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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 18ème jour de séance, 46ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 5 NOVEMBRE 2002

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

DROITS DE L'HOMME AU NIGERIA 2

SÉCURITÉ SOCIALE 2

RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE 3

RECHERCHE 4

IMMIGRATION 5

SÉCURITÉ ET SANTÉ DES TRAVAILLEURS 6

PROTECTION SOCIALE ET ASSURANCES COMPLÉMENTAIRES 7

POLITIQUE SPATIALE 7

ACCÈS DES HANDICAPÉS AUX EQUIPEMENTS
PUBLICS ET AUX LIEUX DE VIE 8

MOYENS DE L'ÉDUCATION NATIONALE 9

COOPÉRATION POLICIÈRE TRANSFRONTALIÈRE 9

AIDE AU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL DES PME 10

HARMONISATION DES PRESTATIONS FAMILIALES 11

PRÉSENCE DU LOUP
(procédure d'examen simplifiée) 11

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2003
-deuxième partie- (suite) 17

AGRICULTURE ET PÊCHE, BAPSA 17

ERRATA 38

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

DROITS DE L'HOMME AU NIGERIA

M. François Bayrou - Les questions d'actualité peuvent parfois dépasser le cadre national. Au Nigeria, Monsieur le Premier ministre, une jeune femme subit depuis plusieurs mois une persécution d'une incroyable cruauté. Elle s'appelle Amina Lawal Kurami, elle a trente ans et trois enfants. Elle a été traduite devant un tribunal islamique parce qu'elle a eu son dernier enfant hors mariage, après son divorce, ce qui est assimilé à un adultère. Et elle a été condamnée à mort par lapidation, la peine devant s'appliquer lorsque son dernier enfant - qui a aujourd'hui un an - sera sevré.

Ce genre de pratique révulse la conscience universelle. Il y a une jeune femme à sauver et au-delà, une certaine idée de la femme et des droits de l'être humain (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste). Sachant que la mobilisation internationale a déjà permis, il y a quelques mois, dans un cas semblable, d'empêcher que la peine de mort s'applique, je voudrais savoir ce qu'a fait et ce que compte faire le gouvernement français pour sauver cette jeune femme et faire reculer la barbarie. Ne pensez-vous pas aussi que la France devrait prendre la tête d'une réflexion sur un droit international qui serait supérieur à tous les droits nationaux et dont le respect ferait que ce genre de cruauté serait définitivement exclue de la surface de la planète ? (Applaudissements sur les tous les bancs)

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre - Votre intervention honore l'Assemblée. La sentence dont vous parlez a provoqué une profonde émotion internationale, tant il est vrai que la situation faite à Amina Lawal est révoltante. Cette jeune femme a été condamnée en juin 2002 à la lapidation, pour adultère, et le tribunal d'appel a confirmé cette sentence en août. Mais il reste encore quatre instances d'appel. Or, dans un cas précédent - celui de Mme Safia Husseini, toujours au Nigeria -, la pression internationale a permis d'obtenir un acquittement. La France poursuit le même objectif, aujourd'hui.

Dès le début de cette affaire, nous avons donc fait part de notre réprobation, d'abord par la voix de notre ambassadeur, puis, le 22 août dernier, avec l'ensemble des pays de l'Union européenne. Le ministre des affaires étrangères, M. de Villepin, s'est ensuite lui-même adressé au Président Obasanjo - c'était le 13 septembre, à l'ONU. Nous continuons nos interventions et nos pressions, conformément à notre conception des droits de l'homme, une conception qui appartient à notre patrimoine national mais qui relève aussi de la conscience universelle. Qui peut accepter en effet que les femmes soient ainsi méprisées et maltraitées ? Vous pouvez donc compter sur la France pour agir en faveur des droits de l'homme et d'une place plus juste faite aux femmes dans la société (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

SÉCURITÉ SOCIALE

M. André Chassaigne - A l'issue de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le groupe communiste et républicain a émis un vote négatif car il a considéré que ce projet ne répondait en rien aux besoins, à savoir mieux prendre en charge les assurés sociaux et donner plus de moyens aux hôpitaux. Pour cela, il faudrait des recettes nouvelles. Les propositions que nous avons faites en ce sens ont été malheureusement ignorées.

Nos inquiétudes concernant l'avenir de la protection sociale ont été renforcées par les propos du président du groupe UMP, dont la complicité avec l'équipe gouvernementale et l'expérience ne sont pas à démontrer (Interruptions sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Celui-ci a en effet déclaré qu'il fallait revoir le fonctionnement de la sécurité sociale, en ne laissant à celle-ci que les maladies graves. Nous ne croyons pas à une maladresse de sa part. Les syndicats ont du reste vivement réagi, en dénonçant un retour en arrière de cinquante ans et la menace d'une sécurité sociale à deux vitesses. Le Medef est, lui, resté silencieux... Sans doute satisfait (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Nous n'acceptons pas l'idée que seuls pourraient se soigner ceux qui en auraient les moyens. L'accès aux soins ne doit pas être privatisé mais rester le même pour tous (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Les principes d'universalité et de solidarité qui ont présidé à la création de la sécurité sociale doivent continuer à prévaloir. Chacun doit se savoir couvert, quelle que soit sa condition sociale.

M. le Président - Veuillez poser votre question.

M. André Chassaigne - La sécurité sociale doit garantir le bon état de santé de toute la population (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Voulez-vous la livrer au privé ? (Claquements de pupitre sur les bancs du groupe UMP) Nous attendons votre réponse, Monsieur le ministre (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - M. Jacques Barrot est l'un des membres les plus estimables de cette assemblée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). C'est un homme de conviction dont chacun connaît la fibre sociale (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Mais je vous remercie, M. Chassaigne, de me permettre de clarifier les choses. Il n'y a pas lieu de distinguer entre le petit et le gros risque, car le médecin que je suis sait que le petit risque peut en cacher un gros (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Du point de vue médical, ils sont indissociables.

Vous évoquez par ailleurs le spectre d'une médecine à deux vitesses et vous avez raison (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste). Une médecine à deux vitesses est bien souvent le fruit de la pénurie de médecins, le fruit aussi de difficultés dans les hôpitaux et d'un manque d'adaptation du système de santé aux nécessités du moment. Or, ces défauts-là sont précisément ceux que vous avez accumulés pendant quatre ans ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

L'ambition de ce gouvernement, c'est de lutter contre la médecine à deux vitesses et les files d'attente qu'ont engendrées la gestion précédente (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). L'honneur de ce gouvernement, c'est justement de vouloir une sécurité sociale juste et solidaire. Mais il y a beaucoup à faire car elle a manifestement été malmenée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet - Le réchauffement climatique est en cours, tous les experts s'accordent aujourd'hui à le reconnaître et à annoncer des conséquences catastrophiques. Comme le Président de la République l'a dit à Johannesburg dans un discours qui a ému la communauté internationale, « la maison brûle ».

Dans ces conditions, la réduction des émissions de gaz à effet de serre est une urgence. Le protocole de Kyoto, adopté en décembre 1997, devait de ce point de vue marquer les premiers progrès. Mais son application ainsi qu'une véritable prise de conscience du risque, tarde à venir. La lutte contre l'effet de serre tarde à venir. La lutte contre l'effet de serre se heurte en effet à diverses oppositions au sein de la communauté internationale, ce qui nuit à une politique qui, pour être efficace, doit absolument être globale.

Madame la ministre de l'écologie, vous étiez la semaine dernière à la conférence de New Delhi sur le réchauffement climatique. La presse a parlé à son propos d'échec. Pouvez-vous nous dire quelles conclusions vous tirez de cette rencontre et quelle action le Gouvernement compte entreprendre pour relancer la négociation internationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable - Oui, la huitième conférence des parties à la convention climat des Nations unies a été un échec. Les causes en sont connues : l'opposition des Etats-Unis, alors que ce pays émet 25 % des gaz à effet de serre ; l'obstruction des pays producteurs de pétrole ; et la crainte des pays en voie de développement que l'application du protocole de Kyoto ne se fasse au détriment de leur développement économique.

La France a été un élément moteur de la négociation. Nous allons maintenant intensifier notre effort diplomatique bilatéral auprès des pays qui ont déclaré leur intention de rejoindre le protocole de Kyoto, à savoir la Chine, l'Inde et la Russie. C'est la raison pour laquelle Mme la secrétaire d'Etat au développement durable a passé la semaine dernière à Pékin.

Nous voulons aussi augmenter l'expertise scientifique sur ces sujets. J'ai rencontré longuement M. Pachauri, le président du Groupement intergouvernemental d'études sur le climat, qui se réunira à Paris début février. Et le Gouvernement consacrera à nouveau 200 000 € par an à ce groupement, alors que le précédent gouvernement avait renoncé à ce financement.

Nous allons aussi agir en direction des pays en voie de développement, en particulier en alimentant le fonds pour les pays les moins avancés ainsi que les fonds pour l'environnement mondial. Il faut que le protocole de Kyoto soit gagnant-gagnant : moins de gaz à effet de serre dans les pays les plus développés et plus de développement dans les pays les moins avancés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

RECHERCHE

M. Roger-Gérard Schwartzenberg - Gouverner, c'est gérer le présent, mais c'est aussi préparer l'avenir. Or le budget 2003 sacrifie l'éducation, la culture et ceux qui misent sur la jeunesse et sur l'intelligence, au profit des ministères régaliens en charge de la police, de l'armée et des tribunaux.

A l'Education nationale, non seulement vous ne créez pas les 5 000 postes d'enseignants prévus dans le secondaire, mais vous supprimez 20 000 postes d'éducateurs et 5 600 de surveillants. Visiblement l'école n'est plus une priorité.

Le budget de la recherche, malgré des artifices de présentation, diminue pour la première fois depuis 1997. Les crédits de fonctionnement des établissements de recherche baissent de 13,5 % et 150 emplois permanents de chercheurs disparaissent. De plus vous abandonnez le plan pluriannuel de recrutement que nous avions engagé.

Aussi 5 000 chercheurs ont-ils signé un appel contre ce budget de renoncement, parmi lesquels soixante membres de l'académie des sciences et quatre prix Nobel. En effet, la recherche est décisive pour la France qui invente et qui tient à garder son rang parmi les grandes nations scientifiques, sauf si vous pensiez que la République n'a pas besoin de savants (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Ce budget est directement contraire aux engagements pris par le Président de la République pendant sa campagne et par vous dans votre déclaration de politique générale du 3 juillet.

Cela vous paraît-il conforme à la règle démocratique, qui consiste à parler vrai en campagne et à tenir parole une fois élu ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies - Vous m'avez entendue ce matin présenter les crédits de la recherche ; il s'agit d'un budget de transition, à la hauteur des ambitions fixées par le Président de la République et reprises par le Premier ministre, c'est-à-dire dynamiser cette recherche en sorte que, d'ici à 2010, l'équivalent de 3 % de notre PIB lui soit consacré.

Outre les crédits inscrits en loi de finances, nous nous sommes donné les moyens de mobiliser l'ensemble de notre potentiel matériel et humain. Je m'associe à la préoccupation des scientifiques soucieux d'une mobilisation en faveur de la connaissance et de la recherche. Il y va en effet de la croissance et du progrès. Aussi souhaitons-nous attirer davantage les jeunes vers les études scientifiques, en les encadrant et en revalorisant leurs moyens financiers (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Martine David - Bla-bla-bla !

Mme le ministre déléguée - Nous avons les compétences et les savoir-faire. A nous de les mobiliser en partenariat avec les entreprises, les régions et tous les acteurs concernés, dans la perspective aussi d'un espace européen de la recherche (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Sachons libérer les forces de créativité et d'innovation (Mêmes mouvements). Je suis à la fois le porte-parole de la communauté scientifique qui exprime son inquiétude et porteuse d'une grande ambition collective pour la recherche (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

IMMIGRATION

M. André Flajolet - Monsieur le ministre de l'intérieur, le centre de Sangatte est un vaste hangar où s'échoue une partie de la misère du monde, bercée d'illusions par des marchands de liberté certains d'une impunité trop longtemps acceptée.

Vous avez exprimé votre volonté de revenir au droit, à la dignité, au respect des libertés et de la sécurité de ceux qui sont pourchassés dans leur pays au nom de leurs idéaux.

Mais on constate aussi sur place le développement de réseaux mafieux, l'externalisation d'un centre vers d'autres lieux, une précarité grandissante et une exploitation humaine toujours plus vile. Quelques voix s'élèvent en faveur d'une régularisation générale qui créerait de fait un nouvel appel d'air.

Après Sangatte, ce sont aussi Cherbourg, Bordeaux, et toute une errance de gens victimes des réseaux et de notre silence coupable qui trop longtemps a entretenu mirage ici et sentiment d'impunité là.

Vous avez entamé une démarche courageuse et volontaire, sans pouvoir gommer des années d'impuissance politique ou d'aveuglement idéologique (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Où en êtes-vous dans vos négociations avec les pays tiers pour l'aide au retour et dans vos discussions sur une protection de l'espace européen ? A quand la fin du scandale de Sangatte, de tous les autres Sangatte en puissance, dans la dignité et le droit ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - A Sangatte, il n'y a plus de réseaux mafieux. Tout le monde est aujourd'hui badgé, pour recenser la diversité des situations et des nationalités. A partir d'aujourd'hui, nous ne distribuerons plus de badge, ce qui permettra au HCR de travailler au cas par cas. A titre expérimental, dix Afghans sont repartis volontairement dans leur pays. Nous verrons avec le HCR s'il est possible de faire davantage et plus vite (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Si c'était si facile, il ne fallait pas vous gêner pour régler le problème et ne pas nous le léguer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Vous avez laissé croupir les gens dans des conditions inadmissibles à Sangatte ! Aucune leçon n'est donc acceptable de votre part ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Ce mois-ci nous allons organiser le retour de Roumains en situation irrégulière, qui vivent dans des conditions déplorables. La vraie générosité ne consiste pas à aller avec des caméras de télévision dans les bidonvilles mais trouver une situation pour ces personnes qui n'ont aucun avenir chez nous, et doivent en trouver un chez eux avec l'aide de la France (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

J'irai bientôt au Mali négocier une filière positive, pour la première fois avec un pays de l'Afrique sub saharienne. Je m'entretiendrai ce soir avec le ministre de l'intérieur bulgare de la situation de ses compatriotes qui se trouvent à Bordeaux dans une précarité tragique (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). La solution n'est pas d'exploiter la misère de tous ces malheureux en leur conseillant d'occuper des églises ou de s'installer dans des bidonvilles, mais de trouver les moyens d'un accord avec les pays d'origine. Nous avons tous accepté en Europe d'abaisser nos frontières internes. Il nous faut maintenant défendre nos frontières externes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

SÉCURITÉ ET SANTÉ DES TRAVAILLEURS

M. Jean-Sébastien Vialatte - J'associe à ma question Mme Catherine Vautrin. La sécurité des travailleurs est une nécessité avec laquelle personne ne peut transiger. Toute initiative tendant à la renforcer doit être considérée comme une victoire. C'est, je pense, à quoi répond le décret du 5 novembre 2001, pris en application de l'article L. 232 du code du travail. Ce décret fait obligation à toute entreprise de consigner dans un document unique une évaluation des risques pour la santé et la sécurité de ses salariés.

Cependant, il n'existe aucun modèle officiel de ce document, ce qui serait bien utile et la date limite de rédaction a été fixée au 7 novembre 2002. Ce décret inquiète les PME. Alors que la simplification des procédures est devenue une priorité, beaucoup s'étonnent des lourdeurs de ce nouveau dispositif.

Les PME ont besoin d'éléments concrets pour satisfaire à leurs nouvelles obligations. Ne serait-il pas raisonnable d'en repousser l'échéance, pour permettre aux entreprises de rédiger dans la sérénité un document de meilleure qualité, sans risquer d'encourir les sanctions fixées par le code du travail ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Comme vous, le Gouvernement veut simplifier la vie des entreprises. Cependant, s'agissant de la santé et de la sécurité des salariés, nous devons être extrêmement vigilants.

M. Maxime Gremetz - Très bien !

M. le ministre - Depuis un an, les entreprises sont tenues d'élaborer un document d'évaluation des risques, et le non-respect de cette obligation entraînera à partir du 7 novembre des sanctions pénales, comme le dispose une directive européenne de 1989.

