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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 19ème jour de séance, 49ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 6 NOVEMBRE 2002

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

AVENIR DES COMPAGNIES AÉRIENNES FRANÇAISES 2

IRAK 2

AVENIR DU SYSTÈME DE RETRAITE 3

RÉPARTITION DES FORCES DE POLICE
ET DE GENDARMERIE 4

CATASTROPHE FERROVIAIRE DE NANCY 5

COOPÉRATION ÉCONOMIQUE EUROPÉENNE 5

LOGEMENT SOCIAL 6

VIOLENCE À L'ÉCOLE 7

LIAISON LYON-TURIN 7

SITUATION EN CENTRAFRIQUE 8

PROTECTION DES SANS-ABRI EN HIVER 9

POLLUTION DE L'ÉTANG DE BERRE 10

LOI DE FINANCES POUR 2003
-deuxième partie- (suite) 10

LÉGION D'HONNEUR
ET ORDRE DE LA LIBÉRATION 11

JUSTICE 14

QUESTIONS 33

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

AVENIR DES COMPAGNIES AÉRIENNES FRANÇAISES

M. Michel Vaxès - D'une seule voix, toutes les organisations syndicales d'Air France - et nous à leur côté - ont exprimé leur refus de voir s'engager la privatisation d'une entreprise publique qui, depuis 1993, a montré sa capacité à redresser une situation financière difficile tout en concluant de solides accords de partenariat. Ce faisant, Air France a prouvé que l'on pouvait concilier le statut d'entreprise publique de qualité avec le développement, dans un contexte de forte concurrence.

Pourtant, la rumeur court que le décret de privatisation serait non seulement prêt mais soumis au Conseil d'Etat, sans qu'il y ait eu concertation des partenaires sociaux ni débat au Parlement.

De leur côté, les salariés d'Airlib refusent le plan de suppression de 500 emplois envisagé dans leur compagnie, et dont le coût, évalué à 50 millions, serait de loin supérieur à la restructuration du prêt consenti à Airlib par le gouvernement précédent.

Entendrez-vous, Monsieur le ministre des transports, la volonté très majoritairement exprimée par les salariés d'Air France, qui refusent l'aventure d'une privatisation dont on a vu ce qu'elle a coûté à France Télécom ? D'autre part, allez-vous abandonner Airlib à son sort, ou la défendrez-vous énergiquement à Bruxelles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer - Je vous en prie, ne dramatisez pas (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) : la grève d'hier a réuni 11,5 % des salariés d'Air France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Il est d'une grande importance, pour la compagnie, d'ouvrir son capital pour conclure de nouveaux accords de partenariat. La première ouverture a montré ses bienfaits, qui se répéteront, car Air France financera mieux ses investissements de la sorte que par des emprunts, dont le coût serait, en outre, plus élevé. Lors de la prochaine ouverture de capital, un bloc de 20 % restera national, un autre bloc de 20 % sera réservé aux salariés, lesquels auront deux ans pour conclure un accord national. Un débat aura lieu au Parlement, et le projet de loi prévoira expressément l'impossibilité d'une majorité de capitaux étrangers au sein d'Air France, qui demeurera française. Dois-je, enfin, vous rappeler que M. Gayssot lui-même a dit considérer que l'ouverture du capital de la compagnie était « un élément de renouvellement du dialogue social » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

S'agissant d'Airlib, le Gouvernement a fait son devoir, en consentant un prêt de 30,5 millions. Mais la situation financière de la compagnie n'est pas tenable, car on ne voit pas l'issue du moratoire fiscal et social qu'elle a obtenu et qui représente plus de 60 millions d'euros supplémentaires. Cela ne peut durer sans partenaires nouveaux - et je dis bien « partenaires » et non « contribuables » - et sans une stratégie de développement que nous attendons toujours (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

IRAK

M. Yves Bur - Depuis le début de la crise irakienne, la France s'est activement impliquée dans les négociations en cours au sein du Conseil de sécurité, et ses prises de position ont rencontré un large consensus. Un accord semble à présent imminent. Quel aura été le rôle de notre diplomatie dans son élaboration ? Quels sont les progrès constatés dans le projet de résolution ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères - Le vote est proche, en effet, d'un texte qui doit viser deux objectifs : le désarmement de l'Irak et le retour des inspecteurs de l'ONU d'une part, la légitimité née d'une volonté collective d'autre part, ce qui suppose dans tous les cas l'intervention des Nations unies. Quels résultats avons-nous atteints à ce jour ? En premier lieu, l'acceptation d'une démarche en deux temps, le Conseil de sécurité étant le lieu de passage obligé pour toute action éventuelle. Ensuite, le refus de l'automaticité du recours à la force - et sur ce point, nous avons reçu un puissant soutien des membres du Conseil de sécurité. Enfin, l'élaboration d'un régime d'inspection rigoureux.

Pour aboutir à ces résultats, nous avons multiplié les contacts tant avec les membres permanents du Conseil de sécurité qu'avec tous les autres, car la démonstration de l'unité et de l'unanimité des nations est le message le plus fort qui puisse être adressé à Saddam Hussein. Cette unanimité sera aussi le meilleur atout de la communauté internationale aussi bien pour ériger un nouvel ordre international que pour faire face au terrorisme et à l'intégrisme (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

AVENIR DU SYSTÈME DE RETRAITE

M. Pascal Terrasse - Le Gouvernement affirme son intention de réformer le système de retraite dès le début de l'année prochaine (« Enfin ! » sur les bancs du groupe UMP). A cet égard, les propos polémiques selon lesquels le gouvernement précédent n'aurait rien fait à ce sujet sont inacceptables (Huées sur les bancs du groupe UMP) et ce n'est pas en reproduisant la politique qui a jeté des centaines de milliers de gens dans la rue en 1995 que vous ferez avancer les choses, Monsieur le ministre des affaires sociales (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; protestations sur les bancs du groupe UMP). La création du fonds de garantie des retraites et l'abrogation de la loi Thomas étaient des mesures judicieuses (Protestations sur les bancs du groupe UMP) ; on ne peut pas en dire autant d'une proposition qui tendrait à faire croire aux Français qu'ils peuvent jouer leurs retraites à la Bourse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; protestations sur les bancs du groupe UMP)

On vous a aussi entendu dire, Monsieur le ministre, que les préretraites sont une catastrophe pour la France, et vous vous apprêtez à supprimer le congé de fin d'activité au moment même où, pour la première fois depuis cinq ans, les retraités constatent une baisse de leur pouvoir d'achat ! Telles n'étaient pas les conclusions auxquelles était arrivé le Conseil d'orientation des retraites, dont le MEDEF a jugé bon de se retirer (Huées sur les bancs du groupe UMP).

Sur quelles bases les négociations vont-elles s'engager ? Prévoyez-vous d'augmenter les cotisations d'assurance vieillesse ? Prévoyez-vous d'allonger la durée de cotisation ? Garantirez-vous le maintien de l'actuel système de répartition ? Plutôt que des polémiques stériles, les Français attendent des réponses claires à ces questions précises (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Depuis vingt ans, tous les gouvernements ont encouragé le recours massif aux préretraites et, de ce fait, la France présente la singularité d'avoir, de tous les pays industrialisés, le plus faible taux de salariés encore actifs à l'âge de la retraite.

A court terme, ces mesures étaient utiles, et il n'y a pas lieu de les regretter. Mais, à long terme, cette pratique présente de graves inconvénients : elle prive notre pays de compétences, de savoir-faire et d'expériences (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) ; elle contribue à dévaloriser le rôle du salarié âgé dans l'entreprise, d'autant que, le plus souvent, la préretraite est subie ; enfin, elle a pour conséquence de déséquilibrer les comptes sociaux et particulièrement ceux de l'assurance vieillesse. Le Conseil d'orientation des retraites partage d'ailleurs cette analyse, et le gouvernement Jospin a donc eu raison de réduire progressivement le recours aux préretraites.

A Nantes, j'ai dit vouloir améliorer la formation continue des salariés âgés...

Mme Martine Billard - Mais ce n'est pas la question !

M. le Ministre - ...et j'ai demandé aux partenaires sociaux de favoriser l'accès à la formation des salariés de plus de 50 ans, seul moyen de garantir l'adaptation à l'emploi.

Quant à la négociation sur les retraites, elle s'engagera en février, et tous les sujets seront abordés, sans qu'aucun ait été présélectionné, sans que la pensée unique ait stérilisé le débat. La question est trop grave pour que nous procédions autrement. D'autres pays, et notamment l'Espagne, sont parvenus à un consensus national en cette matière. Je souhaite que nous nous y efforcions, et j'attends la contribution du parti socialiste, dont je ne doute pas qu'elle sera de grande qualité, car vous y travaillez depuis longtemps (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

RÉPARTITION DES FORCES DE POLICE ET DE GENDARMERIE

M. Stéphane Demilly - La loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure a confirmé le principe du redéploiement des forces de police et gendarmerie, ce qui entraînera la fermeture de nombreux commissariats dans les villes de 10 000 à 20 000 habitants. Cela m'inquiète.

D'abord, je ne pense pas qu'en transférant des policiers vers les grandes villes, autrement dit en déshabillant Paul pour habiller Jacques, nous renforcerons la sécurité dans le monde rural et les petites villes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). En effet, si la délinquance y est moindre, tout en augmentant régulièrement, c'est justement qu'une police de proximité y est impliquée dans la vie locale. Je suis maire d'une petite ville et l'on me dit que l'on remplacera mes quarante policiers par quinze gendarmes. Outre que l'équation me laisse un peu pantois, cela signifie que les gendarmes seront moins présents dans les villages (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Or, la population de ma circonscription rurale a été traumatisée par trois assassinats successifs.

Ensuite, je suis un ardent défenseur de la police nationale, qui assume une mission régalienne de l'Etat...

M. Bruno Le Roux - Très bien !

M. Stéphane Demilly - Or lorsque la compétence passe à la gendarmerie, il faut souvent lui adjoindre une police municipale, et les villes pauvres éligibiles à la DSU, comme celle dont je suis le maire, n'en ont pas toujours les moyens (Mêmes applaudissements).

Monsieur le ministre de l'intérieur, pouvez-vous nous assurer que la concertation que vous avez demandé aux préfets de mener sera réelle et prendra en compte ces remarques des élus ? Je fais confiance au pragmatisme que vous avez manifesté ces dernières semaines, mais député de Chaulnes et de la cinquième circonscription de la Somme, j'ai un peu peur du mot concertation ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UDF, sur certains bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Je suis heureux qu'un député de l'UDF soulève cette question car ce groupe a souvent appelé le Gouvernement à mettre en _uvre des réformes courageuses ; le redéploiement en est une, donc nous nous sommes compris (Applaudissements et sourires sur les bancs du groupe UMP). Ensuite, l'un de ceux qui a posé le premier cette question est un élu UDF, M. Hyest, qui, avec un député socialiste avait fait un rapport remarquable sur le redéploiement. N'en doutez pas - je le dis au président du groupe UDF - je vais m'en inspirer pour conduire l'action du Gouvernement en la matière (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Pourquoi l'inquiétude des élus locaux ? C'est que, depuis trop d'années, on leur raconte des fariboles. Aussi assimilent-ils à juste titre réforme et réduction des effectifs. Or les arbitrages rendus par le Premier ministre ont permis de créer des postes de gendarmerie et de police qui garantiront à chacun au moins l'équivalent des services existants (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Je ne dirais jamais à un élu que l'on peut remplacer 40 policiers qui travaillent de jour et de nuit par 15 gendarmes qui ne travaillent que le jour.

Les personnels aussi sont inquiets : ils ont acheté un pavillon, scolarisé leurs enfants... Outre les créations d'effectifs, nous répondrons par l'innovation sociale.

Depuis 1941, la France attend cette réforme. Et si la répartition actuelle des forces de police et de gendarmerie était si efficace, pourquoi la délinquance a-t-elle pris une telle extension dans le monde rural ces dix dernières années ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et quelques bancs du groupe UDF)

CATASTROPHE FERROVIAIRE DE NANCY

M. Laurent Henart - Ce matin en pleine ville de Nancy, un wagon du Paris-Vienne a pris feu et il y a eu 12 morts. La représentation nationale ne peut que faire part de sa compassion aux proches des disparus et aux blessés. Elle rend hommage à ceux qui sont intervenus rapidement, les pompiers qui étaient sur place en 7 minutes, les services de la ville, de l'Etat et du centre hospitalier. Mais nous voulons aussi savoir. Monsieur le ministre de l'équipement, vous étiez ce matin à Nancy. Avec mon collègue Claude Gaillard, nous souhaitons savoir quelles enquêtes seront menées et quand nous pourrons en tirer des conclusions pour la sécurité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer - De même que M. Bussereau était à Poitiers, en raison de l'accident de l'A10 qui, hier, a fait de nombreuses victimes dont M. l'inspecteur d'académie des Deux-Sèvres, j'étais ce matin à Nancy. Je souligne d'abord que c'est grâce à la vigilance d'un cheminot qui, apercevant de la fumée, a coupé le courant, que le train a été arrêté. Je veux d'abord rendre hommage aux cheminots, qui prennent des risques et sont très vigilants (Applaudissements sur de nombreux bancs). J'ai également beaucoup admiré la capacité de mobilisation du maire et des élus, des agents municipaux, des policiers, du SAMU, de l'hôpital. Ils ont su réagir en quelques minutes et entourer les victimes. Qu'ils en soient remerciés.

Ce matin, au conseil des ministres, le Président de la République a tiré une première leçon : lutter pour la sécurité, c'est combattre la délinquance et l'on sait combien c'est une priorité pour le Gouvernement ; mais c'est aussi assurer la sécurité des transports. Ainsi au Conseil des ministres européen des transports, je soutiens au nom de la France une position constante qui est d'accepter de passer à une étape suivante si le problème de la sécurité est résolu (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

COOPÉRATION ÉCONOMIQUE EUROPÉENNE

M. Patrick Herr - Face à la croissance économique peu vigoureuse en Europe, vous avez décidé d'agir d'abord en menant une politique ambitieuse de baisse des prélèvements obligatoires pour consolider la consommation des ménages et regarnir les carnets de commande des entreprises...

M. Jean Glavany - C'est efficace !

M. Patrick Herr - ...ensuite par la coopération économique et budgétaire dans la zone euro. De ce point de vue, le dernier conseil économique franco-allemand a été un succès, car il a manifesté la vitalité retrouvée du couple franco-allemand, et démontré qu'il était possible de vouloir une politique forte pour consolider la croissance dans la zone euro tout en respectant l'esprit des traités. Vous voulez notamment améliorer le pacte de stabilité en introduisant de nouveaux critères. Quelle est leur orientation et en quoi permettront-ils de consolider la croissance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - L'atmosphère de la réunion franco-allemande il y a quinze jours à Bruxelles a été excellente, et nous avons rétabli un climat de confiance et de coopération qui s'était affaibli dans le passé (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

J'indique qu'il n'est pas question de modifier le pacte de stabilité auquel mon collègue allemand et moi-même avons renouvelé notre attachement (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Jacques Desallangre - Vous avez dit vous-même qu'il est stupide !

M. le Ministre - C'est la condition nécessaire pour bâtir ensemble l'avenir, y compris par la baisse des déficits afin de maîtriser la croissance de la dette. En faisant allusion à d'autres paramètres comme l'emploi, nous voulions souligner la nécessité de la coordination économique en Europe. La France et l'Allemagne ne peuvent réussir l'une sans l'autre, et leur importance est suffisamment grande en Europe pour que, si elles sont d'accord sur des politiques communes, elles puissent les faire adopter par notre Europe.

C'est pourquoi nous avons décidé de multiplier les occasions de travailler ensemble. Les réunions bilatérales passeront de deux à quatre.

M. Jean Glavany - Quel talent !

M. le Ministre - Avant chaque réunion du conseil ECOFIN, nous nous coordonnerons pour parvenir, aussi souvent que possible, à une position franco-allemande.

