par l'entreprise nécessite évidemment le soutien actif, l'encouragement de l'autorité organisatrice.

S'agissant du contrat de transport entre l'entreprise et l'autorité organisatrice, la mise au point d'avenants ou de clauses d'engagement de service ne peut être faite qu'au cas par cas, chaque réseau constituant un cas particulier puisqu'il s'agit de définir les lignes prioritaires en fonction des sites à desservir. Le GART a d'ailleurs lancé en fin d'année 2005 une enquête auprès de ses adhérents, qui a fait apparaître que le service minimum garanti n'a jamais reçu aucune définition précise et que cette définition ne peut avoir de sens qu'au cas par cas et doit donc rester de l'entier ressort des autorités organisatrices et de leurs cocontractants.

Le GART a ainsi décidé d'aider ses adhérents à engager la démarche de révision de leurs contrats de transport en leur adressant les quatre recommandations suivantes :

- prévoir dans les conventions une obligation pour l'exploitant de mettre en place, le cas échéant sous peine de pénalités financières aggravées, des structures de concertation afin de prévenir les conflits sociaux ;

- ne pas assimiler la grève à un cas de force majeure, éventuellement en s'inspirant du dispositif d'une des conventions signées, qui établit un distinguo entre grève locale et grève nationale et assimile cette dernière seulement à un cas de force majeure ;

- définir précisément les obligations de service garanti - services à maintenir en priorité, zones à desservir, plages horaires à couvrir, services ou itinéraires de substitution à mettre en place - pesant sur le délégataire, en plus de l'obligation d'information de la collectivité ;

- prévoir des pénalités financières, y compris en cas de grève, afin que l'entreprise soit directement intéressée à la qualité du dialogue social.

Le GART insiste en outre sur deux points très importants :

- intégrer dans les conventions liant les collectivités à l'exploitant des clauses favorisant le dialogue social et prévoyant les mesures à mettre en œuvre pour préserver le droit au transport des voyageurs ;

- mettre en place, sous son égide, des structures de concertation intégrant les voyageurs sur le modèle des comités de lignes mis en place pour les lignes TER dans certaines régions.

Quant aux accords collectifs entre le titulaire du contrat et son personnel, leur contenu est lié à la culture et à l'histoire de chaque réseau. Une démarche au cas par cas est donc la plus à même de faire appel à la créativité des partenaires sociaux face à des situations qui sont propres à chaque site et qu'eux seuls connaissent.

Ainsi, le contenu de l'accord sur la prévention des conflits négocié en 1996 à la RATP diffère sur beaucoup de points de celui signé en 2004 à la SNCF. Les différences tiennent, par exemple, aux exigences qu'y placeront les directions, notamment en cas de non-respect des accords, ou aux moyens, en termes de représentation syndicale, qu'elles prévoiront pour favoriser le dialogue social. Les accords de fiabilité sociale déjà signés permettent de regrouper en trois thèmes les aspects sur lesquels il importe de formuler des engagements réciproques.

Le premier thème est la définition du rôle des représentants du personnel en matière de négociation et de prévention des conflits, et des moyens et outils qui leur sont alloués pour cela. Il s'agit notamment du mode de désignation des interlocuteurs en charge des négociations aux différents niveaux de l'entreprise ; du nombre des heures de délégation, qu'il n'appartient évidemment pas au législateur de fixer ; de celui des permanents syndicaux ; de la formation au droit syndical, et ce à tous les niveaux de l'entreprise.

Le deuxième thème a trait aux procédures à utiliser pour éviter les conflits : mise en place d'une procédure de « demande de concertation immédiate » avec engagement de négociation durant le préavis ; recours possible à une médiation extérieure ; rédaction et diffusion d'un constat écrit des désaccords.

Le troisième est l'organisation de l'activité en période de conflit. L'accord doit avoir pour effet de réduire le plus possible les désagréments causés aux usagers : par une information fiable donnée l'avant-veille, puis confirmée la veille, tant à l'autorité organisatrice qu'aux clients ; par la reconnaissance du droit de chacun à travailler ; par une souplesse reconnue à l'employeur dans l'organisation du travail des personnels disponibles.

