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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 13ème jour de séance, 33ème séance

2ème SÉANCE DU JEUDI 24 OCTOBRE 2002

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

Sommaire

LOI DE FINANCES POUR 2003

-deuxième partie- (suite) 2

DÉFENSE ET SGDN (suite) 2

QUESTIONS 2

DÉFENSE 11

ART. 38 11

ART. 39 12

TITRE V 12

SERVICES DU PREMIER MINISTRE 13

CRÉDITS SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DE LA
DÉFENSE NATIONALE 13

ÉTAT B 13

ÉTAT C 13

APRÈS L'ART. 63 13

ÉQUIPEMENT ET TRANSPORTS ; AVIATION CIVILE 14

La séance est ouverte à quinze heures quinze.

LOI DE FINANCES POUR 2003 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003.

DÉFENSE ET SGDN (suite)

QUESTIONS

M. Éric Diard - « Nous ne devons pas conserver l'armée de nos habitudes, mais construire l'armée de nos besoins » disait le général de Gaulle.

Aujourd'hui, l'armée de nos besoins est professionnelle, capable de se projeter et d'opérer rapidement sur tous les territoires.

Or, notre outil de défense et l'équipement de nos armées ont été délaissés pendant ces cinq dernières années. Ainsi, la situation des hélicoptères de défense n'est guère satisfaisante : les appareils ont un taux de disponibilité insuffisant - environ 60 % - dû à leur vieillissement, à leur utilisation intensive, ainsi qu'à des problèmes d'approvisionnement en pièces de rechange.

Je suis élu de la douzième circonscription des Bouches-du-Rhône, où se trouve Eurocopter, exemple même d'une coopération européenne industrielle réussie. L'hélicoptère est aujourd'hui de plus en plus sollicité dans les crises actuelles, notamment pour le soutien logistique, le recueil de renseignement, le transport tactique des unités d'infanterie ou l'évacuation sanitaire. La remise en condition opérationnelle des Puma et des Cougar et l'acquisition des NH90 sont un enjeu stratégique pour l'avenir de notre défense.

Pouvez-vous, Madame la ministre, nous assurer que l'effort engagé sera suffisant pour assurer le maintien opérationnel de nos armées et garantir la crédibilité de notre défense, qui nous a tant fait défaut ces cinq dernières années ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense - Le projet de loi de finances 2003 prévoit des sommes importantes pour la rénovation des Puma et des Cougar, et pour la poursuite du NH90. 140 millions d'euros en crédits de paiement y sont destinés, et les autorisations de programme sont également très élevées : 197 millions pour le Tigre - et je ne parlerai pas des commandes d'avions, puisque vous m'interrogez sur les hélicoptères.

Ce budget nous permet ainsi d'assurer nos missions actuelles avec des appareils rénovés, en attendant les nouveaux programmes.

M. Daniel Mach - La lutte contre l'insécurité, que ce soit celle des personnes et des biens, ou l'insécurité routière, est l'une de vos priorités, et l'adoption dès cet été de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure trouve toute sa traduction dans votre budget.

Les futures communautés de brigades, pierres angulaires de la réforme de la gendarmerie, permettront de mieux répartir les forces sur l'ensemble du territoire. Les populations et les élus locaux de la banlieue de Perpignan en attendent beaucoup. Confronté en effet à une forte croissance démographique, ainsi qu'au déplacement et à la recrudescence de la délinquance, le département des Pyrénées-Orientales, lieu de passage privilégié de l'immigration irrégulière et du trafic de drogue, occupe entre la cinquième et la dixième place selon le type de faits constatés.

Pouvez-vous nous indiquer le nombre de postes de gendarmerie que vous comptez créer dans la région, et plus précisément à Perpignan, dont la compagnie est en sous-effectif ?

Enfin, la commune de Pollestres, limitrophe de Perpignan, traversée par l'autoroute menant en Espagne, a engagé en 2001 des demandes pour accueillir une brigade de gendarmerie. Convaincu de l'efficacité des initiatives du Gouvernement, je vous propose ma circonscription comme territoire-test pour l'expérimentation d'une communauté de brigades (Rires). Y seriez-vous favorable ?

Mme la Ministre - Les Français nous ont adressé un message fort en faveur du renforcement de la sécurité. De ce point de vue, la situation des Pyrénées-Orientales est préoccupante : le nombre des faits constatés, rapporté au nombre d'habitants, y est supérieur de plus de moitié à la moyenne nationale, bien que les gendarmes fassent de leur mieux. Aussi les groupements de gendarmerie du département, qui couvrent 98 % du territoire et 73 % de la population, feront-ils l'objet d'une attention particulière. Rappelons que leurs effectifs se sont étoffés depuis 1998, grâce à la réorganisation de plusieurs unités - le dispositif actuel devrait être complété.

S'agissant de Pollestres, je n'ai aucun projet dans mes tiroirs, mais le renforcement des effectifs du groupement dans les années à venir est envisageable. Enfin, je ne suis pas opposée à l'idée d'une expérimentation dans votre circonscription, mais je crains que vous ne soyez nombreux à faire la même demande...

M. Georges Siffredi - Le 26 juillet 2000, sept ministres européens de la défense décidaient de réaliser conjointement l'avion de transport militaire Airbus A400M. Si la France et l'Allemagne ont estimé leurs besoins respectifs à 50 et 73 appareils, l'Italie a, depuis, quitté le programme, et l'Allemagne elle-même, confrontée à des difficultés de financement, pourrait revoir sa commande à la baisse, au risque d'être suivie par le Royaume-Uni. Le Portugal, quant à lui, est susceptible de renoncer à l'achat des trois appareils envisagés. En outre, les délais de fabrication s'allongent : les premiers A400M, qui devaient être livrés en 2008, le seront avec, au bas mot, un an de retard.

Pouvez-vous faire le point de ce dossier, donner la position de la France, compte tenu de l'évolution de celle de nos partenaires, et nous éclairer sur les implications financières du retard pris ainsi que sur ses conséquences sur les projets européens de défense ?

M. Jacques Myard - Très bien !

Mme la Ministre - Vous avez fort bien rappelé les faits. Un accord a défini le nombre d'appareils et leur coût, fixé par l'industriel sur une base de 180 avions commandés - pour l'heure, les commandes théoriques s'élèvent à 193 avions.

La France, pour sa part, a rempli ses obligations, et maintenu sa commande. Le Portugal vient de faire savoir qu'il renonçait à sa commande de trois appareils, et l'Italie s'était déjà désengagée. La Grande-Bretagne, l'Allemagne et la France demeurent donc les trois principaux partenaires du projet, mais la Grande-Bretagne conditionne sa commande à la confirmation de celle de l'Allemagne. Or, si le chancelier Schröder a bien confirmé, en septembre, la commande de 73 appareils, le déficit budgétaire allemand s'est creusé entre-temps, conduisant ce pays à envisager de réduire le volume de sa commande ; mon homologue allemand a évoqué hier cette question avec moi, et il ressort de notre échange que, compte tenu de l'annulation de la commande portugaise et des conditions de prix fixées par le constructeur, le respect de l'épure financière interdit toute nouvelle annulation portant sur plus de dix appareils. Dans ces conditions, mon homologue allemand compte obtenir du Bundestag, en février, le reliquat du financement nécessaire. Cela devrait nous permettre de passer la commande définitive, comme prévu, avant la fin de l'année.

Mme Patricia Adam - En 2001, l'excellent rapport d'information de MM. Cova et Kerdraon sur l'entretien de la flotte préconisait le renforcement des sites de maintenance, et envisageait à cet effet le transfert progressif des sous-marins nucléaires d'attaque de Toulon à Brest. La création des branches d'activité de la DCN, conjuguée à la mise en place du service de soutien de la flotte, dessine une réorganisation organique et géographique des structures de maintenance des matériels, cohérente avec celle des installations de la marine. A terme, deux pôles de maintenance intégrés devraient se constituer : l'un à Toulon pour le groupe aéronaval et la flotte de surface de la région maritime Méditerranée, l'autre à Brest pour la flotte sous-marine et la flotte de surface de la région maritime Atlantique. L'état-major de la marine a fait savoir à la représentation nationale qu'il était favorable au transfert des SNA à Brest, car en 2006, le Charles-de-Gaulle mobilisera une grande partie des infrastructures et du personnel du site de Toulon.

Selon les auteurs du rapport, trois à quatre années seraient nécessaires pour préparer ce transfert, notamment par la création d'une cellule d'accompagnement chargée de traiter les cas individuels et familiaux, l'augmentation du parc de logements mis à la disposition de la marine à Brest, et la prospection des possibilité de réinsertion professionnelle des conjoints. Il est indispensable, par ailleurs, de réaliser des investissements sur le site de Brest, pour l'adaptation et la remise à niveau des infrastructures. Le budget de la défense pour 2003 comporte-t-il les orientations nécessaires à la réalisation de cette opération d'ici 2006 ?

Mme la Ministre - Un rapport a bien été rédigé, mais les décisions n'ont pas été prises.

Trois éléments doivent être pris en compte : la logique technique de la répartition, avec laquelle tout le monde, je le crois, est d'accord ; l'aménagement du territoire ; les problèmes de calendrier. Il importe en effet de bien articuler les dates de transfert mais, à l'heure actuelle, nous ne disposons pas des éléments nécessaires pour le faire. Les travaux eux-mêmes ont pris quelque retard ; on m'assure néanmoins qu'il est rattrapable. Les personnels attendent surtout, quant à eux, d'être fixés avec certitude sur leur sort et sur la date du transfert. Nous espérons que ce sera bientôt chose faite.

M. Jean-Claude Viollet - Le maintien en condition opérationnelle des matériels est l'une des priorités du projet de loi de programmation militaire que nous examinerons prochainement.

Il est donc naturel que la remise à niveau de leur disponibilité fasse l'objet d'un effort particulier dans le projet de budget de la défense pour 2003.

Vous avez pointé un certain nombre des difficultés constatées dans l'exécution de la précédente loi de programmation 1997-2002 : insuffisance des crédits d'entretien, vieillissement régulier des parcs de matériels, usure prématurée des matériels, consommation prématurée des stocks de rechange, application de normes techniques renforcées et plus contraignantes, carences dans l'organisation de la maintenance. Vous avez, pour y remédier, fixé un certain nombre d'objectifs s'inscrivant dans un plan d'action à long terme, accompagné d'un contrôle de gestion, avec des indicateurs de suivi.

Une question me semble toutefois ouverte : la prise en compte de l'entretien des matériels lors de leur conception même, afin d'en garantir, au meilleur coût global, l'opérationnalité que l'on est en droit d'attendre eu égard à l'effort important consenti par la nation tout entière pour la sécurité de ses citoyens et le respect de nos engagements internationaux.

Dans ce sens, pourriez-vous d'ores et déjà informer la représentation nationale du montant précis des dépenses engagées pour le maintien en condition opérationnelle de certains matériels lourds, tels qu'un char Leclerc, un avion Rafale ou encore le porte-avions Charles-de-Gaulle ?

Au-delà, vous engageriez-vous à informer cette même représentation nationale des prévisions de coût pour le maintien en condition opérationnelle de matériels à venir, tels, par exemple, le véhicule blindé de combat d'infanterie, l'hélicoptère NH90 ou encore la frégate Horizon, coût qui, rapporté au coût d'investissement initial et à la durée de vie programmée de ces matériels, devrait être l'un des critères de choix et faire l'objet d'une contractualisation à long terme entre l'Etat et les constructeurs, privilégiant l'approche globale en « coût de possession » par rapport au seul « coût d'acquisition », avec une obligation de résultat ?

Mme la Ministre - J'ai soulevé ces différents points dès mon premier contact avec les principaux partenaires industriels de la défense. Nous avons besoin de certitudes sur le coût global du matériel : global, c'est-à-dire incluant l'entretien par le constructeur lui-même - étant entendu que ce dernier peut avoir quelque réticence à s'engager trop précisément sur ce point...

Je puis vous répondre sur le coût d'entretien de certains matériels : 200 000 € par char Leclerc et par an, 45 millions d'euros par an pour le Charles-de-Gaulle, 3 millions d'euros par Rafale et par an. Je ne peux vous donner le coût d'entretien du VBCI, mais je serai prochainement en mesure de vous communiquer ceux de la frégate Horizon et du NH90.

M. Jean Michel - Je veux attirer l'attention de nos collègues, dont certains ont tenu des propos excessifs, sur la réalité de l'exécution du budget de la défense au cours des dernières années.

Lors du vote de la loi de finances pour 1998, M. Boucheron, rapporteur spécial de la commission des finances, avait souligné que la loi de programmation militaire 1997-2002, votée en 1995, avait fait l'objet, dès l'examen du budget de 1997, d'annulations de crédits supérieures à 10 % du montant et qu'en 1995, l'écart avait été supérieur à 20 milliards de francs : du jamais vu !

En ma qualité de rapporteur des derniers budgets de la défense, je puis attester que les crédits d'investissement réels ont été de l'ordre de 80 milliards d'euros chaque année ; l'an dernier, ils se sont établis à 82 milliards, avec un taux d'exécution, tout à fait remarquable, de plus de 90 %. La loi de programmation de 1997 est la première qui ait été menée à son terme, en dépit de lourdes contraintes : la professionnalisation voulue par le Président de la République ; des opérations extérieures coûteuses ; l'obligation, enfin, d'éponger de fortes charges reportées, ainsi que l'avait d'ailleurs reconnu M. Paecht...

Je veux croire, Madame la ministre, en la sincérité de votre budget, et je veux croire que le budget que vous nous présentez ne sera pas que virtuel (Protestations sur les bancs du groupe UMP), mais j'ai quelques raisons d'avoir des doutes. Ainsi, sur les 100 millions d'euros inscrits le 1er août à la ligne 55-21 relative à l'entretien programmé des matériels, 99 millions n'ont-ils pas été gelés, par décret, moins de quinze jours plus tard ? Le collectif d'été n'avait-il été qu'un trompe-l'_il ?

Pouvez-vous nous certifier qu'aucun gel n'affectera la ligne 55-21 et, plus généralement, que votre budget ne subira ni annulation ni report ? Pouvez-vous nous certifier que son taux d'exécution sera égal ou supérieur à celui des années précédentes ?