En prime, je vous indique que nous avons décidé de multiplier par dix le volume de nos échanges de fonctionnaires, car c'est en nous connaissant mieux que nous travaillerons mieux ensemble (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

LOGEMENT SOCIAL

Mme Annick Lepetit - Monsieur le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine, vous avez déclaré à plusieurs reprises que vous étiez pour plus de justice sociale, pour plus de logements sociaux ; que vous vouliez que les habitants des quartiers pauvres vivent mieux ; enfin que vous étiez contre les ghettos. Or, nous découvrons que quelques sénateurs de votre majorité viennent de déposer un texte qui remet en cause le principe même de construire des logements sociaux de façon équilibrée sur le territoire.

Cet équilibre était garanti par l'article 55 de la loi dite SRU, qui a donné de bons résultats, comme le montrent les documents budgétaires publiés par le ministère du logement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP). Alors pourquoi casser cette dynamique ? Xavier Emmanuelli, président du Haut comité pour le logement des défavorisés, et l'abbé Pierre - pour ne citer qu'eux - se mobilisent pour défendre cette disposition garantissant la solidarité nationale.

Comment allez-vous concrètement traduire votre volonté de mixité sociale ? Et quelle réponse allez-vous donner à cette proposition de loi qui, inscrite précipitamment à l'ordre du jour du Sénat, sera sans doute examinée prochainement par notre Assemblée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer - L'article 55...

Plusieurs députés socialistes - Borloo !

M. le Président - Laissez M. de Robien répondre ! Taisez-vous !

Plusieurs députés socialistes et communistes - Borloo !

M. le Président - Je vous en prie, songez au spectacle que vous donnez !

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer - L'article 55 de la loi SRU est inefficace et injuste. Inefficace, car lorsqu'un maire ne veut vraiment pas construire de logements sociaux, il a intérêt à payer les pénalités que vous avez prévues plutôt que de mobiliser l'autofinancement nécessaire à un logement social (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Injuste, car il fait payer des communes qui sont aujourd'hui soumises à l'excellente DSU que vous avez vous-même inventée !

Soucieux du principe de mixité sociale, le Gouvernement n'acceptera pas les amendements qui le remettraient en cause.

Mais il aime mieux contractualiser avec les élus locaux, car il a confiance en eux, que de prévoir des pénalités qui découragent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

VIOLENCE À L'ÉCOLE

M. Guy Geoffroy - Monsieur le ministre délégué à l'enseignement scolaire, depuis plusieurs années, la violence s'est installée à l'école. Des comportements incivils, perturbateurs, insolents, voire pires, sont quotidiennement constatés. Cela inquiète tous nos concitoyens.

Même si tous les établissements ne sont pas concernés, on a quand même déploré l'an dernier 80 000 faits graves. Et cette année, cela continue. Voyez par exemple ce qui s'est passé à Marseille le 12 septembre : un directeur d'école primaire a été gravement agressé par un enfant de neuf ans. Et le mois dernier à Paris, une élève a été brûlée à l'acide par un autre élève.

Bref, la situation devient de plus en plus préoccupante et l'on peut penser que la crise du recrutement a partie liée avec la crainte de beaucoup d'enseignants de se voir affectés, à la sortie de l'IUFM, dans l'une des sept académies qui regroupent à elles seules 50 % des établissements réputés sensibles.

Comment comptez-vous, Monsieur le ministre, aider les établissements à retrouver la sérénité à laquelle ils ont droit ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire - La violence scolaire nous préoccupe, non seulement parce que les faits sont malheureux en eux-mêmes, mais aussi parce qu'ils renforcent l'inégalité des chances. Ce sont en effet souvent les mêmes établissements qui cumulent les difficultés, scolaires et pédagogiques.

Malgré des plans successifs, les chiffres restent très alarmants. Nous ne pouvons pas nous contenter de constater les faits, il faut changer les mentalités. Aussi voulons-nous restaurer dans l'école l'autorité des maîtres et des professeurs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), l'autorité des savoirs et des disciplines, l'autorité des règlements intérieurs. Pour cela, nous allons nous appuyer sur une charte (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) qui définira les valeurs, les devoirs et les responsabilités de chacun. Je souhaite que l'Assemblée en débatte et j'espère qu'elle en débattra dignement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

LIAISON LYON-TURIN

M. Michel Bouvard - Monsieur le Premier ministre, demain aura lieu à Rome le sommet franco-italien. Je suis sûr que vous saurez d'abord transmettre à nos amis italiens la compassion des parlementaires français après le drame de San Giuliano di Puglia.

Ce sommet est attendu avec impatience par tous ceux qui croient à l'importance des infrastructures dans le développement économique et à l'intérêt de rééquilibrer l'arc européen vers le sud, et aussi par tous les habitants des vallées alpines qui attendent enfin une solution aux problèmes de pollution et d'insécurité routière qui se posent depuis la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc.

En janvier dernier, le Président de la République a signé à Turin un traité pour la réalisation d'une nouvelle infrastructure ferroviaire. Ce traité a été ratifié en février par le Parlement français et vient de l'être par le Parlement italien. Comment la France entend-elle le mettre en _uvre dans les meilleurs délais, sachant que la future infrastructure sera essentielle pour les échanges économiques ainsi que dans la lutte contre la pollution et l'insécurité routière ? Elu d'une ville où 10 000 poids lourds passent chaque jour en pleine ville, je mesure l'importance de ce dernier point.

En matière de transport ferroviaire, le seul outil dont nous disposons dans les Alpes est un tunnel créé en 1853 et ouvert en 1871. Si un accident ferroviaire s'y était produit, la catastrophe aurait été de grande ampleur. Il est donc temps de réaliser un nouvel ouvrage. Quel sera le calendrier, Monsieur le ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer - Vous savez que nous cherchons à rééquilibrer le trafic routier transalpin entre la vallée de la Maurienne et celle de Chamonix. D'où la réouverture du tunnel du Mont-Blanc. Demain, je vois mon homologue italien pour discuter avec lui d'une étude consacrée à ce rééquilibrage, qui se fera en tout état de cause en concertation avec les élus locaux.

Dans le domaine ferroviaire, le projet Lyon-Turin, qui concerne le fret mais aussi ultérieurement les voyageurs, revêt une grande importance. Il est phasable et plusieurs points doivent faire l'objet d'une attention particulière, à court, moyen et long terme. Premier point : la sécurité dans le tunnel du Mont-Cenis et l'amélioration de la ligne existante. C'est la condition pour doubler, voire tripler le volume actuel de fret qui transite par là, à savoir seulement 10 millions de tonnes.

Deuxième point : nous comptons expérimenter en 2003 des transports de camions sur voie ferroviaire, en commençant bien sûr par des camions de faible gabarit ; après quoi, nous devrons mettre au gabarit les tunnels existants afin de permettre à terme, c'est-à-dire en 2006, le passage de tous les camions, y compris les plus gros.

Enfin, il faudra faire le tunnel de Chartreuse pour éviter Chambéry et continuer les travaux préparatoires du tunnel de base, qui fait 52 km. La première descenderie est en cours, la deuxième sera réalisée en 2003. L'audit en cours va nous aider à déterminer les priorités et à vérifier si nos analyses de phasage sont les bonnes. Et je sais que votre contribution dans le débat parlementaire nous aidera aussi à trouver les financements (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

SITUATION EN CENTRAFRIQUE

M. Jean-Pierre Dufau - Pourquoi ce silence assourdissant sur la situation en Centrafrique Monsieur le ministre des affaires étrangères ? D'après les rares informations dont nous disposons, une nouvelle tentative de coup d'état crée une situation de guerre à Bangui et en d'autres points du territoire. Certaines dépêches font état de nombreux morts civils, d'exactions et de crimes qui confirment la gravité de la situation. Faut-il rappeler que plusieurs centaines de nos compatriotes, résidents et coopérants, se trouvent pris au milieu des combats ? Sans nouvelles d'eux, les familles sont dans l'angoisse. Pouvez-vous informer la représentation nationale de la situation de nos ressortissants ? Quels moyens de protection ont été mis en _uvre pour assurer leur sécurité ? Certains Etats auraient déjà rapatrié leurs ressortissants et suspendu leurs relations diplomatiques. La visite de M. Wiltzer, ministre de la coopération, qui a été ajournée, est-elle maintenue ? L'invitation du président Patassé par le président Chirac paraît-elle compatible avec le séjour actuel en France du général Bozizé, qui a revendiqué la tentative de coup d'Etat ? Quelle politique la France entend-elle avoir en Centrafrique, pays dont chacun connaît l'instabilité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie - Le silence assourdissant que vous évoquez n'est pas le fait du Gouvernement : celui-ci a eu l'occasion, face à cette situation, d'exprimer ses positions par les voies les plus officielles et des mesures ont été prises. Nous sommes en présence d'un coup d'Etat lancé le 25 octobre en République centrafricaine et revendiqué par le général Bozizé, ancien chef d'état-major de ce pays. L'opération n'a pas réussi, car les assaillants ont été repoussés et la situation à Bangui rétablie.

La position de la France devant une telle situation - dans le cas présent comme dans d'autres, notamment en Côte d'Ivoire - repose sur les principes suivants. Tout d'abord, la France est soucieuse de la sécurité de ses ressortissants. En second lieu, elle appuie résolument les autorités légitimes démocratiquement élues. Ensuite, elle défend l'unité et la souveraineté des Etats et l'intégrité de leur territoire. Elle appuie les efforts de médiation et de maintien de la paix conduits par les Etats africains eux-mêmes - en l'occurrence dans le cadre de la Communauté des Etats de l'Afrique centrale. Elle condamne enfin toute entreprise de déstabilisation et tous agissements susceptibles de porter atteinte à la paix civile.

En conséquence, le Gouvernement a condamné la tentative de renversement d gouvernement centrafricain et réaffirmé son soutien aux opérations de médiation entreprises par la CEMAC sous l'égide du président Bongo. Quant à nos concitoyens, ils ont été et sont toujours regroupés en sécurité. Certains, objets d'agressions, ont été rapatriés ; je les ai vus moi-même hier soir à Yaoundé (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

PROTECTION DES SANS-ABRI EN HIVER

M. Manuel Aeschlimann - Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'Etat à la lutte contre l'exclusion. La période hivernale revient, avec son cortège de souffrances, notamment pour les personnes sans domicile fixe, premières victimes du froid. Il existe certes dans notre pays des structures telles que le numéro téléphonique 115, qui assure une veille sociale ; il y a des centres d'hébergement et de réinsertion, qui procurent un toit et un support social et médical. Encore faudrait-il que les SDF s'y rendent volontairement, ce qui n'est pas le cas. Les maires, ou toute autre autorité publique, peuvent-ils - éventuellement sous le contrôle du préfet ou des tribunaux - conduire d'autorité vers les centres d'hébergement ces personnes qui mettent en danger leur survie ou leur santé mentale ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

Mme Dominique Versini, secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion - La question revient chaque hiver : faut-il contraindre les personnes sans domicile fixe à se mettre à l'abri pendant cette période ? Ma réponse sera fondée sur une expérience de dix ans auprès des plus fragiles de nos concitoyens. Les clochards - comme on les appelle - sont arrivés, au terme d'un long parcours de désocialisation, à un sentiment d'abandon qui les conduit à refuser toute aide médicale ou sociale. Il est vrai qu'ils peuvent alors être en danger. Mais je sais par expérience que toute approche coercitive est vouée à l'échec (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) : on peut les mettre à l'abri une nuit, mais la nuit suivante ils se mettront plus encore en danger. De toute façon... (Mêmes mouvements) Je pense qu'au nom de la souffrance de ceux qui sont dans la rue, vous pourriez écouter ma réponse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) De toute façon, notre système juridique ne nous permet pas de mettre quelqu'un à l'abri contre son gré, hormis deux cas : s'il y a urgence vitale, et seul un médecin peut décider l'hospitalisation ; ou lorsque la personne présente des troubles psychiatriques qui mettent en danger elle-même ou d'autres personnes.

Dans tous les autres cas, envers ces personnes très désocialisées, il n'y a qu'une seule méthode, ...

Plusieurs députés socialistes - Sarkozy !

Mme la Secrétaire d'Etat - ...c'est, tout au long de l'année, de les approcher, de créer des liens avec eux, pour les mettre à l'abri avec leur accord.

C'est pour ces personnes que les SAMU sociaux ont été créés et que chaque nuit des gens sont dans la rue, travailleurs sociaux et infirmières, à qui il faut rendre hommage (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF et sur plusieurs bancs du groupe socialiste). Et c'est pour eux, qui souffrent pendant que nous nous perdons en vains débats, que j'ai demandé à tous les préfets de renforcer les équipes mobiles, afin que le maximum d'entre eux soit mis à l'abri et que nous les convainquions de revenir dans la société (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

POLLUTION DE L'ÉTANG DE BERRE

M. Eric Diard - Dans la semaine du 21 octobre, Madame la ministre de l'écologie, les communes du pourtour de l'étang de Berre ont connu un troisième pic de pollution au dioxyde de soufre en moins de trois semaines. Elles enregistrent parfois plus de 1 000 microgrammes par mètre cube d'air, le seuil d'alerte étant à 500. L'OMS recommande de ne pas dépasser 125 microgrammes trois jours par an... Malgré normes et contrôles renforcés, la pollution de l'air ne cesse de croître et menace la santé : selon une étude européenne récente, une réduction des taux, même minime, sauverait des centaines de vies ! Depuis cinq ans, on observe une recrudescence des pics de pollution autour des principales zones industrielles du pays. La réhabilitation de l'étang de Berre est un impératif écologique, qui conditionne le développement durable de la région. Les habitants et les élus de toutes sensibilités se souviennent de l'élan suscité par Michel Barnier en faveur de cette réhabilitation grâce à un plan volontariste, aujourd'hui en panne. Ils se rappellent aussi l'action de Corinne Lepage pour améliorer la qualité de l'air. Ils restent en revanche plus circonspects face à l'inertie manifestée par Mme Voynet et M. Cochet... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Quels sont vos engagements, Madame la ministre, pour améliorer la qualité de l'air et de l'eau dans ces secteurs sensibles, et pour réhabiliter l'étang de Berre, totalement délaissé depuis 1997 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable - L'étang de Berre offre une problématique exemplaire de développement durable : protection de l'environnement, puisque les écosystèmes y sont fragiles ; problématique économique, puisqu'il s'agit d'y préserver des emplois ; problématique sociale enfin, puisqu'il y a des problèmes de sécurité industrielle, et personne n'oublie la terrible catastrophe de La Mède en 1992. Pour ma part, je suis responsable de la qualité de l'air et des eaux. Chaque jour, 180 tonnes de dioxyde de soufre sont émises au-dessus de l'étang de Berre ! Chaque fois que les pics de pollution sont dépassés, les préfets ont reçu l'ordre de procéder à des réductions d'activité industrielle (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) ou de faire passer à des combustibles moins riches en soufre. Mais ce ne sont là que des palliatifs. Je mène donc avec les DRIRE une opération de fond pour réduire le dioxyde de soufre. Déjà, l'usine SOLAC de Fos-sur-Mer, a réduit ses rejets de 6 tonnes par jour grâce à des travaux de 12 millions d'euros. Et j'ai l'ambition de réduire les émissions non seulement de soufre, mais aussi de dioxyde d'azote et de composés organiques volatiles, pour qu'en 2005 et 2010 nous soyons en conformité avec les directives européennes.

Quant à la qualité de l'eau, le problème ne peut se résoudre que globalement, pour tout le bassin de la Durance. Le groupement d'intérêt public de réhabilitation de l'étang de Berre a commandé des études. J'en ai moi-même commandé une en liaison avec mes collègues de l'industrie, de l'agriculture et de l'équipement. Nous venons de la recevoir et sommes en train de l'analyser. D'ici quelques jours, donc, nous pourrons commencer la concertation avec les parlementaires, les élus locaux, les associations de défense de la nature et toute la population. Des décisions fortes seront prises début 2003, car pour le Gouvernement, l'étang de Berre est un enjeu considérable de développement durable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 15.