Deux points essentiels sont à souligner. En premier lieu, l'engagement total des directions d'entreprises est indispensable au succès ; la mise en œuvre d'un accord de prévention des conflits et de continuité de service suppose une détermination des entreprises à tous les niveaux de la hiérarchie. En second lieu, la création de comités de concertation dans chaque réseau, associant l'autorité organisatrice, l'entreprise de transport et les représentants des clients est le moyen de mettre en place un organe permanent d'amélioration de la qualité globale de la prestation de transport.

Les nombreux contacts que le ministre a eus sur cette question depuis le 12 juillet 2005 montrent une évolution favorable des mentalités. L'UTP a entrepris des discussions avec chacune des organisations syndicales nationales en vue de parvenir à l'établissement d'un accord cadre dont les dispositions pourront être reprises dans les négociations à mener au niveau de chacun des réseaux.

S'agissant des perspectives de signature de nouveaux accords entre autorités organisatrices et entreprises délégataires ou prestataires dans le domaine du transport urbain, la plupart des communautés d'agglomérations, régions ou départements attendaient jusqu'à ces dernières semaines l'adoption d'une position claire et des directives d'action de la part de leurs structures nationales. Le GART s'est nettement engagé, soutenu explicitement par l'AMF, par l'AMGVF, par l'ADCF, et plus timidement par l'Association des régions de France (ARF). La décision du 22 février du GART d'adresser un vade-mecum aux autorités organisatrices devrait faire avancer les choses. Sans attendre, des progrès ont été enregistrés sur certains réseaux, ainsi à Nancy, où le long conflit de 2005 a fait évoluer les esprits, et où le maire, M. André Rossinot, travaille avec ses services et le prestataire de transport à la finalisation d'un dispositif de garantie de service.

S'agissant des avenants ou renouvellements des conventions TER entre les régions et la SNCF, les directeurs régionaux de la SNCF, à la demande du ministre, se sont rapprochés fin 2005 des responsables des conseils régionaux pour leur proposer de mettre en place des dispositifs sur le modèle de la convention signée en Alsace et ce, en particulier pour les 13 conventions qui seront renégociées en 2006 : Basse-Normandie, Haute-Normandie, Bourgogne, Bretagne, Champagne-Ardenne, Franche-Comté, Lorraine, Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Poitou-Charentes, Rhône-Alpes, Languedoc-Roussillon, Centre et Picardie.

Le président de la SNCF a indiqué jeudi 9 mars au ministre que l'accueil des autorités régionales était réservé. II serait toutefois regrettable de ne pas saisir l'occasion du renouvellement des conventions TER pour introduire des dispositions relatives aux plans de transport minimum garantis, d'autant que ceux-ci ne suscitent pas, selon le président de la SNCF lui-même, d'opposition systématique des syndicats. Il faut donc souhaiter que les présidents de conseils régionaux se saisissent de cette question.

En ce qui concerne les accords d'entreprise, le groupe Transdev a signé le 22 décembre 2005 avec cinq organisations syndicales - depuis rejointes par la CGT - un accord qui traduit une nette évolution des mentalités, ainsi qu'en atteste la formulation suivante :

« Tout en réaffirmant le principe constitutionnel du droit de grève, les parties s'engagent pendant toutes les périodes précédant un tel événement à un dialogue effectif, notamment pendant la période de préavis. Aussi les représentants syndicaux s'engagent-ils à participer aux réunions de négociations déclenchées rapidement par la Direction, de même que cette dernière examinera avec diligence les propositions présentées par les représentants du personnel.

Les objectifs lors des réunions consistent à rechercher d'une part la résolution des différends et d'autre part des solutions constructives tendant à la réduction des désagréments causés aux voyageurs. »

Le groupe Keolis a signé à Caen, en juin 2005, grâce au soutien de la municipalité, un accord intéressant en ce qu'il traite les différents aspects nécessaires à la prévention des conflits tout en intégrant les attentes des clients. Cet accord n'avait toutefois pas été mis en application car les signataires voulaient se donner une période de réflexion ; il est désormais officialisé et va entrer en application. Un accord du même type pourrait être signé à Blois, et des discussions sont engagées à Lille, Lyon et Rennes.

Quant au groupe Veolia Transport, il présentera le 23 mars un accord de continuité de service au comité d'entreprise du site de Nancy, et un dispositif d'alarme sociale existe déjà à Nice.