Il n'est pas raisonnable de réviser le décret. Il ne faut pas considérer le document comme une formalité bureaucratique supplémentaire mais comme l'occasion d'une vraie réflexion préventive à l'intérieur de l'entreprise. Je donnerai des instructions pour que la mission de contrôle de l'inspection du travail soit conduite dans cet esprit, en particulier pour les PME, à la disposition desquelles nous mettrons le modèle que vous souhaitez et des conseils adaptés. Nous voulons contribuer à une prise de conscience nécessaire dans une société où les risques vont croissants (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

PROTECTION SOCIALE ET ASSURANCES COMPLÉMENTAIRES

Mme Sylvie Andrieux-Bacquet - Monsieur le ministre de la santé, au cours d'une émission télévisée récente, vous avez, s'agissant de la maîtrise des dépenses de santé, invité à la modestie, précisant : « D'autres, très fort, s'y sont cassé les dents ; le contrat de confiance que je mets en place relève d'un pari que je ne suis pas certain de gagner. » La semaine dernière, vous avez dit vouloir sauver le système de sécurité sociale « solidaire et juste hérité de 1946 ». Mais, le même jour, le président du groupe UMP, homme estimable qui fut en outre votre prédécesseur, déclarait : « Ne soyons pas hypocrites et n'éludons pas ce débat : que les assurances complémentaires prennent un peu plus en charge les petits risques permettrait de soulager le système de couverture universelle et d'assurer le financement de la sécurité sociale. Tous les Français doivent aller vers les assurances complémentaires, ce n'est pas le diable ! » (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP). Le lendemain, sur France Inter, le même incitait chacun à consentir un effort supplémentaire...

Je conçois votre embarras de tout à l'heure, Monsieur le ministre, mais ces déclarations posent clairement le problème de la privatisation de la sécurité sociale. Cela n'est pas pour nous étonner, au reste : certains élus de l'actuelle majorité, dont un ministre, M. Loos, n'ont-ils pas déposé le 2 novembre 1993 une proposition de loi visant à abroger le monopole ? Ils ne faisaient d'ailleurs que reprendre une suggestion avancée en 1976 par M. Chotard, au nom du CNPF...

Persistez-vous à affirmer, comme vous l'avez fait ici même le 8 octobre, que le Gouvernement refusera cette privatisation, sous quelque forme qu'elle se présente ? Et la protection sociale est un sujet qui préoccupe trop les Français pour que nous nous contentions de la réponse ambiguë que vous avez faite la semaine dernière à M. Evin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - Je le maintiens : il faut rester modeste car d'autres, avant nous, s'y sont cassé les dents. Et je vous confirme que ce gouvernement refuse à la fois l'étatisation dont nous voyons les résultats en Grande-Bretagne et la privatisation dont nous voyons les résultats aux Etats-Unis (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Mais je trouve étrange que vous associiez la notion de privatisation à l'évocation des couvertures complémentaires : que je sache, 85 % des Français disposent d'une telle assurance et notre système n'est pas pour autant privatisé ! (Mêmes mouvements)

Lorsque le Gouvernement que vous souteniez a, à juste raison, institué la couverture maladie universelle, il a ainsi reconnu que la couverture de base ne pouvait satisfaire aux besoins de six millions de personnes économiquement faibles et il a donc appelé les couvertures complémentaires à la rescousse ! (Mêmes mouvements)

Que les choses soient donc claires, puisque vous le voulez ainsi : oui, nous sommes pour la couverture maladie universelle, mais nous n'acceptons pas les seuils qui conduisent à abandonner à leur sort 15 % de personnes, empêchées d'accéder aussi bien à la CMU qu'à une assurance complémentaire. Nous voulons donc aider tous les Français à se procurer une couverture complémentaire. Quant à vous, vous criez au loup, mais c'est vous qui l'avez fait entrer dans la bergerie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

POLITIQUE SPATIALE

M. Christian Cabal - Les remarquables succès des lanceurs de la filière Ariane ne doivent pas masquer une réalité préoccupante : le secteur spatial traverse une crise grave et qui risque de durer. L'Europe est particulièrement exposée à cet égard et nous pourrions bien perdre nos acquis, qu'il s'agisse de la recherche ou des applications civiles et militaires. Notre souveraineté est donc menacée.

Les raisons de cette crise résident dans l'effondrement du secteur des télécommunications, où l'Europe avait raflé près des trois quarts du marché, et dans la montée en puissance des programmes américains, adossés à des commandes publiques très importantes. Le gouvernement précédent n'a pas su anticiper, alors même qu'il proclamait que gouverner, c'était prévoir : bel exemple de mauvaise gouvernance, donc ! Cela étant, la France a su se montrer pionnière et agglomérer autour des siens des programmes européens ; avec le CNES, elle dispose d'un outil envié. Comment le Gouvernement entend-il, en s'appuyant sur ces acquis, faire face à cette crise conjoncturelle et préparer l'avenir grâce à des mesures structurelles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies - La concurrence est en effet très vive dans ce secteur, en raison de la situation dans les télécommunications et de la surcapacité mondiale dans le domaine des lanceurs. D'où une crise qui touche aussi bien les activités industrielles que la recherche-développement.

Les Etats-Unis ont depuis longtemps pris conscience de l'enjeu industriel, économique et stratégique que représente la maîtrise de l'espace. Ils ont donc développé une industrie puissante, grâce à des commandes publiques importantes et régulières qui leur ont permis de mettre en place une recherche de qualité et de faire face à tous les aléas du marché. De son côté, l'Europe, à l'initiative de la France, s'est fortement appuyée sur le secteur commercial, mais elle se montre moins réactive, les décisions étant forcément concertées. Nous souhaitons que le CNES continue d'être, comme au cours des quarante dernières années, l'inspirateur et un acteur de très haut niveau dans la politique spatiale. Le Gouvernement, qui entend construire une Europe de l'espace, sera aux côtés du Centre national pour animer une politique volontariste propre à nous permettre de passer ce cap difficile (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

ACCÈS DES HANDICAPÉS AUX EQUIPEMENTS PUBLICS ET AUX LIEUX DE VIE

Mme Muriel Marland-Militello - Madame la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, vous voulez offrir aux personnes handicapées la possibilité de choisir leur vie et de participer pleinement à la vie de la cité. Votre budget consacrera en effet 63 millions d'euros aux structures d'aide et de prise en charge, ce qui est de nature à susciter bien des espoirs. Cependant, cette politique d'intégration à la société devrait s'accompagner d'une politique volontariste, en vue de rendre accessibles aux handicapés les équipements publics et privés. Tous nos concitoyens, y compris les malvoyants et ceux dont la mobilité est réduite, doivent pouvoir user avec la même facilité de la voirie et des transports, des équipements culturels, sportifs et éducatifs, ainsi que de tous les espaces de vie : il y va de l'exercice de tous leurs autres droits ! En effet, que sert d'ouvrir davantage l'école aux enfants handicapés ou d'encourager les adultes à avoir des activités professionnelles ou sportives si la conception des transports et des bâtiments publics leur interdit l'accès physique aux lieux de travail et de loisir ?

La loi existe, mais elle est inégalement appliquée. Il faut donc des mesures efficaces, assorties de sanctions et de contrôles dissuasifs. Quelles dispositions le gouvernement entend-il prendre pour garantir une réelle intégration des handicapés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées - La question est, en effet, primordiale pour l'intégration de ces personnes dans notre société. La loi du 13 juillet 1991 fait actuellement référence en la matière et, même si elle n'est pas exhaustive, elle a permis des réalisations remarquables : ainsi à la Cité des sciences, à Notre-Dame de Paris, mais aussi dans la conception des rames de métro ou de tramway. Il reste cependant beaucoup à faire et je compte donc m'attaquer au problème en 2003, à la faveur de la révision de la loi de 1975. Je veux en particulier mettre l'accent sur l'adaptation des constructions anciennes et sur l'application rigoureuse des dispositions existantes - l'activité des commissions départementales de sécurité et d'accessibilité est par exemple beaucoup plus efficace pour ce qui est de leur premier objet que pour ce qui est du second !

Être soucieux de l'accessibilité des lieux et des infrastructures publics, c'est aussi faciliter la vie de tous, notamment des familles et des personnes âgées. C'est être respectueux de tous et de chacun dans sa différence (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

MOYENS DE L'ÉDUCATION NATIONALE

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont - Alors que le ministre délégué à l'enseignement scolaire ne ménage pas les effets d'annonce sur la lutte contre la violence à l'école, le ministre de l'éducation nationale continue de lui en refuser les moyens. Il persiste dans la suppression de 25 000 postes d'aides-éducateurs et de surveillants sans proposer d'alternative crédible : leur substituer des retraités et des mères de famille (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) ou des assistants d'éducation n'est qu'un projet flou et vaguement inquiétant.

Les représentants de la communauté éducative le pressent de revenir sur ses décisions et n'ont pas été rassurés par ses déclarations de dimanche. Le tableau apocalyptique qu'il fait de l'école est une injure au travail et au dévouement du monde de l'enseignement (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Les tables rondes et autres colloques ne remplaceront pas les postes supprimés.

Je n'ose penser que vous pratiquez le double langage (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Dans l'intérêt de l'école et de nos enfants, entendrez-vous enfin tous ceux qui demandent que l'éducation nationale redevienne une priorité dans notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire - Oui, la protection et la sécurité des enfants et des établissements est une de nos priorités ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). C'est pourquoi, à la rentrée prochaine, il y a aura autant de postes pour ces missions qu'il y en a aujourd'hui.

Plusieurs députés socialistes - Vous les supprimez !

M. le Ministre délégué - Mais nous avons décidé de choisir nos priorités. Il y aura 5 000 maîtres de plus qui se chargeront des handicapés et 5 700 bourses d'internat supplémentaires, ce que vous vous étiez bien gardés de faire !

Nous avons aussi supprimé deux dispositifs qui ne fonctionnaient plus. Le premier est celui des emplois-jeunes. C'est vous qui les avez créés et nous avons fait en sorte qu'ils soient reconduits jusqu'en juin, sans quoi ils auraient dû être supprimés dans quelques semaines ! (Huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Parce que nous sommes des réformateurs (Huées sur les bancs du groupe socialiste), ... nous avons également supprimé un dispositif qui datait de 1937 et qui avait été dénoncé par l'inspection générale comme obsolète...

M. Christian Bataille - C'est vous qui êtes obsolètes !

M. le Ministre délégué - ...pour le remplacer par les assistants d'éducation. Une table ronde a été réunie hier pour définir leurs missions. Ce seront des jeunes, qui auront besoin de se former et qui seront recrutés à proximité des établissements. La validation de leurs acquis professionnels leur sera garantie, pour que ces postes ne soient pas une voie de garage. Ils pourront donc continuer leurs études par la suite tout en nous ayant rendu service.

Oui, nous sommes des réformateurs (Huées sur les bancs du groupe socialiste). Nous avons pris ce qu'on nous a laissé et nous avons fait mieux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

COOPÉRATION POLICIÈRE TRANSFRONTALIÈRE

M. Christian Vanneste - Dans la nuit du 30 au 31 octobre, une centaine de voitures ont été vandalisées près de Tourcoing. C'est d'une grande banalité pour cette ville, où, par ailleurs, la drogue circule librement dans de nombreux quartiers (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

On ne souligne pas assez le caractère transfrontalier de ce phénomène. Les trafiquants de drogue passent très facilement la frontière franco-belge pour aller inonder les quartiers défavorisés que j'ai l'honneur de représenter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Les proxénètes font de même pour aller exercer en Belgique. Il n'y a guère que les policiers qui aient du mal à la franchir !

Lorsque vous êtes venu, Monsieur le ministre, en juin, votre homologue belge a rappelé combien nous étions exportateurs de délinquance ! Après cinq ans d'inertie complète (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), vous avez en quelques mois lancé le commissariat transfrontalier franco-belge. Quelles sont les perspectives de la coopération transfrontalière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Il est vrai que nos frontières n'étaient devenues imperméables que pour nos forces de police ! Les policiers français devaient par exemple y laisser leurs armes. Mais l'idée des commissariats communs policiers et douaniers n'est pas de nous ! L'accord concernant le CCPD de Tournai par exemple a été signé en mars 2001. Mais à son arrivée, Jean-Pierre Raffarin a dû recevoir le Premier ministre belge qui lui a demandé si en un an et demi, la France était capable de trouver 60 mètres carrés et six policiers ! Cela a été fait en septembre (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Mieux : l'accord pour le CCPD de Vintimille et de Modane a été signé en octobre 1997. Cinq années après, il n'y avait toujours rien (Huées sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Je l'ai inauguré en juillet !

Voulez-vous d'autres exemples ? Pour l'Espagne, l'accord a été signé en novembre 1998 et les deux CCPD prévus ne seront inaugurés qu'en novembre ! Le CCPD était une idée commune, mais sa réalisation n'est hélas due qu'à notre majorité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

AIDE AU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL DES PME

M. Jean-Louis Bernard - Les exportations représentent le quart de notre richesse nationale et de nos emplois. La France se classe au troisième rang mondial pour les exportations de services et de marchandises. L'élargissement de l'Europe de 15 à 25 membres va très certainement accroître sa stabilité politique, mais il est aussi une occasion exceptionnelle de développer notre économie. Quelles actions comptez-vous entreprendre, notamment pour aider nos PME à conquérir ces nouveaux marchés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur - L'élargissement représente un espoir considérable pour tous ces pays qui attendent de participer à l'Union. Ce n'est pas seulement un enjeu politique, culturel et démocratique mais aussi un immense enjeu économique : il s'agit de 75 millions de personnes dont le niveau de vie est équivalant à 40 % de la moyenne européenne actuelle !

Nous avons connu une situation analogue en 1985, lorsque l'Espagne et le Portugal nous ont rejoints. A l'époque, l'opération avait bénéficié aux deux parties. Ainsi, depuis 1985, l'Espagne a un taux de croissance supérieur de 1 à 2 % au nôtre, mais c'est avec ce pays que notre bénéfice commercial est devenu le plus important !

Depuis dix ans, la France a quadruplé ses exportations vers les pays de l'est. Elle est parvenue à 6 % de leurs parts de marchés, soit seulement le quart de la position de l'Allemagne. Nous avons donc encore beaucoup de possibilités. Les crédits européens y serviront. Des mesures que nous prenons en faveur de nos PME aussi, telles que l'organisation de séminaires et de salons. Mais l'essentiel est de veiller au respect des engagements que ces pays prennent pour l'élargissement.

M. le Président - Veuillez conclure, je vous prie.

M. le Ministre délégué - Il est essentiel que ces pays respectent le droit de la concurrence et le droit des brevets. Nous y veillerons, et nos entreprises seront assez rassurées pour investir dans ces pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

HARMONISATION DES PRESTATIONS FAMILIALES

M. Éric Jalton - Malgré les décisions prises depuis cinquante ans par les gouvernements successifs pour aligner les prestations familiales des départements d'outre-mer sur celles de la métropole, des inégalités subsistent. Il faut aligner au plus vite les plafonds de ressources et les montants de multiples allocations, telles que le complément familial ou les allocations de rentrée scolaire, de jeune enfant, d'adoption ou de parent isolé. Il faut également aligner les conditions d'attribution de nombreuses prestations.

En outre, il est essentiel d'étendre le principe fondamental du choix de l'allocataire à l'outre-mer. Les allocations logement devraient également tenir compte du coût de la construction outre-mer et de la composition effective du foyer, sans limitation du nombre de parts. Enfin, il faudrait étendre le bénéfice de la prestation accueil restauration scolaire au lycéens éligibles, comme le prévoit le décret du 19 juin 2000.

Dans quelle mesure et sous quels délais ces dispositions de justice sociale pourront-elles être enfin appliquées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille - En ce qui concerne l'harmonisation, nous comptons bien sûr continuer ce qui avait été fait sous les gouvernements précédents, comme l'élargissement de l'AGED sous M. Balladur ou celui de l'APE et de la PJE sous M. Juppé. Nous poursuivons sur cette voie (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

En ce qui concerne le complément familial, il y a en effet une différence importante. Dans les DOM, il touche tous les enfants, mais entre trois et cinq ans ; en métropole, en revanche, il ne concerne que les familles de trois enfants et plus, mais il est versé jusqu'au terme des allocations familiales. Sur ce point comme sur d'autres que vous avez évoqués - l'API, l'APJE -, des réponses pourront être apportées à l'occasion de la conférence sur la famille que le Premier ministre présidera au printemps (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Vous savez, la voie qu'entend tracer le Premier ministre est celle du partenariat, non des annonces et des formules, mais du travail de fond avec les partenaires sociaux, et nous poursuivrons dans cette voie.

Concernant l'article 513-1 du code de la sécurité sociale, vous souhaitez que les DOM soient alignés sur le principe qui prévaut en métropole : vous avez tout à fait raison. Cet article dispose en effet que le chef de famille est seul allocataire. Il n'est pas normal que nous ayons des systèmes différents, et pour ma part je suis favorable à une harmonisation aussi rapide que possible (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions.

La séance, suspendue à 16 heures est reprise à 16 heures 20 sous la présidence de M. Daubresse.

PRÉSIDENCE de M. Marc-Philippe DAUBRESSE

vice-président

PRÉSENCE DU LOUP (procédure d'examen simplifiée)

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de M. Christian Estrosi et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête visant à établir les conditions de la présence du loup en France et à évaluer le coût, l'efficacité et les conséquences des dispositifs engagés par les pouvoirs publics en faveur du loup.

