Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session extraordinaire 2002-2003)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session extraordinaire de 2002-2003 - 8ème jour de séance, 21ème séance

3ème SÉANCE DU JEUDI 10 JUILLET 2003

PRÉSIDENCE de M. Marc-Philippe DAUBRESSE

vice-président

Sommaire

      DÉPÔT DU RAPPORT D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE 2

      VILLE ET RÉNOVATION URBAINE (suite) 2

      MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 29

      ORDRE DU JOUR DU VENDREDI 11 JUILLET 2003 34

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

DÉPÔT DU RAPPORT D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE

M. le Président - Le Président de l'Assemblée a reçu, le 10 juillet 2003, de M. Edouard Landrain, président de la commission d'enquête sur l'application des mesures préconisées en matière de sécurité du transport maritime des produits dangereux ou polluants et l'évaluation de leur efficacité, le rapport fait au nom de cette commission par M. Christophe Priou.

Ce rapport sera imprimé sous le n° 1018 et distribué, sauf si l'Assemblée, constituée en comité secret, décide, par un vote spécial, de ne pas autoriser la publication de tout ou partie du rapport. La demande de constitution de l'Assemblée en comité secret doit parvenir à la présidence dans un délai de cinq jours francs à compter de la publication du dépôt du rapport au Journal officiel, soit avant le jeudi 17 juillet 2003.

VILLE ET RÉNOVATION URBAINE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.

M. Eric Raoult - Enfin, après les motions de procédure longuement défendues cet après-midi, va s'ouvrir le véritable débat.

Monsieur le ministre, pragmatisme et efficacité : voilà bien les deux caractéristiques de votre projet de loi, et nul doute que c'est ce que l'histoire retiendra. Avec vous, se sera ouverte une nouvelle ère de la politique de la ville.

Le chantier de la ville et de la rénovation urbaine, le défi urbain, serais-je tenté de dire, est particulièrement important. N'était-ce pas François Mitterrand lui-même qui, en 1973, déclarait que pour « changer la vie », il fallait « changer la ville » ? Trente ans plus tard, force est de constater que la ville n'a pas changé autant que cela... et que beaucoup reste à faire.

Le plan que vous nous proposez est à la fois un plan de continuité, de relance et de responsabilité. Nous formons le souhait qu'il puisse faire l'objet du plus large consensus.

Responsable de la ville et de l'intégration entre 1995 et 1997, j'avais cherché avec Jean-Claude Gaudin, sous l'impulsion d'Alain Juppé, alors Premier ministre, et du Président de la République, à redonner vie à de nombreux quartiers défavorisés. Nous avions alors fait le pari de la territorialisation des politiques en « mettant le paquet » sur des quartiers bien identifiés. Ce fut le dispositif des zones urbaines sensibles, dont ce projet de loi reconnaît qu'elles constituent toujours « un objectif national d'équité sociale et territoriale. » Elles devront désormais mettre en _uvre sur cinq ans des programmes d'action à volet économique, social, éducatif et culturel.

La Cour des comptes, critiquant vertement la politique de la ville dans son rapport de l'an passé, regrettait notamment que les caractéristiques des quartiers concernés ne soient pas mieux connues, du fait de l'absence de toute évaluation et de tout contrôle. Ce projet de loi remédie à cette lacune puisqu'une évaluation annuelle sera désormais conduite sous l'autorité de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles. Evaluer, contrôler, améliorer ce qui marche : tel est bien l'objectif recherché dans la prorogation et l'extension proposées aujourd'hui des zones franches urbaines.

Le pacte de relance pour la ville proposé en 1996 avait permis à certains quartiers de retrouver la sécurité et la tranquillité qu'ils avaient perdues, mais également d'y restaurer du lien social. Nous tablions, avec les zones franches urbaines, sur une création nette de 10 000 emplois en cinq ans. Au total, entre 1996 et 2001, ce sont plus de 45 000 emplois qui auront été créés ! Force est de reconnaître que peu de dispositifs d'emplois aidés auront été efficaces.

M. Pierre Cohen - Ce ne sont pas de véritables emplois !

M. Eric Raoult - Comment ? 80 % sont des emplois en contrat à durée indéterminée. Je vous invite, Monsieur Cohen, à vous rendre dans les zones franches pour constater que là où les maires, de tous bords d'ailleurs, se sont décarcassés, les choses ont bougé... et que, là où ils n'ont rien fait, rien n'a changé ! Je ne doute pas qu'avec la pugnacité qui est la sienne, Mme Jacquaint réussisse à faire évoluer la cité des 4000 à La Courneuve.

Cette création massive d'emplois, dont 80 % à durée indéterminée, ne résulte pas d'un quelconque effet d'aubaine, comme on a parfois pu l'entendre, mais d'un dispositif simple, concret, efficace. Le bilan n'est ni mitigé, ni contrasté : les zones franches urbaine sont une réussite, comme le souligne d'ailleurs le rapport de Pierre André, sénateur-maire de Saint-Quentin. D'ailleurs, si le dispositif avait été aussi mauvais que certains le prétendent, ne pensez-vous pas que Mme Aubry et M. Bartolone l'auraient supprimé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Le titre II de ce projet de loi l'étend à 41 nouveaux quartiers car nul ne peut contester qu'il n'a pas atteint ses objectifs. Certes, dans certains des 44 quartiers que nous avions identifiés comme prioritaires avec Jean-Claude Gaudin, tous les effets escomptés n'ont pas été obtenus.

A propos de Bordeaux, je veux dire que l'ensemble des zones franches urbaines n'ont pas été négociées avec le Premier ministre de l'époque mais avec des maires qui étaient contre ici, mais d'accord sur le terrain.

M. Pierre Cohen - Cela ne change rien au fond.

M. Eric Raoult - Cette tribune me permet d'en témoigner, les échecs sont plutôt le résultat d'un manque de motivation politique de la part de certains acteurs et d'élus locaux qui, peut-être par mauvaise volonté pour certains ou calcul pour d'autres, n'ont pas joué le jeu.

Je ne veux ici citer aucun nom, car il s'agissait d'une minorité des quarante-quatre zones.

J'en tire toutefois un enseignement : le texte de loi peut être très bon, la collaboration de l'Etat efficace, mais sans la mobilisation des élus au niveau local, rien ne peut se faire ! La politique de la ville, c'est cela : l'Etat partenaire et le local volontaire !

Monsieur le ministre, cette logique de reconquête sociale par l'économique est aussi la vôtre.

Le dispositif de 1996 banal était expérimental. Alain Juppé voulait « l'expérimental dans le banal et le banal dans l'expérimental ». La définition un peu trop stricte de certains critères a produit des effets de seuil. Mais lui apportant les modifications nécessaires, vous renouvelez ce dispositif pour en faire un outil plus efficace.

Votre projet va aussi mettre en _uvre les engagements pris en 2002 par le Président de la République : un plan ambitieux de reconstruction-déconstruction, et une action en direction des copropriétés dégradées.

Je ne veux pas oublier l'action de Marie-Noëlle Lienemann dans ce domaine. Sans être ministre de la ville, elle a agi efficacement aux côtés de Claude Bartolone.

La question du logement est centrale. Comme l'a dit Malek Boutih, « ce ne sont pas les HLM qui souffrent, ce sont ceux qui vivent à l'intérieur ». Avant d'entrer au conseil national d'une organisation politique dont il était membre depuis quinze ans, il disait qu'il faut mettre l'humain au centre de l'urbain.

M. Pierre Cohen - C'est ce que nous demandons !

M. Eric Raoult - Nous ne pouvons pas faire en quelques mois ce que vous n'avez pas fait en cinq ans. J'ai de l'amitié pour Claude Bartolone, mais préfère Jean-Louis Borloo qui nous présente déjà un texte à celui qui n'en a défendu aucun !

En octobre dernier, à Troyes, le Président de la République a rappelé ses intentions : « L'habitat est essentiel pour que chacun retrouve une meilleure qualité de vie, le respect de l'autre et le goût d'apprendre et d'agir. C'est pourquoi le projet de loi d'orientation sur la ville que le Gouvernement prépare devra permettre de réhabiliter 200 000 logements et d'en détruire un nombre équivalent dans les cinq années à venir. »

Par le mécanisme de reconstruction-déconstruction, vous tenez cet engagement.

Il faut agir et nous avons la chance d'avoir un homme d'action au ministère de la ville.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Très bien !

M. Eric Raoult - Je veux citer l'appréciation de Michel Delebarre au congrès de l'union sociale pour l'habitat (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Michel Delebarre n'appartient pas qu'au PS ! Grâce au chef de l'Etat, il siège au sein de la commission sur la laïcité. « Votre projet de démolir et de reconstruire 200 000 logements, disait-il à M. Borloo, est une ambition que nous partageons. » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

200 000 logements sur cinq ans, cela fait une moyenne de 40 000 logements par an. L'objectif est ambitieux, mais réaliste. Pour l'atteindre, il faudra mettre en synergie de nombreux partenaires : la Caisse des dépôts, les organismes HLM, l'Etat, qui apporte 2,5 milliards d'euros sur cinq ans.

Vous avez parlé d'union sacrée, à juste titre. L'histoire montre en effet que l'union de tous est nécessaire pour sortir des situations qui semblent désespérées.

Le Président de la République se soucie également des copropriétés dégradées. A peine nommé au Gouvernement, vous êtes venu à Montfermeil visiter la cité des Bosquets, dont l'état de délabrement désespère les habitants. Cette cité compte 1 800 logements, mais les propriétaires ne venaient plus aux réunions de copropriété et la dispersion des millièmes empêchait toute prise de décision. Le nouveau maire, Xavier Lemoine, ne disposait d'aucun moyen juridique pour équilibrer la situation. Grâce à l'article 15 de votre projet, il pourra prescrire les travaux de sécurité qui s'imposent.

Ce projet assure aussi la continuité de la politique de la ville. Relever le défi urbain suppose une politique de long terme, continue et dépassionnée. Le long terme, c'est la clé de la réussite. En 1990, la création d'un grand ministère de la ville a donné espoir. La force de ce ministère a d'abord été sa continuité, quel que soit son titulaire.

Ne rien rayer mais valoriser, ne rien renier mais améliorer, c'est là votre mérite. Vous prenez le relais et vous modernisez les outils.

Votre plan se caractérise d'abord par son caractère global. Il concentre les moyens mais aussi il nous apporte la garantie que ceux-ci seront maintenus et reconduits sur cinq ans. Vous avez, grâce au Premier ministre et au ministre des finances, une chance que certains d'entre nous n'ont pas pu avoir : agir dans la durée avec une garantie de moyens. Les moyens sont là, vous les avez obtenus. Pour le plan Borloo, un seul mot : bravo !

Vous créez une structure qui garantit le succès de votre politique. L'Agence nationale de rénovation urbaine permettra de financer de grands projets de façon souple et efficace, à travers un guichet unique.

En réunissant l'ensemble des acteurs, vous concentrez les moyens d'action sur tous les projets prioritaires et évitez les procédures trop lentes.

Votre projet constitue aussi un plan de relance dont je salue la dimension sociale.

Un million de familles sont aujourd'hui surendettées et 650 000 dossiers sont soumis aux commissions de surendettement. L'hommage que vous avez rendu à Véronique Neiertz était mérité. Sa loi, en application depuis quinze ans, doit néanmoins être revue. Les délais sont trop longs, les commissions travaillent sur des déclarations sans vérifier les informations données, les dettes fiscales ne sont pas prises en compte et les dossiers ne sont pas traités globalement mais créance par créance.

Il existe en Alsace-Moselle un système original qui a fait ses preuves. Vous proposez de combiner les deux dispositifs. Cette « loi de la deuxième chance », comme vous l'avez qualifiée, nous permet de tendre la main à de nombreuses familles qui souhaitent sortir de la spirale de l'échec. Le surendettement n'est pas une fatalité. Votre dispositif va aider des familles victimes de la honte, du désespoir et du repli sur soi.

S'agissant des bailleurs sociaux, vous étendez les missions de la caisse de garantie du logement locatif social, qui pourra appuyer l'action de l'Agence nationale. La gouvernance des SAHLM sera simplifiée.

Nous saluons votre volontarisme, mais nous souhaitons aussi examiner certains points du texte, comme la place des élus locaux au sein de l'Agence nationale, la prévention du surendettement ou l'application du dispositif dans les DOM-TOM, dont les besoins doivent être pris en compte.

Ce plan est responsable, c'est une évidence. Je ne vois pas comment il pourrait être critiqué. Je souhaite qu'il soit aussi consensuel. Depuis quinze ans, M. Cohen l'a rappelé, la politique de la ville repose sur le consensus. Les différents ministres de la ville ne se critiquent pas entre eux. Relever le défi urbain, c'est redonner espoir à certains de nos concitoyens qui se recroquevillent sur eux-mêmes. Mon ami Roland Castro a analysé cette « situation de destruction de lien social dans laquelle personne ne supporte plus personne ». Il convient d'être vigilant, car les déceptions se transforment à la fin en mauvais espoirs : je veux parler des extrémismes politiques et religieux qui prônent la haine et le rejet d'autrui.

Tous ensemble, nous devons et, nous pouvons réussir la politique de la ville, que François Mitterrand avait en décembre 1990 qualifiée de « grande aventure ».

Il faut faire plus que des rapports qui, à force contiennent les mêmes phrases. En 1998, notre collègue Jean-Pierre Sueur en a présenté un, qui était très intéressant, mais le constat était fait depuis longtemps ! Il faut faire plus que des rencontres. Votre prédécesseur en a fait beaucoup, mais elles se concluaient toujours par les mêmes déclarations d'intention.

Oui, Monsieur le ministre, cette « grande aventure » mérite ce que vous nous proposez : de l'action !

Le 18 juin dernier, en commission, un collègue socialiste nous a expliqué que réussir la politique de la ville nécessitait le cumul de trois éléments : l'humilité ; l'engagement de moyens importants ; une volonté politique affirmée. Vous disposez, Monsieur le ministre, de ces trois éléments.

Je mesure la gêne de l'opposition, qui eût bien aimé être l'auteur de ce projet. Face à une droite humaine siège une gauche conservatrice (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Les socialistes avaient rêvé ce texte, vous, Monsieur le ministre, vous le réalisez (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Les critiques de l'opposition seraient mal venues, car elle a eu cinq ans pour réfléchir aux dossiers qui lui tenaient à c_ur. Dans le domaine de la ville, la gauche est restée muette. Vous avez eu le grand mérite, Monsieur le ministre, de rouvrir le débat, que j'espère exempt de position idéologique. De fait le pragmatisme est votre ligne de conduite depuis un an. Après avoir écouté, vous agissez.

