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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 23ème jour de séance, 61ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 13 NOVEMBRE 2002

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

ÉLECTION DES JUGES
DE LA HAUTE COUR DE JUSTICE
ET DE LA COUR DE JUSTICE
DE LA RÉPUBLIQUE 2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

LUTTE CONTRE L'EXCLUSION 2

LUTTE CONTRE LE SIDA 3

POLITIQUE INTERNATIONALE 3

SITUATION DU SECTEUR DU TOURISME
AUX ANTILLES 4

SORT DES EMPLOIS-JEUNES
À L'ÉDUCATION NATIONALE 4

COMPÉTITIVITÉ DE LA FRANCE 5

TIPP FLOTTANTE 6

RETARDS DANS LA TRANSPOSITION
DES DIRECTIVES COMMUNAUTAIRES 7

CONVENTION TRIPARTITE DE MODERNISATION
DES ÉTABLISSEMENTS POUR PERSONNES ÂGÉES 7

AIR LIB 8

LOI DE FINANCES POUR 2003
-deuxième partie- (suite) 8

AFFAIRES ÉTRANGÈRES, COOPÉRATION
ET FRANCOPHONIE 8

ÉLECTION DES JUGES
DE LA HAUTE COUR DE JUSTICE
ET DE LA COUR DE JUSTICE
DE LA RÉPUBLIQUE (suite) 40

La séance est ouverte à quinze heures.

ÉLECTION DES JUGES DE LA HAUTE COUR DE JUSTICE
ET DE LA COUR DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE

M. le Président - Je rappelle que vont se dérouler dans les salles voisines de la salle des séances les deuxièmes tours de scrutin pour l'élection de trois juges titulaires et de deux juges suppléants de la Haute Cour de justice, et de deux juges titulaires et de leurs suppléants de la Cour de justice de la République. Je déclare les scrutins ouverts. Ils seront clos à 18 heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

LUTTE CONTRE L'EXCLUSION

Mme Martine Carrillon-Couvreur - Monsieur le ministre des affaires sociales, le 17 octobre dernier a eu lieu la journée mondiale de lutte contre la misère. Cette semaine, le 15 novembre, se déroulera une journée de débat national sur la lutte contre l'exclusion. Quatre ans après le vote de la loi sur la lutte contre les exclusions, quarante fédérations et associations nationales de solidarité lancent un nouveau cri d'alerte. En effet, votre budget 2003 régresse dans de nombreux domaines : diminution des emplois aidés et des crédits octroyés aux foyers d'hébergement, les CHRS ; recul du programme TRACE pour les jeunes en difficulté, et des contrats emploi solidarité et emploi consolidé qui permettaient aux associations d'aider à la réinsertion des jeunes.

Vous ne proposez aucune politique de réinsertion à long terme et les associations se sentent seules face à ce combat. Il est clair que la lutte contre l'exclusion n'est plus la priorité du Gouvernement ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Lutter contre la misère implique de se sentir responsable de la dignité de son prochain. Quels sont ces nouveaux contrats CIVIS, contrats d'insertion dans la vie sociale, qui remplaceront le programme TRACE ? Comment allez-vous garantir la pérennité des financements nécessaires au bon fonctionnement des structures, et rassurer les associations de solidarité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Mme Dominique Versini, secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion - Votre question est la bienvenue (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), et je vais y répondre avec toute la passion qui m'anime pour la lutte contre l'exclusion (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Je me suis rendue à la journée mondiale du refus de la misère, le 17 octobre dernier, où j'ai rencontré des associations qui travaillent auprès des exclus, comme je l'ai moi-même fait pendant des années. Aussi puis-je vous en parler en connaissance de cause (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Les associations se sont senti seules pendant cinq ans car elles ne recevaient même plus leurs subventions. Aujourd'hui, les circulaires qui permettront de payer les sommes dues sont signées.

Je prépare un programme national de renforcement de la lutte contre les exclusions car il manquait à la loi de 1998 d'être appliquée.

Il faut aussi réfléchir sur l'accès au droit dont sont privés les plus démunis. Sur ce sujet, il convient de rester humble (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et certains de ceux qui s'exclament sont mal placés pour donner des leçons (« Bravo ! » sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Ceux dont vous parlez avec compassion, moi, je les ai pris dans mes bras, et je sais ce qu'ils ont vécu ! (Huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

LUTTE CONTRE LE SIDA

M. Jean-Christophe Lagarde - Monsieur le ministre de la santé, le 1er décembre prochain aura lieu la journée mondiale de lutte contre le sida.

Dans les années 1980, un effort national de sensibilisation avait permis d'endiguer la pandémie. Aujourd'hui, les résultats encourageants des trithérapies conduisent à sous-estimer la gravité du fléau. Résultat : le sida, et aussi d'ailleurs les maladies sexuellement transmissibles, se développent, en particulier dans les zones urbaines comme mon département de la Seine-Saint-Denis. Il est nécessaire d'alerter la population. Parfaitement conscient de la situation, le Président de la République a pris des engagements pendant sa campagne électorale, notamment auprès de l'association « élus locaux contre le sida ». L'Etat parviendra-t-il à des accords avec les industriels en particulier par exemple pour abaisser le prix des préservatifs féminins ? La lutte contre le sida sera-t-elle proclamée en 2003 « grande cause nationale » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille - Je vous prie de bien vouloir excuser M. Mattei et je vous réponds : oui, hélas, le sida évolue encore. M. Mattei poursuit le plan triennal de lutte contre le VIH, et a inscrit à ce titre 65 millions d'euros dans la loi de finances.

Proclamer le sida « grande cause nationale » permettrait de diffuser gratuitement des spots à la radio et la télévision, mais M. Mattei a déjà inscrit au titre de l'institut national de prévention et d'éducation pour la santé 12 millions d'euros qui seront consacrés à la communication. En revanche, nous travaillons à vulgariser les moyens de protection contre les maladies sexuellement transmissibles, et à en réduire le coût, afin d'en faciliter l'accès aux plus démunis (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

POLITIQUE INTERNATIONALE

M. Patrick Braouezec - Monsieur le Premier ministre, permettez-moi de vous rappeler que votre majorité est issue d'un vote par défaut (Interruptions sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF), et que la campagne législative s'est caractérisée par l'absence de tout débat sur les grands enjeux de la société ! (Mêmes mouvements) 40 % des électeurs inscrits se sont abstenus, plus de la moitié issus des quartiers populaires : déçus par une politique de gauche trop timorée, ils n'ont pas pour autant voulu vous donner leurs voix (Mêmes mouvements). Le forum social européen de Florence a réuni, la semaine dernière, des milliers de jeunes qui croient possible un autre monde.

Etes-vous prêts à vous faire l'écho de Florence dans les instances européennes ? A rendre caducs les critères de stabilité des dépenses publiques afin de développer les dépenses sociales ? A défendre l'idée d'une Europe sociale ? A mettre fin au « tout financier » qui bafoue les droits démocratiques, par l'instauration d'une taxation des transactions financières ? A vous opposer aux actuels rapports Nord-Sud ? Vous pouvez fermer tous les Sangatte de France et de Navarre, rien n'empêchera un homme de préférer la vie à la mort ! Enfin, combattrez-vous jusqu'au bout le recours à la guerre, en utilisant, le cas échéant, votre droit de veto, et en sollicitant l'avis du Parlement ? (Interruptions sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Je ne me fais aucune illusion sur votre réponse, mais je voudrais me faire ici l'écho de milliers de voix (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur de nombreux bancs du groupe socialiste).

Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes - Un vote est un vote, c'est la loi de la démocratie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Le forum de Florence a été un succès, et la France a pris acte du souhait de la société civile de défendre un modèle social européen. J'en veux pour preuve la stratégie de lutte contre la pauvreté adoptée en 2000 à Lisbonne, et l'agenda social européen établi en décembre 2000, sous présidence française.

L'Europe sociale existe, et nous continuerons à défendre les conditions de travail, la protection de la santé et l'égalité entre les hommes et les femmes.

Par ailleurs, le Gouvernement verse des contributions à la convention sur l'avenir de l'Europe. Il a obtenu la constitution d'un groupe de travail sur le domaine social. Il se mobilise pour l'élaboration d'une directive-cadre sur les services d'intérêt général. Peut-être pourriez-vous, au lieu de mettre en doute notre détermination, nous aider à défendre ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Enfin, M. de Villepin l'a dit fermement hier, dans cette enceinte : la France fera face à ses responsabilités internationales avec exigence, lucidité et détermination, comme elle l'a fait jusqu'à présent en prenant une part décisive à la rédaction de la résolution 1441 du conseil de sécurité, texte qui, comme c'était son objet, offre bien une nouvelle chance à la paix (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

SITUATION DU SECTEUR DU TOURISME AUX ANTILLES

M. Joël Beaugendre - Un article publié le week-end dernier dans la presse nationale fait état du départ annoncé du groupe hôtelier Accor des Antilles françaises, qui explique sa décision par un faisceau de raisons : les carences de la desserte aérienne, les conditions d'accueil, le coût élevé du travail dans les îles par comparaison avec les pratiques des autres îles des Caraïbes, et un climat social particulièrement tendu. Comme il fallait s'y attendre, cet article a attisé la colère des industriels du tourisme antillais et des salariés du secteur, et les syndicats y ont trouvé un prétexte, à la veille des élections prud'homales, pour déclencher une grève générale à la Guadeloupe, sans craindre la surenchère sociale (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

Tous les voyants sont au rouge aux Antilles, qu'il s'agisse du tourisme ou de l'agriculture, activités essentielles pour l'avenir des îles. Ni la loi d'orientation pour l'outre-mer, ni la loi Paul n'ont réussi à redynamiser le secteur. Une mission parlementaire devrait être dépêchée en Guadeloupe et en Martinique. Dans l'intervalle, quelles mesures d'urgence le Gouvernement prendra-t-il pour relancer le tourisme aux Antilles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Léon Bertrand, secrétaire d'Etat au tourisme - Contrairement à ce que certains voudraient faire croire, la situation n'est pas explosive en Guadeloupe. La décision prise par le groupe Accor est donc excessive ; je ne l'approuve pas, et je négocie avec la présidence du groupe hôtelier pour la faire évoluer. Cependant, des problèmes existent que l'on ne peut éluder. Si le secteur du tourisme a vu son chiffre d'affaires chuter de 20 % en 2001, ce n'est pas seulement à cause des problèmes de desserte aérienne ou du vieillissement des infrastructures : c'est aussi à cause des fréquents mouvements sociaux, qui gâchent le séjour des touristes. Mme Girardin et moi-même sommes en train d'élaborer un plan d'action que je présenterai, en décembre, lorsque je me rendrai aux Antilles, et Mme Girardin prépare par ailleurs une loi organique qui comprendra un volet « tourisme ». Mais, chacun le sait, les textes ne suffiront pas à améliorer la situation si les touristes ne retrouvent pas aux Antilles l'accueil chaleureux auquel ils étaient accoutumés et auquel les grèves à répétition finissent par porter atteinte (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste). Il faut donc renouer le dialogue social, car sans paix sociale, aucun plan d'action ne sera viable. On sait, d'autre part, que le coût du travail demeurera supérieur aux Antilles françaises à ce qu'il est à Cuba ou à Saint-Domingue. C'est donc sur la qualité que nous devons miser (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

SORT DES EMPLOIS-JEUNES À L'ÉDUCATION NATIONALE

M. Céleste Lett - L'occasion nous a déjà été donnée de souligner l'impéritie du gouvernement précédent, qui n'avait pas jugé utile de financer l'APA (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Cette légèreté trouve une nouvelle démonstration avec le dispositif emploi-jeune, prétendue « mesure-phare » qui n'a ébloui personne (Mêmes mouvements).