En conclusion, a estimé le ministre, la méthode existe, est éprouvée, et donne des résultats. Les mentalités ont beaucoup évolué en l'espace d'une année, et l'attente des usagers est forte. Les responsables nationaux souhaitent accompagner le mouvement. Mais, sur le terrain, les accords tardent à aboutir. Il faut que ceux à qui il revient de signer ces accords - présidents de conseils régionaux, de communautés urbaines ou d'agglomérations, dirigeants des grands groupes de transports urbains et de la SNCF, responsables des organisations syndicales - démontrent par des actes la valeur de la démarche conventionnelle à laquelle ils se disent attachés. Aussi le ministre a-t-il proposé aux deux commissions un nouveau rendez-vous au mois de juin, pour leur présenter le bilan de son travail d'incitation.

Le président Patrick Ollier a remercié le ministre de son exposé et salué les avancées dont il a fait état, qui tendent à donner raison à ceux qui préfèrent la voie de la négociation à la voie législative. À la SNCF, 699 préavis de grève ont été déposés en 2005 et seuls 44 ont effectivement débouché sur une grève, grâce au mécanisme de concertation immédiate prévu par l'accord sur la prévention des conflits. Il a toutefois regretté que cet accord, qui produit des résultats positifs lorsqu'il est mis en œuvre, ne soit pas obligatoire et ne précède en fait que 14 % des préavis déposés. Estimant que le problème est moins d'assurer un service minimum en cas de grève que d'éviter celle-ci, il a renouvelé sa confiance au ministre pour obtenir la signature de nombreux accords en ce sens d'ici le mois de juin. Il s'est alors demandé si l'idéal ne serait pas d'étendre, de généraliser les accords déjà signés.

Le président Jean-Michel Dubernard s'est demandé si une négociation entre le Groupement des autorités responsables des transports publics (GART) et l'Union des transports publics (UTP) ne contribuerait pas fortement à obtenir ce souhaitable accord national, et s'il était possible d'inciter les régions à se départir, lors du renouvellement des treize conventions TER venant à échéance en 2006, d'une attitude que le ministre a jugé « timide ». Les citoyens sont impatients, les élus aussi ; si les progrès constatés sont insuffisants, faudra-t-il se résoudre à légiférer ?

Le président Patrick Ollier s'est associé au constat dressé par le ministre, notamment s'agissant de la nécessité d'assortir le service minimum garanti d'un cadre de prévention et de règlement des conflits - y compris à des niveaux intermédiaires, voire atelier par atelier. Il est naturel que ce changement culturel prenne un certain temps.

M. Maxime Bono a indiqué que la voie contractuelle était, pour le groupe socialiste, la seule qui permette le dialogue et la concertation qui ont tant fait défaut sur l'actuel projet de modification du droit du travail. Aussi la Commission a-t-elle eu raison de vouloir écarter la voie législative.

Comment définir, au demeurant, un « service minimum garanti » autrement que de façon contractuelle, puisque la notion même de garantie induit l'idée de contrat ? En tout état de cause, il ne saurait s'agir d'assurer un service complet aux heures de pointe, car, ainsi que l'a souligné le rapport sur la continuité des services publics dans les transports terrestres de voyageurs, dit rapport Mandelkern, ce serait remettre en cause le droit de grève ; une telle proposition, que l'on en entend parfois évoquer sur les bancs de la majorité, est à la fois simpliste et inapplicable.

Au niveau local, les positions évoluent, ainsi que l'a reconnu le ministre, et les autorités organisatrices de transports tendent à introduire des clauses de garantie au fur et à mesure du renouvellement des contrats. Reste qu'on ne peut comparer la situation d'un département ou d'une intercommunalité à celle d'une région, qui traite avec un seul interlocuteur unique : la SNCF. Les bonnes pratiques en matière de droit social, tels que les dispositifs d'alarme sociale ou de prévention des conflits, portent leurs fruits, et les grèves ne figurent d'ailleurs plus qu'au cinquième rang des préoccupations des usagers, qui pâtissent bien davantage du manque de moyens dévolus aux transports publics, notamment ceux en site propre, dont les crédits sont en baisse dans la loi de finances.

L'orateur a conclu en disant avoir apprécié le ton de l'intervention du ministre, la qualité de son exposé et sa volonté de poursuivre sur la voie de la négociation.