Parce que votre texte est consensuel, ambitieux et pragmatique, le groupe UMP sera à vos côtés pour relever le défi urbain ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Alain Vidalies - L'article 27 du projet tend à créer une procédure de rétablissement personnel destinée à compléter les réponses au surendettement organisées depuis la loi de 1989. Le groupe socialiste est favorable à cette initiative, même s'il s'étonne de sa présence dans un texte sur la rénovation urbaine. En effet, le surendettement sévit sur l'ensemble du territoire. Aussi, cette initiative aurait-elle mérité en soi un projet.

Notre seconde réserve porte sur la cohérence de la politique gouvernementale. Au moment où vous proposez de renforcer le rôle des commissions de surendettement, le Gouvernement annonce la suppression de pratiquement la moitié des succursales de la Banque de France. Dans ces conditions, les personnels indispensables au fonctionnement des commissions, et surtout le maillage actuel du territoire seront-ils maintenus ?

Notre troisième réserve est issue des amendements adoptés par la commission des lois.

Sur la définition du « reste à vivre », votre projet dans sa rédaction initiale, marque une véritable avancée en précisant que le calcul doit se faire hors créances insaisissables. Il est regrettable que cette définition soit remise en cause par un amendement. Sur ce point, nous vous soutiendrons contre votre majorité.

Le choix du juge de l'exécution peut apparaître juridiquement cohérent mais les conditions de la saisine de cette juridiction, militent à notre sens, pour la compétence du juge d'instance retenue dans votre projet initial. Faute de quoi on aboutirait à des procédures aussi invraisemblables qu'une saisine par désignation ou un appel abrégé non suspensif. A ces trois observations près, la procédure de rétablissement personnel nous paraît répondre à l'évolution du surendettement et à l'expérience acquise depuis 1989. En effet, certains situations sont irrémédiablement compromises, et il ne sert à rien de prolonger des moratoires qui révèlent, en réalité, l'absence de solutions de redressement.

Ce constat que la société est capable de faire pour une entreprise, un agriculteur, pourquoi l'interdire quand il s'agit d'une personne physique ou d'une famille.

Ce nouveau départ, est d'autant plus justifié qu'aujourd'hui le surendettement trouve presque toujours son origine dans un accident de la vie.

Certains s'inquiètent des possibilités de fraudes ou de rechutes. La notion de bonne foi, sous le contrôle du juge, est évidemment une précaution nécessaire. Le risque de rechutes est extrêmement limité puisque, pour la faillite civile applicable en Alsace-Moselle, il ne dépasse pas 1 %.

Naturellement votre projet s'inspire de la faillite civile, dont un siècle a permis de constater la pertinence. Nous apprécions que, parmi certaines dispositions critiquées de ce régime, vous ayez écarté l'inscription au casier judiciaire.

Renforcer le rôle des commissions de surendettement est également un choix que nous approuvons. Votre projet prolonge ainsi les lois de 1989, 1995 et 1998, en permettant l'effacement des dettes fiscales et sociales qui jusqu'à maintenant relevait du bon vouloir de l'administration.

Votre projet mérite encore certaines améliorations.

La prévention du surendettement est largement absente, alors que certaines pratiques, au premier rang desquelles le crédit renouvelable ou crédit revolving ne peuvent échapper à notre réflexion.

L'enquête réalisée par la Banque de France en novembre 2001 a révélé que 80 % des dossiers passant devant les commissions comptaient au moins quatre crédits revolving. Le lien entre le surendettement et les conditions d'octroi et de distribution du crédit est ainsi avéré. Aussi est-il indispensable d'attaquer le mal à la racine et notamment le crédit à la consommation distribué sans contrôle et vanté par un harcèlement publicitaire racoleur.

M. Eric Raoult - Très bien !

M. Alain Vidalies - « Laissez parler vos envies », « Crédit conso mediatis et la vie est plus facile », « Soyons clairs, un problème d'argent ça peut arriver à tout le monde. Avec le crédit conso, plus de soucis ». Ces publicités reçues par des personnes en grave difficulté financière sont un véritable « pousse-au-crime ».

Le groupe socialiste souhaite l'interdiction pure et simple de la publicité pour les crédits renouvelables. La commission n'a pas retenu notre amendement. J'espère que le Gouvernement pourra convaincre sa majorité de s'y associer.

La commission a en revanche adopté notre amendement imposant la mention du taux de l'usure sur tous les contrats de crédits.

M. le Président de la commission des affaires économiques - Voyez comme nous sommes objectifs !

M. Alain Vidalies - La deuxième amélioration concerne les procédures de saisie immobilière en cours à la date du jugement de rétablissement personnel. Nous souhaitons que le juge du rétablissement personnel puisse suspendre toutes les procédures d'exécution, y compris les saisies immobilières.

La troisième amélioration a trait au coût de la procédure dont le coût moyen s'élèverait à 2 300 €. Il n'est pas pensable que l'ouverture d'un rétablissement personnel entraîne immédiatement l'aggravation du passif du débiteur d'une pareille somme. J'avais déposé un amendement précisant que l'intervention des mandataires et auxiliaires de justice interviendrait automatiquement sous le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Cet amendement ne pouvait échapper à la sanction de l'article 40. Monsieur le ministre, nous proposerez-vous un amendement dans le sens que je viens d'indiquer ?

C'est pour nous une question majeure.

Nous avons choisi d'avoir une expression autonome sur la question du rétablissement personnel, parce que ce texte aurait mérité un examen autonome, au lieu d'être intégré dans un projet de rénovation urbaine que nous combattons.

Nous soutenons la création de cette procédure. Nous attendons vos réponses à nos propositions avant de prendre une position définitive. J'espère que nos débats permettront de dégager un consensus. Le sujet le mérite (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe UMP).

M. Rodolphe Thomas - Rénover, détruire pour mieux reconstruire, rétablir l'égalité des chances, soutenir l'activité et l'emploi, telles sont les grandes priorités retenues par le Gouvernement pour traiter en profondeur les stigmates de notre société ! Nous connaissons votre détermination à mener à bien ce chantier que nous attendions tous et au service duquel nous plaçons notre expérience d'élus locaux.

Ce texte, très attendu est une première étape. Il doit permettre à tous les acteurs de la politique de la ville, d'engager une dynamique constructive dans les zones urbaines en difficulté. Il s'adresse à tous les habitants des quartiers défavorisés, qui se sentent profondément abandonnés. Il offre des moyens pour lutter contre le surendettement des ménages, rénover l'image et le cadre de vie des quartiers dégradés, mais aussi favoriser leur développement économique. Les enjeux sont cruciaux, qu'il s'agisse d'emploi, de lutte contre la précarité, d'optimisation des rapports sociaux, de qualité environnementale et architecturale... Par l'engagement de 600 000 constructions, démolitions et réhabilitations de logements, l'Etat complète et renforce les initiatives locales. Il nous donne enfin les moyens d'intervenir en faveur des personnes qui vivent chaque jour des situations de non-droit.

Je me réjouis de la création de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, guichet unique attendu par les acteurs de terrain et d'abord les maires. Elle devrait assurer une plus grande cohérence entre les politiques urbaines et la simplification des procédures de financement de ces opérations. Notre travail en sera facilité. La dot apportée à l'Agence est sans commune mesure avec les programmes antérieurs. Mais n'oublions pas que tout investissement génère des coûts de fonctionnement, pour lesquels les communes ne sont pas armées. Celles qui ont des zones urbaines sensibles sur leur territoire sont souvent des communes pauvres. Certes, votre programme assure les investissements, mais qui supportera le fonctionnement ? La DSU pourrait être la réponse. Mais elle ne reflète pas assez les inégalités financières et territoriales. Il serait donc opportun d'en revoir les critères et modalités d'attribution, afin qu'elle assure au mieux son objectif de péréquation. Par ailleurs, nous regrettons que les élus locaux ne soient pas plus étroitement associés au fonctionnement de cette agence, notamment dans l'actuel contexte de décentralisation.

Les enjeux de mixité sociale, bien connus des maires, sont au c_ur des programmes de démolition-reconstruction. La mixité est favorisée par la typologie du parc de logements mais aussi par une offre de services adaptés aux besoins des habitants. Je pense à la présence des centres commerciaux, éléments structurants de la vie des quartiers, qui contribuent à leur attractivité et favorisent le maintien des habitants. Pourtant, ces espaces de proximité sont en danger, tout comme l'EPARECA, en charge de ces rénovations, qui est lui-même en danger faute de crédits. Selon nous, les missions de l'Agence nationale devraient intégrer plus clairement cette priorité. Je rappelle qu'il s'agit de plus de 26 000 commerces et près de 73 000 emplois !

Un mot sur les structures intercommunales, qui sont les plus aptes à mener une politique cohérente de développement du territoire. Elles veillent à intégrer les quartiers en difficulté dans le développement général des territoires. Nous pensons donc qu'elles devraient être plus étroitement associées à la mise en _uvre du programme national. Grâce à leur échelon territorial pertinent, elles contribueront à l'évolution positive de nos quartiers dans le souci de l'équité.

En 1996, le gouvernement d'Alain Juppé et son ministre Eric Raoult ont fait le pari de sortir certains quartiers de leur marasme économique et de les rendre attractifs. Le dispositif des zones franches, critiqué à l'époque par la même opposition, a porté ses fruits et nous pouvons nous en féliciter. Aujourd'hui, Monsieur le ministre, vous décidez de relancer ce dispositif en créant 41 zones franches supplémentaires. Nous ne pouvons que vous approuver et j'espère que la France économique, sociale et politique vous soutiendra sur ce point. Dans ce même esprit, l'allongement des exonérations fiscales pour les entreprises situées en ZRU me semble une priorité. Ne passons pas à côté ! Consolidons les premiers résultats sur l'emploi et l'investissement obtenus dans ces ZRU. Pensons à toutes ces entreprises de proximité qui ont entretenu la cohésion sociale de ces quartiers difficiles.

De même, je plaide pour que ces avantages soient consentis aux entreprises qui décideront d'intervenir dans les zones urbaines sensibles afin d'assurer la mise en _uvre du programme national de rénovation urbaine. On permettrait ainsi aux habitants de contribuer par leur travail à la rénovation de leurs propres quartiers, au sein des entreprises bénéficiaires des marchés publics. Nombre d'emplois dans le bâtiment, nécessitant peu de qualification, pourraient ainsi être créés sur les chantiers du renouvellement urbain ! Ceci plaide pour une incitation à l'embauche des résidents de ZUS dans les entreprises non domiciliées dans ces zones, mais intervenant pour leur rénovation.

Votre projet de loi est un bon projet que nous soutenons sans réserve. L'expérience du terrain et notre volonté de refuser le « politiquement correct » nous conduisent à vous proposer des améliorations pour sortir ces quartiers de l'ombre. Nous devons viser leur développement durable, assurer la convergence de tous les moyens pour valoriser la ville dans tous ses aspects, humains, urbains, sociaux, économiques. Négliger l'un de ses visages peut compromettre l'ensemble !

Nous devons également veiller à ce que ce programme ne soit pas relayé demain par un programme bis. C'est aujourd'hui que nous devons gagner ce pari. Il faut donc s'assurer que le service après vente ne sera pas sollicité : il faut un programme qui intègre le développement durable et de qualité. Ce qui implique de prendre en compte la qualité environnementale, les attentes des habitants en matière de confort, des typologies de logements réfléchies, qui assurent enfin une mixité sociale...

J'en viens à un point qui me tient à c_ur. Je tiens à saluer le travail exemplaire qu'accomplissent chaque jour les associations dans les quartiers difficiles. Chacun accorde qu'il est impératif de les soutenir. Nous avons tous conscience des enjeux de leurs activités, souvent très structurantes pour les habitants défavorisés de ces quartiers. Elles répondent à des besoins de tous ordres : caritatif, sportif, culturel, scolaire, de lutte contre l'exclusion, de réinsertion sociale, etc. Les associations font vivre les quartiers en maintenant le lien social.

Il nous appartient de construire une ville solidaire. Unissons nos efforts pour prendre la mesure des défis auxquels sont confrontées chaque jour les associations de ces zones urbaines sensibles. Et proposons une extension des exonérations fiscales en leur faveur. Cela leur permettrait d'embaucher des habitants de ces quartiers, et de renforcer le sentiment d'appartenance à la collectivité de ces personnes, qui sont en proie à un sentiment d'injustice et d'abandon face à de constantes discriminations sociales et professionnelles.

J'espère que vous serez sensibles à leurs attentes et qu'au travers de ce projet nous pourrons adresser aux acteurs associatifs un message d'encouragement et de soutien. Il y a va de la cohésion de notre société.

Monsieur le ministre, vous menez une politique ambitieuse, qui répond aux besoins du présent tout en anticipant ceux des générations futures. Nous sommes nombreux à nous mobiliser à vos côtés. Vous pouvez compter sur nous pour mener à bien votre projet, comme nous comptons sur vous pour nous soutenir (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

Mme Janine Jambu - Ce texte a fait ces derniers mois l'objet de nombreux articles de presse et de déplacements ministériels sur le terrain, qui ont permis d'en populariser l'affichage le plus spectaculaire : « 30 milliards sur cinq ans pour 200 000 démolitions, 200 000 réhabilitations et 200 000 constructions ». Qui repousserait d'un revers de main un tel objectif ? Qui pourrait prétendre que les quartiers défavorisés n'appellent pas un effort de solidarité plus important ? Mais il s'agit de ne pas créer d'illusions, et de vérifier concrètement si les mesures et les moyens proposés sont à la hauteur des annonces. Or, dès qu'on examine le contenu concret de votre projet, le compte n'y est pas. Ne serait-ce pas beaucoup de bruit pour pas grand-chose ?

Tout d'abord, en effet, la politique de la ville ne peut être pensée à part de l'ensemble des orientations de la politique économique et sociale du Gouvernement, qui sont marquées par les options ultra-libérales et la régression sociale. Ce gouvernement a engagé un profond remodelage des retraites, de l'enseignement, et demain des services publics et de la sécurité sociale, qui aura des conséquences gravissimes pour l'ensemble de la société. Et les moins biens lotis en seront les premières victimes. En cassant les fondements solidaires de notre société, issus des luttes sociales et de l'intervention populaire, on va accroître les inégalités, les discriminations, le champ de la mal-vie. La faiblesse du pouvoir d'achat des salaires, retraites et minima sociaux, la multiplication des plans sociaux, l'explosion de la précarité touchent des catégories de plus en plus larges de la société. L'austérité budgétaire annoncée, les coupes sombres dans les dépenses publiques utiles nous font douter de votre capacité à honorer simplement les engagements de l'Etat que vous avez inscrits à l'article 7. Cette même difficulté affectera les objectifs majeurs de ce projet : réduire les inégalités dans les ZUS, lancer un grand programme national de rénovation urbaine, impulser la revitalisation économique et l'accès à l'emploi.

C'est pourquoi nous refusons de participer à quelque consensus générateur d'illusions. Nous abordons ce débat avec la volonté de formuler des propositions alternative, mais aussi de concourir, le cas échéant, à toute avancée correspondant à l'intérêt des populations concernées.