Mme la Ministre - Je vous remercie, Monsieur le député, de vos félicitations : vous avez en effet reconnu l'augmentation des crédits de la défense... (Sourires) S'agissant du gel décidé après le collectif, je vous rappelle qu'il s'est fait par lettre et non par décret ; la portée juridique n'est pas la même, tant s'en faut. D'autre part, si, par ce gel, le Gouvernement a anticipé une éventuelle non-consommation des crédits en fin d'année, j'ai obtenu du Premier ministre que les crédits soient dégelés au fur et à mesure des besoins, notamment pour l'entretien. La courbe de consommation constatée à ce jour permet de penser que le taux d'exécution sera voisin de 100 % en fin d'exercice. Pour l'avenir, il m'appartiendra de faire en sorte que tous les crédits votés par la représentation nationale soient utilisés au mieux, c'est-à-dire consommés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Hervé Morin - Comme dans d'autres départements, la gendarmerie de l'Eure connaît de graves difficultés de fonctionnement, faute de crédits suffisants. Les brigades, en sous-effectif chronique avec 10 % des postes non pourvus, vont jusqu'à manquer de rames de papier et de cartouches d'encre, et sont parfois obligées de laisser au parc des véhicules qu'elles n'ont pas les moyens d'entretenir ! Un coup de pouce sérieux est donc nécessaire pour permettre à ce corps d'assumer ses missions.

D'autre part, les collectivités locales sont le plus souvent tenues de mettre la main à la poche lorsqu'il s'agit de construire de nouvelles gendarmeries, car les dotations de l'Etat sont loin de couvrir la totalité du financement nécessaire (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Il convient pourtant d'assurer aux gendarmes et à leurs familles des conditions de travail et de vie décentes ! Or certaines casernes sont dans un tel état que les organismes de logements sociaux refuseraient des locaux semblables ! Quelles dispositions comptez-vous prendre, Madame la ministre, pour que nos forces de gendarmerie soient dotées des moyens indispensables ?

M. François Rochebloine - Très bien !

Mme la Ministre - Vous avez raison de rappeler que les crédits affectés à la gendarmerie souffrent depuis plusieurs années de graves insuffisances. Je vous ai indiqué ce matin le montant des crédits destinés à ce corps, et qui témoignent d'un effort important. Toutefois, la situation étant celle que vous avez décrite, on ne peut s'attendre à tout régler en un an, ni même deux. Notre effort portera en premier lieu sur les véhicules car le parc est obsolète et inadapté, ce qui empêche les gendarmes de remplir correctement leurs missions ; nous avons aussi prévu l'acquisition d'hélicoptères et de gilets pare-balles.

S'agissant des casernements, ils sont, c'est vrai, d'un confort inégal, et pour certains, à la limite de l'effondrement. Un effort soutenu est donc indispensable. C'est pourquoi nous avons prévu la construction, en plusieurs années, de 1 500 logements. Je sais que les collectivités locales se plaignent, à juste titre, des modalités de financement définies par le décret de 1993. Ce décret sera révisé pour que les municipalités soient mieux accompagnées dans leur effort visant à donner aux gendarmes qui exercent un métier difficile, des conditions de vie agréables (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. François Rochebloine - J'approuve sans réserve les propos de mon collègue Morin. La nouvelle loi de programmation militaire prévoit l'augmentation des crédits d'équipement, ce qui constitue une rupture avec la politique précédente. Pour autant, je ne vous cacherai pas mon inquiétude quant à l'avenir de l'armement terrestre, secteur dont l'Etat se désengage. Ainsi, pour GIAT Industries, le plan de redressement arrive à son terme sans que l'équilibre financier de l'entreprise ait été rétabli, malgré une diminution des effectifs de près des deux tiers. De fait, « l'Etat-client » place le groupe dans une situation particulièrement délicate. J'en prendrai pour exemple les commandes, dites fermes, de 54 VBCI et de 11 VPC, qui ont pris un important retard ce qui conduira à de nouvelles pertes. Quant au MCO - maintien en condition opérationnelle -, pourquoi n'est-il pas confié aux concepteurs eux-mêmes ?

La baisse, présentée comme inexorable, du plan de charge de GIAT Industries a conduit à la perte des savoir-faire et à la réduction des capacités du groupe. Voilà qui m'amène à vous poser les questions suivantes : en l'absence d'une véritable politique européenne de défense, la France renoncera-t-elle malgré tout à conserver un secteur de l'armement terrestre digne de ce nom, évitant ainsi d'accroître sa dépendance vis-à-vis de fournisseurs étrangers dont les intérêts ne convergent pas toujours avec les nôtres ?

M. Jacques Myard - Européen mais pas trop !

M. François Rochebloine - Allez-vous lever les incertitudes qui pèsent sur les commandes en cours, qu'il s'agisse du VBCI ou du MCO ? Enfin, en cas de nouveau plan de restructuration, me confirmez-vous que vous recevrez au préalable les élus des sites concernés ?

Mme la Ministre - La France va-t-elle renoncer à avoir une politique d'armement terrestre ? Non, bien entendu, mais elle agira sans doute de plus en plus dans un cadre européen, ce qui ne devrait pas vous déplaire, et avec des adossements européens. Cela dit, il est vrai que le plan de charge de GIAT Industries est en forte baisse. Nous sommes en effet à la fin de la production des chars Leclerc pour les Emirats arabes unis, et le contrat Leclerc-Arabie saoudite est extrêmement incertain puisqu'il traîne depuis dix ans... En ce qui concerne le VBCI, beaucoup de retard a été pris mais aujourd'hui le programme est défini et la livraison devrait se faire à partir de 2007. Le développement de l'activité MCO constitue une chance pour l'entreprise, mais ne nous faisons pas d'illusions : elle ne compensera pas l'effondrement de l'activité blindés.

Toutes ces questions devront être étudiées dans les prochaines semaines afin d'offrir des perspectives à GIAT Industries et de lui épargner un énième plan qui se traduise par des suppressions d'emplois. Je souhaite que cela se fasse en totale concertation avec les personnels, les syndicats et bien sûr les élus. J'en ai pris l'engagement ce matin et je crois que c'est ainsi qu'il faut travailler.

M. François Rochebloine - Très bien !

M. Jacques Myard - La professionnalisation de nos forces est faite et ce budget leur donne aujourd'hui les moyens d'agir. Mais la défense de la France va bien au-delà d'un corps de bataille. Elle doit en effet être assurée plus en profondeur. C'est ce que l'on appelle la défense opérationnelle du territoire, laquelle n'est pas en grande forme. La police nationale et la gendarmerie mettent à son service 200 000 hommes - dont un certain nombre de syndiqués (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) -, ce qui n'est pas négligeable certes mais pas suffisant en cas de crise. Il nous faudrait donc créer dans chaque département des unités organisées sur le modèle de la protection civile, c'est-à-dire avec des volontaires venant s'agglutiner à un corps de professionnels, qui, dans mon esprit, pourrait bien être la gendarmerie, ce corps d'élite.

Ces unités seraient placées en temps de paix sous l'autorité du préfet, assisté de son délégué militaire départemental. Cette garde nationale - car tel est le nom que j'aimerais lui donner - remplirait une triple mission : assurer le quadrillage du territoire et la protection des points sensibles ; fournir au corps de bataille une réserve facilement disponible ; servir d'appoint en cas de catastrophe naturelle. Êtes-vous prête, Madame la ministre, à expérimenter l'organisation d'une telle force dans un ou deux départements ?

Mme la Ministre - La suppression du service national nous oblige aujourd'hui à réfléchir à une nouvelle manière de sensibiliser les Français à la défense du territoire et à l'ensemble des problèmes de défense. Il ne s'agit d'ailleurs pas seulement de les sensibiliser mais de les amener à s'engager. C'est un sujet qui a déjà fait l'objet d'un certain nombre de rapports, dont un du président de la commission de la défense, et je sais qu'il intéresse beaucoup d'entre vous. Cela rejoint la question des réserves et celle du contenu de la journée citoyenne. Je souhaite que nous menions cette réflexion en commun à partir de janvier, étant entendu qu'il faut pouvoir offrir aux gens un cadre régulier d'accueil et d'exercice.

Comment faudra-t-il appeler ce cadre ? Vous proposez « garde nationale », pourquoi pas ? Mais il faudra y réfléchir et je suis sûre que toutes sortes d'agences de communication seront ravies de se pencher sur la question. Certaines ont parfois beaucoup d'imagination... (Sourires sur divers bancs)

M. Jean Michel - La « Maison bleue », peut-être ? (Rires)

Mme la Ministre - L'essentiel n'est pas le nom de baptême, de toute façon, mais la conception d'un beau bébé. Je ne dirais pas que nous en avons un à faire ensemble car ce serait mal interprété (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Etienne Pinte - Je reviens sur la situation de GIAT Industries, qui a son siège sur le territoire de ma ville. D'ici la fin de l'année, 4 000 emplois auront été supprimés en quatre ans et trois sites sur douze fermés. Malheureusement, cela n'aura pas suffi à sauver l'entreprise et l'Etat va donc être obligé de réinjecter encore 300 millions d'euros, en une énième recapitalisation de l'entreprise. La direction générale vous a adressé quant à elle un nouveau plan social.

L'Etat ne pourra pas tout faire. C'est bien pourquoi j'ai signé en 1996 un accord de coopération avec l'entreprise de façon que les collectivités territoriales puissent recruter, lorsque des emplois sont supprimés, des personnes issues de cette entreprise. Ne pensez-vous pas par ailleurs que la filialisation de certaines activités constituerait une solution ? Et comment voyez-vous le devenir de l'armement terrestre ?

Mme la Ministre - GIAT Industries a connu plusieurs plans successifs qui ont, les uns après les autres, surestimé les perspectives économiques et sous-estimé les charges - sans parler d'un certain nombre d'orientations, comme la diversification, qui n'ont pas donné les résultats escomptés. Nous sommes donc confrontés aujourd'hui à une situation difficile, avec des perspectives, certes - le VBCI et le MCO -, mais avec un plan de charge traditionnel qui s'effondre. Je me réjouis donc qu'il existe des accords comme celui dont vous avez parlé, qui permettent aux personnels de trouver des débouchés correspondant à leurs compétences. Je ne peux pas vous répondre pour le reste, et notamment pas sur la stratégie industrielle, vous le comprendrez, car je ne voudrais pas mettre à mal certaines opérations en disant des choses qui n'ont pas à être dites publiquement.

M. François Cornut-Gentille - Sur tous les bancs, chacun s'est réjoui de la hausse des crédits d'équipement et chacun a insisté sur la nécessité de pérenniser cet effort. Comment comptez-vous faire, et que penser du scénario qui consisterait à sortir ces crédits du budget national pour les regrouper au niveau européen ?

Mme la Ministre - Inscrire l'effort dans la durée, tel est précisément l'objet de la loi de programmation militaire. Des annuités ont été fixées, ce qui fait que la représentation nationale peut vérifier chaque année l'inscription des crédits correspondants dans la loi de finances initiale et, en fin d'exercice, leur consommation. En cours d'année, il appartient bien sûr au ministre de veiller à ce qu'il n'y ait pas d'amputation ou de gel budgétaires - exercice qui s'apparente parfois à un marathon ou à un saut d'obstacles, voire à un sport de combat, mais j'y suis habituée grâce à mes précédentes fonctions ministérielles... (Sourires)

Le problème est que certains partenaires européens invoquent le Pacte de stabilité pour annoncer qu'ils ne vont pas faire l'effort nécessaire. La défense des pays européens, notamment face à la montée du risque terroriste, implique en effet un effort particulier, au-delà même de notre volonté de construire l'Europe de la défense. La majorité des pays sont prêts à le fournir, même si d'autres, comme l'Espagne, ont exprimé des réticences. Cette question a déjà été évoquée de façon bilatérale et ne tardera pas à l'être au niveau européen, peut-être dès le sommet de Bruxelles.

Mme Patricia Adam - Le 1er janvier, DCN deviendra une entreprise nationale détenue à 100 % par l'Etat. Je tiens à cette occasion à saluer les efforts de son personnel, qui a vécu depuis plusieurs années de profondes mutations. Si les crédits d'équipement augmentent dans ce budget, ainsi que dans la loi de programmation militaire, grâce à la commande du second porte-avions, le personnel de DCN se montre préoccupé par l'avenir de la future entreprise. Surtout, la perspective du second porte-avions, qui est au c_ur du savoir-faire de DCN, implique que le Gouvernement précise quelles seront nos relations avec la Grande-Bretagne, en vue de concrétiser enfin la politique européenne de défense et de favoriser la compétitivité de nos entreprises.

La loi a prévu le principe d'un contrat d'entreprise pluriannuel portant sur la période 2003-2008, qui réglera les relations financières entre l'Etat et DCN et fixera les objectifs économiques et sociaux de l'entreprise, en contrepartie d'une garantie d'activité, d'investissements, ainsi que du recrutement nécessaire au renouvellement des compétences. Le contenu de ce plan est donc attendu avec impatience, et permettra à l'entreprise d'avoir une visibilité suffisante pour atteindre ses objectifs. Ce sont des éléments essentiels pour l'adhésion du personnel au projet d'entreprise. Si les orientations budgétaires suscitent ainsi certains espoirs pour ce qui est des équipements de la marine, des inquiétudes légitimes ne manquent pas de s'exprimer. Êtes-vous, Madame la ministre, en mesure de rassurer le personnel de DCN sur le contenu de ce plan industriel ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme la Ministre - L'inquiétude du personnel de DCN est compréhensible étant donné qu'il change de statut et qu'il a connu des baisses de plan de charge. Notre rôle est donc de lui redonner confiance, et nous pouvons nous appuyer pour cela sur du concret : les perspectives ouvertes par la loi de programmation militaire, celles, plus globales, de développement des activités maritimes, et les compétences reconnues de DCN ouvrent de belles perspectives d'avenir à l'entreprise.

Le changement de statut sera également un facteur de valorisation du savoir-faire du personnel, ainsi que de développement de la future entreprise, que les contraintes d'une structure administrative dans un environnement concurrentiel pénalisaient jusqu'à présent. Il y a trois semaines, j'ai rencontré un millier de cadres de DCN, et je les ai trouvés extrêmement motivés : ils croient en leur entreprise. Il nous reste donc à finaliser le changement de statut, ce qui se fera dans les prochaines semaines, et l'Etat a décidé, pour assurer la jonction, d'assurer la continuation du plan de charge.

Je pense donc que le personnel de DCN a de bonnes raisons de reprendre confiance, d'autant que le nouveau statut permettra à l'entreprise de nouer des collaborations avec d'autres chantiers européens. La transformation, même si elle a donné lieu à des moments difficiles, sera en fin de compte très positive.

