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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 7ème jour de séance, 17ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 15 OCTOBRE 2002

PRÉSIDENCE de M. Rudy SALLES

vice-président

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2003 (suite) 2

      QUESTION PRÉALABLE 2

      ORDRE DU JOUR DU MERCREDI 16 OCTOBRE 2002 27

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

LOI DE FINANCES POUR 2003 - première partie - (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2003.

QUESTION PRÉALABLE

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable déposée en application de l'article 91 alinéa 4 du Règlement.

M. Augustin Bonrepaux - Le projet de budget que vous nous présentez est marqué par plusieurs tares fondamentales.

M. Philippe Auberger - Rien que ça !

M. Augustin Bonrepaux - Il s'appuie en effet sur des prévisions faussées, risque d'aggraver encore la situation économique et prépare ainsi une remise en cause des engagements que vous avez pris tant devant les Français que devant l'Union européenne. Tout cela laisse présager un bien sombre avenir.

Votre prévision de la conjoncture est volontairement faussée, et rien dans vos propos n'a pu nous rassurer pour l'instant. Depuis la fin de 2001, le fort ralentissement de la croissance mondiale influe sur la croissance française. Le gouvernement de Lionel Jospin a pourtant immédiatement réagi, en doublant la prime pour l'emploi, en instituant des amortissements exceptionnels pour investissement ou en créant 80 000 contrats emploi solidarité, que M. Fillon fait régulièrement mine d'ignorer, dans des secteurs particulièrement touchés. Ces mesures ont permis à la France de continuer à faire mieux que ses principaux partenaires européens, et je souhaiterais que vous puissiez faire aussi bien.

Aujourd'hui, la reprise économique reste incertaine. La reprise de la consommation aux Etats-Unis est hésitante, les marchés financiers peinent à purger la crise spéculative, la menace d'une hausse des cours du pétrole plane et nos principaux partenaires européens ne sont pas en situation d'entraîner nos exportations. Et pourtant vous fondez votre budget sur une hypothèse de croissance complètement irréaliste : 2,5 % pour 2003, alors que la plupart des agences indépendantes tablent sur 2 % et que le FMI constate que les perspectives mondiales se sont affaiblies. Vous avez vous-même déclaré, Monsieur le ministre, en présentant votre projet en commission, que « la réalité ne sera certainement pas de 2,5 % » ! M. Méhaignerie estime, pour sa part, que selon la tournure des événements, la croissance variera de 1 à 3,5 %. On ne peut être plus précis ! Et c'est cela, la « sincérité » qu'il atteste à ce budget, après avoir critiqué pendant des années nos prévisions, qui se sont révélées souvent inférieures aux résultats ! Peut-on vraiment employer les termes de sincérité et de réalisme ?

Plusieurs députés socialistes - Non !

M. Augustin Bonrepaux - On veut bien vous accorder l'ambition, c'est tout.

Les principales hypothèses économiques sur lesquelles vous vous fondez sont, elles aussi, douteuses. Vous évaluez le prix moyen du pétrole à 25 dollars en 2003, alors qu'il était de 29 le mois dernier et que les perspectives de guerre en Irak le poussent à la hausse. Vous estimez la hausse des dépenses de consommation des ménages à 2,4 % en 2003, alors qu'elle n'est que de 1,8 % en 2002, que le chômage est à la hausse et que le taux d'épargne des ménages atteint un niveau record. Vous prévoyez une inflation à 1,5 % malgré les éléments haussiers : alignement des SMIC, hausse des tarifs publics, tensions sur le pétrole et dérapage des prix.

En ce qui concerne les finances publiques, vous affirmez constamment vouloir rétablir la sincérité des comptes, mais il faudrait passer des paroles aux actes ! Or, vous avez été pris en flagrant délit de mensonge (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Votre premier budget présente les comptes publics de façon faussée. Lors du collectif budgétaire, vous fondant sur l'étude de M. Nasse, vous avez indiqué que le déficit était élevé, et vous vous êtes chargés de faire correspondre la réalité à vos propos ! Vous avez commencé par un allègement d'impôts de 2,5 milliards très bénéfique pour les plus favorisés. Mais pour les autres, il n'y a rien !

M. Guy Geoffroy - Et la prime pour l'emploi ?

M. Augustin Bonrepaux - Vous avez augmenté les dépenses au total de 3,8 milliards dans le collectif, mais quinze jours après, vous en avez supprimé 3,7 milliards ! Pourquoi donc les avez-vous fait voter ? Peut-on vraiment parler de sincérité ? Vous avez fait voter 100 millions de crédits nouveaux destinés à l'entretien du matériel militaire, à grand renfort de discours alarmistes sur une situation soi-disant catastrophique...

M. Guy Geoffroy - Elle l'est !

M. Augustin Bonrepaux - ...et douze jours plus tard, vous en avez gelé 99 ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) C'est cela, votre sincérité ? Je vous rappelle que nous avions annoncé ces régulations et que nous nous étions étonnés que vous ne les présentiez pas lors du collectif ! Mais il fallait aggraver le déficit pour pouvoir expliquer aujourd'hui que vous avez réussi à le contenir... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Quelle autre explication trouver à la simple lecture des comptes ? Donnez-nous des arguments, si vous en avez !

Vous faites d'ailleurs constamment référence à une « loi de finances initiale pour 2002 rebasée ». Mais la règle est de comparer les deux lois de finances initiales. Vos tours de passe-passe budgétaires vous permettent d'agréger à celle de 2002 des crédits dont on ne sait s'ils ont été par la suite gelés ou reportés. Mais le fait est qu'aujourd'hui nous devons voter votre budget : à quoi bon, si nous ne savons pas ce que vous allez y changer dans quinze jours ?

Surtout, votre présentation des comptes publics permet de faire passer pour vertueuse une augmentation des dépenses publiques en réalité très importante. La progression de 0,2 % en volume par rapport à la loi de finances « rebasée » correspond à une hausse de 1,2 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2002, soit plus que la norme retenue par le gouvernement Jospin. Au lieu de nous donner des leçons, inspirez-vous plutôt de vos prédécesseurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Vous n'avez aucun argument à m'opposer !

M. Philippe Auberger - Cela ne va pas tarder !

M. Augustin Bonrepaux - Voilà la raison pour laquelle vous affichez aujourd'hui un déficit stable par rapport à celui du collectif, à 3 % du PIB, et pouvez vous féliciter de votre soi-disant bonne gestion. Didier Migaud a déjà démontré comment ce déficit aurait pu être ramené à 2,6 % du PIB dès le collectif. Je m'élève pour ma part une fois encore contre la présentation tronquée qui est faite de l'évolution des comptes du précédent gouvernement, qui était parti d'une situation que vous aviez jugée suffisamment catastrophique pour justifier une dissolution manquée, car vous ne saviez déjà pas à l'époque comment tenir les engagements européens de la France, et qui a su ramener le déficit public à 1,4 % avant la dégradation conjoncturelle de 2001.

M. Jean-Michel Fourgous - Vous l'avez falsifiée !

M. Augustin Bonrepaux - Quant aux perspectives à moyen terme, c'est votre propre rapport, annexé à la loi de finances, qui indique que vous vous préparez à remettre en cause les engagements pris devant les Français et devant nos partenaires européens.

Le rappel incessant aux promesses de campagne de Jacques Chirac sur la baisse des impôts est contredit par les perspectives réelles d'allégement des prélèvements, qui seront, au mieux, de 9 milliards d'euros en 2006 avec une croissance de 3 % par an sur la période. On est loin des 30 milliards de baisse d'impôt promis pour 2007 ! Et encore faut-il s'en tenir aux grandes lignes car une lecture attentive montre que ces 9 milliards incluent une provision de 3 milliards affectée à une hausse des prélèvements, qu'il s'agisse d'une éventuelle fiscalité écologique ou de l'alourdissement des impôts locaux, sans doute justifié par ce que vous appelez « la défense de l'autonomie fiscale des collectivités locales »... Voyez le tour de passe-passe ! Si baisse il y a, ce sera toujours pour les mêmes !

Mme Martine David - C'est bien vrai !

M. Augustin Bonrepaux - De plus, vous nous placez dans une situation bien délicate à l'égard de nos partenaires européens, car vous ne respectez pas les engagements souscrits par la France en repoussant à 2006 l'équilibre budgétaire. J'ajoute que l'échéance prévue, bien que tardive, est encore improbable, même dans l'hypothèse d'une croissance de 3 %. Dans ces conditions, comment s'étonner que M. Solbès, commissaire européen chargé des affaires économiques, ait durement commenté votre projet de loi de finances ? Et comment s'étonner des vives réactions de nos partenaires européens, résolument opposés à la proposition faite par la Commission européenne - après que vous l'avez mise devant le fait accompli - de repousser à 2006 l'application du pacte de stabilité ? Certes, des discussions peuvent être engagées pour revoir les termes du pacte de stabilité, et le gouvernement de Lionel Jospin l'avait fait en 1997 pour l'enrichir d'un objectif de croissance et d'emploi, mais la méthode que vous avez choisie, et qui tient du chantage, n'est certes pas la bonne (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Elle a notamment pour conséquence de mettre la France en position de faiblesse dans d'autres négociations, qu'il s'agisse de la réforme de la PAC, d'une meilleure prise en compte des services publics ou même de la réduction du taux de TVA dans la restauration.

S'agissant de ce point particulier, je tiens à souligner l'irresponsabilité dont le candidat Jacques Chirac a fait preuve tout au long de sa campagne (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP) en s'abstenant d'expliquer que l'accord de la Commission était requis pour toute réduction du taux de TVA. Nous, nous l'avons toujours dit. Nous avons refusé la démagogie.

M. Jean-Michel Fourgous - Et les 35 heures ? Ce n'est pas de la démagogie ? (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Augustin Bonrepaux - Plus grave encore : le budget que vous nous présentez est injuste et inadapté, et il faut craindre une dégradation plus marquée encore de la croissance et de la situation économique de la France. Vous prenez des dispositions fiscales injustes. Ainsi vous persistez dans la baisse de l'impôt sur le revenu, ce « rabais sur facture », selon M. Mer, qui ne profitera pas à tous les ménages, mais seulement aux plus aisés d'entre eux, et dans quelle proportion ! Pour la moitié des Français, ceux qui ne sont pas imposables, la poursuite de la réduction de l'IRPP n'aura aucun effet. Il est complètement inexact et démagogique de prétendre, comme l'a fait le rapporteur général, que tous les Français s'y retrouveront - on voit bien desquels vous parlez ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) La nouvelle baisse de 1 %, qui coûtera 557 millions, a pour seul objectif de faire passer le taux marginal d'imposition sous la barre des 50 %.

M. François Goulard - C'est une mesure symbolique !

M. Augustin Bonrepaux - Ou plutôt idéologique !

M. Jean-Michel Fourgous - Les trotskards, c'est de l'autre côté de l'hémicycle !

M. Augustin Bonrepaux - Seuls 1,7 % des foyers fiscaux atteignent le taux marginal d'imposition, mais c'est à ceux-là que vous réservez tous vos soins.

M. Jean-Michel Fourgous - A ceux d'entre eux qui vivent encore en France !

M. Augustin Bonrepaux - La vérité des chiffres, c'est que les bénéficiaires les plus modestes paieront un impôt plus élevé en 2003, avec le barème Raffarin que celui qu'ils auraient payé en application du plan Fabius. La politique fiscale de M. Raffarin est bel et bien pour les quelques milliers de foyers les plus aisés que vous vous apprêtez à choyer encore en réduisant la portée de l'ISF (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Vous pouvez essayer de réfuter ces chiffres, mais vous aurez du mal, car ils traduisent la réalité ! Ainsi le maintien du quotient familial à son niveau actuel revient à le relever de 6 %, au bénéfice de quelque 84 000 foyers aisés dont la réduction d'impôt était plafonnée ! Cette seule mesure procurera un gain moyen de 464 euros à chaque ménage concerné, cependant qu'un célibataire ayant deux enfants à charge devra se contenter d'une réduction d'impôt de 49 euros, prime pour l'emploi incluse, s'il a 20 000 euros de revenus. L'injustice des mesures que vous avez décidées est d'autant plus flagrante que vous refusez d'augmenter la prime pour l'emploi. Vous vous limitez à en ouvrir plus largement le bénéfice aux travailleurs à temps partiel, prenant ainsi le risque non négligeable d'encourager le travail précaire. Les bénéficiaires de la prime pour l'emploi devront se satisfaire des seules déclarations du Premier ministre, qui avait prétendu qu'il userait de ce dispositif pour faire participer les plus modestes aux fruits de la croissance. On aurait pu doubler la PPE, elle restera inchangée. Certes, vous l'étendez au temps partiel. Mais 280 millions partagés entre 8 millions de salariés, cela fait 40 euros par personne ; alors que vous affectez 74 millions aux emplois à domicile, répartis entre 70 000 personnes, soit plus de 1 000 euros chacune !