M. le Président - Je rappelle que ce texte fait l'objet d'une procédure d'examen simplifiée.

M. Patrick Ollier, président et rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - La proposition de résolution de mon collègue est-elle recevable ? Telle est la première question que la commission s'est posée. Les conditions fixés par l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et par les articles 140 et 141 du Règlement de l'Assemblée nationale étant satisfaites, la réponse est affirmative.

La création d'une commission d'enquête est-elle opportune ? Les commissaires présents, que je remercie d'avoir été si nombreux ce jour-là, ont unanimement répondu oui également.

Quels sont les faits sur lesquels M. Estrosi a appuyé son plaidoyer extrêmement convaincant ?

Le 5 novembre 1992...

M. Christian Estrosi - Il y a dix ans, jour pour jour !

M. le Rapporteur - Il y a très exactement dix ans, en effet, un agent du parc national du Mercantour notait la présence d'un couple de loups dans le vallon de Mollière, situé sur la commune de Valdeblore. Cependant la présence du loup dans le Mercantour n'a été officiellement annoncée qu'au printemps 1993. Pourquoi ? Nous sommes nombreux à nous le demander.

Aujourd'hui, on estime à une cinquantaine le nombre de loups présents dans l'arc alpin français. D'après les éleveurs, il y en aurait encore plus. Réapparus d'abord dans les Alpes-Maritimes, les loups se sont ensuite propagés dans les autres départements des Alpes-du-Sud, avant de gagner, vraisemblablement en 1997, les Alpes-du-Nord. Les départements concernés sont les Alpes-Maritimes, les Alpes-de-Haute-Provence, les Hautes-Alpes, la Drôme, l'Isère, la Savoie, la Haute-Savoie, et même aujourd'hui le Var. Je me souviens personnellement, étant alors députés des Hautes-Alpes et président du parc national des Écrins, du choc qu'avait constitué pour la population l'annonce de la présence du loup dans la vallée du Queyras.

Le retour du loup, espèce qui paraissait éradiquée en France depuis les années trente, a causé des préjudices considérables car il ne s'est pas effectué dans un espace vide d'hommes et d'activités, mais dans le monde très organisé du pastoralisme, de l'élevage ovin extensif. Près de 7 000 ovins et caprins ont été tués depuis 1993. On observe aussi des préjudices indirects, tels que les avortements de brebis et l'amaigrissement des animaux, qui génèrent pour nos éleveurs, déjà confrontés à de grandes difficultés, d'importantes pertes financières, et des contraintes de nature à remettre en cause ce pastoralisme indispensable à l'entretien et à l'occupation de nos zones de montagne.

L'Assemblée nationale n'est pas restée inactive. En 1998, nous avions déjà proposé la création d'une commission d'enquête, mais hélas la majorité d'alors ne nous a pas suivis et a préféré, pour des raisons politiques, créer une mission d'information. Celle-ci a bien perçu la révolte des éleveurs, gagnés par le découragement et le sentiment d'être abandonnés, d'autant qu'ils se sentaient déjà confrontés à des difficultés économiques et sanitaires considérables.

Cette mission d'information a bien montré les limites des actions qui pouvaient être engagées pour protéger nos troupeaux, largement insuffisantes pour satisfaire les attentes des bergers et des populations. Elle a reconnu clairement l'incompatibilité du loup et d'un pastoralisme durable, et su dire qu'aujourd'hui, ce n'est plus le loup, mais l'homme lui-même qui constitue, en montagne, l'espèce en voie de disparition.

Mais cette mission d'information n'avait pas les moyens d'aller plus loin dans les recherches, en particulier sur l'origine de la présence du loup, point capital pourtant au regard de la convention de Berne.

Seule une commission d'enquête pourra vraiment faire la lumière sur cette question, et sur d'autres tout aussi controversées. Votre commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire vous propose en outre d'élargir sa réflexion aux « conditions d'exercice du pastoralisme dans les zones de montagne », ce qui permettra de parler aussi de l'ours - comme le souhaitait M. Bonrepaux - et du lynx.

J'ai parfois entendu dire que le loup était un petit problème. Mais quand nombre de nos concitoyens sont touchés dans leur vie quotidienne au point d'envisager de ne plus rester au pays, je ne crois pas que l'on puisse parler de petit problème. La présence non contrôlée du loup a des conséquences sur des sujets aussi divers que le maintien d'une production agricole dans les zones de montagne ou la réduction du risque d'avalanche. En définitive, c'est l'aménagement du territoire qui est en cause, car tout l'arc alpin est concerné.

Rappelons qu'une attaque de loups dans le parc du Mercantour s'est soldée, le 18 juillet dernier, par la disparition de plus de 400 moutons.

La thèse officielle d'un retour naturel du loup, lequel serait venu des Abbruzes, est réfutée par la plupart des acteurs concernés, qui considèrent qu'elle ne constitue qu'un habillage politique. Une commission d'enquête pourra faire la lumière sur ce sujet et déterminer par conséquent si l'article 9 de la convention de Berne est applicable ou non. Elle pourra s'appuyer sur les travaux, très sérieux, menés il y a quelques années par la chambre d'agriculture des Alpes-Maritimes, qui faisaient état de diverses irrégularités, telles que des bris de clôture pour laisser échapper des animaux en captivité.

Je crois vraiment que nous devons créer cette commission. Le respect dû à toutes les personnes qui souffrent de la situation actuelle le commande, et l'avenir de nos régions de montagne l'exige (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe socialiste).

M. Christian Estrosi - Que d'encre aura coulé sur le sujet ces dix dernières années ! Malheureusement, souvent ces écrits trahissaient une profonde méconnaissance du problème. Je me félicite donc qu'aujourd'hui tous les représentants des départements concernés soient présents pour en traiter.

C'est le 5 novembre 1992 qu'a été revu pour la première fois en France le loup : il fut repéré, nous dit-on, par un agent du parc du Mercantour dans le vallon de Mollière, situé sur la commune de Valdeblore, dans le haut pays niçois. La chose ne fut d'ailleurs révélée que quelques mois plus tard... Et c'est un 5 novembre 2002 que nous nous retrouvons ici pour enfin, je l'espère, faire la lumière sur un dossier resté trop longtemps opaque.

J'aurais aimé voir le ministre de l'environnement à vos côtés, Monsieur le ministre, mais je suis très heureux que vous soyez là, vous, élu de Savoie, qui connaissez bien l'angoisse et les larmes que suscite le loup chez nos éleveurs. Nous ne sommes pas du tout hostiles au loup, bel animal, et nous pensons qu'il existe dans le monde de vastes étendues où l'accueillir et le préserver, mais ce qui nous importe avant tout, c'est l'homme. Nous voulons défendre la présence de l'homme dans le massif des Alpes et d'ailleurs dans l'ensemble du monde rural.

M. Michel Bouvard - Il faut aussi penser aux contribuables !

M. Christian Estrosi - En 1993, il y a eu 10 attaques de loups. 51 en 1994 ; 104 en 1995 ; 193 en 1996 ; 250 en 2001. Près de 10 000 brebis ont ainsi été tuées. Le loup a réellement décimé nos élevages. Et le bilan pour 2002 est lourd, lui aussi : 2 000 brebis tuées par le loup, selon le comptage en date du 10 octobre.

La mission d'information créée en 1999 a fait un excellent travail sur le sujet, mais ses conclusions n'ont, hélas !, jamais été prises en compte et elle n'avait pas les moyens de faire toute la lumière sur les conditions dans lesquelles le loup est réapparu en France. Impossible dans ces conditions de savoir si la convention de Berne s'applique ou non au territoire national.

L'indemnisation des éleveurs aura coûté 1,5 million d'euros. Mais les éleveurs voudraient surtout pouvoir exercer leur métier sans vivre sous la menace permanente du loup. Nous avons le devoir de leur apporter une réponse.

Je remercie le président Ollier d'avoir permis que le sujet soit débattu dans l'hémicycle. Nous devons faire la lumière, comme il l'a dit, sur les conditions du retour du loup en France. Certains technocrates dans les bureaux parisiens ont affirmé que ce retour était naturel et que, par conséquent, le loup était protégé par la convention de Berne. Mais beaucoup d'éléments contredisent cette thèse officielle, à commencer par l'absence totale de traces de loup entre le parc des Abbruzes et celui du Mercantour, distants d'une centaine de kilomètres.

M. Michel Bouvard - Il a fait du stop !

M. Christian Estrosi - La commission d'enquête devra évaluer les mesures prises durant une décennie pour rendre la présence du loup compatible avec le pastoralisme. Elle devra notamment se pencher sur le protocole mis au point en 2000 mais refusé par les organisations agricoles, qui jugent les conditions de prélèvement trop restrictives.

Elle devra aussi étudier l'exemple des pays étrangers, par exemple la Suisse qui, en juillet 2002, a autorisé, dans les cantons du Valais, des Grisons et du Tessin, la chasse aux grands carnassiers quand ils causent des dommages insupportables aux troupeaux.

Je pense aux hommes et aux femmes qui ont voulu exercer le métier de leurs aïeux, celui d'éleveur, et qui, confrontés au problème du loup, ont connu le découragement, voire la tentation d'abandonner. Leur métier est pourtant capital pour l'équilibre de la faune et de la flore, pour la protection de la nature, pour la lutte contre les intempéries et les incendies.

Nous tenons à la présence de l'homme dans l'ensemble du massif des Alpes. C'est pourquoi je souhaite de toutes mes forces la mise en place de cette commission d'enquête (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean Launay - Le président et rapporteur l'a dit : la proposition de résolution dont nous sommes saisis touche à un sujet que l'Assemblée a déjà eu à traiter. On a fait allusion à la mission animée par Daniel Chevallier en 1999 qui a constaté l'incompatibilité de la présence du loup dans nos massifs alpins avec le maintien d'un pastoralisme durable. Le groupe socialiste est favorable à la création d'une commission d'enquête pour établir un nouvel état des lieux, à condition de ne pas relancer le vrai débat sur la responsabilité de la présence du loup.

Disparus parce que chassés, réapparus et protégés, les loups n'ont pas changé, à la différence de la société. La très forte opposition entre les protecteurs des loups et les éleveurs révèle ces évolutions fondamentales et les conflits d'intérêts qui s'ensuivent.

M. Hervé Mariton - Qui doit s'adapter à qui ?

M. Jean Launay - Nous apprécions que la commission ait récrit l'intitulé de la proposition de résolution, à l'initiative de François Brottes. Cette nouvelle rédaction intègre la question qui nous paraît essentielle, les conditions d'exercice du pastoralisme. Nous avions suggéré, en vain, d'élargir le champ d'investigation de la commission d'enquête à l'ensemble des prédateurs, dans toutes les zones où le pastoralisme doit les affronter. Augustin Bonrepaux dirait mieux que moi notre regret, puisqu'il est confronté en Ariège à la présence de l'ours.

Souhaitons que la commission d'enquête sache discerner les difficultés auxquelles les éleveurs ont à faire face, pointer les insuffisances d'application de certaines préconisations et les lacunes des dispositifs existants. Nous veillerons à ce que le travail mené ne masque pas la nécessité de mettre en _uvre des mesures d'aide aux éleveurs victimes du loup. L'incompatibilité entre meutes de loups et activités pastorales pose des questions qui ne sont pas d'ordre écologique, mais politique. Quel avenir pour le pastoralisme dans les zones défavorisées, quelle présence et quelles activités humaines durables en montagne, quelles priorités dans l'aménagement des territoires sensibles ?

Le ministre de l'agriculture Jean Glavany m'avait chargé en 1999 d'une mission sur la filière ovine. Outre d'importantes pertes de bétail directement occasionnées par le loup, qui ne tue pas pour manger, les éleveurs et les bergers ont relevé des préjudices indirects difficiles à quantifier : nombreux avortements, allongement de la période d'agnelage, stress et amaigrissement des animaux, ont entraîné des manques à gagner considérables, et fréquemment compromis les démarches de qualité des éleveurs. Tous ces problèmes sont d'autant plus lourdement ressentis que les éleveurs ovins ont le sentiment d'être déjà confrontés à des difficultés considérables alors même qu'ils estiment exercer un rôle social et environnemental irremplaçable. Enfin c'est dans ce secteur agricole que sont constatés les revenus les plus bas...

M. Michel Bouvard - C'est vrai !

M. Jean Launay - ...inférieurs de 45 % à la moyenne nationale en 1997. Les problèmes des éleveurs ovins sont aussi d'ordre sanitaire, avec la tremblante qui sévit.

Le dispositif novateur des contrats territoriaux d'exploitation a permis d'autre part d'intégrer dans la production la dimension de protection de l'environnement. Les pasteurs transhumants et locaux assurent ainsi l'entretien des alpages, ils repoussent la friche et favorisent la biodiversité. Ils donnent l'exemple d'une production naturelle et de qualité.

La France a souscrit à la convention de Berne de 1979 et à la directive Natura 2000. Elle veut ainsi _uvrer en faveur de la biodiversité et de la protection des espèces sauvages. Il ne s'agit pas de renier notre signature, mais d'allier des exigences écologiques à la préservation d'un élevage extensif. Le maire d'Auzet écrit justement : « Le retour du prédateur oblige nos bergers à renouer avec les mesures ancestrales du pastoralisme : couchade en parc à proximité de la cabane, suivi permanent du troupeau, chiens de protection. » Ces pratiques, abandonnées depuis longtemps dans notre pays, sont toujours en vigueur là où le loup n'a pas disparu. Le retour à ces obligations est subi comme une régression. Il est donc normal que la collectivité publique, qui par ses votes donne un statut d'espèce protégée au loup, prenne à sa charge les surcoûts induits par sa présence.

La commission d'enquête devra donc s'efforcer d'améliorer encore les mécanismes d'indemnisation et de protection des troupeaux. Surtout, elle devra rechercher toutes les voies utiles pour favoriser la présence des troupeaux ovins dans nos montagnes, elle-même gage de la continuité d'une présence de l'homme qui, pour l'heure, à la différence du loup, est bien la seule espèce en voie de disparition dans ces régions (Applaudissements sur de nombreux bancs).

M. Jean Lassalle - Le sujet dont nous traitons m'a procuré mes plus grandes nuits de solitude, mes plus grandes épreuves dans ma vie d'homme et d'élu. Je suis maire depuis 26 ans. Je souscris pleinement à la proposition qui nous est faite. Je remercie mon vieil ami Patrick Ollier, qui était président du parc national des Écrins lorsque j'étais président du parc national des Pyrénées.

Au-delà des présentations un peu pittoresques, et parfois des sarcasmes, je souhaite que notre démarche contribue à ramener la confiance, et à rappeler à un minimum d'égards un Etat qui, dans cette affaire, s'est largement discrédité depuis des années. Les populations éprouvent un sentiment d'abandon, celui de ne plus appartenir à la même civilisation et de ne plus être administrées avec les mêmes règles (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Il est indispensable de faire la lumière sur le retour des loups, et aussi sur celui des nouveaux ours dans les Pyrénées centrales.

M. Augustin Bonrepaux - Ceux-là, on voit comment ils sont arrivés !

M. Jean Lassalle - Je vois cet homme au soir de sa vie qui a vu s'éteindre une à une les lumières de son hameau puis de son village, qui a vu tous ses fils partir à la ville, qui a vu les arbres et les broussailles envahir les maisons, et qui pour finir voit arriver les prédateurs.

M. Michel Bouvard - Dommage que les députés écologistes ne soient pas là !

M. Jean Lassalle - Il ne comprend pas, ce vieil homme, parce qu'il a face à lui une opinion publique qui semble lui avoir préféré les fleurs et les bêtes avec lesquelles il a vécu toute sa vie et qui, si elles sont si belles, le lui doivent certainement un peu. Cet homme a le sentiment qu'une partie de notre civilisation s'éteint dans l'indifférence générale, et qu'un jour peut-être l'homme paiera lui aussi cette folie (Applaudissements sur de nombreux bancs).

Il faut essayer de voir ce qu'il y a derrière cet univers parallèle de l'écologie rampante qui s'est infiltrée non seulement en France et en Europe mais aussi, j'en témoigne comme nouveau président de l'association des populations de montagne du monde, dans le monde entier ; cette philosophie folle qui prétend que les hommes doivent s'éclipser au profit de la nature naturelle, des plantes et des bêtes, alors que, croyais-je, le plus cher à l'humanité était jusqu'à présent le maintien de l'homme. Si nous maintenons les hommes dans les endroits où ils sont nés, qui furent ceux de leurs pères et qu'ils espèrent être ceux de leurs fils, ils continueront à travailler pour endiguer les catastrophes qui s'abattent sur nos plaines et nos villes parce que la montagne n'est pas entretenue. Et nous pourrions trouver d'autres solutions au problème même dont nous traitons.