M. Jean-Claude Viollet - La SNPE ayant décidé de mettre fin aux activités de son établissement d'Angoulême en juin 2003, la question se pose de la réutilisation de ce site de 180 hectares en plein c_ur de l'agglomération, ce qui suppose naturellement sa dépollution. Votre ministère devrait désormais connaître les résultats des études préalables, tant en surface qu'en sous-sol. Pouvez-vous nous éclairer sur les intentions de l'Etat, qui doivent trouver leur traduction dans le présent budget et dans les suivants ? Votre réponse est très attendue, tant par la population et les élus de l'agglomération que par les salariés de la SNPE et de CELERG, qui sont prêts à mettre leurs compétences et leur savoir-faire au service de la dépollution du site. Cela permettrait à l'Etat de faire montre d'une certaine exemplarité dans le traitement de ce dossier difficile.

Mme la Ministre - Le site a subi deux types de pollution : l'une pyrotechnique, l'autre chimique. Au vu des études qui ont été menées, tout ce qui concerne la première est désormais bien cerné, et les travaux vont pouvoir commencer rapidement, sous réserve de quelques investigations complémentaires. En revanche, la seconde nécessite des études plus poussées, car il nous manque de nombreux éléments.

Le décision de principe concernant les premiers travaux sera prise avant la fin de l'année. La loi de finances contient à cet effet 6,7 millions d'euros en crédits de paiement.

M. Yves Fromion - Je ne comprends pas pourquoi certains de nos collègues tiennent à opposer l'armée de la République et l'école de la République. Ils se plaignent que l'augmentation du budget de l'une se ferait au détriment de l'autre, mais je pense que l'armée mérite la même considération que l'école ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) On ne saurait opposer ces deux institutions, et les hussards de la Troisième République vous feraient, je pense, la leçon, pour vous rappeler que la République est une et indivisible ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Voilà qui fait toute la différence entre les pays qui ont encore de l'ambition et ceux qui n'en ont plus. La difficulté actuelle est d'assurer l'avenir de nos industries de défense, sachant que la question n'a pas seulement une importance industrielle, mais fait partie intégrante de notre politique de défense. Notre force de dissuasion nucléaire, par exemple, n'aurait pas de valeur si elle ne s'inscrivait pas dans un contexte global qui comprend à la fois nos forces conventionnelles mais également un dispositif industriel. Ceux qui voudraient faire l'économie d'un outil industriel militaire efficace et reconnu se trompent, car c'est la crédibilité de notre défense qui est en cause.

Or GIAT et d'autres entreprises, notamment des industries spatiales qui opèrent dans le domaine des satellites, sont dans une situation très difficile. Le ministre de la défense doit leur dire que le Gouvernement portera une attention toute particulière à l'industrie de la défense, tous secteurs confondus.

Mme la Ministre - La loi de programmation militaire constitue en elle-même un élément de réponse important.

M. Paul Quilès - On n'en a pas encore discuté !

Mme la Ministre - En commission si, et nous recommencerons ici. Je regrette une nouvelle fois l'ordre qui nous est imposé, mais il ne peut être inversé. C'est la raison pour laquelle j'ai tenu à venir devant les commissions de la défense de l'Assemblée et du Sénat exposer ce projet de loi, avant même que mon budget ne soit discuté.

La loi de programmation militaire est donc en soi, dans son ampleur, l'affirmation de l'intérêt tout particulier que porte le Gouvernement à l'industrie de la défense. Notre action pour le statut de DCN, le soutien que nous portons aux entreprises qui essaient d'exporter - le salon Euronaval en est un bel exemple -, contribuent à montrer la considération que nous portons à ces entreprises et à leur personnel. Leur qualité et leurs compétences sont en effet largement reconnues, ce qui leur permet de vendre leur production dans le monde entier.

C'est ainsi que nos entreprises feront preuve de leur excellence, d'abord en Europe, où les collaborations et les accords industriels et commerciaux se multiplient dans le domaine des satellites ou de l'aéronautique, et, sur cette base, dans le monde entier face à la concurrence américaine.

M. Georges Siffredi - Votre récent voyage aux Etats-Unis a été largement couvert par les médias. Il en ressortait une impression de tension entre les autorités américaines et le gouvernement français en raison de l'attitude de la France sur une éventuelle guerre préventive en Irak. Ministre de la défense, vous avez pu faire valoir à nos alliés américains l'effort considérable que nous consentons par une loi de programmation ambitieuse et un accroissement significatif des crédits de défense. Quel accueil avez-vous reçu et comment notre allié apprécie-t-il notre effort de défense ?

Mme la Ministre - Je pensais effectivement que ce voyage serait difficile. En fait, j'ai reçu un accueil chaleureux et des marques d'attention particulières qui, au-delà de ma personne, s'adressaient à la France.

J'en retire deux impressions. D'abord, l'opinion des responsables politiques américains est moins monolithique que les médias ne le donnent souvent à croire. Sur l'Irak beaucoup se posent les mêmes questions que nous. Et tous admettent que la France a une capacité d'expertise sur les pays arabes qui peut être pour eux un élément important d'appréciation.

En second lieu, j'ai ressenti que la France avait retrouvé sa crédibilité en raison de notre effort pour assurer notre défense et par là celle de nos valeurs, en raison aussi de notre capacité à présenter nos propres analyses, et du fait qu'elles recueillent l'assentiment d'un grand nombre de pays. Je salue à ce propos l'action de notre diplomatie dans cette période délicate. Les Américains ne l'ont pas ressentie comme une agression ou un manque de solidarité, mais l'expression d'une position différente. Les Français que j'ai rencontrés là-bas ont ce même sentiment que nous ne sommes pas dans une période de tension entre la France et les Etats-Unis. Au contraire, les liens n'ont jamais été aussi étroits, probablement grâce aux gestes du Président Chirac après le 11 septembre et à notre action en Côte d'ivoire pour évacuer les élèves américains autour de Bouaké, dont on nous sait gré. Dans ce contexte chaleureux les divergences d'analyse sont une expression normale d'un allié qui est un véritable allié justement parce qu'il existe par lui-même.

M. Yves Fromion - Très bien !

M. Jean-Louis Léonard - Je serai plus pragmatique en vous parlant de la gendarmerie maritime, qui est souvent le parent pauvre de la défense. Or ses missions de police, de défense opérationnelle, de sécurité des eaux territoriales sont multiples. Elle est très sollicitée et ses moyens sont réduits, voire inexistants. Ainsi les huit hommes de la brigade de gendarmerie de Rochefort surveillent un immense territoire, des Sables d'Olonne à Arcachon. Pour cela ils disposent d'une petite vedette de dix mètres. Faite pour naviguer une centaine d'heures par an, ce bateau en fait plus de mille. Aussi est-il en panne, depuis quatre mois. Ce type d'embarcation doit être remplacé par des vedettes de 20 mètres. Les services du matériel n'ont jamais renvoyé le devis qui leur a été transmis il y a plus de quatre mois.

Quelle politique comptez-vous mener envers la gendarmerie maritime ? Au-delà de misions évidentes, elle assure la sécurité du transit et de l'accès à nos côtes - chacun comprend de quoi il est question. S'agissant du matériel, quel est le calendrier de livraison des vedettes de 20 mètres et selon quels critères seront-elles affectées à tel ou tel secteur ?

Mme la Ministre - Disons-le sans ambages, la gendarmerie maritime participe à la prévention du terrorisme et à la lutte contre l'immigration clandestine et un certain nombre de trafics. C'est pourquoi notre politique est de la renforcer. Oui, elle a un grand rôle à jouer, et nous lui consacrons une attention particulière qui se traduit sur le plan financier.

S'agissant du matériel navigant, - par ailleurs nous renforçons aussi les sémaphores -, nous l'affectons en fonction de plans de charge et de plans de renouvellement ainsi que de l'intensification des risques d'infraction. Soyez assuré que nous agirons pour réduire les lenteurs administratives intolérables que vous signalez. Sur le calendrier précis de livraison, je vous répondrai par écrit.

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions. Je remercie la ministre et les orateurs d'avoir respecté le temps prévu.

DÉFENSE

M. le Président - J'appelle les crédits de la Défense inscrits aux articles 38 et 39.

ART. 38

M. François d'Aubert rapporteur spécial de la commission des finances pour la défense- Outre la délégation à l'information et à la communication de la défense, le ministère dispose de plusieurs structures ayant chacune leur service de communication et d'un établissement public s'occupant de cinéma. Au total les moyens dont ils disposent atteignent 78 millions d'euros. Un personnel très nombreux s'occupe de la communication du ministère. Mais pour faire quoi ? La plupart des actions sont utiles, mais il y a aussi des publications et revues dans tous les domaines et peut-être un peu d'excès. C'est pourquoi nous proposons par l'amendement 49 de maintenir les crédits de la délégation à l'information au niveau de 2002 en renonçant à l'augmentation de 1,53 million d'euros, soit 19 %, prévue pour 2003. Les actions nouvelles peuvent être financées par redéploiement.

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense - Mutualiser les moyens de communication de la défense est sans doute un objectif louable, mais l'amendement risque d'avoir l'effet inverse de celui qui est recherché.

Il réduit des crédits qui correspondent à l'idée d'une politique unique de communication. En outre, au moment où l'armée se professionnalise, où le lien armée-nation doit être renforcé, où l'armée doit faire connaître son savoir-faire et la palette de métiers qu'elle est à même de proposer,...

M. Yves Fromion - Où elle doit recruter !

M. le Président de la commission de la défense - ...il n'est pas opportun de diminuer ses crédits. Je le répète : nous avons besoin de milliers de réservistes. Comment attirer les jeunes si les moyens de communication ne sont pas suffisants ?

Mme la Ministre - Les crédits supplémentaires correspondent à deux actions : tout d'abord, un plan de communication en faveur des réserves. Je souhaite que nous puissions, ensemble, en définir les mesures. Ensuite, en 2003, je souhaite organiser une journée armée-nation pour renforcer l'esprit de défense. On aurait certes pu utiliser les crédits existants, mais je n'ai pas encore eu le temps de me pencher sur les problèmes internes. Des regroupements, et donc des économies, peuvent certainement être réalisés. Mais il est indispensable d'associer le personnel et cela demande du temps.

Je vous propose de maintenir ces crédits et de profiter des mois qui viennent pour travailler ensemble à l'établissement de leur budget parfaitement calibré pour 2004.

M. Michel Voisin - Je comprends les préoccupations du rapporteur spécial de la commission des finances, mais il est important de développer la communication avec nos concitoyens dans le domaine de la défense. Au nom du groupe UMP, je rejoins le président de la commission et j'émets un avis défavorable.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Vous estimez qu'il n'y a aucune économie possible, dans aucun budget, qu'il n'y a aucun gaspillage, qu'il n'y a aucun symbole à donner pour la préparation du budget 2004 (Murmures sur les bancs du groupe UMP), alors il ne faut pas voter cet amendement. Si, en revanche, vous êtes favorables aux efforts de productivité quel que soit le domaine, votez-le, pour préparer le rendez-vous de 2004.

M. le Président - Monsieur Fromion, il y a déjà eu un orateur contre...

M. Yves Fromion - S'il est un grand corps de l'Etat qui a prouvé sa capacité à se remettre en question, à faire des économies, à suivre les instructions de l'Assemblée nationale, c'est bien celui des armées !

L'amendement 49, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur spécial - L'amendement 50 concerne l'alimentation... (Sourires)

M. Yves Fromion - Fromage ou dessert !

M. le Rapporteur spécial - M. Alain Richard avait annoncé, le 28 février 2002, sur la base aérienne d'Istres, une harmonisation du régime des repas de service. Dans l'armée de l'air, aucun des militaires présents sur une base aérienne ne paie son déjeuner, alors que ce n'est le cas que de 40 % du personnel de l'armée de terre. Les marines ne sont nourris gratuitement qu'à bord de leur bâtiment. Depuis le 28 février, une harmonisation de fait s'opère entre les armées, sans réelle base réglementaire. Les crédits d'alimentation pour l'ensemble des armées progresse du fait de la non-reconduction d'une mesure d'économie opérée sur le compte de commerce des subsistances militaires, de 16 millions d'euros. La réduction proposée, de l'ordre de 10 millions d'euros, s'imputerait donc sur les crédits de l'armée de l'air.

Certes, les bases aériennes sont en dehors des zones urbaines...

M. Charles Cova, rapporteur pour avis de la commission de la défense - Il n'y a qu'à construire des Mac Donald sur chaque base...

M. le Rapporteur spécial - ...et les militaires sont contraints de déjeuner sur place. Cet amendement n'a pas pour objectif de fermer les cantines, ni d'affamer l'armée de l'air, mais si les militaires déjeunaient ailleurs, ils seraient bien obligés de payer leur repas. Il s'agit donc, dans un souci de bonne gestion, de limiter le nombre de repas de service (Murmures sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Après la communication, l'alimentation...

M. le Président de la commission de la défense - Cet amendement ne prend pas en considération la spécificité de l'armée de l'air. Vous avez cité les marines, qui ne paient pas leurs repas lorsqu'ils sont embarqués. Il en va de même pour les aviateurs quand ils sont en mission. N'est-il pas normal que les personnels travaillant loin de leur domicile, ou en mission, soient pris en charge sur ce point ? Et il ne paraît pas opportun d'aligner les crédits d'alimentation de toutes les armées, chacune ayant un mode de fonctionnement spécifique (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. le Rapporteur spécial - L'amendement ne concerne pas les aviateurs en mission. Si l'on veut réformer le fonctionnement de certains services publics, il faut parfois y aller à petits pas... Cet amendement n'était qu'un petit pas, mais, constatant qu'il est difficile de le faire passer, je vais le retirer.

M. Yves Fromion - Bravo ! On avait rationné les heures de vol, on n'allait pas rationner les repas !

M. François Rochebloine - Pourquoi certains bénéficieraient de plus de repas gratuits que d'autres ?

M. le Président - Ne relancez pas le débat, l'amendement est retiré.

L'article 38, mis aux voix, est adopté.

ART. 39

TITRE V

M. Daniel Garrigue - La commission des finances a adopté, sur ma proposition, l'amendement 51, qui pose la question de la politique immobilière de l'Etat à propos de la réalisation des actifs immobiliers du ministère de la défense. M. André Giraud avait eu l'idée d'alimenter le titre V de la loi de programmation militaire, en réalisant un certain nombre d'actifs. Bonne idée, mais difficile à mettre en _uvre. En la matière, chaque administration mène sa propre politique. Le ministère de l'intérieur, par exemple, tient à ce qu'une commune lui cède tel ou tel terrain ou immeuble gratuitement, et le ministère de la justice ou celui de la défense veulent céder au prix fort les implantations dont ils n'ont plus que faire. D'où des situations sont parfois inextricables, je ne dois pas être le seul maire à le déplorer.