Examinons maintenant les différents titres de votre projet et les principales réflexions qu'ils nous inspirent. Première remarque : ce texte, malgré son intitulé, ne présente pas la cohérence d'ensemble d'une politique de la ville. L'accent est mis sur le logement, et intègre un volet relatif au surendettement qui n'y a pas forcément sa place. Pensez-vous que la démolition est la solution des maux des quartiers sensibles, et que le surendettement est l'apanage des familles qui y vivent ? Ce serait une vision réductrice et stigmatisante.

D'autres mesures entendent réduire les inégalités dans les ZUS, réduire d'un tiers le chômage, développer la formation professionnelle, constituer une offre nouvelle de 200 000 logements locatifs sociaux, favoriser la prévention et l'accès aux soins, la réussite scolaire, la sécurité, l'accessibilité des services publics. Mais ces objectifs sont d'ores et déjà contredits par les faits, la faiblesse des moyens et l'impact des décisions prises au plan national.

Nous nous interrogeons par ailleurs sur l'efficacité de la mise en cohérence des actions de l'Etat et des collectivités sur les programmes d'action en zones urbaines sensibles : une certaine confusion règne en effet sur les différents dispositifs, contrats de ville, grand projet de ville, ZRU, ZFU, opérations de renouvellement urbain, sur leur superposition, sur les conditions de poursuite des opérations déjà engagées et sur les différents échelons territoriaux de compétence.

Nous attendons des précisions sur le fonctionnement de l'Observatoire national, qui doit permettre un réel suivi des engagements pris.

Quant au débat annuel assorti d'une délibération des collectivités concernées, il fait d'autant moins problème que tous les élus engagés dans la politique de la ville pratiquent déjà la chose - j'en parle par expérience. En revanche, nous déplorons le silence fait sur la nécessaire implication des populations, des professionnels et des associations dans l'élaboration des projets.

S'agissant du programme de rénovation urbaine, nos critiques portent sur son contenu, mais aussi sur son financement, bien incertain. Le récent congrès de l'union sociale pour l'habitat a dénoncé l'explosion d'une demande de plus en plus diversifiée, rappelant que celle-ci ne pouvait être satisfaite que par la construction sociale. Or celle-ci demeure anémique en raison de la faiblesse des financements et de l'absence de volonté politique, le Gouvernement préférant soutenir l'investissement privé par des avantages fiscaux de type Périssol amélioré et votre majorité freinant autant qu'elle peut l'application de la loi SRU. C'est ainsi que, gelés dans un premier temps à 30 %, les crédits du logement le restent dans une proportion de 9 %. Si votre programme fait office de pompe aspirante, la situation ne pourra qu'empirer.

Le processus même de démolition est entravé. Or votre projet ne garantit nullement le relogement des familles dans le lieu de leur choix, relogement pourtant indispensable en dehors des cas de vacance. Quant à la mixité sociale, elle continue d'être un v_u pieux...

Si nous regardons de près les opérations que vous citez en exemple, nous constatons même que le solde de logements sociaux disponibles risque d'être inférieur au nombre de logements existants, en raison des ventes et d'un glissement vers les secteurs intermédiaire et libre. On est donc bien loin des 90 000 à 100 000 constructions nouvelles qui seraient nécessaires.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Evidemment !

Mme Janine Jambu - En ce qui concerne le financement, beaucoup de bruit a été fait sur les 30 milliards d'investissements, mais nous n'avons toujours pas compris où vous les trouviez : la somme des apports de l'Etat et de ses partenaires tournera autour de 1,2 milliard par an, soit 6 milliards sur cinq ans. Attendez-vous les 24 milliards restants des prêts et subventions et de la participation des collectivités ? Dans ce cas, la charge risque d'être bien lourde pour les contribuables !

Tout cela demeure donc bien imprécis, comme l'identité des 155 quartiers concernés, sur 741.

S'agissant de l'Agence nationale de rénovation urbaine, si ce guichet unique peut être facteur de simplification et donc d'efficacité, comment ne pas relever une contradiction entre la volonté de centralisation que traduit sa création et le credo décentralisateur du Premier ministre ? Il y a danger qu'y soient déterminées des priorités totalement déconnectées du terrain et nous souhaiterions donc que son conseil d'administration soit ouvert aux représentants des collectivités et des locataires.

La mobilisation des fonds du 1 % et des organismes HLM se fera au détriment de leur vocation originelle et de l'offre globale de logement.

Enfin, le fait de confier à l'agence des missions de maîtrise d'ouvrage est largement critiqué, de même qu'est contestable la volonté de lui assigner une fonction de gestion immobilière ou d'intermédiaire pour des placements financiers.

Pour toutes ces raisons, le programme des trois fois 200 000 logements apparaît irréalisable et nous émettons les plus vives réserve sur la création de cette agence.

Pour ce qui est des zones franches, vous justifiez cette politique d'exonération par le bilan positif des quarante-quatre premières : en cinq ans, elles auraient permis d'implanter 11 000 entreprises et de créer 45 000 emplois, dont 25 à 35 % au profit des habitants. Mais d'autres données conduisent à une appréciation plus nuancée, qu'il s'agisse du coût pour le contribuable, de la nature des emplois créés ou du nomadisme d'entreprises en quête d'aubaines fiscales (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Yves Jego - Ces zones sont faites pour cela !

Mme Janine Jambu - Eh bien, bravo !

D'autre part, l'absence de tout contrôle sur l'utilisation faite des fonds publics nous incite à demander la création d'un observatoire jumeau de celui des ZUS.

Même si vous créez 41 nouvelles zones franches, il vous faudra quadrupler le nombre d'emplois créés d'ici à 2008 si vous voulez atteindre l'objectif de réduction d'un tiers du chômage, mentionné dans l'annexe 1 ! Or, dans le même temps, les plans sociaux, les délocalisations et l'essoufflement de la croissance continueront de faire sentir leurs effets...

Plus généralement, la pratique d'exonérations et d'allégements de charges chère au Medef va devenir la règle. Comment seront alors financés les infrastructures et les services publics ? Comment combattra-t-on les inégalités territoriales ?

S'agissant enfin du surendettement, vous regrettons l'absence de propositions visant à le prévenir. Il est vrai que vous n'en analysez pas les causes ni ne mettez en question le rôle des organismes pourvoyeurs de crédits. La procédure prévue peut être adaptée au traitement de dossiers « lourds » mais il s'imposerait d'améliorer le fonctionnement des commissions et lever les craintes pesant sur les missions de la Banque de France. Il faut aussi assurer un véritable accompagnement social des familles et garantir leur logement ou relogement.

La commission des finances a demandé la suppression de l'article 30, relatif à la gouvernance des SAHLM, dont les effets pourraient en effet être graves pour l'avenir de ces 1 800 000 logements sociaux. Nous ferons valoir notre point de vue dans la discussion.

Notre souci majeur est de ne pas créer d'illusions : ce projet ne remédiera pas aux maux des quartiers les plus défavorisés. Un vernis social et des déclarations d'intention ne peuvent masquer le fond de votre politique et nous voterons donc contre ce texte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. Pierre Cardo - Il y a si longtemps que nous travaillons sur ce projet qu'il me semble que tout a été dit et décortiqué. Mais, Monsieur le ministre délégué, vous avez tant de talent...

M. André Santini - Attention !

M. Pierre Cardo - ...que, lorsqu'on lit le texte, on n'y trouve pas ce que vous dites y être ! Ainsi, défendant l'exception d'irrecevabilité, M. Le Bouillonnec a lu un avis du CNV qui nous est apparu très négatif. Lorsque vous avez cité ce même rapport, il apparaissait très positif - il est vrai que vous ne lisiez pas les mêmes pages ! (Rires)

Cela étant, ce projet est extrêmement ambitieux et il a le mérite de programmer une action soutenue et d'énoncer de grands principes : réduction des inégalités sociales et territoriales, équité sociale - ce qui est nouveau et mérite d'être développé. Il définit des programmes d'action, aux échelons local et national, fixe des objectifs, prévoit des indicateurs... Pour la première fois depuis vingt ans, nous allons enfin être en mesure d'évaluer les effets de la politique de la ville !

Votre programme de rénovation de l'habitat est un des éléments essentiels de ce projet : 200 000 destructions, autant de constructions et de réhabilitations. Jamais on n'avait eu une telle ambition et j'espère donc que vous la réaliserez dans les délais.

En créant l'Agence nationale de la rénovation urbaine, vous simplifiez les financements, ce qui a des aspects positifs et des aspects négatifs. Cela concerne surtout l'investissement, mais que n'avez-vous fait de même pour le fonctionnement, pour lequel il existe quinze lignes différentes, de sorte que les élus ne s'y retrouvent pas. Or il s'agit du soft, bien plus important que le hard !

En matière de développement économique, vous créez quarante et une ZFU supplémentaires - vous savez que je n'en suis pas fanatique - et vous prolongez les ZRU.

Il est étonnant de trouver dans ce texte des dispositions relatives à la faillite civile, mais il est indispensable de s'attaquer aux cas d'endettement les plus lourds. J'avais souhaité que le texte mette aussi l'accent sur la prévention.

Voilà pour les aspects très positifs de ce texte. Mais ce n'est ni parce que j'appartiens à la majorité, ni parce que j'observe depuis vingt ans le dysfonctionnement des politiques menées par vos prédécesseurs que je me priverai de dire qu'il manque à ce projet un certain nombre de choses que j'espère y voir introduites par voie d'amendement.

La gauche l'a dit, mais elle n'avait pas fait mieux, ce qui a trait aux associations et aux habitants est un peu transparent. De même, les maires apparaissent, si j'ose dire, en filigrane. Je regrette que vous n'ayez pas saisi l'occasion qui vous était offerte de préciser leur rôle à la fois d'exécutif local, et de coordinateur des politiques territoriales, de trait d'union entre l'Etat et les institutions, d'une part, les habitants et les acteurs de terrain, d'autre part.

Font aussi défaut à ce projet des engagements chiffrés sur certains objectifs.

En ce qui concerne l'habitat, je me demande s'il sera possible, dans les délais prévus, de reloger tout le monde, d'autant que les réhabilitations l'exigent aussi parfois.

Mme Annick Lepetit - Absolument !

M. Pierre Cardo - Si l'on ne veut pas qu'apparaissent bidonvilles et caravanes, il faut y réfléchir. Des opérations tiroirs seraient envisageables, mais on sait que les communes voisines ne sont pas toujours enclines à la solidarité...

M. Jean-Pierre Blazy - Absolument !

M. Pierre Cardo - Pour le soutien à l'activité économique, je préférerai une exonération du foncier à des mesures portant sur les impôts et taxes. Le prix du foncier est, en effet, un problème majeur en région parisienne. Je défendrai un amendement à ce propos.

Je l'ai dit, je déplore que les mesures relatives à la faillite civile ne portent pas davantage sur la prévention. Nous voyons bien, en outre, dans les conseils généraux, que nous aurions besoin de plus de tuteurs pour aider ceux qui ne savent pas gérer leur budget. Croyez-vous, par ailleurs, que refuser, au nom de la protection des données personnelles, de créer un ficher des personnes surendettées leur rende service ? Qui plus est, un tel fichier mettrait les organismes de crédit devant leurs responsabilités au moment où ils s'apprêtent à accorder un prêt. Je défendrai un amendement complétant le dispositif, notamment pour les accédants à la propriété.

J'ai bien compris que l'influence de Bercy vous a empêché de modifier la DSU... (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste) Tant qu'elle sera attribuée non pas selon le nombre d'habitants du quartier mais de toute la commune, le problème demeurera. Que les communes qui n'ont pas de problème financier assument le coût de la politique de la ville et qu'elles arrêtent de piquer l'argent à celles qui en ont vraiment besoin (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe socialiste).

Enfin, l'annexe 1 traite de sujets fort intéressants pour nous, acteurs locaux. Sur l'emploi, l'éducation, la santé, nous voyons enfin arriver quelque chose de concret. Mais pourquoi seuls l'habitat et la santé se voient affecter des moyens sur cinq ans ? Je défendrai un amendement pour qu'un même élan soit donné en matière de sécurité, de réussite scolaire, de services publics. Tous ces domaines doivent être traités à l'identique car ils sont également indispensables pour rendre les habitants heureux et pour faire de ce projet le texte d'avant-garde que vous voulez qu'il soit.

Nous avons compris que vous avez été confronté à la fois aux réticences du ministère des finances et à celles de vos collègues qui refusent de céder certaines de leurs compétences. Nous vous soutiendrons car il serait fâcheux de vous priver des moyens dont vous avez besoin pour réussir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Odile Saugues - Bien sûr, les collectivités locales s'impliquent fortement dans la politique de la ville, le renouvellement urbain, la construction et la gestion des logements sociaux, mais cela n'exonère en rien l'Etat de ses devoirs. En effet, le droit au logement est une exigence républicaine et le financement du logement social doit être une priorité absolue.

Ce projet ne suffira pas à dissiper le trouble de tous ceux qui _uvrent au quotidien dans les quartiers pour endiguer la relégation sociale et urbaine. Il vient après bien des décisions qui ont durement pénalisé ces quartiers et leurs habitants. J'espère que vous nous direz comment les contrats de ville 2000-2006 seront honorés en dépit de vos choix budgétaires.

Vous avez aussi décidé de supprimer les emplois-jeunes et les aides-éducateurs, alors que ces dispositifs...

M. Christian Vanneste - S'achevaient au bout de cinq ans !

Mme Odile Saugues - ...profitaient largement aux quartiers en difficulté, dont la grande richesse est la vie associative. Des projets d'animation, de prévention, d'insertion, de médiation seront ainsi remis en cause tout comme des actions de soutien à la citoyenneté et de lutte contre l'illettrisme.

Votre objectif, louable, de rétablir la cohésion nationale se heurte, à l'évidence, au gel des crédits destinés à la lutte contre les exclusions et à la solidarité. Je reçois à ma permanence du c_ur de Clermont-Ferrand les appels au secours de ces associations. Les menaces sur l'insertion et le logement social ont beaucoup déstabilisé des acteurs essentiels, qui tentent de maintenir l'équilibre dans les quartiers fragiles. Il y a quelques jours, en Auvergne, les conventions entre la direction du travail et les entreprises d'insertion n'étaient toujours pas signées pour 2003.

Cette réalité est bien éloignée des effets de manche ; c'est celle qui touche directement nos concitoyens les plus démunis. Cela pose la question de la responsabilité de ce gouvernement.

Je ne passerai pas sous silence le retour de l'évaluation forfaitaire pour les jeunes dans le calcul de l'APL ni la remise en cause du décret gardien alors que nous savons la nécessité de ces professionnels dans les quartiers.

Il est également dommageable que la montée en puissance de la prime d'accession au prêt social dans ces quartiers ait été stoppée par le ministre du logement.