En effet, nous avons tenté dans les Pyrénées-Atlantiques une expérience pour des ours qui vivaient sur place. Nous avons mis en place un organisme qui marche très bien. Or tout est fait pour l'anéantir. Je ne comprends vraiment pas et je serais donc heureux que la commission apporte quelques éclaircissements sur le sujet !

De grâce, prenons cette affaire au sérieux : il y va de notre crédibilité et de notre dignité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, du groupe UDF et du groupe socialiste)

M. André Chassaigne - Maire moi aussi d'une petite commune rurale - d'Auvergne il est vrai -, je ne me retrouve pas totalement dans les propos qui viennent d'être tenus sur le monde rural. Cette approche quelque peu caricaturale (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) me paraît nous éloigner au surplus de l'objet même du débat.

Notre groupe est favorable à la commission d'enquête dont plusieurs députés de l'UMP demandent la création. Il est en effet légitime de s'interroger sur les conséquences économiques et environnementales de la présence du loup. Cependant, nous estimons indispensable de préciser l'objectif réel de cette commission, compte tenu de la partialité de certains motifs avancés dans la résolution et repris par M. Estrosi notamment : tout se passe comme si le loup était le seul responsable des périls que court l'économie montagnarde ! Or d'autres causes contribuent bien davantage aux difficultés de la filière ovine : concurrence internationale, problèmes sanitaires, insuffisante valorisation de productions de qualité... Et s'il est vrai que le loup cause des préjudices graves et impose des contraintes lourdes aux bergers et aux éleveurs dans un contexte économique déjà difficile, il ne peut être la source de tous les maux !

MM. Lionnel Luca et Michel Bouvard - C'est vous qui caricaturez ! Nous sommes en fait d'accord.

M. André Chassaigne - On soutient dans la résolution que les mesures de protection des troupeaux seraient inopérantes. Les expériences étrangères et les derniers chiffres connus pour la France devraient inciter à se montrer plus nuancé : ainsi, en 2001, dans les Hautes-Alpes, où ces mesures ont été généralisées, on a enregistré la perte de seulement 97 brebis, attribuée à une population de 9 loups, tandis que, dans les Alpes-Maritimes, où ces mesures sont peu appliquées et où le nombre des moutons est deux fois moindre, les pertes ont été de 1 152 brebis, pour 12 loups ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Contre ceux qui veulent à tout prix démontrer que le loup aurait été réintroduit, il paraît sage de s'aligner sur la position prudente de la mission d'information, qui a refusé de trancher en l'absence d'éléments probants, ce d'autant que certaines données fournies par les vétérinaires italiens tendraient à accréditer la présence du loup à notre frontière depuis 1983. Des chercheurs de l'université de Pavie ont en outre évoqué en 1991 la possibilité d'une arrivée du loup dans les Alpes ligures et dans les Alpes-Maritimes.

La France est tenue par la convention de Berne et par la directive Habitat de préserver une population viable de loups, mais ces engagements internationaux n'interdisent en rien une régulation, en cas de dommages importants causés au bétail. N'oublions pas non plus que le loup lui-même contribue à la régulation des populations d'ongulés : sangliers, cerfs et chevreuils, et qu'il peut être facteur de développement touristique, comme c'est le cas dans le parc des Abruzzes qui accueille plus d'un million de visiteurs chaque année (Exclamations sur les bancs du groupe bancs du groupe UMP et du groupe socialiste).

M. le Rapporteur - Ce n'est pas sérieux !

M. André Chassaigne - Pour être objectif, il faut se référer à l'ensemble des avis. Ce n'est pas en occultant les divergences qu'on fera du bon travail ! Adoptons une approche scientifique.

S'il faut s'intéresser à la façon dont le loup est arrivé en France, il paraît judicieux que la commission se préoccupe aussi de la manière dont le pastoralisme peut assumer l'ensemble de ses fonctions sociales, économiques, mais aussi écologiques, et ce sans rejeter a priori l'idée du maintien d'une population viable de loups. Ne nous trompons pas de bataille : l'élimination du loup ne résoudra pas les problèmes de la filière ovine ! La commission d'enquête doit _uvrer de façon objective et transparente, en se gardant des affirmations hâtives qu'on trouve dans la résolution.

M. François Liberti - Très bien !

M. le Président - Je précise que, conformément aux conclusions de la commission, le titre de la proposition de résolution est ainsi rédigé : « Proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conditions de la présence du loup en France et l'exercice du pastoralisme dans les zones de montagne ».

L'article unique de la proposition de résolution, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - A l'unanimité !

Afin de permettre la constitution de la commission d'enquête dont l'Assemblée vient de décider la création, j'invite MM. les présidents de groupes à faire connaître, conformément à l'article 25 du Règlement, avant le 12 novembre à 15 heures, le nom des candidats qu'ils proposent.

La nomination prendra effet dès la publication de ces candidatures au Journal officiel.

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2003 -deuxième partie- (suite)

AGRICULTURE ET PÊCHE, BAPSA

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003.

M. le Président - Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, concernant l'agriculture et la pêche, ainsi que l'examen du budget annexe des prestations sociales agricoles.

M. Alain Marleix, rapporteur spécial de la commission des finances pour l'agriculture - Alors que les projets de réforme de la politique communautaire suscitent l'inquiétude depuis plusieurs mois, ce projet de budget ne peut que rassurer le monde agricole. Établis à 5 150 millions d'euros, en augmentation de 0,9 %, ces crédits financeront le tiers des actions en faveur de l'agriculture, hors dépenses à caractère social, près de dix milliards d'euros provenant des retours communautaires. Ils permettront de donner corps aux priorités nationales et de couvrir la part nationale des actions cofinancées à l'échelle de la Communauté.

Les marges de man_uvre du Gouvernement ont été réduites par le poids de l'héritage : dans son budget pour 2002, le gouvernement précédent avait largement sous-estimé bien des dépenses. Si l'on fait abstraction du BAPSA, dont l'équilibre a été obtenu par l'ouverture de près de 750 millions d'euros de crédits dans le collectif de l'été, nous n'aurions pu financer les différentes mesures agricoles sans l'apport de 250 millions d'euros supplémentaires. En effet, la dotation des contrats territoriaux d'exploitation a été largement dépassée, les promesses faites à la suite de la tempête de 1999 n'ont pas été tenues, non plus que les promesses de revalorisation de l'indemnité compensatoire de handicap naturel ou de création du fonds de communication, pourtant prévu dans la loi d'orientation agricole. Enfin, un lourd contentieux opposait l'Etat et l'enseignement agricole privé.

Dans ce contexte, le Gouvernement nous propose des dotations réalistes, tout en servant cinq priorités : promouvoir une agriculture de qualité, respectueuse de l'environnement ; renforcer l'attractivité de l'agriculture ; lancer une nouvelle politique de l'espace rural ; maintenir à un niveau d'excellence l'enseignement et la recherche agricoles ; et tenir les engagements pris par l'Etat à l'égard de l'enseignement privé.

Les effectifs étant réduits de 104 emplois, les crédits de personnel ne progressent que de 0,29 %. En revanche, les crédits de fonctionnement hors personnel augmenteront de 2,5 % comme l'année dernière. Les interventions publiques sont stables : la forte baisse des crédits consacrés à l'action sociale, due à l'absence de participation à la garantie contre les calamités agricoles, est compensée par la hausse des moyens de l'action éducative et culturelle.

Les dépenses en capital progresseront de 16,4 % de crédits de paiement et de 2,4 % en autorisations de programme. Cette hausse est concentrée sur les subventions d'investissement. Les enveloppes ne représentent que 4,3 % du total des crédits de paiement, mais c'est un signe positif qui est donné à travers cette hausse substantielle.

Le premier objectif de ce budget est l'émergence d'une agriculture certes compétitive, mais plus respectueuse de l'environnement. A cette fin, les moyens consacrés au plan national de développement rural augmentent, et avec eux l'effet de levier qu'il exerce sur les financements communautaires.

La création de la nouvelle prime herbagère agri-environnementale est saluée par tous. Marquant une majoration de 70 %, elle se substituera dès le printemps prochain à l'actuelle « prime à l'herbe », qui avait été supprimée pour tous ceux qui n'avaient pas conclu de CTE. Quels seront les critères d'attribution de cette aide ? Est-elle entièrement financée, ou des crédits supplémentaires devront-ils être ouverts en loi de finances rectificative ? Une dégressivité de la prime est-elle envisagée ?

M. François Sauvadet - Ce ne serait pas une bonne idée !

M. Alain Marleix, rapporteur spécial - Je ne fais que poser la question.

Le nouveau dispositif inspiré des contrats territoriaux d'exploitation a aussi été bien accueilli, une fois apaisées les inquiétudes relatives aux contrats en cours. Les défauts des CTE ont été largement soulignés : explosion des coûts, recherche du nombre au détriment de la qualité des contrats, complexité administrative, inégalités entre départements... Certains ont des CTE couvrant en moyenne 250 hectares, contre 50 hectares pour d'autres ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) La moyenne nationale des CTE dépasse largement les 120 hectares. Si vous appelez ça aider la petite agriculture en difficulté...

Les 200 millions consacrés pour 2003 aux CTE déjà signés attestent de la volonté du Gouvernement d'honorer les engagements de l'Etat, tandis que le nouveau dispositif doit éviter les dérives du dispositif précédent.

La suspension de la modulation des aides dégage 225 millions d'euros. A-t-on déjà une idée de l'usage qui pourrait en être fait ? Les zones souffrant de handicaps naturels ou les secteurs en crise ne pourraient-ils être prioritaires ?

Enfin, une augmentation de 4,22 % dans le budget, ajoutée aux 30 millions ouverts dans le collectif de l'été dernier, permettra de revaloriser les indemnités compensatoires de handicaps naturels. L'augmentation de ces indemnités pour les 25 premiers hectares me semble être une excellente mesure, qui évitera de fragiliser les plus petites exploitations.

Ce budget fait de l'installation une de ses priorités, ce qui semble indispensable quand on sait que seulement 6 000 installations ont été aidées en 2001. La hausse des crédits et la création du fonds d'incitation et de communication pour l'installation, doté de 10 millions, sont des signes forts. Ce fonds assurera la pérennité des programmes pour l'installation des jeunes et le développement des initiatives locales, qui n'étaient plus alimentés depuis 2000. Les crédits de la dotation jeune agriculteur et ceux des stages de préparation à l'installation sont adaptés aux besoins, mais je regrette que le ministre des finances ait donné un avis défavorable à un amendement que j'avais déposé avec Yves Censi. Il s'agit de retirer la DJA de l'assiette des cotisations sociales des jeunes agriculteurs, dans la mesure où elle est variable selon la date d'installation et donc source d'injustices. Peut-être ce sujet pourra-t-il trouver une solution pour 2004 ? Pouvez-vous vous engager à rouvrir ce dossier avec Bercy ?

Des efforts sont également consentis en faveur de l'enseignement agricole. Non seulement les crédits progressent, mais la subvention aux établissements privés de l'enseignement agricole sera revalorisée pour rattraper le retard pris par le gouvernement précédent. Les dotations en faveur de la recherche sont relevées de 10,6 %, notamment au profit de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments.

La dernière priorité du budget est la politique de l'espace rural, et en particulier la politique forestière. Le plan national pour la forêt lancé par le précédent gouvernement à la suite des intempéries de décembre 1999 n'avait pas été entièrement financé, pas plus que les contrats de plan Etat-région. C'est pourquoi les crédits destinés à la forêt enregistreront une hausse de 18,7 %. L'ONF recevra une subvention exceptionnelle de 25 millions pour achever de couvrir les frais induits par la tempête et les crédits de paiement en faveur de l'investissement forestier passeront de 53 à 89 millions d'euros.

Je voudrais vous féliciter, Monsieur le ministre, pour la mise en place de la retraite complémentaire obligatoire, rendue possible par une participation de l'Etat de 28 millions. La proposition de loi qui a été adoptée à l'unanimité en février dernier, la dernière de la législature, était en effet très proche de celle que j'avais moi-même déposée.

La politique de solidarité du ministère passe aussi par l'indemnité viagère de départ, dont les crédits progressent de 34 %, par les préretraites, pour lesquelles les crédits sont stables, et par les mesures de soutien aux agriculteurs en difficulté. La gestion du fonds d'allégement des charges et des actions en faveur des agriculteurs en difficulté sera simplifiée, ce qui devrait compenser la baisse des crédits. L'aide aux agriculteurs en difficulté passe d'ailleurs de plus en plus par des mesures sectorielles. L'absence de subvention au fonds national de garantie contre les calamités agricoles s'explique par l'importance de ses réserves. Je ne doute pas que le Gouvernement alimente ce fonds si de nouveaux sinistres l'exigeaient.

La sécurité sanitaire des aliments reste une exigence primordiale des consommateurs. Alors que le ministère perd 104 emplois en tout, 15 sont créés dans les services régionaux de la protection des végétaux. Les crédits, hors équarrissage, sont en augmentation, au profit de la protection des végétaux, de la maîtrise sanitaire des animaux et de leur identification. Le nouveau fonds de valorisation et de communication est doté de 2 millions.

Pour ce qui est de l'équarrissage, une meilleure gestion du dispositif doit permettre d'économiser 20 % des crédits. La forte baisse des crédits d'élimination des coproduits animaux s'explique par la modification des règles d'indemnisation des industries de farines et par la volonté d'encourager la valorisation des déchets.

Les mesures de consolidation et de modernisation des filières sont poursuivies. La hausse de 35 % des crédits de bonification fait suite à la calamiteuse baisse de 39 % enregistrée en 2002. Même si ces crédits sont évaluatifs, la sincérité budgétaire impose de les fixer à un niveau réaliste. Les sommes destinées à la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes sont stables, le passage progressif de 30,19 à 50 € par prime étant achevé. Qu'en sera-t-il du complément extensification cher aux zones de montagne ? Les crédits destinés aux actions de promotion sont également reconduits.

En revanche, les crédits des offices agricoles diminueront de 15 %. Même s'ils ont des réserves et si la gestion des crédits entre les filières est souple, pouvez-vous calmer les inquiétudes que cette baisse a suscitées ?

En ce qui concerne les industries agroalimentaires, la hausse de 41 % de leurs autorisations de programme bénéficiera à la part nationale de la prime d'orientation agricole et aux fonds régionaux d'aide aux investissements immatériels. Les crédits augmentent également pour la modernisation des bâtiments d'élevage en montagne et la relance du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, arrêté depuis presque deux ans dans l'attente de nouvelles règles approuvées par Bruxelles.

Enfin, cette année, le budget de l'agriculture comprend les 26 taxes parafiscales du secteur agricole. Ces taxes, dont le produit est estimé à 250 millions, disparaîtront au 31 décembre 2003, en application de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001. Dans l'attente du résultat des délicates négociations actuellement en cours avec les organismes bénéficiaires, la commission des finances a adopté les lignes permettant au Gouvernement de prélever en 2003 les taxes existantes.

La commission des finances vous demande également d'adopter les crédits de l'agriculture. Il s'agit d'un budget à la fois réaliste et volontariste, avec des engagements financiers forts de l'Etat, capable de redonner confiance au monde agricole et de remobiliser un secteur qui garde une importance majeure dans notre économie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Antoine Herth, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire pour l'agriculture - Dans un contexte difficile sur le plan budgétaire, mais aussi international, avec la multiplication des négociations agricoles, l'élargissement de l'Union européenne, la révision de la politique agricole commune et les discussions au sein de l'OMC, le Gouvernement parvient à maintenir les grandes priorités de la politique agricole, et à poursuivre les efforts nécessaires. Le budget de l'agriculture connaît une hausse appréciable de 0,9 %. Il comporte des mesures inédites, consacre le maintien des politiques prioritaires, poursuit les actions essentielles, et comporte enfin quelques chapitres en baisse.

Le budget comporte trois mesures inédites. La première est l'augmentation considérable de 163 % des moyens consacrés au fonds de financement des contrats territoriaux d'exploitation. Cette hausse était nécessaire, Monsieur le ministre, et vous avez su l'organiser de façon logique et audacieuse. La dotation initiale pour 2002 était largement insuffisante, et dès juillet vous avez dû procéder à un abondement substantiel. Vous avez su également préciser le sort fait aux différents dossiers de CTE. De nombreux contrats étaient en cours d'instruction le 6 août dernier, date à laquelle vous avez suspendu avec sagesse l'examen des dossiers. L'espoir du monde agricole est aujourd'hui de voir définie une nouvelle forme de contrat plus simple, encadrée budgétairement, mieux centrée sur le développement rural ; le CTE est en effet considéré comme la déclinaison française de la politique européenne du développement rural, dite deuxième pilier.

Autre mesure inédite, la création d'une prime herbagère agro-environnementale, qui succédera à la prime à l'herbe. Elle doit permettre une protection des paysages fragiles à haute qualité environnementale. Nous nous réjouissons d'observer que la nouvelle prime serait en hausse moyenne de 70 % par rapport au dispositif actuel.