En effet, aucune assurance chômage n'a été prévue pour les quelque 62 000 aides-éducateurs dont le contrat vient à échéance (Huées sur les bancs du groupe UMP) et si tous se trouvent au chômage (« Ce sera de votre faute ! » sur les bancs du groupe socialiste), l'Etat, et donc les contribuables, devra trouver des centaines de millions pour les indemniser. Encore une ardoise laissée par la gauche ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Certes, nous ne souhaitons pas que tous se trouvent sans emploi...

M. François Hollande - Gardez-les donc !

M. Céleste Lett - ...mais il faut les rassurer. Comment le Gouvernement compte-t-il gérer la situation malheureuse dont il a hérité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire - Je vous prie d'excuser M. Luc Ferry (Huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) et vous invite à mettre un terme à ces hurlements indécents, car le ministre assiste aux obsèques de l'inspecteur d'académie des Deux-Sèvres mort dans un tragique accident de la route. Indécents, ces cris le sont aussi parce que 62 000 aides-éducateurs auraient dû quitter leur emploi le 31 décembre sans pouvoir bénéficier d'aucune indemnité chômage si le Gouvernement n'avait, d'une part, prorogé leur contrat pour leur permettre de terminer l'année scolaire et, d'autre part, prévu 43,6 millions dans la loi de finances qui serviront, si nécessaire, à couvrir le montant des allocations de chômage. L'ardoise étant ainsi réglée, nous nous emploierons, autant que faire se peut, à trouver un emploi à ces jeunes. Du moins, s'ils ne peuvent exercer de nouvelles responsabilités, bénéficieront-ils des indemnités que vous aviez oublié de prévoir, sans doute parce qu'elles devaient être versées après des élections que vous pensiez gagner mais que vous avez perdues (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

COMPÉTITIVITÉ DE LA FRANCE

M. Richard Mallié - Selon un récent rapport de l'OCDE, notre pays s'est illustré en reculant de la vingtième à la trentième place du classement mondial de la compétitivité. Pire : il recule dans tous les domaines ! Dans le même temps, la Suède, le Danemark, le Royaume-Uni et l'Allemagne progressent. Tel est le bilan de la gestion socialiste, que d'aucuns n'ont pas hésité à présenter comme « bon » ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Comment en est-on arrivé là ? Par le poids excessif des dépenses publiques, les contraintes des 35 heures, l'inexistence du dialogue social et l'omniprésence des formalités administratives (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour remettre notre pays sur la voie de la réussite ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Président - La parole est à M. le Premier ministre (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre - C'est un sujet grave que celui de la compétitivité de la France, car c'est aussi celui de l'emploi et du revenu des Français. Il ne doit donc pas prêter à polémique. Entre 2000 et 2001, nous avons rétrogradé de dix places par rapport à des pays comparables, et de dix-sept places depuis 1988.

« Quand on s'analyse on s'inquiète, quand on se compare on se rassure », dit un adage bien connu. En l'occurrence, la comparaison est inquiétante, car la compétitivité de la France est affaiblie (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Il y a, à cela, des causes objectives : notre bureaucratie, nos lourdeurs et nos lenteurs, qui pèsent sur les forces vives de la nation. Il est évident, aussi, que le niveau des charges et des prélèvements est trop lourd (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). N'oublions pas non plus le retard accumulé pour faire progresser la société de l'information - les actes n'ayant pas suivi les promesses.

M. Bruno Le Roux - Baratin !

M. le Premier ministre - Il est temps d'agir en profondeur et de poursuivre l'allégement des charges qui pèsent sur le travail de nos compatriotes et grèvent les performances de nos entreprises (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Nous sommes résolus à assouplir le droit de travail en sorte que sans porter atteinte aux droits des salariés (Murmures sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains), il ne crée plus un désavantage relatif pour nos entreprises par rapport au reste du monde.

Songez que pour la première fois cette année, la France n'a même pas été consultée au sujet de l'implantation d'un très grand équipement industriel dans le secteur de l'automobile. Jugé par avance trop peu compétitif, notre pays a été écarté de la négociation (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Augustin Bonrepaux - Qu'avez-vous fait ?

M. le Premier ministre - Soyez prudents dans vos attaques, ce dossier a été lancé au cours du premier semestre ! (Rires sur les bancs du groupe UMP)

M. Henri Emmanuelli - Et alors ?

M. le Premier ministre - Nous assouplirons l'ensemble des procédures et poursuivrons l'allégement des impôts pour ceux qui sont aujourd'hui découragés de créer de la richesse à l'intérieur de nos frontières. Avec la sécurité financière évoquée hier par M. Mer et les incitations à la création d'entreprise décrites récemment par M. Dutreil, nous faisons tout pour que le travail des Français soit valorisé à son juste prix. Nous devons tous nous mobiliser pour renforcer la compétitivité du pays. Ne prenons pas à la légère...

M. Henri Emmanuelli - C'est vous qui êtes léger !

M. le Premier ministre - ...des sujets qui concernent directement le travail des Français (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

TIPP FLOTTANTE

M. Michel Dasseux - Monsieur le ministre de l'économie, dans les prochains jours, compte tenu de l'évolution des cours du pétrole, tous les Français auraient dû bénéficier d'une baisse sensible de la fiscalité sur les carburants et le fuel domestique si vous ne persistiez pas dans votre refus d'appliquer le mécanisme de la TIPP flottante, pourtant prévu par la loi. Il est inique que nos compatriotes ne bénéficient pas des baisses de prix et que l'Etat continue de s'enrichir à leurs dépens. Manifestement, vous préférez distribuer des cadeaux fiscaux aux plus gros contribuables et des réductions d'impôt aux ménages qui emploient du personnel à domicile ! Allez-vous persister dans votre refus d'appliquer la loi ? Ne craignez-vous pas que les Français en déduisent que vous refusez ce mécanisme parce qu'il profite d'abord aux plus modestes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Au cours des deux derniers mois, le prix du baril a chuté de 30 dollars à 24 dollars. Dès lors, votre plaidoyer en faveur de la TIPP flottante ne tient pas puisque le mécanisme avait été conçu pour compenser la hausse des cours, répercutée sur les prix à la pompe. Suspendu depuis trois mois, je vous confirme que le flottement de la TIPP n'est plus à l'ordre du jour (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). La modération des cours nous permet de retrouver une certaine compétitivité sur le marché de l'énergie. Ne la compromettons pas (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

RETARDS DANS LA TRANSPOSITION DES DIRECTIVES COMMUNAUTAIRES

M. Alain Ferry - Madame la ministre déléguée aux affaires européennes, la France est le mauvais élève des quinze en matière de transposition des directives européennes. Héritée du gouvernement précédent, cette situation a donné lieu à un rappel à l'ordre de la France au cours du Conseil européen de Barcelone de mars dernier. Notre pays a été invité à rattraper son retard et à transposer toutes les directives en souffrance avant le printemps prochain. A l'heure où nous nous appliquons à relancer le moteur franco-allemand, nous devons être exemplaire et rompre avec le laxisme qui a trop longtemps caractérisé notre position.

Sur la cinquantaine de directives que produit chaque année la Commission européenne, deux tiers sont transposées par décret, le tiers restant seulement l'étant par la voie législative. Madame la ministre, quelles impulsions allez-vous donner en matière de transposition ? Est-il envisagé de mieux y associer le Parlement que par le passé ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes - N'ayons pas peur des mots...

M. Christian Bataille - Voilà le Conseil constitutionnel !

Mme la Ministre déléguée - ...la Commission européenne a confirmé avant-hier que notre pays était bon dernier des quinze en matière de transposition des directives. A l'heure où l'on exige des pays candidats à l'adhésion d'intégrer des centaines de textes communautaires, notre pays n'a toujours pas transposé en droit interne plus de soixante directives. C'est pourquoi le Premier ministre a lancé un plan de rattrapage accéléré qui associera le Parlement et les différents ministères. Le Gouvernement demandera l'inscription de la loi de transposition à l'ordre du jour prioritaire des assemblées. Parallèlement, les départements ministériels sont d'ores et déjà invités à réformer leurs méthodes de travail et à prévoir la transposition des directives très en amont des échéances.

Ne nous plaçons pas à nouveau dans la situation d'il y a deux ans, lorsque le gouvernement d'alors a imposé au Parlement la transposition « à la louche » d'une cinquantaine de directives par ordonnances via une loi d'habilitation unique (« Honteux ! » sur les bancs du groupe UMP). L'Europe ne se fera qu'à travers les parlements nationaux. Telle est la conviction que nous défendons dans le cadre de la convention sur l'avenir de l'Europe (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

CONVENTION TRIPARTITE DE MODERNISATION
DES ÉTABLISSEMENTS POUR PERSONNES ÂGÉES

M. Pierre Hellier - Monsieur le secrétaire d'Etat aux personnes âgées, la qualité de la prise en charge des personnes âgées dépendantes constitue un enjeu de société majeur. Arrêté en 1997, le principe de la réforme de la tarification des établissements d'accueil n'est toujours pas entré dans les faits. La majorité des conventions tripartites Etat-collectivités-établissements prévues à cette fin n'ont toujours pas été conclues et si le PLFSS pour 2003 prévoit le report de la date butoir de signature, il ne donne aucune précision quant à leurs modalités de financement. Pouvez-vous garantir que les moyens initialement prévus seront maintenus ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

M. le Président - Merci pour votre concision.

M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées - Six cent mille personnes âgées dépendantes sont accueillies dans dix mille établissements, deux cent mille lits sont inadaptés, cinq pour cent des structures devraient être fermées compte tenu de leur vétusté. Il est donc urgent de moderniser le système afin d'améliorer les conditions d'accueil des personnes âgées dans les structures d'hébergement collectif. Lancée en 1997, la réforme de la tarification n'a pas abouti. A notre arrivée, seulement 700 conventions tripartites avaient été conclues ; 1 400 devraient l'être avant la fin de l'année. Dans ce contexte, nous avons décidé de reporter à 2005 la date limite de signature de ces accords, visant, vous l'avez dit, la mise aux normes des conditions d'hébergement, la médicalisation des structures et l'amélioration des conditions de travail des 300 000 salariés qui travaillent dans ce secteur.

Nous ajusterons les financements en fonction des conventions signées. En toute hypothèse, nous comptons faire mieux que 1 400 signatures en deux ans. Nos aînés méritent le respect. Donnons-leur la possibilité de vivre dans la dignité...

M. Henri Emmanuelli - Nous ne vous avons pas attendus !

M. le Secrétaire d'Etat - Peut-être, mais vous n'en avez pas fait comme nous une cause nationale ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

AIR LIB

M. Laurent Cathala - Monsieur le Premier ministre, nous ne pouvons que regretter que vous teniez des propos de nature à discréditer notre pays (Huées sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste)... et l'exemple de Toyota - qui n'est pas si ancien - devrait vous inciter à plus de modestie !

A l'instar de M. Douste-Blazy, secrétaire général de l'UMP, il semble que le Gouvernement considère qu'Air Lib, c'est fini ! Malgré les ultimes propositions tendant à présenter un projet industriel cohérent et financièrement soutenu, vous ne souhaitez pas maintenir la licence d'exploitation au-delà du 15 novembre.

Par une telle position, le Gouvernement compromet toute solution d'avenir. Retirer la licence de transport aérien, c'est supprimer 3 200 emplois directs et 15 000 emplois indirects, dont 2 500 aux Antilles, alors que la situation sociale s'y dégrade (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Les difficultés financières d'Air Lib sont sans commune mesure avec le coût social de votre politique, que va encore aggraver la suppression des mesures protectrices des salariés décidée ce matin en conseil des ministres. Dans la conjoncture incertaine qui pèse sur le transport aérien, vous supprimez la deuxième compagnie française et vous vous apprêtez à fragiliser Air France en la privatisant (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Dans ces conditions, allez-vous donner à Air Lib les moyens de maintenir son activité, de sauvegarder les emplois, de ne pas aggraver la situation économique des Antilles et de préserver... (M. Cathala s'interrompt).