Que d'injustices ! Le plafond de dépenses pour la réduction de 50 % des dépenses engagées pour l'emploi d'un salarié à domicile passe de 6 900 à 10 000 euros. C'est un autre signal clair en faveur des ménages les plus favorisés.

M. Jean-Michel Fourgous - Ceux qui investissent !

M. Augustin Bonrepaux - Cette mesure est d'autant plus scandaleuse qu'elle a un effet rétroactif, puisqu'elle s'applique aux revenus perçus en 2002. Comment prétendre qu'elle servirait à créer de nouveaux emplois ? Même M. Sarkozy n'avait pas osé en 1995 ! Quelle extraordinaire aubaine pour quelques-uns ! La droite, si prompte à dénoncer la rétroactivité de la loi fiscale est prise ici en flagrant délit de contradiction.

Cette mesure laisse de côté les 600 000 foyers qui ont déclaré des dépenses liées à l'emploi d'un salarié à domicile et ne sont pas imposables. Pourquoi ne pas choisir plutôt un crédit d'impôt ? Vous avez préféré cibler 70 000 foyers aisés, ceux-là mêmes qui bénéficieront aussi du maintien du quotient familial. En définitive, cela revient à dispenser quelques foyers aisés du paiement de l'impôt, en contradiction flagrante avec votre discours. Votre collègue Albertini s'en est d'ailleurs offusqué, puisqu'il a déposé un amendement visant à plafonner l'avantage fiscal.

On lit dans le rapport général qu'un couple de deux actifs mariés ayant deux enfants à charge et dont le revenu déclaré s'élève à 60 000 euros paiera 4 279 euros d'impôt sur le revenu en 2003. Or, si ce couple emploie un salarié à domicile payé au SMIC, il ne paiera plus d'impôt puisqu'il pourra déduire 5 000 euros de sa contribution !

M. Jean-Michel Fourgous - Parce qu'il aura créé un emploi !

M. Augustin Bonrepaux - Vous n'exonérez que les plus favorisés, sans vous préoccuper des autres.

Il n'est pas étonnant qu'on ne trouve, ni dans les documents du ministère, ni dans le rapport général, aucune estimation précise de l'impact qu'aura cette mesure. Mais ce débat ne se terminera pas sans que nous ayons des réponses.

De même, la mesure visant à favoriser les donations entre grands-parents et petits-enfants ne concerne qu'un nombre réduit de personnes : il n'y a eu que 96 000 dotations en 2000, d'un montant moyen de 18 000 euros. Le doublement de l'abattement applicable à chaque part - qui passe de 15 000 à 30 000 euros - coûtera 14 millions d'euros. Comment pouvez-vous prétendre qu'une telle mesure augmentera le pouvoir d'achat ? Qui en bénéficiera ? M. Méhaignerie vous a demandé de faire des projections. En voici une : revenez sur les baisses d'impôt consenties aux plus hauts revenus et doublez la prime pour l'emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et quelques bancs du groupe des députés communistes et républicains). Vous verrez que la croissance et l'emploi en profiteront, en même temps que vous réduirez les inégalités. Je pense même que beaucoup d'entre vous ont fait cette réflexion (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Quand on prend une mesure, il faut en démontrer l'efficacité.

M. Jean-Michel Fourgous - Les 35 heures !

M. Augustin Bonrepaux - Cher Monsieur, vous devriez lire le rapport du Gouvernement avant de prendre la parole. On y découvre que « la formule retenue devrait bénéficier davantage aux ménages les plus imposés ». Or, ce sont eux qui ont le taux d'épargne le plus élevé. Et l'INSEE confirme que l'épargne a atteint un niveau record. Ainsi, vous baissez les impôts pour favoriser l'épargne.

M. Philippe Auberger - Elle est utile !

M. Augustin Bonrepaux - Quel effet une telle politique aura-t-elle sur la croissance ? Votre prévision de croissance est déjà tombée de 3 à 2,5 % et on ignore ce qu'il va en advenir (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

J'admets toutefois que ce budget a un mérite (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP). Il reconduit certaines mesures prises par le précédent gouvernement. Ainsi, vous reprenez à votre compte la réforme de la taxe professionnelle, qui a bénéficié à 1 200 000 entreprises. C'est d'ailleurs la principale mesure fiscale du budget, puisque son coût s'élèvera à 1,9 milliard d'euros. Nous saluons aussi la pérennisation de l'abaissement du taux de TVA à 5,5 % pour les services d'aide à la personne et les travaux dans les logements. Mais ce sont les seuls progrès qu'on trouve dans ce budget.

Pour le reste, tous les crédits qui pourraient servir à combattre le chômage sont victimes de votre idéologie. Vous hypothéquez le présent et l'avenir du pays. Dans une période pourtant incertaine, vous renoncez à toute action volontariste de lutte contre le chômage au profit d'une politique de baisse des charges sans contrepartie. C'est ainsi que vous vous attaquez aux budgets de la recherche, de l'éducation nationale, de la culture... Où est votre priorité à l'emploi ? Malgré la conjoncture, les crédits consacrés à l'emploi sont en baisse de 6,2 %, soit 15,7 milliards d'euros : vous remettez en question les contrats emploi solidarité, les contrats emploi consolidé et les emplois-jeunes. Or, tous ces contrats sont utiles à de nombreuses associations qui s'efforcent de ramener les exclus à l'emploi. Si vous ne leur donnez pas les moyens de faire ce travail d'insertion, l'exclusion va encore s'aggraver.

On nous promet 20 000 emplois consolidés par mois, soit 240 000 par an, mais on n'en trouve que 80 000 dans le budget. Expliquez-vous !

L'éducation nationale n'est plus prioritaire, puisque vous n'hésitez pas à supprimer 3 412 postes. Vous faites aussi disparaître 5 000 postes de maîtres d'internat et de surveillants, métiers dont je connais l'utilité pour les avoir exercés. Comment comptez-vous améliorer la sécurité dans les écoles et les collèges en réduisant le nombre des surveillants ? Et comment comptez-vous améliorer le fonctionnement des établissements scolaires en supprimant plus d'un millier de postes ATOS ? N'est-ce pas d'ailleurs, un nouveau transfert de charges vers les collectivités locales ? En effet, si l'entretien n'est pas assuré, c'est l'investisseur qui paiera, c'est-à-dire les collectivités locales et les contribuables ! Vous l'expliquerez à nos concitoyens.

Quant aux emplois-jeunes, comment assurerez-vous leur remplacement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Je n'évoquerai que pour mémoire le budget de la recherche, en baisse de 0,9 %, ou celui de la culture, sacrifié également - alors que le Président de la République s'était engagé à le maintenir. Non content d'étouffer à court terme le moteur interne de la croissance, en négligeant l'emploi et donc le pouvoir d'achat et la consommation des ménages, le Gouvernement hypothèque l'avenir, abandonne toute politique de croissance et compromet le sort des zones défavorisées et des zones rurales. Que dire de votre politique d'aménagement du territoire, dont les crédits subissent une forte amputation... Vous parlez d'investissement. Mais quelle suite donnez-vous aux contrats de plan passés avec les régions ? Nous ne trouvons pas dans ce budget les moyens de les honorer. Quant aux services de l'équipement, des élus de la montagne, sur tous les bancs, ont soulevé la question de la viabilité hivernale. Celle-ci est déjà rendue difficile par une directive européenne...

M. Michel Bouvard - Et par les 35 heures !

M. Augustin Bonrepaux - Comment l'améliorera-t-on avec la suppression de sept cents emplois dans les services de l'Equipement ? Enfin, dans l'agriculture, vous vous souciez toujours des mêmes. Vous avez supprimé la modulation, qui assurait des crédits supplémentaires aux zones défavorisées. Maintenant vous vous préparez à remettre en cause les contrats territoriaux d'exploitation.

Vous dites, Monsieur le ministre, que ce budget va inspirer la confiance. Je crois plutôt qu'il suscitera l'inquiétude, pour les plus modestes, auxquels il n'apporte rien, mais aussi pour les zones défavorisées et la montagne, qui seront lourdement pénalisées.

Je conclurai sur le sort inquiétant que vous réservez aux collectivités locales, notamment dans la perspective de la future loi de décentralisation. Vous annoncez que vous poursuivrez en 2003 le contrat de croissance et de solidarité mis en place par le gouvernement Jospin. Vous ne faites pas mieux que le précédent gouvernement, mais vous faites la même chose : je note ce point positif dans votre budget. Il en sera de même pour la progression de la DGF, à cela près qu'elle sera moins importante. Mais pour le reste, j'observe deux orientations préoccupantes et qui devraient inquiéter l'ensemble de mes collègues. J'espère me tromper, mais il me semble entrevoir une mise en cause de la péréquation, ainsi que des transferts de charges aux collectivités locales.

La péréquation est remise en cause dès cette loi de finances, qui privilégie les collectivités les plus aisées en oubliant le rôle péréquateur de l'Etat. Le Fonds national de péréquation est amputé de 18 %, la majoration exceptionnelle de 22,87 milliards d'euros, prévue chaque année, n'étant pas reconduite.

M. Bernard Roman - Cela augure mal de l'avenir !

M. Augustin Bonrepaux - Je retrouve votre conception de la péréquation dans la présentation du contrat de croissance qu'a faite M. Devedjian devant le Comité des finances locales.

M. Henri Emmanuelli - Ah ! Celui-là !

M. Augustin Bonrepaux - Nous appliquons - disait-il -le contrat de croissance de Lionel Jospin, soit l'inflation plus le tiers de la croissance ; mais nous reprenons la dotation de compensation de la taxe professionnelle... Mais d'ajouter benoîtement : on ne peut pas faire ici de modulation, prendre un peu moins aux collectivités pauvres et un peu plus aux riches : on va donc reprendre la même chose à toutes ! Voilà la péréquation telle que la conçoit le nouveau Gouvernement !

M. Henri Emmanuelli - C'est la péréquation Neuilly !

M. Augustin Bonrepaux - Pour la première fois, donc, pas de modulation. Pour la première fois, les communes éligibles à la DSU et à la DSR ne bénéficieront pas de la même progression de 5 % que les années précédentes. Vous avez certes procédé à un habillage, prélevant sur la régulation de 2002 pour donner en 2003 aux communes de la DSU et de la DSR. Mais l'augmentation n'atteint même pas 2 %. En outre, vous allez la reprendre comme je l'expliquais à l'instant. Bref, ce que vous leur donnez d'une main - après l'avoir d'ailleurs pris aux autres, vous le reprenez de l'autre. Nous défendrons des amendements à ce sujet, mais je crains que nous ne soyons pas écoutés. Enfin, comme ce budget ne comporte pas les moyens de la péréquation, vous allez vous en décharger sur le comité des finances locales.

Une seconde orientation n'est pas moins inquiétante : ce sont les transferts de charges que vous préparez.

Plusieurs députés UMP - Parlons de l'APA !

M. Augustin Bonrepaux - Parlons-en, en effet. Quand nous en avons débattu ici, je n'ai guère entendu l'opposition d'alors protester. Or, quelle était la règle de financement proposée ? Le département devait prendre en charge l'équivalent de la PSD, le reste étant financé à parité par lui et par l'Etat. Ce qui fut fait (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Bouvard - Mensonge.