Je ne jette pas l'anathème ni contre votre démarche ni contre votre texte mais, convenons-en, bien des interrogations demeurent. Quel est le poids réel de vos arguments dans une équipe, à l'évidence d'abord encline à multiplier les décisions clientélistes, méprisante à l'égard de nos concitoyens les plus fragiles, éprouvés par la crise économique, sociale et urbaine, cette « France d'en bas » sur laquelle elle porte un regard condescendant ? Je doute fort que la majorité actuelle se soit convertie à la cause de l'urbanité républicaine. Nous avons tous en mémoire ses assauts répétés ici, lorsqu'elle était l'opposition, contre la mixité sociale recherchée par la loi SRU, non plus que sa saisine du Conseil constitutionnel en novembre 2000 pour tenter de faire annuler la notion de « logement décent », défendue pourtant par le Conseil national de l'habitat.

Je centrerai mon propos sur deux volets du texte. Tout d'abord, la lutte contre le surendettement. La procédure de rétablissement personnel sera généralisée. A cet égard, nous sommes inquiets des conséquences de la fermeture de nombreuses succursales de la Banque de France sur le traitement des dossiers de surendettement. L'institution ne semble pas avoir placé cette tâche, pourtant essentielle, au même rang que l'exercice de ses missions régaliennes. La représentation nationale doit faire en sorte que les familles les plus pauvres ne fassent pas les frais de ces restructurations.

Vous souhaitez réactiver le dispositif des zones franches urbaines, lequel avait pourtant montré ses limites, provoquant à la fois effets d'aubaine et effets pervers. Ma circonscription étant directement concernée par la prorogation et l'extension du dispositif, je devrais sans doute m'en réjouir. Je demeure pourtant sceptique. Le dispositif a donné lieu à trop de dérives par le passé - que nous avons tenté de corriger dans la loi SRU. On peut légitimement de son efficacité. Selon des statistiques de l'UNEDIC, 9 000 emplois auraient été créés dans les quartiers concernés en 1997... contre 6 500 l'année précédente, avant l'entrée en vigueur du dispositif. Et ce, tout de même, pour un coût de 651 millions de francs ! On est donc loin des chiffres mirifiques que vous annoncez, d'autant que beaucoup de ces emplois ne résultent pas d'embauches, mais simplement de transferts. Un rapport de l'IGAS dénonçait déjà en 1998 des contreparties en matière d'emploi « ténues, lacunaires, peu vérifiables».

S'il nous faut explorer toutes les pistes face à la remontée du chômage, nous devons être attentifs à la précarité croissante des emplois dans les quartiers : flexibilité accrue, temps partiels subis, salaires de misère, non-respect du droit du travail non plus, bien sûr, que du dialogue social. L'URSSAF a ainsi dénoncé des contrats de travail réduits à deux heures par semaine, notamment dans certaines des enseignes de hard discount qui ont fleuri dans les quartiers. Nous ne pouvons faire l'impasse sur la qualité des emplois créés. L'aide de l'Etat devrait être subordonnée à certaines garanties sociales.

Nous n'avons pas oublié l'arrêt de la Cour de cassation du 16 mai 2002 qui autorise les entreprises à réduire leur activité dans ces quartiers jusqu'à ne plus y conserver que leur siège social. L'Etat ne doit pas se faire le complice des entreprises-boîtes à lettres, des chasseurs de primes, des canards boiteux qui tentent de survivre sous perfusion dans ces quartiers sans être en mesure de les redynamiser (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste).

Vous semblez dénoncer certains effets pervers des zones franches. Mais, hélas, vous supprimez les mesures que nous avions prises pour les limiter, comme le fait de réserver les exonérations de charges aux seuls emplois créés, et non seulement transférés. La « bataille de la ville » - je reprends votre expression - ne doit pas aboutir à la création de zones de non-droit fiscal et social. Pour favoriser de réels projets de développement, il faudrait conditionner les aides, exiger des entreprises une participation à la vie sociale des quartiers et privilégier une politique contractuelle.

M. Yves Jego - Caricature !

Mme Odile Saugues - Monsieur le ministre, je crois sincère votre volonté de « casser les ghettos ». Mais il faudrait que l'Etat accepte d'y consacrer les moyens financiers nécessaires. Artifices budgétaires et création de structures nouvelles, coffres-forts virtuels alimentés par l'argent d'autres, ne suffiront pas.

Enfin, je regrette que ce texte arrive si tard (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), surtout que, depuis un an, beaucoup de décisions ont fortement pénalisé les quartiers défavorisés, y faisant d'ailleurs se développer un sentiment dévastateur de revanche sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Ministre délégué - Je demande une brève suspension de séance.

La séance, suspendue à 23 heures 5, est reprise à 23 heures 10.

M. Jean-Christophe Lagarde - L'institution d'une procédure de rétablissement personnel est un excellente nouvelle, notamment pour nos concitoyens les plus en difficulté. L'UDF réclamait depuis longtemps cette véritable seconde chance. Votre détermination et votre pouvoir de conviction, Monsieur le ministre, ont permis de l'obtenir, contre bien des idées reçues, et je vous en remercie tout particulièrement. Des centaines de milliers de foyers, harcelés par les créanciers alors même qu'il leur était impossible de rembourser leurs dettes, vont enfin pouvoir reconsidérer leur avenir - en Seine-Saint-Denis par exemple, on dénombre plus de 40 000 ménages surendettés.

Ce dispositif est l'aboutissement d'un long chemin législatif, depuis la loi Neiertz de 1989. Les améliorations apportées en 1998 n'étaient pas suffisantes. Restait à instituer ce dernier étage du dispositif de lutte contre le surendettement. Ce dispositif, salutaire pour les personnes concernées mais aussi juste sur le plan social, leur permettra de repartir de zéro. C'est bon pour l'économie car les bénéficiaires du dispositif vont pouvoir consommer de nouveau, même si ce doit être de façon raisonnable. C'est juste politiquement, la majorité ne souhaitant pas privilégier les uns au détriment des autres, mais tendre la main à ceux qui sont en détresse.

La situation actuelle n'est pas satisfaisante : si le dispositif permet de traiter les situations de surendettement, celles-ci restent trop nombreuses. Nous ne pouvons accepter que près de 200 000 familles se déclarent en surendettement chronique. La procédure proposée n'empêchera pas ce chiffre de croître. Il est donc nécessaire de prévoir des mesures de prévention. Nous avons déposé des amendements en ce sens et nous sommes prêts à vous aider à convaincre Bercy. Nous vous proposons un dispositif cohérent qui repose sur la responsabilisation des acteurs de l'endettement, c'est-à-dire des organismes de crédit.

Reprenant les dispositions d'un proposition de loi que j'ai déposée, nous vous invitons à créer une clause d'agrément qui oblige le prêteur à vérifier la solvabilité de l'emprunteur. Nous ne pouvons accepter que des organismes de crédit continuent de prêter à des personnes surendettées, à des taux exorbitants qui plus est.

M. Jean-Pierre Blazy - Usuraires !

M. Jean-Christophe Lagarde - Combinées avec les dispositions de la loi de sécurité financière, nos propositions permettraient de régler ce problème. Si la solution est connue de tous, elle en effraye beaucoup : pas ici, ni au sein du Gouvernement, mais dans un certain arrondissement de Paris où se décide la politique du crédit. Cette solution, c'est la création d'un fichier de l'endettement.

La procédure de rétablissement personnel a pour objectif d'aider ceux qu'un accident de la vie a conduit au surendettement. C'est très bien, car ils représentent un tiers des dossiers. Mais que prévoit-on pour les autres ? On considère souvent qu'ils sont victimes de leur propre turpitude, parce qu'ils ont trop consommé. En réalité, il suffit d'un petit dérapage, sous la pression de sociétés de crédit qui leur offrent ce qu'ils croient être une planche de salut et qui n'est qu'une planche pourrie qui les enfonce encore un peu plus dans le surendettement. L'unique solution est d'encadrer l'attribution de crédit.

On nous dit que la création d'un fichier de l'endettement serait attentatoire aux libertés ; c'est faux. Notre dispositif n'a rien d'aberrant ; il est analogue à ce que pratiquent d'autres pays d'Europe. La commission des affaires culturelles en propose d'ailleurs un semblable, à l'initiative de Cécile Galez. Je souhaite que nous traitions en amont ce qui risque de devenir un fléau : le surendettement causé par la surconsommation.

Nous proposons aussi que certains créanciers passent avant d'autres. Je pense aux propriétaires de logements privés qui ont besoin du loyer pour rembourser leurs emprunts (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste).

Nos propositions sont en avance ; les adopter vous éviterait de devoir légiférer de nouveau à court terme.

Le groupe UDF soutient votre projet (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

Mme Annick Lepetit - Autant vous le dire, Monsieur le ministre, tout d'abord l'annonce de votre projet m'a plu. L'ambition semblait au rendez-vous, dans la continuité de ce qui a été fait par vos prédécesseurs, comme vous-même aimez le répéter.

Le titre de votre projet, votre annonce d'un « plan Marshall des banlieues », votre expérience de maire de Valenciennes étaient de bons présages pour l'avenir. Mais assez rapidement, l'illusion est tombée. L'effort budgétaire de l'Etat n'est pas à la hauteur de vos intentions et, même si certaines d'entre elles sont louables, vous semblez beaucoup compter sur d'autres pour apporter le financement nécessaire.

En outre, vous réduisez la politique de la ville à la rénovation urbaine. Il n'y a aucune mesure sur l'emploi, l'école ou la prévention. La politique de la ville est désormais quantitative. Il faut démolir et reconstruire pour faire la ville. Nous avons un chiffre - 200 000 démolitions et reconstructions sur cinq ans - mais nous ne savons ni où, ni quand, ni comment, ni avec quel argent ! De plus, les logements qui seront détruits sont dans leur très grande majorité habités... Des études ont-elles été faites, notamment auprès des élus, des associations, des populations ? Si elles existent, nous aimerions les connaître.

Mais le plus incroyable, c'est que votre projet oublie les habitants. C'est la politique de la ville fantôme (Rires sur les bancs du groupe socialiste). Vous que vos collègues présentent comme « le pilier social du Gouvernement », « un homme du terrain », vous ne vous souciez pas des habitants, prévoyant de détruire leur logement, leur quartier et parfois même leur histoire sans même les consulter (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Ainsi, les indicateurs de l'Observatoire national des ZUS reposent exclusivement sur des évaluations d'experts. Ni les habitants, ni les amicales de locataires, ni les élus ne participent au conseil d'administration de l'Agence nationale de rénovation urbaine. C'est d'ailleurs une des raisons parmi d'autres pour laquelle nous sommes opposés à sa création. On ne fait pas le bonheur des gens sans eux et malgré eux ! C'est contraire à la démarche décentralisatrice et de proximité. C'est contraire à la démocratie participative à laquelle je vous sais attaché, Monsieur le ministre.

Alors que les politiques de rénovation urbaine sont délicates à mener, vous ne prévoyez aucun accompagnement social et humain. Il arrive que des habitants aient quelques réticences à la démolition de leur logement. Certains craignent d'avoir à payer des loyers plus élevés une fois relogés. D'autres ont peur de ne pas pouvoir bénéficier d'un grand appartement : il est difficile de reloger des familles nombreuses en région parisienne. Parmi les populations concernées, certaines sont en grande difficulté ! Des travailleurs sociaux sont nécessaires. Quel budget est-il prévu à cet effet ? L'accompagnement social suppose également un soutien actif aux associations. Or, les aides aux associations ont été diminuées et risquent de l'être encore - sans parler de la suppression des emplois-jeunes ! Ainsi, votre gouvernement a supprimé les moyens et a détruit les outils qui seraient aujourd'hui nécessaires à votre politique !

Rien, dans votre texte, ne garantit le relogement, et M. Cardo en sera d'accord. Vous allez devoir reloger 40 000 foyers alors que nous sommes en pleine pénurie de logements ! Cela veut dire qu'il faut bâtir avant de démolir. Or, actuellement, pour deux logements détruits, un seul en moyenne est reconstruit ! Comment allez-vous faire pour satisfaire la demande ? Vous ne disposez ni d'argent, ni du foncier nécessaire. J'entendais sur Europe 1, le 19 juin dernier, M. de Robien, dire qu'il souhaitait la construction de logements plus petits et individuels. Il sait que cela demandera davantage de foncier. Une difficulté supplémentaire pour vous, Monsieur le ministre : il faudra reconstruire plus petit ! Et comme il faut reconstruire beaucoup, cela signifie qu'il faudra reconstruire partout !

Si la démolition de logements indignes fait consensus aujourd'hui, du moins je l'espère, il n'en est pas de même pour la reconstruction et pour le relogement. En effet, il y a généralement peu d'enthousiasme, voire de la résistance de la part de certaines collectivités locales, quand il s'agit de reconstruire hors des quartiers sensibles. Les élus de votre majorité, les plus anciens en tout cas, se souviennent de débats houleux pendant l'examen de la loi SRU.

Où les gens seront-ils relogés ? Où vivront-ils ? Tous seront-ils maintenus dans leurs quartiers ? Allez-vous remettre en cause l'article 55 de la loi SRU,

M. François Grosdidier, rapporteur pour avis de la commission des finances - Mais non !

Mme Annick Lepetit - Vous pensez que changer le décor changera toutes les données. Mais le béton ne fait pas tout, loin de là ! Vous voulez « refaire la ville » sans les gens... Il est essentiel d'informer les populations.

En outre, votre politique empiète sur la politique du logement. Vous déshabillez Pierre pour habiller Paul ! Beaucoup craignent une baisse des crédits PALULOS.

Vous comprendrez, Monsieur le ministre, que nous ne puissions pas adhérer à votre projet. Mais la politique de la ville est une question essentielle et c'est pourquoi je souhaite un débat responsable et constructif entre nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Yves Jego - Ce projet, pour l'élaboration duquel vous avez mené une large concertation, répond à une urgence, créée par la dégradation des conditions de vie des millions d'habitants des quartiers en grande difficulté, par l'enfermement de ces quartiers dans de véritables poches de pauvreté, par la perte d'espoir des habitants, qui menace la cohésion sociale de notre pays.

Là, la République est devenue invisible, au gré des milliards annoncés par des ministres successifs pleins de bonne volonté, et de l'absence de réalisations concrètes sur le terrain. Les habitants des quartiers ne croient plus aux grands plans, aux effets d'annonce, aux chiffres alignés dans les conférences de presse à Paris, et attendent avec impatience du concret au pied de leur immeuble (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

J'ai entendu ce soir beaucoup de critiques sur ce qu'il aurait fallu faire, en particulier de la part de ceux qui ne l'ont pas fait quand ils pouvaient le faire (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Aujourd'hui, vous tirez les enseignements du passé, en essayant de comprendre pourquoi cela ne marchait pas, pourquoi les sommes annoncées n'arrivaient pas à destination, pourquoi, une fois de plus, on s'empressait d'oublier un rapport très sévère de la Cour des comptes montrant que, pour 100 F de crédits d'investissement votés par le Parlement, à peine 40 F étaient consommés en fin d'année. C'est pourquoi se disputer sur le nombre de milliards n'a aucun sens (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes). Il y a eu beaucoup de milliards inscrits par la majorité précédente, mais nous n'en avons guère vu le contour sur le terrain ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Vous avez donc voulu, Monsieur le ministre, inverser la logique que nous subissons. Je suis maire d'une ville qui compte 80 % de logements sociaux et qui, depuis vingt ans, a accroché tous les acronymes de la politique de la ville. Et toujours L'Etat nous disait : « Voilà nos solutions, débrouillez-vous pour que vos problèmes leur correspondent ! Or les problèmes de Montereau ne sont pas ceux de Marseille !