M. le Président - Monsieur Cathala... Je suspends la séance... Elle ne sera pas reprise dans l'immédiat... J'arrête ici les questions au Gouvernement (Marques d'assentiment).

La séance, suspendue à 15 heures 50, est reprise à 16 heures 15, sous la présidence de M. Raoult.

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

LOI DE FINANCES POUR 2003 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003.

AFFAIRES ÉTRANGÈRES, COOPÉRATION ET FRANCOPHONIE

M. le Président - Nous abordons la discussion des crédits des affaires étrangères.

M. Eric Woerth, rapporteur spécial de la commission des finances pour les affaires culturelles - Le budget des affaires étrangères n'est pas tout à fait comme les autres. Il symbolise l'action extérieure de la France, et donc sa place dans le monde. Il montre également l'effort qu'elle fait en faveur des nations moins favorisées. Mais s'il paraît coupé des préoccupations immédiates de nos concitoyens, c'est à tort : plus que jamais, politique étrangère et politique intérieure sont liées, et les répercussions de l'une sur l'autre sont complexes.

Le budget des affaires étrangères est le baromètre des ambitions extérieures de la France. Il représente pour 2003 1,5 % du budget total de l'Etat, et traduit donc une nette volonté de redresser la barre après des années à 1,4, voire 1,3 %. Sa part dans le total des actions extérieures est portée à 40 %, ce qui sera bénéfique car la dispersion des efforts ne peut favoriser l'efficacité, ni économique, ni opérationnelle.

Si ce budget progresse de 13,34 %, il s'agit surtout d'un effet d'optique. Le budget procède en effet à deux opérations vérité. D'abord, les contributions obligatoires de la France y sont augmentées de 10,7 %, parce qu'elles avaient été largement sous-évaluées dans le budget pour 2002. Ensuite, les crédits destinés au fonds européen de développement progressent de 127 %. L'augmentation du budget s'explique également par la création d'un nouvel instrument de coopération bilatérale, les contrats de désendettement développement.

En dehors de ces trois postes, le budget progresse de 1,9 %, ce qui reste supérieur à l'augmentation globale de 1,6 %. Les crédits de paiement augmentent de 6,1 % pour l'action bilatérale, de 37,4 % pour l'action multilatérale, de 3,2 % en ce qui concerne les moyens des services et de 4,3 % pour l'action d'assistance et de solidarité de la France.

Ce budget vérité met l'accent sur la rationalisation des moyens du ministère. L'héritage était en effet encombrant. La sous-dotation du FED pour 2002 a obligé à inscrire 137 millions en loi de finances rectificative. Pour 2003, les crédits afférents se montent à 496 millions, contre 218 dans la loi de finances pour 2002. Les participations de la France aux dépenses internationales avaient également été sous-estimées de façon flagrante, et il aura fallu inscrire en loi de finances rectificative des sommes équivalant à 18 % des crédits initialement prévus. Le budget pour 2003 a une préférence pour la transparence et prévoit d'office les crédits nécessaires.

La rationalisation des moyens, c'est aussi diminuer la part des crédits de rémunération et de fonctionnement. Elle sera ainsi ramenée de 41,2 % en 2002 à 37,4 %. Les effectifs diminuent globalement de 57 emplois, mais des créations de postes interviendront dans certains domaines sensibles tels que celui de la sécurité.

La rationalisation passe également par une évolution mesurée du réseau, le deuxième après celui des Etats-Unis. C'est un grand sujet de discussion avec le ministère des finances, mais qui ne peut se contenter d'un analyse comptable. Il faut associer à cette réflexion les autres départements ministériels et nos partenaires européens.

Enfin, la rationalisation dépend de la globalisation et de la déconcentration des crédits. Expérimentation et évaluation rendront possible un tel changement de mode de gestion.

Pour en finir avec les crédits de fonctionnement, les postes de frais de réception et de déplacement sont en augmentation en prévision de la présidence française du G8, du sommet France-Afrique et en raison de la création d'un nouveau secrétariat d'Etat.

En ce qui concerne les actions poursuivies, ce budget privilégie l'action bilatérale pour le développement, les actions de solidarité et les actions multilatérales. Pour la première, l'aide alimentaire progresse de 13 %, avec cependant une répartition des rôles peu pertinente entre les ministères de l'agriculture et des affaires étrangères. Les moyens consacrés aux fonds d'urgence humanitaires restent stables. Les concours financiers traditionnels sont renforcés, après plusieurs années de baisse. On peut se féliciter que les crédits destinés aux nouveaux contrats de désendettement-développement, pour la réduction de la dette des pays pauvres, aient été rattachés au ministère, ce qui améliorera la cohérence.

Les moyens de la politique de coopération augmentent. Ils concernent l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger et la coopération militaire. Des autorisations de programme nouvelles sont inscrites pour le fonds de solidarité prioritaire et les fonds gérés par l'AFD, et il faudra veiller à ce qu'elles soient bien transformées en crédits de paiement.

Enfin, les crédits pour la coopération internationale et le développement augmentent de 0,5 %, alors qu'ils avaient diminué de 1 % en 2002. La priorité cette année est donnée à l'assistance technique. Les crédits de l'action audiovisuelle extérieure baissent eux de 1,9 %. Ils n'incluent pas le projet de création d'une nouvelle télévision française d'information internationale.

Deuxième volet : l'ajustement de notre action multilatérale. Dans ce domaine, les marges de man_uvre sont moindres car nous sommes liés par les engagements de la France. L'effort budgétaire est beaucoup moins perceptible dans ce secteur.

Pour réparer les insuffisances de la loi de finances pour 2002, le budget augmente de 10,7 % les crédits destinés aux contributions à des organismes extérieurs, qui vont pour 53 % à l'ONU et aux opérations de maintien de la paix. Les contributions volontaires, elles, sont stables à 86 millions. Ce n'est pas suffisant et, pour quelques euros de plus, la France gagnerait beaucoup en influence, notamment dans le système onusien. Je pense à des organismes comme l'UNICEF ou au HCR.

Enfin, le fonds européen de développement connaît une forte augmentation, ce qui nous fait un devoir de contrôle des fonds employés.

Notre action de solidarité et d'assistance est également renforcée : peu dotée en valeur relative -53 millions d'euros -, ce chapitre est néanmoins essentiel pour notre action de soutien à nos compatriotes expatriés, qui sont environ 1,7 million, et pour donner à l'OFPRA les moyens de fonctionner. Les crédits d'assistance - 20 millions d'euros - progressent de 3 % ; les crédits destinés à la sécurité augmentent, eux, de 27 % - sans doute est-ce encore trop faible si l'on en juge par le coût de l'intervention en Côte d'Ivoire.

En ce qui concerne l'OFPRA, les crédits budgétaires progressent de 25 % - 28,5 millions d'euros -, permettront le financement de 66 emplois supplémentaires qui aideront à résorber les dossiers en instance. Cette mesure, importante, est malheureusement insuffisante. Les conditions de travail de l'OFPRA en 2003 devront être suivies attentivement.

Enfin, quelques pistes de réflexion. Ce budget n'a de sens que s'il ne fait pas l'objet d'un gel des crédits qui déstabilise l'action extérieure du pays et l'action de nos représentations, d'autant que certaines, qui dépendent du ministère de l'économie en particulier, n'ont pas eu à supporter un gel dit à tort « républicain ».

Il faut engager une réflexion sur le rôle de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger. Bien qu'en augmentation, son budget permettra difficilement de terminer l'année scolaire. Avec une dotation de 338 millions d'euros, l'AEFE scolarise 160 000 élèves, dont 70 000 sont français. Le fonds de roulement de l'Agence s'est amenuisé ; il conviendrait de le reconstituer. L'AEFE est un outil d'enseignement, de coopération, de défense de la francophonie : une clarification de son rôle me semble nécessaire.

Les crédits de coopération militaire - 94 millions d'euros - ont atteint leur limite basse ; ils ne cessent de diminuer depuis plusieurs années...

M. Jacques Myard - Ce n'est pas acceptable !

M. Eric Woerth, rapporteur spécial - ...au risque de voir ce domaine d'action revenir au ministère de la défense.

Il est nécessaire de consolider le périmètre de l'action extérieure de la France. Le « jaune » mis en place par le gouvernement Juppé allait dans ce sens ; la loi organique peut également y conduire. Si l'on veut augmenter les moyens de notre politique extérieure, il faut aussi les rechercher dans une autre organisation, plus cohérente, plus intégrée, moins coûteuse. Il ne faut pas hésiter à associer la représentation nationale à cette réflexion.

Le Gouvernement affiche une nouvelle ambition : redonner à la France sa place dans le monde. Votre projet de budget porte les signes tangibles de cette espérance. La commission des finances l'a adopté et votre rapporteur spécial invite l'Assemblée à émettre un vote favorable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour les affaires étrangères - Monsieur le ministre, l'opération « vérité des crédits » me paraît très importante. La sincérité implique de les inscrire dès la loi de finances initiale. C'est aussi une question de crédibilité internationale pour les dotations obligatoires à l'ONU et au fonds européen de développement ; si on ne le fait pas, on se prive du droit de critiquer ces institutions.

Ce budget affiche de vraies priorités. Et tout d'abord, avec 13,4 % de hausse, il rompt avec la politique menée ces dernières années, et relance l'aide publique au développement. Le multilatéral augmente mais sans que le bilatéral en souffre : 25 % de dotation supplémentaire pour l'AFD et le FSP. C'est que nous voulons tenir l'engagement du Président de la République d'augmenter de 50 % en cinq ans les crédits de l'aide publique au développement.

En ce qui concerne la gestion du droit d'asile, une réforme a été annoncée au conseil des ministres du 25 septembre. Les deux flux de demandes - asile conventionnel ou politique et asile territorial - seront unifiés. En 1998, nous avions 23 000 demandes d'asile conventionnel et 4 342 accords - 8 % d'issues positives ; en 2001, nous avons 48 000 demandes et 2 274 accords - soit, 5 %. Beaucoup se présentent pour demander un asile auxquels ils savent ne pas avoir droit, car l'OFPRA est une « filière » pour entrer dans le pays. A ceci s'ajoutent les 31 000 demandes d'asile territorial en préfecture. Là encore, encombrements, délais, problèmes. Il faudra veiller à ce que des moyens soient mis en place pour que les préfectures aient résorbé leurs retards à la fin de 2003.

Un mot sur les consulats. Nous allons mettre en place le paiement des frais de dossiers : les fonds ainsi récoltés devraient être utilisés à la modernisation des consulats et ne pas être dispersés. L'image de la France changerait considérablement, comme j'ai pu en faire l'expérience en visitant les consulats rénovés de Tunis et de Casablanca.

Des problèmes persistent, dont celui de la régulation budgétaire, qui ne dépend pas il est vrai du ministère des affaires étrangères. La loi organique et les lois de finances offrent des opportunités à saisir, mais il aurait été souhaitable qu'on aille plus loin afin d'encadrer la pratique des gels budgétaires. Actuellement, Bercy est un peu juge et partie. En 2002, le « gel républicain » a frappé les postes diplomatiques, alors que dans les postes d'expansion économique, l'ensemble des crédits a été consommé. Nous devons nous donner les moyens de moraliser cette pratique. Les contributions volontaires - dont il est d'ailleurs dommage que nous n'ayons pas pu relever le niveau - en sont toujours les victimes, alors que l'effet de levier qu'elles peuvent avoir est considérable.