M. Augustin Bonrepaux - Et la semaine dernière M. Falco nous a dit que c'était une bonne mesure.

M. François Goulard - Avoir de bonnes idées, c'est bien : les financer, c'est mieux !

M. Augustin Bonrepaux - La mesure a connu un grand succès. Et la question que je pose aujourd'hui au Gouvernement, c'est de savoir s'il tiendra l'engagement du précédent (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP) et apportera la part de l'Etat, à égalité avec les départements. Si vous reconnaissez que c'est une bonne mesure, il faut accepter d'en financer la moitié (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Sinon cela voudrait dire que l'Etat se désengage de la solidarité. Nous vous avons tellement entendu dire qu'il fallait réduire la pression fiscale, donc les recettes, sans vous demander comment vous allez faire fonctionner les services publics et assurer la solidarité, qu'il nous faut bien rappeler que l'Etat doit prendre sa part dans la solidarité envers les personnes âgées, au lieu de s'en décharger sur les impôts locaux (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Deux autres points sont inquiétants dans cette perspective. Vous réduisez les crédits de l'éducation nationale pour les ATOS, c'est-à-dire l'entretien des collèges et des lycées. Dans le même temps, vous annoncez votre intention de les transférer aux collectivités locales...

M. Bernard Roman - Elles ne se laisseront pas faire !

M. Augustin Bonrepaux - ... avec les crédits qui étaient inscrits, c'est-à-dire des crédits réduits dès cette année : quand le transfert aura lieu, les charges des collectivités seront donc accrues, et l'on peut douter que l'opération se fasse à coût nul comme l'a affirmé le ministre.

Mais devant l'impossibilité de réduire l'impôt sur le revenu et de tenir les promesses de M. Chirac, il ne vous reste qu'à transférer des charges sur les collectivités, en provoquant la hausse des impôts locaux.

Il en va de même des suppressions d'emplois dans les services de l'équipement : comme vous envisagez de les transférer à des collectivités locales, vous supprimez déjà 700 emplois et vous réduisez les crédits - après quoi vous ferez le transfert, avec des moyens insuffisants. Là encore, les collectivités devront, pour faire face, augmenter leurs impôts.

M. Bernard Accoyer - Ceux qui sont eux-mêmes pervers sont persuadés que tous les autres le sont...

M. Augustin Bonrepaux - Si c'est ainsi que vous concevez la décentralisation, vous vous préparez des jours difficiles avec les collectivités locales...

Ce budget, je crois l'avoir démontré, est injuste, inefficace et contraire à l'intérêt général. Il est marqué par le souci de satisfaire une clientèle électorale composée d'un nombre restreint de ménages, et de remplir des promesses démagogiques. Il n'est en rien adapté à la conjoncture économique actuelle, qui appellerait une réelle stratégie de croissance, forte et solidaire, et une lutte résolue contre le chômage, prolongeant les résultats remarquables qu'a obtenus le gouvernement précédent (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Vous avouez, par ce budget, votre incapacité à affronter une dégradation de la situation internationale. S'il venait à ne pas y avoir de reprise économique, ce sont les plus modestes qui feront les frais des cadeaux accordés aujourd'hui aux plus favorisés. Pour toutes ces raisons, je vous invite à voter cette question préalable (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire - L'objet de la question préalable est de décider qu'il n'y a pas lieu à délibérer, ce qui est surprenant s'agissant du budget ! Votre désaccord, légitime, devrait plutôt s'exprimer lors de la discussion des articles.

Néanmoins, un débat raisonnable devrait pouvoir s'engager sur quelques points. La croissance d'abord. Nous devrions tous faire un effort de pédagogie pour montrer qu'il n'y a pas de relation automatique entre la croissance et les recettes fiscales. Tous les gouvernements sont confrontés à un dilemme : soit retenir une hypothèse de croissance prudente, au risque de susciter des anticipations pessimistes ; soit choisir le volontarisme, et encourir le soupçon de l'insincérité.

En ce qui concerne le budget, en tout cas, nous avons fait des prévisions prudentes, et je ne désespère pas d'apaiser les tourments de M. Bonrepaux...

M. Philippe Briand - A l'impossible, nul n'est tenu.

M. le Ministre délégué - ...J'aime les challenges ! Il n'y a pas de rapport entre les ouvertures de crédit dans le collectif et le gel. Les ouvertures de crédit ont porté sur des dépenses inéluctables, sous-budgetées dans la loi de finances pour 2002. Le gel a porté sur des dépenses discrétionnaires.

Vous vous êtes étonnés que nous ayons pris pour référence la loi de finances initiale rebasée, mais c'était inévitable : comment se baser sur une loi de finances aussi gravement sous-estimée ? Vous croyez exagérée l'estimation du déficit contenu dans l'audit. Eh ! bien, nous en sommes à espérer que la limite haute de l'audit ne sera pas dépassée, et c'est un travail de tous les jours. Voyez la TVA : la loi de finances initiale prévoyait 5 % de progression, le collectif est revenu à 3 %, et nous en sommes à 1 %.

M. Augustin Bonrepaux - Puis-je dire un mot ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Continuez, Monsieur le ministre.

M. le Ministre délégué - Vous m'avez interrogé encore sur la TVA restauration : je comprends vos regrets, puisque les gouvernements précédents n'en ont jamais fait la demande !

M. le Ministre délégué - En quatre mois, le gouvernement actuel a convaincu la Commission ; il reste à obtenir l'accord des partenaires européens, mais nous sommes sur la bonne voie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Par ailleurs, tous les contribuables profitent de la baisse de l'impôt sur le revenu parce que la progressivité n'est pas affectée.

M. Augustin Bonrepaux - C'est faux !

M. le Ministre délégué - Le maintien de la décote à son niveau actuel, alors que l'impôt baisse, permet au contraire d'avantager les bas revenus (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Henri Emmanuelli - Assumez vos choix !

M. le Ministre délégué - S'agissant de la prime pour l'emploi, la mesure sur le temps partiel touche 3 200 000 personnes.

M. Augustin Bonrepaux - Et les 5 millions d'autres ?

M. le Ministre délégué - Concernant les liens financiers entre l'Etat et les collectivités locales, nous maintenons le fonds de péréquation de la taxe professionnelle. Quant à la DSU, elle progresse de 23 millions d'euros.

Mais le fond du débat entre nous, c'est qu'au fond vous reprochez au Gouvernement sa politique. Vous croyez à l'assistance, nous croyons au travail (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) ; vous croyez à la dépense et à l'impôt, nous croyons à la libre entreprise et à la baisse des prélèvements (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) ; vous croyez en l'emploi public, nous croyons à l'emploi privé (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Henri Emmanuelli - Provocateur ! Vous allez voir le chômage !

M. le Ministre délégué - Je vous propose donc de repousser cette question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Je doute, non de la sincérité de M. Bonrepaux, mais de l'efficacité de ses mesures. Au cours des vingt dernières années, le PIB de la France a décliné par rapport à celui des autres pays européens...

M. Henri Emmanuelli - C'est faux !

M. le Président de la commission des finances - L'emploi s'est détérioré : les pays dont le taux de chômage est descendu sous la base des 5 % sont ceux qui ont su diminuer la fiscalité, rendre leur site industriel attractif, maîtriser les dépenses publiques, et développer l'esprit d'entreprendre. Vous avez fait l'inverse, on voit les résultats.

Dans le domaine de la justice sociale, faites donc preuve de modestie ! Lors des dernières élections, 12 % des ouvriers ont voté pour Lionel Jospin et 3 % pour Robert Hue (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Les 35 heures ont aggravé les inégalités, frappant plus particulièrement ceux qui ont des métiers difficiles. Quant à la retraite, comment expliquer que ceux dont l'espérance de vie est la plus courte, aient la durée d'activité la plus longue ?

Je vous renvoie du reste à l'appréciation que porte sur les socialistes français l'un des ministres d'Etat de M. Blair : « la gauche française prône un modèle de socialisme par trop étatisé qui appartient au vingtième siècle. Il n'est que temps pour elle de se réinventer. » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Michel Bouvard - Bien entendu, le groupe UMP repoussera cette question préalable qui n'a pas lieu d'être dans un débat de ce type. Cependant, nous savons bien, pour avoir pratiqué l'exercice, qu'il y a là une occasion de faire entendre un point de vue différent et il est bien normal que l'opposition s'en saisisse. Pour ce qui nous concerne, nous sommes convaincus que notre pays est suradministré, surendetté et surtaxé. C'est pourquoi, nous souscrivons à une nouvelle orientation politique visant à créer des emplois durables et à sortir du cycle de l'assistanat.

J'ai été blessé par les propos réitérés de nos collègues Bocquet et Bonrepaux tendant à caricaturer ceux que nous représentons. Je tiens à leur rappeler que la plupart d'entre nous sont les élus de circonscriptions populaires. Dans nos permanences, nous rencontrons les mêmes Français que vous et ils sont confrontés aux mêmes difficultés que partout ailleurs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Lorsqu'un salarié m'explique que du fait des 35 heures il gagne moins que tel ou tel de ses collègues alors qu'il fournit les mêmes efforts, je suis fier de lui annoncer que nous allons faire l'harmonisation des SMIC par le haut (Mêmes mouvements).

Je me félicite de même que nous revalorisions la PPE pour donner un coup de pouce supplémentaire aux salariés à temps partiel.

M. Augustin Bonrepaux - Pourquoi ne pas le faire pour tous ?

M. Michel Bouvard - Nous privilégions les politiques qui engagent durablement notre pays dans la bonne direction.

S'agissant des collectivités locales, le président de conseil général que vous êtes, Monsieur Bonrepaux, ne peut contester que beaucoup de transferts de compétences mal compensés ont déjà eu lieu. Dans mon département, la charge supplémentaire induite par l'APA représente 18 millions, l'Etat n'en compense que 3. Et que dire du transfert sans compensation des services départementaux d'incendie et de secours, alors que le préfet en conserve le commandement opérationnel ! Vous ne pouvez soutenir que la décentralisation ait progressé au cours de la législature précédente ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Au reste, nous avions besoin d'un lexique pour traduire les termes qu'emploient nos collègues de l'opposition ! Et s'ils veulent nous faire dire que nous ne tiendrons pas les engagements qu'a pris le gouvernement précédent contre nos avertissements, je puis d'ores et déjà les rassurer sur ce point. Nous n'allons pas creuser la dette et le déficit public car nous voulons tout au contraire installer une gestion saine, fondée sur une pratique budgétaire responsable.

M. Henri Emmanuelli - On verra bien !

M. Michel Bouvard - Nous sommes pleinement conscients de la responsabilité qui nous incombe : ne pas faire peser sur les générations futures le poids d'une gestion hasardeuse de la ressource publique (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean-Claude Sandrier - Le groupe communiste et républicain votera la question préalable. De l'avis de nombreux conjoncturistes éminents, la situation économique mondiale s'apparente aujourd'hui à celle qui prévalait en 1929. Si tel est bien le cas, force est d'admettre que votre projet de budget n'est pas à la hauteur de la situation ! Alors qu'une relance vigoureuse s'impose, vous nous sortez un projet de loi de finances d'une orthodoxie libérale que n'auraient pas renié Reagan ou Thatcher ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Vous citez à l'envi l'exemple du Royaume uni et de son taux de chômage de 5 %. Encore faudrait-il préciser comment on y arrive ! Un million et demi de personnes en âge de travailler sont déclarées inaptes à toute activité - ce qui allège d'autant les statistiques du chômage - et la Grande-Bretagne reste la championne toutes catégories du travail précaire !

M. François Grosdidier - Et les CES, et les emplois jeunes, ce ne sont pas des emplois précaires ?

M. Jean-Claude Sandrier - Votre politique se situe à contre-courant de l'évolution de nos sociétés. Peut-on ignorer que le XXIe siècle sera celui du savoir et de la recherche ? Sans doute, puisque votre première priorité aura été de faire régresser le budget de la recherche cependant que vous concentrez la richesse toujours sur les mêmes catégories de la population.

Le groupe communiste et républicain votera sans hésiter la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur de nombreux bancs du groupe socialiste).