LOI DE FINANCES POUR 2003 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003.

LÉGION D'HONNEUR ET ORDRE DE LA LIBÉRATION

M. le Président - Nous abordons l'examen des crédits des budgets annexes de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération.

Au nom de l'Assemblée nationale, je salue tout particulièrement la présence, aux côtés de M. le Garde des Sceaux, du général Douin, Grand chancelier de l'ordre de la Légion d'honneur, et du général de Boissieu, chancelier de l'ordre de la Libération. A l'un et à l'autre j'exprime toute notre reconnaissance et notre amitié.

M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial de la commission des finances - L'examen, par le Parlement, des budgets annexes de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération est souvent considéré comme un exercice formel. Son importance symbolique, pourtant, est loin d'être négligeable : cet exercice traduit l'attachement de la représentation nationale aux générations d'hommes et de femmes, français ou étrangers, civils ou militaires, qui se sont illustrés au service de notre pays.

Les crédits de l'ordre de la Légion d'honneur augmentent de 4,2 %, essentiellement afin de rénover des maisons d'éducation. L'exercice 2003 permettra de poursuivre la rénovation du musée de la Légion d'honneur, intégré depuis 2000 dans le budget annexe.

Les crédits de l'ordre de la Libération baissent de 17,5 %, ce qui s'explique par les fins des travaux à la Chancellerie.

Quelques mots sur l'avenir de ces deux budgets. Ils s'inscrivent dans un cadre juridique nouveau puisque la loi organique du 1er août 2001 a limité les possibilités de recours à un budget annexe. Si on l'interprétait de façon stricte, les budgets non conformes seraient purement et simplement supprimés.

Le problème a été résolu, pour l'ordre de la Libération, par un texte prévoyant la transformation du conseil national de l'ordre de la Libération en un conseil national des communes « compagnons de la Libération ». Cet établissement public à caractère administratif, placé sous la tutelle du ministère de la Justice, sera chargé de veiller à la sauvegarde de l'ordre.

Pour l'ordre de la Légion d'honneur, trois solutions peuvent être envisagées : maintien du budget annexe, intégration dans le budget général, transformation en établissement public.

Si le budget annexe n'est pas conforme à la loi organique de 2001, il ne respecte pas davantage l'ordonnance de 1959, toujours en vigueur.

Une intégration dans le budget de l'Etat serait peu compatible avec l'autonomie de l'ordre. Son histoire, ses particularités pourraient justifier le maintien du statut actuel.

La troisième solution - transformation en établissement public - mérite réflexion, mais il n'y a pas lieu de se précipiter. Nous avons jusqu'à 2006 pour trouver la solution la plus respectueuse de la particularité de la grande Chancellerie.

Je conclurai en vous demandant d'adopter ces deux budgets (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Christian Kert - Deux cents ans après sa création, la Légion d'honneur reste la plus élevée et la plus enviée des décorations nationales et, à l'instar d'autres grandes _uvres de Napoléon Bonaparte, contribue au rayonnement de notre pays.

Ce budget permettra de conserver une place de choix à ceux qui se sont distingués par leurs mérites et de remplir les missions assignées à l'ordre de la Légion d'honneur. La progression de 4,22 % des crédits résulte essentiellement du relèvement de la subvention du ministère de la justice.

Les crédits de fonctionnement qui, avec 17 millions d'euros, sont en légère augmentation, permettront d'assurer le paiement des traitements des membres de la Légion d'honneur et des médaillés militaires, l'action sociale et le fonctionnement des services et des maisons d'éducation. Les crédits de paiement augmentent de plus d'un tiers pour financer les travaux réalisés à la grande Chancellerie.

Une des priorités est la rénovation de deux maisons d'éducation accueillant un millier de filles, petites-filles et, depuis peu, arrière-petites-filles de membres français de l'ordre. Leur taux de réussite très élevé est dû non à une sélection des élèves, mais à la qualité de l'enseignement prodigué. Saluons donc ce budget particulièrement généreux à l'égard de ces jeunes filles, même si, en ces temps où la parité est sur toutes les lèvres, les femmes ne représentent que 10 % des membres de la Légion d'honneur.

Le Président de la République a souhaité d'ailleurs remédier à ce déséquilibre et, depuis quelques années, la proportion des femmes est en augmentation régulière. Son souci de démocratisation a également conduit à augmenter les contingents par décret du 4 décembre 1996.

En ce qui concerne l'ordre de la Libération, la réduction de 17,5 % de la dotation est due à la non-reconduction des crédits ouverts en 2002 pour les travaux de réfection de la Chancellerie. Je salue les initiatives des deux gouvernements précédents tendant à transformer la Chancellerie en un établissement public, ce qui garantit la pérennité de l'esprit de l'ordre.

En revanche, nous devrons trouver d'ici trois ans une solution pour le budget annexe de la Légion d'honneur, qui n'est pas conforme à la loi organique du 1er août 2001. Cette solution devra respecter le caractère régalien de la Légion d'honneur et son lien constitutionnel avec le chef de l'Etat.

Le groupe UMP votera ces crédits (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - Le budget annexe de la Légion d'honneur atteindra en 2003 18,66 millions d'euros, soit une augmentation de 4,22 %. Celle-ci est due principalement à la progression des crédits de paiements afférents aux investissements dans les maisons d'éducation.

Les ressources de ce budget annexe sont constituées par la subvention versée par le ministère de la justice et par les recettes propres de la Légion d'honneur.

La subvention budgétaire s'élèvera à 17,25 millions d'euros en 2003, soit une augmentation de 4,41 %.

Les recettes propres de la Légion d'honneur, d'un montant de 1,41 millions d'euros, en augmentation de 2 %, sont constituées essentiellement par les droits de chancellerie, les pensions et les trousseaux des élèves des maisons d'éducation.

Les dotations de fonctionnement de 18,66 millions d'euros, en augmentation de 0,59 %, assurent le paiement des traitements des membres de la Légion d'honneur et des médaillés militaires, le fonctionnement des services ainsi que l'action sociale menée par la Grande Chancellerie.

Les traitements des membres représenteront 1,24 millions d'euros.

Les nominations et promotions dans la Légion d'honneur et l'ordre national du Mérite et l'attribution de la médaille militaire ont concerné, en 2001, 13 380 citoyens français de toutes conditions sociales et professionnelles et près de 500 étrangers.

L'informatisation des services de la Grande Chancellerie, aujourd'hui achevée, a fourni des données statistiques précises : au 30 juin 2002, la Légion d'honneur comptait 111 000 membres.

En 1962, le premier Ordre national avait vu ses effectifs culminer à 320 000 membres.

A l'époque, le général de Gaulle prescrivit une politique de réduction à 125 000 membres, objectif à atteindre d'ici la fin du XXe siècle.

Il l'a été à la date prévue, grâce à l'action poursuivie, avec constance par les grands maîtres de la Légion d'honneur.

Une inflation jugulée, des effectifs réels connus, des nominations et promotions maîtrisées permettent désormais aux instances des ordres nationaux de renforcer leur caractère universel en les ouvrant davantage à certaines activités de caractère civil - enseignement, recherche, formation, santé, solidarité nationale - et en y faisant figurer des femmes, qui ont représenté en 2001 24 % des décorés de la Légion d'honneur et 33 % des récipiendaires de l'ordre national du Mérite.

Les crédits de fonctionnement représentent 15,57 millions d'euros et sont consacrés pour plus des trois quarts aux charges de personnel.

Enfin, l'action sociale en faveur des membres des ordres nationaux ou de leurs familles reste fixée à 52 730 euros.

Les dépenses en capital représentent 1,32 millions d'euros en autorisations de programme et 1,8 millions d'euros en crédits de paiement.

Les crédits de paiement sont essentiellement consacrés à l'entretien des bâtiments des maisons d'éducation et de la grande Chancellerie.

Ces deux maisons d'éducation accueillent près de mille élèves, filles, petites-filles et arrière-petites-filles des deux ordres.

Comme à l'habitude, les résultats obtenus à la fin de l'année scolaire 2001-2002 par les élèves des maisons d'éducation ont été excellents, puisque 94,49 % d'entre elles ont obtenu le brevet des collèges, 98,59 % ont réussi aux épreuves du baccalauréat et 95 % obtenu le BTS. Ces résultats sont le meilleur gage de la pérennité de ces institutions.

L'année 2002, qui est celle du bicentenaire de la Légion d'honneur, instituée par la loi du 29 Floréal an X, est marquée par de nombreuses commémorations. Elles ont été inaugurées par une cérémonie à l'Elysée et un hommage au fondateur de l'Ordre, aux Invalides. Par la suite, le défilé du 14 juillet, puis le colloque organisé en septembre, ont permis d'évoquer la place prise par la Légion d'honneur dans l'histoire de la France. D'autres manifestations sont encore prévues pour 2003 et 2004.

Tels sont les éléments dont je souhaitais vous faire part, Mesdames et Messieurs les députés, à l'occasion de la présentation du budget de la Légion d'honneur, que je vous demande de bien vouloir adopter. Je ne manquerai pas de participer à la réflexion sur l'avenir budgétaire de cette grande institution, réflexion indispensable à laquelle appellent à juste titre vos rapporteurs (Applaudissements sur tous les bancs).

M. le Président - J'appelle les crédits du budget annexe de la Légion d'honneur.

Les articles 40 et 41, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président - J'appelle les crédits du budget annexe de l'ordre de la Libération.

Les articles 40 et 41, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président - Nous avons terminé l'examen des crédits des budgets annexes de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération.

La séance, suspendue à 16 heures 30, est reprise à 16 heures 35, sous la présidence de M. Raoult.

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

JUSTICE

M. Pierre Albertini, rapporteur spécial de la commission des finances - C'est un bon budget que le vôtre, Monsieur le Garde des Sceaux, et nombre de vos prédécesseurs auraient sans doute aimé pouvoir le présenter. Ce budget en progression sensible consent un effort nécessaire car la justice n'avait jamais été considérée comme une priorité de l'action publique. Le temps était venu de lui donner des moyens supplémentaires, car si des progrès ont été accomplis depuis 1995, ils restent insuffisants pour combler le retard accumulé depuis des décennies. Il fallait donc faire davantage pour que la justice soit plus rapide, mieux comprise et que ses décisions soient mieux exécutées, pour qu'enfin les Français se réconcilient avec cette institution. C'est à quoi tend la loi de programmation votée le 9 septembre, et c'est dans ce cadre qu'il convient d'apprécier votre budget.

Faut-il le rappeler ? Au cours des cinq années à venir, 3,65 milliards s'ajouteront aux moyens de la justice et 1,75 milliard d'autorisations de programme seront affectées à la rénovation et à la construction des palais de justice ainsi qu'à la modernisation des prisons dont personne n'ignore plus la vétusté indigne. La loi de programmation prévoit d'autre part la création de 10 000 postes supplémentaires en cinq ans.

Le projet de budget pour 2003 doit aussi s'apprécier au regard des innovations introduites par la loi de programmation : 3 300 juges de proximité à temps partiel recrutés progressivement à partir de juillet 2003, centres éducatifs fermés et extension bienvenue de l'aide aux victimes. Je me réjouis que le budget mette en _uvre ces orientations - et j'espère que cet effort continuera au cours des années à venir. Il ne faudrait pas, en effet, que comme de trop nombreuses autres, cette loi de programmation tombe, au fil du temps, dans un relatif abandon. Si la maîtrise des dépenses publiques est nécessaire, elle ne doit pas être aveugle et la justice devra demeurer une priorité, comme l'a souhaité la représentation nationale.

Qu'en est-il du budget 2003 proprement dit ? Les crédits de paiement seront légèrement supérieurs à 5 milliards d'euros, en augmentation de 7,4 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2002. Il convient toutefois de relativiser ce montant, en rappelant que le budget de la justice ne représente que 1,84 % du budget de l'Etat. Les autorisations de programme progressent de 95 %, conformément aux orientations fixées dans la loi de programmation.

S'agissant du personnel, qui compte 69 215 agents, 2 042 créations nettes de postes sont prévues pour renforcer les services judiciaires et, surtout, les services pénitentiaires. Cette augmentation de 3 % des effectifs contraste avec la baisse d'ensemble de 0,11 % du nombre des agents de l'Etat.

Les dotations budgétaires par agrégats se répartissent de la manière suivante : 42 % pour les services judiciaires, près de 30 % pour les services pénitentiaires, 14 % pour l'administration centrale, 11 % pour la protection judiciaire de la jeunesse et 3 % seulement pour les juridictions administratives.

Les moyens de l'administration centrale augmentent de 13,8 %, crédits de la CNIL et de la Commission nationale de contrôle des crédits de campagne inclus. La recherche d'une efficacité accrue devrait conduire, comme l'a recommandé la Cour des comptes, à accroître la proportion d'agents dépendant directement de la direction de l'administration générale et de l'équipement ; il n'est pas sain que, conformément à des pratiques anciennes, un nombre élevé d'agents soient mis à la disposition du ministère par les services déconcentrés.

D'autre part, je regrette qu'on n'ait pas, cette année, créé de poste à l'inspection générale des services judiciaires. Celle-ci assume des missions nobles et utiles, et elle manque de moyens. En revanche, j'apprécie l'affectation de 13 postes supplémentaires à l'agence de maîtrise d'ouvrage, devenue un établissement public de nature administrative depuis le 1er janvier 2002. Pour réussir l'important programme d'équipement prévu, il faut que l'agence soit en mesure de veiller à la qualité et au respect des délais.

Les crédits des services judiciaires augmentent de 6 %, mais le nombre d'affaires qu'elles traitent augmente constamment, surtout au pénal, ce qui reflète la hausse de la criminalité mais aussi l'efficacité des services. Les 70 postes supplémentaires pour 2003 représentent 16 % de ce qui est prévu en loi de programmation, soit un peu moins que les 20 % nécessaires pour respecter le rythme prévu jusqu'en 2007. Plus de la moitié des créations bénéficient aux greffes, ce qui répond à une vraie nécessité, et il y a 180 postes nouveaux de magistrats. Il faudra sans doute accélérer le rythme pour atteindre l'objectif de 10 000 créations. Enfin une petite provision est prévue pour les juges de proximité qui seront recrutés à partir de juillet 2003. Les autorisations de programme s'élèvent à 250 millions d'euros. Dans ce domaine, je souhaiterais que l'on améliore la gestion. Certes, elle est complexe puisqu'il existe 1 200 juridictions sur 900 sites, mais la déconcentration en cours au niveau des cours d'appel doit se poursuivre avec de meilleures méthodes. Je souhaite également que l'expérience très positive des maisons de la justice et du droit - ainsi que celle des antennes de justice - soit étendue, et qu'on en stabilise le fonctionnement et le financement.

Pour les services pénitentiaires, les besoins de personnel sont importants, comme les besoins de place, puisque le nombre de détenus, qui s'élève à 56 385 au 1er juillet 2002, a fortement progressé depuis 15 à 18 mois. Il faudra faire un gros effort car une grande partie du parc est vétuste. Vous avez prévu 870 postes nouveaux et des autorisations de programme supérieures à 380 millions avec pour objectif global la création de 7 000 places et la rénovation de 4 000 autres.

S'agissant de la protection judiciaire de la jeunesse, un rapport remis à Mme Lebranchu en janvier 2002 soulignait que ce service est encore à la recherche de ses repères ; je dirai même qu'il connaît une crise d'identité, et ses rapports avec les magistrats et la police se sont détériorés. Il faudrait une véritable coopération entre les éducateurs, les services sociaux, la justice, la police et l'éducation nationale. Ce service regroupe un secteur public et un secteur associatif. Son effectif est de 7 753 personnes et ses crédits augmentent de 4,8 % en 2003 - les autorisations de programme concernent essentiellement la construction des premiers centres éducatifs fermés.