Troisième mesure inédite : la mise en place du fonds de valorisation et de communication prévu par la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999, qui a pour mission d'améliorer les relations entre les Français et leur agriculture. Vous avez précisé, Monsieur le ministre, que le fonctionnement de ce fonds serait marquée par une transparence vis-à-vis de la profession agricole, qui sera associée au choix, au montage et à la gestion des projets. Nous aimerions que vous puissiez préciser les modalités de fonctionnement du fonds, et peut-être nous donner des exemples d'actions susceptibles d'être conduites dans ce cadre.

Ce budget réaffirme ensuite les grandes priorités de la politique agricole, et d'abord la sécurité sanitaire et la qualité des aliments. Les moyens globaux de la sécurité sanitaire augmentant de 2,3 %, ceux de la protection et du contrôle sanitaires des végétaux de 20,47 %, ceux de la maîtrise sanitaire des animaux et de leurs produits, de 3,2 %. Les dotations d'intervention pour l'identification permanente des animaux et le suivi de leurs mouvements connaissent une hausse significative de 11 %. Toutes ces évolutions paraissent satisfaisantes, car la politique de sécurité alimentaire est nécessaire tant pour répondre aux attentes des consommateurs, que pour garantir la présence de nos producteurs sur les marchés agroalimentaires mondiaux.

En second lieu, les dotations de l'enseignement et de la formation agricoles s'accroissent de 1,5 %. On ne peut qu'approuver l'effort de « rattrapage » en faveur de l'enseignement agricole privé, conformément aux engagements résultant de la loi Rocard : les subventions à l'élève pour l'enseignement privé accusaient depuis plusieurs années un retard inexplicable par rapport à l'enseignement public. Les crédits des bourses scolaires et ceux des actions de formation en milieu rural sont strictement reconduits.

Autre politique qui demeure heureusement prioritaire, celle de la forêt : ses moyens globaux, qui avaient diminué en 2002, augmenteront de 18,7 % en 2003. Un accent particulier est mis sur les opérations de long terme, avec un accroissement de 36,2 % des crédits d'investissement. Le « versement compensateur » à l'Office national des forêts est maintenu. D'autre part, l'Office bénéficie d'une dotation supplémentaire exceptionnelle de 25 millions d'euros, destinée à compenser les pertes causées par la baisse du produit des ventes de bois des forêts domaniales consécutive aux tempêtes de décembre 1999. Enfin, les moyens des investissements forestiers progressent de 47 % en crédits de paiement.

Enfin une autre grande priorité est maintenue : l'encouragement à l'installation des jeunes. Les dotations des stages de préparation à l'installation sont reconduites, cependant qu'est créé un nouveau fonds, le FICIA ou fonds d'incitation et de communication pour l'installation en agriculture, qui devrait bénéficier de 10 millions d'euros en 2003. Il est appelé à financer les opérations locales en faveur de l'installation, les programmes pour l'installation et le développement des initiatives locales, dont le financement avait été interrompu en 1999.

Le budget de l'agriculture pour 2003 prévoit d'autre part un effort important en faveur de plusieurs grandes actions. Les dotations en faveur de l'agriculture de montagne et de zone défavorisée s'accroissent ainsi sensiblement : les crédits des indemnités compensatrices de handicaps naturels augmentent de 4,2 %, et les subventions en faveur de la modernisation des bâtiments d'élevage et des aides à la mécanisation agricole de 14,7 % en autorisations de programme, de 7 % en crédits de paiement. Chacun peut s'en féliciter.

La prime « à la vache allaitante » est reconduite à son niveau de 2002, tout comme les moyens du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole. Quant à la prime d'orientation agricole, qui appuie les investissements dans les entreprises de la première transformation des produits agricoles, elle s'accroît de 2,8 %, après des années de stagnation. Les moyens de la promotion des produits et ceux de l'hydraulique agricole sont maintenus en 2003, là encore après des années de stagnation, voire de diminution. La commission a jugé ces actions très positives, car elles tendent à promouvoir une agriculture qui respecte mieux l'environnement, occupe mieux le territoire, et se positionne mieux sur les marchés agroalimentaires mondiaux.

Ce budget comporte enfin quelques chapitres en diminution. Les moyens des offices agricoles diminuent ainsi de 15,2 %. Certes, et le monde agricole le sait, les offices disposent souvent, en cours d'exercice, de financements allant au-delà des dotations budgétaires initiales. Mais il est conscient du rôle que jouent les offices d'intervention en cas de crise, et craint aussi une réduction de leurs actions d'orientation. Nous avons besoin d'être rassurés sur ce point. Nous avons aussi besoin de l'être sur l'absence de toute dotation pour le fonds national de garantie contre les calamités agricoles, alors que « l'amorçage » du dispositif de l'assurance récolte, et la survenue régulière de calamités agricoles semblaient imposer un effort renouvelé. Quant à la baisse sensible des dotations du service public de l'équarrissage, elle fait craindre un allongement de la durée du stockage des farines animales (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF). Or le revenu des éleveurs bovins va être affecté par le report prévisible du coût de l'équarrissage sur le prix qui leur est payé pour l'achat des carcasses dans plusieurs pays de l'Union européenne. Des mesures d'arbitrage semblent donc nécessaire sur ce point.

Nous avons besoin, Monsieur le ministre, d'éclaircissements sur ces questions. Le projet de budget n'en paraît pas moins très satisfaisant, parce qu'il maintient l'effort de la collectivité en faveur d'un secteur d'activité, dont chacun connaît le rôle essentiel pour l'économie, l'environnement et l'aménagement du territoire.

Je souhaite enfin, Monsieur le ministre, vous interroger sur trois points. A quelles actions seront affectés les crédits de la modulation des aides, aujourd'hui « bloqués » au FEOGA ? Comment comptez-vous relancer en agriculture l'esprit d'entreprise et la politique de qualité ? Quelles mesures sont envisagées pour renouveler le développement agricole et le conseil aux agriculteurs ?

Nous avons confiance dans votre action énergique et imaginative. Les membres de notre commission ont donné, dans leur majorité, un avis favorable à l'adoption de ces crédits (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean-Pierre Kucheida, rapporteur spécial de la commission des finances pour la pêche - C'est dans un contexte très particulier que je vous présente ce rapport, puisque dans quelques mois sera mise en place une nouvelle politique commune de la pêche. Ce secteur est confronté à un problème que les politiques menées depuis plusieurs décennies, au prix de sacrifices importants, n'ont pas réussi à juguler : la raréfaction de la ressource. Les artisans pêcheurs s'interrogent sur leur avenir, et on le comprend. Depuis dix ans, ils ont accepté des programmes successifs visant à mieux gérer la ressource et à restructurer la filière. Or, après les 66 000 emplois de marins-pêcheurs déjà supprimés de 1990 à 1998, les projets de Bruxelles risquent de condamner 28 000 emplois directs d'ici à la fin de 2006.

Certes la ressource est menacée. Encore faudrait-il que les scientifiques et les professionnels puissent s'entendre sur son état réel ; or des divergences les opposent. Par ailleurs, il ne faut pas confondre toutes les pêches : le rapport du commissaire européen Fischler ne dit pas un mot sur la pêche minotière des pays nordiques, qui ravage les fonds marins. La méthode employée par la Commission européenne pour sortir la pêche d'une situation de précarité est fort critiquable et inégalitaire.

Après ces considérations, partagées par nombre de mes collègues, notamment élus des régions vivant de la pêche, j'en viens au budget. Après plusieurs années de progression, le budget de la pêche et de l'aquaculture est stable avec 25,5 millions d'euros en dépenses ordinaires, contre 25,13 millions en 2002, et 2,29 millions d'euros de dépenses en capital, comme l'année dernière. Rappelons que ce budget ne recouvre pas tous les crédits consacrés par l'Etat aux pêches maritimes et à l'aquaculture, certains relevant d'autres ministères.

Comment le budget de 2002 a-t-il été exécuté ? Au cours des neuf premiers mois de l'année, il n'a subi aucune annulation. Cependant, comme toutes les directions du ministère de l'agriculture, la direction des pêches a enregistré des gels de crédits et des mises en réserve pour les reports sur 2003.

Le chapitre 36-22, consacré à la recherche, a bénéficié d'une dotation initiale de 0,533 millions d'euros destinée aux subventions de l'Etat à l'IFREMER, au Muséum d'histoire naturelle et à l'Institut de recherche et de développement. Les paiements devraient intervenir au cours de novembre et les crédits seront consommés dans leur totalité.

S'agissant des crédits d'intervention du chapitre 44-36, à la dotation initiale de 24,59 millions d'euros se sont ajoutés 20,56 millions d'euros de reports.

Sur les crédits ouverts à l'article 30, destinés à l'OFIMER, soit 27,37 millions d'euros, seulement 6,1 millions ont été engagés, ce qui correspond au montant inscrit en loi de finances rectificative pour 2001 pour le plan global mis en place pour aider les pêcheurs à surmonter les hausses de carburant. Au total, les dépenses intervenues à la fin août sur l'ensemble du chapitre s'élevaient à 19,42 millions d'euros. Au titre de la régulation budgétaire, 5,47 millions ont été gelés et 20 millions mis en réserve pour un report sur 2003.

Dans le budget 2003, les crédits d'intervention, inscrits au chapitre 44-36, en baisse de 2,4 %, s'élèvent à 23,77 millions. Ils sont destinés, d'une part, aux entreprises de pêche et de l'aquaculture, d'autre part, à l'organisation des marchés.

En ce qui concerne les entreprises de pêche et d'aquaculture, les crédits ouverts à l'article 20 - 12,778 millions - sont destinés à financer des actions facilitant la mise en _uvre du plan de sortie de flotte, afin d'ajuster notre effort de pêche à l'état de la ressource, conformément aux objectifs du programme communautaire pluriannuel, d'abonder les montants alloués aux caisses chômage et intempéries, et d'accompagner les actions inscrites aux contrats de plan Etat-région.

La dotation de l'article 30 destinée à l'organisation des marchés, c'est-à-dire la subvention de l'Etat à l'OFIMER, est fixée à 11 millions, soit une baisse de 15,88 %. Ces crédits devraient permettre à l'office de poursuivre les actions engagées, telles que l'amélioration de la connaissance et du fonctionnement du marché, la modernisation des outils de commercialisation et de promotion des produits de la mer et de l'aquaculture ainsi que la valorisation de ces produits.

Les crédits d'investissement, reconduits à l'identique, s'élèvent à 4,57 millions en autorisations de programme et à 2,28 millions en crédits de paiement. Comme en 2002, ils permettront d'accompagner le renouvellement et la modernisation de la flottille et de financer les actions inscrits dans les contrats de plan Etat-région - valorisation qualitative des produits, amélioration de la sécurité à bord.

D'importants crédits restent disponibles compte tenu de la faiblesse des investissements réalisés au cours des deux premières années. Dans le cadre des nouveaux contrats de plan 2000-2006, une partie des crédits d'investissement contribuera au financement d'opérations spécifiques sur les navires, à la modernisation des équipements des ports de pêche, à l'informatisation et à la mise en réseau des halles à marée ainsi qu'à l'amélioration des installations sanitaires.

En ce qui concerne la recherche, la dotation inscrite au chapitre 36-22 progresse de 181 %. Elle représente pour une part la participation financière de la direction des pêches maritimes et de l'aquaculture au recueil des données statistiques effectué par certains établissements publics. Sa très forte augmentation traduit la participation de la DMPA à la mise en place du laboratoire de référence pour le contrôle des coquillages et à l'intensification du suivi sanitaire de ces produits.

La commission des finances a voté ce budget. Elle a également adopté, sur ma proposition, les lignes 5 et 6 de l'état E annexé, relatives aux taxes parafiscales. La loi organique relative aux lois de finances prévoyant la disparition de ces taxes à compter de 2004, un nouveau mode de financement devra s'y substituer alors au bénéfice des comités des pêches.

Je voudrais, en terminant, insister sur la nécessité de défendre opiniâtrement les intérêts des marins-pêcheurs dans le cadre européen, en ayant à l'esprit les objectifs définis en 1997 dans la loi d'orientation sur la pêche. Le Gouvernement sera jugé à l'aune de sa fermeté.

Votre rapporteur n'a pas eu le temps matériel de voir comment ce budget se concrétisait sur le terrain ; ce sera fait pour le budget 2004 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Aimé Kerguéris, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire pour la pêche - Dans un contexte difficile, ce budget évolue de manière satisfaisante.

Les moyens d'intervention et les dotations aux investissements sont maintenus à leur niveau de 2002. Les mesures prévues pour le suivi sanitaire des coquillages répondent à nos engagements européens et aux attentes de nos concitoyens en matière de sécurité alimentaire.

S'agissant des crédits d'intervention, les moyens prévus en faveur des entreprises de pêche et d'aquaculture augmentent de 10 %. Ils permettront de compléter les montants accordés aux caisses de garanties « chômage-intempéries-avaries », de financer l'équipement des navires en matériels de communication, d'aider à l'ajustement de l'effort de pêche à l'état de la ressource, enfin de participer à des dépenses de sécurité à bord des navires.

En revanche, la subvention allouée à l'OFIMER diminue de près de 16 %. Vous nous dites, Monsieur le ministre, que cette évolution est justifiée par les besoins réels de l'office. J'en prends acte, mais la croyez-vous vraiment compatible avec les objectifs fixés à cet office par la loi d'orientation de 1997 ? Les actions de promotion des produits de la pêche et de l'aquaculture dont la consommation pourrait encore progresser sensiblement en France ne risquent-elles pas d'en souffrir ?

La dotation du chapitre 36-22, article 14, est en augmentation de 181 %. Elle comporte, comme pour les exercices précédents, la participation de la direction des pêches maritimes et des cultures marines au recueil de données statistiques, mais elle servira également à la mise en place du laboratoire national de référence prévue par décision du Conseil du 29 avril 1999 et à une intensification du réseau de suivi sanitaire des coquillages.

Les dotations aux investissements font l'objet d'une stricte reconduction, en autorisations de programme comme en crédits de paiement.

Comme les années précédentes, elles doivent aider au renouvellement et à la modernisation des flottes de pêche, ce qui est essentiel pour maintenir notre compétitivité. Elles doivent aider également à valoriser les produits, à améliorer la sécurité à bord des navires, à développer l'aquaculture, enfin à moderniser les structures à terre.

Les propositions faites par la Commission européenne sur la politique commune des pêches sont apparues comme tout à fait inacceptables. Vous avez su, Monsieur le ministre, vous y opposer avec énergie et courage. La position de la France est constante : une bonne politique des pêches doit assurer une gestion durable des ressources, mais elle doit aussi prendre en compte la dimension sociale, économique et territoriale des activités de pêche et d'aquaculture. Les membres de la commission des affaires économiques ont voulu exprimer un soutien fort au Gouvernement dans les négociations sur la future « Europe bleue ». Ils se sont inquiétés des répercussions que pourrait avoir une suppression des aides à la modernisation des navires sur la sécurité des personnes embarquées. Il faut rappeler en effet que, chaque année, trente marins-pêcheurs meurent ou sont portés disparus.

Ils ont estimé également que, si la maîtrise de l'effort de pêche est inévitable, il vaudrait mieux associer les professionnels de la pêche à l'évaluation des ressources en poissons par les scientifiques, éventuellement en prévoyant pour nos pêcheurs une formation à la biologie marine.

Plusieurs questions sont souvent évoquées. Quelles mesures sont prévues pour renforcer les contrôles, pour mieux responsabiliser les pêcheurs ? Que faire pour mieux appliquer les textes existant en matière de protection des bandes côtières ? Quelles perspectives avons-nous quant à une révision du décret de 1983 sur le régime des concessions de cultures maritimes ? Et peut-on espérer que la procédure des provisions pour aléas soit étendue à la profession de conchyliculteur ?

Nous avons confiance dans votre action résolue en faveur des hommes et des femmes qui vivent des activités de pêche et d'aquaculture.

Le budget pour 2003 maintient les efforts en faveur de ce secteur. C'est pourquoi la commission des affaires économiques vous propose d'adopter les crédits pour 2003 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Yves Censi, rapporteur spécial de la commission des finances pour le BAPSA - L'examen du budget annexe de la protection sociale agricole constitue un exercice un peu particulier, puisqu'il ne s'agit pas d'analyser les prévisions de dépenses et de recettes de l'Etat, mais celles d'un régime social spécifique, géré par la mutualité sociale agricole, qui est le deuxième organisme de protection sociale par le nombre de ses ressortissants. Le travail de votre rapporteur spécial a consisté en une analyse de la vraisemblance de ces prévisions, ce qui l'a conduit à se pencher aussi sur les années 2001 et 2002, caractérisées par une certaine insincérité des comptes.

Le gouvernement précédent avait notamment pris l'habitude de puiser dans le fonds de roulement qui est ainsi passé de 331 millions en 1996 à 7 millions en 2001, pour cacher la réalité du déficit. Sous-estimation des dépenses et surestimation des recettes ont abouti à un manque de 746 millions dans le budget 2002, soit plus de 5 % de l'ensemble. J'observe aussi que rien n'était prévu pour financer la retraite complémentaire obligatoire...