M. Charles de Courson - Notre collègue Bonrepaux fait du Jack Lang budgétaire ! Hier, tout était merveilleux ; aujourd'hui la situation est devenue catastrophique.

Plusieurs députés UMP - L'ombre et la lumière ! (Rires)

M. Charles de Courson - Ce qu'il passe sous silence, c'est la déroute historique essuyée par la gauche - et singulièrement par le parti socialiste - aux dernières élections. Comme l'a rappelé le président Méhaignerie, ce sont les milieux populaires qui vous ont vidé du pouvoir ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP) Cela vous incite-t-il à vous remettre en question ? (« Eh non ! » sur les bancs du groupe UMP). Pas un instant car chacun sait bien que selon vous, le peuple a toujours tort ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste) Tort de considérer que les inégalités se sont accrues lorsque vous étiez aux responsabilités. Mais qui a le plus souffert de la reprise du chômage ? Évidemment pas les classes supérieures et c'est pour cela que les salariés les moins qualifiés ne votent plus pour vous ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Que croyez-vous que nous disent nos compatriotes ? « Monsieur le député, pouvez-vous m'expliquer pourquoi, en travaillant, je gagne plutôt moins que mon voisin qui vit des prestations ? » De cela, vous n'avez pas voulu tenir compte ! Du reste, M. Bonrepaux et ses amis appartiennent plutôt à l'aile régressive du parti socialiste...

Plusieurs députés UMP - Dites même archaïque !

M. Charles de Courson - ...qui considère que toujours plus de dépense publique, c'est plus de justice sociale ! Mais le président de notre commission l'a bien dit, la plus grande inégalité en matière de retraites, c'est qu'un routier ou qu'un man_uvre ne parte à la retraite qu'à soixante ans alors qu'ils ont à cet âge sept ans d'espérance de vie de moins qu'un cadre supérieur. Qu'avez-vous fait pour eux ? Rien ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP). Nous réformerons les retraites pour mettre fin à des écarts de situations aussi scandaleux.

L'INSEE confirme, et je comprends que cela blesse nos collègues de gauche, que les inégalités n'ont pas régressé au cours de la législature précédente.

À mon tour de vous servir l'une de vos formules favorites, vous avez décidément la « mémoire courte ». Alors que nous mettions en garde M. Fabius sur ses prévisions de croissance pour 2002...

Plusieurs députés UMP - Fabius ? Où est-il ? À la télévision ? (Murmures sur les bancs du groupe socialiste)

M. Charles de Courson - ..., celui-ci ne manquait pas, avec l'arrogance qui lui est coutumière, de balayer d'un revers de main toutes nos objections (Rires sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste). Vous n'avez pas hésité alors, Monsieur Bonrepaux, à soutenir l'insoutenable en matière budgétaire.

Que ne nous a-t-on pas promis à l'époque, que le taux des prélèvements obligatoires allait baisser - il a « pris » 0,2 point en cinq ans -, que les dépenses publiques seraient maîtrisées, et j'en passe. Au demeurant, MM. Strauss-Kahn et Fabius étaient bien loin alors de défendre les positions régressives qui sont les vôtres ce soir. Privés de chef et de ligne politique, profondément divisés, vous sombrez dans la démagogie au risque de favoriser une nouvelle fois l'extrême gauche (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

Bien entendu, le groupe UDF et apparentés ne votera pas la question préalable (Mêmes mouvements).

Mme Martine David - Scandaleux !

M. le Président - La parole est à M. Migaud (Brouhaha sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Martine David - On nous empêche de nous exprimer !

M. le Président - Le groupe socialiste s'est déjà largement exprimé ! Mais je vous prie d'écouter M. Migaud.

M. Didier Migaud - Vous nous invitez à un débat serein, mais vous multipliez les caricatures ! Avec beaucoup de sérénité, nous contestons donc votre présentation de l'héritage et les contrevérités que vous assénez sans cesse. Nous aurons tout au long du débat de nombreuses occasions de montrer le décalage qui existe entre vos propos et la réalité, ou ce qu'en disent les experts objectifs !

Certains d'entre vous mettent en avant des rencontres qu'ils ont faites dans leurs permanences, mais nous en tenons aussi, et nous les rencontrons, tous ces éducateurs par exemple...

M. François Grosdidier - C'est vous qui avez précarisé la fonction publique !

M. Didier Migaud - ... qui s'inquiètent pour leur avenir ! Nous les rencontrons, ces jeunes qui occupent des contrats emploi solidarité, des contrats emploi consolidés ou des emplois jeunes ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. le Président - Laissez parler M. Migaud.

M. Didier Migaud - Je pense qu'ils viendront aussi vous voir très bientôt, mais le discours que vous leur tiendrez sera bien différent de celui que nous entendons dans l'hémicycle parce qu'ici vous n'êtes pas confrontés au pays réel ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Plusieurs députés UMP - Nous sommes les représentants du peuple !

M. Didier Migaud - Ce pays réel viendra bientôt vous rappeler vos engagements. Comment pouvez-vous tourner en dérision un gouvernement qui a obtenu une baisse de 950 000 chômeurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Plusieurs députés UMP - Grâce à la croissance !

M. Didier Migaud - Vous devriez être plus humbles, si vous saviez ce que représente réellement le chômage pour nos concitoyens (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Martine David - Monsieur le Président, faites-les taire !

M. Didier Migaud - Nous pensons vous rendre service en vous proposant de voter cette question préalable (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Président - Un peu de calme, mes chers collègues.

M. Didier Migaud - Votre budget est en effet injuste, économiquement inefficace et parfaitement insincère (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Qui croire, et qui ment ? M. Fillon qui nous a promis cet après-midi des crédits l'an prochain pour des contrats emploi solidarité qui ne sont pourtant pas prévus cette année ?

M. François Grosdidier - Vous n'avez pas financé le RMI !

M. le Président - Monsieur Grosdidier, veuillez laisser la parole à M. Migaud.

M. Didier Migaud - M. Ferry, qui supprime des postes de surveillants mais promet qu'il fera des propositions l'année prochaine ? Le ministre de l'économie et celui du budget qui annoncent des mesures de régulation dès janvier ? Qui faut-il croire ? Nous avons atteint le comble de l'insincérité ! Vous nous dites clairement que le budget qui sera exécuté l'an prochain n'est pas celui que nous aurons voté... Il faut le dire à nos compatriotes.

Nous vous invitons donc à voter cette question préalable parce qu'il n'y a pas lieu de débattre sur un budget qui n'a aucune vocation à être exécuté (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. Jean-Claude Sandrier - « Sans jouer les Cassandre, il aurait été préférable pour la dignité et la qualité du travail parlementaire, de préparer un budget plus proche de la réalité ou, à tout le moins, de prévoir un fonds d'action conjoncturelle. En effet, nos débats ne risquent-ils pas d'être vains si, dans quelques mois, d'un trait de plume, ce budget est modifié de fond en comble du fait de la conjoncture internationale ? » Voilà ce que disait M. Méhaignerie le 14 octobre 1998. Je n'ai rien à ajouter, si ce n'est que le budget pour 1999 qu'il critiquait a été sincère et dynamique, ce qui n'est nullement le cas de celui qui nous est présenté pour 2003.

Tout montre que l'examen de ce projet de loi ne sera rien d'autre qu'un exercice virtuel. Les prévisions de croissance des instituts de conjoncture, qui se situent entre 1 % et 2 %, font apparaître un manque qu'il faudra bien combler. Vous avez donc décidé de lâcher les déficits pour 2002 et 2003, en flirtant avec la limite autorisée par les gendarmes de la Commission européenne, tout en promettant un plan de rigueur pour 2004.

Vous avez beau critiquer les budgets précédents, le vôtre bat tous les records !

À la conjoncture maussade vient s'ajouter la menace terrible d'une intervention américaine irresponsable en Irak. Le monde tourne à l'envers : la dictature de la sphère financière conduit à tous les excès, les plans de licenciement se multiplient, le marché du pétrole s'affole. Voilà où va une société lorsque l'argent est devenu la seule fin !

Le manque de sincérité budgétaire oblige à déplacer les choix douloureux, notamment vers les collectivités locales. C'est ainsi que vos amis présidents de conseils généraux se plaignent de leurs malheurs à propos de l'allocation personnalisée d'autonomie !

Ils justifient ainsi la hausse de l'impôt local. Bel exercice de trompe-l'_il entre un gouvernement qui s'affiche en Père Noël et ses affidés locaux qui jouent les Pères Fouettards ! Mais pour financer l'APA, il suffirait de conserver le taux des deux plus hautes tranches de l'impôt sur le revenu !

Est-il si difficile de faire le choix d'aider les personnes âgées qui souffrent plutôt que les riches qui veulent l'être encore plus ?

Vous affichez également une volonté toute idéologique d'étendre les privatisations dans des secteurs qui apportent toute satisfaction. L'exemple de France Télécom ou des compagnies d'électricité au Japon et aux Etats-Unis ne semble pas ébranler votre dogmatisme ! Les 8 milliards d'euros que vous affichez en recettes de privatisations font preuve d'un optimisme qui confine à l'aveuglement.

Monsieur le ministre, vous vous inscrivez dans un schéma générateur d'inégalités et de conflits. Vous qui avez sans cesse la justice à la bouche, vous êtes comme le divin Thrasymaque de Platon, qui estimait que ce qui est « juste n'est autre chose que ce qui est avantageux au plus fort ».

Le projet de loi de finances pour 2003 accorde la priorité aux couches les plus aisées.

Un contribuable aisé, exerçant une profession libérale et qui acquitte 30 000 euros d'impôt sur le revenu va gagner 1 800 euros avec votre baisse d'impôt. Avec le nouveau régime qui est prévu, il paiera moins de taxes locales. Il pourra transmettre 30 000 euros à chacun de ses petits-enfants et réduire son impôt de 5 000 euros s'il embauche du personnel de maison. Avec un peu de chance, tout cela le fera passer juste en dessous du seuil de l'impôt sur la fortune !

Mais un salarié modeste, s'il n'est pas imposable sur le revenu, ne gagnera rien en 2003, alors qu'il devra s'acquitter de la hausse de la TIPP et des autres tarifs publics, et subira de plein fouet la hausse des taxes locales.

Voilà la baisse d'impôts dont vous nous rebattez les oreilles ! Comme l'écrivent les auteurs du livre Dieu que la guerre économique est jolie, Philippe Labarde et Bernard Maris, « l'Etat sert la soupe. Et pas la soupe populaire. Il sert chez Maxim's plus que chez Coluche ». Guizot disait déjà aux plus riches : « Enrichissez-vous ! » Vous, vous leur dites : « Nous allons vous enrichir ! »

Continuer dans cette voie ne servira qu'à creuser les inégalités, développer les frustrations et alimenter la violence. Et ce n'est pas la police qui réglera ce problème.

Au contraire, il faut augmenter les bas et moyens salaires, les retraites et les minimas sociaux, car donner du pouvoir d'achat à ces personnes, c'est s'assurer d'une augmentation de la demande globale.

Baisser les prélèvements des classes riches ne donne pas le même résultat, car elles confinent les sommes dégagées à des opérations spéculatives.

En outre, les exigences de la rentabilité financière dépriment la demande par la baisse des dépenses publiques et la réduction des coût salariaux que vous présentez comme élément essentiel de « l'attractivité » de notre pays. Faut-il tendre vers les coûts salariaux du Bangladesh et les prélèvements fiscaux de l'île Caïman pour être pleinement compétitifs ?

Il faut veiller à ne pas étouffer ce moteur essentiel de la croissance qu'est la consommation privée.

Tous les économistes attirent l'attention sur la bonne résistance de l'économie française en 2001 et 2002 grâce à la consommation. Mais avec la hausse des impôts locaux, des impôts indirects et des tarifs des services publics, avec la suppression des emplois-jeunes, c'est autant de souffle qui manquera à l'économie française !

Ce qu'il faudrait, c'est transformer la structure même de notre fiscalité en diminuant la part des impôts indirects, en rehaussant l'imposition directe et, surtout, en taxant la richesse financière à sa juste mesure.