M. François Sauvadet a estimé qu'il ne fallait pas, comme vient de le faire le représentant du groupe socialiste, minimiser les conséquences des grèves à répétition. Il a salué la volonté du ministre de faire progresser les choses, estimant qu'elle était partagée par les signataires des différentes propositions de loi, aussi bien celle de M. Jacques Kossowski que celle de M. Christian Blanc. Il a jugé le dialogue et la concertation indispensables, mais si l'on devait constater, au mois de juin, qu'aucun progrès significatif n'a été obtenu, le législateur devrait prendre la responsabilité de fixer un cadre. Il a alors souhaité connaître l'attitude qu'adopterait le Gouvernement en pareilles circonstances.

M. Jacques Kossowski a considéré que, si des propositions de loi n'avaient pas été déposées, aucune évolution n'aurait été constatée sur le terrain ni dans les mentalités, et que l'angélisme dont fait preuve le groupe socialiste ne peut avoir pour effet que d'inciter les parties à tergiverser. Peut-être les grèves ne sont-elles plus que le cinquième motif de préoccupation des usagers, mais elles reviennent au premier rang lorsqu'elles se produisent. Le dialogue et la négociation sont souhaitables, mais il faut aussi décider : il n'est pas question que les choses traînent encore deux ou trois ans. Le mois de juin doit être la limite ultime, et il faut que, d'ici là, des avancées soient observées à l'occasion du renouvellement des conventions TER.

Mme Marylise Lebranchu s'est inscrite en faux contre le terme d'« angélisme » employé par M. Jacques Kossowski et a affirmé que, dans les régions, les grèves n'étaient pas le sujet de préoccupation principal des usagers des transports publics. En Bretagne, ceux-ci souhaitent surtout que l'on trouve le milliard d'euros nécessaire pour prolonger jusqu'à Brest et Quimper la liaison ferroviaire à grande vitesse, et lorsque les transports publics y sont en grève, c'est à la suite de mots d'ordre nationaux, non pas régionaux, ce qui ne simplifie pas la tâche des autorités organisatrices. Ainsi que l'a souligné récemment M. François Fillon à propos d'autre chose, « ne pas prendre le temps de la concertation est toujours une erreur » ; le Gouvernement a raison de vouloir, sur ce dossier en tout cas, prendre le temps de la concertation.

Elle a indiqué qu'un autre problème majeur, pour la Bretagne, était celui des transports aériens, car plus d'une liaison sur cinq fait l'objet de perturbations liées à des problèmes sociaux au sein d'une des entreprises ou entités, au nombre d'une dizaine, qui interviennent dans la chaîne de transport.

M. Alain Gouriou a considéré que l'attitude du groupe socialiste n'était pas angélique, mais pragmatique, et salué la démarche contractuelle suivie, une fois n'est pas coutume, par le Gouvernement. Il faut éviter dans toute la mesure du possible le recours à la grève, qui pénalise les plus défavorisés, mais aussi les personnels eux-mêmes, qui ne cessent pas le travail par plaisir. Pour cela, la seule solution est de déminer les conflits à l'avance, en mettant à profit la période qui sépare le dépôt du préavis du jour fixé pour la grève, sans quoi l'on risque de revoir ce que l'on a vu à Marseille : une ville entière bloquée pendant un mois. Il a jugé qu'emprunter la voie législative pour imposer un service minimum serait source de contentieux accrus, et ce service minimum ne pourrait, sauf à porter atteinte au droit de grève, c'est-à-dire à la Constitution et à la démocratie, ainsi que l'a souligné le rapport Mandelkern, satisfaire tous les besoins des usagers ; il ne fera que créer de formidables embouteillages dans les gares, sur les voies et sur les routes.

M. Jean-Michel Bertrand a estimé qu'il était plus important encore de prévenir les conflits que d'organiser un service minimum, et qu'il était tout à l'honneur du ministre et du Gouvernement de s'y employer. Il ne s'agit pas de porter atteinte au droit de grève, mais de limiter ses abus, dont souffrent les usagers. Une question se pose cependant : on voit bien comment peuvent fonctionner les dispositifs de prévention lorsque le conflit est interne à l'entreprise, mais qu'en est-il lorsqu'il s'agit d'un mot d'ordre national qui n'a rien à voir avec celle-ci ?

