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COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES,
DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 66

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 4 juillet 2006
(Séance de 15 heures)

Présidence de M. Patrick Ollier, Président

SOMMAIRE

 

pages

- Audition, ouverte à la presse, de M. Thierry BRETON, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et de M. François LOOS, ministre délégué à l'industrie, sur le projet de loi relatif au secteur de l'énergie (n° 3201)

 

(M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur)

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- Examen de la proposition de résolution de M. François BROTTES (n° 3071) tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conditions de formation des prix sur le marché de l'électricité, sur leurs conséquences pour les entreprises et les particuliers et sur la nécessité de mettre en oeuvre des mécanismes de régulation

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- Examen de la proposition de résolution de M. Jean-Pierre BALLIGAND (n° 3017) tendant à la création d'une commission d'enquête relative au projet de fusion entre Gaz de France et Suez, aux conditions de sa préparation et de son annonce et aux conséquences de la privatisation de Gaz de France pour les usagers et l'équilibre du marché de l'énergie

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La Commission a entendu M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et M. François Loos, ministre délégué à l'industrie, sur le projet de loi relatif au secteur de l'énergie (n° 3201).

Le président Patrick Ollier, après avoir accueilli M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et M. François Loos, ministre délégué à l'industrie, a indiqué que la commission des affaires économiques, une fois saisie, s'était immédiatement penchée sur le projet de loi relatif au secteur de l'énergie.

Il a indiqué que des auditions publiques seront organisées probablement les 18 et 19 juillet et que le rapporteur présenterait un rapport d'étape à la Commission le 26 juillet. Il a précisé que la Commission travaillerait en synergie avec le Sénat pour que la session extraordinaire permette de dégager des points de convergence entre les deux assemblées. Puis, il a indiqué que, si la session commençait dans les premiers jours de septembre, la commission se réunirait les 29, 30, 31 août et éventuellement le 1er septembre afin d'examiner les articles et que, si la session commençait plus tard, les réunions de la commission se tiendraient les 5, 6 et 7 septembre.

M. François Brottes ayant demandé qu'un rapport définitif ne soit pas déposé lors de la réunion du 26 juillet, ce qui empêcherait le dépôt ultérieur d'amendements, le président Patrick Ollier a pris l'engagement que cette réunion serait seulement l'occasion d'examiner un rapport d'étape.

Puis il a jugé nécessaire de revenir sur l'économie générale du projet, projet qui a suscité des quiproquos et des incertitudes, davantage cependant sur des questions de calendrier que sur des problèmes de fond. Il n'en demeure pas moins que certains députés, de l'opposition mais aussi de la majorité, restent à convaincre. Le président de la commission et le porte-parole du groupe UMP dans le débat sur l'énergie du 14 juin, M. Serge Poignant, avaient insisté sur la qualité du projet industriel et sur la nécessité d'abaisser la part de capital public en vue de permettre une fusion décidée, en tout état de cause, par les actionnaires.

Le président Patrick Ollier a rappelé les conditions à son acceptation du projet, posées lors du débat du 14 juin dernier : la préservation de l'identité du groupe Gaz de France dans le cadre d'une fusion entre égaux, la pérennité des missions de service public et leur enrichissement par la création d'un tarif social du gaz, le maintien du statut des personnels et la garantie d'un contrôle public efficace sur le nouvel ensemble, avec, d'une part, une minorité de blocage de l'Etat à 34 % inscrite dans la loi et, d'autre part, la création d'une action spécifique.

S'agissant de l'électricité, il a jugé que les augmentations de prix de 60 à 80 % subies par les entreprises ayant exercé leur éligibilité étaient insupportables. Il a donc souhaité que les ministres indiquent la position du Gouvernement, d'une part, sur un tarif de retour, supérieur au tarif réglementé de droit commun, un peu à l'image de ce qui a été institué en Espagne et, d'autre part, sur le maintien du bénéfice des tarifs pour tous les consommateurs le souhaitant.

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a insisté sur l'importance du projet de loi pour les consommateurs français et pour le développement de l'entreprise Gaz de France.

Au cours des derniers mois, le processus de concentration des entreprises dans le domaine de l'énergie, plus particulièrement dans celui du gaz, s'est accéléré en Europe. Ce phénomène est lié à l'ampleur exceptionnelle de l'augmentation du prix du pétrole, sur lequel est indexé celui du gaz, et qui n'a été anticipée ni par la France - à tel point que le prix du baril constaté en 2005 a atteint près du double de celui sur lequel était assis le budget adopté pour cet exercice - ni par quiconque.

Il importe de se donner les moyens de faire face à ce nouveau contexte. Gaz de France, à l'instar de la plupart de ses homologues européennes, ne disposant d'aucun gisement, elle exerce exclusivement une activité d'achat et de distribution, ce qui la contraint à sécuriser ses sources d'approvisionnement et à chercher à peser sur les prix d'achat.

Les tarifs du gaz sont fixés par le Gouvernement sur proposition ou après avis de la Commission de régulation de l'énergie. Contrairement à ce que pense parfois l'opinion publique, la détention du capital par l'État n'a aucune influence sur les tarifs ; c'est ainsi que le prix du gaz, en 2000-2001, augmenta de 30 % bien que le capital de Gaz de France fût alors intégralement public.

La plupart des acteurs européens de l'énergie sont engagés dans un processus de consolidation, comparable à celui qui toucha les télécommunications à la fin du siècle dernier : pour ne pas rester isolée et notamment pour ne pas manquer la formidable explosion de la téléphonie mobile, France Télécom dût alors procéder à des acquisitions en numéraire, faute d'être autorisée par la loi à céder des titres, contrairement à tous les autres grands opérateurs européens, ce qui coûta finalement très cher au contribuable. Gaz de France, très belle entreprise dont les salariés accomplissent depuis toujours un travail remarquable, mais acteur de taille moyenne, est à la veille d'un tournant similaire, auquel il faut se préparer.

Gaz de France peut-elle continuer sans changements ? Des projets existent pour que Gaz de France puisse aller de l'avant. L'un d'entre eux est l'alliance avec Suez, les deux entreprises souhaitant depuis longtemps examiner les conditions dans lesquelles elles pourraient élaborer un projet industriel commun et s'unir afin de devenir le premier opérateur mondial dans le secteur du gaz naturel liquéfié, secteur qui requiert des investissements considérables.

Les velléités exprimées par d'autres acteurs éminents, en particulier ENEL, entreprise bien connue et appréciée des pouvoirs publics français, ont révélé combien il était urgent de donner à Gaz de France les moyens d'avancer et d'utiliser une partie de son capital pour procéder à une consolidation et grandir, avec un ou plusieurs partenaires, sans pour autant mettre en péril son avenir ni ses missions premières, notamment ses missions de service public.

En soumettant ce texte au Parlement, le Gouvernement ne lui demande en aucun cas d'approuver ou de désapprouver le projet Suez-GDF, dont il incombe aux seules instances de gouvernance des deux entreprises d'évaluer l'intérêt et alors que d'autres projets seront peut-être proposés. Il convient donc simplement de se demander, en conscience, si la structure de Gaz de France lui permet de faire face aux défis mondiaux actuels tout en servant au mieux ses clients dans le cadre d'un projet industriel sachant qu'il ne s'agit pas de permettre à l'Etat de vendre ses titres dans le cadre d'une opération financière.

Gaz de France doit pouvoir bénéficier de davantage de souplesse pour procéder, le cas échéant, à des fusions ou à des participations croisées en fonction des projets possibles. Simplement, le débat sans vote qui a été organisé à l'Assemblée nationale et au Sénat a mis en évidence deux points auxquels les parlementaires sont attachés pour préserver les missions d'intérêt général de Gaz de France : la détention d'une minorité de blocage de 34 % par l'État et la création d'une action spécifique assurant un droit de veto de l'Etat sur les actifs stratégiques, à savoir les méthaniers, la distribution et les stockages stratégiques.