Il y avait donc urgence, et le Gouvernement a pris ses responsabilités dès cet été, dans le collectif budgétaire, en doublant la contribution de l'Etat et en faisant participer les partenaires du monde agricole au traitement de cette situation d'urgence. On ne peut pas reprocher aux pompiers d'éteindre le feu !...

Le projet pour 2003 est un budget enfin réaliste, avec des prévisions de croissance raisonnables pour les recettes : 20 % de hausse pour la CSSS et 5,6 % pour les ressources issues des reversements de la CSG ; le produit des cotisations de solidarité devrait, quant à lui, augmenter de près de 54 millions d'euros, tandis que les cotisations, en baisse de 4 %, poursuivent leur décroissance tendancielle.

De leur côté, les dépenses prévisionnelles s'établissent à 15,92 milliards d'euros, soit une hausse de 3,57 %. Les dépenses de maladie augmenteraient de 5,4 % - évolution à surveiller - mais les mesures prises par le ministre de la santé, en particulier le forfait générique, devraient porter leurs fruits. Les dépenses de vieillesse devraient augmenter de 1 %, ce poste représentant plus de 54 % des dépenses du BAPSA. Enfin, la mise en place de la retraite complémentaire obligatoire se traduit par une participation de 28 millions d'euros de l'Etat.

Je regrette la suppression de la ligne consacrée aux crédits d'étalement et de prise en charge des cotisations sociales des agriculteurs en difficulté, car elle induisait une utile concertation au sein des commissions départementales d'orientation agricole. Je proposerai donc un amendement visant à la doter.

M. François Sauvadet - Très bien !

M. Yves Censi, rapporteur spécial pour le BAPSA - Si les non-salariés agricoles ne bénéficient pas encore de toutes les prestations servies par le régime général et si le niveau des prestations n'atteint pas toujours celui du régime général malgré des cotisations équivalentes, les progrès réalisés ces dernières années sont cependant réels et la protection sociale agricole comble progressivement ses lacunes. En effet, depuis 1994, les retraites agricoles les plus modestes ont augmenté petit à petit et les prestations familiales sont désormais alignées sur celles du régime général. Pour le régime maladie, certaines prestations restent à compléter ou à améliorer : il n'existe actuellement ni indemnités journalières en cas d'incapacité de travail liée à une maladie ou un accident de la vie privée, ni capital-décès pour les ayants droit des chefs d'exploitation décédés dans les cas précités ; par ailleurs, le montant des pensions d'invalidité versées aux chefs d'exploitation demeure très bas. En outre, le régime agricole demeure l'un des derniers à ne pas avoir mis en place le versement mensuel des retraites de base.

M. François Sauvadet - C'est un vrai problème !

M. Yves Censi, rapporteur spécial pour le BAPSA - L'Etat participera dès 2003 au financement de la retraite complémentaire obligatoire, régime qui a été mis en place après le vote unanime de l'Assemblée en février 2002 et qui était très attendu. Il s'agissait en effet d'atteindre l'objectif revendiqué de longue date, d'une retraite au moins égale à 75 % du SMIC. Au terme d'une carrière complète, un exploitant agricole percevra une retraite de 8 014 € par an, dont 1 078 au titre de prestation complémentaire ; si l'on prend en compte le SMIC net, l'objectif est bien atteint. Les chefs d'exploitation acquerront des points de retraite complémentaire, en proportion de cotisations fiscalement et socialement déductibles, et assises sur la totalité des revenus professionnels sans que l'assiette puisse être inférieure au SMIC annuel. Le taux de cotisation ne devrait pas dépasser 3 % ; au total, près de 485 000 retraités devraient bénéficier de l'attribution de droits gratuits, afin de percevoir une retraite complémentaire laquelle sera versée mensuellement.

Le nouveau régime est encore imparfait. Ni les conjoints ni les aides familiaux n'en bénéficient - l'extension coûterait 1,43 milliard. Par ailleurs, les droits des cotisants ne sont pas garantis pour l'avenir : il conviendrait de leur assurer des droits au moins équivalents à ceux reconnus aujourd'hui aux bénéficiaires de droits gratuits.

Malgré les précautions prises, les cotisations pourraient se révéler très élevées pour les agriculteurs aux revenus modestes. Elles ne suffiront pourtant pas à couvrir le coût du nouveau régime, qui devrait atteindre 425 millions d'euros par an. L'Etat participera donc à son financement, via une subvention de l'ordre de 160 millions. Le Gouvernement entend honorer, dès 2003, l'engagement pris par le précédent ministre de l'agriculture : c'est l'objet de l'article 61 du présent projet.

Cet article prévoit, d'une part, que l'Etat participera à hauteur de 28 millions d'euros pour l'exercice 2003 et, d'autre part, que les prestations ne seront servies qu'à partir du 1er avril 2003, afin de permettre la parution des décrets d'application nécessaires.

Alors que la retraite complémentaire sera payée mensuellement, les retraites de base continuent, elles, d'être versées par trimestre, ce qui constitue un archaïsme auquel il importe de mettre fin. Le précédent gouvernement n'avait pas donné suite à notre proposition de financer par un emprunt à long terme ce passage à la mensualisation, objectant simplement qu'un tel financement serait trop coûteux. Il n'avait pas davantage donné suite à l'article 118 de la loi de finances pour 2002, qui demandait un rapport sur cette question...

Pourtant, des solutions existent. La caisse centrale de la MSA proposait de contracter un prêt à long terme de 122 millions d'euros, dont les frais financiers, de l'ordre de 33,5 millions d'euros, auraient été mutualisés entre les caisses et payés sur leurs réserves. Mais les prélèvements qui ont touché et vont encore toucher ces réserves ne facilitent pas la mise en _uvre de cette option. Aussi la MSA envisage-t-elle désormais une mise en place progressive de la mensualisation, qui pourrait concerner en priorité les monopensionnés, ou au moins les bénéficiaires des mesures de revalorisation des petites retraites. C'est cette même option qui a la préférence de la FNSEA, laquelle propose de mensualiser les retraites nouvellement liquidées et de définir un ordre de priorité pour le basculement des retraites actuellement versées.

Une deuxième solution, plus coûteuse, pourrait consister à relever le niveau d'endettement permanent du régime - qui a atteint 2,2 milliards d'euros en 2002 - et à faire supporter au BAPSA la charge financière de cet endettement permanent supplémentaire, dont le remboursement ne serait prévu qu'à un terme éloigné. Cette méthode conduirait à inclure la charge de la mensualisation dans le financement de la trésorerie du régime, avec des taux variables à court terme.

Ainsi, la mensualisation peut être envisagée dans un avenir rapproché. Procéder de façon progressive éviterait, au départ, une charge financière excessive, d'autant que la structure démographique du régime de retraite des exploitants agricoles tendra à réduire le poids des retraites restant à mensualiser.

Cette mesure aurait été plus aisée si le gouvernement précédent n'avait pas choisi de financer les déficits d'exécution du BAPSA de 1997 et 2001 par des prélèvements massifs sur son fonds de roulement, aujourd'hui réduit à 6,6 millions, pour un montant cumulé de 250 millions entre 1998 et 2001.

La nouvelle loi organique relative aux lois de finances menace-t-elle l'avenir du BAPSA ? Son article 18 restreint les possibilités de recourir à des budgets annexes, par dérogation au principe d'unité et d'universalité du budget de l'Etat. C'est au plus tard pour le budget de 2006 que se posera expressément la question de l'existence du BAPSA. Sa suppression éventuelle ne nécessiterait pas de modifications institutionnelles particulières, la caisse centrale de la MSA pouvant être affectataire directe de taxes et impositions de toute nature. Il ne serait donc pas juridiquement indispensable de créer un établissement public national. Mais peut-être serait-ce opportun, puisque la solidarité nationale participe de façon prédominante au financement du régime social agricole.

En conclusion, je propose à l'Assemblée d'adopter le BAPSA pour 2003 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Daniel Garrigue - Monsieur le ministre, votre budget est à l'image de l'action que vous avez engagée et qui est courageuse, précise et ambitieuse. Vous aviez en effet trois défis majeurs à relever.

Le premier tenait à la tentative de remise en cause anticipée de la PAC par ceux qui considéraient que la position de la France n'était plus aussi ferme. Vous les avez rappelés à la réalité, vous vous êtes battu au côté du Président de la République, et vous êtes parvenu à l'accord franco-allemand qui a confirmé le maintien de la PAC dans sa forme actuelle jusqu'en 2006 (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Votre démarche était parfaitement légitime : il s'agissait de respecter les engagements pris en commun à Berlin en 1999 ; de plus, il aurait été dangereux de mettre en cause la PAC à la veille de l'élargissement de l'Union européen et des négociations de l'OMC. Il est surprenant d'entendre affirmer par certains que le découplage des aides et de la production nous placerait en meilleure posture dans les négociations internationales, au moment même où nos principaux concurrents renforcent leurs propres systèmes d'aides individuelles, que ce soit aux Etats-Unis ou en Ukraine...

M. François Sauvadet - C'est vrai !

M. Daniel Garrigue - De plus, une politique agricole maîtrisée contribue à maintenir l'agriculture dans la réalité économique, à assurer le revenu des agriculteurs et à garantir la vitalité du monde rural.

Le second défi consistait à assumer les engagements non financés, voire les bombes à retardement laissées par vos prédécesseurs (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Vous y réussissez par un remarquable effort de redéploiement. M. Peiro et ses amis avaient adopté une retraite complémentaire pour les agriculteurs, mais renvoyé son financement à deux ans, sachant bien qu'ils n'auraient pas à l'assumer (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Non seulement, Monsieur le ministre, vous avez pallié les insuffisances de crédits du BAPSA dès cette année, mais pour 2003 vous mettez en _uvre cette retraite complémentaire. Je sais que certains retraités agricoles regrettent que le dispositif ne prenne pas effet dès le 1er janvier, mais en revanche il ne leur est demandé aucune contribution supplémentaire, ce qui est sans précédent (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Le monde agricole avait accueilli avec méfiance les CTE. Vous suspendez le dispositif, tout en veillant à ce que les contrats déjà signés soient appliqués et à ce que ceux dont la procédure est suffisamment avancée aillent jusqu'au terme. A cet effet, vous avez inscrit trois fois plus de crédits dans le budget 2003 qu'il ne s'en trouvait dans le budget précédent.

M. François Brottes - C'est le signe du succès !

M. Daniel Garrigue - Indiquez-nous dans quel délai le nouveau système auquel vous travaillez deviendra effectif, et s'il ne serait pas possible de maintenir pour le moment les CTE collectifs.

M. Christian Paul - Remarque intéressante !

M. Daniel Garrigue - Il faut savoir être pragmatique !

Dans le domaine de la forêt, nous avions entendu au lendemain de la tempête des promesses mirobolantes. Vous, vous engagez un effort réel en faveur de la forêt, en dotant l'ONF de façon significative, contrairement aux années passées, et en renforçant les crédits pour bonification d'intérêts et pour l'aide à l'investissement forestier.

Le troisième défi qui vous incombe est la modernisation permanente de notre agriculture. Nos agriculteurs sont compétents, mais les moyens de leur formation doivent leur être garantis. Dans cette perspective, vous rétablissez l'équilibre en faveur de l'enseignement privé agricole, qui accueille la moitié des jeunes se destinant à l'agriculture. Vous consacrez aussi un effort important à l'installation.

Le monde agricole attend que les exploitations soient le plus possible soumises au droit commun. Le contrat-vendange a été apprécié. Votre collègue Dutreil prépare un texte important relatif au commerce et à l'artisanat ; nous souhaitons que ses dispositions soient le plus possible applicables aux exploitations agricoles.

Vous soutenez la qualité et vous défendez la sécurité de façon conséquente. Que comptez-vous faire pour promouvoir notre viticulture, confrontée à la concurrence des pays de l'hémisphère sud ?

Vis-à-vis des OGM, il ne faut pas être trop timoré. Les Etats-Unis, la Chine les développent intensément, et nous risquons d'être durablement distancés. Soyons plus audacieux, dans le domaine de l'expérimentation comme dans celui de la négociation. Prenons garde au fameux « pouvoir vert » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

L'agriculture demeure un enjeu considérable pour des millions de Français. Le groupe UMP vous apporte son total soutien (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean Gaubert - Budget de transition ou de rupture ? Les qualificatifs sont habituels en période d'alternance, mais je laisserai chacun libre d'en juger, me bornant à souligner quelques éléments qui me semblent augurer de ce qui nous attend.

L'agriculture resterait une priorité pour le Gouvernement, dites-vous, sous prétexte que son budget progresserait de 0,9 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2002. Mais, ayant jugé celle-ci insincère au point de la corriger par votre collectif de juillet dernier, c'est par rapport à ce budget rectifié par vos soins qu'il conviendrait d'apprécier l'évolution. On constate alors une baisse de 3,5 %. Que penser, donc, du couplet : « Le Gouvernement aime les agriculteurs » ?

Ce gouvernement prépare l'avenir, dites-vous aussi. Alors pourquoi supprimer des postes à l'INRA et dans l'enseignement public agricole ? Dans ces temps de doute et de forte compétition, nous avons besoin d'une recherche publique indépendante et incontestable, capable d'apporter des réponses fiables sur les OGM ou de soutenir une agriculture durable, respectueuse des équilibres territoriaux. Cela suppose des moyens, comme en suppose la formation des générations futures. Or, sur ce dernier point, vous vous empressez de donner satisfaction aux lycées privés, au détriment des lycées publics qui devront se contenter d'une augmentation de 1,5 %.

Est-il bien exact que le Gouvernement « privilégie les filières et une agriculture dynamique et exportatrice » ? Les crédits d'intervention des offices baissent, de 33 % pour certains ! Certes, comme vos collègues des autres ministères mal dotés, vous évoquez la possibilité de reports mais, à supposer que ceux-ci existent, ils ne suffiront pas à combler les manques. Et s'ils existent, cela ne voudrait-il pas dire que le gouvernement précédent ne vous a pas laissé que des « impasses » ? Quoi qu'il en soit, ce coup des reports ne marchera qu'une fois, et je crains fort que l'insuffisance des crédits d'intervention n'empêche d'orienter et de soutenir nos filières en crise et nos politiques d'exportation...

Vous prétendez vouloir alléger les charges des entreprises et des filières, mais vous réduisez dans des proportions insupportables l'aide à l'équarrissage, au grand dam des producteurs qui savent bien qu'on ne fera pas payer la grande distribution.

Je trouve cependant un élément de satisfaction dans votre attitude à l'égard des CTE : après avoir donné l'impression de vouloir les supprimer, vous avez dû, sous la pression de la base, reconsidérer votre position, et vous les avez plafonnés. Hélas, dans l'élan, vous avez supprimé la modulation, qui ne touchait que les agriculteurs les plus aisés - alors que les CTE ont vocation à intéresser la majorité de la profession.

« Le Gouvernement pratique la solidarité » : si tel est le cas, comment expliquer la sous-dotation des mesures en faveur des agriculteurs en difficulté ? Croyez-vous que, du seul fait que le gouvernement a changé, tout ira soudain mieux dans le meilleur des mondes ?

Vous êtes aussi le ministre de la pêche : n'oubliez pas que nos marins-pêcheurs sont soucieux de la bonne conclusion des négociations communautaires en cours ! Il faut sans doute maîtriser la production, mais pas en sacrifiant nos ports ni la sécurité de nos marins.

Je ne terminerai pas mon propos sans vous décerner quelques satisfecit, pour l'augmentation des crédits destinés aux mesures agri-environnementales, pour votre politique de sécurité sanitaire, pour le soutien apporté aux signes de qualité et pour un budget de la mer somme toute satisfaisant - à condition que Bruxelles vous permette de l'utiliser au mieux. Pour autant, et cela ne vous surprendra certainement pas, le groupe socialiste ne peut voter vos crédits (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Le Garrec remplace M. Daubresse au fauteuil de la présidence.

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

M. François Sauvadet - Comme l'a dit le porte-parole de l'UMP, il fallait du courage, Monsieur le ministre, pour désamorcer une à une les bombes à retardement laissées par votre prédécesseur : les CTE et la retraite complémentaire obligatoire - que nous avons votée au nom de la solidarité - n'étaient pas financés (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), les fonds européens restaient inutilisés, l'Etat s'était désintéressé de la forêt dévastée en dépit des efforts de M. Brottes et d'autres... Mais, plutôt que sur l'insincérité de ceux qui vous ont précédé, je préfère insister sur la sincérité de votre budget, dont le réalisme tranche avec le passé.

Ces dernières années, les crises sanitaires et économiques ont fait souffler un vent de panique sur plusieurs filières. Nos producteurs ont souvent éprouvé colère et incompréhension et, de surcroît, ils ont souvent été victimes d'une injuste suspicion. Avec la nouvelle législature, nous devons _uvrer à les réconcilier avec les consommateurs et, plus largement, avec le reste de la société.