Il avait été question, voici quelques années, de regrouper la politique immobilière de l'Etat sous l'égide d'une agence foncière unique, dotée d'une caisse de compensation ; elle aurait permis à chaque ministère de retrouver ce qui lui revient légitimement. Les problèmes auraient été traités sous l'autorité des préfets.

Aujourd'hui, des études extrêmement coûteuses pour la réalisation de tel ou tel actif immobilier sont faites et elles n'apportent rien. Il faut donc unifier la politique immobilière de l'Etat, en allant dans le sens de la déconcentration.

Mme la Ministre - La restructuration du ministère nous conduit à des réaffectations immobilières. Depuis 1997, nous avons connu 551 mesures de restructuration, qui ont affecté plus de 340 emprises immobilières. La mission pour la réalisation des actifs immobiliers effectue des missions en fonction de prix qui sont fixés par le ministère des finances. Elle agit en coopération très étroite avec les services des préfets et les collectivités locales. Je souhaite le retrait de l'amendement.

M. Daniel Garrigue - Je vais le retirer si la commission des finances en est d'accord, car je voulais surtout soulever le problème. Mais je ne peux me contenter de votre réponse. Il est nécessaire d'assurer la cohérence de la politique immobilière de l'Etat. Et, si l'on ne progresse pas dans ce sens, je présenterai l'an prochain de nouveaux amendements que je ne retirerai pas.

M. le Rapporteur spécial - La MRAI, depuis de nombreuses années, a obtenu des résultats. Certes, il serait bon d'avoir une mission d'information sur son fonctionnement. Cela étant, la commission des finances accepte le retrait de l'amendement.

Les crédits du titre V, mis aux voix, sont adoptés.

Les crédits du titre VI, mis aux voix, sont adoptés.

L'article 39, mis aux voix, est adopté.

SERVICES DU PREMIER MINISTRE

CRÉDITS SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DE LA DÉFENSE NATIONALE

ÉTAT B

Les crédits du titre III, mis aux voix, sont adoptés.

ÉTAT C

Les crédits du titre V, mis aux voix, sont adoptés.

APRÈS L'ART. 63

Mme la Ministre - Par l'amendement 80, le Gouvernement propose une prorogation. Afin de garantir une pyramide des âges adaptée à l'activité opérationnelle des armées, certaines mesures d'incitation au départ des officiers et des sous-officiers doivent être applicables sur la période 2003-2008.

Ces mesures arrivent à échéance le 31 décembre 2002. L'article 5 du projet de loi de programmation militaire 2003-2008 prévoit leur prorogation mais la promulgation de ladite loi avant le 1er janvier 2003 est incertaine. Il convient donc d'assurer la légalité des actes administratifs pris entre le 1er janvier 2003 et la date de promulgation de la loi de programmation militaire.

M. le Président de la commission de la défense - Avis favorable.

M. le Rapporteur spécial - Avis favorable également. Je ferai néanmoins observer que cet amendement a un coût : en 2002, 3,63 millions d'euros.

L'amendement 80, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur spécial - L'amendement 52 vise, si je peux dire, au nettoyage. Les « jaunes » partent toujours d'une bonne intention : récolter davantage d'informations sur tel ou tel sujet. Mais, dans le « jaune » en question, créé par l'article 95 de la loi de finances de 1980 et concernant la récapitulation des crédits civils qui concourent à la défense de la nation, pas un seul chapitre n'est identifié. De plus, il deviendra caduc avec la nouvelle présentation budgétaire. Dans un souci de simplification, nous vous proposons de le supprimer.

M. le Président de la commission de la défense - Une telle simplification administrative répond au bon sens.

L'amendement 52, approuvé par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme la Ministre - Je remercie le Président, le président de la commission des finances, le président de la commission de la défense, tous les rapporteurs, tous les orateurs. Nous avons eu une discussion riche, portant sur des problèmes très concrets, donnant un signe positif aux hommes et aux femmes qui servent notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

La séance, suspendue à 17 heures 10, est reprise à 17 heures 20.

ÉQUIPEMENT ET TRANSPORTS ; AVIATION CIVILE

M. Hervé Mariton, rapporteur spécial de la commission des finances pour l'équipement et les transports terrestres - Le budget de l'équipement et des transports terrestres s'établit à 12,3 milliards en 2003, contre 12 milliards en 2002. On constate donc une légère augmentation, mais la pratique, constante, des gels et des dégels rend toute comparaison délicate.

C'est une administration solide, qui compte quelque 100 000 agents. Une baisse d'effectif de 750 personnes est annoncée, qui ne se verra guère, puisque 2 500 emplois ne sont pas pourvus.

La Cour des comptes avait, dans un passé récent, formulé des observations assez sévères sur la gestion du ministère. Elles ont, pour partie, trouvé réponse.

Le ministère correspond à un secteur économique fort, qui compte trois millions de salariés, de très grandes entreprises publiques et privées et un réseau de PME. Nos concitoyens, clients et usagers, se sentent particulièrement concernés par l'avenir de ce secteur. Or cette industrie lourde ne pourra survivre que si elle s'adapte aux demandes dans leur diversité. Tel doit être l'objectif d'une politique de l'équipement et des transports terrestres. Que prévoit le nouveau gouvernement à cet égard ?

Certes, la man_uvre ne peut être que lente, en raison des contraintes européennes, des programmations pluriannuelles et de l'autonomie des acteurs. Pour autant, aucun déterminisme n'existe qui imposerait certains choix. Au cours des dernières années, de multiples décisions ont été prises, et d'aussi nombreux choix budgétaires ont eu lieu. De ce fait, nous héritons d'une situation budgétairement incohérente, financièrement intenable, économiquement inefficace et environnementalement pénible. Il faut donc bouger, ce qui suppose à la fois une volonté et une capacité de mouvement.

Parlons, pour commencer, de la SNCF, dont la dette, cumulée avec celle de RFF, avoisine les 40 milliards. Chacun est conscient de la fragilité de l'entreprise ; mais elle-même sait-elle qu'elle est mortelle ? Le jour où elle en aura effectué la même prise de conscience qu'Air France, cette entreprise aux réalisations glorieuses saura s'adapter à la réalité, qui est nouvelle.

J'ai été atterré de constater à quel point l'ouverture à la concurrence des sillons ferroviaires dans le domaine du fret a été peu préparé par RFF. Le 15 mars 2003, une évolution fondamentale aura lieu ; mais qu'a-t-on fait pour trouver de nouvelles clientèles ? Rien, ou si peu ! Cette inaction coupable met en péril RFF et même la SNCF. On nous dit qu'une grande révolution s'opère, mais laquelle ?

La RATP est elle aussi confrontée à une mutation européenne. J'ai cru comprendre que la circulation de bus hors du centre même de Paris constituait pour elle un enjeu significatif. C'est en effet le secteur qui connaîtra le plus le défi de l'ouverture à la concurrence.

Rappelons d'autre part que les exigences environnementales sont aujourd'hui bien plus fortes qu'avant et compliquent par conséquent l'ajout d'infrastructures. Croyez-en l'expérience d'un élu de la vallée du Rhône.

Ce budget apporte d'excellentes inflexions aux pratiques du passé mais jusqu'où ? Il importe avant tout de passer du virtuel au réel. Sur la sécurité routière, par exemple : il n'est pas normal que les contrôles aient diminué de 20 % en 2001 et servent en fait de variable d'ajustement, pas plus qu'il n'est acceptable que 30 % des bornes d'arrêt d'urgence ne fonctionnent pas. Sur les routes, également : les contrats de plan sont notoirement gonflés, avec des autorisations de programme prévisionnelles tout à fait surréalistes et bien au-delà des capacités d'engagement de l'Etat. Comment les préfets de région ont-ils pu les signer ? Sur le multimodal, enfin : l'ouverture du capital d'ASF a rapporté à l'Etat 1,8 milliard, dont seulement 300 millions sont allés au développement du multimodal, alors que l'essentiel du produit de cette ouverture devait y être consacré.

M. Michel Bouvard - Tout à fait !

M. Hervé Mariton, rapporteur spécial - La capacité de mobilisation suppose une administration plus efficace. Certes des réformes sont d'ores et déjà engagées mais il reste encore beaucoup à faire, Monsieur le ministre, pour rationaliser l'organisation de votre administration. Elle est riche de nombreux organismes de concertation, ce qui est une bonne chose, mais il n'est pas nécessaire que ces organismes s'appuient sur une administration qui leur soit propre : il y a là des possibilités d'économies. Et peut-on se contenter, s'agissant du personnel de votre ministère, d'une réduction de 750 personnes alors que la vacance d'emplois est encore fin 2002 de 2 500 ? Cela dit, il faut aussi veiller à ce que certaines fonctions, notamment celles de l'encadrement sur le terrain, restent attractives, compte tenu des difficultés actuelles de recrutement. Je crois précisément qu'une meilleure maîtrise du nombre permettra d'accorder de plus amples satisfactions à ceux qui le méritent.

Une administration plus efficace suppose un plus haut degré de décentralisation, en particulier pour les DDE. J'ai entendu dire en commission, lors de certaines auditions, que cela risquait d'entraîner une moindre mobilisation des agents en cas de catastrophe naturelle. Mais je ne vois pas pourquoi un fonctionnaire territorial serait moins conscient de l'urgence, moins disponible, moins motivé qu'un fonctionnaire de l'Etat. Je crois qu'il n'y a rien à craindre de ce côté-là. C'est faire injure aux hommes et au progrès que d'agiter ainsi le chiffon rouge de la sécurité civile pour empêcher les progrès de la décentralisation.

Il faut bien sûr que l'Etat sache où il veut aller, et je pense en particulier à l'Etat actionnaire. Dans sa relation avec la SNCF, d'abord. Concernant le fret, le rapport du sénateur Haenel devra déboucher sur des actes. Il faudra étudier l'opportunité de régionaliser et de filialiser, étant entendu que l'organisation interne décidée par la SNCF a manifestement échoué. Quarante points en moins de parts de marché en quarante ans, cela pose problème. Il faudrait aussi que l'entreprise se montre un peu plus diserte sur sa stratégie de groupe et un peu plus convaincante. C'est à elle de prouver que le champ actuel du groupe SNCF se justifie.

Voies navigables va faire l'objet d'un audit qui constituera une étape intéressante. Il faudra que l'Etat s'engage à bon escient, pour aider Voies navigables à réaliser tout son potentiel, et qu'il respecte ses engagements. Il faudra aussi qu'il fasse preuve d'imagination, financière notamment. On a le sentiment que celle-ci est un peu en panne depuis les difficultés du tunnel sous la Manche. Elle serait pourtant bien nécessaire pour qu'avance un peu plus vite la réalisation du Lyon-Turin, par exemple.

Concernant la sécurité routière, je propose que l'Etat consacre l'ensemble du produit des amendes à des actions dans ce domaine. Jusqu'ici, une partie de ce produit est versée aux collectivités locales, l'Etat garde l'autre sans que cela se fonde sur une base légale clairement définie. L'Etat a ainsi accumulé depuis vingt ans 10 milliards d'euros, dont il n'est pas le propriétaire bien certain. Il ne faudrait pas que nos concitoyens puissent penser que la sévérité accrue de l'Etat qui verbalise a d'abord pour objet de remplir les caisses de l'Etat.

L'intermodalité et la multimodalité correspondent à une demande forte de la société. Là aussi, l'action doit maintenant suivre le discours.

Je dirai en conclusion que l'objectif est important, la direction juste, la route difficile. Le départ est pris : bonne conduite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François-Michel Gonnot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour l'équipement et les transports terrestres - A travers ses actions d'intervention et son rôle déterminant dans l'investissement public, le budget du ministère de l'équipement et des transports est l'un des moteurs de la croissance et de l'emploi.

Le projet de budget pour 2003 doit permettre au Gouvernement de conduire des politiques volontaristes en faveur d'une meilleure desserte du territoire, de transports publics performants, d'infrastructures modernisées.

A enveloppe budgétaire quasi constante, il s'agissait de parvenir à réduire certains postes de dépenses pour dégager des moyens et financer les actions prioritaires, tout en soutenant des secteurs d'activités économiques déjà fragilisées par la dépression économique.

Les transports et les travaux publics ont un poids considérable dans l'économie nationale, tout particulièrement en termes d'emplois : 1 100 000 pour le premier, 1 600 000 pour le BTP.

L'activité des transports est très sensible au rythme de la croissance économique : après avoir connu une progression de 5 % par an de 1998 à 2000, elle s'est stabilisée en 2001.

Le secteur du BTP, lui, s'est maintenu à un haut niveau d'activité après une forte croissance en 1999 et en 2000, notamment grâce à la baisse de la TVA sur les travaux d'entretien dans les logements.

Pour les travaux publics, la conjoncture a été moins favorable mais le démarrage des contrats de plan, malgré des retards, a permis de soutenir l'activité.

Le ralentissement de la croissance et les incertitudes sur la situation internationale rendent les perspectives d'activité pour 2003 incertaines. C'est pourquoi, je me félicite que ce projet, en préservant les investissements productifs, parvienne à soutenir l'activité du BTP.

Ce budget est également, et à plusieurs titres, un budget de transition.

Pour commencer, le Gouvernement est confronté à une situation financière plus difficile que prévue. Dès le 12 août, le ministère du budget a procédé à un gel important de crédits, portant aussi bien sur des dépenses d'intervention que d'investissement. Une décision de même nature avait été prise en février par le précédent gouvernement.

Les crédits relatifs aux dépenses d'intervention sont à nouveau disponibles, mais ceux concernant les investissements restent suspendus.

Pouvez-vous, Monsieur le ministre, éclairer la représentation nationale sur les dépenses qui seront suspendues, voire annulées, d'ici la fin de l'année ?

Nous craignons que ce soient les investissements routiers qui soient remis en question, et plus particulièrement ceux qui font partie des contrats de plan Etat-région.

Nous nous demandons également si les subventions aux transports combinés vont faire l'objet d'une annulation pure et simple.

Rappelons qu'en mars 2000, la Commission européenne a considéré l'aide versée par l'Etat à la SNCF au titre du transport combiné comme contraire au droit de la concurrence. Les aides doivent désormais être versées directement aux chargeurs ayant recours au transport combiné.

Même si la France a notifié à la Commission un nouveau système d'aides au transport combiné de marchandises, il n'est pas possible de reporter sur 2003 les crédits d'intervention 2002. Pourtant, le nouveau gouvernement a affiché son intention d'engager des actions concrètes pour promouvoir le ferroutage et l'intermodalité.