Le premier volet de la loi porte donc exclusivement sur l'évolution capitalistique de Gaz de France : il consiste à permettre à l'entreprise d'aller de l'avant en faisant évoluer la structure de son capital, la part minimale détenue par l'État passant de 70 à 34 %. La décision dépendra ensuite des instances de gouvernance de Gaz de France, dans lesquelles l'État est majoritaire.

Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a donné l'assurance au président de la commission qu'il s'entretiendrait avec lui des positions de l'Etat actionnaire avant toute opération industrielle. Il a rappelé qu'il avait mené, en tant que chef d'entreprise notamment lorsque M. Lionel Jospin était Premier ministre, nombre d'opérations industrielles, à l'occasion desquelles il avait pu mesurer l'importance de la structure du capital d'une entreprise.

Le deuxième volet du projet de loi consiste à transposer les dispositions de la directive adoptée à la fin de la précédente législature entrant en vigueur le 1er juillet 2007. Si la France ne fait rien, la directive s'appliquera automatiquement, sans que les consommateurs puissent choisir le régime du tarif régulé, ce qui entraînera une concurrence sauvage sur le marché de l'énergie, complètement libéralisé. Le Gouvernement veut donc mieux protéger le consommateur en transposant la directive avant le 1er juillet 2007.

Le Gouvernement souhaite maintenir les tarifs régulés et proposera un tarif social du gaz pour les citoyens les plus défavorisés, ce qui nécessite des dispositions législatives.

Si l'alliance entre Gaz de France et Suez se concrétise, ce sera une opération entre égaux. Les conditions suivantes seront respectées : les missions de service public de Gaz de France resteront évidemment inchangées ; le statut du personnel des industries gazières et pétrolières sera évidemment maintenu ; l'État assurera pleinement son rôle de contrôle sur le nouvel ensemble, grâce à la minorité de blocage et à l'action spécifique et, en outre, la possibilité de nommer des commissaires du Gouvernement dans les filiales ; l'ouverture aux marchés ne remettra pas en cause le cadre tarifaire existant ; tous les consommateurs qui le souhaiteront pourront continuer de bénéficier des tarifs réglementés de l'électricité et du gaz ; le Gouvernement est également disposé à assouplir les conditions d'accès au tarif des nouveaux sites industriels. Il répond donc positivement aux questions du président Ollier.

Le texte proposé pose donc, en résumé, deux questions. Premièrement, Gaz de France doit-il rester en l'état ou faut-il lui donner la possibilité d'évoluer, sous certaines conditions afin de mener un projet industriel ? Deuxièmement, ne convient-il pas de transposer la directive pour conforter la situation des consommateurs français ?

M. François Loos, ministre délégué à l'industrie, a ajouté que, si l'État ne faisait rien, la directive serait automatiquement appliquée au 1er juillet 2007, ce qui entraînerait une suppression des tarifs régulés.

Aujourd'hui, dans le secteur de l'électricité, les tarifs sont beaucoup plus faibles que les prix - les entreprises qui se plaignent d'une hausse des prix ne ressortissent plus du régime des tarifs. Que le fournisseur de gaz ou d'électricité soit public ou privé, les tarifs sont régulés : ils sont fixés par le Gouvernement, sur proposition ou après avis de la Commission de régulation de l'énergie. Les prix, au contraire, déterminés par le marché, varient tous les jours, toutes les heures, toutes les minutes, comme la Bourse. Ils sont bien plus élevés que les tarifs, qui, sans loi, devront disparaître. C'est pourquoi il est indispensable de transposer la directive.

Le Gouvernement a par conséquent demandé au Conseil supérieur de l'électricité et du gaz (CSEG) - présidé par M. le député Jean-Claude Lenoir, et dans lequel siègent l'ensemble des acteurs de l'électricité et du gaz, y compris les partenaires sociaux - d'examiner comment une loi de transposition permettrait d'éviter la suppression des tarifs. Les propositions du CSEG ont pratiquement été retranscrites dans la deuxième partie du projet de loi.

Depuis 2002, la directive a été progressivement transposée : les plus gros consommateurs ont été autorisés à choisir leur fournisseur et à quitter le tarif, puis les consommateurs moyens et, au stade actuel, tous les professionnels, c'est-à-dire plusieurs millions des clients, ont le choix : ils sont qualifiés de consommateurs « éligibles ».

Si rien n'est fait, la prochaine étape sera, lors la généralisation de l'éligibilité à tous les consommateurs, la suppression du tarif. Il s'agit donc de déterminer les conditions de maintien du tarif tout en appliquant l'élargissement de l'éligibilité à tous les consommateurs.

Le système inventé par le CSEG est bien meilleur, bien plus souple que celui en vigueur. Actuellement, en vertu de la directive, quiconque a renoncé au tarif ne peut plus y revenir. Le CSEG suggère de maintenir les tarifs et d'ouvrir la possibilité d'un retour aux tarifs pour les ménages en prenant en compte le couple personne/site et non plus le site seul. Et le Gouvernement, sensible aux difficultés des petites entreprises ayant exercé leur éligibilité et faisant face à un prix de l'électricité élevé, est ouvert à la recherche d'une solution, dans le cadre des contraintes européennes et concurrentielles.

Le président Patrick Ollier s'est félicité que le projet de loi porte un projet industriel. Si la fusion devait aboutir, le nouveau groupe deviendrait le premier acheteur européen de gaz, ce qui pourrait jouer sur le prix d'importation. Compte tenu de la progression du prix du pétrole, celui des tarifs de gaz ne pourra pas baisser mais leur évolution sera mieux maîtrisée au bénéfice du consommateur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a souligné à son tour que ce projet de loi n'était pas un texte sur la fusion Suez-Gaz de France, mais comportait trois volets : la transposition des directives sur l'éligibilité à compter du 1er juillet 2007 ; la transposition de l'annexe A sur les consommateurs ; la modification de la part de l'État dans le capital de Gaz de France.

Le CSEG s'est effectivement vu confier pour mission d'explorer les voies et moyens de transposer les directives européennes dans les meilleures conditions.

Les consommateurs s'estiment parties prenantes du mouvement vers l'ouverture des marchés mais sont extrêmement attachés à l'institution d'un médiateur pour l'énergie. Dans le texte, il est envisagé que chaque fournisseur se dote de son médiateur. Il serait préférable qu'un médiateur public unique traite les problèmes rencontrés par les clients de tous les fournisseurs.

Si le législateur français reste inactif, le couperet de l'ouverture des marchés tombera le 1er juillet 2007 : la directive s'appliquera sans discernement. Le distributeur doit impérativement être séparé juridiquement de l'opérateur principal pour 2007, comme ce fut le cas, en 2004, du transporteur.

Pour ce qui concerne la question extrêmement sensible des prix et des tarifs, une pédagogie active est également nécessaire. Le groupe de travail du CSEG a jugé indispensable que la loi fixe le cap d'un maintien des tarifs, pour les entreprises industrielles comme pour tous les autres clients.

En vertu des lois précédentes, les grosses entreprises puis l'ensemble des professionnels sont devenus éligibles et des dysfonctionnements sont très rapidement apparus. Plusieurs parlementaires se sont fait l'écho d'entreprises industrielles menacées dans leur existence même du fait de la forte hausse des tarifs de l'électricité. Il convient de raisonner avec sagesse et pragmatisme : même si la directive ne le prévoit pas, il pourrait être envisagé d'autoriser les clients ayant opté pour le tarif dérégulé, au terme d'une période probatoire courte, par exemple jusqu'au 1er juillet 2007, à revenir à un tarif de retour régulé, pour une durée très limitée, par exemple trois ans. Sinon, un problème majeur se posera avant même l'examen des autres dispositions du texte. Les ministres doivent lever le doute pesant sur cette question afin de créer un climat favorable à l'examen du troisième volet du projet de loi.

Sur ce point, le rapporteur a indiqué qu'il étudierait toutes les options avec ouverture et sans aucun tabou pour parvenir à des propositions à la fois satisfaisantes et acceptables.