En moins de vingt ans, la part de l'impôt sur le revenu dans le total des recettes et passée de 24 à 17 %, alors que la part de l'ensemble « TVA + TIPP » est en constante augmentation, au point qu'il constituera près de 55 % des recettes attendues pour 2003. C'est dire que l'injustice des prélèvements ne cesse de s'aggraver.

Le choix de réduire les prélèvements sur les plus hauts revenus aurait pour objectif, si l'on vous en croit, de maintenir les talents en France. Mais quand on constate le sort particulièrement douloureux que vous réservez à la recherche, à l'éducation ou à la culture, on peut douter de cette volonté.

Le budget 2003 est, tout bonnement, un budget qui va accroître les inégalités.

Le suivisme dont vous faites preuve, tant auprès de la Banque centrale européenne que lorsqu'il s'agit des critères de Maastricht ne fera que renforcer la nécessité d'une révision rapide de votre projet. L'augmentation spectaculaire du déficit et le fait que la dette publique reparte à la hausse sont d'autres arguments pour refuser la baisse de l'impôt sur les plus hauts revenus.

Pour notre part, nous demandons que l'on rompe avec les critères de convergence qui signifient toujours plus de marchés financiers et toujours moins pour le service public. Relancez un pôle public de crédit géré dans l'intérêt général et accordant des prêts bonifiés à des projets porteurs d'emplois et de richesse !

Contrôlez réellement l'efficacité des fonds publics en imposant des contreparties en termes d'emplois aux baisses de charges ! Luttez avec conviction contre les réseaux financiers parasitaires et parfois mafieux !

C'est avec de telles mesures, et avec de telles mesures seulement, que l'on obtiendra de réels résultats en matière d'emplois. Or, vous choisissez une orientation inverse en portant un coup à tous les budgets porteurs d'avenir, qu'il s'agisse de l'éducation, de la culture, de la recherche, du logement ou du travail. Et l'on assiste, en prime au grand retour de la route, le rail étant sacrifié !

Le triste sort réservé à l'éducation est emblématique de la politique que vous avez choisie.

La non-pérennisation des aides-éducateurs et la suppression de 5 600 postes de surveillants feront qu'il y aura des milliers de jeunes adultes en moins dans les collèges et les lycées. Est-ce bien raisonnable ? Surtout, est-ce efficace quand on prétend lutter contre la violence à l'école ?

Tout ce qui concourt au dynamisme du pays est touché. Le secteur associatif sera atteint par le fléchissement des emplois-jeunes ; le développement durable et la politique de la ville seront aussi rognés.

Votre budget, typiquement conservateur, se couche devant l'exigence de rentabilité des marchés financiers, devant une concurrence prédatrice qui n'a que mépris pour les critères sociaux et humains. Le groupe communiste et républicain propose de dégager de nouvelles recettes par la taxation des actifs financiers, c'est-à-dire, comme l'a souligné M. Delevoye lorsqu'il était président des maires de France, « là où se trouve la richesse actuelle ! ».

Nous proposons également d'élargir l'assiette de l'ISF, notamment en tenant compte des avoirs à l'étranger.

Nous estimons nécessaire de rééquilibrer l'impôt direct et l'impôt indirect en ramenant la TVA à 18,6 % et, dans certains secteurs, à 5,5 %. Nous demandons aussi une baisse de la TIPP. Tout cela pourrait être compensé par un IRPP atteignant comme chez nos voisins européens, 8 à 9 % du PIB.

Nous estimons enfin que la modulation des cotisations sociales en fonction des emplois et des richesses créés devient une nécessité. Il ne faut plus de ces baisses uniformes accordées sans contrepartie, qui sont autant de cadeaux à fonds perdus, tant les retours sont aléatoires.

Ce texte réussit le tour de force de cumuler les défauts : il n'est ni sincère, ni efficace économiquement, et il est socialement injuste. C'est pourquoi, le groupe communiste et républicain votera contre (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste ).

M. Philippe Auberger - Jamais, au cours de la décennie écoulée, la préparation du budget n'a été aussi difficile, tant les aléas ont été nombreux : y aurait-il une guerre en Irak ? Combien de temps durerait-elle ? Quel serait son effet sur le cours du pétrole ? A ces graves préoccupations se sont ajoutées la chute de la Bourse, dont nul ne sait quel sera l'impact sur la confiance des ménages, et la dégradation du bilan des banques, qui rend plus difficile l'octroi des crédits. Comment savoir enfin, si la Banque centrale européenne va abaisser ses taux, comme certains la pressent de le faire ?

Confronté à tant d'incertitudes, le Gouvernement a gardé son sang-froid et fait preuve de réalisme en ramenant de 3 % à 2,5 % ses prévisions de croissance, qu'il maintient, retenant ainsi l'hypothèse haute de la plupart des économistes. Il est vrai, aussi, que le Gouvernement ne peut nous présenter des prévisions flottantes, et il doit éviter de précipiter le pays dans la sinistrose. Cela étant, nous sommes encore très loin du mauvais exemple de 2001... Les économistes exposent avec force que la rigueur freinerait encore l'activité. Dans ces conditions, suivre l'opposition aurait pour conséquence de provoquer une psychose qui conduirait à un ralentissement économique accru.

J'observe d'autre part, à la suite du rapporteur général, que le Gouvernement a fait preuve d'une grande sagesse dans l'évaluation des recettes, le coefficient d'élasticité étant inférieur à 1. Enfin, le ministre de l'économie a indiqué que si le ralentissement de la croissance était plus marqué que ce à quoi il s'attend, des ajustements auraient lieu en cours d'année. Tel est bien le rôle du Gouvernement : limiter les chocs conjoncturels et non pas les amplifier.

Je note d'autre part que les objectifs retenus sont les bons. Ainsi, le déficit est stabilisé à 2,6 % du PIB, ce qui tranche singulièrement avec l'augmentation de 50 % constatée en 2002 par rapport à 2001. L'augmentation de la dépense est maîtrisée, l'augmentation n'étant que de 0,2 % en volume par rapport au collectif 2002. Une nouvelle fois, la différence est notable avec les cinq années antérieures, pendant lesquelles l'augmentation des dépenses a oscillé entre 2 et 3 %... Enfin, une marge appréciable demeure pour réduire la fiscalité. A ces mesures, 3,9 milliards d'euros seront consacrés, car on sait qu'elles auront un effet mécanique sur l'économie, mais aussi un effet psychologique et politique...

M. Jean-Pierre Balligand - Cela reste à prouver !

M. Philippe Auberger - Le dispositif comporte huit mesures, dont cinq, qui concernent les entreprises, auront un effet direct - et positif - sur l'emploi, ce que nous n'avons pas connu depuis des années. Les dispositions qui concernent les ménages sont tout aussi bien orientées, en dépit d'une conjoncture difficile.

Il n'empêche que ce budget, aussi bon soit-il, pourra être revu et perfectionné. Il faudra, en particulier, clarifier les relations entre la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale et supprimer le FOREC. D'autre part, la forte dégradation des comptes des entreprises publiques constitue un lourd héritage pour les finances de l'Etat. Un audit doit donc être conduit, dont le Parlement doit avoir à connaître. Si, comme vous l'avez indiqué dans Les Echos, Monsieur le ministre délégué, vous souhaitez - ce que j'approuve sans réserve - que le mauvais bilan de France Télécom ne pèse pas sur le budget, quelles mesures de redressement prendrez-vous ?

Il faudra par ailleurs que le fonds de réserve des retraites soit convenablement doté. Ce ne sera pas possible en 2003, mais il faudra faire un effort, car ce fonds qui doit atteindre 150 milliards n'est pour le moment doté que de 12 milliards.

Il faut revoir le dispositif de la prime pour l'emploi afin de le simplifier et d'éviter un trop grand décalage entre le retour à l'emploi et le versement. Nous pourrions envisager un versement trimestriel par les URSSAF.

Il faut continuer d'alléger l'impôt sur le revenu afin de dynamiser notre économie, tout comme il faut alléger les charges fiscales qui pèsent sur les entreprises. La suppression de la part salariale de la taxe professionnelle ne concerne que les très grandes entreprises. L'allégement doit être plus global.

Nous ne pouvons qu'approuver ces orientations. Des objectifs précis ont été fixés. Je souhaite qu'après une bonne exécution du budget pour 2003, le projet de loi de finances pour 2004 permette d'approfondir la politique engagée. Persévérez, et nous continuerons à vous soutenir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Alain Claeys - Le Gouvernement prend grand soin d'annoncer que ce budget aura pour priorité l'emploi. Pourtant, on serait bien en peine d'y trouver une mesure concrète en faveur de l'emploi.

En fait, c'est toute la politique de lutte contre le chômage menée par le précédent gouvernement que vous remettez en question. Vous démantelez l'ensemble des dispositifs qui avaient permis à l'économie française de faire baisser le chômage de plus de 900 000 personnes au cours des cinq dernières années, chiffre sans précédent depuis plus de vingt ans.

En total décalage avec la conjoncture et les attentes des Français, les crédits consacrés à l'emploi sont en baisse de 6,2 % !

Chaque fois que les crédits d'un ministère baissent, vous invoquez une hypothétique « meilleure consommation », qui ne pourra être vérifiée qu'en 2004. Mais la baisse des crédits de l'emploi recouvre des réalités tangibles. Comme l'a observé Augustin Bonrepaux, près de 100 000 CES seront supprimés en 2003. Le nombre des CEC diminuera également.

Les réponses du ministre des affaires sociales aux questions posées à ce sujet sont pour le moins insatisfaisantes et fluctuantes. Il fait ainsi mine d'oublier les 80 000 CES supplémentaires que le gouvernement Jospin avait programmé en 2002. Après avoir signé une circulaire diminuant de 95 à 65 % le taux de prise en charge par l'Etat des contrats aidés à destination des personnes les plus en difficulté, il promet précipitamment de revenir sur cette disposition.

Le discours est plus clair sur les emplois-jeunes auxquels le Gouvernement a décidé de mettre fin. Francis Mer a parlé d'« assécher les emplois-jeunes » pour leur substituer le dispositif du contrat jeune en entreprise.

Ainsi, la politique de l'emploi est abandonnée au détriment des jeunes qui avaient trouvé par ces contrats une voie d'intégration dans le monde du travail, mais aussi des collectivités locales et des associations qui avaient pu, grâce à ces dispositifs, créer de nouveaux services au bénéfice de tous. Vous supprimez en outre 1 745 emplois budgétaires, sans aucune analyse sur les possibilités de redéploiements. Seul l'affichage compte : il faut supprimer des postes de fonctionnaires sans le faire trop ouvertement pour ne pas susciter de réactions trop importantes.

Au mieux, la mise en place des contrats jeunes censés se substituer aux emplois-jeunes se traduira par de purs effets d'aubaines pour des entreprises qui auraient de toute façon recruté et qui bénéficieront d'allégements de charges sans contreparties. Elle risque même de causer une substitution entre salariés jeunes et salariés plus âgés, sans aucun effet global sur le niveau du chômage.

Vous privez l'outil fiscal de toute efficacité en faveur de l'emploi. Aux mesures d'intérêt général, vous préférez les cadeaux fiscaux. Comment justifier par le souci du plein emploi une mesure comme le relèvement du plafond de la réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile, alors que vous refusez d'augmenter la prime pour l'emploi ?

Ce dernier dispositif a pourtant bénéficié à plus de 8 millions de Français. Il leur a apporté un surplus de pouvoir d'achat et a rendu plus intéressant le retour à l'emploi. Cette prime devait être triplée pour représenter en 2003 un quasi-treizième mois au niveau du SMIC. Mais vous refusez d'avancer dans cette direction.

En revanche, vous augmentez le plafond de la réduction d'impôt pour emploi à domicile dès 2003, cette mesure s'appliquant donc à des dépenses déjà effectuées ! Ce ne sont pas MM. Carrez et Méhaignerie qui me démentiront, ils ont eux-mêmes reconnu l'ampleur de l'effet d'aubaine s'agissant d'une mesure qui coûtera près de 74 millions d'euros à l'Etat, alors qu'elle concerne moins de 70 000 foyers. Comment peut-on penser qu'elle aura un quelconque effet sur l'emploi ?