Le président Patrick Ollier s'est demandé si un accord tel que celui conclu par le STIF pouvait être étendu, voire généralisé : existe-t-il des procédures qui permettent de l'envisager ?

Le ministre a apporté les réponses suivantes :

- chacun reconnaît que l'état d'esprit des différents partenaires a évolué de façon très significative depuis dix-huit mois, et que les positions se sont rapprochées. Au sein même du GART, par exemple, il y avait deux points de vue voici un an ; il n'y en a plus qu'un aujourd'hui, que traduisent les quatre recommandations adoptées par cet organisme, et qui peuvent servir de vade-mecum aux autorités organisatrices. La même évolution peut être observée au sein des organisations syndicales. Il reste à faire comprendre à tous ces responsables que le temps est venu d'aboutir à un accord ; la conviction du ministre est que c'est possible, et que le renouvellement des 13 conventions TER venant à échéance est une occasion qu'il ne faut pas laisser passer. Il appartient aux élus de faire un travail d'explication sur le terrain, afin de persuader toutes les parties qu'elles ont intérêt à conclure ;

- il est vrai que conflits nationaux et conflits locaux ne relèvent pas de la même problématique, et le système d'alerte doit donc fonctionner au niveau le plus pertinent. Mais ce n'est pas parce qu'un préavis de grève a été déposé au niveau national que la négociation sur le terrain n'est pas utile, bien au contraire. Les deux aspects sont complémentaires ;

- les accords conclus entre les entreprises de transports et les autorités organisatrices organisent des relations contractuelles, dans le cadre du code des marchés publics. Ils ne sauraient donc être étendus ni généralisés comme peuvent l'être des accords collectifs entre employeurs et représentants des salariés. Si le législateur devait intervenir, il lui faudrait tenir compte de cet élément pour définir la portée de l'obligation qu'il imposerait ;

- le service minimum garanti définit un niveau de service, ainsi que des priorités. Le GART a demandé que cette définition soit la plus détaillée possible, que soient précisés les horaires, les dessertes, les types de service prioritaires. Il faut aller au-delà d'un simple décompte des pourcentages et raisonner en termes qualitatifs ; c'est à cette condition que l'on pourra mobiliser les uns et les autres pour faire respecter les accords conclus ;

- le Gouvernement, enfin, a pris note de la détermination des signataires de la proposition de loi à légiférer si le dialogue n'aboutit pas, mais il s'emploie, précisément, à persuader les parties prenantes de sauter le pas, et a la conviction est que c'est possible.

Le président Patrick Ollier a rappelé que la décision des deux Commissions d'organiser des rendez-vous réguliers avec le ministre en charge des transports visait à éviter, dans la mesure du possible, de légiférer sur cette question. Depuis le 3 novembre 2004, un certain nombre d'avancées ont été constatées, qui ont permis de faire patienter les signataires de la proposition de loi. Il convient que ces derniers fassent confiance au ministre pour obtenir, d'ici le mois de juin, des résultats significatifs.

M. Jacques Kossowski a insisté pour que la concertation ne s'éternise pas, car si d'aventure - encore que l'hypothèse soit improbable à ses yeux - un changement de majorité survenait en 2007, tout le processus serait enterré.

Le président Patrick Ollier a salué la position conciliante de M. Jacques Kossowski et, à travers lui, des signataires de la proposition de loi.

Mme Marylise Lebranchu a souhaité revenir sur la question des aéroports régionaux, tout en convenant avec le président Patrick Ollier qu'elle n'était pas directement liée à celle du service minimum garanti. La décentralisation de ces aéroports ne laissera-t-elle pas l'autorité organisatrice impuissante face à la multiplicité des délégataires ou prestataires de services, la défection d'un seul suffisant à arrêter toute la chaîne ?

Le ministre a distingué la question du contrôle aérien, régi par la loi du 31 décembre 1984 relative à l'exercice du droit de grève dans les services de navigation aérienne, qui limite, en cas de grève, le trafic en fonction du pourcentage de grévistes, pour d'évidentes raisons de sécurité, et celle des autres prestations de services. Lorsque la responsabilité des aéroports aura été décentralisée, les collectivités devront exiger des entreprises délégataires de services publics qu'elles aient mis en place des dispositifs d'alerte sociale et de prévention des conflits.

Le président Patrick Ollier a remercié le ministre pour son exposé et ses réponses.

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