M. François Brottes a ironisé sur l'habileté acquise par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en matière de marketing au cours de son parcours professionnel, en affirmant que le texte répondait à la question suivante : comment privatiser Gaz de France sans en avoir l'air et tout en parlant d'autre chose ?

La directive aurait pu être transposée dès 2004, à l'occasion de l'examen du projet de loi défendu par M. Nicolas Sarkozy. Mais un texte comportant l'instauration de tarifs sociaux permet d'esquiver le sujet principal.

Deux dates comptent s'agissant de l'ouverture du marché : en 1996, sous le gouvernement de M. Alain Juppé, première directive relative à l'ouverture du marché de l'électricité ; en novembre 2002, sous le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin, adoption des directives prévoyant l'ouverture totale à la concurrence pour les ménages, à l'occasion d'un conseil des ministres de l'énergie.

Le président Patrick Ollier et M. Jean-Claude Lenoir ont rappelé qu'il y avait également eu le sommet de Barcelone.

M. Jean-Marc Ayrault a précisé que les directives étaient approuvées en conseil des ministres et que la majorité ne pouvait se défausser, dans la mesure où, le 25 novembre 2002, la France était représentée par Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie.

M. François Brottes a rappelé qu'au sommet de Barcelone, M. Lionel Jospin avait obtenu deux engagements : l'exclusion des ménages de l'ouverture à la concurrence ; la rédaction d'une directive-cadre pour les services d'intérêt général.

Le parallèle avec le secteur des télécommunications ne tient pas, car ce secteur n'a strictement rien à voir avec celui de l'énergie, dans lequel entrent en jeu les problématiques de l'effet de serre ou de la pénurie des matières fossiles.

Si un acteur public ne peut pas influencer les prix, pourquoi M. Jean-François Cirelli reproche-t-il donc au Gouvernement d'avoir commis un abus de pouvoir d'État en freinant l'augmentation des prix du gaz ? L'actionnaire majoritaire peut évidemment peser sur les décisions.

Le projet de loi n'évoque la privatisation de GDF que dans son article 10. Mais pourquoi le Gouvernement, préalablement à l'ouverture définitive du marché à la concurrence pour l'ensemble des clients, n'a-t-il pas réclamé à la Commission européenne une étude d'impact avant l'ouverture définitive du marché pour l'ensemble des acteurs ? Cela aurait permis d'en mesurer les effets négatifs, à savoir l'accroissement considérable des prix, non seulement pour les industriels mais aussi pour les ménages.

L'eurocompatibilité du texte du Gouvernement est-elle garantie ? La Commission européenne a-t-elle donné son feu vert à l'action spécifique ? Quelles sont ses garanties d'efficacité ?

La majorité a successivement justifié la privatisation de GDF par une panoplie de raisons : sauver le soldat Suez face à la menace ENEL ; faire sortir Gaz de France de son isolement ; sécuriser les approvisionnements. Certains prétendent même qu'il s'agit de trahir M. Nicolas Sarkozy et l'engagement pris par lui sur les 70 %, voire tout simplement de faire entrer de l'argent dans les caisses de l'État.

Qui pourra continuer à bénéficier du tarif réglementé ? Sera-t-il eurocompatible ? La réversibilité sera-t-elle possible ? Bien que M. François Loos ait entrouvert une porte, rien n'est inscrit dans le texte pour que les victimes de l'éligibilité reviennent à meilleure fortune.

Sur quelle base le fichier des ayants droit au tarif social sera-t-il constitué ? Qui y aura accès ? Gaz de France réseau distribution (GRD) sera-t-il public ou privé ? Le maintien de services communs entre EDF et GDF sera-t-il compatible avec le funeste projet de privatisation accélérée de GDF et la fusion avec tel ou tel opérateur ? La péréquation sera-t-elle garantie sur l'ensemble du territoire ?

Sur tous ces points, le voile doit être levé.

Le président Patrick Ollier s'est dit déterminé à faire en sorte que la majorité, par ses amendements, fasse évoluer le texte pour combler ses lacunes.

M. Daniel Paul a estimé que les ministres devaient être perturbés pour en arriver à nier que ce texte n'était pas le prélude à la fusion entre Suez et GDF alors même que son exposé des motifs l'indique clairement.

Le gaz et l'électricité ne sont pas des produits comme les autres. Le Gouvernement propose là une fuite en avant libérale. En quoi une telle fusion sécurisera-t-elle l'approvisionnement de la France en gaz ? Quelle est la part des contrats de long terme dans le portefeuille de Suez ?

Quoi qu'en pense le Gouvernement, les Français font bien le lien entre concurrence et hausse des factures. Même si d'autres facteurs entrent en ligne de compte, la concurrence est synonyme de hausse des prix et menace l'industrie française. Le secteur de l'ammoniaque, en particulier, dans lequel le gaz représente 80 % du coût de production, est gravement atteint, au point qu'une entreprise, Yara, vient d'interrompre sa production au Havre. Comment préserver les entreprises gazo-intensives des turbulences du marché auxquelles elles sont aujourd'hui sujettes ?

Le tarif régulé, contre lequel se sont prononcés le régulateur, les opérateurs et la Commission européenne, est en danger. Au-delà de la loi, comment empêcher que le tarif régulé rejoigne le prix du marché ? Légiférer ne garantit rien.

À combien se chiffrent l'endettement du groupe Suez et celui du groupe Gaz de France ? Le Gouvernement confirme-t-il que GDF n'a pas pleinement bénéficié des sommes levées à l'occasion de l'ouverture de son capital ? Si c'était exact, la fusion constituerait une opération intéressante pour l'un des deux partenaires au moins.

Il existe une politique européenne dans le domaine énergétique : c'est la libéralisation à outrance. Derrière les mots, qui ne parviennent au demeurant même plus à rassurer, le Gouvernement veut, d'une part, casser les accords étatiques qui, pendant de décennies, ont partiellement protégé la France contre les fluctuations du marché, et, d'autre part, créer des oligopoles privés. Bref, il s'agit de privatiser de Gaz de France. Le nouveau groupe - il prendra peut-être pour dénomination « Gaz de Suez » - entrera en concurrence avec EDF, qui sera contraint de rechercher un partenaire gazier et devra ipso facto être privatisé, sans doute après les élections si elles sont par malheur favorables à la droite.

D'aucuns prétendent que la fusion entre EDF et GDF, si elle était obtenue, nécessiterait des cessions, dont le détail n'a du reste jamais été donné. De même, malgré les demandes répétées, le bilan de l'ouverture à la concurrence dans le secteur énergétique, en Europe et en France, n'a également jamais été dressé. Mais quelles cessions de moyens gaziers la fusion GDF-Suez imposerait-elle ?

M. Jean Dionis du Séjour a expliqué que, s'agissant de l'opération Suez-GDF, l'UDF était en « phase d'instruction », même si, à titre personnel, il a jugé que le projet industriel semblait sensé.

Selon les exigences de l'Union européenne, l'affaire sera plus ou moins intéressante. Le Gouvernement doit donner des précisions à ce propos. Où en est-il dans ses échanges, dans son dialogue avec l'Union européenne ? Quelles sont les lignes de force suivies par la direction générale de la concurrence ? Identifie-t-elle une position monopolistique ? Si oui, sur quel marché pertinent ? Identifie-t-elle des atteintes à la concurrence sur des concentrations verticales ? Quelles cessions exigera-t-elle ?

Des rumeurs assez crédibles commencent à circuler concernant des centrales nucléaires d'Electrabel. Sur quoi la Commission européenne concentrera-t-elle son attention ? Sur la participation de GDF dans le deuxième opérateur belge ? Des actifs ne devront-ils pas être cédés en France ? Ces questions seront déterminantes lorsque viendra le moment de se prononcer sur le texte.

Enfin, pourquoi la fusion-absorption de Suez est-elle préférable à d'autres montages, par exemple des participations croisées avec ENEL ?