De même, vous présentez la réforme de l'imposition des titulaires de bénéfices non commerciaux comme favorable à l'emploi. Certes, une harmonisation des conditions d'imposition avec les autres entreprises qui ont bénéficié de la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle était nécessaire. Mais elle aurait dû être conçue pour favoriser l'emploi ! Ce n'est pas le cas, puisque l'assiette des bénéfices non commerciaux sera forfaitairement diminuée, que les bénéficiaires emploient ou non des collaborateurs.

Vous allez jusqu'à présenter la réforme des règles de l'investissement dans l'immobilier locatif comme favorable à l'emploi. L'amendement de la commission des finances qui autorise l'achat, dans des conditions fiscales avantageuses, d'un bien immobilier neuf destiné à être loué à ses ascendants et enfants est présenté comme une mesure pour l'emploi ! Et bientôt, c'est M. Méhaignerie qui l'annonce, ce sera la remise en cause de l'impôt de solidarité sur la fortune, « dans le cadre de la politique de l'emploi et non de la politique fiscale »...

Heureusement, vous n'allez pas jusqu'à remettre en cause les importantes mesures pour l'emploi que constitue l'application du taux réduit de TVA sur les secteurs à forte main d'oeuvre. De même, vous menez à son terme la réforme de la taxe professionnelle.

Mais ce budget ne soutient pas le moteur interne de la croissance qu'est la consommation. La multiplication des cadeaux fiscaux aux ménages les plus aisés ne viendra en rien soutenir la croissance, puisqu'elle s'adresse à des ménages qui épargneront au lieu de consommer.

M. Jean-Pierre Balligand - Tout le problème est là.

M. Alain Claeys - Ils épargneront d'autant plus que l'augmentation des prélèvements pesant sur tous, notamment des impôts locaux, est prévisible.

Ainsi, c'est le retour à une politique de rigueur qui menace, les cadeaux fiscaux faits à quelques-uns étant payés par tous, au détriment de la croissance et de l'emploi.

Monsieur le ministre délégué, espérons que votre successeur au poste de rapporteur général du budget au Sénat, M. Marini, ne sera pas entendu lorsqu'il propose un gel du SMIC en cas de récession, évoquant même la perspective « d'un effort partagé de l'Etat, des entreprises et des salariés qui auront le bonheur de garder un emploi »... On est ainsi loin du choix collectif des 35 heures qui avait permis de créer plus de 300 000 emplois - ce sont les chiffres de votre ministère des affaires sociales - en assurant une progression modérée mais régulière du pouvoir d'achat.

C'est un budget totalement à contre-emploi que vous nous proposez. Rien n'est fait pour endiguer la hausse du chômage à court terme. Vous risquez plutôt de l'accroître en supprimant des dispositifs qui avaient fait leur preuve pour insérer les jeunes et les personnes les plus éloignées de l'emploi dans le monde du travail. À plus long terme, c'est la croissance potentielle que vous menacez, de même que la constitution du capital humain, en rognant les dépenses d'éducation, de formation et d'avenir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Philippe Folliot - Ce premier budget après le changement de majorité doit être un signe fort de la nouvelle gouvernance qu'incarne le Premier ministre. Nous sommes à la croisée des chemins. Après cinq ans d'une gestion hasardeuse, qui n'a pas su profiter de la croissance pour rétablir les grands équilibres, il appartient au Gouvernement, dans une conjoncture beaucoup plus défavorable, de répondre à l'attente de nos concitoyens - ce qu'il a déjà largement commencé à faire en matière de justice et de sécurité.

Je souhaite appeler l'attention sur un enjeu important de ce projet : les Français attendent une vraie réforme de l'Etat, une vraie transparence sur l'utilisation des deniers publics. Selon la Déclaration des droits de l'homme, « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi », et de « demander compte à tout agent public de son administration ». C'est d'ailleurs le fondement de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances, que d'introduire cette culture de l'évaluation qui nous fait tant défaut. Pourquoi l'Etat échapperait-il seul aux règles de transparence et de contrôle que réclame une société démocratique ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Très bien !

M. Philippe Folliot - De ce point de vue la gestion de notre Etat et de notre fonction publique est un chantier prioritaire, pierre angulaire de toute maîtrise des dépenses publiques.

Or il faut rappeler quelques faits. En 2002, les dépenses relatives aux salaires et pensions de la fonction publique représentaient 58 % du budget, contre 51 % en 1990. En dix ans, ces dépenses de fonctionnement ont augmenté de 10 % en valeur. Le service rendu à la nation s'est-il amélioré dans les mêmes proportions ? Il ne semble pas. Lors des dernières élections, nos concitoyens nous ont exprimé leur sentiment que les missions essentielles de l'Etat sont mal assurées. Le secteur des administrations publiques leur apparaît pléthorique et irréformable. C'est un sentiment dangereux, car il alimente une défiance envers les fonctionnaires, qui sont pourtant nombreux à assumer avec foi et conviction leur mission de service public. Ici les mots ont toute leur importance : « service public », au service du public, et non d'une hydre administrative qui se nourrit pour elle-même.

Cette déformation de la structure des dépenses se fait au détriment de l'investissement. Les dépenses d'équipement de l'Etat ont régressé de 6 % en vingt ans, pendant que les dépenses de fonctionnement augmentaient de 10 %. Les intérêts de la dette et les dépenses de fonctionnement représentent 96 % du budget... Quand une mairie ou une entreprise n'investit plus et doit emprunter pour payer le salaire du garde-champêtre ou de la secrétaire de direction, comme on dit chez nous, « ça craint » !

Si l'on veut s'attaquer durablement à la réduction des dépenses et du déficit, il faut s'atteler à une réduction de la masse salariale. Il faut avoir le courage d'opter pour un redéploiement des postes au sein de l'Etat. Des gisements d'économies existent. Ainsi, dans ma circonscription, je connais des enseignants de la filière textile qui sont sans affectation, faute d'élèves... Au plan national, ce serait le cas de quatre cents postes d'enseignants dans la filière électronique.

Nous avons besoin d'une gestion dynamique des ressources humaines de l'Etat. Libérer les énergies, inviter à entreprendre et à innover : tels doivent être nos maîtres-mots. Je souhaite que cette réflexion nous conduise à privilégier la fonction publique de terrain, celle « d'en bas » plutôt que les administrations centrales technocratiques, froides et souvent stériles. S'agissant de réduire la masse salariale, nous avons une chance de réformer l'Etat sans douleur dans les années qui viennent, en ne renouvelant pas tous les postes. M. Marini, rapporteur général du Sénat, a calculé qu'un renouvellement à 75 % permettrait une économie annuelle de plus de 450 millions d'euros. Il ne s'agit pas de supprimer des postes pour les supprimer, mais d'engager la seule réforme qui permettra une baisse durable des prélèvements obligatoires : la réduction des dépenses superflues. Le présent budget prévoit une diminution des emplois budgétaires de moins de deux mille postes : j'espère que le Gouvernement ira plus loin dans l'avenir.

Il ne faut pas avoir peur de dénoncer certaines situations. Ainsi le ministère de l'agriculture, qui comptait 29 500 fonctionnaires en 1980, en avait plus de 31 000 en 2002. Modeste augmentation, direz-vous ? Pas du tout, puisqu'en vingt ans le nombre des agriculteurs a été divisé par deux ! Plus généralement, on n'observe aucune corrélation entre les besoins exprimés et l'évolution des moyens.

De notre aptitude à faire de l'Etat-patron un gestionnaire dynamique et rigoureux de ses ressources humaines dépend pour beaucoup la France que nous léguerons à nos enfants (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Julien Dray - En préalable, Monsieur le ministre, permettez-moi une confession : j'ai cru un instant que vous seriez celui qui allait enfin refuser de se plier aux conditions imposées par le pacte de stabilité, qui saurait faire passer les besoins de ses concitoyens avant la satisfaction de critères statistiques arbitraires. Cette impression fut malheureusement furtive. J'aurais pourtant aimé pouvoir vous compter dans mon Panthéon personnel des grands hommes qui ont marqué leur époque. Car notre pays doit avoir d'autres priorités que la baisse de son déficit budgétaire. Il est chaque jour plus clair que le carcan imposé par certains traités étouffe la reprise et entrave toute possibilité de relance.

Ce boulet du pacte de stabilité devient d'autant plus lourd que notre économie va au-devant d'une période difficile. La financiarisation de l'économie pèse aujourd'hui de tout son poids sur la conjoncture. L'éclatement de la bulle financière a mis à nu la logique folle de l'économie de spéculation. L'effondrement des marchés financiers contamine à présent l'économie réelle en détériorant la capacité de financement des entreprises, leur confiance et celle des ménages.

Mais la situation actuelle ne se réduit pas à une crise de confiance : c'est une crise conjoncturelle dont les racines résident dans la baisse de la demande, notamment celle des ménages. On voit déjà poindre la spirale infernale de la première moitié des années 1990 : les plans sociaux se multiplient, les licenciements économiques ont augmenté de 37 % en un an. Dans mon département de l'Essonne, deux mille emplois sont directement menacés. Cette hausse du chômage risque d'alimenter à son tour la baisse de la demande, nourrissant le cercle vicieux de la récession.

Toutes les conditions sont donc réunies pour que notre pays traverse une période particulièrement difficile. C'est cette logique qu'il faut enrayer. Pour cela, le Gouvernement doit prendre des mesures contracycliques fortes. Il est urgent de relancer l'économie, de stimuler le pouvoir d'achat et la consommation et de mener une politique active de l'emploi. Pourtant, au mépris de l'évidence, les choix économiques du présent projet vont à l'opposé de ces priorités !

Ainsi la nouvelle baisse de l'impôt sur le revenu est à la fois injuste et profondément inadaptée. On ne relancera pas la consommation en augmentant le revenu disponible de la moitié la plus riche des Français en oubliant l'autre : dans une période où les incertitudes et la peur du chômage font croître l'épargne de précaution, cet argent sera capitalisé pendant quelques années encore, au lieu d'être réinjecté dans l'économie. Faut-il croire que le principal objet de cette mesure est de nature symbolique, pour faire passer le taux marginal sous la barre des 50 % ? Je suis sûr qu'une telle motivation, purement idéologique, ne saurait guider l'action d'un gouvernement qui proclame son pragmatisme...

Que dire des réductions d'impôts supplémentaires pour l'emploi de salariés à domicile ? Pensez-vous, Monsieur le ministre, que mes électeurs de banlieue se réjouiront d'apprendre qu'ils ont droit à une baisse de l'impôt sur le revenu s'ils embauchent un jardinier ? Ce sont pourtant eux qui ont le plus besoin de voir leur pouvoir d'achat progresser. Car ils n'épargnent pas : ils consomment chaque centime supplémentaire, contrairement à la poignée de familles favorisées à qui cette mesure s'adresse.

Les banques et les assurances, elles-aussi, profiteront des largesses du Gouvernement. Au nom de l'attractivité du territoire et de leur compétitivité, les institutions financières verront leur contribution spécifique disparaître sur trois ans. Elles ne représentent pourtant ni un gisement d'emploi inexploité, ni un secteur en danger. Pourquoi un tel empressement à se priver de cette ressource ? Quant aux professions libérales, dont certaines ont pourtant connu récemment une hausse sans précédent de leur pouvoir d'achat, elles sont encore gâtées, puisque leur taxe professionnelle sera allégée. Il est clair que ces mesures ont pour objet de satisfaire des catégories précises de la population, plutôt que de faire face à la récession qui menace. Les 10 % de Français les plus riches capteront 68 % des baisses d'impôts, alors que l'urgence serait de revaloriser le pouvoir d'achat des plus modestes.

Parallèlement, les impôts les plus injustes ont de beaux jours devant eux. La part de la TVA dans les recettes de l'Etat augmentera encore, alors que cet impôt pèse sur tous les gestes de la vie quotidienne et frappe indifféremment le riche et le pauvre. Par la bonne grâce de la Commission européenne, le taux réduit de TVA est prolongé jusqu'à la fin de 2003 pour les services d'aides à la personne et les travaux sur les logements. Sa suppression aura alors des conséquences négatives sur ces secteurs à fort taux de main-d'_uvre.