Si d'aventure le gel des crédits d'août 2002 conduisait à une annulation pure et simple, le budget 2003 s'en trouverait largement bouleversé : les comparaisons devraient se faire sur une base de dépenses réduites de 35 % !

Budget de transition aussi, car nous attendons les conclusions de l'audit sur les grands projets d'infrastructures, projets annoncés par le précédent gouvernement mais dont les mécanismes de financement n'avaient pas été définis.

Le premier objectif de cet audit n'est pas de stopper l'investissement, mais d'apprécier l'intérêt socio-économique de chaque projet, d'évaluer les montants nécessaires et de rechercher des mécanismes de financement pérennes.

Nous saluons cette démarche. A la fin de l'année, la DATAR sera consultée sur les critères d'un développement durable et d'une desserte équilibrée du territoire. Un travail de réflexion interministérielle sera ensuite conduit. Enfin, au printemps prochain, le Parlement sera amené à arrêter les priorités de la nation.

Il s'agit également d'un budget de transition dans la mesure où le ministère va se retrouver au c_ur du grand projet de décentralisation. La région est déjà reconnue comme un chef de file pour l'organisation des transports ferroviaires.

Les réformes relatives à la décentralisation risquent de modifier sensiblement l'organisation du ministère : ses directions départementales de l'équipement sont un outil très performant pour assurer l'entretien du réseau routier, service public de proximité par excellence. Les DDE devront évoluer, à l'issue des réflexions en cours sur une nouvelle répartition de la gestion des routes nationales. Si celles-ci devaient être transférées aux départements, il ne semble pas souhaitable que leur gestion dépende de multiples autorités. Le réseau des routes nationales doit garder une cohérence et un niveau d'entretien similaire sur tout le territoire.

A ce propos, nous souhaiterions savoir comment sera mis en _uvre le droit d'option offert aux agents des DDE placés sous l'autorité fonctionnelle des présidents des conseils généraux.

Toujours à propos de décentralisation, le ministère de l'équipement et des transports peut tirer fierté de la réussite de la régionalisation des TER, qui consacre la région comme chef de file de l'organisation des transports ferroviaires. Si ce rôle est confirmé par les futures lois de décentralisation, il faudra revoir le financement de ce transfert de compétences.

Certains considèrent déjà qu'il ne pourra être assuré longtemps par le seul mécanisme de la dotation globale de décentralisation. Il faudra envisager de donner aux collectivités territoriales une part d'un impôt dont l'évolution serait plus dynamique.

Le transport fluvial, qui a été trop longtemps négligé, offre un réel potentiel en matière d'intermodalité et permettrait de tirer profit de notre façade maritime. Pouvez-vous confirmer que la dotation de VNF sera majorée pour l'année 2004 ?

Enfin, les deux fonds pour l'intermodalité créés par la loi du 3 janvier 2002 bénéficieront-ils bien des ressources qui leur ont été affectées ? Des actions concrètes d'intermodalité pourraient ainsi être menées à bien rapidement.

Moteur de la croissance et de l'emploi, ce budget, dans l'attente de grandes réformes en matière de décentralisation, est le signe d'un Etat plus volontaire en matière d'investissement public, plus efficace quant à la qualité du service rendu aux usagers, d'un Etat soucieux de donner enfin un contenu à l'intermodalité. C'est pourquoi, nous proposons à l'Assemblée de l'adopter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Michel Vaxès, rapporteur spécial de la commission des finances pour la mer - Le budget de la mer est doté pour 2003 de 1 033 millions d'euros, contre 1 021 en 2002, ce qui représente une hausse apparente de 1,16 %.

Pourtant, hors établissement national des invalides de la marine et hors personnel, les dotations baissent de 2,79 %. Les marges de man_uvre sont donc en réalité amoindries, alors qu'elles avaient déjà été réduites par les gels de crédits du 12 août 2002. Ces gels de crédits ont rendu problématique le règlement de prestations déjà effectuées et remettent en cause près de 40 % des actions programmées au deuxième semestre. Cette situation est difficilement acceptable.

Les créations d'emplois pour l'ensemble du ministère se montent à 25. Cela est révélateur de la modestie d'un budget qui concerne pourtant 5 000 kilomètres de côtes, dans un pays dont la vocation maritime mériterait d'être affirmée.

Si les crédits de paiement des dépenses en capital augmentent de 14 %, les autorisations de programme baissent de 16,65 %. Baisse due à la fin du programme « Port 2000 », mais qui aurait dû être compensée par des programmes destinés à la modernisation des ports et à la lutte contre les pollutions accidentelles. La préparation aux investissements futurs n'est pas suffisante.

La sécurité maritime se trouve parmi les priorités : ses moyens d'investissement augmenteront de 8 % en autorisations de programme et de 14 % en crédits de paiement. Toutefois, les investissements consacrés à l'entretien du système de signalisation maritime seront au mieux stabilisés. Le plan de modernisation des phares et balises est en léger recul par rapport à 2002.

Le réseau des unités littorales des affaires maritimes, assurant la surveillance en zone côtière, doit bénéficier d'ici 2006 de neuf unités nouvelles et de 91 emplois. Mais seuls 15 emplois et deux unités sont prévus dans le budget pour 2003. A ce rythme, l'objectif ne sera pas atteint en 2006.

Afin de contrôler 25 % des navires étrangers faisant escale dans les ports français, il est prévu de créer quatre emplois d'inspecteurs supplémentaires. A comparer avec les quinze recrutements qui ont eu lieu en 2001, sur seize prévus, et les vingt qui ont eu lieu en 2002 - il est vrai que la loi de finances initiale en prévoyait trente-quatre.

Le doublement des effectifs prescrit par le comité interministériel de la mer du 28 février 2000 n'est donc pas réalisé. Il n'aurait d'ailleurs sans doute pas permis de réaliser l'objectif de 25 % de contrôles. Il faudrait être beaucoup plus audacieux dans ce domaine, et le naufrage la nuit dernière d'une navire panaméen montre l'urgence. La sécurité maritime passe également par la modernisation des centres régionaux opérationnels de sauvetage et de surveillance. Un programme d'investissement de 36,4 millions a déjà été établi. Une tranche de 6,3 millions est prévue, en autorisations de programme pour 2003, mais les crédits de paiement sont en baisse de 34,4 %. On peut dès lors douter qu'il s'agisse réellement d'une priorité.

En ce qui concerne la sécurité et la modernisation portuaires sept postes d'officiers de port et officiers de port adjoints doivent être créés, conformément aux décisions du comité interministériel de la mer de février 2000. Toutefois, les incertitudes liée à l'évolution du statut des ports ne sont pas levées. Profitant de la décentralisation, l'Etat pourrait « réduire sa voilure » et laisser à d'autres la charge de la sécurité dans les ports. Cela n'est pas fait pour nous rassurer.

L'effort d'investissement consenti pour moderniser le port du Havre est justifié. Je regrette cependant qu'il n'en aille pas de même pour d'autres ports, notamment le port autonome de Marseille, sévèrement concurrencé.

S'agissant de la sécurité, la transposition de la directive sur l'accès au marché des services portuaires aurait des conséquences. La France a obtenu que, par dérogation, un prestataire unique puisse continuer à assurer le pilotage, pour des raisons de sécurité. Mais il faudra les justifier et il n'est pas sûr que Bruxelles les accepte toujours. Il faudrait demander avec force que le lamanage et le remorquage bénéficient des mêmes conditions.

La formation est une priorité de ce budget. Dix emplois sont créés dans les lycées maritimes et aquacoles, mais par transformation de quatre emplois de contrôleur des affaires maritimes et de six emplois de syndic des gens de mer. Quant à l'augmentation de 44 % des subventions à l'enseignement maritime, elle est destinée spécifiquement à permettre la reprise des activités de l'AGEMA, association gérant la formation maritime par les services de l'Etat. Mais compte tenu d'une diminution de 1,35 million d'euros des crédits pour l'enseignement public secondaire, au total les crédits de l'enseignement maritime baissent. Dans le même temps, la dotation aux établissements privés agréés augmente de 13 %. Je n'en conteste pas la nécessité, mais cette hausse ne doit pas se faire au détriment du public. En revanche, nous nous félicitons de l'augmentation de 17,7 % de la subvention de fonctionnement des écoles nationales de la marine marchande.

Pour la protection du littoral, les subventions d'investissement augmentent de 55 % en AP, essentiellement pour rétablir le caractère maritime de la baie du Mont-Saint-Michel, mais elles diminuent de 16,38 % en CP. Pourtant les crédits d'investissement pour lutter contre la pollution accidentelle augmentent de 42 %. On ne distingue guère de politique cohérente dans ce domaine.

Les crédits destinés à la flotte de commerce progressent de 3,8 %. A terme la nouvelle taxe au tonnage coûtera 7 millions d'euros à l'Etat, sans contrepartie des armateurs, et ses effets néfastes sur le plan social ont été soulignés en Grande-Bretagne. En revanche, le cabotage, reconnu comme une priorité, ne bénéficie que d'un million d'euros.

Sur le plan social, ne sont financées que des mesures minimes comme le dispositif de cessation anticipée d'activité, analogue à celui prévu pour les victimes de l'amiante, pour les marins atteints de maladies professionnelles. Mais s'agissant du soutien à l'emploi, seul le nombre de contrats de qualification conclu en 2002 augmente, tandis que le nombre de contrats initiative emploi baisse de 37 % et celui des bénéficiaires d'aides à l'embauche de 10 %.

Enfin, l'aide d'urgence de 300 000 euros pour soutenir les associations et effectuer les avances sur salaires aux marins abandonnés dans les ports français est simplement reconduite en attendant la mise en place d'un système international, alors qu'elle est clairement insuffisante.

Malgré ces réserves, contre l'avis de son rapporteur, la commission des finances a adopté ces crédits.

M. Jean-Yves Besselat rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour la mer - Avant d'entrer dans le vif du sujet, je voudrais rappeler trois points fondamentaux.

Il s'agit d'abord d'un budget de transition. Nous ne disposons guère de marges de man_uvre, puisque nous n'avons pas trouvé les finances publiques en bon état, c'est le moins qu'on puisse dire. Mais c'est néanmoins la première étape d'une véritable politique de la filière maritime, qui va s'inscrire dans la durée, sous la direction de Gilles de Robien et de Dominique Bussereau.

En second lieu, la mondialisation passe par la croissance du commerce maritime, qui assure 90 % des échanges mondiaux. Une véritable politique de la mer est donc essentielle pour notre avenir économique et pour l'emploi.

En troisième lieu, grâce à la zone des 200 milles nautiques autour des DOM-TOM, la France, avec 11 millions de km², dispose de la troisième superficie maritime du monde, ce qui implique des responsabilités et une stratégie de développement de la filière maritime.

Avec 1 044 millions d'euros, les crédits consacrés à la filière en 2003 connaissent une croissance significative de 4,5 %. Les trois priorités sont de renforcer la sécurité des ports maritimes et des infrastructures portuaires, de renforcer la compétitivité de notre flotte de commerce et de protéger notre littoral.

Pour renforcer la sécurité, un des moyens essentiels est de mieux contrôler les navires étrangers. Avec la création de quatre emplois d'inspecteur après les efforts accomplis en 2001 et 2002, nous parviendrons début 2004 aux 54 emplois supplémentaires qu'il avait été décidé de créer il y a deux ans. De plus, de jeunes retraités de la marine, très compétents, complèteront le dispositif de contrôle. Un effort est fait pour améliorer le niveau technologique des CROSS, moderniser les phares et balises et des crédits sont inscrits pour deux unités du littoral supplémentaires des affaires maritimes et pour un nouveau patrouilleur.

La poursuite de l'effort engagé aboutit à la création de 30 postes d'officiers de port en trois ans. D'autre part, la qualité des équipements portuaires contribue à la sécurité. Port 2000, avec son accès en eau profonde, ses moyens modernes de surveillance, est un excellent investissement économique et pour la sécurité. En 2003, le quai des Flandres à Dunkerque sera prolongé et, puisque l'on nous dit que nous oublions Marseille, je signale les investissements pour le dragage et l'approfondissement du port à conteneurs de Fos-sur-Mer, de même que l'allongement d'un quai à Toulon et la réalisation d'un terminal de croisière à Ajaccio. En dotant nos ports de moyens modernes, nous les rendons aussi plus sûrs.

Mais les ports ont besoin de leur arrière-pays. Or nous avons pris du retard, notamment pour les liaisons ferrées, en raison de l'absence de politique commerciale de la SNCF depuis 20 ans, mais aussi d'équipements. RFF investit maintenant ; il est temps de combler le retard accumulé. Le rapport Haenel-Gerbaud nous permettra de faire des choix stratégiques dans le cadre d'un aménagement du territoire bien compris, et pour raccorder nos ports à des zones de chalandise qui se situent de plus en plus vers le centre et l'est de l'Europe.

Pour améliorer la compétitivité de la flotte, le remboursement de la taxe professionnelle aux armateurs est remplacé par un dégrèvement automatique. En revanche, le remboursement des charges sociales autres que celles liées à l'ENIM, prévu dans le budget 2003, est décalé d'une année. Les entreprises en sont marries. Un effort supplémentaire permettrait de répondre à leur attente, tout en respectant la parole de l'Etat, et je sais que vous y êtes attachés, même si, faute de prévoyance, les moyens ne sont pas là.

Enfin, deux dispositifs essentiels pour l'avenir de notre flotte : tout d'abord, le maintien des groupements d'intérêt économique - GIE - fiscaux, mis en place en 1998, dont il conviendrait d'étendre le bénéfice aux pétroliers. Ensuite, la taxe au tonnage, dispositif essentiel : 70 % des armateurs mondiaux en bénéficient, ce qui leur assure une lisibilité lorsqu'ils investissent. La mise en place de cette mesure nous met à armes égales avec l'ensemble des armateurs mondiaux. Ce n'est pas un cadeau, mais une mesure de politique économique qui permettrait d'améliorer la situation de la filière maritime, largement dégradée depuis une vingtaine d'années, tant en termes d'effectifs que d'équipements.

Il est temps de prendre des mesures tonifiantes, pour développer le nombre de navires sous pavillon national, et le nombre de marins français.

Un dernier point concerne la protection du littoral. La politique maritime de la France recouvre le développement de la filière maritime et des ports, mais doit aussi inclure une réflexion sur la construction navale, l'outre-mer, l'équilibre de notre littoral et la pêche.