La coopération militaire est insuffisamment dotée. Les ministères qui ont regroupé leurs crédits au ministère des affaires étrangères peuvent avoir le sentiment de ne pas avoir fait une bonne affaire si ces crédits diminuent.

Nous nous félicitons néanmoins que ce budget relance l'action dans le domaine des affaires étrangères. Dominique de Villepin tient à améliorer l'efficacité de son administration et la cohérence de l'action extérieure. Douze ministères concourent actuellement à la mise en _uvre de la politique extérieure de la France. Sur 9 000 agents, un peu moins de 6 000 relèvent directement du ministère des affaires étrangères. A côté de 268 ambassades, représentations permanentes et consulats, 468 implantations relèvent d'autres ministères. D'où la dispersion, les surcoûts, les problèmes de coordination, voire de concurrence. Il serait donc souhaitable que, pour avoir une vision globale, nous ne nous bornions pas à examiner le budget du ministère des affaires étrangères qui ne représente que 47 % des actions extérieures de l'Etat.

M. Jean-Claude Lefort - Très bien !

M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis - Nous devons partir du « jaune », document qui rassemble l'ensemble des crédits de l'action extérieure de l'Etat. Nous devrions nous diriger vers une enveloppe unique de fonctionnement par poste et donc vers plus d'unité.

Nous sommes membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU et nous devrions, plus que jamais, conserver une ambition mondiale.

Il ne s'agit pas de réduire, mais sans doute certaines adaptations sont elles nécessaires. De nombreux pays qui n'ont pas reçu la visite de ministres français depuis des années, attendent beaucoup de la France, et Renaud Muselier, fort de ses nombreux déplacements à l'étranger, le sait bien. Il faut nous mettre en état de répondre à cette demande.

N'est-il pas nécessaire de revoir nos besoins diplomatiques, quand nous comptons 109 agents en Belgique, hors représentation européenne, contre 71 au Mexique, pays émergent de 100 millions d'habitants ? Quand 65 de nos agents sont à Londres pour 22 000 Français, dont moins d'un tiers sont immatriculés au consulat général ?

Il conviendrait également d'harmoniser la délivrance des visas Schengen, et d'accorder nos politiques de traitement des demandeurs d'asile, et plus généralement nos politiques d'immigration.

La nouvelle organisation budgétaire s'imposera à nous en 2006, mais nous pouvons progresser dès maintenant afin de mener des actions extérieures efficaces et cohérentes. La mission interministérielle « actions extérieures de l'Etat » regroupe différents programmes sur lesquels le Parlement pourra exercer un arbitrage. Je souhaite qu'il soit appelé au plus vite à faire des propositions sur ce sujet. Il faudra éviter qu'un trop grand nombre de programmes ne nuise à la fongibilité des crédits sur place, qui laisse de la souplesse à l'action de l'ambassadeur A l'inverse, avec des programmes trop peu nombreux, voire un programme unique, toute politique sectorielle serait empêchée.

En conclusion, ce budget rompt avec le passé ; il va vers plus de sincérité et une meilleure adéquation des moyens budgétaires aux objectifs politiques. C'est un budget de transition ; il faudra donc poursuivre les efforts. La réforme de l'action extérieure de l'Etat doit tenir compte de la nouvelle organisation budgétaire, et le Parlement doit y participer, en appréciant dans sa totalité l'action extérieure de la France, en encadrant mieux la régulation budgétaire et en veillant à une utilisation plus cohérente des moyens accordés à nos représentants, sous l'autorité des ambassadeurs.

La relance du dialogue franco-allemand, le rôle joué par notre pays dans les instances internationales au sujet de la question de l'Irak, la participation accentuée de la francophonie au dialogue des cultures sont autant d'espoirs qui nous incitent à lancer les réformes nécessaires pour tirer le meilleur partie des moyens consacrés à l'action extérieure de la France.

La commission adopté ce budget et invite l'assemblée à faire de même (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. François Lamy, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale pour les affaires étrangères - Concernant les crédits des affaires étrangères, notre commission a examiné les cotisations françaises à l'ONU, les dépenses relatives à l'Europe de la défense, et les crédits de la coopération militaire.

Une fois encore, la France aura contribué à la solidité financière de l'ONU, tant pour le budget ordinaire que pour celui des opérations de maintien de la paix.

Certes, les opérations les plus importantes, comme la KFOR ou la SFOR, sont menées en coalition par délégation du conseil de sécurité. Mais le département des opérations de maintien de la paix permet à l'ONU de mener, bien plus efficacement qu'au début des années 1990, des opérations de grande envergure - Sierra Leone, Congo -, employant ainsi à bon escient les crédits qui lui sont attribués.

En revanche, les crédits de la coopération militaire bilatérale diminuent drastiquement de 10 %, pour se situer à 93,5 millions d'euros, mettant ainsi à mal la réforme de la coopération militaire lancée par le conseil de défense le 3 mars 1998. Elle prévoyait une réorientation géographique vers des pays autres que ceux du « pré carré » ainsi qu'une réorientation des actions vers l'ingénierie de défense, la formation des officiers et l'apprentissage du français en milieu militaire. Les actions de coopération militaire en Europe de l'Est diminuent de 40 %. Même en Afrique, les effectifs des missions de coopération sont limités : une vingtaine de postes pour les plus nombreuses, sauf au Cameroun où ils sont 36.

De plus, la direction de coopération militaire et de défense fait porter en 2003 les deux tiers de la diminution sur l'aide directe - de 22 millions d'euros en 2001, les crédits passent à 15 millions d'euros en 2003. Quelles actions nos coopérants militaires pourront-ils donc conduire ?

Le maintien, pour les pays francophones de l'Afrique subsaharienne, de leur ordre interne est subordonné à une coopération militaire et de défense rationnelle, ce qui n'est plus le cas. Vous devez choisir entre vous donner les moyens de conserver la conduite de la coopération militaire et de défense ou la transférer au ministère de la défense qui, avec 477 postes à l'étranger, dispose de méthodes de coopération éprouvées. Une décision claire doit être prise dès cette année. En attendant, bien qu'ayant personnellement voté contre, je dois dire que la commission de la défense a approuvé votre budget, sans doute pour renforcer votre détermination à régler cet important problème (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial de la commission des finances pour la coopération et le développement - Il m'appartient de vous présenter pour la première fois les crédits de la coopération et de l'aide publique au développement, exercice complexe depuis la fusion avec ceux des affaires étrangères. Aussi élargirai-je mon propos à l'aide publique au développement, telle que la définit le comité d'aide au développement de l'OCDE et telle qu'elle est récapitulée dans le jaune budgétaire fourni au Parlement par le Gouvernement. Il est d'ailleurs regrettable que la décision du dernier conseil interministériel de clarifier ce jaune n'ait pas été suivie d'effets. J'espère, Monsieur le ministre, que vous pourrez vous engager dans cette voie l'an prochain.

La conférence de Monterey a réaffirmé l'objectif de consacrer 0,7 % du PIB à l'aide au développement. Il s'agit de reconnaître que l'ouverture au marché et au commerce international ne peut suffire à assurer le développement d'un pays, qui a besoin de financements publics.

Le précédent gouvernement avait su réformer nos structures de coopération. En juin, vous nous affirmiez, Monsieur le ministre, vouloir regrouper sous votre autorité, l'ensemble des interventions extérieures de la France ; dans le domaine de l'aide publique au développement, on est encore loin du compte... Le rôle de la direction du Trésor est très important... et je ne mésestime pas la difficulté de l'exercice.

Réformes de structures mises à part, le précédent gouvernement a réussi à stabiliser le niveau de l'aide publique : après avoir culminé à 0,57 % du PIB en 1994, il a chuté à 0,32 % en 2000, victime des restrictions budgétaires de la période et sans doute aussi d'une réorientation de la politique française d'aide au développement. En 2002, il devrait atteindre 0,36 % et en 2003, 0,39 %.

L'objectif de votre gouvernement, conformément à la volonté du Président de la République, est d'atteindre 0,5 % du PIB d'ici la fin de la législature.

M. Jacques Myard - J'espère que vous l'approuvez !

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial - Bien sûr ! Il va dans le bon sens ! Mais j'attends les résultats !

M. Jacques Myard - Vous n'avez rien dit l'année dernière !

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial - Je n'étais pas chargé de rapporter ce budget ! Mais j'occupais d'autres fonctions, au banc, et vous avez déjà pu m'interrompre à loisir ! (Sourires) J'ajoute que ce budget traduit une continuité avec l'action du précédent gouvernement. Ainsi, vous ouvrez 91 millions au titre des contrats de désendettement-développement, instrument original du processus bilatéral d'annulation de la dette des pays pauvres. Les contrats lancés sous la précédente législature avec le Mozambique et l'Ouganda ont déjà été signés, et deux doivent l'être d'ici la fin de l'année avec la Mauritanie et la Bolivie. La complexité du mécanisme me laisse quelque peu sceptique, mais il permet au moins de s'assurer que l'argent économisé par ces pays grâce aux annulations de dettes sera bien consacré au développement.

De même, la contribution de la France au fonds européen de développement augmente, pour atteindre 496 millions. L'augmentation de cette contribution est la conséquence directe de l'accélération des décaissements, elle-même, rendue possible par la réforme de la politique européenne de développement adoptée sous présidence française le 10 novembre 2000, ce que le rapporteur a oublié de dire.

Vous innovez en augmentant le niveau des autorisations de programme inscrites pour le fonds de solidarité prioritaire et l'Agence française de développement. Elles atteignent 190 millions, alors qu'elles étaient en baisse régulière depuis quelques années. On ne peut que se féliciter de cette augmentation, qui ne sera toutefois effective que lorsque les crédits de paiement correspondants auront été ouverts, ce qui n'est malheureusement pas encore le cas.

Mon appréciation concernant les autres crédits de coopération est moins positive : ceux de la coopération militaire baissent encore de 10 %, et cette réduction poursuit une baisse ininterrompue depuis dix ans. De ce fait, les crédits pour 2003 ne représentent plus que 62 % des crédits ouverts en loi de finances initiale pour 1994. Cette nouvelle réduction s'explique essentiellement, nous dit-on, par les nouvelles formes de coopération, la coopération de substitution étant remplacée par des formations ponctuelles et des missions de courte durée, qui demandent moins de coopérants et moins de crédits. Mais nous sommes nombreux à craindre que si la tendance à la baisse n'est pas rapidement interrompue, les pays bénéficiaires ne se tournent vers d'autres partenaires que la France, réduisant d'autant l'influence et les moyens d'information de celle-ci.

M. Jacques Myard - Il a raison.

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial - Les crédits d'appui à la coopération privée ou décentralisée baisseront de 2 %, ce qui est éminemment regrettable. Le soutien aux organisations de solidarité internationale et aux initiatives locales en faveur du développement est pourtant une voie prometteuse.

Enfin, les crédits du chapitre « Coopération internationale et développement » baissent également de 2,2 %. Il est particulièrement regrettable que les dotations inscrites pour les bourses destinées aux étudiants étrangers stagnent à 114 millions d'euros alors qu'il s'agit là d'un instrument de coopération particulièrement efficace. C'est un problème auquel nous devons être d'autant plus attentifs que les Etats-Unis ont mis au point une politique active en direction des étudiants considérés.