En revanche, les promesses de baisses ciblées immédiates de la TVA, notamment sur la restauration, sont reportées jusqu'à nouvel ordre. Enfin, les impôts locaux, eux aussi, particulièrement injustes, semblent devoir connaître une expansion sans précédent.

Cette politique de rétablissement des privilèges fiscaux a un prix : l'affaiblissement des capacités d'action de la puissance publique. Et la première victime de ces coupes franches sera l'emploi. Alors que le chômage augmente et que vous venez de remettre en cause les 35 heures, vous prenez la responsabilité de baisser de 6,2 % les crédits de l'emploi. Les conséquences en seront considérables : suppression de dizaines de milliers de contrats emplois solidarité et de contrats emplois consolidés, suppression de 1 745 emplois budgétaires dans la fonction publique, fin programmée des emplois-jeunes, et 70 000 jeunes seront renvoyés dès 2003 sur le marché du travail. Ainsi, dans la police, seize mille adjoints de sécurité vont disparaître, alors qu'ils sont totalement intégrés, et reconnus indispensables. Plus de 8 400 contrats d'adjoints de sécurité arriveront à terme dès 2003, et rien n'est prévu pour les remplacer. Au delà du sort personnel de ces futurs chômeurs, c'est l'organisation des services de police que va bouleverser cette perte sèche d'effectifs, qui remet en cause la sécurité de nos concitoyens : rondes annulées, commissariats fermés la nuit - bref, la police de proximité deviendra de facto inopérante. Le tableau sera le même dans l'éducation nationale. Vous amorcez là une véritable bombe à retardement.

Cette imprévision manifeste prend une tournure dramatique à la lumière de vos dernières déclarations : vous nous promettez le retour « de la discipline budgétaire et de la rigueur » dès l'année prochaine, rendant ainsi au pacte de stabilité son rang de texte sacré. Le dogme est donc intact et les libéraux respirent. Car la rigueur est pour eux ce qu'était la saignée pour les médecins du temps de Molière : un remède à tous les maux... Après vos déclarations devant l'Assemblée, nos collègues ont multiplié les dénégations embarrassées, mais elles ne parviennent plus à masquer l'évidence : vous mènerez une politique de rigueur, non pas parce que vous l'avez annoncé, avec une honnêteté qui vous honore, mais bien parce qu'elle est contenue dans le présent projet. Ses mesures en effet ne sont pas de nature à enrayer la phase dépressive dans laquelle nous entrons. Il porte en lui la rigueur par les hypothèses mêmes sur lesquelles il est construit.

Vous prévoyez ainsi une hausse de la consommation des ménages de 2,4 % en 2003. Comment serait-ce possible alors qu'en 2002, dans des circonstances a priori plus favorables, cette hausse n'a été que de 1,8 % ? Cette hypothèse a donc toutes les chances d'être largement surévaluée.

Il en est de même pour le prix du baril de pétrole. Le prix sur lequel le budget se base est de 25 $ le baril. Il avoisine déjà 30 et la perspective d'un conflit en Irak ne conduira pas à la baisse.

Enfin, le taux de croissance lui-même est largement surévalué. Le Premier ministre a appelé à la « mobilisation de tous les Français » pour soutenir leur produit intérieur brut. Du jamais vu depuis Stakhanov !

Selon certains économistes, si la croissance n'était que de 1,5 %, ce seraient 6 milliards d'euros de crédits qu'il faudrait geler ou annuler. Où les prendrez-vous ? Reviendrez-vous sur vos annonces concernant la police ? La justice ? L'emploi ? Ou remettrez-vous en cause le pacte de stabilité que vous venez pourtant de qualifier de « bible sur laquelle nos différents pays définissent leur politique » ?

Ce budget conduit donc la France vers la rigueur dès 2003.

Même dans le cas, où la croissance serait effectivement de 2,5 %, vous vous êtes engagés auprès de la Commission à réduire le déficit structurel de 0,5 point en 2004, ce qui implique une baisse des dépenses de 7 à 8 milliards d'euros supplémentaires.

En ne prenant pas la mesure de la dépression qui s'avance, en vous pliant aux exigences de la Commission européenne, vous prenez le risque de voir resurgir le spectre des trois millions de chômeurs. Si ce comportement était imité par nos partenaires européens, la zone euro plongerait dans la récession.

Devrons-nous en arriver là pour qu'enfin le pacte de stabilité et l'indépendance de la Banque centrale européenne soient remis en question ?

M. Michel Bouvard - La question se pose.

M. Julien Dray - Car l'indépendance de la Banque centrale européenne la condamne à l'autisme politique. Qui, à part Wim Duisenberg et Jean-Claude Trichet, oserait nier la nécessité d'une politique monétaire expansive, appuyée sur une baisse des taux d'intérêt, stimulant la consommation des ménages ? Mais la Banque centrale européenne suit le chemin tracé pour elle : peu importe que le monde s'écroule tant que l'inflation reste inférieure à 2 %.

Parallèlement, il faut envoyer aux ménages, aux entreprises et aux investisseurs un signe de confiance. Il est temps que les pays européens cessent d'ergoter sur l'interprétation du pacte de stabilité et injectent des revenus supplémentaires dans l'économie réelle. C'est à cela que doit servir l'Europe, et non à s'imposer des dogmes étouffants.

C'est là le seul moyen de remettre notre pays sur les rails d'une croissance forte et créatrice d'emplois.

Oui, comme le répète le Premier ministre, « la route est droite, mais la pente est forte ». C'est justement pour cela qu'il ne faut pas freiner en pleine montée (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Michel Bouvard - Ce premier budget de la législature se situe dans un contexte mondial de ralentissement économique et d'incertitudes politiques, accentuées par la menace terroriste. Et, au moment où il devrait accompagner le soutien de la croissance, le budget se trouve handicapé par le poids de la dette - 1 000 milliards d'euros. Durant la période de croissance 1998-2000, la réduction des déficits publics n'a malheureusement pas été la priorité. Et ce sont les responsables de cette situation qui dénoncent aujourd'hui l'insuffisance de la réduction des déficits ou la surévaluation de la croissance.

Ce budget réalise un bon équilibre entre le soutien à la croissance et l'engagement de réformes indispensables.

Le Gouvernement a maintenu à juste titre une hypothèse de croissance de 2,5 %, que la bonne santé de la demande intérieure permettra d'atteindre si la situation internationale s'améliore. Le Gouvernement peut maintenir ces taux-clés dès lors que ses prévisions de recettes fiscales sont prudentes.

Le Gouvernement a également plaidé avec raison, auprès de la Commission, le report de l'échéance prévue dans le pacte de stabilité pour l'équilibre des budgets. Une brusque réduction de la dépense publique aurait risqué de casser l'investissement et de brider la croissance. L'objectif n'est pas abandonné, il est décalé, compte tenu de la conjoncture.

La croissance suppose deux conditions. En matière d'emplois publics, la diminution du nombre de postes marque une rupture opportune. Le départ à la retraite, d'ici 2010, de 600 000 fonctionnaires civils doit permettre une réadaptation. Le remplacement de 95 % seulement des départs permettra une économie de plus de 200 milliards d'euros. La fonction publique représentant 44 % du budget, on voit que le point est essentiel. Naturellement, il ne s'agit pas de supprimer n'importe comment. Nous avons besoin des agents de l'équipement. Il ne faut pas fermer les écoles en zone rurale. Mais les rapports de la Mission d'évaluation et de contrôle ont signalé les incohérences dans la gestion des ministères. L'attitude volontariste du Gouvernement nous laisse espérer la bonne exécution de la loi de finances. La nouvelle définition des agrégats composant les budgets et les mesures concernant la gestion des postes doit d'ailleurs permettre une plus grande souplesse.

Deuxième condition de la croissance, les budgets d'investissements militaires et civils. S'agissant des premiers, il faut souligner que la chute du mur de Berlin et l'effondrement du bloc soviétique n'ont pas marqué la fin des dangers, comme nous devons le constater depuis un an. Les événements les plus récents nous rappellent que les intérêts de la France ne sont pas seulement en métropole, mais aussi en outre-mer : il faut assurer la sécurité de nos voies de commerce maritimes, de nos approvisionnements. Quant aux investissements civils, ils connaissent une hausse de 4 % : ils étaient tombés à un niveau si bas qu'on ne pouvait plus pourvoir au renouvellement du patrimoine routier, à l'entretien du réseau ferroviaire, à la sauvegarde des monuments historiques.

Encore faudra-t-il que ces budgets d'investissement soient effectivement exécutés et ne soient pas freinés par des mesures de gel ou par des lourdeurs administratives.

De nombreux membres de la commission des finances s'interrogent ainsi chaque année sur la consommation des crédits du ministère de l'environnement ou de l'aménagement du territoire, bien inférieure aux sommes votées par le Parlement. Il convient de bien mobiliser les crédits susceptibles d'avoir un effet de levier, c'est-à-dire de mobiliser d'autres fonds, européens notamment. Cela est important pour le respect de nos engagements internationaux.

Pour ce qui est des recettes extrabudgétaires, vous rompez avec la politique de vos prédécesseurs et je pense particulièrement au fonds de privatisation. Ses recettes dépendront de l'Etat des marchés financiers, mais aussi de la situation réelle des entreprises pour lesquelles une ouverture de capital est envisagée. Pour EDF, par exemple, des interrogations subsistent. Je souhaiterais qu'en la matière le Parlement adopte une attitude volontariste : ne pourrait-on constituer des commissions d'enquête parlementaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Eric Besson - Qu'attendre du projet de budget pour 2003 sinon qu'il soit en phase avec la conjoncture économique - aujourd'hui bien incertaine - en apportant un soutien résolu à la croissance et à l'emploi ? Et qu'attendre des ministres de l'économie et du budget sinon qu'ils contribuent à restaurer la confiance des acteurs économiques en déployant une stratégie cohérente ? Las, rien ne permet d'espérer que votre politique servira la croissance et l'emploi. Non sans effort, M. Mer se retient de dire tout haut ce que tout le monde sait déjà : la croissance ne sera pas de 2,5 % en 2003. Votre projet de loi de finances est bancal et mensonger, votre stratégie peu compréhensible. Certes, l'exercice est difficile. Nul n'aimerait avoir à honorer les promesses inconsidérées du candidat Chirac aux termes desquelles il faudrait créer chaque jour de nouvelles dépenses tout en diminuant l'impôt.

L'histoire retiendra qu'il aura appartenu à un représentant éminent de la société civile, apprécié pour son franc-parler et son indépendance d'esprit, de justifier l'un des bricolages budgétaires le plus hasardeux auquel un Gouvernement se soit jamais livré ! On aura vu ainsi M. Mer expliquer à nos partenaires européens que la France ne tiendrait pas ses engagements et assumer sans états d'âme particulier l'amputation des trois budgets vitaux, éducation nationale, recherche et emploi ! Et les baisses d'impôt sur le revenu ne sont pas davantage bienvenues dans un contexte qui exigeait plutôt que l'on soutienne la consommation populaire en stimulant le pouvoir d'achat des salaires les plus modestes. Les Français paieront la facture en supportant les effets du plan de rigueur qui prendra nécessairement la suite de votre politique économique. De même, le pays doit s'attendre à une forte hausse du chômage car, contrairement au gouvernement de Lionel Jospin qui a su rétablir le cycle vertueux de la croissance par des mesures volontaristes - ce qui a permis à la France de connaître dans la période 1997-2002 une croissance plus forte que celle de ses principaux partenaires européens -, le gouvernement actuel étouffe encore un peu plus la flamme déjà chancelante de la croissance et de la confiance (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Nicolas Perruchot - Plusieurs de nos collègues socialistes semblent toujours persuadés que l'augmentation de la dépense publique est facteur de justice sociale ! L'aggravation flagrante des inégalités au cours des cinq dernières années apporte pourtant à cette thèse un démenti cinglant.