En réponse aux orateurs des groupes, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a apporté les éléments suivants :

En matière de participations croisées, la question est de savoir quelle marge de souplesse maximum l'on entend donner à Gaz de France pour qu'il puisse procéder à de tels mouvements, dans l'intérêt notamment des consommateurs. Les décisions seront toujours prises par les organes de gouvernance dans lesquels l'État reste majoritairement représenté, et le Gouvernement s'engage à venir au préalable recueillir le sentiment de la représentation nationale sur cette question. Mais affirmer d'entrée de jeu que telle solution est la meilleure reviendrait à s'ingérer dans la vie de l'entreprise, ce qui n'est pas le rôle du Gouvernement. La confusion des responsabilités a pu expliquer certains malaises ou malentendus ; mais depuis, un grand pas a été fait en direction de la représentation nationale, aboutissant à la présentation d'un texte extrêmement simple proposant de donner à Gaz de France les moyens d'aller de l'avant selon des conditions précises.

L'activité gazière n'est pas exactement identique à celle des télécommunications. Reste qu'une erreur a été commise en 2000, relevée par la Cour des comptes et tous les observateurs, lorsque l'on a empêché France Télécom d'utiliser son capital comme les autres pour participer au mouvement européen de concentration ce qui, en définitive, a coûté 23 milliards d'euros à la Nation. Il serait absurde de refaire la même erreur. À l'entreprise de définir la meilleure stratégie - accord avec ENEL, participations croisées, ou autres -, aux pouvoirs publics de la soutenir, au ministre d'alerter la représentation nationale et de recueillir son sentiment pour savoir jusqu'où il est possible d'aller. L'État peut-il se contenter de 30 % des parts ? Cela ne suffira pas. Le projet propose 34 % et il existe un projet de fusion avec Suez mais il y en aura peut-être d'autres : la route est longue, et la Commission européenne ne sera définitivement saisie que lorsque le projet lui apparaîtra réalisable, autrement dit lorsque la loi sera votée. Il ressort toutefois des contacts déjà pris que l'action spécifique a déjà été admise par la Cour de justice des communautés européennes, notamment pour Distrigaz, filiale de Suez.

Pour le reste, des contacts ont lieu entre les entreprises et la Commission et les informations seront communiquées à la représentation nationale en temps réel. Mais une fois que la possibilité leur aura été donnée d'aller éventuellement jusque-là, il appartiendra in fine aux assemblées générales des entreprises et donc au Gouvernement, puisqu'il est majoritaire chez Gaz de France, de décider ou pas de l'utiliser.

Le principe de la directive portant adaptation des marchés de l'électricité et du gaz avait été adopté à l'unanimité lors du sommet de Barcelone : il faut la considérer comme un héritage commun.

S'agissant des tarifs, si l'État actionnaire avait voulu s'enrichir, il aurait dû répondre positivement à toutes les velléités d'augmentation, ce qui n'a pas été le cas dans les derniers mois. À l'inverse, il est arrivé par le passé à M. Dominique Strauss-Kahn et à M. Laurent Fabius de répondre positivement aux demandes d'augmentation de Gaz de France - plus 30 % en moins d'un an... Ce qui tend à prouver que les augmentations de tarifs n'ont rien à voir avec la détention du capital.

Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a donc appelé à recentrer le débat. La question est de savoir si l'on veut ou non donner à Gaz de France la possibilité d'aller de l'avant et si l'on doit transposer la directive telle quelle ou s'entourer de garanties.

Enfin, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a répondu positivement à la demande du rapporteur.

Le ministre délégué à l'industrie a précisé que la question posée par le rapporteur sur un retour aux tarifs appelle une réponse affirmative. Cela dit, tout un ensemble de contraintes doit être pris en compte. Les opérateurs n'ont pas tous la même capacité à vendre de l'électricité : certains ne vendent que l'électricité qu'ils ont achetée en gros. Revenir instantanément aux tarifs comme certains l'imaginent ferait purement et simplement disparaître un certain nombre d'entre eux. Ensuite, on ne saurait réduire à l'excès le niveau de concurrence en Europe sous peine de se voir condamné : force est de rechercher un système qui tienne compte tout à la fois des opérateurs existants et des règles de la concurrence.

Sur cette question, le ministre délégué à l'industrie s'est déclaré prêt à rechercher avec le rapporteur et la commission les réponses appropriées. Certaines ont d'ores et déjà été trouvées pour les entreprises dites électro-intensives, très grosses consommatrices d'électricité : un article a été introduit à cet effet dans la loi de finances de l'année dernière et les autres pays européens souhaitent faire de même. Des contacts ont été pris avec les producteurs afin qu'ils s'engagent à ne pas répercuter le prix des quotas d'émission dans celui de l'électricité, ni les hausses du prix du marché mais seulement les baisses. Autrement dit, le Gouvernement a garanti que les producteurs fassent le maximum de ce qui était faisable sur le plan commercial et est aujourd'hui prêt à discuter avec le Parlement d'une mesure qui permettrait d'aller plus loin, compte tenu évidemment des contraintes déjà exposées.

S'agissant du prix du gaz, le Gouvernement a reçu les entreprises dites « gazo-intensives », c'est-à-dire grosses consommatrices de gaz. À noter que toutes ces entreprises sont favorables à la fusion Gaz de France-Suez. Il faut par ailleurs savoir que certains pays producteurs de gaz comme la Russie pratiquent des prix à l'intérieur qui n'ont rien à voir avec les prix internationaux : c'est précisément cette double tarification qui lui interdit d'être membre de l'OMC. Enfin, obtenir un contrat à long terme, un droit ou une concession d'exploitation d'un gisement oblige à des investissements énormes, proportionnels aux quantités qu'il est supposé receler ; or si Total a les moyens de s'engager dans un tel projet, Gaz de France à lui seul ne les a pas - ce qui explique l'attente des entreprises gazo-intensives, particulièrement attachées à la sécurité de leurs approvisionnements.

Si la France peut paraître en difficulté au regard des prix intérieurs pratiqués en Russie, sa situation est en revanche bien meilleure que celle de la Grande-Bretagne qui a longtemps refusé de s'engager sur des contrats à long terme, persuadée que ses gisements de gaz lui permettaient de se passer de ce genre de précaution. Or le gaz a commencé à manquer cet hiver en Grande-Bretagne et les prix se sont immédiatement mis à flamber. Le but est d'éviter que pareil phénomène ne se produise en France.

M. Serge Poignant a tout d'abord remercié les ministres d'avoir pris le temps d'apporter les réponses nécessaires. Il a souhaité que la possibilité de rester aux tarifs au 1er juillet 2007 soit inscrite dans la loi et vaille pour les consommateurs particuliers comme professionnels, y compris pour les nouveaux sites. Pour les entreprises, le retour à un tarif est une avancée très importante, le tarif en question devant prendre en compte tout à la fois une augmentation raisonnable et les besoins d'investissement d'EDF et GDF, mais certainement pas les rejets de carbone dans la mesure où, grâce à son parc nucléaire, la France produit l'électricité la moins chère et avec des rejets de CO2 parmi les plus bas d'Europe. Il a enfin insisté sur l'enjeu que représentait ce projet pour l'approvisionnement énergétique de la France, pour ses entreprises et pour l'emploi.

Mme Chantal Brunel a voulu savoir ce que représentait la différence entre le tarif et le prix, qui paie la différence et qui la paiera demain. Elle a également demandé qui pourra bénéficier du tarif social et qui le paiera en fin de compte dans la mesure où l'entreprise ne manquera pas d'en réclamer le remboursement. Enfin, dans l'hypothèse d'une fusion Gaz de France-Suez, que deviendra le personnel de cette dernière ? Aura-t-il le statut Gaz de France ? Quel sera celui des gens recrutés par la suite ?