Enfin, les juridictions administratives bénéficient de 3 % de l'ensemble des crédits, mais leurs crédits de paiement augmentent de 6,8 % et sur les 100 postes créés, 88 iront aux cours administratives d'appel, qui sont particulièrement encombrées.

L'allocation de moyens supplémentaires est une condition nécessaire mais non suffisante pour améliorer le fonctionnement de la justice. Pour ce qui est de la gestion, on peut améliorer le taux de consommation des crédits, notamment grâce à des études de faisabilité plus précises pour les crédits d'équipement. Par ailleurs, malgré les efforts déjà accomplis, 392 postes de magistrats sont vacants. Il faut diminuer le délai entre la création budgétaire et le pourvoi effectif des postes. Attention donc aux à-coups dans la gestion, mais aussi à la régulation budgétaire qui gêne parfois le fonctionnement quotidien des juridictions en fin d'année.

S'agissant des réformes, il faut travailler à celle de la carte judiciaire pour réduire les écarts importants entre juridictions et répartir plus harmonieusement les moyens. Une loi pénitentiaire permettrait de réfléchir sur les missions de la prison et sur la notion de sanction éducative. Enfin nous ne ferons pas l'économie d'une redéfinition de l'aide juridictionnelle et aussi des métiers de la justice, qui ont beaucoup évolué.

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur pour avis de la commission des lois pour l'administration centrale et les services judiciaires - Dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation, la justice bénéficiera d'un renforcement de ses moyens sans précédent entre 2003 et 2007, avec 3,6 milliards d'euros de crédits de paiement nouveaux pour dépenses ordinaires et dépenses en capital ; 1,75 milliard d'euros d'autorisations de programme nouvelles ; et 10 100 créations d'emplois permanents auxquels s'ajoute le recrutement de 3 300 juges de proximité sur crédits de vacation et d'assistants de justice pour un équivalent de 580 emplois à temps plein.

Il s'agit de rendre la justice plus efficace, d'adapter le droit pénal à l'évolution de la délinquance, de mieux traiter la délinquance des mineurs et d'améliorer l'accès au droit à et la justice. Ces objectifs ambitieux correspondent bien aux attentes des citoyens.

En fonction des auditions auxquelles j'ai procédé, de mes déplacements et de mon expérience de magistrat, j'ai formulé dans mon rapport un certain nombre de conclusions. Vous avez trouvé la justice dans un état fort préoccupant. Malgré les moyens accordés ces dernières années, les délais de jugement étaient toujours aussi longs, l'effectivité des décisions tout aussi relative, les juridictions aussi encombrées.

Au civil, le nombre d'affaires nouvelles diminue, mais le stock augmente, et donc les délais de jugement, surtout dans les tribunaux de grande instance. Au pénal, sur 4,9 millions de procédures traitées par les parquets en 2001, 3,6 millions n'ont pu faire l'objet de poursuites. Encore ces chiffres ne reflètent-ils pas la criminalité réelle, en raison des hésitations des victimes et du recours aux mains courantes. Et le nombre d'affaires non élucidées a augmenté de 9,6 % en 2001.

Finalement, sur les 1,3 million d'infractions effectivement traitées, 33 % sont classées et 47 % seulement font l'objet de poursuites, soit en 2001 621 866 affaires. Sur ce nombre, 20,3 % font l'objet de mesures alternatives, et 0,1 % seulement de compositions pénales. J'ai déposé, lors des débats sur la loi de programmation, un amendement qui permet le recours à la composition pénale dès la garde à vue, ce qui en facilitera l'utilisation.

Si l'on ajoute que 30 % des peines d'emprisonnement ne sont jamais exécutées, que la comparution immédiate est de moins en moins fréquente, que les délais d'audience augmentent, surtout en ce qui concerne les appels des arrêts de cour d'assises, le constat est édifiant.

Nous ne sommes pas loin du déni de justice.

Les causes d'une telle situation sont diverses, et l'augmentation des moyens financiers ne suffira pas à régler les difficultés, il faut aussi simplifier les procédures. Nous en débattrons bientôt lorsque vous nous proposerez le second volet de votre réforme. En attendant, je crois indispensable de faire un bilan de l'application de la loi du 15 juin 2000, qui a été particulièrement dévoreuse de moyens matériels et humains. Il a ainsi fallu détourner de nombreux vice-présidents de tribunaux du traitement des affaires civiles pour les redéployer sur des postes de juges de la mise en liberté et de la détention. De nombreuses audiences civiles ont donc été supprimées et le contentieux a pris un retard considérable. Cela n'a pas diminué pour autant le nombre de mises en détentions provisoires, qui a retrouvé le même niveau qu'avant la réforme, et il ne me semble pas non plus que cela ait amélioré les garanties offertes aux droits de la défense.

Je voudrais maintenant parler du recrutement et de la formation des personnels concourant à l'_uvre de justice - magistrats, greffiers en chef, greffiers, fonctionnaires de police - car au moment où une nouvelle construction s'organise, il convient de s'interroger sur les bases de la structure si l'on veut construire sur du solide.

Vous souhaitez à juste titre entourer les magistrats d'une équipe de collaborateurs. Cela impose une redéfinition des statuts et des tâches, ainsi qu'une réflexion sur les recrutements, les programmes des épreuves, les viviers de candidatures. Il faut redonner de la cohérence au système.

Il existe actuellement plusieurs voies d'accès à la magistrature. Pour un exercice temporaire, le détachement judiciaire, les magistrats à titre temporaire, les conseillers de cour d'appel en service extraordinaire, et bientôt les juges de proximité. Pour un exercice permanent des fonctions, il y a l'intégration directe - comme auditeur de justice ou comme magistrat -, les trois concours d'accès à l'ENM, le concours complémentaire. Chaque voie d'accès a ses caractéristiques propres, diversité dont on peut se féliciter à certains égards mais qui est aussi source de contradictions, sans parler du fait que les programmes des épreuves doivent absolument être repensés car des chapitres entiers sont consacrés à des matières ayant disparu de nos codes, tandis que d'autres, comme le droit communautaire, sont absentes.

Pour donner un exemple de l'incohérence du système, je citerai le cas d'un candidat disposant de dix ans d'expérience professionnelle, qui peut soit demander son intégration directe soit tenter le deuxième ou le troisième concours d'accès à l'ENM, ou encore tenter le concours complémentaire. En fait, on puise exactement dans le même vivier de candidatures, ce qui explique que certaines voies soient en complète déconfiture et que le jury du concours complémentaire ne pourvoie pas tous les postes qui ont été mis à disposition. Cela entretient en outre des inégalités entre les lauréats des différents concours. Par exemple, pourquoi exiger d'un auditeur de justice, disposant déjà d'une expérience professionnelle et recruté au titre du second concours d'accès à l'ENM une formation probatoire de près de 31 mois, alors qu'un autre candidat, présentant exactement le même profil mais ayant réussi le concours complémentaire, ne suivra qu'une formation, non probatoire, de six mois ? Un sentiment d'injustice se répand ainsi chez les auditeurs de justice, qui connaissent de plus des inégalités de traitement quant à leur régime indemnitaire...

A cette incohérence dans les recrutements s'en ajoute une autre concernant la formation. L'école nationale de la magistrature n'est pas en mesure d'assumer une formation totalement individualisée pour chaque profil de candidat. Elle est en outre confrontée à des problèmes de moyens et de locaux. Dans les juridictions, lieux de stages où les auditeurs apprennent leur futur métier, il conviendrait de revaloriser les fonctions de magistrat délégué à la formation et de directeur de centre de stage.

Des difficultés analogues existent pour le recrutement et la formation des autres personnels de justice. Les greffiers, par exemple. L'école nationale des greffes - qui forme les greffiers en chef, les greffiers et les personnels de bureau - a dû faire face à une augmentation de 54,7 % du nombre de ses élèves entre 1999 et 2000, puis à une nouvelle augmentation de 65,1 % entre 2000 et 2001. Elle a du mal à recruter des enseignants. Par ailleurs, les greffiers s'interrogent sur l'avenir de leur statut et trouvent que leur rôle n'est pas assez reconnu. Je préconise que cette école obtienne, comme l'ENM, un statut d'établissement public. C'est à mon avis la seule solution pour régler ses difficultés et ce serait un message fort envoyé à tout le corps judiciaire.

Enfin, j'insiste sur la parité qui doit exister entre le régime indemnitaire des magistrats de l'ordre administratif et celui des magistrats de l'ordre judiciaire.

Monsieur le Garde des Sceaux, en ma qualité d'ancien magistrat et nouveau parlementaire, je me permets de vous féliciter pour votre programme de réformes et pour les moyens que vous voulez donner à la justice. Cela doit s'accompagner d'une réflexion sur l'organisation des structures, quitte à remettre à plat une partie du système.

L'institution judiciaire est composée d'une immense majorité de personnels prêts à servir la République, il faut leur donner des signes de bonne volonté. Afin de préparer l'avenir, il faut aussi tracer des perspectives à long terme et construire sur des bases solides. Il faut enfin avoir une vision globale et s'en tenir aux objectifs que nos concitoyens nous ont assignés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Valérie Pecresse rapporteur pour avis de la commission des lois pour les services pénitentiaires et la protection judiciaire de la jeunesse - Dans son volet relatif à l'administration pénitentiaire et à la protection judiciaire de la jeunesse, le budget qui nous est présenté aujourd'hui est à la fois impérieusement nécessaire, ambitieux et équilibré.

Il répond en effet à une situation d'urgence, sur laquelle nous avait déjà alertés, il y a deux ans, la commission d'enquête sur les prisons, conduite par MM. Mermaz et Floch. Leur rapport dénonçait en effet la surpopulation carcérale - dont les causes sont structurelles, puisque durant la période allant de 1975 à 1995, le nombre de détenus s'est accru de 100 %. Il décrivait ensuite des conditions de détention inégalitaires, particulièrement dégradées en maison d'arrêt, et mal adaptées aux publics concernés ; et une administration désorientée par le manque d'effectifs et la faible reconnaissance de son rôle. Il insistait enfin sur la nécessité de repenser une mission de réinsertion trop souvent reléguée au second plan.

Mais la situation d'urgence concerne aussi la protection judiciaire de la jeunesse. Certes, la délinquance des jeunes a toujours existé. Hésiode ne constatait-il pas déjà, dans les Travaux et les jours, huit siècles avant notre ère, que « la jeunesse d'aujourd'hui est insupportable, sans retenue, simplement terrible. Notre monde atteint un stade critique. Les enfants n'écoutent plus leurs parents » ? L'adolescence est l'âge de toutes les révoltes. Soit.

Mais les évolutions récentes sont tout de même fort inquiétantes : les délinquants sont de plus en plus jeunes et de plus en plus violents. Entre 1992 et 2001, le nombre de mineurs mis en cause a augmenté de 79 %. La moitié ont moins de 16 ans. Au total, un délit de voie publique sur trois est aujourd'hui commis par un mineur. Ces comportements ne concernent apparemment qu'une toute petite fraction de notre jeunesse : selon l'enquête du sociologue Sébastian Roché, 5 % des jeunes commettraient entre 60 % et 85 % des infractions. Faut-il pour autant les laisser pourrir la vie d'un quartier ?

Malek Boutih, président de SOS racisme, auditionné par la commission d'enquête sénatoriale présidée par Jean-Pierre Schosteck, décrit parfaitement le caractère erratique de la justice des mineurs : « Vue par les jeunes, c'est une succession de petites « emmerdes » et, un jour, c'est une grosse « emmerde » ». Comment mieux résumer les difficultés, le mal qu'a notre justice à prononcer des sanctions rapides et appropriées, pourtant seules capables de prévenir la récidive chez des adolescents en quête de limites ?

Est-il nécessaire de rappeler l'état de désarroi dans lequel se trouve la protection judiciaire de la jeunesse, et la nécessité, pour notre « République en quête de respect », de proposer de nouvelles réponses aux jeunes ayant perdu les repères de la vie en société ? Faut-il enfin rappeler que c'est en violation de la convention internationale sur les droits de l'enfant de Beijing que nos prisons mêlent encore aujourd'hui - dans des quartiers bien mal séparés - mineurs et adultes, avec les effets délétères qu'une telle promiscuité entraîne ?

Confronté à cette urgence, le Gouvernement nous propose un budget très ambitieux. Il est d'abord exceptionnel par les crédits qui lui sont affectés. Je ne citerai que deux chiffres : 1 200 créations d'emplois et 400 millions d'euros d'autorisations de programme. Mais il s'agit également d'un budget équilibré, car il répond pleinement à deux exigences complémentaires : celle d'améliorer l'éducation et la réinsertion des délinquants : et celle de renforcer la sécurité publique.

Pour la réinsertion des délinquants, sont créés en effet 150 emplois d'agents de probation et d'insertion et 314 emplois pour améliorer la protection judiciaire de la jeunesse ; en outre, on développera les mesures alternatives à l'incarcération, comme le bracelet électronique. S'agissant du renforcement de la sécurité, 9 millions d'euros sont affectés à la sécurisation des établissements pénitentiaires et 613 postes de surveillants créés.

Enfin, des centres éducatifs fermés pour les mineurs verront le jour dès 2003 afin d'élargir la palette des réponses offerte aux juges et donner une dernière chance - avant l'incarcération - aux mineurs les plus déstructurés, autour d'un programme de resocialisation complet, exercé sous la menace d'une révocation de contrôle judiciaire. On le voit, la « fermeture » de ces centres est avant tout « psychologique », ce ne sont pas des prisons, mais la fugue ou la rébellion peuvent entraîner l'incarcération.

Nécessaire, ambitieux, équilibré, ce budget est également exigeant. Son exécution sera ardue, car le Gouvernement devra relever plusieurs défis. D'abord celui d'un recrutement massif dans des administrations qui ont perdu au fil du temps une bonne part de leur prestige, alors qu'elles participent à deux missions essentielles de l'Etat : maintien de l'autorité de la loi et éducation. Une campagne de publicité sans précédent, lancée par le ministère, semble déjà recueillir un écho favorable.

Enfin, le Gouvernement devra relever le défi de construire de nouveaux établissements pénitentiaires, adaptés et dignes, dans des délais qui ne pourront plus être ceux des années passées. Il aura fallu entre huit et dix ans pour que les prisons modernes mises en chantier en 1995 dans le cadre du plan « 4000 » voient le jour. Les deux premières ouvriront en 2003, à Toulouse et Avignon. De tels délais sont insupportables et mettent en cause la crédibilité de l'action de l'Etat.

La loi de programme a offert de nouveaux outils juridiques et administratifs au secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice, qui nous promet l'ouverture du premier volet de nouvelles prisons d'ici quatre ans. C'est un beau « challenge » (Quelques murmures sur les bancs du groupe UMP).

Par ailleurs, pour une prise en charge mieux adaptée des délinquants, corollaire d'une meilleure exécution des peines, sans surcharge de la population carcérale, il faudra diversifier davantage la réponse pénale, en accroissant le recours aux mesures de semi-liberté et en créant des établissements spécialisés pour les courtes peines.

Enfin, les crédits dégagés pour la protection judiciaire de la jeunesse seront dépourvus d'effets s'ils ne s'accompagnent pas d'un effort de modernisation et de réorganisation en profondeur de ces services, et de leurs rapports au secteur associatif habilité.