Tout cela s'est produit dans un contexte européen difficile : le commissaire Fischler venait de présenter des propositions que nous avons unanimement condamnées. Vous avez conjugué vos efforts avec ceux du Président de la République pour sortir la France de l'impasse et d'un relatif isolement, préservant ainsi nos intérêts.

Vous avez également suspendu le mécanisme de la modulation, ce dont nous vous félicitons, car il pénalisait les exploitations petites et moyennes.

Nous sommes encore loin d'avoir trouvé toutes les solutions pour les dix ou vingt ans qui viennent et il faudra donc que, tous, à quelque formation que nous appartenions, nous fassions preuve de cohésion dans les négociations qui vont s'ouvrir si nous voulons assurer à notre agriculture un avenir plus serein. La loi de finances rectificative a certes permis d'éviter le pire, en bouchant le trou de 750 millions d'euros de la MSA, mais le seul budget de l'agriculture ne saurait suffire à rétablir une situation saine dans tous les secteurs. Il serait donc d'autant plus nécessaire de garantir que l'Etat sera aux côtés des agriculteurs en cas de crise.

Les dépenses de fonctionnement pesant pour 42 % dans ce budget, il s'impose d'organiser un audit de vos services afin de s'assurer de leur efficacité, mais votre mérite est d'autant plus grand d'avoir réussi à dégager des crédits pour les secteurs en difficulté - forêt, élevage - et à revaloriser la dotation de l'enseignement privé. Je ne suis pas de ceux qui, comme mon prédécesseur à la tribune, opposent public et privé, et il importait de corriger des injustices en soutenant l'enseignement en alternance. Je note toutefois que les crédits de formation ont légèrement baissé. Or ils sont indispensables pour préparer l'avenir.

Le fonds de valorisation et de communication peut utilement servir la réconciliation entre notre société et ses agriculteurs. Le monde rural ne peut être à part et, outre les produits, mémoire vivante de nos terroirs, il convient de valoriser les savoir-faire, qui participent aussi de l'exception française. Mais sans doute faudra-t-il aussi réfléchir à une meilleure organisation de nos services de promotion, afin d'aider nos PME à être plus présentes sur les marchés extérieurs.

S'agissant de la révision à mi-parcours de la PAC, vous avez franchi un premier pas grâce à votre fermeté, en obtenant de nos partenaires et de la Commission qu'ils respectent l'agenda de Berlin. Il faut maintenant passer à l'offensive et, en accord avec le Parlement, présenter des propositions pour préparer l'après-2006. Pour le groupe UDF, la PAC devra conserver des capacités régulatrices, ce qui suppose de se doter d'instruments nouveaux : l'avenir est au mouvement et, pour prendre la tête de celui-ci, nous pouvons nous appuyer sur l'élargissement. Ressenti par les agriculteurs comme une menace, ce dernier peut au contraire être une chance pour l'agriculture française et européenne. Le marché unique, renforcé par l'arrivée d'autres grands pays agricoles, ne doit pas être celui du statu quo et de l'impuissance. En tout cas, nous ne pouvons reporter nos choix : il nous faut tracer une route pour nos agriculteurs.

L'agriculture n'est pas un secteur comme les autres : elle est porteuse d'un modèle de développement économique et humain. Cette vocation économique a été niée, notamment en vue de mettre l'accent sur le respect de l'environnement, mais l'un ne va pas sans l'autre.

Mme Christine Boutin - Très bien !

M. François Sauvadet - Il faut oser parler de compétitivité - et certains secteurs y sont d'ailleurs prêts - tout comme il faut veiller à la préservation de l'environnement, à l'aménagement et à l'entretien des territoires.

Le développement économique implique par ailleurs de clarifier la situation de la filière agricole. Les prix s'effondrent à la production, mais ils continuent à augmenter à la consommation, comme cela s'est vu notamment en matière de viande. Un observatoire des prix et des marges doit impérativement être mis en place pour permettre d'y voir plus clair (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Il faut rendre la situation publique pour mettre au grand jour ces pratiques de « marges arrières » et autres « rétributions », permettre enfin au consommateur de savoir ce qui se passe, et pourquoi il ne bénéficie pas de la baisse des prix à la production.

M. André Chassaigne - C'est le libéralisme ! L'économie de marché !

M. Jean-Claude Lefort - Et même de supermarché ! (Sourires)

M. François Sauvadet - En matière d'environnement, il est clair que nous préférons l'incitation à la coercition. Il faudra par ailleurs rompre avec les pratiques antérieures et renvoyer le produit des mesures de sanction à la filière, plutôt que par exemple au financement des 35 heures ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Il est temps de conclure.

M. François Sauvadet - Nous savons aujourd'hui qu'il nous faut plus d'agriculture et plus d'agriculteurs. Or, la période précédente a vu une diminution de 40 % des effectifs. Vous devez faire en sorte que les jeunes voient enfin un avenir dans ces métiers, et écouter la désespérance du monde rural. Vous augmentez certes de 10 millions les crédits du fonds destiné à l'aide aux agriculteurs en difficulté, mais il faut faire plus encore.

En matière de sécurité alimentaire, l'Etat doit assumer sa mission. La filière ne peut supporter à elle seule le coût des mesures de sécurité à la production, or la baisse des crédits destinés à l'élimination des déchets ne doit pas en faire retomber la charge sur les agriculteurs.

M. le Président - Mon cher collègue, il faut vraiment conclure.

M. François Sauvadet - C'est donc avec une conscience aiguë des enjeux que nous soutiendrons votre budget, ainsi que votre volonté de simplification. Nous veillerons particulièrement à ce que les produits agricoles qui entrent sur notre territoire soient tout aussi bien contrôlés que les autres marchandises, par le biais des pôles territoriaux de contrôle (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. le Président - J'invite les orateurs à ne pas suivre l'exemple de M. Sauvadet et à respecter leur temps de parole...

M. André Chassaigne - Le rôle irremplaçable de l'agriculture, tant dans notre vie quotidienne que pour la dynamique des territoires ruraux, impose de juger votre budget sous plusieurs aspects. Est-il apte à favoriser une agriculture de qualité tout en assurant des revenus décents aux agriculteurs ? Permet-il de faire face aux menaces qui pèsent sur l'avenir, avec les négociations en cours sur la PAC et l'élargissement de l'Union ?

Le groupe communiste et républicain estime que ce budget n'est pas à la hauteur de la situation. Les producteurs de céréales ont connu une année noire à cause de la chute des cours, due à des importations abusives. Les stocks accumulés de viande bovine continuent à peser sur les cours. Les fruits et légumes sont toujours victimes de la grande distribution, qui a massivement recours à l'importation et qui casse les prix à la production. D'une façon générale, les prix perçus par les paysans n'ont jamais été aussi bas alors qu'ils augmentent pour les consommateurs.

M. Jean-Pierre Kucheida - Exact !

M. André Chassaigne - Comment, dans ces conditions, pouvez-vous présenter un budget qui n'augmente que de 0,9 % ? Et encore cette hausse est-elle trompeuse : en réalité, le budget pour 2003 baisse de 3,8 % si l'on tient compte des crédits qui ont été votés en loi de finances rectificative, et de près de 6 % si l'on tient compte de l'inflation ! Nous avons donc toutes les raisons de nous inquiéter pour l'avenir des petits et moyens exploitants, déjà secoués par la suspension des contrats territoriaux d'exploitation (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

L'analyse de la nomenclature budgétaire fait apparaître une orientation à peine voilée : faire disparaître un nombre significatif d'exploitants. Ainsi, le regroupement des lignes consacrées au fonds d'allégement des charges et aux actions en direction des exploitants en difficulté aboutit en fait à réduire de 14 % le montant total de ces crédits. De la même façon, vous dotez le fonds d'incitation à l'installation de 10 millions, mais vous baissez de 8,5 millions les crédits de la dotation aux jeunes agriculteurs, en regroupant les deux sur une seule ligne ! C'est donc que vous prévoyez une baisse importante de ces installations ! Vous diminuez en outre les crédits destinés aux offices de 15 %, ce qui réduit leurs moyens d'intervention en cas de crise, et ce jeu d'airbags communicants (Sourires) par lequel vous vous justifiez ne saurait nous convaincre. Enfin, en réduisant de 205 millions les aides à l'équarrissage, vous transférez sur les éleveurs le coût de l'élimination des déchets.

Ce budget démontre un manque d'ambition flagrant. A moins qu'il ne traduise une volonté délibérée de réduire le nombre des agriculteurs ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Comment expliquer autrement - pardonnez la trivialité de l'expression - cette politique du chien crevé au fil de l'eau, qui laisse disparaître les plus faibles (Protestations sur les bancs du groupe UMP), tout en maintenant des conditions draconiennes pour les aides à l'installation ?

Il est vrai que vous augmentez la prime herbagère de 70 %. Mais quels seront ses critères d'attribution ? Les exploitations les plus spécialisées seront-elles privilégiées ? L'indemnité compensatoire de handicap naturel augmente de 50 % pour les 25 premiers hectares, mais cela suffira-t-il à compenser l'aide qu'apportaient les contrats territoriaux d'exploitation ?

Vous avez annoncé la suspension de ces derniers. Pourtant, chacun avait fini par l'admettre, ce sont des outils de développement qui allient respect de l'environnement et développement économique. La procédure de contractualisation avait en outre l'avantage de poser les agriculteurs comme de véritables partenaires de l'Etat et comme des acteurs dynamiques. Vous avez annoncé que vous honoreriez les CTE déjà signés, mais vous revoyez dans le même temps à la baisse ceux qui sont en cours d'instruction. Ce sont donc les agriculteurs les moins actifs qui seront pénalisés, c'est-à-dire souvent les plus modestes.

M. Jean-Claude Lefort - Eh oui !

M. André Chassaigne - Là aussi, d'ailleurs, vous entretenez le flou budgétaire. 200 millions sont certes inscrits dans votre projet de budget, mais vous ne fixez aucun objectif qualitatif ou quantitatif ! Quant aux mesures de substitution, telles que les mesures agri-environnementales, elles nécessitent une révision du plan de développement rural approuvée par l'Europe. En fait, en matière de CTE, vous n'avez fait que des annonces. Ne faudrait-il pas organiser enfin une large concertation et faire participer les exploitants aux décisions qui les concernent, au lieu de faire mener un audit au pas de charge ?

En ce qui concerne la politique agricole commune, vous saluez comme des victoires le compromis trouvé avec l'Allemagne et les décisions du Conseil européen des 24 et 25 octobre. Il est vrai que le rejet de la réforme du commissaire Fischler doit être apprécié. Elle aurait eu, au-delà de son habillage écologique, des conséquences désastreuses pour notre agriculture, en octroyant une rente de situation aux exploitations productivistes et en pénalisant celles des terres les moins fertiles.

Pour autant, rien n'est réglé sur le fond. Ainsi les dépenses agricoles seront plafonnées pour douze ans, alors qu'il faudrait aider davantage les pays qui vont rejoindre l'Union européenne. En clair, les aides diminueront pour les petits agriculteurs des Quinze, sans que ceux des dix pays entrants bénéficient de la totalité des crédits que prévoit la PAC actuelle... C'est un nivellement par le bas.

Mais c'est aussi un jeu de dupes, car, selon les conclusions du sommet de Bruxelles, le schéma retenu vaut « sans préjudice de futures décisions concernant la PAC »... Ainsi rien n'est acquis, et la foire d'empoigne devrait reprendre après 2006.

Alors qu'il faudrait rester vigilant, Monsieur le ministre, vous vous réjouissez trop vite du rejet du projet Fischler. Après avoir, en somme, acheté un âne dans un sac, vous ne dites rien de la réforme qui reste pourtant nécessaire, et qui doit être engagée au plus vite, avant l'élargissement. Refuser, comme vous le faites, toute évolution de la PAC avant 2006 serait aussi dangereux pour les paysans que les précédentes propositions de la Commission. Là se trouve la bombe à retardement, et ses conséquences sont graves : qui croira qu'un consensus contre le libéralisme sauvage pourra émerger d'une Europe à vingt-cinq ? Sans réorientation de la PAC, l'agriculture industrielle l'emportera, au détriment de l'emploi, de l'environnement et de la qualité des produits.

Je conclurai par quelques propositions pour une agriculture paysanne et durable, porteuse d'emplois, et gage de vitalité pour les zones rurales. Sur la question des prix, tout d'abord : tous les candidats à l'élection présidentielle se sont prononcés pour des prix rémunérateurs. Cela doit se traduire dans les faits. Aussi demandons-nous que l'Union européenne mette en place une politique de prix qui permette aux agriculteurs de vivre de leur production ; les aides directes doivent être réservées aux petits producteurs et à ceux des zones défavorisées. C'est possible en renforçant la préférence communautaire. Mais alors l'Union européenne ne doit pas privilégier l'aide à l'exportation des produits de l'agriculture industrielle, et elle doit reconnaître à tout pays le droit de protéger ses producteurs par une politique douanière adaptée.

Sur l'avenir des CTE, en second lieu, notre groupe souligne la nécessité de prendre en compte l'installation progressive des jeunes agriculteurs, hors DJA, dans la mise en place des nouvelles orientations. L'obtention de la DJA est en effet un parcours du galérien, qui ne concerne, de ce fait, qu'une installation sur deux. De même, le plafonnement des aides, que nous approuvons, doit tenir compte de l'emploi, du nombre d'actifs familiaux par exploitation. Enfin les mesures en préparation doivent faire l'objet d'une large concertation avec les professionnels.

En matière sociale, nous nous réjouissons des avancées concernant les retraites des exploitants. Mais nous proposons d'aller plus loin en élargissant le bénéfice de la retraite, à hauteur de 75 % du SMIC brut, aux conjoints ayant collaboré à l'exploitation.

Nous nous prononçons pour l'application dès le 1er janvier 2003 de la loi sur les retraites complémentaires votée à l'unanimité en février 2002 ; la mensualisation des retraites agricoles ; la suppression du plafonnement des revenus qui servent au calcul des charges sociales ; et l'abrogation de la surtaxation des cotisations AMEXA des aides familiaux.

Votre budget, Monsieur le ministre, ne répond pas aux attentes des agriculteurs, notamment en ce qui concerne la pérennité de leur exploitation, qui exigerait une initiative forte du Gouvernement pour arriver à des prix rémunérateurs. Il ne répond pas davantage aux attentes des Français, qui veulent des denrées de qualité, issues d'une agriculture respectueuse de l'environnement.

Enfin, vous ne prenez pas de positions claires et efficaces dans le sens de la maîtrise de la production pour les secteurs qui en ont besoin, de l'orientation des primes pour favoriser le développement durable de nos territoires, ni de l'orientation des aides en faveur de l'installation des jeunes agriculteurs.

Chacun comprendra donc que le groupe des députés communistes et républicains ne le vote pas (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. Louis Guédon -L'avenir de la pêche est inséparable de la politique de la mer. Si le budget de la mer est en augmentation, s'établissant à 1 033 millions d'euros, celui de la pêche reste stable à 26,2 millions d'euros. Ses crédits d'intervention augmentent, ses crédits d'investissement sont reconduits.

La politique de la mer a quatre piliers : la sécurité, le développement de la flotte de commerce, le soutien à la formation maritime, le renforcement de la protection sociale. Ces quatre points sont essentiels pour notre flotte de commerce comme pour notre flotte de pêche.

Je salue l'augmentation de 8 % des moyens d'investissement pour la sécurité maritime, mais je déplore, pour ce qui est du contrôle des navires, qu'on ne fasse pas davantage de place à des hommes d'expérience : capitaines de première classe de la marine marchande et ingénieurs mécaniciens pourraient assurer avec compétence les contrôles nécessaires. La France, en effet, n'assure plus le contrôle du nombre de navires exigés.

A quelle politique maritime peut prétendre notre pays qui, avec cinq mille kilomètres de côtes, n'est qu'au vingt-huitième rang des flottes de commerce ? La taxe au tonnage est-elle la mesure qui s'imposera ? Certes, afin d'alléger la charge des équipages, le Gouvernement améliore le remboursement de la taxe professionnelle...

S'agissant de la formation maritime, je salue l'augmentation des effectifs et des postes d'enseignants dans les écoles de la marine marchande. Mais il est anormal que l'Etat soit désengagé de toute formation, en particulier à la pêche, dans des départements comme la Vendée où cette vocation est fortement affirmée.

Qu'en est-il des espérances qu'avait suscitées la loi d'orientation sur la pêche quant à la place des femmes de marins ? Leurs formations validantes ne semblent pas généralisées.

En dix ans, la France a perdu 40 % de sa capacité de pêche. Le littoral assiste, impuissant, au désarmement de sa flottille et à la détérioration de son équilibre financier, encore aggravée lorsqu'une crise pétrolière rend le prix du gazole incompatible avec la rentabilité des navires... Pourquoi ne pas instituer des provisions pour aléas, comme le demande la profession ?