En créant le guichet unique, vous vous attachez à simplifier la situation, et aussi à partir des projets locaux, Montereau fut l'une des premières villes à expérimenter cette démarche, et nous avons eu, dans ce cadre, l'entière liberté de consulter les habitants. Je réponds là à Mme Lepetit : ce n'est parce qu'elle figure dans la loi que la concertation sera de qualité. Il faut faire confiance aux maires, qui sont les mieux placés pour faire vivre la concertation. Nous avons eu aussi pleine liberté pour inclure dans le projet l'ensemble de nos besoins. Ainsi un maire pourra obtenir des subventions, en déplafonnant tous les critères, pour reconstruire une école parce qu'elle est essentielle à la vie du quartier. Jusqu'à présent on nous disait : « L'école, Monsieur le maire, c'est votre responsabilité. Si vous ne la prenez pas en charge pour au moins 60 %, rien ne se passera ». Alors je le faisais, et je n'avais plus les moyens de faire autre chose ! Grâce au nouveau dispositif, nous pourrons attaquer de front l'ensemble de nos problèmes.

Vous avez aussi fixé des objectifs ambitieux en matière de démolition, de reconstruction, de réhabilitation. La loi nous ouvre des perspectives dans le temps, et c'est à nous de présenter au plus vite au guichet unique des projets cohérents.

Enfin vous donnez au volet économique toute sa dimension. Président de l'association nationale des villes zones franches, je puis témoigner que nous avons entendu dire sur ce dispositif beaucoup d'âneries (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), qui n'ont pas cessé malgré ses effets positifs. A croire que les orateurs précédents en sont restés à leur documentation d'il y a cinq ans, alors même que les succès obtenus sur le terrain ne font aucun doute ! J'ai entendu parler de « chasseurs de primes ». Or il n'existe pas de chasseurs de primes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), pour la bonne raison qu'il n'y a pas de primes ! L'entrepreneur qui s'installe en zone franche ne touche pas un centime d'argent public, contrairement au système imaginé par M. Bartolone (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Blazy - Citez donc des chiffres ?

M. Yves Jego - Il y a une différence entre prendre un chèque et partir avec, et exercer une activité réelle en échange de laquelle on nous prend un peu moins d'argent à la fin de chaque mois (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Le rapport d'impact commandé au moment de la création des zones franches concluait à la création, dans le meilleur des cas, de 7 000 emplois en cinq ans. Nous en sommes aujourd'hui à 45 000. Comment parler d'un succès « mitigé » ?

Le ministre, j'espère, ne donnera pas le label zone franche aux villes qui le refusent. Mais sur les quatre-vingts villes susceptibles d'en bénéficier, aucune ne l'a refusé (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Même les maires les plus critiques, comme Mme Aubry à Lille, tenaient, sur place, un discours tout différent face aux entreprises.

Votre projet répond aux v_ux de ceux qui croient important de réhabiliter les valeurs de la République dans vos quartiers, de montrer à leurs millions d'habitants qu'ils sont bien acteurs de la République. Votre loi est ambitieuse, et elle rencontrera un succès sans précédent depuis vingt ans parce qu'elle est fondée à la fois sur le pragmatisme et sur l'intelligence (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Arlette Grosskost - Vous avez le mérite, Monsieur le ministre, de concilier une logique de développement économique avec un objectif de cohésion sociale.

De plus, vous vous donnez les moyens de votre politique, notamment en élargissant le dispositif des zones franches, qui est un vrai succès.

Ainsi à Mulhouse, bien qu'implantée à proximité d'un quartier sensible, la ZFU a permis l'implantation de 200 entreprises et de 1 800 emplois, dont 300 créations nettes, sans trouble manifeste à quelques exceptions près, en dépit de certaines craintes exprimées au départ.

Permettez-moi cependant un petit « bémol » personnel : s'il est normal d'imposer au chef d'entreprise, pour bénéficier des exonérations prévues, d'embaucher un tiers de salariés domiciliés dans le périmètres de la ZFU, un tel recrutement se heurte fréquemment à l'inadéquation entre la qualification requise et le public local, souvent en difficulté. Il s'ensuit un redressement fiscal ou social de l'entreprise n'ayant pas pu répondre dans les délais aux règles strictes édictées par le texte, souvent interprétées de la façon la plus rigoureuse par une administration tatillonne et encline à suspecter a priori de fraude l'entrepreneur concerné.

Il faudra donc réfléchir aux moyens de mieux qualifier les salariés à la recherche d'un emploi dans les quartiers difficiles. Nous devons donner toutes ses chances à l'intégration par l'économique. il n'y a pas de raison que l'esprit d'entreprendre ne puisse pas fleurir aux balcons de nos cités !

Je profite de cette discussion générale pour faire une digression sur un sujet qui me tient à c_ur, et je suis très obstinée : il s'agit du SAVU. A Mulhouse et dans cinq autres sites, ce service fonctionne à titre expérimental depuis six mois, et apporte une aide immédiate aux victimes d'agressions, d'accidents ou de violences conjugales - près de 90 % de ses interventions concernent les femmes... Instrument de lutte contre le sentiment d'abandon et d'insécurité, ce dispositif répond aux attentes des victimes comme des institutions - forces de l'ordre, hôpitaux, parquet. Une évaluation est en cours pour décider de la suite de l'expérience. Je souhaite que la pérennisation du dispositif repose sur un financement partenarial associant l'Etat - au-delà de son simple engagement pour une période expérimentale - et les collectivités. La sécurité est une responsabilité partagée : elle appelle un engagement partenarial en faveur des victimes du quotidien.

Parmi ces victimes figurent aussi celles du surendettement. Le projet se saisit de cette question. En Alsace-Moselle, depuis plus d'un siècle, la faillite civile permet de traiter les situations les plus lourdes. Elle doit être modernisée et adaptée à l'évolution de la société. C'est le sens des amendements que j'ai déposés avec Emile Blessig, et qui répondent à trois préoccupations. Tout d'abord, la moralisation de la faillite civile serait confortée par l'exigence de la bonne foi, qui devient une condition d'ouverture de la procédure. Ensuite, le coût de la procédure serait allégé par la dispense de l'inventaire des biens et de la vérification des créances lorsqu'il apparaîtrait, dès le départ, que le produit de la vente des biens du débiteur sera absorbé par les frais de la procédure. Enfin, pour éviter l'effacement total des dettes d'une personne disposant tout de même de revenus suffisants, la possibilité serait donnée au juge d'instituer une obligation de contribuer au passif dans une proportion qu'il déterminera, et pour une durée ne pouvant excéder deux ans.

J'espère que ces amendements pourront être adoptés, et je vous remercie, Monsieur le ministre, pour votre écoute (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Blazy - L'annonce de ce texte, la volonté du Gouvernement de s'intéresser aux enjeux de la politique de la ville ont suscité des espoirs chez les habitants, les bailleurs sociaux et les élus. Nous n'avons pas la prétention, pour notre part, d'avoir tout réussi dans ce domaine (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

En annonçant, Monsieur le ministre, la plus grande opération de construction depuis l'après-guerre, vous avez créé une attente autour de ce projet. Je crains que beaucoup ne soient déçus. Certes il comporte des mesures positives, mais c'est la déception qui domine : ce texte n'est pas à la hauteur des enjeux, et ne constitue pas une loi d'orientation et de programmation crédible. Le Conseil national des villes et les deux rapports du Conseil économique et social saluent les avancées de ce texte, mais en soulignent aussi les insuffisances, et formulent des demandes que nous croyons judicieuses.

Notre première déception porte sur l'Agence nationale pour la rénovation urbaine que vous proposez de créer. Belle idée que celle d'un guichet unique, facilitant le travail des élus et des bailleurs sociaux ! Mais la mise en place de cette agence soulève certaines incompréhensions. Tout d'abord, il est étonnant, alors que le Gouvernement affiche des objectifs de décentralisation, que vous proposiez un dispositif très centralisé. Des inquiétudes s'expriment également face au risque d'une remise en cause du caractère fortement partenarial et contractuel de la politique de la ville. Déjà, le conseil interministériel des villes ne se réunit plus, et les crédits de fonctionnement ont été en partie gelés, plongeant les partenaires de la politique de la ville dans de graves difficultés, en particulier les associations. La politique de la ville ne se réduit pas au renouvellement urbain !

Mais la difficulté la plus significative concerne sans aucun doute les moyens. S'agissant de votre ambitieux programme de 200 000 démolitions, 200 000 reconstructions et 200 000 réhabilitations, dont le coût est estimé à 30 milliards d'euros sur cinq ans, il est prévu que l'Etat intervienne à hauteur de 2,5 milliards d'euros par an, avec seulement 300 millions d'apport supplémentaire. Pour l'essentiel, vous comptez sur les autres partenaires de la politique de la ville, et sur un « effet de levier » qui paraît douteux. L'effort supplémentaire de l'Etat est très faible, et les incertitudes du budget 2004 nuisent à la crédibilité des objectifs annoncés.

Par ailleurs, le champ de la loi se limite aux seules zones urbaines sensibles. J'associe à cette analyse ma collègue Sylvie Andrieux-Bacquet, qui n'a pu être parmi nous. Bien sûr, ces zones méritent une action ciblée, mais qu'en est-il des autres quartiers de la politique de la ville ? De nombreux élus s'inquiètent de ce choix, et demandent une clarification. Que faites-vous des opérations de renouvellement urbain qui ne recouvrent pas de ZUS ? A Gonesse, ville dont je suis le maire, j'ai une ZUS à un autre bout de la ville et à l'autre une ORU. Que faites-vous des cinquante-deux GPV, dont vingt-huit représentent une zone plus large que les ZUS qu'ils contiennent ? Le guichet unique acceptera-t-il également de financer les reconstructions en dehors des zones urbaines sensibles de logements détruits ? En effet, le principe d'un logement reconstruit pour un logement démoli ne saurait signifier qu'il faille reconstruire dans le même quartier, que l'on peut vouloir dédensifier. N'ajoutons pas de nouvelles injustices aux inégalités existantes en focalisant l'effort sur 720 ZUS, alors que les contrats de ville concernent plus de 1 200 quartiers difficiles. J'aimerais croire que 500 quartiers sont sortis miraculeusement de leur misère, mais j'en doute.

Le projet ne dit mot des contrats de ville en cours. Pourtant c'est la démarche contractuelle et partenariale qui est efficace, avec l'implication des habitants et des associations locales. La politique de la ville se doit de recréer du lien social, et pas seulement de construire du logement neuf. Elle doit mettre les habitants au centre de ses préoccupations, et les mesures d'aménagement que vous préconisez appellent un accompagnement social des populations, des mesures d'appui à l'éducation et à l'école, des mesures d'intégration par l'emploi, d'accès aux soins, mais aussi de prévention de la délinquance. Vous renvoyez tout cet accompagnement social indispensable à une annexe, qui se résume à une déclaration d'intention sans véritables moyens, même si nous approuvons la création de l'Observatoire national.

Il est vrai, Monsieur le ministre, que les choix politiques généraux du Gouvernement ne jouent pas en votre faveur, et je ne peux imputer à votre texte toutes les insuffisances de sa politique. Mais comment faire de la prévention dans les quartiers difficiles, si votre gouvernement supprime la police de proximité ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Comment faire de la prévention, lorsque vous remettez en cause les emplois-jeunes et les adultes-relais ? Dans le Val-d'Oise, en 2003, nous ne comptons plus que dix de ces derniers, et nous n'avons aucune certitude pour 2004. Comment favoriser l'intégration des populations d'origine étrangère, si le FASILD réduit massivement son aide aux associations ? Comment prévenir la rupture éducative, si vous freinez la mise en place des cellules de veille éducative en réduisant les crédits pour les postes de coordonateur ?

Le développement des quartiers en difficulté passe également par un développement économique. Que prévoit votre texte dans ce domaine ? Vous créez quarante et une nouvelles zones franches, parfois sans concertation avec les élus concernés... (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. François Grosdidier, rapporteur pour avis - C'est faux : il n'y a pas de ZFU si la ville n'est pas candidate.

M. Jean-Pierre Blazy - Nous avions nous-mêmes prolongé ce système, mais nous avions prévu des dispositifs de sortie. Où sont les vôtres ? Car on ne peut pas indéfiniment priver les collectivités de ressources fiscales, ni laisser se développer les effets d'aubaine et le risque de voir se créer des « entreprises boîtes-à-lettres » sans embauches réelles. Ce n'est pas en multipliant les zones franches que vous résorberez le chômage : le lieu d'émergence du problème n'est pas le problème lui-même. Ce n'est pas en diminuant continuellement les charges des entreprises dans les quartiers que vous favoriserez la formation professionnelle et la mobilité. La zone franche n'est pas une solution viable à terme, et il faut au contraire permettre aux quartiers concernés de se « normaliser » au plus vite.

De même, il est indispensable de donner des moyens financiers aux communes pauvres de nos banlieues, et pour cela de réformer la DSU. Il faut aussi que les dépenses réelles prises en compte au titre du fond de compensation pour la TVA soient celles de l'exercice en cours.

Votre projet s'essouffle donc à peine mis sur pied. S'attaquer aux problèmes de nos quartiers ne peut se résumer à quelque mesures qui risquent d'être mal financées. La ville est bien plus que ses bâtiments, les transformations physiques n'ont pas nécessairement des effets sociaux : il faut une politique ambitieuse et intégrée, incluant la formation professionnelle, l'insertion sociale, la promotion d'un logement de qualité... Une telle politique implique un partenariat de tous les échelons territoriaux, de tous les acteurs publics et associatifs. Monsieur le ministre, vous annonciez dans Le Monde du 6 mai 2003 que « dans cinq ans, il n'y aurait plus de ministère de la ville ». Si ce texte est la seule réponse du Gouvernement en la matière, dans cinq ans en effet il n'y aura plus de politique de la ville... S'attaquer aux problèmes de la ville, c'est choisir une politique à laquelle on donne les moyens de ses objectifs. Nous en sommes aujourd'hui trop loin. Malgré votre volonté personnelle qui n'est pas douteuse, vous n'avez pas les moyens de l'ambition proclamée. C'est pourquoi nous ne pouvons vous suivre, bien que nous partagions les objectifs communs (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Gérard Hamel - Ce projet est conforme aux v_ux de nombreux maires, car il tend à simplifier la politique de la ville et il démontre à nos compatriotes, particulièrement à ceux qui souffrent, que l'action politique est chargée de sens et qu'il n'est pas nécessaire d'attendre dix ou quinze ans pour restructurer un quartier : on le peut en deux ou trois ans, quatre au plus ! C'est ainsi qu'à Dreux, grâce à vous, Monsieur le ministre délégué, nous avons mené à bien en quatre mois un ambitieux projet : la démolition d'une tour qui ne trouvait plus de locataires depuis plus de dix ans. Tout s'est enchaîné sans heurt : démolition, remboursement des emprunts, rétrocession de terrains pour construire des habitations pavillonnaires... La volonté politique est donc déterminante et, avec vous, nous avons enfin les moyens d'agir.