En somme, si l'on doit se féliciter de l'effort budgétaire exceptionnel consenti pour notre justice, il reste à bien consommer les crédits, ce qui suppose un changement profond des mentalités et l'instauration de pratiques d'évaluation peu courantes dans cette administration régalienne. Monsieur le Garde des Sceaux, vous vous êtes résolument engagé dans cette voie. Permettez-moi de vous y encourager (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Pascal Clément, président de la commission des lois - Je remercie Mme et MM. les rapporteurs pour le travail accompli, que je sais étayé par des visites sur le terrain. Pour ma part, Monsieur le ministre, je souhaite vous dire combien je suis satisfait de ce budget. Qu'on se souvienne. En juillet dernier, le Gouvernement lançait la loi d'orientation pour la sécurité intérieure et la loi d'orientation pour la justice : aujourd'hui arrivent les moyens de cette politique, et c'est peut-être ce qui est nouveau. Afficher est à la portée de tous les gouvernements ; réaliser est plus rare. On constate ces jours-ci, dans tous les budgets que nous examinons successivement, un écart entre ce qui fut affiché dans la loi votée il y a un an et la réalisation : en moyenne, ce sont 80 % du budget qui sont réalisés. Ici nous avons un budget qui sera vrai, et un budget qui donne les moyens de fournir aux Français ce qu'ils attendent. Selon les sondages, 70 % d'entre eux approuvent les orientations du Gouvernement en matière de sécurité comme de justice. Ce budget de la justice est à la hauteur des ambitions affichées - et cela nous change !

On peut toujours faire des lois. Je me souviens par exemple de cette bonne loi, qui créait un deuxième niveau de juridiction pour les cours d'assises. Sauf que nous n'avions pas les moyens de la mettre en _uvre, et nous mesurons aujourd'hui sur le terrain les difficultés entraînées par cette bonne idée. Et ne parlons pas de la loi sur la présomption d'innocence, qui, à effectif quasi constant de magistrats, entraîne le report de nombreuses audiences pénales et civiles...

Il ne suffit pas de voter des lois, et nous le disons souvent aux ministres successifs ; vous voulez une réforme - en avez-vous les moyens ? Oui, Monsieur le ministre, vous vous êtes donné les moyens de la politique que vous proposez aux Français.

Je ne reviendrai pas sur les chiffres, mais formulerai quelques idées qui me tiennent à c_ur. La première, reprise récemment par les médias, est la faible exécution des peines de prison : 32 % des peines ne seront pas effectuées, et cela trouble les Français. Je n'en analyserai pas les raisons : elles sont parfois techniques, parfois immobilières, mais globalement politiques. Je souhaite, Monsieur le ministre, que vous vous engagiez à réduire significativement ce taux.

On se heurte encore ici, comme partout, à la difficulté des 35 heures. Vous avez certes créé de nombreux postes de magistrats. Mais je ne me souviens plus si vous avez prévu beaucoup de postes d'assistants de magistrats. C'est là une idée à reprendre, car les assistants allègent le travail des magistrats, aujourd'hui surchargés. Et cet allégement intervient rapidement, alors que lorsqu'on crée un magistrat, il faut du temps pour le former.

J'évoquerai en second lieu la mission de M. Bédier. C'est chose nouvelle que de confier à un homme de rang ministériel la création de 11 000 places de prison - 7 000 nouvelles, 4 000 par réhabilitation. L'ambition est considérable, Monsieur le secrétaire d'Etat, et je souhaite qu'au niveau de Bercy vous receviez toute facilité dans les mois qui viennent (Approbations sur les bancs du groupe UMP).

Un mot enfin sur l'éducation pénitentiaire. Je n'oublie pas qu'il faut d'abord penser à la réinsertion des détenus. Vous avez créé des postes d'agents chargés de cette mission d'insertion et de contrôle en milieu ouvert, et c'est bien. Nous souhaitons que, dans les années à venir, plus aucun détenu n'ait le sentiment qu'il n'y a pas d'avenir après la sortie de prison, et cet avenir se prépare pendant l'incarcération (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

Je salue pour conclure la cohérence du travail du Gouvernement, qui a su dégager en quelques mois des instruments juridiques de lutte contre l'insécurité, et les moyens matériels, humains et budgétaires, de les mettre en _uvre. C'est trop rare pour qu'on ne le souligne pas (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Michel Vaxès - Le budget de la justice augmente de 7,43 % pour s'établir à 5 milliards d'euros, ce qui devrait nous réjouir : nous n'avons jamais cessé, sous tous les gouvernements, de réclamer une hausse de ces crédits. Cependant, nous avons toujours assorti cette exigence d'une autre plus essentielle encore : le budget de la justice doit servir une politique de la justice efficace. En l'occurrence, si nous approuvons la hausse proposée, nous contestons avec énergie la politique qu'elle va servir. Cette politique rompt le nécessaire équilibre entre éducation, prévention, dissuasion et répression. Prétextant l'exigence légitime d'une justice de proximité plus efficace, elle affaiblira la qualité de notre système judiciaire en consacrant des juges non professionnels, non formés, vacataires, dont les décisions et l'impartialité pourront être contestées. Cette politique construira de nouvelles prisons sans guère se soucier des conditions de travail des personnels pénitentiaires et des conditions de détention et de réinsertion des détenus.

Qu'est-ce qu'une justice de proximité ? C'est une justice accessible à tous sur l'ensemble du territoire; une justice moins lente ; une justice qui demeure indépendante et impartiale. Vous avez créé par la loi du 9 septembre 2002 des juges de proximité pour remplacer in fine des juges professionnels qui existent déjà. Ces nouveaux juges seront dotés de véritables fonctions de magistrats, et le Conseil d'Etat ne s'y est pas trompé en demandant qu'ils fassent l'objet d'un projet de loi organique.

Pourtant les magistrats de proximité existent déjà, en charge des petits litiges quotidiens et des infractions mineures. Ce sont les juges d'instance. Ils offrent aux citoyens une justice de proximité gratuite, simple d'accès, où la représentation par un avocat n'est pas obligatoire, où la procédure est orale et dans laquelle le juge a la possibilité de concilier les parties.

Ces juges offrent les garanties de compétence, d'indépendance et d'impartialité que tout citoyen est en droit d'attendre. Ils sont formés pour la lourde charge de juger leurs semblables. Vos juges de proximité seront recrutés sans concours, sans formation initiale sérieuse. Ils seront des juges vacataires payés à l'acte pour juger les petits litiges de citoyens ordinaires. Pour les litiges importants, il sera fait appel aux magistrats professionnels ! N'est-ce pas ouvrir la voie à une justice à deux vitesses ?

Pour garantir une véritable justice de proximité, une et indivisible, au service de tous, il aurait plutôt fallu renforcer les moyens humains et matériels des tribunaux d'instance en facilitant l'accès à l'aide juridictionnelle, en recrutant des greffiers et des magistrats. Il aurait aussi fallu refondre la carte judiciaire pour rendre les juridictions accessibles à tous. Ce n'est pas ce que vous nous proposez ! Au contraire, vous allez revoir à la baisse le plan de recrutement quinquennal des magistrats sur lequel le précédent gouvernement s'était engagé à la suite des mouvements des professionnels de la justice, en 2002 et 2001.

La justice est aujourd'hui beaucoup trop lente. Ce n'est d'ailleurs pas dans les tribunaux d'instance qu'on rencontre les plus longs délais. Les services judiciaires, dans leur ensemble, manquent de moyens et d'effectifs. Comment expliquez-vous qu'aujourd'hui tous les magistrats ne soient pas dotés de postes informatiques et d'accès à Internet ? Comment justifier que la majorité d'entre eux ne sont pas en possession de codes de l'année en cours ?

Que prévoit votre projet de budget pour pallier cette pénurie ? La baisse du plan quinquennal et une augmentation de 8 % des crédits consacrés aux moyens des juridictions. Face aux besoins, c'est peu, bien trop peu pour résorber les excessifs délais de jugement.

Pour ce qui concerne l'accès au droit pour tous, nous pourrions nous féliciter de votre volonté de revoir le décret du 19 décembre 1991 pour modifier les seuils d'admission à l'aide juridictionnelle et l'ouvrir à un plus grand nombre de familles modestes. Mais cette mesure corrective reste insuffisante, et nous appelons votre attention sur la nécessité de réformer l'ensemble du système.

De plus, les conseils départementaux d'accès au droit, les maisons de justice et du droit doivent être présents sur l'ensemble du territoire.

Aujourd'hui encore, une trentaine de départements sont oubliés des CDAD. Combien pourra-t-on en créer avec une enveloppe de 400 000 € ?

L'enveloppe de 183 000 € pour l'installation de nouvelles maisons de justice et du droit permettra de financer seulement 16 nouvelles maisons. Avouez que c'est bien peu pour assurer un maillage du territoire, et en deçà de la loi de programmation qui prévoit la création annuelle de vingt nouvelles maisons de la justice et du droit.

Nous sommes inquiets en outre du sort réservé aux plus jeunes de nos concitoyens, à nos enfants. La loi du 9 septembre résume votre politique : vous avez décidé de stigmatiser les enfants des quartiers, victimes d'un véritable apartheid social, et choisi de ne voir que la partie émergée de l'iceberg - le comportement délictueux - alors qu'il serait impératif de considérer surtout sa partie immergée, une détresse humaine insupportable qui appelle la multiplication de réponses sociales, économiques, éducatives et culturelles, aux côtés de nécessaires sanctions.

Ce budget est partiel parce que partial. Les moyens de la protection judiciaire permettent de budgéter 314 emplois et 150 éducateurs. Nous sommes loin du rapport de Mme Lazerges et M. Balduyck, qui jugeait nécessaire l'embauche de 500 éducateurs par an pendant six ans...

Vous négligez la direction déconcentrée du ministère de la justice, dont la fonction traditionnelle est la prise en charge et l'accompagnement éducatif, sur décisions judiciaires, des mineurs et des jeunes majeurs.

Je ne m'étendrai pas sur le contenu du projet pédagogique, éducatif ou professionnel proposé aux mineurs détenus dans les centres éducatifs fermés, axé sur leur éducation et leur insertion dans le monde professionnel. Je fais confiance aux professionnels, que vous ne manquerez pas de consulter ; ils vous feront part de leur expérience.

Mais je conclurai sur le douloureux chapitre des services pénitentiaires. Les détenus sont plus de 56 000 pour 47 000 places et les suicides augmentent, comme les agressions à l'égard du personnel de surveillance. Or le nombre de majeurs et de mineurs incarcérés ne cesse de croître : une grande loi pénitentiaire s'impose, mais les divers rapports semblent déjà oubliés.

Nous saluons votre objectif de construire de nouvelles places de prison et de remplacer les places trop vétustes. Mais faut-il s'en contenter ? S'il convient de prendre des dispositions pour enrayer la surpopulation carcérale, il convient aussi d'améliorer la prise en charge des détenus et les conditions de travail du personnel pénitentiaire. Nous renouvelons ici notre soutien à leur demande de dialogue social et de reconnaissance professionnelle.

Le groupe des députés communistes et républicains votera contre ce budget. Certes il est en hausse, mais, comme vous l'avez déclaré vous-même à la commission, Monsieur le ministre, un budget qui augmente n'est pas nécessairement un bon budget. En l'occurrence, le projet de budget pour 2003 ne sert pas la justice qu'attendent nos concitoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. Jean-Claude Lefort - Très bien !

M. Jean Leonetti - S'il est habituel qu'un député approuve le budget proposé par un ministre de sa majorité, on a rarement autant de bonnes raisons de le faire.

La lutte contre l'insécurité est l'une des priorités de ce Gouvernement ; mais on ne peut l'imaginer efficace sans que soit donné à la justice les moyens de travailler. Pascal disait que « la force sans la justice, c'est la tyrannie », mais que « la justice sans la force, c'est l'impuissance ». Nous pouvons enfin envisager que la force soit juste. A quoi sert en effet d'augmenter les crédits de la police et de la gendarmerie s'il n'y a pas de juges pour juger les coupables ? Parfois, plus d'une année s'écoule entre une infraction et la comparution d'un délinquant devant un tribunal. Les juges doivent-ils adapter leurs sanctions au nombre de places disponibles dans les prisons ou à leur vétusté ? 30 % des peines de prison prononcées aujourd'hui ne sont pas exécutées. L'état de notre justice est misérable. Il y a de 53 000 à 56 000 détenus dans nos prisons, quand nous ne disposons que de 48 000 places.

Avec ce budget, vous vous donnez les possibilités d'appliquer votre politique. Le Gouvernement tient ses engagements. Pour la première fois, ce ministère disposera de plus de 5 milliards d'euros. Certes l'an dernier, les crédits de la justice avaient augmenté de 5,7 %, mais c'était pour répondre à des réformes ayant beaucoup alourdi la charge de travail de la justice. Cette année, l'augmentation atteint 7,4 %, et elle permettra de mettre en _uvre la loi de programmation : c'est un budget choisi et non subi !

Il convient de rappeler les quatre axes de votre politique : l'aide aux victimes ; la justice de proximité ; l'adaptation à une délinquance nouvelle, plus violente et plus mobile ; le traitement prioritaire de la délinquance des mineurs.

Ce budget équilibré met l'accent sur la prévention autant que sur la répression. J'en veux pour preuve l'effort d'investissement pour humaniser les prisons ; créer des centres fermés pour mineurs délinquants ; remettre à niveau les services gestionnaires de la protection judiciaire - 314 emplois sont créés, ce qui augmente le nombre d'éducateurs de 25 % en une seule année. Enfin 2,2 millions d'euros sont destinés au secteur associatif.

Ce budget redonne de la dignité aux acteurs de la justice. Le Gouvernement se donne les moyens de ses ambitions : il tient compte de l'attractivité des métiers de la justice - magistrats, gardiens de prison, dont le travail est difficile - et augmente le nombre de greffiers-assistants-magistrats.

Ce budget redonne également de la dignité à ceux qui sont sanctionnés : centres fermés - afin d'éviter l'incarcération aux jeunes délinquants -, quartiers des mineurs - afin de les réinsérer sans les envoyer purger leur peine dans des écoles du crime.

Ce budget est digne de la justice d'une grande démocratie, qui nécessite des moyens de fonctionnement, une meilleure rémunération de ses personnels, un respect accru pour les condamnés.

Ces objectifs ne seront tenus qu'à trois conditions. Il convient tout d'abord d'utiliser ces moyens où il faut et quand il faut. Ils doivent améliorer la qualité de ce grand service public. Cette culture de résultat, de l'efficacité, de l'évaluation et du suivi doit être désormais la clé de toute politique. Il est plus que jamais nécessaire que des outils d'évaluation établis en concertation avec les professionnels soient mis en place.

Il convient ensuite de simplifier la justice et d'alléger nos lois. Nous devons contrairement à ce qui a été fait dans le passé, être vigilants quant aux conséquences budgétaires des lois votées. Il ne faudrait pas que de nouvelles dispositions viennent disperser les moyens que vous avez aujourd'hui à votre disposition. Il faut alléger aussi la loi en vigueur.

Enfin, il convient de réformer l'ensemble de la justice. Vous aurez contre vous tous les conservatismes. Le monde change vite, la délinquance change de forme, les frontières sont plus perméables, la précarité frappe les plus jeunes, les repères sont moins affirmés. L'institution judiciaire ne peut pas rester immobile. Avec les centres éducatifs fermés, les juges de proximité constituent les premières étapes positives. La décentralisation peut également ouvrir des horizons de réforme en matière de PJJ par exemple, en étant mieux coordonnée avec l'action des conseils généraux.

Notre soutien vous est acquis ; nous partageons cette grande ambition d'une justice plus rapide, plus proche des justiciables et plus humaine.

C'est la raison pour laquelle, Monsieur le Garde des Sceaux, le groupe UMP votera les crédits de votre ministère (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. André Vallini - Je voudrais tempérer l'enthousiasme de nos collègues Leonetti, Clément et Pecresse.

Votre budget augmente, c'est vrai, mais dans la droite ligne des budgets votés depuis 1997. Je rappelle que le budget pour 2002 augmentait de 5,7 % et que sur les cinq ans de la législature précédente, Elisabeth Guigou puis Marilyse Lebranchu avaient réussi à obtenir une hausse, historique, de près de 30 % du budget de la justice. Vous ne partez donc pas de rien ; ce budget met d'ailleurs en _uvre des avancées décidées ces dernières années : réforme statutaire des directeurs de l'administration pénitentiaire, des greffiers et des greffiers en chef, ainsi que des personnels des services de probation ; augmentation des primes des personnels de la PJJ ; plan de résorption de l'emploi précaire, réforme du régime indemnitaire des auditeurs de justice ; poursuite du plan de résorption des personnels des services déconcentrés mis à disposition de l'administration centrale.