Ce budget 2003 permet une étape vers une vraie définition de la politique maritime en France : je demande à l'Assemblée de l'adopter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Charles de Courson, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les transports aériens - Si l'on additionne les 1,5 milliard du budget annexe de l'aviation civile, les 70 millions d'euros du FIATA, les 300 millions de crédits de paiement pour les programmes aéronautiques et les 186 millions consacrés à la météorologie, ce sont plus de 2 milliards qui seront consacrés en 2003 aux transports aériens.

Si notre budget traduit une volonté politique équilibrée, je voudrais évoquer certains problèmes concernant tant le projet de budget lui-même que le contexte dans lequel évolue le secteur des transports aériens.

Tout d'abord, la fragilité des hypothèses retenues pour les recettes du budget annexe.

Dans votre projet, le produit de la taxe de l'aviation civile baisse de 3,8 %. Dans la mesure où les tarifs unitaires de la taxe seront maintenus à leur niveau de 2002, la diminution du produit attendu de la taxe affectée au budget annexe - 224 millions d'euros - tient compte des baisses du trafic 2001/2002.

Ce produit est-il bien évalué ? L'estimation des recettes inscrites en loi de finances initiale pour 2002 était de 223 millions d'euros, alors que les estimations actuelles tablent sur une recette d'environ 205 millions d'euros, voire moins !

D'autre part, les redevances de navigation aérienne progressent de 6,7 % dans le projet de loi de finances, mais une incertitude pèse sur les choix qui seront opérés, dans la mesure où les taux définitifs de ces redevances ne seront fixés que fin octobre 2002. Quels sont donc les taux prévisionnels d'augmentation de ces redevances ? Ceux-ci ont été débattus au sein d'Eurocontrol, et certains pays européens s'orientent vers des augmentations de 10 %, voire 20 % par rapport à 2002. Qu'en est-il de la France ?

Ensuite, le coût croissant des mesures de sûreté.

Dans un contexte de pression fiscale déjà forte, l'explosion des coûts de la sûreté après le 11 septembre 2001 est excessive, et ne fait qu'illusion. L'ensemble du financement de ces mesures devrait être repensé pour deux raisons.

Tout d'abord, le rapport coût-efficacité n'apparaît pas satisfaisant.

Les mesures dites de « sûreté » sont coûteuses : 320 millions d'euros en 2002, dont 35 millions d'euros pour l'Etat et 285 millions d'euros pour les aéroports et 440 millions pour l'an prochain, soit un quadruplement en trois ans.

Or, il a été démontré que l'on pouvait déjouer ces systèmes de sécurité et ces nouvelles mesures n'ont servi jusqu'à présent qu'à trouver des objets métalliques standards. Ne serait-il pas plus efficace de renforcer les moyens du ministère de l'intérieur pour la surveillance du territoire et la lutte contre le terrorisme ? Sinon, jusqu'où ira-t-on ? Pourquoi ne pas procéder à une fouille au corps systématique des passagers ?

L'accumulation des normes handicape le secteur du transport aérien sans garantir la sûreté aéroportuaire. Certes, on cherche à rassurer les usagers. Mais attention aux effets d'annonce ! Il ne s'agit pas de susciter des exigences irréalistes.

Surtout, cette politique doit être négociée au niveau international, au risque de manquer de pertinence. A quoi bon appliquer des mesures drastiques si nos critères se montrent plus souples ? D'ailleurs, cette politique ne serait pas concurrentielle. Il convient d'engager une réflexion de fond sur le sens d'un durcissement des contraintes de sûreté, qui pèseront in fine sur le coût du transport aérien. C'est dans cet esprit que je défendrai, au moment de l'examen de l'article 71 rattaché, un amendement sur l'augmentation de la taxe d'aéroport.

Enfin, quelles mesures comptez-vous prendre pour adapter le budget annexe à la nouvelle loi organique relative aux lois de finances ? Des réflexions internes semblent en cours à la direction générale de l'aviation civile. Où en êtes-vous ? Comment associerez-vous les parlementaires à ces évolutions ?

Par ailleurs, est-il opportun de remplacer le budget annexe par une structure de type établissement public ou agence de l'aviation civile ?

Je m'interroge par ailleurs sur différentes gestions concernant le secteur des transports aériens.

Quel est, tout d'abord, le calendrier envisagé pour la privatisation d'Air France ? Le Parlement doit donner son avis sur l'évolution du statut d'une entreprise aussi emblématique.

Ensuite, quel avenir pour la compagnie Air Lib ?

Les dettes accumulées par cette compagnie auprès d'Aéroports de Paris s'élèveraient à 31,6 millions d'euros. Et il semble qu'ADP ait été tenu de provisionner à 100 % les sommes dues par Air Lib ! Le prêt de 30,5 millions d'euros, qui arrivait à échéance le 9 juillet 2002, a été renouvelé pour quatre mois supplémentaires, soit jusqu'au 9 novembre 2002. Parallèlement, un moratoire a été accordé à Air Lib. Quelles sont aujourd'hui vos intentions sur les dettes d'Air Lib et son avenir ?

D'autre part, des distorsions de concurrence handicapent le développement des compagnies low cost. La Commission européenne s'est d'ailleurs saisie du problème. Je pense, bien sûr, au gel des slots d'Air Lib à Orly, d'ailleurs symptomatique des comportements protectionnistes français. Actuellement, les low cost assurent environ 6 % du trafic passager et pourraient en assurer 20 % dans les années qui viennent. Les compagnies low cost doivent bénéficier des conditions normales de mise en concurrence, pour le plus grand bien de nos concitoyens.

Par ailleurs, quelles solutions l'Etat va-t-il mettre en _uvre pour régler le problème du coût des assurances après le 11 septembre 2001 ?

Les attentats du 11 septembre pourraient coûter jusqu'à 54 milliards de dollars. Où en sont les projets de coordination internationale en ce domaine ? Qu'en est-il des chances de réussite des projets Global time et Eurotime ? Il ne faudrait pas arriver au même résultat que dans le domaine médical, où le refus d'assurer certaines activités a mis un terme à ces dernières.

Ensuite, l'effort pour la recherche en faveur du secteur aéronautique est-il suffisant ?

A l'échelle de l'Europe, les montants investis sont moindres qu'aux Etats-Unis : moins de 10 milliards de dollars en Europe contre 50 milliards aux Etats-Unis.

Or, cela comporte le risque d'une perte de compétitivité pour les Européens. Ainsi, le gap technologique pourrait à terme effacer l'avantage de compétitivité qu'Airbus détient actuellement sur Boeing. Or, le taux de recherche et développement à la charge d'Airbus est de 10 % du chiffre d'affaires contre 3 % pour Boeing et les contrats militaires représentent 40 % du chiffre d'affaires de ce groupe contre 20 % pour le groupe EADS.

Enfin, la concurrence des autres modes de transport, et notamment du TGV, est-elle vraiment loyale ? Si les transports aériens sont handicapés par une lourde fiscalité, d'autres modes de transport semblent bénéficier d'une situation bien plus avantageuse, en particulier le rail !

Très peu de lignes TGV seraient rentables sans l'aide de l'Etat, d'autant qu'il faut également prendre en considération la subvention de l'Etat à la caisse de retraite de la SNCF. On ne peut donc que regretter l'inégalité de traitement entre les transports ferroviaire et aérien. Le Gouvernement a à assurer un minimum d'égalité entre modes de transport concurrentiels. Or, si le budget de l'Etat assure l'infrastructure et l'entretien ferroviaire ainsi que le réseau routier national, il revient, en dehors de la construction des aéroports, aux compagnies aériennes et aux passagers d'assurer l'entretien des infrastructures et les dépenses de sécurité.

Voilà, Messieurs les ministres, les points sur lesquels j'aimerais que vous nous apportiez des précisions. La commission des finances est favorable à l'adoption des crédits des transports aériens (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

Mme Odile Saugues, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques pour les transports aériens - Le budget annexe de l'aviation civile est établi pour 2003 à 1 426 millions d'euros, soit une augmentation de 5 à 6 %. Les crédits de paiement connaissent, eux, une baisse de 0,2 %. Alimenté par le produit des redevances de navigation aérienne acquittées par les compagnies et par les taxes de l'aviation civile supportées par les passagers, le budget de l'aviation civile dépend de l'activité économique de ce secteur. Les événements du 11 septembre, aux Etats-Unis, ont perturbé le secteur aérien mondial, déjà fragilisé par le ralentissement de la croissance américaine. Je rappelle le dépôt de bilan de la compagnie Midway, les suppressions massives d'emplois à American Airlines, sans oublier US Airways qui s'est placée sous la protection du chapitre 11 de la loi sur les faillites, la disparition ou les difficultés d'autres compagnies.

Les premiers résultats de l'année 2002 ne font pas état d'une reprise, quelle que soit l'échelle géographique examinée. Je regrette donc qu'une subvention d'équilibre du budget général n'ait pas été, à titre exceptionnel, accordée au budget annexe de l'aviation civile ; elle aurait permis d'augmenter l'enveloppe affectée aux investissements sans peser sur les résultats des compagnies.

Le projet de budget pour 2003 prévoit donc un produit de 1 129 millions d'euros pour les redevances de navigation aérienne, soit une augmentation de 6,7 % par rapport aux recettes évaluées pour 2002. Le transport aérien renouera à brève ou moyenne échéance avec la croissance, mais nous devons rester extrêmement prudents - l'actualité nous le rappelle, avec les attentats de Bali et le risque de guerre en Irak.

Dans ce contexte, je crains que les prévisions retenues ne soient quelque peu optimistes.

Les tarifs de la taxe de l'aviation civile sont maintenus à leur niveau de 2002.

Les dépenses de fonctionnement progressent de 3,5 % avec un montant de 1 376,3 millions d'euros. Cette augmentation reste insuffisante.

Le projet de budget 2002 avait été préparé avant les événements du 11 septembre 2001 ; le présent projet de budget pouvait, devait prendre toute la mesure de ces événements. Le Gouvernement ne peut plus laisser peser la charge du renforcement de la sûreté aérienne sur les compagnies et les gestionnaires d'aéroport, alors que la sûreté est une des missions régaliennes de l'Etat.

Je ne ferai que quelques remarques à propos des dépenses d'investissement. Je regrette le montant bien faible des crédits consacrés aux études et recherches en 2003 - 10 millions d'euros - et la baisse sensible des autorisations des investissements concernant le contrôle technique.

L'ensemble des dépenses du fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien sera en baisse en 2003 de plus de 30 % par rapport à l'exercice précédent, tandis que les autorisations de programme et les crédits de paiement sont réduits de moitié ! Alors que, depuis le 1er janvier 2000, le FIATA a pris en charge les dépenses directes de l'Etat en matière de sûreté, c'est là un choix tout à fait étonnant de la part d'un Gouvernement qui prétend faire de la sécurité la priorité des priorités... Dans le budget 2002, les crédits affectés au FIATA avaient augmenté de 52 %.

Enfin, les crédits affectés à la construction aéronautique civile destinés à aider les entreprises du secteur à se développer et à maîtriser les technologies du futur connaîtront une augmentation de 12 % pour les crédits de paiement, mais une baisse de 20 % pour les autorisations de programme.

Ce projet de budget ne peut être déconnecté d'annonces gouvernementales majeures ; remise en cause du troisième aéroport international pour des raisons géopolitiques évidentes ; annonce, pour des raisons strictement idéologiques, de la privatisation d'Air France.

Certes, sur ce second dossier, le Gouvernement a quelque peu corrigé le tir, et la précipitation estivale n'est plus de mise... On peut néanmoins regretter que le ministre de l'économie et des finances n'ait pas observé de plus près l'état du transport aérien dans le monde avant de lancer cette proposition, sans la moindre concertation avec les personnels et leurs représentants.

Au cours de l'exercice 2001-2002, Air France a mieux résisté que la plupart de ses concurrents à la crise générale du transport aérien. La politique mise en _uvre après le 11 septembre, le plan « d'adaptation conjoncturelle », les atouts de la compagnie que sont le hub de Roissy-Charles-de-Gaulle, l'alliance Skyteam et un réseau équilibré, ont permis au groupe un résultat net positif. Au sein de l'association des compagnies européennes, la part de marché d'Air France sur les routes internationales a progressé de 1,5 point par rapport à l'année précédente, pour atteindre 16,9 %.

Par ailleurs, l'alliance Skyteam poursuit son développement, avec l'entrée d'Alitalia en juillet 2001 aux côtés d'Air France, de Delta Airlines, de Korean Air, d'Aeromexico et de CSA. Après avoir accordé en janvier 2002 l'immunité antitrust aux compagnies de l'alliance sur les liaisons transatlantiques, les Etats-Unis viennent de faire de même sur les liaisons transpacifiques en juin dernier. Ainsi, les compagnies de Skyteam peuvent enfin coordonner leurs programmes et leurs conditions commerciales sur ces liaisons.

Malgré ces réussites indéniables, chacun a en mémoire les variations extrêmement brutales du cours de l'action Air France et celles, non moins spectaculaires, des prix du pétrole ainsi que les surcoûts en matière d'assurances : au cours de l'exercice 2001-2002, le coût des assurances pour le groupe Air France a atteint 85 millions d'euros contre 40 millions un an auparavant. L'augmentation des assurances a représenté à elle seule 19 % de la marge d'exploitation dégagée par l'entreprise !

L'heure n'est pas aux choix dogmatiques, mais au soutien sans faille à la compagnie qui traverse une zone de turbulences inédite.

Un mot sur la remise en cause du site de Chaulnes par le Gouvernement. Sans évoquer ici la démarche de la mission parlementaire chargée de mener de nouvelles réflexions sur la politique aéroportuaire et sur la construction d'un troisième aéroport international, je rends hommage à l'énorme travail conduit par la mission DUCSAI : 300 heures de débat, 12 réunions publiques décentralisées, à Orléans, Lyon, Châlons-en-Champagne ou Amiens ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Cette méthode de concertation publique, lancée par le précédent gouvernement et saluée par tous - y compris par M. le maire d'Amiens - répond incontestablement à la volonté exprimée par nos concitoyens de participer plus étroitement aux décisions qui marquent notre territoire et notre vie quotidienne.

A l'heure où, sur tous les bancs de cet hémicycle, nous cherchons à enrayer la désaffection envers les politiques et à répondre au manque de civisme, je regrette que cette expérience sans précédent, n'ait pas été traitée avec plus de considération.

Le transport aérien, très vulnérable aujourd'hui, ne devrait pas être soumis à des aléas politiques ; les premières annonces gouvernementales ont été ressenties comme des provocations, ou à tout le moins comme des maladresses.