Pour finir, je voudrais exprimer deux inquiétudes. D'une part, le ministère des affaires étrangères subit actuellement un gel de crédits importants, qui affecte principalement les crédits de la coopération et de l'aide publique au développement. Ainsi, 49 millions de crédits de paiement sont gelés au chapitre « Coopération internationale et développement », soit 9,5 % de la dotation initiale, 44 millions d'autorisations de programme sont gelés pour le fonds de solidarité prioritaire et 33 millions pour l'Agence française de développement, soit, respectivement, 29 % et 22 % des dotations initiales. Quel sens y a-t-il à ouvrir 40 millions d'autorisations de programme supplémentaires dans le projet de loi de finances si l'on en gèle autant - avant, je suppose, de les annuler dans le collectif ?

Ma seconde inquiétude a trait au mécanisme d'allégement de la dette. Une part très importante de l'augmentation du niveau d'aide publique au développement en 2002 et en 2003 est due à la montée en puissance du dispositif dit « pays pauvres très endettés » - PPTE. On ne peut que s'en féliciter mais, lors du lancement de ce dispositif, le Gouvernement s'est engagé à ce que les annulations de dette viennent en sus des efforts faits par chaque pays en faveur du développement. Le Gouvernement ne saurait dès lors se contenter d'une augmentation mécanique des décaissements au titre des annulations de dette, tout en réduisant l'aide publique bilatérale.

Je serai donc particulièrement attentif à l'exécution de votre budget, Messieurs les ministres, car je souhaite que vos paroles se transforment en actes. Ma crainte, au moment où votre gouvernement prépare les Français à la rigueur et annonce déjà des gels de crédits sur l'exercice 2003, est que ceux de la coopération et de l'aide publique au développement servent encore une fois - avec d'autres - de variable d'ajustement, mettant à mal toutes les belles promesses.

La commission des finances a, contre mon avis - ce qui n'est pas une surprise ! - adopté les crédits de la coopération.

M. Jacques Godfrain, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour la coopération et le développement - L'assiduité et le sérieux des commissaires, tout au long des travaux de la commission, ont montré l'importance que les parlementaires français attachent à la coopération et au développement. Les propos tenus par le Président de la République à Monterey et à Johannesburg sont traduits en acte, puisque le Gouvernement affirme son intention de porter en cinq ans de 0,34 % à 0,5 % du PIB l'aide publique au développement.

Déjà, on le sait, la France est l'un des principaux fournisseurs d'aide publique au développement ; cinquième pays donateur en volume, et le plus généreux des membres du G8 par tête d'habitant. Le niveau de 0,5 % du PIB vise serait donc un niveau d'aide exceptionnel au regard de l'effort fourni par l'ensemble des pays développés ; il doit être garanti par une loi-programme, car on voit bien que les programmes doivent être envisagés dans la durée.

La réforme de la coopération entreprise il y a cinq ans visait à coordonner et à harmoniser la politique française sous l'autorité du ministère des affaires étrangères. Elle demeure inachevée, si bien que tout dépend de l'entregent des ambassadeurs, car l'unité de commandement avec le ministère des finances reste à parachever.

S'agissant de la manière dont les crédits sont dépensés, il y a lieu de se demander s'il ne faudrait pas en revenir à la coopération de substitution dans certains pays et dans certains secteurs.

M. Jacques Myard - C'est vrai.

M. Jacques Godfrain, rapporteur pour avis - La demande existe, d'autant que la définition, trop étendue, de la zone de solidarité prioritaire a suscité des déceptions.

Quant aux crédits européens, ils sont consommés pour 50 % à peine ! M. Nielson, commissaire européen au développement et à l'aide humanitaire, interrogé à ce sujet, a fait une réponse stupéfiante, attribuant la lenteur des appels d'offres au fait qu'ils devaient être traduits en onze langues... Il serait tellement plus simple de tout écrire en une seule langue... l'anglais !

M. Jean-Claude Lefort - Il faut taper du poing sur la table !

M. Jacques Godfrain, rapporteur pour avis - J'évoque dans mon rapport la décristallisation des pensions des anciens combattants. Il serait bon que l'éxécutif français ne soit pas guidé seulement par le Conseil d'Etat pour réaliser ces versements. L'Etat doit se montrer généreux à l'égard de ceux qui ont beaucoup donné pour notre liberté et pour notre indépendance (« Très bien ! » sur divers bancs).

M. Jean-Claude Lefort - Tout à fait !

M. Jacques Godfrain, rapporteur pour avis - Ce serait un modeste rendu pour un grand prêté !

J'en viens au grand débat actuel sur l'agriculture mondiale. La PAC est souvent montrée du doigt par les représentants des institutions de Bretton Woods. Il serait bon qu'une réflexion commune sur les perspectives de la PAC à l'horizon de la prochaine décennie s'engage dès à présent. Je sais que le ministre français de l'agriculture y est très favorable. Ce geste serait en outre très bien accueilli par les producteurs agricoles des pays du Sud et permettrait de couper court aux rumeurs et polémiques qui agitent le secteur.

Notre commission a également formulé des propositions tendant à doter notre outil de coopération d'une capacité d'expertise économique renforcée, liée aux entreprises. Grâce à notre réseau diplomatique, nous savons soutenir les efforts accomplis dans les pays pour créer des entreprises, susciter de la richesse et augmenter les revenus. Mais les débats du temps portent aussi sur les mouvements migratoires et l'on ne peut ignorer le lien profond qui existe entre les retards de développement de certaines économies et notre propre situation économique. Nous proposons donc que les travailleurs immigrés, qui rendent à nos économies de grands services, puissent investir leurs revenus dans leur propre pays grâce à un plan d'épargne développement. L'esprit de cette proposition est radicalement différent de celui qui avait présidé à l'instauration de la prime au retour, peu valorisante et toujours consommée plutôt qu'investie. Celui qui a donné sa force de travail à notre économie doit être aidé à investir dans son pays d'origine. L'Afrique a besoin de micro-entreprises pour se développer. Aidons-là à s'en doter.

La politique de coopération se transforme. Le Gouvernement accompagne sa mutation. Son action résolue tend à rendre la coopération plus efficace, plus transparente et plus proche. N'oublions pas que la coopération ne peut se lire au travers des seules statistiques économiques car elle a vocation à changer la vie des peuples (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour la francophonie et les relations culturelles internationales - Comme chaque année, la commission des affaires étrangères est saisie pour avis des crédits intéressant les relations internationales extérieures et la francophonie. L'analyse budgétaire de ces crédits est malaisée car ils sont répartis sur les trois agrégats budgétaires intéressant le ministère des affaires étrangères. A brève échéance, la réforme de la présentation des projets de lois de finances devrait permettre de clarifier cette situation en regroupant l'ensemble des crédits affectés à l'action culturelle extérieure de la France au sein d'un même programme.

Les crédits concourant à l'action culturelle extérieure de la France à l'étranger s'élèvent pour 2003 à 1,3 milliard : 82 % relèvent du ministre des affaires étrangères, 9 % du ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Dans le projet de loi de finances pour 2003, les autorisations de programme relevant des affaires étrangères progressent de 5,2 %, les dépenses ordinaires et les crédits de paiement augmentent de 2,3 %. 90 % des crédits concourant au développement de la langue française et de la francophonie sont mis en _uvre par le ministère des affaires étrangères. Le total des autorisations de programme relevant de ce département progresse de plus de 5 %, les dépenses ordinaires et les crédits de paiement progressent quant à eux de plus de 7 %.

La dotation de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger est portée de 314 millions à 338 millions. Les mesures nouvelles visent à couvrir les frais liés à la réouverture d'établissements à Kaboul et à Alger, la revalorisation des bourses d'études et les rémunérations des personnels enseignants. Cette réforme, opérée par la voie réglementaire, a diminué le différentiel de rémunération entre les enseignants expatriés et les enseignants résidents à compter du 1er septembre 2002. Afin de financer le surcoût de près de 15 % lié à la progression générale de la rémunération des résidents, l'Agence doit, à terme, diminuer le nombre des enseignants expatriés. Le rééquilibrage ne pourra s'opérer que dans le cadre des mouvements de personnels, il nécessitera au moins quatre années scolaires.

Il est donc pour le moins contradictoire que le projet de loi de finances prévoie simultanément une mesure nouvelle non reconductible de 15,5 millions pour financer la réforme des rémunérations des personnels résidents et une mesure nouvelle négative de 6,4 millions au titre d'une « rationalisation du réseau de l'Agence », laquelle concerne à la fois les effectifs et les moyens.

Les salaires représentant près de 82 % du budget de l'AEFE, cette mesure se traduirait par le déconventionnement de plusieurs établissements à la rentrée prochaine, ce qui pourrait aboutir à leur fermeture ! Une telle situation serait contraire à la volonté du Gouvernement de favoriser la présence d'établissements français à l'étranger. Je ne peux donc que déplorer cette mesure nouvelle négative et espérer qu'une solution sera trouvée au cours de la discussion budgétaire. La commission des affaires étrangères avait adopté sur ma proposition un amendement tendant à annuler cette mesure ; puisqu'il a été déclaré irrecevable au titre de l'article 40, je défendrai un amendement visant à redéployer les crédits généraux du ministère en faveur de l'AEFE.

La francophonie ne peut se limiter à des discours généreux si l'on veut la voir progresser, il faut lui en donner les moyens !

J'en viens aux crédits de l'audiovisuel extérieur. Ce secteur doit faire l'objet d'une attention particulière des pouvoirs publics car le projet de chaîne d'information continue - appelé de ses v_ux par le chef de l'Etat - est aujourd'hui à l'ordre du jour.

Le montant des dépenses ordinaires et des crédits de paiement affectés à l'audiovisuel extérieur s'élève à 165 millions, soit une baisse de 1,9 %. Cet ajustement intervient après une hausse de 2,36 % en 2002, mais le gel de plus de 4 millions votés en LFI pour 2002 avait annulé l'effet des mesures nouvelles décidées l'an dernier. Il apparaît donc que des moyens supplémentaires devront être dégagés en loi de finances rectificative, tant pour financer la modernisation des outils existants que pour mettre sur pied la nouvelle chaîne d'information continue internationale.

M. Jean-Claude Lefort - Très bien !

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis - Le paysage dans lequel ce nouvel outil est appelé à s'insérer est particulièrement complexe. Il est structuré selon une double spécialisation : celle opérée entre l'audiovisuel extérieur et l'audiovisuel national ; celle qui distingue la télévision de la radio et qui se retrouve tant dans le secteur audiovisuel national que dans le secteur audiovisuel extérieur : Radio France international est totalement séparée de Radio France cependant que TV5-Monde est indépendante de France Télévisions. Cette spécialisation des différents opérateurs n'empêche cependant pas l'enchevêtrement des structures et des financements.

Ainsi, TV5-Monde, dont la tutelle est exercée par la conférence des ministres des quatre pays partenaires - France, Belgique, Suisse et Canada -, est financée pour 6/9ème par la France et pour 1/9ème par chacun des trois autres pays. La participation des chaînes publiques françaises au capital est par ailleurs conséquente, puisque France Télévisions en détient plus de 47 %, la Sept-Arte et la Cinquième, 12,5 % chacune. Ces chaînes fournissent en outre à TV5 une part importante de ses programmes à titre gratuit. La reprise récente du capital de Canal France international - précédemment détenu par la SOFIRAD - par France Télévisions et Arte à hauteur de 75 % et 25 % a également contribué à accroître l'engagement de la télévision publique nationale dans l'action audiovisuelle extérieure. CFI, qui bénéficie d'une subvention annuelle du Quai d'Orsay, joue en effet un rôle de banque de programmes, d'outil de coopération et de chaîne de télévision en Afrique.

S'agissant de la radio, RFI est financée à la fois par une subvention du ministère des affaires étrangères et par la redevance. Or, la part des ressources tirées de ce prélèvement croît plus vite que celle provenant de la subvention du Quai, stagnante depuis plusieurs années. Cette situation est critiquable à un double titre : la tutelle en est affaiblie et les ménages redevables de la redevance paient tous des programmes qui ne leur sont pas destinés.