Votre projet tient compte des observations des élus, s'agissant en particulier de la simplification des procédures de rénovation, et vos articles 7 à 11 nous permettront de travailler efficacement au cours des cinq ans à venir. De plus, vous avez rassuré tous ceux qui ont pris le risque d'investir dans les quartiers difficiles en pérennisant les zones franches instituées par le gouvernement Juppé et mises en place par Eric Raoult (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) et en en créant quarante et une nouvelles. Ce faisant, vous avez dissipé les doutes suscités par le gouvernement précédent, qui avait tout fait pour compromettre l'avenir de ces zones (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Vous favorisez également une nouvelle approche des problèmes sociaux, notamment en instituant une procédure de rétablissement personnel qui tirera un certain nombre de nos concitoyens du désarroi. En votant les articles 27 et 28, nous permettrons à la République de ne pas abandonner ces ménages à la détresse.

L'article 30, quant à lui, renvoie à une loi qui devra être votée avant le 1er janvier 2005 le soin d'organiser les SA d'aménagement et de construction, outils indispensables de nos politiques locales. Or certaines des dispositions proposées m'inquiètent car je ne voudrais pas que les élus qui siègent dans le conseils d'administration de ces sociétés perdent leur rôle prépondérant au profit de groupes financiers et d'actionnaires parisiens bien éloignés des réalités locales. Je vous demande donc de faire figurer dans la future loi le principe d'une étroite association des élus.

M. Philippe Pemezec, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Très bien !

M. Gérard Hamel - Ce projet est un très bon projet pour nos villes : à tous ceux qui ont des projets concrets, il garantit les moyens d'une vraie politique et des résultats dans les meilleurs délais. Merci par conséquent de nous permettre de changer la vie de nos concitoyens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Georges Mothron - « Liberté, égalité, fraternité » : c'est, ou plutôt c'était la devise de la République française (« Ça l'est toujours ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), inscrite, fait rare, sur le fronton de la basilique d'Argenteuil, ville dont je conduis depuis deux ans la municipalité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Il est grand temps que nous travaillions tous à la remettre au goût du jour, tant le siècle dernier l'a abîmée. La banlieue a poussé anarchiquement car il s'agissait de répondre à la demande de logement de l'après-guerre : songez qu'il y a un siècle, alors qu'un de mes arrière-grands-pères était maire d'Argenteuil, la ville ne comptait que 17 000 habitants, et qu'elle en compte maintenant 95 000. La décolonisation, puis le besoin de main-d'_uvre ont créé des appels d'air sans que la gestion soit toujours à la hauteur du défi. D'où 40 % de logements sociaux, six foyers Sonacotra et quarante et un hôtels meublés. Ajoutez à cela soixante-sept ans de non-gestion communiste (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) et vous pourrez chercher où se trouvent la liberté, l'égalité et la fraternité !

Ce projet apporte à nos quartiers l'espoir de rétablir l'égalité sociale et territoriale mais, à lui seul, il n'aurait que peu de chances de succès. Il nous faut appliquer nos lois, car notre liberté s'arrête où commence celle du voisin, et obtenir que, sans attendre la rénovation de l'éducation, les institutions poussent au respect de l'autre, de ses biens et des biens publics. Les textes présentés par le ministre de l'intérieur y aideront. Mieux contrôler les flux migratoires, mieux punir les délinquants est une obligation.

Voilà pour la liberté.

Pour l'égalité du toit et du couvert, vous donnez, vous, un coup d'accélérateur à la construction sociale. Etant donné l'état des logements dits « loi de 1948 » et de ceux des années 1950 et 1960, il fallait pouvoir détruire pour mieux reconstruire... Mais il convient que chacun joue le jeu de la mixité sociale. Nous comptons sur vous pour que les maires aient plus de pouvoirs dans l'attribution des logements, dans les quartiers difficiles. On nous impose trop souvent, au titre des contingents préfectoraux, des populations qui accélèrent la paupérisation et la dégradation des quartiers.

Mme Muguette Jacquaint - Eloignez de moi ces pauvres que je ne saurais voir !

M. Georges Mothron - Votre programme de nouvelles constructions participe de l'égalité. Le besoin est grand et, si nous ne voulons pas d'explosions ou de nouvelles entorses à la cohésion sociale, nos collègues devront faire montre de plus de solidarité. Il faudra aussi le courage de détruire parfois plus de logements qu'on n'en construira.

La fraternité, c'est faire en sorte de partager une valeur quelque peu escamotée au cours des dernières années : le travail. Les quarante et une nouvelles zones franches faciliteront les embauches dans les quartiers déjà dégradés et, pour ma part, j'entends bien suivre dès janvier l'exemple de la zone franche de Garges-Sarcelles.

Ce qui enthousiasme l'homme d'entreprise que je suis, c'est votre souci de travailler par objectifs, avec de vrais rendez-vous d'étape. En effet, l'une des rares phrases de Lénine que j'approuve (Rires sur les bancs du groupe UMP) dit : la confiance n'exclut pas le contrôle - ou inversement. (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste). Mais cet ambitieux projet de société suppose des moyens financiers, et donc un engagement de l'Etat cohérent avec celui des autres opérateurs. C'est ce partenariat que vous proposez aux collectivités. Ne gâchons pas cette chance de restaurer, au profit des générations à venir, la liberté, l'égalité et la fraternité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Damien Meslot - Ce projet répond à n'en pas douter aux attentes des Français les plus modestes. En effet, doté de 30 milliards d'euros, le programme de reconstruction urbaine permettra de réaménager les espaces publics et de construire des équipements, mais surtout de remédier à une cruelle disette de logements sociaux de qualité.

Dans les quartiers dits sensibles, le chômage est quatre fois plus élevé que la moyenne nationale ; l'état des logements est inquiétant et les habitants sont en proie à un réel désarroi. La création de quarante et une nouvelles zones franches, soutenant la création d'emplois, évitera de laisser ces territoires à la dérive. Je soutiens donc totalement ce projet. J'appuie notamment la mesure phare prise en faveur des ménages surendettés, même si certaines voix se sont élevées dans les médias pour la désapprouver. En effet, la procédure de redressement que vous destinez aux particuliers me semble de nature à tirer du cercle vicieux où ils se trouvent plongés nos concitoyens endettés. Ayant exercé au sein d'un grand groupe bancaire en Alsace, j'ai d'ailleurs pu constater son efficacité.

Bien entendu, il ne s'agit pas de permettre aux profiteurs et aux escrocs de ne pas régler leurs créances, mais d'aider ceux de nos compatriotes qui se trouvent dans des situations financières extrêmement délicates du fait d'accidents de la vie à s'en sortir avec dignité et à prendre un nouveau départ dans la vie. Il ne faut donc en aucun cas que cette loi se transforme en un droit à une assistance permanente. J'attends du Gouvernement qu'il trace un cadre juridique apte à éviter les abus.

Le but de cette réforme est de traiter la situation des personnes globalement et rapidement afin d'éviter aux familles de basculer dans l'exclusion. Elle ouvre ainsi, comme le rappelait très justement le Président de la République « un nouveau droit social, le droit à une nouvelle chance, un nouveau départ ».

Le traitement du surendettement est un sujet récurrent sur lequel il n'était pas facile de légiférer. Je vous rends donc hommage d'être allé jusqu'au bout.

Ce texte s'inscrit dans une politique de la ville très résolue, voulue par le Premier ministre et le Président de la République. Il s'adresse à ceux qui en ont le plus besoin et qui, confrontés à de réelles difficultés ont le sentiment d'être délaissés depuis des années.

Ce projet va incontestablement dans le sens d'une plus grande justice sociale ; il traite sérieusement un problème qui concerne des centaines de milliers de nos compatriotes. Nous serons à vos côtés, Monsieur le ministre, pour faire bouger les choses, lutter contre les conservatismes dans l'intérêt de nos quartiers sensibles, de nos villes et des citoyens les plus touchés par ce fléau qu'est le surendettement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Brigitte Barèges - Cette nouvelle bataille, qui, à travers l'habitat, vise à redonner à l'homme sa dignité, nous sommes fiers de la mener avec vous, Monsieur le ministre.

Permettez-moi de vous apporter le témoignage du maire de Montauban, ville de 54 000 habitants où 12 % de la population vit en dessous du seuil de précarité, où les violences urbaines de la grande agglomération de Toulouse ont malheureusement fait école.

Pourtant, comme le dit Lino Ventura dans Les Tontons flingueurs, « on ne devrait jamais quitter Montauban » (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Eric Raoult - Elle avait parié, elle l'a dit !

Mme Brigitte Barèges - Je sais gré au Gouvernement de reconnaître qu'il existe dans les villes moyennes, des quartiers en grande difficulté où la pauvreté rime avec l'insécurité, qui exaspère des habitants se sentant de plus en plus exclus.

Dans ces villes très endettées, sans l'aide que vous leur accordez avec ce projet, les maires seraient réduits à l'impuissance. Rénover la ville suppose de démolir un habitat vétuste et dégradé. Les communes, et même les agglomérations, ne sauraient y parvenir sans le soutien de l'Etat.

L'opposition dénonce à la fois la faiblesse de l'enveloppe financière et l'impossibilité de consommer les crédits. Ne craignez rien, Monsieur Le Bouillonnec : nous les consommerons, car nous en avons vraiment besoin !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Je crains surtout que vous ne les receviez pas...

M. Yves Jego - Ça, c'était votre politique !

Mme Brigitte Barèges - Avec le guichet unique, ce texte aide les maires à sortir du labyrinthe juridique, administratif et financier dans lequel ils étaient placés. C'est une mesure qui répond à la demande des élus locaux : simplifier les circuits administratifs et financiers de la politique de la ville.

L'Agence pour la rénovation urbaine favorisera la mutualisation des crédits d'investissement et le déblocage rapide des subventions. Comme l'a demandé ce matin le bureau de l'association des maires de France, dont je suis membre, il serait judicieux et efficace que les élus locaux soient représentés au sein de cette agence. A défaut, on pourrait craindre une certaine recentralisation.

Mme Annick Lepetit - C'est juste !

Mme Brigitte Barèges - Enfin, en ma qualité d'avocat, je dois relayer la requête adressée conjointement par le Conseil national des barreaux, le barreau de Paris et la conférence des bâtonniers quant à la possibilité pour les syndicats de copropriétaires de bénéficier de l'aide juridictionnelle. Cette charge nouvelle semble inopportune car les avocats supportent déjà d'importantes charges de service public. Je pense que vos services sauront apprécier cette demande à sa juste mesure (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Nicolas - Réduire la fracture sociale, telle est bien la priorité de tous les gouvernements et de toutes les collectivités locales. Depuis près de vingt ans, malgré l'importance des crédits engagés, les résultats n'ont pas été à la hauteur des enjeux et le nombre de quartiers sensibles a été multiplié par dix.

Près de six millions de nos concitoyens sont aujourd'hui confrontés à de multiples difficultés sociales. Cette situation commande de mener une politique de la ville déterminée, qui concentre les moyens là où ils sont vraiment nécessaires.

C'est l'objectif de ce projet, qui rompt enfin avec le saupoudrage, grâce à un plan cohérent, qui prévoit 30 milliards d'investissement en cinq ans et qui sera porté par ce guichet unique que sera l'Agence nationale de rénovation urbaine.

Le projet s'attaque à tous les aspects de la crise urbaine de nos quartiers, en particulier ceux qui concernent le logement et le développement économique.

Pour le logement, le texte va au-delà de la simple rénovation des quartiers, et propose un vaste chantier de démolition-reconstruction. Grâce à des investissements sans précédent, les grands ensembles les plus dégradés seront remplacés par des constructions moins denses et de meilleure qualité permettant ainsi de rénover durablement l'habitat et le cadre de vie des quartiers. C'est essentiel pour éviter que l'écart se creuse entre ceux qui peuvent satisfaire leurs besoins en logement sur le marché et ceux qui n'y arrivent pas. C'est pourquoi mettre à la disposition de nos concitoyens un logement décent est indispensable pour améliorer la vie quotidienne dans ces quartiers et pour restaurer la cellule familiale.

S'agissant du logement, je fais mien le commentaire de M. Hamel sur l'article 30 : laissons aux sociétés d'HLM leur couleur locale, ne les transformons pas en outil exclusivement financier, parfois aveugle.

Le dispositif des zones franches urbaines est un véritable projet économique, social et urbain qui vise à créer des emplois, dont un tiers sera réservé aux résidents. C'est une logique fondée sur l'insertion par l'économique et non sur l'assistance. Les ZFU participent également à l'aménagement du territoire.

De nombreux jeunes, en échec scolaire ou en rupture avec la société, réussissent à s'en sortir lorsqu'on leur offre un encadrement professionnel adapté, qui leur fait prendre conscience de leurs capacités pratiques et relationnelles. C'est donc par la création d'emplois que l'on évitera la marginalisation progressive des populations de ces quartiers.

De ce point de vue, les ZFU ont montré leur efficacité. Le dispositif fonctionne d'autant mieux qu'il s'accompagne d'une véritable stratégie de requalification urbaine. Les élus sont fortement mobilisés pour cela, afin de renforcer l'attractivité des nouvelles zones franches. Cela implique notamment de restaurer les services publics, d'assurer la sécurité, de garantir l'accessibilité du quartier pour inciter les entreprises à s'y installer.

La réussite d'une ZFU est également subordonnée aux disponibilités immobilières et foncières. C'est pourquoi la délimitation des périmètres devra être réalisée de façon pragmatique, en fonction des contraintes de chaque site et en préservant une marge de man_uvre foncière.

L'impact des crédits engagés devra être évalué. Trop longtemps, on s'est contenté de distribuer des fonds sans le suivi nécessaire. La politique de la ville y a perdu en crédibilité et en transparence. Je me réjouis donc de la création d'un Observatoire national des zones urbaines sensibles.

Enfin, ce texte offre une seconde chance aux ménages de bonne foi, dont la situation financière est irrémédiablement compromise. La procédure de rétablissement personnel rendra leur dignité à ces familles, tout en apportant les garanties nécessaires aux créanciers. C'est une véritable avancée.