Toutes ces mesures ont été décidées avant vous ; vous les financez, c'est la moindre des choses !

Ce budget poursuit aussi le renforcement des crédits accordés aux associations d'aide aux victimes, aux conseils de l'accès au droit et à l'aide juridictionnelle, même si ces efforts sont bien loin de l'ambition du projet de loi de Mme Lebranchu.

Mais ce budget comporte aussi des zones d'ombre.

D'abord vous créez 750 emplois de moins qu'en 2002 et si vous présentez des chiffres mirobolants pour les investissements - les AP augmentent de 44 % - on sait que la construction d'une prison ou d'un palais de justice prend beaucoup de temps et on se souvient du sort réservé jadis au plan pluriannuel pour la justice de M. Méhaignerie... (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

Vos chiffres nous laissent d'autant plus sceptiques que votre secrétaire d'Etat, M. Bédier, vient de remettre en cause la décision, pourtant concertée, de reconstruire la prison de Lyon, l'une des plus insalubres de France.

Enfin on sait bien que les crédits d'équipements sont les plus menacés par les régulations budgétaires, à commencer par celle que M. Mer a déjà annoncée pour le début 2003.

Au-delà des chiffres, je voudrais replacer ce budget dans la perspective des lois que vous avez fait voter cet été, dans la précipitation, et de celles que vous allez faire voter cet automne, à commencer par la sinistre loi de M. Sarkozy (Protestations sur les bancs du groupe UMP) ...

M. Gérard Léonard - C'est lamentable !

M. André Vallini - ...qui va envoyer des milliers de laissés pour compte de notre société devant les tribunaux, puis dans les prisons... (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Laissez M. Vallini s'exprimer au nom de son groupe.

M. André Vallini - Pas seulement de mon groupe, mais aussi de beaucoup d'associations et de syndicats !

Où allez-vous mettre tous ces gens que va vous envoyer M. Sarkozy ? Qu'allez-vous dire aux magistrats, déjà débordés et obligés de juger des milliers de mendiants (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), de squatters, de prostituées, ou même d'adolescents arrêtés parce qu'ils fumaient une cigarette dans un hall d'immeuble ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Xavier de Roux - C'est une caricature !

M. André Vallini - Qu'allez-vous dire aux surveillants de prison qui vont devoir accueillir des milliers de détenus supplémentaires dans des cellules surpeuplées, où le taux de suicide s'accroît tragiquement depuis quelques mois, au point que nous allons demander une commission d'enquête parlementaire sur ce sujet ?

M. Jacques Myard - Il vaut certainement mieux laisser les bandits en liberté !

M. André Vallini - Or, justement, le nombre de postes créés dans l'administration pénitentiaire est inférieur à celui de l'année dernière et plus grave encore, notre budget néglige l'élément humain, toutes les actions sociales et culturelles nécessaires pour améliorer les conditions de vie des détenus et leur réinsertion à la sortie. Comment ne pas regretter l'abandon du projet de grande loi pénitentiaire préparé par Mme Lebranchu et qui devait intégrer une réflexion sur le sens de la peine, comme l'a rappelé notre collègue UDF, M. Albertini ? Quel dommage que, quelques mois après avoir _uvré ensemble, droite et gauche confondues, au sein de la commission d'enquête sur les prisons, le souffle humaniste ait cédé la place à la surenchère répressive et au tout-carcéral (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), et cela dans des prisons qui sont la honte de la République !

M. Gérard Léonard - Vous auriez pu faire quelque chose en vingt ans !

M. André Vallini - En ce qui concerne la protection judiciaire de la jeunesse, il est clair que les 58 centres d'éducation renforcée et les 42 centres de placement immédiat feront les frais de vos fameux centres fermés, qui inquiètent tous les spécialistes de la délinquance des mineurs et les personnels de la PJJ.

Dans les services judiciaires, la diminution de moitié des créations de postes de magistrats - 180 contre 320 en 2002 - signe l'abandon du plan d'action pour la justice annoncé en 2001 et, par ricochet, de toutes les grandes réformes, à commencer par celle sur la présomption d'innocence. Vous aurez beau jeu, ensuite, de dire que ces réformes ne marchent pas !

Enfin vous abandonnez la réforme de l'aide juridictionnelle au profit d'une aide judiciaire accordée sans condition de ressources aux victimes. On va voir revenir en force une justice d'abattage...

M. Jacques Myard - On va tirer à vue !

M. André Vallini - ...et aussi une justice à deux vitesses, avec vos fameux juges de proximité. Nous nous opposerons de toutes nos forces à ce projet de remplacement du recrutement par concours par une cooptation de notables locaux n'offrant aucune garantie d'indépendance. Les crédits prévus par ces juges de proximité seraient bien plus utiles aux tribunaux d'instance, comme l'ont dit M. Albertini et M. de Roux en juillet dernier.

Quelques mots sur la décentralisation de la justice. Vous voulez expérimenter des formes régionales de justice. Ce localisme judiciaire signerait la mort de l'unité pénale de la République. Lisez plutôt le discours prononcé par notre Président à Strasbourg la semaine dernière ! Alors que les réseaux criminels sont de plus en plus internationaux, épargnez-nous cette régionalisation.

Vous avez annoncé à la presse un audit sur les pôles financiers. Avec quelles intentions ? Préparez-vous leur disparition ? Ces juges financiers ont pourtant joué un rôle précurseur en protégeant les salariés et les petits épargnants des turpitudes de quelques capitaines d'industrie mégalomaniaques.

La justice doit jouer tout son rôle. Or, on voit de nombreux membres du Gouvernement se mêler de politique pénale : M. Jacob et M. Darcos ont annoncé la création d'une amende frappant les parents d'élèves absentéistes. Plus grave encore, l'omniprésence de votre collègue de l'intérieur dans les réformes touchant au droit pénal. Je vous rappelle que vous seul êtes ministre de la justice et que vous êtes garant des libertés publiques, particulièrement dans une période où, au nom de la sacro-sainte sécurité, certains veulent remettre en cause les principes de la République.

Pour notre part, nous exercerons notre devoir de vigilance en votant contre un budget qui est au service d'une mauvaise politique.

M. Gérard Léonard - Quelle mauvaise foi !

M. Rudy Salles - Le précédent gouvernement a laissé s'aggraver une situation alarmante. La lenteur des procédures a alimenté la crise de confiance des Français vis-à-vis de leur justice et engendré des condamnations régulières de la France par la Cour européenne des droits de l'homme.

Alors que l'insécurité progresse, le précédent Gouvernement n'a rien fait pour régler les problèmes : 37 % des condamnations à la prison ne sont pas exécutées ; sur cinq millions de procès-verbaux reçus par les parquets seulement 11 % donnent lieu à jugement. On est loin de l'impunité zéro ! Enfin, dernier symbole de ce laxisme, seules 20 à 30 % des amendes sont recouvrées. Voilà la situation à laquelle nous sommes confrontés.

Votre budget, pourtant en augmentation de 7,43 %, s'établit à 5 milliards. Que de retard accumulé, si l'on considère que le budget de la justice de la Grande-Bretagne est du double !

Le projet de budget pour 2003 est l'occasion, pour le Gouvernement, d'appliquer la première tranche de la loi de programmation. C'est ainsi que 2 042 postes sont créés sur les 10 000 attendus au cours des cinq prochaines années. Surtout, l'augmentation de 95 % des autorisations de programme démontre la volonté d'agir qu'anime le Gouvernement. De même, les services judiciaires voient leurs crédits augmenter de 5,98 %, ce qui permettra de renforcer leur efficacité au service des citoyens.

On se félicitera encore de la progression des crédits de la protection judiciaire de la jeunesse, en hausse de 4,80 %. Le vaste programme de rénovation immobilière des établissements pénitentiaires contribuera aussi au traitement de cette question capitale qu'est la délinquance des mineurs.

Gardons-nous, cependant, de tout triomphalisme. Le Gouvernement doit demeurer vigilant, car le travail à entreprendre est de longue haleine. De plus, une lutte résolue contre la délinquance et la définition de nouvelles infractions, auront pour conséquence certaine l'augmentation du nombre des poursuites pénales devant les juridictions.

M. André Vallini - C'est exactement ce que j'ai dit !

M. Rudy Salles - Oui, mais vous n'avez rien fait, comme les électeurs vous l'ont fait remarquer ! Le Gouvernement s'attache, pour sa part, à restreindre la surpopulation des prisons en définissant un programme immobilier et en créant 870 emplois dans les services pénitentiaires. J'observe cependant qu'aucun poste de direction des établissements n'est créé, ce qui ne manque pas de me surprendre. Il est en effet certain qu'aucune politique de sécurité efficace n'est possible si le parc pénitentiaire n'est pas agrandi.

Le cap doit impérativement être tenu, car tout relâchement dans le budget de la justice paralyserait la politique de sécurité.

M. Jacques Myard - Très bien !

M. Rudy Salles - Mais il faut faire davantage, et réformer toute l'organisation judiciaire. A cet égard, l'institution d'une justice de proximité est la première étape, bienvenue, du processus de désengorgement des tribunaux d'instance.

Je ne conclurai pas sans aborder la question de l'accès à la justice des plus démunis. En ce domaine aussi, le Gouvernement a déjà fait beaucoup, mais le recours à un avocat reste trop onéreux pour nombre de particuliers dont les ressources dépassent le seuil d'octroi de l'aide juridictionnelle. Le coût des honoraires est renchéri par une TVA à 19,60 % qui frappe d'autant plus injustement les personnes privées que les personnes morales qui peuvent, elles, la récupérer !

M. Xavier de Roux - Excellente observation !

M. Rudy Salles - J'invite donc le Gouvernement à engager une réflexion visant à réduire le taux de TVA sur les honoraires que les avocats demandent aux personnes privées (M. Xavier de Roux applaudit). Je souhaite aussi que les tarifs des interprètes auprès des tribunaux soient revalorisés, faute de quoi seuls les moins qualifiés acceptent ce travail. Enfin, il faut mettre un terme à la disparité des rémunérations des personnels attachés aux centres psychiatriques.

Le groupe UDF votera ce budget, moyen d'une politique de justice et de sécurité ambitieuse (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Michel Hunault - Je salue l'augmentation sensible des crédits du ministère. Ce bon budget traduit comme il convient la loi d'orientation et de programmation votée par la majorité en juillet. Il faut dire qu'il y a urgence ! Dois-je rappeler que 80 % des plaintes sont classées sans suite et que, dans un pays où se commettent chaque année 4 millions de crimes et de délits, la capacité de jugements n'est que de 600 000 ? Enfin, un tiers des peines n'est jamais exécuté. Dans ces conditions, comment ne pas approuver un budget qui donne la seule réponse possible à ce qu'il faut bien qualifier de laxisme judiciaire ? Seules des créations de postes de juges et de greffiers permettront une justice plus efficace.

Je me félicite par ailleurs de l'augmentation de l'aide aux victimes mais je souligne que la refonte et la revalorisation de l'aide juridictionnelle s'imposent. Vous n'ignorez pas, Monsieur le Garde des Sceaux, qu'à son taux de rémunération actuel, elle ne permet pas aux avocats de couvrir leurs frais.

J'appelle d'autre part l'attention sur la prévention, qui suppose de mettre l'accent sur le travail des associations et des éducateurs et d'encourager les services de la protection judiciaire de la jeunesse. Le budget le prévoit.

S'agissant des prisons, je souhaite que le Gouvernement tienne compte des conclusions des commissions d'enquête parlementaires dans le texte qui sera soumis au Parlement sous peu. Il y a urgence en ce domaine aussi, Monsieur le Garde des Sceaux, car il y a déjà eu plus de cent suicides dans les prisons françaises en 2002. Ce nombre est dramatique ; et si l'enfermement est la sanction ultime, il n'est pas admissible qu'à la privation de liberté s'ajoutent humiliations, sévices et atteintes aux droits de la personne. Il faut donc favoriser les rencontres des prisonniers avec leurs avocats et assurer le suivi médical et psychologique des détenus. Ce n'est pas de l'angélisme que dire cela ; mais celui qui s'est toujours élevé contre l'automaticité scandaleuse des remises de peine peut souligner que les prisons doivent être humanisées, et que les parlementaires qui ont participé aux commissions d'enquête devraient être associés aux programmes de construction à venir.

Je souhaite, enfin, que les mesures d'élargissement décidées en faveur des détenus en fin de vie s'appliquent à tous.

Autrement dit : la majorité vous soutient, Monsieur le Garde des Sceaux, et vous avez les moyens de votre politique. N'oublions donc jamais les victimes ni les auxiliaires de justice, mais jamais, non plus, la dignité des personnes incarcérées, quels que soient les crimes ou les délits commis (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jacques Myard - Le budget de la justice pour 2003 rompt heureusement avec les objectifs et la pratique du gouvernement précédent. Il correspond à la première année d'application de la loi d'orientation et de programmation, qui vise au renforcement des services judiciaires, à la prise en compte des problèmes pénitentiaires, à la lutte contre la délinquance juvénile et à l'amélioration de l'aide aux victimes. On se félicitera que le budget de la justice augmente de 7,4 %. Mais si donner à la justice des moyens supplémentaires était nécessaire, cela ne suffira pas à redonner à la justice confiance en elle-même ni, surtout, aux Français confiance en leur justice. Or, la justice est, au c_ur de l'Etat, le service public par excellence chargé de tempérer les conflits privés et de défendre la société. Une véritable politique de la justice doit donc être menée : je souhaite, Monsieur le Garde des Sceaux, que vous soyez l'homme de cette politique.

En premier lieu, il est indispensable de préserver la qualité des magistrats. Il va être nécessaire d'ouvrir des voies de recrutement complémentaires. Il est impératif que ces recrutements, qui vont heureusement enrichir le corps des magistrats, soient d'une extrême qualité pour éviter une justice duale, et que la formation dispensée soit solide.

Il faudra, ensuite, s'attaquer à la complexité de la procédure judiciaire, qu'elle soit civile, administrative ou, surtout, pénale. Il convient, certes, d'éviter la simplification extrême qui risquerait de faire de la justice une justice expéditive. Toutefois, un équilibre doit être trouvé, car tous les commissaires de police se plaignent des chausse-trapes des procédures qui paralysent et, parfois, annulent leurs efforts.

Je souhaite que vous nous indiquiez ce que vous entendez faire à ce sujet. A ce propos, gardez-vous, Monsieur le ministre, des conseils des avocats.

M. André Vallini - C'est scandaleux !

M. Jacques Myard - Lors de notre dernier débat, j'avais évoqué devant vous la nécessité de dépénaliser la République. Le juge pénal doit être le juge de la faute intentionnelle exclusivement. Il ne doit être ni l'assistante sociale de la société ni le juge des manquements administratifs.

Je souhaite enfin évoquer la grave dérive médiatique de la justice. Il n'est pas acceptable que des procureurs jouent les vedettes à la télévision, ni que des juges du siège y critiquent à l'envi les projets du gouvernement, quel qu'il soit.

Il est urgent de réagir. Il serait illusoire de croire que la justice peut ignorer le pouvoir fascinant des médias, mais elle peut s'y brûler les ailes Il faut avoir le courage de mettre un terme à cette dérive, ce qui nécessite d'aller à contre-courant de ce flot de simplifications qui font les délices des médias. Monsieur le Ministre, soyez l'homme qui rendra à la justice sa sérénité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - Rarement le débat sur la justice aura été aussi intense, les attentes de nos concitoyens aussi fortes, comme l'ont rappelé les électeurs. Le Gouvernement a entendu leur message et présenté très vite deux lois d'orientation et de programmation sur la justice et la sécurité intérieure.