L'enchevêtrement des structures résulte aussi de l'absence de choix clair opéré par les pouvoirs publics entre la spécialisation de l'audiovisuel extérieur et la concentration des moyens - laquelle justifierait un regroupement des différentes sociétés sur le modèle de la BBC ou de la Deutsche Welle. Un tel regroupement pourrait s'opérer par métiers - RFI et Radio France, TV5 et France Télévisions - ou par activités, en regroupant en un seul pôle les différents opérateurs de l'audiovisuel extérieur - RFI et TV5. De telles restructurations sont d'autant moins à l'ordre du jour que le statut intergouvernemental de TV5 ne les facilite pas.

Il ne faut cependant pas noircir les conséquences de l'organisation actuelle. Les auditions que j'ai effectuées ont en effet montré que des progrès importants avaient été accomplis.

TV5-Monde, qui cherche actuellement à se développer aux Etats-Unis et en Amérique latine, a rationalisé son fonctionnement et modifié sa grille, régionalisant les programmes et améliorant le traitement de l'information, précédemment limitée à la rediffusion des journaux télévisés des chaînes partenaires. RFI continue de voir son nombre d'auditeurs augmenter et poursuit sa modernisation par le développement des techniques numériques. Canal France international se recentre sur ses activités de banque de programmes et de coopération audiovisuelle. Sa filiale Portinvest, qui propose un bouquet multichaînes dans quarante-six pays d'Afrique subsaharienne, a permis de fidéliser un marché important, aujourd'hui desservi par l'opérateur privé Media Overseas.

Mais ces progrès ne doivent pas dispenser les pouvoirs publics de bien réfléchir sur la situation de l'audiovisuel extérieur. Je crois indispensable d'améliorer l'exercice de la tutelle en renforçant la coordination entre les différentes administrations concernées, et de dégager rapidement des moyens budgétaires plus importants, par exemple à la faveur du prochain collectif. Ainsi, le budget 2002 de TV5 pour le monde entier ne dépasse pas 82 millions, tandis que celui de RFO pour les seuls DOM-TOM s'élève à 223 millions. Le budget de RFI n'atteint pour sa part que 40 % de celui de son équivalent britannique, le BBC World Service.

Pour réussir dans cet environnement complexe, le projet de chaîne continue devra s'adosser sur les opérateurs existants et cibler son public avec précision. Cet outil est indispensable pour défendre une vision de l'actualité internationale à la fois objective et originale.

La commission des affaires étrangères a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des relations culturelles internationales et de la francophonie, après avoir approuvé à l'unanimité l'amendement annulant la mesure nouvelle négative de 6,4 millions relative à l'AEFE.

Mme Henriette Martinez, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles pour la francophonie et les relations culturelles internationales - Le statut du français a changé. Avec 130 millions de locuteurs et 80 millions d'apprenants, il s'affirme pleinement comme une langue d'influence mondiale. Le nombre d'apprenants progresse d'environ 4 % chaque année. Il y a là un enjeu géo-stratégique majeur. Au sein de l'Union européenne, le français doit devenir la deuxième langue étrangère apprise par les écoliers. L'avenir du français se joue en grande partie au sein de l'espace européen. En Espagne le nombre d'apprenants est passé en quelques années de 250 000 à un million. En Europe centrale, notre langue est considérée comme une voie d'accès à l'Europe, à sa culture et à ses valeurs et l'apprentissage du français y progresse régulièrement.

En Afrique francophone, le maintien de notre langue constitue un gage essentiel pour la présence de la France dans le monde et dans les institutions internationales, en particulier aux Nations unies.

L'enseignement du Français progresse en partie grâce à la scolarisation des filles, et il est considéré comme un instrument au service de la solidarité et du développement.

Dans les pays émergents, le français comme deuxième langue étrangère fait l'objet d'une demande croissante, notamment en Chine, au Brésil et en Russie.

Parmi les instruments qui confortent le développement du français dans le monde figure d'abord l'AEFE. Je regrette que ses crédits diminuent de 6,4 millions, et je souhaite que cette « rationalisation » soit corrigée, pour éviter le déconventionnement, voire la fermeture de plusieurs établissements. Les bourses aux étudiants étrangers sont au nombre, légèrement croissant, de 24 360 en 2001, mais loin encore de pouvoir rivaliser avec les bourses américaines. Il conviendrait d'améliorer l'offre française en particulier dans le domaine de l'entreprise et de la haute administration, pour former les élites étrangères.

Soulignons aussi l'importance de RFI qui émet jour et nuit pour 45 millions d'auditeurs dans le monde. Avec 750 emplois et 300 pigistes, cette chaîne est un atout pour la francophonie dans l'ensemble de la planète. Mais l'augmentation trop modérée de ses crédits commence à poser des problèmes.

Enfin, n'oublions pas le rôle joué par les certifications en langue française. Le DELF et le DALF, diplômes mis en place par les alliances et centres culturels français, méritent d'être reconnus. En effet, 345 000 candidats, pour 130 pays différents, se sont présentés en 2001.

Les projets de coopération et d'aides au développement participent à la diffusion de la francophonie : il s'agit d'une présence humaine, expression de notre tradition de solidarité, d'une présence démocratique, gage de la préservation des libertés comme de la bonne utilisation de l'aide publique au développement, et d'une présence culturelle porteuse de la francophonie et de ses valeurs.

La spécificité de la France dans l'aide publique au développement repose désormais sur cette nouvelle gouvernance mondiale définie par le Président de la République. C'est aussi la réflexion sur les biens publics mondiaux, pour une gestion internationale des questions environnementales. C'est enfin orienter nos actions vers la préservation de la diversité culturelle pour laquelle le Président Chirac a proposé à Beyrouth l'élaboration d'une convention mondiale.

Ainsi la francophonie évolue vers plus de pragmatisme. L'engagement du Président Chirac d'augmenter notre aide publique au développement de 50 % en cinq ans, pour parvenir en dix ans à 0,7 % du PIB est aussi un atout pour promouvoir la langue française dans le monde. Car, comme l'a dit le chef de l'Etat, « en luttant pour la francophonie, ce qui nous rassemble, ce n'est pas une nostalgie, mais une nécessité pour l'avenir, celle de contribuer à l'épanouissement des civilisations et au respect de chacune d'entre elles ».

La commission des affaires culturelles a approuvé les crédits de la francophonie et des relations culturelles internationales (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Edouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères - Naturellement, j'approuve pleinement les objectifs que le Gouvernement fixe à sa diplomatie.

J'aimerais traiter d'un projet dont on ne trouve guère trace dans le budget, la future chaîne de télévision d'information continue internationale, qui fait actuellement l'objet de consultations et d'études et dont nous devrions connaître bientôt les contours.

La création d'une chaîne française internationale d'information continue doit constituer une priorité. Evoquée en février 2002 par le Haut Conseil de la francophonie, confirmée par le Président de la République, qui a appelé de ses v_ux une « CNN à la française », cette chaîne doit nous permettre d'exprimer une vision française de l'actualité internationale, sans qu'il s'agisse pour autant d'une expression gouvernementale « officielle ».

M. Jacques Myard - Cela aurait du bon !

M. le Président de la commission des affaires étrangères - Notre présence audiovisuelle extérieure est insuffisante, alors qu'il existe un public.

Deux déplacements récents, aux Etats-Unis et en Pologne, m'ont conduit à constater que les chaînes de langue française sont soit totalement absentes des bouquets proposés par les câbles opérateurs, soit diffusées de façon encore trop confidentielle.

Pourtant il existe dans le monde près de 113 millions de francophones réels, plus de 60 millions de francophones occasionnels, et environ 110 millions de « francisants ». Au total, près de 290 millions de personnes ont un lien avec la langue française et, avec l'anglais, le français reste la seule langue enseignée dans tous les pays du monde.

Ce public a été divisé par les professionnels en différentes catégories : les Français expatriés ou en voyage, les étrangers francophones, les décideurs et « leaders » d'opinion étrangers, qu'ils soient ou non francophones. C'est à cette dernière catégorie plus particulièrement que la future chaîne devrait présenter la vision française de l'actualité internationale, avec peut-être une partie des programmes en langue étrangère.

La création d'une telle chaîne pose des questions difficiles, mais non insurmontables. Sera-t-elle, par exemple, créée de rien ou devra-t-elle s'appuyer sur une structure existante, TV5, RFI, Euronews ou CFI ? Ce qui est sûr, c'est que la réflexion doit être l'occasion de remettre à plat notre système audiovisuel extérieur ô combien complexe.

M. Jacques Myard - Très bien !

M. le Président de la commission des affaires étrangères - Cette chaîne aura ensuite à remplir une mission de service public : à qui la confier ? Les avis divergent, et varient parfois à quelques mois d'intervalle. La télévision et la programmation sont des métiers qui ne s'improvisent pas, et le choix sera difficile.

Surtout, cette chaîne d'information continue coûtera très cher. Le budget de TV5 se monte à 82 millions, celui de RFO pour les seuls DOM-TOM à 233 millions et celui d'Arte France à 186 millions pour une diffusion en Europe seulement. Par comparaison, la chaîne allemande dispose de 284 millions chaque année et BBC World Service de 300 millions. Par ailleurs, la chaîne ne sera guère rentable : CNN elle-même perd de l'argent !

Toutefois, il faudra trouver une solution, comme nous l'avons fait à plus petite échelle pour financer les chaînes parlementaires (Sourires).

M. Jacques Myard - Trop chères !

M. le Président de la commission des affaires étrangères - La création d'une chaîne francophone destinée à plusieurs centaines de millions de spectateurs ne saurait achopper sur la question budgétaire. Les Etats-Unis avec CNN international et la Grande-Bretagne avec BBC World assurent leur présence dans le monde. La chaîne NBC vient de décider de lancer une chaîne internationale d'information continue en arabe, Al-Arabia, destinée à concurrencer Al-Jazira et diffusée dans les pays arabes, en Europe et dans une partie de l'Asie. Dans ce contexte, la France doit assurer sa présence. Un projet est en cours à destination des pays arabes, qui utiliserait les infrastructures de TV5 Orient. Il serait souhaitable de faire de même dans la future Europe élargie.

M. Jean-Claude Lefort - Très bien !

M. le Président de la commission des affaires étrangères - La commission des affaires étrangères est prête, Monsieur le ministre, à coopérer avec vos services pour assurer le lancement d'un tel projet, que nous appelons de nos v_ux depuis de longues années, dès le prochain budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères - Je suis très heureux d'être aujourd'hui parmi vous pour proposer à votre approbation le premier budget des affaires étrangères de ce gouvernement.

Permettez-moi d'abord de remercier M. le Président et Mme et MM. les rapporteurs pour la très grande qualité des analyses qu'ils ont exposées.

Ce projet de budget s'inscrit dans un contexte international marqué par deux révolutions qui conjuguent leurs effets.

La première est d'ordre stratégique. Avec la fin de la guerre froide, chaque crise régionale est désormais susceptible de s'étendre, ce qui nous oblige à inventer de nouveaux modes de régulation.

Face à la tentation dangereuse du tout-sécuritaire, le nouvel ordre international que souhaite la France est fondé sur trois principes : la responsabilité collective, la légitimité et l'efficacité.

La deuxième révolution est celle de la mondialisation. Si celle-ci ouvre des opportunités, elle fabrique aussi de l'exclusion et du désordre, met en péril l'équilibre écologique et laisse proliférer des zones de non-droit.

Ces enjeux sont les nouveaux grands chantiers de la diplomatie française, et ils nécessitent des instruments de régulation adaptés.