Je salue, en conclusion, la cohérence de ce texte qui propose une politique de la ville ambitieuse, de nature à rompre la spirale du découragement et de l'assistanat, et donne les moyens d'une revitalisation durable des quartiers. Je vous félicite et vous remercie, Monsieur le ministre, d'avoir lancé ce grand chantier, au c_ur des engagements pris par notre majorité au lendemain du 21 avril 2002 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Louis Dumont - Nous avons apprécié, Madame Barèges, que vous citiez Lino Ventura dans Les Tontons flingueurs. Permettez-moi, à mon tour, de citer Francis Blanche, disant à un comparse qui s'approchait d'un peu trop près de la caisse : « Touche pas au grisbi ! ». Car c'est l'impression que me donne ce texte : il semble qu'il ne faille pas toucher à la caisse !

Nous ne doutons pas de votre bonne volonté, Monsieur le ministre, mais votre texte est porteur de dangers. Alors que je lui demandais à qui appartenait le parc locatif social, un ancien ministre du logement, Louis Besson, m'avait clairement répondu qu'il était la propriété de la nation. En sera-t-il toujours de même demain, une fois ce texte voté ? On y décèle en effet, en filigrane, une intention de privatiser ce patrimoine. Les critères de rentabilité dorénavant imposés, lesquels pourraient ne pas être en soi une mauvaise chose, ne profiteront, hélas, pas aux organismes. Au mieux, les bénéfices iront alimenter les caisses de retraite, au pire... je vous laisse imaginer ! Ma question est simple : au-delà de vos bonnes intentions en matière de rénovation urbaine, votre texte ne prépare-t-il pas de tristes lendemains pour le parc locatif social, en particulier celui géré par les sociétés anonymes de HLM.

La création d'une Agence nationale de la rénovation urbaine, depuis longtemps réclamée, est une bonne initiative, et l'on ne peut que se féliciter que vous ayez obtenu un arbitrage favorable en ce sens. Il faut que cette agence puisse travailler dans la durée, la stabilité et avec une certaine souplesse, notamment en matière de fongibilité des crédits. Elle doit être un outil financier au service du renouvellement urbain, mais en aucun cas un opérateur, ou un maître d'ouvrage : tout au plus pourra-t-elle jouer un rôle moteur là où les opérateurs font défaut. Il faudra veiller tout particulièrement à cette distinction des rôles.

Cela étant, par les ressources qui lui sont dédiées, elle risque d'assécher le financement traditionnel du logement social, et donc de compromettre les constructions hors des villes et des quartiers en renouvellement. Le milieu rural sera le premier à faire les frais de cette évolution. L'aspiration des fonds du 1 % patronal vers une caisse centrale produirait beaucoup de dégâts collatéraux ! Ainsi, alors qu'un accédant à la propriété travaillant dans une entreprise de plus de dix salariés pouvait aujourd'hui obtenir un prêt allant jusqu'à 15 000 € au titre du 1 % patronal, il ne pourra plus prétendre, avec ce texte, qu'à 6 000 €, et peut-être même n'aura-t-il plus droit à rien demain. Les taux d'intérêt sont actuellement très bas sur le marché, m'objectera-t-on, si bien que tout cela n'a pas grande importance. Eh bien, si, car le prêt au titre du 1 % était considéré comme un apport personnel et se révélait très utile pour l'accession sociale à la propriété.

De même, le nouveau dispositif devrait desservir les collectivités. Celles-ci seront inévitablement mises davantage à contribution dans le financement des opérations. Comment financeront-elles cet effort ? Avec quels moyens supplémentaires ?

La caisse de garantie du logement locatif social, laquelle était dédiée à la remise à flot des caisses en difficulté et aux opérations de rapprochement entre opérateurs, et alimentée par une redevance du mouvement HLM et des subventions de l'Etat si nécessaire, devra désormais contribuer au financement de l'ANRU. Cela ne pourra que réduire les réserves des organismes, éprouver leur santé financière et leur retirer des moyens pour financer des opérations traditionnelles. Au moment même où les exigences de tous se font plus fortes à leur égard, les opérateurs vont se trouver fragilisés, car disposant de contributions moindres, tant du 1 % logement que des collectivités.

L'article 30, qui affirme les principes qui régiront désormais la « gouvernance » des SA d'HLM, a fait l'objet de nombreuses critiques. Vous-même, Monsieur le ministre, avez reconnu qu'il n'était pas très lisible, et des amendements, au demeurant fort intéressants, ont été adoptés en commission. En effet, les négociations conduites entre l'UESL et quelques partenaires semblent avoir écarté les organismes eux-mêmes. Sous couvert de « gouvernance », on remet à une organisation patronale un patrimoine de plusieurs milliers de logements. Quel appétit que celui de l'UESL ! Déjà fournisseur de foncier pour La Foncière, elle va participer à l'ANRU et prendre le pouvoir au sein des SA d'HLM. Souvenons-nous que M. Parretti avait cautionné son premier prêt, obtenu du Crédit lyonnais pour financer l'achat d'un célèbre studio de cinéma outre-Atlantique, par le patrimoine immobilier d'un organisme HLM !

M. le Président - Il faut conclure, Monsieur Dumont.

M. Jean-Louis Dumont - Ah bon ? (Sourires) Monsieur le ministre, j'appelle votre attention sur l'avenir des organismes HLM. Pourra-t-on continuer avec des organismes avec des statuts aussi différents alors qu'à tous s'impose la même exigence de construire, de démolir, de réhabiliter, de gérer, de louer, de vendre des logements ?

Un volet financier fait cruellement défaut à votre texte ; il serait pourtant indispensable pour réduire les inégalités entre collectivités.

L'urgence décrétée pour l'examen de ce texte nous préoccupe. Devant la crise du logement qui se profile, la politique de la ville ne peut pas être restrictive. Monsieur le ministre, vous avez suscité beaucoup d'espoirs. Ne les décevez pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Paul-Henri Cugnenc - S'il est bien un domaine dans lequel la précédente majorité n'a pas franchement brillé, c'est bien celui de la politique de la ville (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Eric Raoult - Il a raison !

M. Paul-Henri Cugnenc - La dernière initiative majeure est antérieure à 1997 (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). C'est en 1995 qu'à l'initiative d'Eric Raoult et de Jean-Claude Gaudin ont été créées quarante-quatre zones franches, dont l'objectif était de créer 10 000 emplois. Elles en ont créé 50 000, dans des banlieues laissées à l'abandon par les gouvernements précédents. Seules cinq ou six d'entre elles n'ont pas eu les effets attendus.

De nouveau, une politique sociale concrète est à mettre à notre actif. En matière d'urbanisme et de politique de la ville, il faut faire preuve de volontarisme. Selon le v_u de Jacques Chirac - et à votre initiative, Monsieur le ministre -, le Gouvernement s'est saisi du dossier. Quarante et une nouvelles zones franches ont été identifiées. En tant que député de Béziers, j'ai pu apprécier la pertinence de vos choix. Le quartier de la Devèze a besoin de ce dispositif.

Vous proposez de démolir 200 000 logements et d'en faire éclore autant. S'il ne suffit pas de remodeler le paysage urbain, l'action sur le lieu de vie est déterminante pour juguler la violence et garantir le bien-être de nos concitoyens. Votre budget est à la hauteur de vos ambitions, et la création de l'Agence nationale montre votre souci de cohérence.

A Béziers, vous redonnez espoir à une population jeune, dynamique mais souvent sans emploi.

Je souhaite que vous tâchiez tout particulièrement de fournir aux acteurs de terrain un modèle de convention les liant à l'Etat pour les opérations de démolition-reconstruction.

S'agissant de la réhabilitation des centres-villes, trop souvent les architectes des Bâtiments de France bloquent des projets en se montrant trop pointilleux. Il faudrait qu'ils fassent leur métier avec plus de souplesse.

Enfin, les exonérations fiscales n'auront d'effets que si les agents de l'Etat mesurent les enjeux de ce dispositif et font preuve de la même compréhension à l'échelon local que vous à l'échelon national.

Donner une deuxième chance à vos concitoyens en difficulté constitue une réelle avancée.

Ce projet renforcera la politique de la ville et c'est pourquoi, avec détermination et enthousiasme, nous le soutiendrons (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

La discussion générale est close.

M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine - Si tout le monde est pour le guichet unique, l'Agence nationale est moins appréciée. Mais que serait un guichet unique ? Il serait purement virtuel. En outre, l'existence d'une Agence nationale garantit la traçabilité des crédits. Pour la première fois, on saura ce qui arrive et ce qui est consommé, et si l'argent n'arrive pas, vous pourrez m'alerter !

L'opposition le sait mieux que moi : le programme annoncé en parfaite bonne foi par mon prédécesseur n'a été exécuté qu'à hauteur de 10 %. La moitié du montant annoncé avait été inscrite en autorisations de programme, et les contrôleurs financiers n'ont débloqué que 40 % des crédits de paiement. Et cela fait quarante ans que ça dure !

Il faut donc créer une personne morale autonome, échappant au contrôle financier a priori, et qui exécute ce qui a été voté par le Parlement.

Nous nous sommes inspirés de l'Agence nationale pour la valorisation de l'habitat, qui fonctionne à la satisfaction de tous.

Certains craignent que, faisant beaucoup pour les quartiers sensibles, le Gouvernement en oublie les autres. Il faut dire les choses clairement : oui, il y a une crise du logement social en France. Entre 1995 et 2000, leur construction a diminué de moitié, passant de 75 000 à 38 000 logements. Selon l'union sociale pour l'habitat, nous sommes passés, dans le même temps, de 300 000 à 600 000 logements indécents, tandis que le nombre des logements vacants triplait dans les centres-villes.

Certes, il faut relancer la construction, mais nous avons besoin de financements globaux. Grâce aux partenaires de l'Agence, nous allons démultiplier les moyens alloués au logement et à son environnement.

Ce programme a été individualisé. Pas un euro ne sera donc retiré aux autres volets de la politique de la ville. L'Agence financera l'ensemble du programme, quel que soit le zonage du quartier.

M. Yves Jego - C'est cela, le pragmatisme !

M. le Ministre délégué - Certains ont réagi à l'article 30. La concertation a été lancée en décembre par une lettre circonstanciée. Elle a eu lieu. Comme l'ont souhaité MM. Hamel et Nicolas, les élus locaux et les représentants des locataires occuperont un tiers des sièges au conseil d'administration des SA HLM. La transparence sera donc de rigueur.

M. Vidalies nous a apporté des précisions utiles et je l'en remercie. Nous pourrons améliorer le texte par voie d'amendements.

A propos du surendettement, plusieurs d'entre vous ont évoqué les questions du crédit revolving, de la publicité, de la prévention. Si je vous propose un dispositif dans le cadre de ce projet, c'est parce que les précédentes tentatives ont été découragées par certaines forces conservatrices, particulièrement puissantes dans d'autres ministères que le mien, qui est riche de convictions mais qui a peu de troupes.

Je réponds à Mme Saugues, s'agissant des contrats de ville, que ce qui n'est pas dans la loi n'a pas disparu pour autant.

Mme Barèges a souhaité une représentation des maires au sein de l'Agence nationale. Mais qui choisir ? Des personnalités qualifiées seront désignées et, à ce titre, les maires seront les bienvenus.

M. Thomas a évoqué les commerces. Il nous faut surtout éviter qu'ils disparaissent complètement d'un quartier. Voyez l'agglomération lyonnaise : La Duchère allait plutôt moins mal que Vaulx-en-Velin, lequel, en revanche, possède un maire très actif. Or, dans le premier cas, l'absence de zone franche a empêché l'EPARECA d'agir, de sorte que le commerce se meurt, alors que Vaulx-en-Velin est en train de s'en sortir, notamment grâce à son nouveau commerce de centre-ville en plein essor. L'EPARECA est un outil national, mais dont le budget - de 20 millions sur cinq ans - sera insuffisant. L'ANRU mettra des moyens très importants à sa disposition.

Avant même de créer des emplois, les zones franches urbaines ont empêché que ce qui restait d'activités s'en aille puis elles ont permis que les talents de ces quartiers se mettent à leur compte, fassent du business. A l'origine, on avait critiqué les zones franches en arguant que les professions libérales, les médecins, risquaient d'en profiter. Or, on est aujourd'hui à demander des aides publiques pour installer des dispensaires gratuits qui convainquent les médecins de rester !

Au-delà des chiffres, nous constatons que les quartiers difficiles qui s'en sortent sont ceux qui possèdent une zone franche, et qui bénéficient de la concentration de moyens massifs : pas moins de 90 millions à Montereau, beaucoup plus pour l'agglomération lyonnaise. Il appartient aux villes de prendre leurs responsabilités ; l'Etat fait son devoir en apportant les compléments nécessaires par cette nouvelle agence simplifiée, afin que ce qui n'était pas possible le devienne enfin (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du Règlement.

Mme Nathalie Gautier - Quelle est l'orientation de votre politique pour la ville ?

Il est fondamental d'agir plus et mieux en faveur des quartiers dégradés. Oui, l'attente des maires est forte.

Votre texte met fin à une politique de la ville que nous avons voulue globale et partenariale. Il ne permettra pas de résoudre les problèmes rencontrés sur le terrain. La politique de la ville s'est construite progressivement et s'est constamment adaptée. Or votre projet ne s'inscrit plus dans cette évolution, bien au contraire. La première génération de la politique de la ville s'est attachée à la réhabilitation et au projet urbain. Ce fut « Banlieue 89 », avec Roland Castro. La deuxième génération a davantage insisté sur le lien entre le social et l'urbain. La troisième génération, celle des contrats de ville, a posé la question de l'après-réhabilitation.

Les trois piliers de la politique de la ville, que sont le contrat, la discrimination positive et la géographie prioritaire, doivent être consolidés.

Il est nécessaire de trouver aujourd'hui les échelles les mieux adaptées au développement urbain. Le dernier rapport de l'observatoire du contrat de ville de l'agglomération lyonnaise montre que la répartition des logements sociaux reste concentrée à l'est de l'agglomération, malgré un début de rééquilibrage grâce à la loi SRU, et que les différences de revenus des ménages entre l'Est et l'Ouest s'accroissent. C'est donc la mixité sociale qui est en jeu. Engager un changement d'échelle en matière de renouvellement urbain permettrait de relancer la construction neuve et de réfléchir à une mixité de l'habitat.