S'agissant de la justice, la loi du 9 septembre dernier définit les objectifs et les priorités pour la législature, et comporte aussi les moyens correspondants. Ils témoignent d'une véritable mobilisation en faveur de la justice. De tous les chiffres qui viennent d'être cités, je retiendrai seulement les 10 100 créations d'emplois.

Le budget de la justice pour 2003 - je salue la qualité du travail des rapporteurs qui vous l'ont présenté - traduit La volonté du Gouvernement de tenir ses engagements. Il illustre bien le fait que la justice est une des toutes premières priorités de l'action gouvernementale, grâce à un renforcement sans précédent de moyens au service d'objectifs clairement définis.

Jamais depuis une dizaine d'années un budget de la justice n'avait connu une telle progression de 7,43 %, Monsieur Vallini n'a qu'à consulter les statistiques pour s'en convaincre.

Les dépenses de fonctionnement augmentent de 5,26 %. Aux 2 026 créations de postes budgétaires s'ajoutent 83 emplois dans les établissements publics et 170 emplois financés sur crédits de fonctionnement pour rémunérer les assistants de justice dans les juridictions administratives. En outre deux postes seront créés à la CNIL.

Pour l'investissement, c'est d'un véritable redressement qu'il s'agit, étant donné le retard pris pour les prisons et pour la modernisation des palais de justice. C'est ainsi qu'avec Pierre Bédier, nous avons obtenu un doublement des autorisations de programme par rapport à 2002 - pas une hausse de 40 %, Monsieur Vallini - ce qui permettra d'engager un nombre considérable d'opérations dès 2003...

M. André Vallini - On verra.

M. le Garde des Sceaux - ...et dans quelques semaines nous présenterons une première série de projets.

Au passage, j'indique à M. Clément que le ministre du Budget, qui a longtemps été rapporteur des crédits de la justice au Sénat, a eu une attitude très positive sur ce budget. Cela devra tempérer certaines observations.

M. Jean-Louis Léonard - Des inquiétudes.

M. le Garde des Sceaux - Le Gouvernement est uni et partage la même volonté.

Dans la même logique, les crédits de paiement de mon ministère augmenteront de 58,2 %, ce qui est beaucoup.

M. Vaxès a rappelé le propos que j'ai tenu en commission, selon lequel un budget qui augmente n'est pas nécessairement un bon budget. Je l'assume tout à fait. Ce budget doit en effet s'articuler autour des quatre priorités majeures définies par la loi d'orientation.

Il s'agit d'abord d'améliorer l'efficacité de la justice en traitant plus rapidement les dossiers et en les gérant de façon plus proche des citoyens, qui ont besoin de comprendre leur justice.

Il s'agit ensuite de rendre la réponse pénale plus efficace, en adaptant le droit à l'évolution de la délinquance et surtout en exécutant mieux les décisions de justice. Actuellement, le taux d'exécution des peines est inacceptable. Pour améliorer la situation, le système doit être capable de traiter l'ensemble des cas, et doit pouvoir faire exécuter les peines prononcées, sinon à quoi servirait le travail des juges ? Cela passe par l'augmentation des moyens mais aussi par la simplification de la procédure d'exécution de peines. Nous avons commencé à y travailler et je proposerai sans doute des mesures législatives ou réglementaires pour raccourcir les délais entre la décision et son application.

Le troisième objectif est de traiter plus efficacement la délinquance des mineurs en associant éducation, sanction et réinsertion.

Le quatrième est d'améliorer l'accès des citoyens à la justice et les droits des victimes. Ce budget correspond exactement à un cinquième des moyens supplémentaires prévus par la loi de programmation.

Il va d'abord permettre aux services judiciaires de remplir leurs missions, de plus en plus lourdes. Comment des orateurs - ou plutôt un orateur - peut-il évoquer le risque, en luttant contre l'insécurité, d'alourdir les charges ? Mais qu'attendent les citoyens de l'Etat ?

M. André Vallini - Je n'ai pas dit cela.

M. Jean-Louis Léonard - Cela, et pire encore !

M. le Garde des Sceaux - Pour nous il importe de renforcer les moyens de lutter contre l'insécurité, ce qui se fait dans d'excellentes conditions sous l'autorité du ministre de l'Intérieur, et, de même, les moyens d'action de la justice.

La loi d'orientation crée des juges de proximité. En décembre, vous sera soumis le projet de loi organique précisant leur statut, que le Sénat a adopté il y a quelques semaines. Je pense sincèrement que toutes les garanties sont prévues pour le recrutement et pour l'exercice de ces fonctions, en particulier grâce au conseil supérieur de la magistrature qui va les nommer. Parler de cooptation, comme l'a fait M. Vallini, c'est mettre en cause le CSM. Cette justice de proximité, très attendue, permettra de soulager les juridictions et de résoudre les petits litiges du quotidien.

Par ailleurs, le budget permet d'augmenter de 20 % le nombre de juges pour enfants pour mieux traiter une délinquance qui n'a cessé d'augmenter.

Au total, ce budget crée 700 emplois, dont 180 de magistrats et 520 de greffiers et de fonctionnaires. Assistés par des greffiers-rédacteurs, les magistrats seront à même de mieux se concentrer sur leurs missions.

Au-delà des créations budgétaires, il faut veiller au rythme des entrées effectives dans les juridictions. J'ai donné à ce sujet des instructions précises à mes services et puis vous indiquer que les juridictions bénéficieront dès 2003 de l'arrivée de 290 magistrats et de 800 fonctionnaires des greffes. L'effort est significatif, vous le voyez. Par ailleurs, 3 millions d'euros seront consacrés aux premiers recrutements, à l'installation et à la formation des juges de proximité dès l'an prochain.

Ce budget améliore sensiblement la situation de l'ensemble des magistrats et des fonctionnaires des greffes. Ainsi, avant la fin de l'année 2003, les primes des magistrats judiciaires passeront de 37 % à 41 %, ce qui permettra de réduire l'écart avec les juges administratifs. Pour les greffiers et les greffiers en chef, des réformes statutaires importantes interviendront. Et les fonctionnaires de catégories C verront leurs primes revalorisées.

Nos effort sur les effectifs nécessitent bien sûr le renforcement des capacités d'accueil de l'Ecole nationale de la magistrature et de l'Ecole nationale des greffes. En ce qui concerne les concours, je pense, Monsieur Garraud, que le premier, celui ouvert aux étudiants, restera la voie d'accès majoritaire, mais je pense comme vous qu'une certaine diversification du recrutement est utile, à la fois en elle-même et aussi parce qu'elle nous permettra d'atteindre notre objectif quantitatif relatif aux magistrats.

Pour ce qui est de l'Ecole nationale des greffes, j'ai entendu avec intérêt votre proposition d'en faire un établissement public. J'y réfléchirai avec mes services durant les prochaines semaines.

L'administration pénitentiaire est confrontée à des défis considérables. Le premier est d'augmenter rapidement sa capacité d'accueil, sachant que le nombre de places est de 48 000 alors que celui des détenus oscille entre 53 000 et 56 000. Les accueillir dans des conditions dignes constitue un enjeu majeur pour la Justice et pour la République.

M. Hunault a raison d'évoquer le problème des suicides en prison, dont le nombre a en effet augmenté. J'ai demandé à mes services de me faire des propositions pour remédier à cette situation inacceptable.

Je rappelle que la loi d'orientation et de programmation pour la justice prévoit la création de 11 000 places, dont 4 000 de remplacement.

La création d'établissements entièrement dédiés aux mineurs permettra de bien les séparer des adultes - point sur lequel Mme Pecresse a eu raison d'insister. Cela permettra aussi une prise en charge éducative. Avec Pierre Bédier, qui a la charge de cet important dossier, je veille au bon achèvement de ce programme sur lequel porte la part la plus importante de l'effort d'investissement.

L'évolution des effectifs de l'administration pénitentiaire doit naturellement être mise en cohérence avec nos efforts d'investissement. Nous devons anticiper les besoins de recrutement afin de tenir compte des délais de formation. Je ne vous cacherai pas que la barre a été placée assez haut : 10 000 recrutements sur cinq ans. Cela nous a amenés à lancer la grande campagne d'information, dont Mme Pecresse a parlé.

Je souhaite également renforcer la sécurité dans les établissements pénitentiaires. Plusieurs mesures sont prévues à cet effet : tunnels à rayon x, brouillage des téléphones portables, développement de filins anti-hélicoptères, utilisation de la reconnaissance biométrique...

Bien sûr, la réponse pénale ne peut consister en une politique exclusivement carcérale.

M. André Vallini - Ah ! Quand même !

M. le Garde des Sceaux - Le recours accru à des sanctions alternatives, comme le bracelet électronique ou l'emprisonnement de nuit ou le week-end, constitue donc une priorité.

870 emplois seront créés, dont 613 pour le personnel de surveillance. Les services d'insertion et de probation bénéficieront de 200 emplois supplémentaires Ces créations d'emplois permettent aussi de poursuivre la réforme de la santé en milieu pénitentiaire, sujet très important. M. Hunault a évoqué les libérations en fin de vie. Je ne sais pas pourquoi les textes l'autorisant ne sont pas davantage utilisés. Il y a en réalité très peu de demandes. Peut-être faudrait-il que l'administration pénitentiaire prenne elle-même l'initiative.

Je souhaite enfin une mobilisation des services de la protection judiciaire de la jeunesse, qui doit impérativement trouver des remèdes plus efficaces à l'augmentation préoccupante de la délinquance des mineurs.

M. Jean-Paul Anciaux - Très bien !

M. le Garde des Sceaux - A cette fin la loi d'orientation élargit la palette des réponses destinées aux mineurs délinquants les plus difficiles, notamment par la création de centres fermés et par l'intervention des éducateurs de la PJJ dans les quartiers mineurs. Il est en effet indispensable de mettre à profit le temps de l'incarcération, quand celle-ci ne peut être évitée, pour construire avec le mineur un projet éducatif qui se poursuivra après sa sortie de prison. Nous entendons aussi améliorer la prise en charge en milieu ouvert.

Sur les 1 250 emplois prévus par la loi de programmation, 314 seront crées dès 2003, dont 188 dans la filière éducative. C'est une première étape vers notre objectif, qui est d'augmenter d'un quart les effectifs d'éducateurs. Je comprends mal dans ces conditions que certains, dans l'opposition, parlent de « tout répressif » !

La santé des mineurs et leur accompagnement psychologique font l'objet d'une attention particulière, avec la création de 24 emplois d'infirmiers et de psychologues.

L'efficacité de la protection judiciaire de la jeunesse passe également par le renforcement de sa capacité de gestion. Comme le relève le rapport de Mme Pecresse, des progrès doivent être réalisés en matière de gestion de ressources humaines et de déconcentration.

La création de 64 emplois dans la filière administrative permettra de renforcer la capacité de gestion et de contrôle des services déconcentrés.

Avec 26 millions d'euros en autorisations de programme, les crédits d'investissement connaissent une progression très importante. Ces moyens supplémentaires seront consacrés à la mise en _uvre du programme des centres fermés et à la rénovation du patrimoine immobilier.

Par ailleurs, le budget prévoit des mesures statutaires et indemnitaires pour les personnels qui exercent les fonctions les plus exposées.

Je n'accepte pas la caricature, Monsieur Vallini, et je voudrais vous dire que les centres fermés n'ont pas vocation à se substituer à ce qui existe mais à s'y ajouter. Quant aux réticences de certains éducateurs, elles ne m'inquiètent pas car ils se montraient déjà réticents envers les CER. Ils se font aujourd'hui les défenseurs de ce dont ils ne voulaient pas il y a quelques années !

M'adressant toujours à M. Vallini, je lui dis avec sérénité que je n'accepte pas l'expression de « justice d'abattage » qu'il a utilisée (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Je ne l'accepte ni pour moi-même, ni pour les magistrats (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. André Vallini - Ce sont les magistrats eux-mêmes qui l'emploient pour le déplorer !

M. le Garde des Sceaux - La charge de travail du Conseil d'Etat et des juridictions administratives justifie l'attribution de moyens humains et financiers supplémentaires. La plus grande part de cet effort portera sur les cours administratives d'appel, car c'est là que se rencontrent aujourd'hui des difficultés, qu'il importe de résoudre au plus vite pour conforter la crédibilité de ces juridictions.

Un mot sur l'aide aux victimes. Dès mon arrivée, j'ai souhaité mettre les victimes au centre du processus judiciaire. Ce que nous avons pu observer, notamment lors du récent procès des attentats terroristes de 1995, illustre la gravité de leur situation et la nécessité de les accompagner dès le début de la procédure. C'est pourquoi j'ai présenté le 18 septembre au conseil des ministres un plan d'action sur cinq ans. Les ressources nécessaires ont été programmées par la loi du 9 septembre. Les moyens qui vous sont proposés dans ce budget permettront d'engager des mesures très significatives. Ainsi la victime sera informée de la possibilité de demander la désignation d'un avocat dès le dépôt de la plainte. L'aide juridictionnelle sera octroyée sans conditions de ressources, et j'ai cru comprendre que M. Vallini le déplorait, pour les victimes des crimes les plus graves. Le renforcement des réseaux associatifs fera l'objet de moyens supplémentaires. A quoi s'ajoutent l'extension du numéro national d'appel, et l'amélioration de l'aide juridictionnelle, notamment par la hausse des correctifs familiaux.

Outre ces mesures immédiates, il faut poursuivre la réflexion sur une meilleure prise en compte des besoins des victimes. J'ai engagé un dialogue approfondi avec les grandes associations de victimes, et je les rencontrerai prochainement pour une journée de travail qui devrait nous aider à décliner plus concrètement notre plan d'action.

Cela dit, il ne suffit pas d'obtenir des moyens : il faut aussi veiller à leur mobilisation effective. J'ai pleinement conscience de l'importance des moyens alloués à la justice. Je m'engage à veiller à leur bonne utilisation et à leur traduction rapide en résultats. J'en fais une priorité absolue.

Il faut d'abord améliorer l'exécution du budget. Mme Pecresse et M. Albertini ont rappelé la sous-consommation de plusieurs lignes budgétaires. Je constate que cette situation s'améliore. Pour les crédits d'investissement, en 2002, d'après les prévisions, les reports devraient diminuer de plus de 50 % par rapport à l'année dernière. Les mécanismes mis en place semblent donc efficaces. Cet effort n'en doit pas moins être poursuivi. A cette fin, je souhaite entreprendre une politique ambitieuse de réforme de mon administration, en m'appuyant sur les travaux en cours, notamment pour l'application de la loi organique sur les lois de finances.

C'est pourquoi je crois nécessaire de renforcer l'administration centrale du ministère, dont les effectifs seront accrus de 40 postes budgétaires. Cet effort portera en priorité, en 2003, sur la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, dont il est urgent de renforcer la capacité de gestion.

Cette modernisation doit permettre de mieux déconcentrer les responsabilités et d'améliorer les outils d'évaluation. Pour mieux organiser le travail des juridictions et des services extérieurs de la Chancellerie, en effet, il faut un suivi plus étroit de l'adéquation des moyens aux objectifs. Dans cette perspective, nous développerons le recours à des contrats d'objectifs passés avec les autorités gestionnaires.

Je compte aussi utiliser la possibilité, qui sera ouverte par le projet de loi constitutionnel, d'expérimenter des réformes portant notamment sur les structures des services relevant de la Chancellerie. Il ne sert à rien, Monsieur Vallini, de faire semblant de ne pas comprendre. Je n'ai jamais envisagé une quelconque décentralisation, au sens juridique du mot, de la justice, un quelconque localisme judiciaire. Comme ministre de la justice, et ancien ministre de la réforme de l'Etat, je suis pleinement conscient de la nécessité, pour réformer l'Etat, d'utiliser le principe d'expérimentation, ce qui n'a rien à voir avec une décentralisation vers telle ou telle collectivité territoriale. Il s'agit, pour l'Etat lui-même, de recourir à des expérimentations territorialement définies pour tester une nouvelle organisation, un nouveau mode de fonctionnement, avant sa généralisation éventuelle.