M. Augustin Bonrepaux - On en reparlera !

M. Nicolas Perruchot - L'état lamentable dans lequel la majorité précédente laisse la valeur travail doit également être dénoncé. Est-ce admissible qu'un ménage de salariés rémunérés au SMIC avec trois enfants à charge et un seul revenu ne perçoivent que 300 francs de plus chaque mois qu'un ménage de érémistes dans la même situation de famille ? Et que dire des dépenses de santé que l'on a littéralement laissées filer - plus de 7 % de hausse en 2002 - alors que notre système de soins reste fondamentalement inégalitaire ? M. Gremetz - dont je regrette l'absence - trouve-t-il normal que Mme Bettencourt puisse prétendre à l'APA alors qu'il a dénoncé avec tant de verve l'autre jour les avantages dont elle bénéficie ?

M. Augustin Bonrepaux - Nous ne sommes pas inquiets pour elle, le Gouvernement que vous soutenez la traitera avec égards !

M. Nicolas Perruchot - Depuis cinq ans, vous remettez au lendemain la réforme des retraites alors que le système laisse subsister des inégalités flagrantes, notamment entre les fonctionnaires et les autres catégories de salariés. Il n'est que temps d'engager les réformes qu'attend le pays et il ne sert à rien de brandir la menace d'une agitation stérile de la rue. Nous saurons prendre nos responsabilités et faire en sorte que sans laisser dériver la dépense publique, la solidarité progresse dans notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Gérard Bapt - La droite se trompe de diagnostic sur la situation économique et sociale du pays. Alors que l'économie s'essouffle et que le chômage redémarre, elle soumet au Parlement un budget contraire à l'intérêt général qui néglige la croissance, l'emploi et les priorités essentielles pour préparer l'avenir.

Ainsi, le projet de loi de finances pour 2003 multiplie les cadeaux fiscaux aux privilégiés et oublie les plus modestes. La baisse de l'impôt sur le revenu est à l'évidence plus idéologique qu'économique. La baisse symbolique de 1 % annoncée pour 2003 n'a en effet pour but avoué que de ramener la dernière tranche d'imposition sous la barre des 50 %. Elle complète le « rabais sur facture » uniforme de 5 % consenti en 2002, lequel ne visait que la moitié des foyers fiscaux et a permis à 1 % des ménages de profiter de 30 % de la mesure en bénéficiant d'une réduction d'impôt de plus de 1 500 euros.

S'agissant du barème, le Gouvernement propose de fixer le taux d'imposition de la première tranche à 7,05 %, la dernière tranche étant imposée à hauteur de 49,50 %. Le plan Fabius d'août 2000 les établissait respectivement à 7 % et à 52,5 %. A l'évidence, les contribuables les plus modestes paieront plus d'impôt avec le barème Raffarin qu'avec le plan Fabius. La politique fiscale du Gouvernement s'adresse en priorité aux foyers les plus aisés. Dans le même esprit, le quotient familial est maintenu alors qu'il aurait dû diminuer sous l'effet mécanique du nouveau barème. Cette préservation s'apparente à un relèvement de 6 % du plafond qui va profiter à environ 84 000 foyers parmi les plus favorisés. Le gain moyen induit est de 464 euros par foyer, à comparer aux 49 euros dont va bénéficier - réforme de la prime pour l'emploi comprise - un célibataire ayant deux enfants à charge et 20 000 euros de revenu annuel déclaré.

De même, le Gouvernement accroît les inégalités en augmentant le plafond des dépenses prises en compte pour donner droit à la réduction d'impôt pour emploi à domicile. Alors que la gauche avait abaissé cet avantage fiscal, le plafond passe de 6 900 à 10 000 euros, ce qui permet une économie maximale de 5 000 euros. Présentée comme une mesure générale en faveur des familles, elle concerne moins de 70 000 ménages parmi les plus aisés.

Rétroactive, la mesure comporte en outre un effet d'aubaine non négligeable.

En 1994, quand Nicolas Sarkozy avait porté cette réduction à 45 000 F, il n'avait pas osé l'appliquer avec un effet rétroactif. La réforme laisse en outre de côté les 600 000 foyers qui ont déclaré des dépenses liées à l'emploi d'un salarié à domicile tout en n'étant pas imposables. Pourquoi ne pas choisir un crédit d'impôt plutôt qu'une réduction ? Si l'emploi avait vraiment été l'objectif, c'est un crédit d'impôt qu'il aurait fallu créer ! La mesure revient donc à dispenser quelques foyers aisés du paiement de l'impôt, en contradiction flagrante avec le discours de la droite selon lequel chaque citoyen doit contribuer au financement des charges communes. Selon le rapport général, un couple marié bi-actif ayant deux enfants à charge et disposant de 60 000 € de revenus déclarés devra, en 2003, 4 279 € d'impôt sur le revenu. S'il emploie un salarié à domicile à plein temps payé au SMIC, il pourra réduire sa contribution de 5 000 €. Cela revient à dire qu'il ne paiera plus d'impôt !

Il est encore temps de revenir sur les mesures injustes que contient ce budget et de faire porter l'effort sur tout ce qui peut concourir à apprécier le pouvoir d'achat des salaires modestes. Il est encore temps de revenir sur votre refus d'augmenter la prime pour l'emploi, laquelle avait vocation à s'apparenter à un treizième mois pour les salariés payés au SMIC afin de soutenir leur capacité à consommer. Vous avez préféré annuler la régulation introduite par le gouvernement de Lionel Jospin sur la fiscalité pétrolière. À l'évidence, la rigueur annoncée à demi-mot par M. Mer se profile et l'on s'éloigne de jour en jour des baisses d'impôt colossales promises par le candidat Chirac en campagne ! Votre politique va à contre-courant de ce que le pays attend. Elle n'est pas de nature à favoriser une croissance solidaire et riche en emplois.

C'est le soutien à la consommation qui a permis à la France d'affronter les difficultés économiques mondiales des cinq dernières années, qui a été obtenu par des mesures fiscales et la hausse du pouvoir d'achat global résultant de la réduction du chômage. Francis Mer a eu l'honnêteté d'avouer que son dispositif favorisait l'offre et qu'il ne s'agissait pas d'une politique de relance keynésienne. Il concède seulement que si, par hasard, une partie de l'argent était dépensée plutôt qu'épargnée, ce serait positif ! Le rapport économique et financier reconnaît lui-même que le dispositif bénéficiera aux ménages les plus imposés, qui sont également ceux dont le taux d'épargne est le plus élevé.

En ce qui concerne les entreprises, le gouvernement de Lionel Jospin avait, en supprimant la part salariale de la taxe professionnelle, réduit les charges pesant sur l'emploi. Les allégements de cotisations sociales étaient également liés à une contrepartie en termes d'application de la réduction du temps de travail et donc de création d'emplois. Mais les baisses de charges et d'impôts promises par le Président de la République, incapables de soutenir la croissance, n'aboutiront qu'à augmenter les prélèvements globaux pour boucler les prochains budgets !

Le Gouvernement sacrifie la politique de l'emploi en diminuant les crédits qui y sont consacrés, en mettant un terme aux emplois-jeunes et en diminuant le nombre des emplois aidés. L'éducation n'est plus une priorité, pas plus que la recherche, les grands travaux d'infrastructure sont remis en cause, la culture est sacrifiée et l'environnement méprisé. Les collectivités locales verront leurs dotations augmenter de 1,9 % seulement, contre 2,9 % en 2002, ce qui ne peut que peser sur la fiscalité locale. Monsieur le ministre, nous ne trouvons vraiment aucune raison de voter pour ce projet de budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) .

M. Hervé de Charette - C'est la première fois que je monte à cette tribune dans un débat budgétaire, mais il est vrai que ce débat est extrêmement important puisqu'il fonde notre politique économique et sociale pour cinq ans (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

Les choix qui vont être faits doivent être examinés avec attention. Il faut par ailleurs peser en faveur du courage et de la détermination qui s'expriment dans un moment difficile.

Faut-il reprocher au Gouvernement des prévisions trop optimistes ? Je crains d'abord de n'accorder guère plus de crédit aux prévisions économiques que météorologiques. Il faut rester prudents et la gauche a eu tort de noircir le tableau, car les éléments négatifs, tels que le krach boursier ou la menace de l'Irak, sont contrebalancés par d'autres positifs, dont l'aptitude que montrent la France et ses partenaires européens à résister à la conjoncture internationale (« C'est la méthode Coué ! » sur les bancs du groupe socialiste).

Le ministre, avec une sincérité bienvenue, ne nous a pas caché que la régulation budgétaire était indispensable et que des précautions avaient été prises dans l'évaluation des recettes. Il nous a également promis que nous serions informés à tout moment de l'exécution budgétaire.

M. Didier Migaud - C'est la loi !

M. Hervé de Charette - Mais nous avons une longue habitude qu'elle ne soit pas respectée dans la pratique.

Le Gouvernement a choisi de maintenir le déficit à un niveau relativement élevé, c'est sage. Le déficit d'une année n'est que le résultat de la politique des années précédentes : le mérite de ce gouvernement, c'est d'avoir stoppé la dérive ! Par ailleurs, dans la conjoncture actuelle, il est sage de maintenir un certain niveau de dépenses publiques. Le Gouvernement a fait preuve de sa détermination en augmentant les budgets de l'intérieur, de la justice et de la défense et de son énergie en contenant les autres dépenses.

Je me réjouis que le Président de la République ait rappelé à Troyes son intention, et donc celle du Gouvernement, de poursuivre la baisse des impôts. Cela contribuera d'abord à restaurer la crédibilité des hommes politiques. Surtout, je ne pense pas qu'il soit possible d'augmenter encore les impôts. Nous avons atteint un cap à ne pas dépasser. Le soutien de l'économie impose de soutenir ceux qui travaillent et investissent, sans écouter le bavardage démagogique de la gauche. Je regrette toutefois que la fiscalité du patrimoine ne soit pas abordée. Vous avez annoncé des mesures à ce sujet, et j'espère que vous donnerez des précisions lors du débat.

Le déclin économique de la France est engagé, c'est un fait. Le produit intérieur brut par habitant nous place au douzième rang, et 60 % de la population en âge d'activité ne travaille pas. Nous avons considérablement perdu en investissements internationaux lors des cinq dernières années. Il faut donc agir. On ne doit pas dire que nous ne disposons pas de marges budgétaires. On peut effectuer des gains de productivité, et nous pourrons y parvenir en y associant les fonctionnaires à l'effort. Sinon, les dépenses improductives seront privilégiées, le fonctionnement l'emportera sur l'investissement, l'avenir sera sacrifié. La croissance irrésistible de la fonction publique doit être remise en cause. Des solutions justes existent, qui n'altéreraient pas la qualité du service public. Nous n'avons pas été élus pour conduire la même politique que la gauche et nous plier aux archaïsmes des syndicats. Il existe dans la fonction publique des forces de progrès, et nous comptons les mobiliser.

Souvent, la droite et le centre croient le changement impossible, à cause des échecs de 1986 et 1995. C'est qu'avant de changer quelque chose, il faut d'abord gagner l'opinion publique. Nous l'avons fait pour la sécurité, et c'est pourquoi le ministre de l'intérieur peut aujourd'hui prendre des mesures qui auraient été considérées comme inadmissibles il y a quelque temps - même la gauche commence à s'y rallier ! Nous avons également pu assouplir les 35 heures parce que l'opinion nous suivait. Mais la bataille n'a pas encore été menée en ce qui concerne la maîtrise des dépenses publiques, et sans l'opinion publique, nous échouerons. C'est le chantier des cinq ans à venir, et c'est pour le mener à bien que vous avez notre entier soutien (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu ce matin à 9 heures.

La séance est levée à minuit 45.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 16 OCTOBRE 2002

À NEUF HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion générale et discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2003 (n° 230).

M. Gilles CARREZ, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

(Rapport n°256)

À QUINZE HEURES : 2ème SEANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Suite de l'ordre du jour de la première séance.

À VINGT-ET-UNE HEURES : 3ème SEANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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