M. Christian Bataille a dénoncé la politique absurde d'un prix européen unique de l'énergie qui conduit à aligner le prix du kilowattheure nucléaire produit en France sur celui du baril de pétrole extrait en Arabie Saoudite. Non seulement l'avantage compétitif dû au nucléaire risque de se voir ainsi gommé, mais le fruit du combat courageux mené dans ce domaine depuis des décennies ne profitera pas aux citoyens et disparaîtra dans un magma incompréhensible.

Le gaz est certes un marché particulier, beaucoup moins maîtrisable que celui de l'électricité et soumis aux aléas des cours mondiaux. La directive européenne risque de s'appliquer inexorablement à compter du 1er juillet 2007 et tout porte à craindre que le projet de loi proposé ne soit qu'un faux-semblant. Au moins le Gouvernement pourra-t-il assurer en 2007 qu'il aura fait l'impossible pour sauver les tarifs régulés et rejeter la faute sur l'Europe s'il garde la majorité, ou sur le nouveau pouvoir s'il vient à la perdre...

Remarquant enfin que, telle que présentée par le Gouvernement, la fusion Gaz de France-Suez se combinait avec une privatisation, M. Christian Bataille s'est demandé pourquoi l'hypothèse inverse n'avait pas été examinée.

M. Jean-Pierre Nicolas, tout en reconnaissant la nécessité de muscler Gaz de France, s'est néanmoins interrogé sur les tarifs, leur aspect social notamment, mais également sur le pouvoir de négociation que cette fusion est supposée renforcer : le marché du gaz a une certaine rigidité et l'on ne peut acheter davantage de gaz si l'on ne trouve pas de clients supplémentaires... Il faudrait donner à Gaz de France une véritable dimension de producteur si l'on veut peser véritablement sur les conditions d'approvisionnement.

À supposer que la loi soit votée, trois inconnues demeurent. Quelle sera la position des actionnaires de Suez ? Ils seraient partisans, dit-on, de voir la part de l'État fixée non à 34 %, mais seulement à 25 %. Un journal financier n'a-t-il pas titré qu'ils avaient intérêt à une OPA d'ENEL ? Il y aura également les contreparties éventuellement demandées par la Commission de Bruxelles. Enfin, quelle sera la position du Conseil constitutionnel au regard du neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 ? Le Parlement ne risque-t-il pas de se voir infliger, après avoir voté une loi, un triple désaveu ?

M. Philippe Auberger a particulièrement apprécié la distinction désormais faite entre la fusion Suez-Gaz de France, devenue très hypothétique, et un texte exclusivement consacré à l'ouverture du capital de Gaz de France. Une éventuelle fusion était subordonnée non seulement au vote de cette loi, mais également à la décision de la Commission européenne qui pouvait obliger l'un ou l'autre à se dépouiller de certains actifs, et enfin à l'accord de l'assemblée générale des actionnaires de Suez en novembre. Autrement dit, le Parlement risquait de s'exposer, après avoir voté cette loi, à un désaveu proprement catastrophique pour son image. Ce changement de présentation apparaît des plus opportuns.

Cela étant, le problème reste celui de la politique des prix et l'ouverture du capital à elle seule ne saurait le régler. Le pétrole est en France distribué par des entreprises privées : or on ne voit guère de véritable concurrence dans ce domaine et les pétroliers s'entendent à augmenter leurs prix sitôt que les cours montent, mais rechignent à les diminuer quand les cours baissent. Il n'y en a pas davantage dans le secteur de l'électricité : Suez ne représente guère que 10 % de la production et, faute de capacités, on est contraint de recourir au marché spot pour faire face aux pointes de consommation.

Ouvrir le capital d'une entreprise impose de faire miroiter un minimum de rentabilité aux actionnaires potentiels, ce qui interdit de pratiquer une politique des prix trop restrictive. Il faudra, pour avoir une vision plus claire et emporter l'adhésion, mettre sur pied un véritable programme de développement détaillant les investissements possibles dans les pays producteurs et les différentes opérations envisageables.

Enfin, la séparation juridique des distributeurs est, dit-on, un impératif. Mais on peut avoir quelques doutes si elle ressemble à celle de EDF et RTE, qui n'est qu'un faux nez dans la mesure où jamais le capital de RTE n'a été ouvert aux entreprises ou à d'autres propriétaires publics.

M. Claude Gaillard s'est également réjoui de l'évolution de l'analyse et de la présentation, passant de « il faut sauver Suez » à une autre logique. Reste que l'énergie et les télécommunications, secteur qu'il a rappelé connaître un peu pour avoir été notamment rapporteur de la loi n° 96-659 du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications, ne procèdent pas des mêmes logiques : l'indépendance énergétique est une affaire importante, sinon essentielle. On ne peut pas ne pas y porter un regard politique dès lors que l'État est propriétaire d'une grande entreprise, Gaz de France. On peut comprendre qu'il faille laisser aux industriels la responsabilité industrielle, mais beaucoup moins que la seule logique économique des groupes prime par rapport à une politique plus européenne. À l'heure où il est plus que nécessaire de retricoter l'Europe après l'échec du référendum, il serait bon de chercher à dégrossir certaines pistes avant de se laisser happer par une logique par trop exclusivement économique et industrielle.

Enfin, comment peut-on être sûr que, une fois le texte adopté, l'ensemble des critères sera bien pris en compte et que ceux-ci seront bien pondérés ? La construction d'une stratégie européenne, au moins à partir de l'Europe des six, essentielle, sera-t-elle la préoccupation première ? Les entreprises publiques à privatiser ne sont pas légion et, une fois Gaz de France vendu, il sera trop tard pour revenir en arrière.

M. Jacques Bobe, tout en reconnaissant que la nécessité d'une évolution du statut de Gaz de France avait été amplement démontrée, s'est demandé pourquoi aucune autre solution que le rapprochement Gaz de France-Suez n'avait été examinée par les intéressés, qui aurait pu avoir des incidences différentes sur le niveau de participation de l'État - quoique la minorité de blocage avec 34 % lui convienne parfaitement. Cela dit, l'augmentation du capital de la nouvelle structure sera inévitable compte tenu de l'ampleur des investissements nécessaires sur le plan international et l'État sera de facto obligé de suivre pour conserver sa participation de 34 %. Cela ne risque-t-il pas de poser problème aux finances publiques ?

M. Pierre Ducout a rappelé que, contrairement à ce que l'on espérait en 1996, la véritable ouverture des marchés ne s'est pas produite et les interconnexions ne se sont pas généralisées. Mme Nicole Fontaine a néanmoins accepté le 25 novembre 2002 l'éligibilité de l'ensemble des consommateurs. Une étude d'impact avait été prévue. Qu'en est-il ? Quid d'un contrôle de l'État dans Gaz de France-Suez garanti par le biais d'une action spécifique ? Il en serait allé différemment si l'on avait conservé un grand pôle public EDF-GDF.

L'acceptabilité par les Français du nucléaire passe, on le sait, par le maintien de tarifs modérés. EDF n'a aucune raison de vendre à un prix supérieur à son prix de revient, investissements compris, ni de faire du dumping. Est-il prévu de demander un prix régulé à Gaz de France, s'il reste majoritairement détenu par l'État français ?

Enfin, si le principe de tarifs régulés semble être accepté pour les ménages et les petites entreprises, cela ne sera a priori pas le cas pour les collectivités et les grandes entreprises. Reste à savoir si l'Europe est disposée à accepter des tarifs régulés qui ne correspondent pas à ce qui était originellement prévu par les directives.

M. Léonce Deprez a félicité le Gouvernement comme le président Patrick Ollier de s'astreindre à travailler en ce début juillet sur un sujet qui exige d'être traité sans précipitation. Le fait que, le matin même, la commission ait reçu une délégation d'industriels dits électro-intensifs prouve la réalité du problème et la nécessité d'y apporter des solutions en prenant le temps de clarifier les effets d'une politique de relèvement du coût de l'électricité dans un marché jusqu'alors régulé. Il faut impérativement régler cette question avant de s'attaquer à celle du gaz si l'on veut emporter l'adhésion des Français qui entreprennent comme celle des consommateurs.