Face à ces enjeux, quelle est votre politique - en dehors des démolitions ? Vous faites le choix clair de démolir, avec un ambitieux programme quinquennal : constitution d'une offre de 200 0000 logements locatifs sociaux, réhabilitation dans les mêmes proportions, opérations de démolition. Mais vous rendez-vous bien compte que nous sommes face à une crise du logement majeure ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Dans le département du Rhône, le réseau associatif que fédère la Fonda s'est mobilisé pour témoigner des difficultés croissantes pour parvenir à se loger. On comptait 41 770 demandeurs de logements HLM au 1er juillet 2001, et neuf demandes sur dix partaient sur le Grand Lyon, soit trois ans d'attente pour obtenir un logement. Que répondez-vous à cela ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Le Bouillonnec a cité le rapport de la fondation Abbé Pierre, qui confirme que plus de 3 millions de personnes, en France, sont mal logées. La crise du logement touche à présent des familles à revenus moyens, ce qui a pour conséquences une moindre mobilité résidentielle et une moindre mixité sociale.

Face à cette situation, que fait le Gouvernement ?

M. François Grosdidier, rapporteur pour avis - Il augmente les moyens ?

Mme Nathalie Gautier - Loin de montrer que vous avez pris la mesure de la situation, vous donnez sans cesse des preuves du recul de l'engagement de l'Etat (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Le budget du logement pour 2003 est minimal. L'union sociale pour l'habitat, réunie à Lille, a indiqué que 80 000 à 100 000 logements locatifs sociaux seraient nécessaires ; vous n'en prévoyez que 40 000 ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Mieux vaudrait pourtant construire avant de démolir. Les démolitions portent souvent sur du logement très social, au profit de reconstruction de logements à loyers modérés. Où et comment les plus pauvres seront-ils relogés ?

M. François Grosdidier, rapporteur pour avis - On reloge toujours avant de démolir ! Vous ne savez pas comment ça se passe !

Mme Nathalie Gautier - En vérité, le logement social n'est plus la priorité de ce gouvernement (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

M. François Grosdidier, rapporteur pour avis - Elle n'était pas celle du gouvernement précédent, devriez-vous dire !

Mme Nathalie Gautier - Vous ne dépassez pas le stade de l'affichage : aucune disposition normative ou financière ne vient étayer vos déclarations de principe. Vous nous présentez un projet sans moyens budgétaires nouveaux. Les associations, les professionnels, les élus sont inquiets, car l'effort supplémentaire de l'Etat est quasiment nul.

Le volet social de votre projet n'est pas mieux loti. Il ne sert à rien d'afficher des objectifs quantifiés de réduction des inégalités si vous supprimez en même temps les moyens de les atteindre. Combien de gels de crédit sont-ils décidés et appliqués en silence ? La liste est longue des coups portés à la politique de la ville et aux associations qui la font vivre (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Suppression des emplois-jeunes, réduction des autres emplois aidés, réduction des crédits des CAF pour les associations (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

La revalorisation de l'APL n'a pas suivi la hausse des loyers du logement social. Voilà un signe regrettable ! La dotation du FSL a diminué, alors qu'elle sert à prévenir les expulsions ou à aider les plus défavorisés. Le Gouvernement a gelé les crédits pour 2003 du FASILD, pourtant si utile à l'intégration. Vous portez un coup d'arrêt brutal à la dynamique associative (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. Yves Jego - C'est honteux de dire cela !

Mme Nathalie Gautier - C'est la vérité ! Les crédits de lutte contre l'illettrisme, pourtant érigée par le Président de la République au rang de priorité nationale, ont été gelés. A Lyon, où a été inaugurée il y a deux ans l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme, 586 000 € attendus pour la région Rhône-Alpes sont gelés.

L'union régionale Rhône-Alpes des entreprises d'insertion a tiré la sonnette d'alarme sur les conséquences dramatiques du gel des crédits de 2002 et voici que le premier versement de crédits lié aux conventions 2003 est remis en cause. Une douzaine d'entreprises ont dû cesser leur activité. Qui peut croire, dès lors, que la recherche de la cohésion sociale soit au c_ur de vos préoccupations ? Venez sur le terrain constater les dégâts provoqués par votre politique (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

M. Yves Jego - Le ministre y va plus souvent que vous !

Mme Nathalie Gautier - Ce sont à nouveau les plus démunis que vous frappez. Je dois le redire, votre projet occulte la dimension sociale de la politique de la ville alors qu'elle devrait en constituer l'indissociable second pilier (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Il est regrettable que le secteur associatif ne soit pas intégré dans votre projet de loi. Il joue pourtant un rôle fondamental dans les quartiers en difficulté : souvent employeurs, les associations rendent de nombreux services de proximité, apportent un soutien socio-éducatif indispensable et sont productrices de développement et de richesses au même titre que les entreprises. Pourquoi ne bénéficieraient-elles pas des mêmes avantages, notamment sur le plan fiscal ?

M. Yves Jego - Parce que vous ne l'avez pas fait pendant cinq ans ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Nathalie Gautier - Il faudrait également rendre aux habitants tout leur rôle. La démocratie locale participative aurait dû trouver place dans un projet de loi d'orientation. Encore faut-il pour cela tenir compte de ce que disent les habitants, et non pas mépriser ce qui vient de la France « d'en bas » (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Yves Jego - Ils vous ont dit ce qu'ils pensaient le 21 avril, les habitants ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Nathalie Gautier - Nous regrettons particulièrement l'absence de moyens pour l'accompagnement social dans ces quartiers.

Il faut passer d'un projet urbain technicien à un projet humain, qui requiert une implication des acteurs locaux.

Cela aurait pu être l'occasion de s'interroger sur le point de vue des familles qui doivent être relogées et sur l'accompagnement dont elles devraient bénéficier, de réfléchir aussi sur la façon dont les bailleurs et les villes pourraient recourir plus fréquemment aux réseaux associatifs pour cet accompagnement.

Il va de soi qu'il faut réduire le nombre de chômeurs et accroître la présence des services publics dans les quartiers difficiles. Vous dressez une liste d'indicateurs pour évaluer l'efficacité des politiques menées, mais quels moyens donnez-vous sur le terrain pour atteindre ces objectifs ? Ce sont les moyens qui manquent, pas les propositions, car les acteurs du terrain ont déjà proposé de telles mesures depuis longtemps ! Mais votre projet n'aborde pas ces questions. La politique de la ville a besoin de consolidation, pas seulement de démolition ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

Vous créez d'autre part une Agence nationale de la rénovation urbaine. Mais le texte est peu explicite quant à ses missions. Il mérite d'être retravaillé, car des interrogations subsistent, notamment sur son financement et sur la part qu'y prendra l'Etat, ainsi que sur la recentralisation déguisée d'une partie de la programmation du logement social. Comment s'articulera la programmation des crédits entre l'Agence et les DDE ? On risque de voir diminuer les aides à la pierre dans les quartiers qui ne sont pas prioritaires (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

En outre, le projet met à mal la transversalité nécessaire à la politique de la ville, car il se focalise sur la rénovation urbaine et omet la dimension budgétaire interministérielle. De même, la notion de contrat a disparu de votre projet. Que faites-vous du cadre partenarial ? Faut-il rappeler l'importance du contrat ? Les problèmes à traiter nécessitent des coopérations et des responsabilités partagées dans la durée. Votre projet n'a malheureusement pas pris la mesure de cette réalité.

Monsieur le ministre, 400 villes environ souffrent à la fois d'une importante dégradation urbaine et sociale et de faibles ressources. Que leur répondez-vous ? Le Conseil national des villes a indiqué, lors de son assemblée plénière en juin 2003, que la réforme préalable à toutes les autres, c'est celle des clés de répartition pour les finances locales, la DGF et la DSU - réforme que le Conseil juge plus urgente encore dans la perspective des nouvelles lois de décentralisation, si l'on veut éviter l'aggravation des disparités. Les collectivités se trouvent en effet dans une position très inégale pour mettre en _uvre leurs politiques sociales et urbaines. Les inégalités de richesse entre les communes urbaines d'un même département peuvent aller de 1 à 36, mais les dispositifs de péréquation actuels ne corrigent qu'environ 30 % de ces inégalités. Pourquoi ne pas avoir entendu l'association « Villes et Banlieues », qui demandait qu'un titre financier complète votre texte, comme ce fut fait lors de la création des villes nouvelles ?

Nous sommes également inquiets des premiers éléments connus sur les perspectives budgétaires 2004 : il semble que les seuls moyens en investissement nécessaires pour la mise en _uvre de votre projet ne seront pas couverts.

Votre texte est partiel et incomplet. Il ne traite pas, comme il le prétend, de la politique de la ville, mais de la politique de certains quartiers, car il se limite aux seules zones urbaines sensibles. C'est une vision très réductrice. Les zones urbaines sensibles ont été délimitées il y a des années. Depuis, les périmètres opérationnels dans le cadre des contrats de ville ont évolué. Or vous négligez de poser la question d'un réajustement des périmètres. Je dois d'autre part réitérer l'expression de mon scepticisme sur les zones franches. Leur bilan en matière d'emploi est mitigé, et l'effet d'aubaine a certainement été fort (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Vous avez choisi 41 sites supplémentaires, selon des modalités dont nous n'avons pas eu connaissance.

M. Eric Raoult - C'est faux !

Mme Nathalie Gautier - Il y a là une rupture avec les contrats de ville 2000-2006, qui souffrent de problèmes de financement depuis le vote du budget 2003, et souffriront plus encore avec ce texte. Ces contrats traduisaient une démarche de dialogue et de coopération entre les différents acteurs de la politique de la ville : aucune sélection arbitraire par le Gouvernement n'était imposée.

M. Yves Jego - Ben voyons !

M. Eric Raoult - C'est diffamatoire !

Mme Nathalie Gautier - Comment pouvez-vous, Monsieur le ministre, soutenir un dispositif public en faveur de l'emploi des personnes situées en zone urbaine sensible, et supprimer dans le même temps les emplois-jeunes, les emplois aidés, les assistants d'éducation et les adultes relais dans ces mêmes secteurs ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Yves Jego - Vous ne pensez qu'à créer des fonctionnaires supplémentaires !

Mme Nathalie Gautier - Il est clair que nous n'avons pas la même vision de la politique de la ville et de la solidarité. Votre projet s'inscrit dans la politique de démolition et de répression sociale que nous subissons depuis un an.

Vous y avez introduit d'autre part des mesures concernant la copropriété et le surendettement. Je n'y reviens pas, nos collègues ayant amplement analysé les questions qu'elles soulèvent.

Avec ce projet présenté dans la précipitation, les fondements de la politique de la ville sont remis en cause. Les gels de crédits menacent les politique sociales. Il n'y a aucune réflexion sur les biens entre décentralisation et politique de la ville (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Le projet fait régler le flou sur la répartition des compétences. Enfin, vous annoncez un chiffrage fantaisiste.

Le renvoi en commission est donc exigé par le simple bon sens. Il faut adapter la politique de la ville, mais pas dans la précipitation, ni sans évaluation. Ce texte mérite un examen sérieux, qui ne peut être conduit en deux jours (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Il faut un travail approfondi, des auditions. Et vous devriez nous présenter un projet interministériel : la politique de la ville est par essence une politique intégrée, et une loi d'orientation devrait conforter ce principe. J'espère donc que l'Assemblée votera le renvoi en commission d'un texte qui touche à un problème fondamental pour notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Je vous remercie pour votre concision.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Sincèrement, Madame Gautier, je suis resté bouche bée devant votre intervention. Nous avons travaillé près de neuf heures en commission, auditionné le ministre, discuté sur les amendements. Et jamais, pendant tous ces travaux, je ne vous ai entendue intervenir dans le sens où vous venez de le faire (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Elle a interrogé le ministre ! Vous n'étiez pas là !

M. le Président de la commission des affaires économiques - Vous-même, Monsieur Le Bouillonnec, avez approuvé en commission la plupart des amendements. Les procès-verbaux en font foi (Mêmes mouvements).

D'après le Règlement, Madame Gautier, une motion de renvoi doit être argumentée. Or vous n'avez pas évoqué une seule fois les travaux de la commission. Vous n'avez fait qu'un plaidoyer sectaire, politicien...

M. Eric Raoult - Décalé !

M. le Président de la commission des affaires économiques - En effet. Jusqu'à présent, le ministre aussi bien que les orateurs de tous les groupes ont manifesté le désir d'obtenir un consensus, sur un projet qui traduit à la fois une vision à long terme et des mesures concrètes, avec - quoique vous en disiez - un financement bien défini. C'est un vrai projet d'avenir pour les quartiers défavorisés et leur population. Voilà pourquoi cette motion m'étonne, d'autant qu'en commission les amendements, pour la plupart, n'ont pas rencontré d'opposition (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Voulez-vous, Monsieur Le Bouillonnec, que je répète ce que vous avez dit quand M. Pemezec est intervenu sur la composition des commissions d'attribution des logements HLM ?

Pendant cinq ans, Madame Gautier, vous étiez bien placés pour mettre en _uvre la politique que vous venez de défendre.

Nous n'avons eu qu'une démonstration de mauvaise foi et j'appelle donc la majorité à rejeter cette motion de renvoi !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Je veux bien qu'on nous invite au débat et, même, qu'on fasse état d'un consensus, mais je ne puis accepter que, dès que nous tenons des propos qui pourraient entamer la conviction de la majorité, on mette en cause le rôle de l'opposition et le travail de chacun de nous ! Si vous voulez que nous discutions sereinement de ce projet, qui pose selon nous nombre de problèmes réels, il y faut un autre état d'esprit. Ce n'est pas nous qui avons décidé d'inscrire à notre ordre du jour, en plein mois de juillet, une loi de programmation qu'il faudra expédier en deux jours ! Nous sommes pourtant présents, mais qu'au moins on respecte notre parole et qu'on nous laisse exprimer librement notre opinion ! Mme Gautier ni aucun d'entre nous n'avons injurié personne, mais nous avons le droit de dire que nous ne retrouvons pas dans cette loi ce à quoi nous aspirons, non plus que l'esprit dans lequel nous avons travaillé à la rénovation urbaine - en y consacrant des investissements financiers importants, n'en déplaise à ceux qui affirment le contraire.

Ainsi, nous avons entendu le ministre délégué dire tout à l'heure que l'Agence nationale de la rénovation urbaine servirait à tous les quartiers. Or, aux termes de l'article 9, elle n'interviendra que dans les zones urbaines sensibles. Je veux bien croire que M. Borloo lui assigne une mission plus générale, mais ce n'est pas ce qui figure dans le texte et il faudrait donc réécrire celui-ci. Cela seul justifierait un renvoi en commission, que notre groupe votera bien sûr ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Muguette Jacquaint - Le groupe communiste et républicain votera également la motion.

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce matin, vendredi 11 juillet, à 9 heures 30.

La séance est levée à 1 heure 35.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU VENDREDI 11 JUILLET 2003

A NEUF HEURES TRENTE : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 950) d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.

M. Philippe PEMEZEC, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. (Rapport n° 1003)

M. François GROSDIDIER, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Avis n° 997)

M. Philippe HOUILLON, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. (Avis n° 1001)

Mme Cécile GALLEZ, rapporteure pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. (Avis n° 1002)

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


© Assemblée nationale