Pour l'ensemble de ces raisons, j'ai proposé à la commission des affaires économiques de repousser les crédits du budget annexe de l'aviation civile qui nous étaient présentés. Je ne vous surprendrai pas en vous indiquant que la commission a néanmoins approuvé ces crédits.

M. Michel Bouvard - En intervenant au nom du groupe UMP sur ce premier budget de l'équipement, des transports et de l'aviation civile - budget en progression de 0,66 % -, je ne peux faire abstraction de la période écoulée, qui pèse sur les choix actuels.

Si les annonces du précédent ministre étaient satisfaisantes, la pratique budgétaire ne leur correspondait guère, aboutissant à un budget virtuel échappant au contrôle parlementaire.

Il est urgent de rompre avec trois pratiques. La première est relative à la gestion des personnels. Les emplois totaux excédant les emplois budgétaires, la Cour des comptes notait que la gestion des postes devait être plus transparente, pour ce qui est des postes budgétaires créés ainsi que des vacances de postes trop souvent observées sur le terrain et dans les subdivisions de l'équipement - comme dans le service des parcs ou dans les bureaux d'étude. La baisse de qualité du service qui en résulte est préjudiciable à l'activité économique et au citoyen.

L'objectif affiché de réduire de 750 les 2 500 emplois vacants constatés à ce jour, pour le ramener à 1 750 fin 2003 nous paraît loin du souhaitable.

Nous espérons beaucoup dans la mise en _uvre des nouvelles dispositions de la loi organique sur les lois de finances. Que le Parlement exerce vraiment son droit de contrôle !

Il convient de rompre, également, avec les engagements irréguliers en matière d'investissement, allant au-delà de l'autorisation budgétaire en ce qui concerne les dépenses futures. Selon la Cour des comptes, ces engagements se rangent en deux catégories : les engagements fermes de l'Etat sans crédit, et les engagements potentiels au-delà des autorisations de programme. Avec cette dernière pratique, notamment pour les routes, on finit par aboutir à des avances équivalant à 2,5 années de fonds de concours du titre V.

Il convient de rompre, enfin avec le laisser-aller de la dette, en particulier ferroviaire. Le volume est passé, pour le paquet RFF, SNCF, service auxiliaire de la dette, de 35,448 milliards d'euros fin 1997 à 39,922 milliards d'euros fin 2001.

Nous souscrivons à la réorientation du budget vers l'investissement, à l'amplification des moyens consacrés à la sécurité - l'investissement public est aussi un moteur de croissance. Les crédits d'investissement routiers s'établissent à 621 millions d'euros ; l'effort engagé par Bernard Pons en 1997, accru à partir de 2000, se poursuit pour les ouvrages d'art et la mise en sécurité des tunnels, passant de 87,66 millions d'euros à 89,57 millions. Les crédits de paiement du domaine routier consacrés aux nouveaux investissements progressent fortement, permettant d'atteindre 52 % des objectifs du contrat de plan à la fin de 2003.

Dans le domaine ferroviaire, les investissements progressent de 9 % en AP pour assurer les engagements pris - entre autres pour la construction du TGV-Est. La contribution de l'Etat au financement des infrastructures et à la charge de la dette ferroviaire devrait s'établir à 2,3 milliards d'euros.

Nous soutenons l'augmentation des budgets consacrés à la sécurité routière, aérienne et maritime.

Ce budget est également marqué par le transfert des crédits de la régionalisation des services voyageurs - engagé avec succès par Bernard Pons - vers le budget de l'intérieur. Notre groupe regrette cependant la faiblesse des crédits en faveur du transport combiné. Ces crédits, qui avaient été fortement réduits au cours des derniers exercices ont, de plus, été gelés en totalité, en 2002, pour ce qui concerne le chapitre 45-41. L'enveloppe de 35 millions, prévue pour 2003, devait être répartie entre la SNCF et les autres opérateurs. Nous serons donc très attentifs au sort qui sera réservé au fonds pour le développement de l'intermodalité dans les transports et au fonds pour le développement d'une politique intermodale dans le massif alpin.

Le groupe UMP est convaincu que le développement de la France sera en grande partie conditionné par la qualité de ses infrastructures de transport, élément d'attractivité du territoire aussi fort que la politique fiscale, et dont dépend, aussi, la qualité de vie de nos concitoyens. Mais nous savons que les possibilités d'investissements sont limitées par le poids de la dette de l'Etat et de ses charges de fonctionnement, qui n'ont cessé de croître au cours de la précédente législature.

Vous avez annoncé un audit sur le financement des infrastructures, suivi d'un débat au Parlement. Nous souhaitons, Monsieur le ministre, que la recherche de financement soit audacieuse. Le précédent gouvernement a toujours refusé le recours aux ressources de la Caisse des dépôts et consignations, en arguant du risque de déséquilibre du logement social. Je maintiens que cette voie doit être explorée pour le financement d'infrastructures amortissables à long terme.

Nous souhaitons d'autre part connaître les intentions du Gouvernement quant au devenir du réseau autoroutier, après l'ouverture en catastrophe du capital d'ASF par le gouvernement Jospin. Quel sera désormais l'avenir des participations de l'Etat dans cette entreprise rentable ? Il est évident que la privatisation de nouvelles sociétés assécherait la manne. On ne peut, comme l'a fait le gouvernement Jospin, jouer sur deux tableaux : annoncer des dividendes, et vendre les actifs ! Dois-je rappeler que M. Gayssot a annoncé, ici-même, qu'un tiers du produit de la vente ASF serait affecté au ferroutage, et que 5 milliards iraient au développement de l'intermodalité et du ferroutage en Rhône-Alpes ? Qu'est-il advenu ? Cinq mois plus tard, le même ministre se plaignait, dans une lettre adressée à son collègue des finances, que 300 millions seulement aient été affectés à l'intermodalité, et que 450 millions manquaient à l'appel !

Vous comprendrez que l'on puisse s'interroger ! L'Etat peut consacrer le produit de la vente d'ASF au désendettement des sociétés ferroviaires ou consacrer les dividendes qu'il tire des sociétés d'autoroute au développement de l'intermodalité. Un choix doit donc être fait : quel sera-t-il ?

S'agissant enfin des infrastructures d'intérêt européen - les lignes Lyon-Turin et Montpellier-Figueras - ne pourrait-on envisager une participation européenne différenciée selon les coûts ? Je souhaite, à ce sujet, rappeler l'attente des populations alpines, française et italienne, qui demandent avec insistance que le flux des poids lourds soit rééquilibré et qui veulent aussi que le calendrier de la réalisation de l'ouvrage soit strictement respecté. Il faudrait, pour cela, que le protocole d'intention signé avec les collectivités de la région Rhône-Alpes sur le financement de la première tranche des travaux soit suivi d'effet.

Le groupe UMP soutiendra ce budget qui marque le retour à la sincérité et à l'efficacité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Odile Saugues - Ce projet de budget témoigne, à première vue, d'une certaine stabilité.

Je ne m'appesantirai pas sur la diminution des crédits consacrés aux transports terrestres et à la sécurité routière : elle s'explique par le fait que la dotation aux transports de voyageurs à courte distance est désormais portée au budget du ministère de l'intérieur. M. Sarkozy se garde bien de rappeler ce transfert qui, pourtant, participe grandement à l'augmentation du budget de son ministère et à son spectaculaire effet d'affichage !

Mais au-delà de l'apparente stabilité globale, ce projet traduit certains choix politiques.

Considérons tout d'abord la politique de l'emploi. Le gouvernement précédent avait stabilisé les effectifs du ministère de l'équipement, et une légère croissance s'était même esquissée en fin de législature. Vous mettez fin à cette orientation. Ce n'est pas vraiment une surprise. Ce qui est plus étonnant, c'est que la plupart des emplois budgétaires supprimés concernent les services déconcentrés.

Je note par ailleurs que les moyens de fonctionnement des DDE baisseront de 3,8 %. C'est un vrai sujet d'inquiétude, au moment où le Gouvernement dit se préoccuper de l'avenir de nos régions et de nos départements. Ce désengagement de l'Etat ne sera pas sans conséquence sur la qualité du service.

Vous supprimez également 21 postes de contrôleurs des transports terrestres. C'est un choix tout à fait étonnant ! Tous les professionnels du transport routier nous disent pourtant qu'il faut lutter contre le dumping social qui menace nos entreprises et qui accroît l'insécurité routière ! Vous le savez : le non-respect des temps de pause est l'une des causes des accidents dus aux poids lourds. La suppression de ces postes n'est pas compatible avec la volonté louable du Gouvernement de lutter contre la violence routière.

Enfin, vous envisagez de créer 72 postes d'inspecteurs de 3ème classe des services du permis de conduire, mais vous omettez de préciser que votre projet prévoit la suppression de 61 postes d'inspecteurs toutes classes confondues. On peut se demander si le transfert aux DDE de la gestion des inspecteurs du permis de conduire s'opérera dans les meilleures conditions possibles...

J'en viens aux transports collectifs, pour saluer, tout d'abord, l'augmentation de plus de 6 % des crédits en faveur des transports collectifs en Ile-de-France, ce qui est conforme aux engagements contractualisés de l'Etat.

En revanche, je tiens à relayer l'inquiétude de très nombreux élus locaux, qui redoutent les conséquences de la chute brutale des investissements de l'Etat dans les plans de déplacements urbains et les actions d'amélioration des transports collectifs. Les seuls crédits de paiement enregistreront en 2003 une baisse de 27,9 %, qui n'est nullement compensée par l'augmentation des subventions pour la réalisation de quatre projets d'infrastructures de transports collectifs en site propre !

Cette remise en cause du financement des PDU entravera sérieusement les initiatives des élus locaux visant à diminuer la place de la voiture en ville.

Pourtant, les exemples de Grenoble, Nantes et Strasbourg montrent que dix ou quinze ans d'effort constant sont nécessaires pour obtenir des résultats probants. Comment cette réduction massive de crédits va-t-elle se traduire pour les 43 PDU déjà approuvés, les six PDU qui sont en phase de validation et les onze en cours d'élaboration ?

On aurait aimé que les grands discours prononcés à Johannesburg sur la lutte contre l'effet de serre soient entendus aussi à Bercy et qu'on ne remette pas en cause un dispositif essentiel, défini par la loi sur l'air que vous avez votée, et conforté par la loi SRU que nous avons approuvée !

Le débat devrait aussi permettre au Gouvernement de nous expliquer ses choix en matière d'infrastructures.

Deux indications ont aiguisé ma curiosité. La première concerne la baisse de 25 millions, de la contribution aux charges d'infrastructures ferroviaires versée à RFF, au titre de « l'optimisation de la gestion ». On aimerait en savoir davantage... Le flou de la formule ne cache-t-il pas des intentions inavouées ?

Et puis il y a le transport fluvial. Sur ce point, mon incompréhension est totale. Seule, une lecture attentive du dossier d'information que vous nous avez fait parvenir permet de trouver une allusion au tourisme fluvial et à l'état du réseau.

On comprend mieux ce silence à la lecture du projet, puisque la subvention à Voies navigables de France baisse de 26,2 % !

Vos déclarations avaient pourtant fait naître un espoir certain, en particulier lorsque vous avez affirmé « l'importance de la voie d'eau pour développer une offre alternative des transports ». Et n'avez-vous pas dit à propos du transport fluvial : « J'étais croyant, il me reste à devenir pratiquant » ? Le groupe socialiste croit à ce qu'il voit. En la matière, vous ne nous donnez pas grand-chose à voir ! (Sourires)

En fait, la baisse de la contribution versée à RFF et la baisse de la subvention à VNF me conduisent à penser que le Gouvernement, qui a commandité un audit sur les infrastructures pour la fin de l'année, n'a pas attendu ses conclusions pour faire ses choix. Tout dans ce projet, semble indiquer que les jeux sont déjà faits !

Je ne dirai qu'un mot sur le budget de l'aviation civile, en y associant mes collègues socialistes et communiste du Puy-de-Dôme : à l'heure où s'engage un grand débat sur la décentralisation, nous nous inquiétons que, du fait de l'interprétation de règles communautaires, les lignes qui transitent par un hub ne soient pas éligibles au FIATA. Or, ces plates-formes sont essentielles pour nos régions. Pourtant cet été, plusieurs lignes jugées peu rentables ont été supprimées, et d'autres sont en sursis.

Par ailleurs, les perspectives de privatisation d'Air France risquent de se traduire par une menace plus forte encore pour les lignes commercialement peu intéressantes.

Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour éviter un « déménagement du territoire », amorcé par certaines pratiques commerciales des compagnies aériennes ? Ne faut-il pas revoir les critères d'éligibilité au FIATA ? Enfin, la diminution de moitié des dépenses d'investissements de ce fonds pour 2003 ne risque-t-elle pas d'entraver la volonté des collectivités territoriales et le développement de nos régions ?

Le groupe socialiste ne votera pas ce projet de budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Maurice Leroy - Le groupe UDF salue l'action entreprise depuis que vous êtes à la tête du ministère de l'équipement et des transports. Vous avez pris les dossiers à bras le corps avec la détermination, le sérieux et la sérénité que nous vous connaissons, Monsieur le ministre.

S'agissant de la sécurité routière, on en a enfin fini avec les incantations et les pathétiques effets de manche. S'agissant des grands projets d'équipement, vous avez su rassembler pour conduire des actions concertées et plus rationnelles. Par votre langage simple et clair, vous donnez un nouvel élan à ce ministère : l'UDF s'en félicite. Vous le savez, vous pouvez compter sur notre soutien.

La sécurité routière est, à juste titre, l'un des trois grands chantiers du Président de la République... On l'oublie trop souvent : 8 000 morts par an, c'est trois fois chaque année, le nombre des victimes du 11 septembre ! Cela ne peut pas être traité avec désinvolture, en se demandant si oui ou non, le cannabis est dangereux au volant et si, oui ou non, les infractions routières peuvent être amnistiées.

Une politique de sécurité routière crédible exige avant tout que l'on fasse respecter les règles de sécurité existantes. L'amélioration de la chaîne de contrôle et de sanction est de ce point de vue indispensable, mais cela demandera des moyens humains et financiers. Le présent budget en prévoit, puisque les crédits consacrés à la sécurité routière augmentent de 20 % et que 72 emplois d'inspecteurs du permis de conduire sont créés. Je me félicite, d'autre part, qu'un récent décret ait étendu les pouvoirs des adjoints de sécurité et des policiers municipaux en les habilitant à verbaliser certaines infractions au code de la route. Cela permettra un contrôle plus efficace car plus près du terrain.