La preuve étant faite que la déréglementation ne donnait pas, dans un premier temps en tout cas, les effets bénéfiques espérés, il va falloir expliquer pourquoi, et ensuite se placer sur un autre terrain. Il faut se garder d'agir trop vite et savoir se donner le temps d'une réflexion en profondeur : le temps n'est plus aux petites déclarations dans la salle des Quatre Colonnes. Ne pas le comprendre, c'est prendre le risque de tout perdre.

M. Claude Birraux a tenu à féliciter le Gouvernement, premièrement d'avoir rapidement « fait le ménage » à EADS en remplaçant M. Noël Forgeard, deuxièmement d'avoir reconduit Mme Anne Lauvergeon à la tête d'AREVA. Il a ensuite rappelé que le gouvernement de M. Lionel Jospin avait nommé une parlementaire en mission, Mme Nicole Bricq, sur l'évolution des marchés gaziers, laquelle avait proposé de privatiser purement et simplement Gaz de France.

Gaz de France n'est pas un producteur : si les prix de l'énergie sont élevés, c'est en raison de la pénurie. Dès lors, que peut garantir l'action spécifique ? Que répondre au président Vladimir Poutine dans l'hypothèse d'un renouvellement des évènements récents survenus avec l'Ukraine ? Que Gaz de France soit seul ou fusionné, c'est de toute façon le Kremlin ou Gazprom qui sera en position de force...

On sait également qu'ENEL veut reprendre la main dans le nucléaire. Où en est sa participation dans la construction de l'EPR à Flamanville ? En quoi sa participation dans Electrabel serait une insupportable abomination ? Enfin, peut-on envisager une entreprise avec deux statuts pour les employés, et comment avoir une vision industrielle dans de telles conditions ?

M. Michel Roumegoux a remarqué qu'une association de Suez avec ENEL provoquerait sans doute un démantèlement de Suez qui pourrait bénéficier à des entreprises françaises. Il s'est demandé si cette solution ne serait pas in fine intéressante, sachant que, dans une association Gaz de France-Suez, le capital privé sera surtout belge.

En réponse aux divers intervenants, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a d'abord salué la qualité et la profondeur des questions posées sur un sujet particulièrement complexe, et s'est déclaré à la disposition des parlementaires durant tout l'été afin de répondre à leurs légitimes interrogations et d'apporter aux Français les explications nécessaires. Il ne sera pas dit que le ministre n'aura pas tout fait pour permettre à Gaz de France d'aller de l'avant et pour expliquer la situation afin d'éviter que ne se reproduise la situation dramatique observée dans une autre entreprise.

Derrière l'opération Gaz de France-Suez, qui a déclenché cette prise de conscience, c'est bien, comme l'a dit M. Claude Gaillard, de l'Europe qu'il s'agit. L'énergie, bien rare, n'est pas un bien comme les autres ni un marché comme les autres. Grâce à ses choix courageux, la France est le seul pays au monde où le principal opérateur d'électricité peut garantir au consommateur des tarifs sans autre augmentation que celle liée à l'inflation.

Le ministre a rappelé que le cas du gaz était différent et qu'un nouveau jeu d'acteurs était en train de se dessiner, jeu qui ne se terminera peut-être pas avant longtemps. Soulignant la responsabilité politique des pouvoirs publics, il a donc appelé, en son âme et conscience, les parlementaires à donner à Gaz de France la possibilité d'étudier les solutions possibles et a pris l'engagement, dans l'hypothèse où un projet serait présenté au conseil d'administration de Gaz de France - la fusion avec Suez, mais peut-être un autre -, de revenir devant la Commission pour en débattre avec les parlementaires, pour recueillir son assentiment et pour donner des consignes, débattues ensemble, aux administrateurs qui y représentent l'État. Ainsi les interrogations légitimes de la représentation nationale trouveront réponse, notamment sur les questions relatives aux investissements.

Gaz de France a une valeur d'environ 25 milliards d'euros et Suez, 45 milliards. L'endettement de chaque groupe est de l'ordre de 5 milliards et 15 milliards respectivement. Soit un ensemble de 70 milliards en valeur pour 20 milliards d'endettement - chiffres donnant les moyens d'investir notamment dans l'amont gazier et qui sont tout à fait raisonnables par comparaison avec ceux de France Telecom lorsque l'entreprise a été en difficulté.

Pour ce qui est de la détention du capital, la part minimale de 34 % proposée par le Gouvernement correspond à la minorité de blocage. Il est donc parfaitement possible de bloquer en assemblée générale les augmentations de capital qui conduiraient à réduire le taux de détention publique et de proposer d'autres mécanismes financiers qui ne joueraient pas sur le capital tout en laissant une marge de manœuvre significative à l'entreprise.

M. Christian Bataille a souhaité savoir pourquoi l'opération ne se ferait pas de Gaz de France sur Suez : c'est précisément le projet envisagé avec une fusion-absorption par Gaz de France de Suez dont les actionnaires sont rémunérés de leurs titres en actions du nouvel ensemble ce qui permet d'éviter un endettement excessif, à l'image du précédent de France Télécom, qui serait nécessaire si l'on refusait la dilution de l'Etat en dessous de 50 %.

La facilité pour le Gouvernement aurait effectivement consisté à attendre sans rien faire et à rejeter la responsabilité de la situation sur les autres : mais refusant la facilité, il a tenu à venir devant le Parlement pour répondre aux besoins des consommateurs.

Le tarif social sera proposé par tous les opérateurs et sera financé par le biais d'un mécanisme de péréquation. Les bénéficiaires seront les mêmes que pour le tarif social de l'électricité, ouvert à des conditions de ressources correspondant aux conditions d'accès à la couverture maladie universelle.

Les personnels des deux entreprises en relevant bénéficieront du statut des IEG, y compris ceux qui seront recrutés après la fusion.

Les investissements en amont sont extraordinairement coûteux. On parle souvent de peser sur les contrats d'achat, mais Gaz de France devra également se mettre à investir dans des champs de production ; encore faut-il lui donner la possibilité de grandir afin que son bilan le lui permette, dans le cadre évidemment d'investissements maîtrisés. La représentation nationale comme le Gouvernement auront tout intérêt à discuter avec les entreprises concernées de leurs programmes d'investissements potentiels afin d'apprécier leur pertinence.

Quid des actionnaires de Suez en cas de fusion ? Le Parlement, pas plus que le Gouvernement, ne peuvent encore se situer dans cette perspective ; elle viendra en son temps. Pour l'heure, le problème est de rendre possible une évolution du capital de Gaz de France. Évidemment, la décision sera du ressort de l'assemblée générale des actionnaires. Mais le Gouvernement s'est engagé à venir auparavant devant la Commission pour discuter de la recommandation à faire aux administrateurs qui représentent l'État dans la décision finalement prise.

Un grand pôle EDF-GDF, évoqué par M. Pierre Ducout, aurait pu être possible il y a quelques années. Aujourd'hui, c'est trop tard : ce qui s'est passé avec Électricité du Portugal et Gaz du Portugal, dont les cas sont très similaires, l'illustre. C'est devenu impossible, à moins évidemment de démanteler massivement EDF, parc nucléaire compris, ce que le ministre se refuse à recommander à la représentation nationale.

Il fut un temps où beaucoup, même à gauche - Mme Nicole Bricq, MM. Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn -, avaient compris que l'intérêt du pays commandait d'aider Gaz de France à aller de l'avant. Leurs arguments restent valables et le sont même davantage aujourd'hui qu'hier.

Revenant sur la question des tarifs, le ministre délégué à l'industrie a rappelé que lorsque les premiers éligibles sont apparus, à partir de 2002, les prix du marché étaient nettement inférieurs aux tarifs. Ils sont restés plus favorables que ceux-ci jusqu'en 2005 environ, date à laquelle le manque d'investissements dans les pays européens a obligé à prendre en compte le coût de remplacement des capacités ; ce à quoi est venu s'ajouter le coût des quotas de droits d'émission de CO2. Ces deux éléments ont fait grimper le prix de l'électricité achetée sur le marché bien au-delà du tarif.