Dans ce contexte bousculé, nos priorités s'imposent d'elles-mêmes.

Il nous faut d'abord affirmer notre ambition européenne, pour une France forte dans une Europe forte. Cela implique d'asseoir la légitimité des institutions de l'Union, de réussir son processus d'élargissement tout en préservant sa capacité d'action et de donner une nouvelle impulsion à la coopération franco-allemande, avec par exemple, en janvier 2003, la définition du « pacte refondateur » voulu par le Président de la République.

Il nous faut ensuite répondre plus efficacement aux nouveaux défis.

Il s'agit d'abord de la lutte, contre la menace terroriste, qui passe par le développement d'instruments européens en matière de police et de justice, mais aussi par l'amélioration de notre capacité à identifier ces menaces. Enfin la sécurité de nos compatriotes vivant à l'étranger est une exigence constante qui mobilise l'ensemble de notre réseau diplomatique et consulaire.

Il s'agit aussi de la lutte contre les « nouveaux risques », à commencer par la prolifération des armes de destruction massive illustrée par l'Irak et la Corée du Nord. Le développement des réseaux mafieux et des trafics de toute nature fait également partie de ces « nouveaux risques », et le Gouvernement proposera prochainement à votre approbation un texte visant à lutter contre le mercenariat.

Il nous faut également renforcer notre influence dans le règlement des crises régionales telles que celle du Proche-Orient, qui dure depuis très longtemps. La France et l'Europe peuvent jouer un rôle actif, car les attentes sont fortes.

Troisième priorité : la France entend exprimer sa fidélité à l'égard de ses partenaires les plus anciens, et tout particulièrement du continent africain. C'est le sens de la relance de notre aide au développement et de nos efforts pour le règlement des crises à Madagascar, en Côte d'Ivoire ou en Centrafrique. Le prochain sommet Afrique-France, qui aura lieu à Paris en février, contribuera à redynamiser nos relations.

Ces ambitions peuvent paraître considérables pour le onzième des budgets civils de l'Etat, qui ne regroupe par ailleurs que 40 % du total des moyens de l'action extérieure de la France. Nous ne pourrons les atteindre qu'en nous réformant et en nous adaptant. Beaucoup de réformes ont déjà été engagées par mes prédécesseurs, de Michel Debré à Hubert Védrine, en passant bien sûr par Alain Juppé.

Mais aujourd'hui, beaucoup de critiques demeurent justifiées : sur l'affaiblissement et la dispersion de nos moyens, sur nos méthodes de travail et sur la coordination.

Le ministère des affaires étrangères doit donc poursuivre trois objectifs : cohérence, efficacité et transparence.

En matière de cohérence tout d'abord, le ministère doit devenir le centre de coordination, d'impulsion et de synthèse de notre action extérieure, ainsi que l'ont dit les rapporteurs Eric Woerth et Richard Cazenave.

Pour cela, il faut enfin donner toute sa portée au décret du 1er juin 1979 sur les services de l'Etat à l'étranger. L'ambassadeur doit pleinement jouer son rôle de coordination et de synthèse pour assurer à terme une gestion plus rationnelle des moyens de l'Etat.

Plus généralement, il faut s'inscrire dès que possible dans le cadre de la loi organique sur les lois de finances, même si elle ne doit entrer en vigueur qu'en 2006. Il faut donc se préparer à présenter un budget par objectifs.

MM. Emmanuelli, Godfrain et Rochebloine ont dénoncé l'éparpillement des crédits affectés à l'action extérieure et le risque de dilution de l'action qu'il entraîne. Nous réfléchissons à la consolidation de toutes les interventions au sein d'une mission interministérielle qui relancerait l'effort de synthèse déjà entrepris, dans le respect des attributions de chaque ministère. Cette approche pourrait répondre aux interrogations de MM. Emmanuelli et Woerth.

En ce qui concerne l'efficacité ensuite, il faut resserrer, réorganiser et rationaliser notre dispositif. C'est le sens de la mission que m'a assignée le Premier ministre.

Dans la plupart des pays, les effectifs et les moyens gérés par le Quai d'Orsay sont désormais minoritaires. A Rome, à Helsinki ou à Londres, les agents du ministère des affaires étrangères sont bien moins nombreux que ceux des autres administrations. Cette superposition des procédures et des moyens ne peut que nuire au bon emploi des deniers publics.

Il serait souhaitable que les crédits des administrations concernées soient utilisés selon un exercice annuel collégial de programmation, d'exécution et d'évaluation conduit par l'ambassadeur.

Je souhaite également que le comité interministériel des moyens de l'Etat à l'étranger reprenne ses travaux. Sous l'impulsion d'Alain Juppé, le comité avait rationalisé les implantations des services extérieurs des administrations françaises. J'entends faire de même pour notre dispositif diplomatique, consulaire et culturel. Cela pourra nous conduire à des décisions de fermeture, toujours difficiles, mais parfois indispensables.

Quant à la transparence, elle impose la mesure des résultats, l'évaluation des politiques et le contrôle de la gestion.

L'entrée en vigueur de la LOLF nécessitera de définir des indicateurs de résultats. Cette réflexion va être engagée sous peu. Une direction du contrôle de gestion sera créée dans les prochaines semaines. Je souhaite que l'inspection générale des affaires étrangères et l'inspection générale des finances se penchent conjointement sur ce dossier.

La rationalisation de notre réseau devra avoir des contreparties. Le ministère doit s'ouvrir davantage, mobiliser toutes les ressources humaines disponibles, accueillir et irriguer d'autres services publics.

Dès le début de l'année prochaine, je transmettrai des propositions précises sur tous ces points au Premier ministre afin qu'il en saisisse le CIMEE. Je veillerai à ce que vous en soyez informés.

La très forte progression du présent budget, - soit plus 13,3 % -, ne correspond pas tant à une augmentation des moyens de ce ministère qu'à la volonté de sincérité budgétaire de ce gouvernement, soucieux d'inscrire dans le projet de loi de finances initiale la totalité des crédits nécessaires aux actions que la France s'est engagée à mener.

La progression, en 2003, recouvre pour partie une forte augmentation de l'enveloppe consacrée au financement des contributions obligatoires et aux opérations du fonds européen de développement. L'enveloppe du FED sera multipliée par 2,3 pour atteindre 496 millions d'euros.

Vous avez été nombreux à vous inquiéter du gel budgétaire : Henri Emmanuelli, Jacques Godfrain, Richard Cazenave, Eric Woerth mais aussi le président Edouard Balladur l'ont fait dès l'examen du projet de budget en commission.

J'entends prendre ma part dans l'effort fixé par le Gouvernement pour respecter les règles européennes du déficit budgétaire. J'attire toutefois votre attention sur la spécificité du budget de ce ministère où la plupart des actions s'inscrivent dans le cadre d'engagements pris avec nos partenaires. Lorsque nous ne pouvons les respecter, c'est la parole de la France qui est en cause.

Par rapport à la loi de finances initiale 2002 majorée des crédits ouverts en cours d'exécution budgétaire, l'augmentation de ce budget devrait atteindre 5,6 %, ce qui le place aux tous premiers rangs des progressions enregistrées cette année.

S'agissant de nos moyens de fonctionnement, nous disposons du second réseau diplomatique et consulaire après celui des Etats-Unis, avec 152 ambassades, 21 représentations permanentes et 105 postes consulaires. Ce réseau doit être adapté aux réalités internationales tout en évitant des « allers et retours », sources de dysfonctionnement et de gabegie.

Vous soulignez à juste titre, Monsieur Woerth, que notre gestion des coûts de personnel est « insuffisamment maîtrisée ». Je vous remercie d'appuyer mon initiative d'un audit du système des rémunérations à l'étranger. Je tiens à faire de ce ministère un « exemple » de la réforme de l'Etat.

En 2003, les crédits destinés aux rémunérations, aux missions et au fonctionnement des services et des postes augmentent de 3,2 %, essentiellement pour renforcer la sécurité. Ainsi, 15 emplois nouveaux de gendarmes seront ouverts.

Les rapporteurs ont également souligné que la politique immobilière du Quai d'Orsay semblait « peu rationnelle et éminemment coûteuse ». Je veillerai personnellement à la poursuite des efforts déjà entrepris. J'ai demandé une meilleure maîtrise des coûts, une remise à niveau des installations et la recherche d'une insertion optimale dans un site si possible regroupé. Ces objectifs sont dictés par plusieurs priorités : la standardisation qui procurera des économies, l'unification et la sécurisation de nos emprises. Nos crédits diminuent mais cette baisse sera compensée par d'importants reports de crédits liés aux délais des travaux effectués à l'étranger.

Le Président de la République a placé à mes côtés un secrétaire d'Etat, M. Renaud Muselier, afin que notre diplomatie soit plus active dans des régions ou des pays jusqu'ici à tort délaissés et dans des domaines où j'entends qu'une action plus déterminée soit conduite - par exemple, la situation des Français de l'étranger et l'action humanitaire.

La sécurité de nos compatriotes est une des priorités du Gouvernement, à l'étranger comme en France. Depuis mai dernier, nous avons fait face à plusieurs crises : l'attentat de Karachi, la rébellion en Côte d'Ivoire, l'attentat contre le pétrolier Limbourg au Yémen, le naufrage du Joola au Sénégal, l'attentat de Bali, la tentative de coup d'Etat en République centrafricaine. Presque toujours, il y a eu des Français parmi les victimes : nous avons réagi rapidement pour assurer la sécurité du plus grand nombre, entourer les familles des victimes, évacuer les personnes désemparées.

Nos ambassades doivent disposer de moyens de communication et d'équipements de protection individuels plus efficaces. Les crédits destinés à la sécurité de nos compatriotes à l'étranger augmenteront à cette fin de 25 % dès 2003.

Je souhaite que nous renforcions dans le même temps notre capacité d'analyse des risques et la coopération entre services. Un comité de sécurité interministériel s'est réuni à cet effet au Quai d'Orsay pour la première fois il y a quelques jours.

Il nous semble également essentiel de réduire encore l'écart qui subsiste entre la protection sociale apportée à nos compatriotes selon qu'ils résident en France ou à l'étranger. L'augmentation des crédits du fonds d'action sociale répond à la croissance continue des besoins de nos ressortissants les plus démunis. Expérimentées avec succès dans quelques consulats, les aides financières pour la formation professionnelle ou la création de micro-entreprise vont être étendues.

Vous avez été unanimes à exprimer vos préoccupations - que je partage - sur l'avenir de l'AEFE. Je remercie Madame Martinez et Monsieur Rochebloine de la pertinence de leurs analyses. Nous ne manquerons pas d'en nourrir notre réflexion. J'ai trouvé une Agence au bord de l'asphyxie financière, alors même que les enseignements dispensés sont de grande qualité. Que proposons-nous ? La réforme entreprise du statut du personnel enseignant expatrié doit être menée à son terme, le lien avec l'éducation nationale raffermi. Le maillage du réseau doit être examiné en tenant compte de ses deux missions : formation des élèves français expatriés d'une part, des élites locales, d'autre part. Nous devrons examiner le cas des établissements qui sont dans une situation marginale : nous n'avons pas vocation à nous substituer aux systèmes éducatifs nationaux ; nous ne devons pas nous maintenir là où la présence de nos établissements résulte de situations révolues. Il n'est cependant pas question d'abandonner ces établissements du jour au lendemain. Nous ménagerons des financements transitoires et recourrons à des opérateurs reconnus, tels que la Mission laïque, qui scolarise déjà 20 000 élèves. Nous nous appuierons également sur les associations de parents d'élèves ; je salue l'engagement bénévole et précieux de leurs membres.