Les marins ne comprennent pas, après les efforts de mise aux normes des criées qu'on leur a demandé et le déséquilibre financier qui en résulte, les déclarations inacceptables du commissaire Fischler. En deçà d'un certain point d'équilibre, les ports ne sont plus viables et sont voués à la disparition. La politique commune de la pêche, jadis source d'espoir pour les marins quand elle portait le nom d'Europe bleue, est aujourd'hui redoutée, pour ses décisions prises sans contact avec les professionnels, contraires à leurs intérêts, et fondées sur des arguments qui relèvent d'une idéologie plutôt que de la science ou du réalisme... Comment M. Fischler a-t-il pu envisager la disposition de 28 000 emplois de marins-pêcheurs en Europe, et proposer un plan qui impliquerait de supprimer 12 % de la flotte française et 40 % de la flotte européenne ?

Toute réflexion sur l'avenir conduit à penser qu'il ne faut pas casser les navires, ni obliger les marins à naviguer, au péril de leur vie, sur des navires d'occasion, mais au contraire renouveler la flotte pour assurer la sécurité des équipages. Le monde de la mer, souvent isolé, doit être associé à toute discussion concernant son avenir. Il importe que les documents scientifiques, derrière lesquels s'abrite Bruxelles pour définir sa politique, reposent sur un mode opératoire vérifiable, quantifiable et reproductible. On se rappelle les évaluations sur l'anchois, le merlu et la langoustine, qu'on a repêchés en abondance après avoir annoncé leur disparition... Les décisions de Bruxelles, sources des difficultés croissantes pour les professionnels, créent chez eux un sentiment d'injustice et de révolte dès lors qu'elles ne sont pas incontestables.

Il est étonnant qu'on n'ait jamais pensé à reconstruire un certain nombre de navires neufs, ni à associer le monde de la mer à un véritable plan social. Celui-ci devrait améliorer les conditions de travail, et faire contribuer les indispensables périodes de repos à la pérennité des espèces et au respect des quotas. Le monde de la mer souhaite une véritable concertation sur la ressource, car il sait que celle-ci commande son avenir.

Face à la volonté européenne de développer une pêche industrielle en Europe du Nord, nous ne saurions accepter que des juvéniles soient pêchés pour qu'une industrie minotière les transforme en farine. La pêche artisanale est un élément de l'avenir de la pêche française. Nous ne saurions non plus revivre certaines expériences brutales, comme celle du filet maillant-dérivant, interdit sur 2,5 kilomètres sur le littoral français... et autorisé sur 25 kilomètres dans les pays nordiques.

Pourquoi la subvention accordée aux différents offices, en particulier l'OFIMER, est-elle réduite de 14,8 % ? Cette baisse est mal vécue, dans un contexte difficile où les marchés sont chahutés et les quotas en baisse. Il faut donner à l'OFIMER les moyens d'assurer la promotion des produits de la mer.

La pêche artisanale française, c'est la triple assurance d'une qualité de production, d'une politique maîtrisée du littoral, et d'un développement social. Dans les négociations européennes, où vous avez montré, Monsieur le ministre, votre détermination, nous espérons que l'avenir de la pêche ne servira pas de monnaie d'échange en faveur de tel ou tel autre secteur économique. Il faut aussi veiller à ce que, dans l'avenir, les coûts de retraitement des déchets ne viennent pas peser sur le prix de vente du poisson.

La vigilance s'impose tout autant dans la concurrence qui nous oppose à nos voisins, en particulier espagnols. Dans le passé la tension fut grande sur le thon. Elle risque de renaître avec la détermination de nos pêcheurs qui, face à l'injustice du filet maillant-dérivant, viennent de s'adapter à un nouveau système de pêche, la senne. On observe également de fortes tensions sur la pêche à l'anchois et sur la détermination des quotas.

Le Gouvernement doit rester attentif aux difficultés que rencontre la conchyliculture : modification de la biomasse, prolifération des algues vertes et d'autres organismes, élévation de la température... Elles mettent en péril l'avenir de nombreuses entreprises. Une recherche efficace et concertée est nécessaire.

Nous voterons ce budget, Monsieur le ministre, et nous insistons pour que les activités maritimes puissent assurer le développement économique du littoral et éviter sa désertification. La pêche a un avenir, nos professionnels doivent espérer et nos jeunes être encouragés dans ce métier magnifique, la France doit assurer l'épanouissement de sa vocation maritime ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Christian Paul - Il n'est pas imaginable d'examiner ce budget sans évoquer les enjeux de la politique agricole commune, sur lesquels je veux user du droit d'interpellation et du devoir d'alerte qui incombent à chaque député. A défaut de vous convaincre, je souhaite, avec les députés socialistes, prendre date.

Comme l'ont souligné avant moi Jean Gaubert et André Chassaigne, la politique agricole française paraît désormais dépourvue de stratégie, comme de véritables marges de man_uvre budgétaires.

Cette absence d'orientations claires constituait un lourd handicap dès cet été, lors de la publication des propositions Fischler. La France usa de son énergie et de son influence à seule fin de préserver le statu quo, alors que beaucoup, à juste titre, considèrent comme nécessaires la réorientation de la PAC et un vrai débat avec nos partenaires sur ses fondements.

Vous avez, Monsieur le ministre, souvent tenté de réagir à des critiques de la PAC qui n'étaient pas ou peu fondées. Cette rhétorique des fausses questions ne dispense pas d'affronter les vraies interrogations. Il serait utile et conforme à nos institutions que nous ayons ce soir la primeur de vos convictions.

L'accord de Berlin n'a rien réglé sur le fond. Il a reculé les échéances et fait progresser le poids des contraintes du marché mondial. Pour beaucoup de filières, il signifiait aussi des baisses de prix partiellement compensées. Surtout, il ne comportait aucune avancée sensible pour la régulation des marchés et la maîtrise de la production.

Plus préoccupant encore, la PAC, à mi-parcours, n'a guère fait progresser l'Europe sur la voie d'une agriculture répondant à trois exigences : qualité des productions, prix de marché plus justes, aides publiques assises sur un contrat rémunérant les contributions de l'agriculture aux territoires et à l'environnement.

La loi d'orientation agricole de 1998, que je ne vous ai pas entendu citer une seule fois mais dont vous brisez méthodiquement le message et affaiblissez les outils, offre un tremplin précieux pour défendre un modèle d'agriculture durable. Demeure-t-elle la référence de la France ? Quels sont les principes qui guident votre politique ?

Au moment où les contrats territoriaux d'exploitation s'imposaient sur le terrain, fallait-il les mettre en doute, les condamner puis faire marche arrière ? Au moment où le commissaire Fischler propose des formules peu convaincantes de découplage, ils offrent l'exemple d'un découplage qui peut réussir.

Enfin, la PAC heurte l'économie agricole fragile de nombreux pays du Sud. Le droit des peuples à se nourrir eux-mêmes s'accommode mal des restitutions aux exportations. Là encore, le message de la France n'est plus respectable, ou plutôt il comporte d'insupportables contradictions. L'OMC pourrait être le cadre d'un accord global, préservant certaines modalités de préférence communautaire. François Sauvadet vous a lui-même invité de façon pressante, dans un article récent, à prendre l'offensive.

M. François Sauvadet - Vous ne m'avez pas lu !

M. Christian Paul - Le refus de réorienter la PAC s'apparente à une faute historique, même s'il se pare de la vertu et du courage. Il fallait bien, nous dites-vous, résister à l'assaut de ceux qui veulent « faire des économies sur la PAC ». En réalité, on a peu résisté à Bruxelles, et vous allez être contraint de faire des économies, dans les pires conditions. Vous seriez beaucoup plus fort en affirmant une vision de l'avenir ; à retarder les réformes, elles n'en seront que plus chaotiques et improvisées.

La faiblesse de notre position est encore aggravée par les conséquences pratiques de l'accord Chirac-Schröeder et par les résultats du récent sommet européen de Bruxelles. La dégressivité des aides constituera une perte sèche pour les agriculteurs français. Une fois de plus, les premiers accords conclus portent sur le plafonnement du budget et non sur la stratégie de développement agricole, et aucune concession de nos partenaires sur les autres politiques communautaires ne vient compenser ce déclin programmé de la PAC. Enfin, un grand silence règne sur l'avenir des organisations communes de marché, de la viande comme du lait, et sur la régulation des productions.

L'agriculture n'est pas une marchandise ordinaire. Elle réclame un pacte national et européen ambitieux et volontaire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Charles de Courson - Je limiterai mon intervention au BAPSA, dont je fus le rapporteur spécial pendant cinq ans.

Je constate avec satisfaction que ce projet de BAPSA est beaucoup plus réaliste que les précédents (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. François Goulard - Ce n'est pas très difficile !

M. Charles de Courson - Le Gouvernement a dû mobiliser 746 millions d'euros - excusez du peu ! - en loi de finances rectificative pour boucher le trou que la majorité précédente avait sciemment creusé, en ne tenant pas compte de mes avertissements. Il a fallu ponctionner les caisses de la MSA à hauteur de 161 millions, l'ONIC à hauteur de 165, assécher la moitié des réserves du fonds national des calamités agricoles - ce que le groupe UDF a d'ailleurs vivement regretté -, enfin augmenter de 290 millions la subvention d'équilibre.

Le projet de BAPSA pour 2003 est d'abord beaucoup plus sincère du côté recettes, sous trois réserves.

Concernant la TVA, l'accroissement prévu, cohérent avec le budget général, est de 3,7 %. Un ralentissement d'un point ferait perdre 45 millions.

S'agissant des cotisations sociales, votre estimation de moins 1,3 % nous change des prévisions étranges de vos prédécesseurs, mais elle suppose, sachant que le nombre de cotisants va diminuer d'environ 1,4 %, que le revenu agricole soit stable : espérons que ce sera le cas, mais hélas les dernières récoltes n'ont pas été très bonnes.

S'agissant enfin des deux cotisations de solidarité, je suis très sceptique sur la possibilité de tripler leur produit. Ces cotisations posent en premier lieu un problème constitutionnel et de droit communautaire, puisqu'il n'y a pas de droits ouverts en contrepartie de leur versement. En outre, elles sont injustes socialement depuis la création de la CSG, qui aurait dû conduire à les supprimer. Enfin, elles sont dangereuses économiquement : est-il raisonnable de taxer d'autant plus les biens que le revenu qu'ils produisent est faible ?

Côté dépenses, on peut saluer un effort de réalisme. En ce qui concerne l'assurance maladie, vous avez été prudent, Monsieur le ministre, en prévoyant une hausse de 2,40 %, ce qui représente, vu la baisse du nombre des cotisants, une hausse de 5,1 % par assuré, cohérente par rapport à l'ONDAM.

Plus généralement, il faudrait poursuivre la réforme de l'assiette des cotisations sociales, en supprimant l'assiette minimale. Je n'avais pas réussi à en convaincre votre prédécesseur, mais il reconnaissait, la dernière année, que c'était logique. Il faudra aussi poursuivre l'achèvement de l'éclatement de l'assiette. Ce grand dossier nous prendra probablement les cinq ans de la législature, l'objectif étant de mettre l'agriculture dans la même situation que les petites sociétés en développement, ce qui suppose une réserve spéciale d'autofinancement.

Pour ce qui est de la retraite complémentaire, j'espère, Monsieur le ministre, que vous contribuerez à sa mensualisation, celle-ci étant possible à un coût raisonnable, de l'ordre de 40 à 50 millions de francs d'intérêts. Mais le taux de cotisation - 3 % - risque de sembler élevé, dans un contexte marqué par la baisse des revenus agricoles. Par ailleurs, il faudra élargir le régime à ceux que la gauche a oubliés, c'est-à-dire à une bonne partie des veuves et aux aides familiaux. Il est vrai que la gauche a, d'une manière générale, négligé de s'occuper des plus modestes, ce qui explique sans doute ses résultats électoraux (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Je terminerai en évoquant l'avenir du BAPSA. Le supprimer ne fait pas problème, et il n'y a nul besoin pour cela de créer un établissement public national : le rapporteur spécial a eu raison de le dire. En tout état de cause, le BAPSA sera supprimé au plus tard en 2006.

Sous les réserves que j'ai faites, le groupe UDF votera en faveur de ce budget réaliste et honnête (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Germinal Peiro - Je veux une nouvelle fois parler des retraites agricoles, sujet qui concerne plus de 2 millions de nos concitoyens.

Les non-salariés agricoles sont les victimes d'un régime d'assurance vieillesse défaillant : sa mise en place tardive, la faiblesse des contributions - calculées à l'époque sur le revenu cadastral - et le déséquilibre démographique ont fait que leurs retraites sont, avec celles de certains artisans, les plus faibles de tout le système social français. Ce n'est qu'à partir de 1997 (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) qu'une revalorisation globale a été lancée.

Le plan quinquennal de revalorisation des plus faibles retraites a été fidèlement exécuté au fil des lois de finances suivantes, de 1998 à 2002, si bien qu'en cinq ans, grâce à une réelle volonté politique et à un effort budgétaire sans précédent - 21 milliards -, le niveau des retraites a été porté à celui du minimum vieillesse pour les chefs d'exploitation et les veuves, et au niveau du minimum vieillesse d'un couple avec la retraite du conjoint. Oui, en cinq ans, la retraite des chefs d'exploitation a progressé de 29 %, celle des veuves de 45 %, celle des conjoints et des aides familiaux de 79 % ! Mais le gouvernement précédent ne s'en est pas tenu là : il s'est aussi engagé à satisfaire la revendication d'une retraite à 75 % du SMIC, et ce en créant un régime complémentaire obligatoire. J'eus l'honneur d'être le rapporteur de ce texte, qui fut adopté à l'unanimité à l'Assemblée comme au Sénat. Outre la retraite égale à 75 % du SMIC pour les chefs d'exploitation, ce texte prévoit aussi une réversion à hauteur de 54 % pour les veuves et un cofinancement par l'Etat.

Aujourd'hui, le monde agricole est déçu car les engagements pris à l'unanimité dans la loi n'ont pas été tenus. En effet, alors que le régime complémentaire devait entrer en vigueur au 1er janvier 2003, ce gouvernement repousse le versement des prestations au 1er avril 2003, tandis que les cotisations seront bien, elles, appelées dès le 1er janvier. De plus, la cotisation des actifs est fixée à 3 % et la participation de l'Etat à 28 millions d'euros quand les accords avec la profession prévoyaient un taux de 2,84 % et une participation de l'ordre de 150 millions ! En outre, vous allez une nouvelle fois puiser dans les caisses de la MSA...

M. François Sauvadet - Rien n'était prévu !

M. Daniel Garrigue - Et pourquoi n'aviez-vous pas prévu une application dès le 1er janvier 2002 ?

M. Germinal Peiro - Mais parce qu'on budgétise pour l'année à venir !

Dois-je vous rappeler, Monsieur Sauvadet, ce que fut la participation du précédent gouvernement ? 1 milliard en 1998 ; 1,6 en 1999, 2000 et 2001 ; 2,2 milliards en 2002. Voilà ce que nous avons fait ! Je pense que les retraités agricoles, qui savent compter, verront la différence avec les 184 millions inscrits cette année...

Le monde agricole est déçu aussi parce qu'aucune mesure nouvelle n'est envisagée. Rien pour les femmes, qu'il s'agisse de la retraite de base ou de la complémentaire. Rien n'est fait non plus pour atténuer les taux de minoration, rien n'est prévu pour les polypensionnés, rien pour la mensualisation des retraites de base.

Nous avons vraiment le sentiment, Monsieur le ministre, que le relèvement des retraites agricoles n'est pas une priorité. Vous nous faites le faux procès du prétendu non-financement, alors que tous les députés et tous les sénateurs savaient parfaitement que le financement du nouveau régime devait être assuré par la loi de finances pour 2003 (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Le 29 octobre dernier, en réponse à une question de M. François Dosé sur le régime complémentaire, vous avez déclaré : « Nous tenons vos promesses inconsidérées ». Pour nous, Monsieur le ministre, le relèvement des retraites agricoles n'a rien d'une promesse inconsidérée. Il s'agit simplement de respecter l'engagement de la gauche de rendre aux vieux travailleurs de la terre justice et dignité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu ce soir, à 21 heures 15.

La séance est levée à 19 heures 40.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      François GEORGE

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ERRATA

au compte rendu analytique de la 1èreséance du mardi 5 novembre 2002.

    _ page 23, rétablir comme suit la troisième phrase du dernier paragraphe : « Cette question sera prochainement résolue comme l'a été le problème posé ... (le reste sans changement) ;

    _ page 24, rétablir comme suit la quatrième phrase du premier paragraphe : « Le coût de fonctionnement sera ensuite de 240 millions par an pendant vingt ans et celui de la désactivation de 430 millions. »


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