Reste à savoir s'il est possible de revenir à un niveau plus raisonnable. On peut d'abord essayer de séparer l'effet CO2, véritable effet d'aubaine pour les producteurs qui, sans avoir rien payé pour obtenir des quotas, empochent un revenu supplémentaire. Déconnecter le prix de l'électricité de celui du CO2 n'est pas aisé car le système des quotas est prévu par une directive et qu'il a pour mérite d'inciter à produire moins d'électricité émettant du CO2.

Peut-on donner aux entreprises la possibilité de revenir au tarif ? Si EDF peut fournir au tarif des clients quittant les autres opérateurs, ces derniers sont loin d'être dans la même situation. Il faut vérifier comment l'opération peut être faisable au regard des règles de la concurrence et trouver une solution juridiquement praticable. C'est à cela que le Gouvernement travaillera avec la Commission. Le Gouvernement est ouvert à toute proposition sur cette question.

Ceci étant, la vraie réponse à moyen terme se situe dans le niveau d'investissement attendu dans le domaine de l'électricité. Le premier effet d'augmentation des prix, devenus plus rémunérateurs, a été l'augmentation des décisions d'investissements. Lors de l'augmentation de capital, le Gouvernement a demandé à EDF d'investir 30 milliards d'euros dans les trois ans et 40 milliards dans les cinq ans. Cette initiative a été très appréciée au niveau européen puisqu'elle permet de traiter le problème au fond mais elle ne va pas forcément dans le sens de l'intérêt des producteurs d'électricité qui peuvent tirer profit d'un équilibre entre l'offre et la demande tendu. C'est pourquoi la France souhaite la mise en place d'une programmation pluriannuelle des investissements au niveau européen.

Le rapporteur, tout en soulignant le caractère majeur de la question des tarifs régulés, a insisté sur la nécessité pour EDF de pouvoir investir dans de nouveaux outils de production. Ce qui signifie que les 40 milliards d'euros d'investissements de l'entreprise doivent être pris en compte dans les tarifs.

Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a confirmé que cela était le cas. Puis, il a répété que le ministre délégué comme lui-même étaient à la disposition de la commission et de ses membres pour apporter toutes les explications nécessaires.

Puis, il a confirmé, à l'adresse de M. François Brottes, que des garanties avaient été prises auprès de la Commission concernant l'action spécifique. En réponse à M. Daniel Paul, il a souligné la volonté du Gouvernement de préserver les entreprises dites gazo-intensives, notamment en permettant à Gaz de France de grandir.

En réponse à M. Serge Poignant, il a indiqué que toutes les garanties nécessaires venaient d'être données s'agissant de la question de la réversibilité des tarifs.

Comme l'indiquait M. Jean-Pierre Nicolas, en venant devant le Parlement pour ne parler que de la fusion entre Gaz de France et Suez, le risque était effectivement d'un triple désaveu ultérieur. Aussi, le Gouvernement a totalement recentré le débat autour d'un problème beaucoup plus large, celui des moyens d'assurer l'avenir de Gaz de France en l'assortissant d'un engagement, dans l'hypothèse d'un vote de la loi, à venir, préalablement à tout projet, recueillir le sentiment de la commission, qu'il retransmettrait sous forme de consignes à ses représentants au conseil d'administration. Enfin, il est essentiel de préserver la dynamique des investissements tant du côté de Suez que du côté de Gaz de France, amené à jouer un rôle central dans la constitution d'entreprises européennes dans le domaine de l'énergie. Le maintien de la minorité de blocage à 34 % répond notamment à la nécessité de pouvoir bloquer toute augmentation de capital qui aboutirait à réduire la part de l'État si celui-ci n'abondait pas la participation de l'État au niveau requis.

M. Léonce Deprez a demandé si les amendements proposés par le président seraient soutenus par le Gouvernement.

Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie lui a répondu par l'affirmative et l'a assuré que le Gouvernement consacrerait tout le temps nécessaire à parfaire le travail d'explication. Il a également rappelé, en réponse à M. Claude Birraux, que la France avait tenu ses engagements vis-à-vis d'ENEL, puisqu'un accord est en voie de finalisation avec les Italiens s'agissant de Flamanville et a confirmé à M. Michel Roumegoux que Suez est également confronté à la nécessité de grandir et que beaucoup s'intéressaient à sa branche environnement notamment ; mais là n'est pas la question posée au Parlement.

Le président Patrick Ollier s'est félicité de ce débat particulièrement constructif. La méthode proposée par le Gouvernement est la bonne et le temps donné au dialogue permettra de préparer le texte dans les meilleures conditions.

Sur le fond, la commission des affaires économiques entend exercer pleinement son rôle. Le Gouvernement a répondu favorablement sur les garanties exigées pour Gaz de France comme sur les deux garanties relatives, d'une part, aux conditions d'accès aux tarifs et, d'autre part, à la mise en place d'une forme de tarif de retour ; il y a tout lieu de se réjouir du partenariat qui s'est ainsi instauré.

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La Commission a ensuite procédé à la désignation des rapporteurs sur les propositions de résolution de M. François Brottes (n° 3071) tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conditions de formation des prix sur le marché de l'électricité, sur leurs conséquences pour les entreprises et les particuliers et sur la nécessité de mettre en œuvre des mécanismes de régulation et de M. Jean-Pierre Balligand (n° 3017) tendant à la création d'une commission d'enquête relative au projet de fusion entre Gaz de France et Suez, aux conditions de sa préparation et de son annonce et aux conséquences de la privatisation de Gaz de France pour les usagers et l'équilibre du marché de l'énergie.

Ayant reçu la candidature de M. Jean-Claude Lenoir et de M. François Brottes, la Commission a désigné M. Jean-Claude Lenoir rapporteur de ces deux propositions de résolution.

La Commission a ensuite procédé à l'examen de la proposition de résolution de M. François Brottes (n° 3071) tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conditions de formation des prix sur le marché de l'électricité, sur leurs conséquences pour les entreprises et les particuliers et sur la nécessité de mettre en œuvre des mécanismes de régulation.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a indiqué que l'évolution des prix de l'électricité et l'éventuelle fusion entre Gaz de France et Suez étaient au cœur du projet de loi relatif au secteur de l'énergie. S'agissant de la question des prix, il a rappelé que le Gouvernement venait d'accepter qu'une disposition soit insérée dans ce projet de loi pour permettre aux clients ayant exercé leur éligibilité d'opter, pendant une période déterminée, pour le retour, pendant une durée également encadrée, à un tarif réglementé. Le projet de fusion entre Gaz de France et Suez, a-t-il indiqué, sera évidemment également largement évoqué lors de la discussion du projet loi.

Il a également indiqué que l'adoption de la proposition de résolution examinée par la Commission aurait pour conséquence de retarder fortement la mise en place des mesures nécessaires pour protéger les consommateurs dans la mesure où la création effective de la commission d'enquête devait faire l'objet d'un vote en séance publique, possible au plus tôt dans le courant du mois d'octobre. Compte tenu du temps nécessaire à la mise en place de la Commission et à la conduite par celle-ci de ses travaux, ses conclusions ne pourraient probablement pas être rendues publiques avant le début 2007. L'examen du projet de loi relatif au secteur de l'énergie devrait, en conséquence, logiquement être repoussé dans l'attente de ses conclusions et ne pourrait donc, en pratique, intervenir. Aucune mesure ne serait ainsi prise pour protéger les consommateurs d'électricité dans les prochains mois. Il a donc appelé la Commission à rejeter cette proposition de résolution.

Le président Patrick Ollier a rappelé que le Gouvernement venait de prendre plusieurs engagements en vue de l'examen du projet de loi sur l'énergie, au nombre desquels la possibilité de revenir à un tarif réglementé pour les clients ayant exercé leur éligibilité.