Dans le cadre de la décentralisation, ne pourrait-on pas doter les départements de pouvoirs propres en matière de sécurité routière ? Il s'agit en effet d'un domaine où un chiffre terrible leur confère une indiscutable légitimité : 75 % des victimes de la route sont des victimes locales, piétons ou occupants d'un véhicule immatriculé dans le département. Je pense donc que des conseils départementaux de prévention pourraient par exemple mettre en place un système de mesure et de suivi des principaux paramètres d'accidents. Autres mesures possibles : encadrer les premières années de conduite, assurer la prévention auprès des conducteurs âgés, accélérer la sécurisation des infrastructures... Tout ce qui peut nous aider à lutter contre l'inacceptable - 8 000 morts chaque année et des milliers de familles brisées - doit être encouragé.

Je tiens à saluer, Monsieur le ministre, vos efforts budgétaires en faveur des investissements dans les infrastructures. C'est indispensable à un aménagement équilibré de notre territoire, mais c'est aussi un devoir vis-à-vis de nos partenaires européens.

J'observe que les dividendes autoroutiers ont servi notamment à financer la subvention d'équilibre nécessaire à la concession de l'A28 entre Rouen et Alençon. A l'heure de l'audit sur les infrastructures que vous avez lancé, cela me conduit à m'interroger sur le lien entre financement des infrastructures et revenus tirés de la possession par l'Etat des sociétés d'autoroutes. Pourriez-vous apporter à la représentation nationale quelques précisions à ce sujet ?

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. Maurice Leroy - Le groupe UDF s'inquiète des résultats catastrophiques du fret, qui est en recul de 1,3 % pour le premier semestre par rapport à la même période l'an passé, alors que la SNCF avait programmé une hausse de plus de 3 %... Nous sommes très loin du mot d'ordre lancé par M. Gayssot d'un doublement du fret en dix ans ! Cela nous préoccupe d'autant plus que la Commission européenne envisage, dans son projet de deuxième « paquet ferroviaire », d'ouvrir à la concurrence l'ensemble des trafics de fret. Dans ce contexte, comment le Gouvernement voit-il l'avenir du fret ferroviaire ? Et quelles sont les initiatives qu'il compte prendre pour développer les modes de transport non polluants ?

Je terminerai par une question locale mais néanmoins importante. Entre Chartres et Tours, la RN 10 connaît un trafic très dense et avec toujours plus de poids lourds, ce qui conduit à une grave insécurité routière pour les trois départements concernés. Que comptez-vous faire pour que le dossier avance ?

En conclusion, Monsieur le ministre, le groupe UDF vous félicite d'avoir su, en cette période de forte contrainte budgétaire, proposer un budget en hausse pour le ministère de « la qualité de la vie », comme vous l'avez vous-même qualifié. Les Français vous en sauront gré et le groupe UDF, attentif à leurs préoccupations, vous apporte son soutien total (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Gilbert Biessy - Le présent budget revêt un caractère primordial pour l'emploi, la cohésion sociale et l'aménagement quotidien du territoire, c'est-à-dire finalement pour la qualité de la vie de nos concitoyens. Les priorités que vous affichez, Monsieur le ministre, à savoir la sécurité, le développement durable, la cohésion sociale et le soutien à l'activité économique, semblent en prendre la mesure.

S'agissant de la sécurité routière, les premiers mois du nouveau gouvernement ont été marqués par des déclarations spectaculaires de la part de l'exécutif, qui s'est assigné à la fois une obligation de moyens et une obligation de résultats. Les crédits progressent donc de 19 % en moyens de paiement et de 10,4 % en moyens d'engagement. Nous nous en félicitons, mais il convient toutefois de rappeler que ces crédits représentent moins de 0,5 % du budget de votre ministère. Je ne vous le reproche pas, Monsieur le ministre, mais ramenons les choses à leur juste proportion.

Pour ce qui est des résultats, nous verrons. Nous savons en effet que l'amélioration de la sécurité routière vous obligera à affronter des lobbies très puissants. Nous ne nous livrons à aucun procès d'intention. Nous vous souhaitons simplement bon courage et serons juges de la sincérité de votre engagement. Rendez-vous l'année prochaine, Monsieur le ministre.

Cela dit, d'autres volets de votre budget nous inspirent quelque inquiétude.

Premier motif d'inquiétude : l'emploi. Renouant avec une ancienne tradition, que Jean-Claude Gayssot avait courageusement interrompue, vous supprimez près de 800 emplois fonctionnels du ministère. A laquelle de vos priorités reliez-vous cette mesure, Monsieur le ministre ? Au développement durable ? Au soutien à l'activité économique ? A la cohésion sociale ?

Vous dites que les gouvernements précédents ont supprimé près de 10 000 emplois. C'est exact, à l'exception notable du dernier gouvernement, mais vous ne pouvez prétendre que cela ne s'est pas soldé par une dégradation du service. Demandez donc à vos amis de la montagne et de la campagne ce qu'ils en pensent ! Pour ma part, j'entends encore M. Michel Bouvard protester contre la détérioration des services de déneigement.

Le soutien à l'activité économique n'est pas seulement affaire de voiries nouvelles. Nous allons donc au-devant de grandes difficultés, en particulier dans nos régions de montagne, où l'activité touristique joue un rôle structurant.

Deuxième motif d'inquiétude : les investissements. Le développement durable suppose une politique axée sur le long terme. Or pratiquement toutes les lignes d'autorisations de programme sont en baisse : 1 % en moins pour le titre V et 7 % pour le titre VI. Mais peut-être le Gouvernement compte-t-il sur les collectivités territoriales pour engager les programmes que lui-même n'aura pas voulu assumer.

En tout état de cause, ces réductions auront un effet très grave sur l'activité économique, en particulier sur le bâtiment et les travaux publics. Il ne se verra pas forcément cette année mais un creux de vague est à prévoir à moyen terme.

Puisque nous en sommes aux programmations, permettez-moi, Monsieur le ministre, de vous poser plusieurs questions. Dans le document que vous présentez, l'évolution des autorisations de programme est à plusieurs reprises calculée non pas à partir des chiffres de l'an dernier mais à partir de la moyenne de cinq dernières années. Evidemment, on transforme ainsi les évolutions négatives en évolutions positives, mais je n'imagine pas que ce soit là le but recherché. Un tel stratagème ne prouverait guère de considération pour la représentation nationale et n'honorerait pas ceux qui l'utiliseraient. A l'avenir, êtes-vous disposé à faire comme tout le monde, en présentant un tableau normal des autorisations de programme ?

Les crédits de paiement sont, quant à eux, en augmentation et le tableau qui les récapitule est plus facile à lire que celui des autorisations de programme, ceci expliquant peut-être cela... Nous ne pouvons, honnêtement, que nous en réjouir, mais nous aimerions obtenir quelques précisions au sujet des « crédits gelés », étant entendu que si vous gelez de la main gauche les crédits que vous augmentez de la main droite, nos délibérations ne servent à rien. Nous aimerions donc savoir si, dans le prolongement des déclarations vindicatives de M. Mer et des déclarations courageuses de M. Prodi, le Gouvernement dégèlera les crédits... notre déficit dut-il en souffrir au regard de la religion européenne du Pacte de stabilité.

Autre sujet d'inquiétude : les contrats de plan Etat-région. Les opérations qui y sont inscrites seront-elles financées et achevées dans les temps, c'est-à-dire avant la fin de l'année 2006 ?

Ma dernière question porte sur le projet de troisième ligne de tramway Grenoble. Le ministre précédent s'était engagé à financer simultanément les deux branches de cette ligne C et C', ce qui s'avère très important pour notre projet urbain sur Saint-Martin-d'Hères. Respecterez-vous cet engagement ?

Au total, ce budget suscite beaucoup trop d'inquiétudes pour que nous puissions le voter en l'état (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Yves Deniaud - La loi de finances pour 2003 marque une rupture claire avec les précédentes en ce qu'elle relance fortement les investissements. Je me base, bien sûr, sur les crédits de paiement et non sur les autorisations de programme pour affirmer cela. Il est opportun de le souligner car durant les cinq dernières années, la distorsion entre les deux n'a cessé d'augmenter, les crédits de paiement étant en baisse constante, y compris après la disparition du FITTVN. Or ce sont eux qui rendent compte de la réalité.

Il y avait urgence à relancer l'investissement en matière d'équipement et de transport car le secteur a été particulièrement sinistré depuis cinq ans, malgré la croissance et la hausse débridée des dépenses publiques. Gauche plurielle et écologie intégriste oblige, c'est le secteur routier qui a le plus souffert.

Je tiens d'abord à souligner des points éminemment positifs. Vous menez une action déterminée en faveur de la sécurité routière, en mettant les infrastructures au premier plan. Sur les autoroutes et les deux fois deux voies, la mortalité est plus de quatre fois inférieure aux routes ordinaires. C'est ce que les croisades vertes voulaient nous faire oublier. Ensuite, vous voulez homogénéiser les niveaux d'équipement pour assurer une desserte équitable des régions et atténuer les situations d'enclavement. La Basse-Normandie est, pour sa partie sud, dans ce cas. Toutes les études en font un exemple de l'enclavement menant au déclin économique et démographique. Seule la modernisation de l'axe Paris-Brest permettra d'inverser le destin, mais pendant ces dernières années, la politique menée a été celle du chien crevé au fil de l'eau : on courait après une amélioration sans faire la moindre action d'aménagement du territoire. Enfin, l'audit mené sur tous les grands projets plus ou moins financés, et plutôt moins que plus, est très positif.

J'ajoute qu'il serait bon de substituer au galimatias indigeste des schémas de services collectifs une programmation claire de l'aménagement du territoire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Point n'est besoin de refaire des études, c'est la volonté qui manquait jusqu'à présent. On pourrait aussi rêver au retour à un langage intelligible, un idiome abscons - et encore pourrait-on enlever le préfixe - servant pour l'instant tout au long de centaines de pages à dissimuler la vacuité du fond. Le « polycentrisme maillé reliant les territoires anthropisés » n'en est qu'un exemple.

Je dois toutefois exprimer ma préoccupation concernant le volet routier des contrats de plan Etat-région, dont les crédits de paiement baissent. Il y aura certes des reports compte tenu d'une sous-utilisation des crédits dans le passé, mais il faut rompre avec ces fâcheuses habitudes. Ce secteur est un des plus intéressants pour l'activité économique du pays. Les crédits sont le levier pour déclencher des participations très supérieures, sans même parler de leur impact en matière d'aménagement. Le taux final d'exécution des contrats, qui sont dorénavant étalés sur sept ans, doit être bien supérieur à celui des précédents contrats. Il est vrai que comme celui-ci s'est établi à 80 %, l'objectif n'a rien d'irréalisable ! Je souhaite ardemment que nous soyons fidèles à notre tradition de respect des engagements de l'Etat, même quand ils ont été pris par d'autres. Ce respect doit être assuré tant pour les délais que pour les montants. On dit qu'en 2003, à mi-contrat, les chiffres pourraient être considérés par l'Etat en euros courants plutôt que constants. Ce serait une mauvaise excuse pour que les crédits qui ont pris du retard ne soient pas réutilisés dans des projets utiles.

Pour finir, il est impératif de raccourcir les délais de réalisation des infrastructures, en refondant et simplifiant les procédures préalables. Toutes les enquêtes, en particulier, devraient être réalisées avant la déclaration d'utilité publique, y compris en ce qui concerne la loi sur l'eau, pour que la décision soit immédiatement applicable.

Amélioration des crédits d'investissement, équipement équitable du territoire, respect des engagements, simplification des procédures... Voilà ce vers quoi nous souhaitions que l'Etat s'engage. C'est ce que vous faites, et c'est pourquoi nous vous soutiendrons de grand c_ur (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Michel Destot - Je voudrais consacrer mon propos aux transports collectifs de province. Je me contenterai de dire auparavant mon accord avec Michel Bouvard en ce qui concerne l'intermodalité et le TGV Lyon-Turin et avec Gilbert Biessy sur le tramway de Grenoble.

Les autorisations de programme pour les aides aux transports en commun en site propre, hors Ile-de-France, restent au niveau du budget de 2002. Elles se montent à 114 millions alors que les besoins sont évalués à 180 millions. En outre, 2001 et 2002 n'étaient que des années d'études et d'avant-projets : en 2003 commence la période d'appel des crédits d'investissement, qui sont bien sûr beaucoup plus élevés. Il y a donc décalage entre la volonté affichée et les moyens dégagés. Au final, ce sont nos concitoyens qui y perdront.

La situation est encore plus critique en ce qui concerne les plans de déplacements urbains : les autorisations de programmes passent de 80 millions à 23 millions ! Cette baisse remet en cause la loi sur l'air et celle sur la solidarité et le renouvellement urbains. Il est faux de croire que l'essentiel des dépenses liées au PDU est derrière nous : les projets doivent être financés sur plusieurs années, et c'est toute la politique d'amélioration des transports collectifs urbains autres que les métros et les tramways qui est touchée. L'Etat n'aura plus les moyens d'aider les collectivités à développer l'intermodalité des systèmes d'information des usagers, les équipements de sûreté, l'accessibilité des transports aux personnes à mobilité réduite, les systèmes de tram-train et à aménager les espaces extérieurs...

Ce sont les agglomérations qui ne sont pas assez grandes pour le métro ou le tramway qui subiront ces baisses de crédits. C'est un mauvais signe au moment où commencent les assises locales sur la décentralisation et sur la solidarité envers les territoires les plus fragiles. Cela atteint également la crédibilité de notre pays en ce qui concerne la lutte contre les gaz à effet de serre. Deux tiers des actifs qui utilisent leur voiture pour aller travailler se disent prêts à emprunter les transports collectifs si des progrès étaient faits en termes de fréquence, d'amplitude de service, de confort et d'adaptation à l'environnement. Or c'est dans le périurbain et dans les agglomérations de petite taille que l'offre de transports collectifs est la moins bonne. Les plans de déplacement urbains voulaient répondre aux attentes de nos concitoyens et vous baissez les aides aux collectivités qui s'y étaient engagées.

Lutte contre l'insécurité routière, lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, accessibilité, sûreté dans les transports collectifs, solidarité envers les territoires les plus fragiles... Le Gouvernement a beaucoup parlé, mais à l'aune de ce budget, nous ne pouvons que douter de sa volonté d'agir. A moins qu'il ne décide de reconduire les crédits à hauteur de la loi de finances pour 2002 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 30.

              Le Directeur du service
              des comptes rendus analytiques,

              François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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