M. André Vallini - Dont acte.

M. le Garde des Sceaux - On ne peut réformer des structures aussi complexes que celles de notre organisation judiciaire si l'on ne peut tester, avant de les généraliser, des procédures différentes. On ne peut plus concevoir une réforme a priori, à partir d'un pur raisonnement intellectuel.

Je viens de réunir les chefs de cour pour appeler leur attention sur cette priorité. Par ailleurs, je compte mobiliser dès le mois de décembre les responsables territoriaux de la Chancellerie sur ce thème. Je leur ai dit que nous étions effectivement comptables devant le Parlement des moyens supplémentaires qui nous sont accordés, et que nous devons prouver que ces moyens sont efficaces. Cette culture de l'objectif, cette exigence de résultat doivent se diffuser au sein de la justice, afin qu'elle assume mieux ses missions au service du peuple français : c'est en son nom, ne l'oublions pas, qu'elle rend ses décisions.

M. Albertini a évoqué la nécessité de renforcer l'Inspection générale des services judiciaires, et je partage son souci. On ne peut pas tout faire la même année ; mais à l'avenir il faudra renforcer la capacité d'intervention de l'Inspection générale. Il serait également intéressant d'envisager son ouverture à d'autres corps et d'autres types de formation, pour élargir sa capacité d'analyse.

Mais l'efficacité de la justice passe aussi, et peut être d'abord, par l'amélioration du droit. Voici les grandes orientations que je souhaite soumettre à votre assemblée durant les prochains mois.

Dans le domaine du droit des personnes, je souhaite améliorer le régime de protection des majeurs incapables, réformer le droit de la filiation, du divorce, des successions et des libéralités, afin de mieux répondre aux aspirations des personnes concernées sans surcharger les juridictions. Je veux ici rassurer une fois encore M. Vallini : je travaille en bonne intelligence avec M. Jacob. Nous avons convenu qu'il devait développer la concertation avec l'ensemble du milieu familial pour que la Chancellerie puisse, en liaison avec lui, rédiger les modifications législatives indispensables. Les textes sur la famille seront rédigés à la Chancellerie, au rebours de ce qui s'est fait dans une époque récente - et je crois reconnaître sur vos bancs quelqu'un qui, n'étant pas Garde des Sceaux, a pris la responsabilité de modifier des textes relatifs à la famille...

Mme Ségolène Royal - Les familles n'ont pas eu à s'en plaindre !

M. le Garde des Sceaux - Par ailleurs, je tiens pour indispensable de poursuivre la modernisation de la procédure civile, en vue de mieux maîtriser les délais. Les incidents de procédure doivent être traités très en amont, afin que le juge puisse, le moment venu, trancher les questions de fond.

Enfin, il faudra mettre en _uvre rapidement la réforme de la protection des données personnelles, car les technologies nouvelles et Internet ont profondément modifié l'utilisation des fichiers informatiques. Le projet modifiant la loi informatique et libertés, que votre assemblée a examiné en janvier, reviendra au Sénat au début de l'année prochaine.

Le droit des sociétés doit par ailleurs être profondément rénové, et je sais que le président Clément y est attaché. Je ne doute pas de la détermination sur ce point de votre commission des lois, qui a constitué une mission parlementaire avec laquelle nous pourrons travailler efficacement pour ouvrir cet important dossier. Il en est de même des procédures collectives.

Dans l'immédiat, vous aurez à examiner d'ici à la fin de l'année le projet sur la sécurité financière, qui apportera des précisions très attendues sur le gouvernement d'entreprise et le contrôle légal des comptes. Enfin, la réforme des administrateurs judiciaires et mandataires de justice devra être examinée en décembre par la commission mixte paritaire.

Ce programme ambitieux prendra du temps. Il n'est que plus important de préparer dès à présent ces réformes, dans la concertation et le dialogue, auxquels je suis très attaché : l'attente de la société est considérable dans tous ces domaines.

S'agissant du droit pénal, je souhaite modifier la procédure pénale pour remédier, dans le respect des principes de notre droit, aux disparités qui entravent les procédures, et faciliter le recours aux méthodes d'investigation les plus modernes. Ensuite, il convient d'améliorer la coopération pénale internationale. L'actualité en montre clairement la nécessité, notamment au sein de l'Union européenne.

Il faudra enfin réprimer fermement les formes les plus nouvelles et les plus insidieuses de la délinquance : criminalité organisée, traite des êtres humains, actes racistes, autant de manifestations préoccupantes des violences qui menacent aujourd'hui notre pacte social. Je pense aussi à la lutte contre la violence routière, qui est une grande cause nationale. Pour ce qui est de la criminalité organisée, sa dimension internationale et son usage des technologies modernes lui donnent une efficacité redoutable : pour pouvoir lutter contre elle, police et justice doivent adapter leurs modes d'organisation.

Ce travail a été engagé dès le vote de la loi de programme et je souhaite vous proposer très rapidement l'ensemble de ce dispositif législatif.

Enfin, en accord avec le président Clément, je ne peux accepter que l'inexécution des peines soit aussi élevée. Nous devons améliorer cette situation durant les mois qui viennent, en renforçant les moyens et en simplifiant les procédures.

Telles sont les principales orientations de notre politique et de ce budget. Elles témoignent de notre ambition pour la justice et de notre volonté de mener une politique ferme et humaniste, respectueuse du droit et de nos valeurs. L'autorité de l'Etat, le respect de la République sont en jeu (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

QUESTIONS

M. Patrick Braouezec - Mon collègue Michel Vaxès l'a noté : il est difficile de bouder un budget en augmentation de 7,4 %. Mais au-delà des chiffres, la répartition des moyens proposée est disparate. Ainsi, les moyens consacrés à la PJJ sont inférieurs aux besoins. Votre réponse sur ce point ne m'a pas convaincu, Monsieur le Garde des Sceaux.

Dans leur rapport, nos collègues Lazerges et Balduyck ont dressé un état des lieux préoccupants ; leurs propositions avaient été reprises par le précédent gouvernement dans un plan pluriannuel prévoyant la création de 500 postes d'éducateurs par an, pendant six ans.

Votre budget prévoit de n'en créer que 188 ; c'est très insuffisant. Ne faut-il pas l'infléchir vers la prévention ?

M. le Garde des Sceaux - Je rappelle que le nombre d'éducateurs de la PJJ augmentera d'un quart sur 5 ans. Il n'est pas facile, en outre, de recruter des personnes susceptibles d'occuper ces fonctions.

La gestion globale de la PJJ doit être améliorée - administration centrale insuffisante, services déconcentrés qui n'assurent pas suffisamment de responsabilités de gestion, relations dégradées avec les magistrats. De plus en plus, ces derniers se plaignent de mauvaises réponses ou d'absence de réponse de la PJJ.

Nous devons en redéfinir les objectifs et les responsabilités. Il ne servirait à rien d'augmenter les effectifs sans avoir fait ce travail préalable, priorité absolue de mon ministère. Nous avons un « devoir de responsabilité » à l'égard des jeunes, qu'il soient victimes ou délinquants.

M. Michel Vaxès - Votre programme quinquennal de recrutement de magistrats prévoit de créer 950 postes juridictionnels d'ici à 2007. Ce chiffre est bien inférieur aux promesses du précédent Gouvernement : 1 200 postes sur 4 ans, soit 300 recrutements par an, ce qui été déjà insuffisant.

Les dispositions convenues dans différentes lois récentes auront pour effet d'absorber l'arrivée en juridiction des nouveaux magistrats. Je pense aux appels des décisions de cours d'assises, à la création du juge des libertés, à la juridictionnalisation de l'application des peines.

De même, les nouveaux délits créés par la loi « sécurité quotidienne », ceux qui vont être créés par le projet de loi « sécurité intérieure », alourdiront considérablement la charge de travail des parquets et des juges correctionnels.

Bref, votre plan quinquennal ne suffira pas à couvrir les besoins.

Votre projet de budget prévoit une provision de 2,6 millions d'euros pour financer les premiers juges de proximité. Pour répondre au souci d'une justice de proximité, il aurait été préférable de créer des postes de magistrats de plein exercice, seuls à même de pallier les délais de jugement excessifs.

Enfin, seuls 180 magistrats seront recrutés en 2003 ; il sera vraisemblablement impossible d'atteindre en 2007 l'objectif que vous vous êtes fixé, il faudrait créer au moins 190 postes par an.

Pour compenser les départs à la retraite d'ici à 2010, envisagez-vous de revoir votre plan quinquennal afin de permettre la formation de 300 auditeurs de justice par an ?

M. le Garde des Sceaux - Je refuse la course en avant en matière de création de postes. L'année prochaine, 290 magistrats arriveront effectivement en juridiction.

L'objectif de 950 postes sur cinq ans est optimal à condition de ne pas engager, comme on l'a vu, des réformes qui mobilisent fortement les magistrats. Je ne souhaite pas dévaloriser leur fonction. Il me semble préférable de réfléchir à l'organisation du travail dans les juridictions. Les magistrats doivent pourvoir travailler en équipe avec des juristes, recrutés en grand nombre. Ils bénéficieront ainsi d'aides conséquentes pour la documentation, la pré-rédaction de jugements...

Bref, en l'absence de nouvelles lois « hyper consommatrices » de magistrats comme celle sur les 35 heures, les recrutements que nous envisageons paraissent tout à fait raisonnables.

M. Christian Kert - La situation des locaux judiciaires d'Aix-en-Provence est inacceptable. Cette juridiction ne peut travailler dans des conditions satisfaisantes. Le tribunal de grande instance est logé dans des locaux trop exigus et non fonctionnels. La cour d'appel est répartie en trois bâtiments, dont deux vétustes ; les locaux ne suffisent plus à abriter 125 magistrats et 236 fonctionnaires. Les effectifs supplémentaires qui seront consentis devront être installés à la périphérie de la ville, sur un quatrième site.

Des études ont été engagées pour réévaluer les besoins, mais leurs conclusions tardent à être publiées. Des décisions de programmation doivent être prises. Un agenda peut-il être élaboré ?

M. Pierre Bédier, secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice - La situation immobilière de la juridiction d'Aix-en-Provence est en effet préoccupante. Des travaux d'importance ont déjà été réalisés, notamment en 1997. Nous avons diligenté une étude, sous l'autorité du Garde des Sceaux, qui nous permettra d'avoir dès 2003 une vision d'ensemble. En tout état de cause, le tribunal de grande instance ne peut rester dans ces murs. Nous trancherons en 2003 en faveur d'une solution définitive.

M. Richard Dell'Agnola - La majorité de cette assemblée, et certains collègues de l'opposition, ont voté, le 8 octobre dernier, une proposition de loi pour lutter contre la conduite sous l'influence de stupéfiants, qui fait chaque année 2 000 victimes sur les routes de France. Ce texte devrait être examiné par le Sénat le 19 décembre. Il prévoit la création d'un délit de conduite sous l'influence de drogues illicites, la mise en place de contrôles préventifs obligatoires, un dépistage systématique en cas d'accident corporel.

De nouveaux moyens financiers, humains et matériels devront être mobilisés en effectifs, en matériels et en formation. Les coûts de la lutte contre l'alcool au volant sont pris en charge, en ce qui concerne le dépistage, par le ministère de l'intérieur, en ce qui concerne les analyses, par le ministère de la justice.

Ma question est double : le ministère de la justice prendra-t-il en charge une partie des frais de mise en _uvre du dispositif ? Quel est le montant des crédits qui seront engagés à cet effet ?

M. le Garde des Sceaux - Je vous confirme que l'exécution du test de dépistage est prise en charge sur les crédits de fonctionnement de la police et de la gendarmerie. En revanche, les honoraires des médecins analysant ces tests sont financés par mon ministère, au titre des frais de justice, qui font l'objet d'un chapitre évolutif. Le Gouvernement s'engage à dégager les moyens nécessaires lorsque le texte aura été approuvé.

M. Patrick Hoguet - Les maires des communes rurales souhaitent être des partenaires à part entière de la justice de proximité. Lorsqu'ils saisissent le procureur de la République pour des faits troublant la tranquillité publique, leur courrier devrait recevoir une réponse et justifier une procédure. Cela ne porterait nullement atteinte au principe de l'opportunité des poursuites, qui resterait à l'appréciation du procureur, pas plus qu'au secret des enquêtes. La création de comités locaux de sécurité, qui n'est d'ailleurs pas prévue pour les petites communes, n'est pas une réponse suffisante.

Comptez-vous demander aux procureurs, par circulaire, d'informer les maires de la suite donnée à leur saisine ? Ceci dans un objectif d'efficacité, mais aussi pour remédier au sentiment d'impuissance et parfois de découragement d'élus qui sont souvent mis en cause en cas d'atteinte à la tranquillité publique.

M. le Garde des Sceaux - Je rappelle que le décret du 17 juillet 2002 et la circulaire interministérielle du même mois consacrent le droit des maires à être informés sans délai, par les services de l'Etat, des actes graves de délinquance.

En ce qui concerne l'information des maires sur la suite donnée à une saisine du Parquet, c'est un sujet délicat. Je souhaite mettre en place un groupe de travail associant des magistrats, des parlementaires et des maires pour réfléchir à un système qui réponde à votre préoccupation, sans pour autant modifier la procédure pénale ni impliquer trop les maires, car ils risqueraient alors qu'on leur demande des comptes sur ces affaires. Nous tirerons les conclusions de ce travail par une circulaire.

Mme Ségolène Royal - Je voudrais vous interroger sur un fait d'actualité, la reprise du bizutage à l'école des arts et métiers de Cluny.

La lutte contre le bizutage a fait l'objet d'une loi de 1998, votée par tous les groupes. Elle a nécessité un travail constant car l'éradication de ces comportements ne se fait pas du jour au lendemain : il a fallu rappeler, à chaque rentrée, les recteurs et chefs d'établissements à leurs obligations.

Certains bizutages sont anodins, d'autres beaucoup plus graves. Je n'oublierai pas ces parents qui ont récupéré leurs enfants handicapés à vie, voire décédés, ni ces jeunes filles, violées au cours d'un bizutage.

Le Monde d'hier a décrit le bizutage qui a lieu actuellement à l'école de Cluny. Pourquoi l'action publique n'est-elle pas déclenchée alors que les faits sont avérés, les auteurs et les victimes identifiés et qu'une manifestation a eu lieu pour narguer l'autorité du chef d'établissement, qui résiste autant qu'il peut à ce retour du bizutage ?

Si le bizutage reprend à Cluny en toute impunité, s'il y a dans notre pays deux sortes de jeunes, les élèves des grandes écoles et les jeunes des banlieues, qui seraient sanctionnés s'ils se permettaient le dixième des violences des bizuteurs... (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Cardo - C'est une caricature ! Parlez de ce que vous connaissez, pas des jeunes des banlieues !

Mme Ségolène Royal - ...si on laisse faire, si la loi est bafouée, alors le bizutage reprendra aussi dans d'autres établissements. A un moment où le Gouvernement s'engage à lutter contre toutes les formes de violence, je souhaiterais connaître vos intentions sur ce sujet.

M. le Garde des Sceaux - Quel que soit l'intérêt que portent les médias à ce sujet, ne nous laissons pas aller à des dérapages.

Le texte de la loi est précis et il doit être appliqué. S'il se produit des faits répréhensibles, il appartient au chef d'établissement de les signaler au parquet. Je connais bien la situation à Cluny car je suis élu de ce département : s'il y a eu manifestation, c'est justement parce que le directeur a pris des positions fermes. Pour qu'il y ait des poursuites pénales, il faut que le délit soit caractérisé, vous le savez bien. Je vais interroger le parquet compétent à ce sujet. Mon rôle est de faire appliquer la loi et j'y veillerai.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu ce soir, à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 25.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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