M. François Brottes a rappelé que les deux propositions de résolution avaient été déposées respectivement les 4 mai et 11 avril 2006 et a donc jugé que la Commission, en les examinant plus tôt, aurait pu permettre à une commission d'enquête d'effectuer son travail avant la rentrée. Il a, en outre, noté que de nombreux commissaires venaient de remercier les ministres de prendre le temps de la réflexion sur ce dossier.

Puis, il a estimé que le problème relatif aux conditions de formation des prix sur le marché de l'électricité provenait de la séparation entre l'option pour les tarifs réglementés ou pour les prix libres du marché de l'électricité. Or, il a jugé qu'aucun engagement ferme n'avait été pris par le Gouvernement sur la question du retour aux tarifs que ne permet pas le projet de loi. En conséquence, il a estimé qu'une commission d'enquête était parfaitement justifiée pour avoir une vraie réflexion dans ce domaine, notamment afin d'évaluer la compatibilité d'un telle solution avec le droit communautaire.

Il a ensuite estimé que le problème de l'acceptabilité des risques liés à l'énergie nucléaire méritait une réflexion approfondie ; il a considéré que l'exploitation de cette source d'énergie ne présentait pas plus de risques qu'une autre industrie lorsque les risques qui y sont liés sont convenablement pris en compte, mais que l'avantage concurrentiel tiré par la France dans ce domaine étant en train de s'étioler remettant en cause l'acceptabilité de ces risques par nos concitoyens.

M. François Brottes a ensuite rappelé qu'il était habituel dans les secteurs régulés de prévoir que les prix doivent être orientés par les coûts, notamment en application du droit communautaire. Lors de son audition le 15 décembre 2004 devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, M. Pierre Gadonneix, président d'EDF, avait indiqué que « les tarifs et les prix se [rapprocheraient] ». Pour autant, actuellement, le tarif est plus attractif que le prix de marché et si le contrat de service public conclu entre l'Etat et EDF prévoit une évolution des prix au rythme de l'inflation, évolution déjà moins favorable pour le consommateur que celle prévue par le contrat précédent, ce contrat prévoit, en outre, une clause de sortie de cet engagement, rendant cette garantie toute relative.

Il a déploré que l'ouverture à la concurrence du marché de l'énergie s'opère à l'échelon national et non communautaire, considérant que la mise en place d'une commission d'enquête permettrait de faire une étude d'impact sur le sujet, d'autant plus que ni la Commission européenne, ni le Gouvernement n'ont réalisé une telle étude.

Enfin, il a estimé qu'il était également important de tenir compte des effets néfastes sur l'environnement de cette ouverture à la concurrence, notamment du point de vue de l'application du protocole de Kyoto.

Répondant à M. François Brottes, le Président Patrick Ollier a indiqué que si le droit à un tarif de retour n'est effectivement pas prévu dans le projet de loi, le ministre vient de dire clairement qu'il était favorable à un tel tarif de retour, qui sera proposé par amendement parlementaire, illustrant, une fois de plus, la capacité de la commission des affaires économiques à faire entendre sa voix sur des questions cruciales.

Enfin, s'agissant du protocole de Kyoto, il a jugé inutile de reprendre le travail de la mission d'information sur l'effet de serre, présidée par M. Jean-Yves Le Déaut et qui vient de rendre ses conclusions.

Puis, la Commission a rejeté la proposition de résolution de M. François Brottes (n° 3071) tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conditions de formation des prix sur le marché de l'électricité, sur leurs conséquences pour les entreprises et les particuliers et sur la nécessité de mettre en œuvre des mécanismes de régulation.

Elle a ensuite examiné la proposition de résolution de M. Jean-Pierre Balligand (n° 3017) tendant à la création d'une commission d'enquête relative au projet de fusion entre Gaz de France et Suez, aux conditions de sa préparation et de son annonce et aux conséquences de la privatisation de Gaz de France pour les usagers et l'équilibre du marché de l'énergie.

M. François Brottes a rappelé que le ministre avait indiqué que cette fusion ne constituait plus qu'une hypothèse parmi d'autres. Il a jugé que le Gouvernement exigeait conséquemment du Parlement la signature d'un véritable chèque en blanc sur cette question.

En ce qui concerne l'action spécifique, il s'est interrogé sur la position des instances communautaires sur le sujet, tout en souhaitant savoir en quoi consisterait précisément cette action. Les exigences de la Commission européenne sur les aspects concurrentiels de la fusion mériteraient également d'être connues.

Puis, il a rappelé qu'environ 92 % du prix du gaz n'était pas susceptible d'être affecté par la concurrence sur le marché national.

En conclusion, il a estimé que l'argument calendaire, soutenu par le rapporteur s'agissant de la première proposition de résolution, lui paraissait tout à fait irrecevable s'agissant de la deuxième proposition de résolution puisqu'elle concerne la fusion de deux entreprises tandis que le projet de loi concernait uniquement, comme l'avait souligné le ministre, la structure du capital de gaz de France pour permettre, ensuite, un éventuel projet industriel. Il a, en outre, rappelé que cette proposition avait été déposée en avril.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a rappelé que la proposition de résolution aurait été examinée plus tôt par la Commission si le groupe socialiste en avait demandé l'inscription à l'ordre du jour de la séance publique.

Il a ajouté que le projet industriel de fusion avait été voté par les conseils d'administration des deux entreprises concernées. Le projet de loi permettra ce rapprochement. En revanche, les échéances électorales de 2007, qui affectent le calendrier des travaux de l'Assemblée nationale, empêchent la mise en place de cette commission d'enquête, si l'on souhaite que ce projet de loi soit adopté avant la clôture de la session 2006-2007.

Enfin, il a estimé qu'il voyait mal en quoi les pouvoirs d'investigation d'une commission d'enquête étaient nécessaires pour étudier les questions soulevées par M. François Brottes.

M. François Brottes a rappelé que la proposition de résolution concernait également les conditions de préparation de cette fusion. Il a estimé que le conseil d'administration de Gaz de France avait délibéré sans mandat, alors même que 80 % du capital de l'entreprise sont détenus par l'Etat.

Le rapporteur a estimé que les décisions des conseils d'administration avaient été adoptées sous réserve de la modification ultérieure de la loi, à l'instar des traités internationaux qui, bien que signés, doivent ensuite être ratifiés. Il a ensuite jugé qu'un recensement exhaustif des études de l'administration sur une éventuelle privatisation de Gaz de France, sous les différents gouvernements, y compris de gauche, pourrait effectivement être réalisé mais qu'il ne lui semblait pas présenter un grand intérêt. Puis, il a souligné la mauvaise foi de l'opposition sur ce dossier alors même que des responsables socialistes éminents avaient pris position, sous la précédente législature, en faveur de la privatisation. Il a ainsi cité un extrait de la note n° 28 de la fondation Jean Jaurès, datant de février 2002, intitulée Les chantiers de la gauche moderne, dans lequel son auteur, M. Laurent Fabius, estimait qu'« une entreprise investie de missions de service public doit pouvoir, sans tabou, nouer des partenariats industriels qui se traduisent par une alliance capitalistique. C'est la raison pour laquelle je suis, par exemple, favorable à une évolution du statut de Gaz de France, sur la base d'un projet industriel et social ambitieux. EDF devra, elle aussi, évoluer pour conserver son remarquable dynamisme et affronter la compétition, l'Etat y demeurant majoritaire ». M. Jean-Claude Lenoir a souligné que cette dernière remarque visait EDF, mais non pas Gaz de France...

M. François Brottes a estimé que changement de statut et privatisation étaient deux choses distinctes.

La Commission a ensuite rejeté la proposition de résolution de M. Jean-Pierre Balligand (n° 3017) tendant à la création d'une commission d'enquête relative au projet de fusion entre Gaz de France et Suez, aux conditions de sa préparation et de son annonce et aux conséquences de la privatisation de Gaz de France pour les usagers et l'équilibre du marché de l'énergie.

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