Cette adaptation ne peut se faire dans la précipitation. J'ai demandé à la direction de l'Agence de me proposer un plan raisonné. En tout état de cause, les financements nécessaires seront dégagés pour faire face aux échéances les plus urgentes.

J'en viens à notre action audiovisuelle extérieure, à laquelle le président Edouard Balladur a consacré l'essentiel de son intervention.

Vous vous interrogez ainsi que Mme Martinez et M. Rochebloine, sur la création d'une chaîne d'information internationale en continue. Nous avons mené à terme une première série de consultations avec les opérateurs concernés. Comme le souligne le président Balladur, notre vision singulière du monde intéresse aujourd'hui un large public potentiel. Ce projet ne prendra cependant tout son sens que sous la forme d'une chaîne d'actualité de qualité, offrant des images nouvelles et dotée d'une rédaction propre. Il faut en poser les bases, rationaliser et utiliser ce qui existe déjà. Cette réflexion doit être l'occasion de simplifier notre système audiovisuel extérieur. Les différentes options doivent être étudiées avec soin. Je m'engage à poursuivre avec vous la discussion, dès qu'un travail d'expertise plus avancé sera réalisé.

Nos consulats sont en toute première ligne de la maîtrise des flux migratoires ; l'examen des demandes de visas ne doit pas se limiter à contrôler l'accès au territoire français. Il est également essentiel de favoriser la venue de ceux qui contribuent à la vitalité de nos échanges et de nos relations bilatérales. Notre réseau consulaire a délivré un peu plus de 2 millions de visas en 2001, pour l'essentiel en Algérie, en Russie et au Maroc. Les visas touristiques de moins de trois mois représentent 80 % du total des visas délivrés.

Dans le cadre des accords de Schengen, nous nous efforçons également de lutter contre les menaces terroristes. J'organiserai rapidement, avec le ministère de l'intérieur, un partage de l'information sur les visas délivrés afin qu'ils ne deviennent pas un moyen détourné d'immigration définitive.

Le déficit de nos moyens humains - évalué à 80 agents environ - et matériels, est préoccupant. Vos rapporteurs l'ont souligné. Je pense en particulier au rapport de mission au Mali de Jacques Godfrain.

Nous continuerons à renforcer nos moyens, à améliorer les conditions de travail, et la formation des personnels travaillant dans les services de visas. La proposition de Richard Cazenave d'installer des bureaux communs des visas dans l'espace Schengen permettrait de réaliser des économies de moyens et peut-être d'agir plus efficacement dans ce domaine.

Notre politique doit être complétée par la réforme du droit d'asile, dont j'ai présenté les grandes lignes au conseil des ministres du 25 septembre dernier.

Les demandes, en trois ans, et les moyens n'ont pas suivi, d'où un allongement des délais de traitement des dossiers qui, avec le cumul des procédures, ont détourné l'asile de son objet initial de protection, le transformant en vecteur d'immigration irrégulière. Il faut mettre un terme à ces dysfonctionnements.

La réforme engagée vise à raccourcir les délais d'instruction à deux mois au maximum. Elle reposera sur un guichet unique, l'OFPRA, une procédure unique - l'asile territorial étant appelé à disparaître - et un recours unique. Pour assurer son efficacité, les étrangers déboutés devront faire l'objet d'une reconduite effective dans leur pays d'origine. Un projet de loi devrait être soumis à votre approbation au début du printemps 2003.

Il est indispensable de résorber le stock considérable de dossiers en attente d'ici au 1er janvier 2004. La productivité de l'OFPRA devra être améliorée et sa gestion redynamisée grâce à l'élaboration d'un contrat d'objectifs et de moyens.

Les crédits ouverts pour l'OFPRA et la commission de recours des réfugiés progressent de près de 25 % en 2003. A cela s'ajoute le recrutement de près de 180 agents supplémentaires et le financement de locaux mieux adaptés à la mission de l'Office.

Enfin, j'évoquerai brièvement la reprise de notre effort en faveur de l'aide au développement.

De 1996 à 2001, le montant de l'aide publique au développement a diminué de 10 %, tandis que le PIB progressait fortement. Le Président de la République s'est personnellement engagé à porter l'effort de la France à 0,5 % du PIB d'ici à la fin de son mandat - engagement constamment réitéré depuis, à Monterrey, à Barcelone, à Johannesburg.

Cet engagement sera tenu. Notre taux d'aide publique au développement devrait passer de 0,32 % en 2001 à 0,39 % en 2003.

Ce gouvernement veut mettre un terme à la baisse ininterrompue de notre aide bilatérale en relançant notre effort, notamment en faveur du continent africain (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie - Ces dernières années, le nombre de bénéficiaires potentiels de notre coopération s'est accru alors que les moyens diminuaient, comme l'a expliqué M. Godfrain, ce qui nous conduit à réviser notre politique de coopération autour de dix objectifs : augmenter le volume de l'aide publique au développement, rééquilibrer nos efforts en faveur de l'aide bilatérale, accroître notre coopération avec l'Afrique, substituer le partenariat à l'assistance, développer la coopération décentralisée, accentuer le partenariat avec la société civile, promouvoir le volontariat associatif, renforcer l'expertise française en matière de coopération, assurer une meilleure coordination de nos instruments administratifs, techniques et financiers et, enfin, accentuer notre présence politique et diplomatique dans les pays avec lesquels nous coopérons.

Ces objectifs peuvent être regroupés en quatre grands thèmes.

En premier lieu, augmenter le volume de l'aide publique qui n'a cessé de diminuer entre 1994 et 2001. Si l'on veut atteindre 0,7 % du PIB dans dix ans, nous devrons y consacrer 0,5 % à la fin de la législature, soit une augmentation de 50 % en cinq ans. Le projet de budget pour 2003 nous y prépare.

En deuxième lieu, rendre notre aide plus lisible et plus efficace. La part multilatérale de notre aide publique a augmenté ces dernières années, en raison de notre contribution à l'aide communautaire, qui passe de 218,5 millions d'euros à 496 millions. Dans un souci de sincérité, la totalité de l'effort est affichée dès la loi de finances initiale, alors qu'en 2002, les crédits inscrits en loi de finances initiale ont dû être abondés de 150 millions d'euros dans le collectif.

Cependant, les retards de décaissement du fonds européen de développement et la complexité de ses procédures sont connus. Les conditions du « dégel » des crédits permettent d'annoncer un transfert de 13 millions d'euros issus des 48 millions d'euros de reliquats du FED sur 2002 - 9 millions iront au fonds de solidarité prioritaire et 4 millions à l'Agence française de développement -, ce qui favorise la préférence bilatérale. Nous compléterons ce dispositif dans le collectif, afin d'honorer les engagements pris sur l'aide au développement. Dès que les hypothèses de décaissement du FED ou de la mise en _uvre des contrats de désendettement-développement - C2D - ne pourront être respectés au cours de l'exercice, les crédits afférents seront réaffectés au bénéfice d'une aide bilatérale immédiatement disponible. De cette manière, l'équilibre budgétaire sera respecté. Notre priorité est d'augmenter l'aide bilatérale, qui passera de 63 % à 69 % du total dès 2003.

La relance de notre effort ne doit pas se limiter à l'annulation de dettes, mais doit correspondre à une progression de l'aide bilatérale. Ainsi, les autorisations de programme inscrites pour le fonds de solidarité prioritaire et l'Agence française de développement augmentent de 26 % dès 2003.

De même, 91 millions d'euros seront inscrits au titre des contrats de désendettement et de développement. Le mécanisme d'aide bilatérale est fondé sur le partenariat avec les pays bénéficiaires, en association avec la société civile et le secteur privé. Pour la première fois, les crédits nécessaires pour honorer ces engagements sont inscrits au budget.

Quant aux contributions volontaires aux organisations internationales, elles sont nettement insuffisantes. La France n'est qu'en douzième position, alors qu'elle occupe le quatrième rang pour les contributions obligatoires, d'où une perte d'influence au sein de l'ONU. Toujours dans un souci de sincérité, nous avons inscrit la totalité des contributions obligatoires dès la loi de finances initiale, ce qui nous a empêchés de majorer, cette année, l'enveloppe des contributions volontaires. Nous y remédierons dès le prochain budget.

Concernant la répartition géographique des crédits d'aide au développement, la programmation 2003 met l'accent sur les crédits affectés à des pays identifiés : ils progressent de 5,1 %, à 617 millions d'euros, alors que l'enveloppe globale n'augmente que de 3 %.

L'Afrique subsaharienne est privilégiée ; sa part dépasse le seuil des 50 %, contre 48 % en 2002.

Nous favorisons ainsi les pays auxquels nous lie l'histoire.

En troisième lieu, rénover nos partenariats, préoccupation majeure du Président de la République.

Les commissions mixtes _uvrent dans ce sens, de même que le mécanisme des contrats de désendettement et de développement, sans oublier la coopération décentralisée.

Mais le renforcement de nos partenariats suppose également une meilleure association de la société civile. Enfin, il ne faut pas négliger le rôle des entreprises et de l'investissement privé, qui complète l'aide publique au développement. Il s'agit donc de favoriser les investissements. Le développement durable passe par celui d'un secteur privé local dont il faut améliorer l'environnement.

Que MM. Emmanuelli et Woerth se rassurent : la programmation des crédits de la direction générale de la coopération internationale et du développement prévoit en 2003, au titre VI, une augmentation plus importante que la diminution constatée au titre IV. Il y a donc bien, au total, une augmentation de l'effort en faveur de la coopération non gouvernementale.

Enfin, quatrième thème : renforcer l'expertise française en matière de coopération. L'apport de notre assistance technique est essentiel. Sa diminution au cours des dernières années risquait de faire disparaître l'expertise française. Le projet de loi de finances pour 2003, par l'augmentation de 3,7 % du chapitre 42-15, garantit la qualité de nos projets financés par le fonds de solidarité prioritaire.

Par ailleurs, dans un souci de cohérence et d'efficacité, le budget prévoit des crédits pour le groupement d'intérêt public France coopération internationale dont la mission est de rendre nos experts nationaux compétitifs dans les appels d'offres lancés par les bailleurs de fonds multilatéraux.

Ces quatre thèmes s'appliquent à la francophonie comme aux autres volets de notre coopération. La déclaration et le programme d'action du sommet de Beyrouth en témoignent.

La France envisage ainsi d'augmenter sa contribution à l'organisation internationale de la francophonie, ce qui devrait concerner tous les opérateurs, sauf TV5 qui a bénéficié d'accroissements de sa dotation ces dernières années. En particulier, sera renforcé le dispositif de bourses de l'agence universitaire de la francophonie, qui pourrait figurer sur le collectif budgétaire 2002, par anticipation sur 2003, les crédits additionnels étant reconduits à partir de 2004. Ils s'ajouteront aux 108 millions d'euros déjà inscrits en 2003 sur le budget du ministère. Les engagements du Président de la République devront être tenus.

Je ne conclurai pas sans évoquer notre coopération militaire. La réduction régulière de ses crédits traduit la réforme décidée en 1998.

L'Afrique demeure une priorité, puisqu'elle bénéficie de 75 % de notre effort, mais les actions de substitution y ont été remplacées par des projets menés en partenariat, moins coûteux. Les économies ainsi réalisées expliquent pour partie la diminution de 22 % en cinq ans de notre effort, mais elles ont également permis le développement de coopérations nouvelles, notamment en Europe centrale et orientale.

Notre coopération militaire reste un instrument privilégié de l'aide au développement, et un outil précieux au service de la paix et de la sécurité sans lesquelles il n'est pas de développement possible. Mais, comme l'ont indiqué MM. Cazenave et Lamy, il est temps de dresser un bilan des réformes et de donner un nouveau départ à notre coopération dans ce secteur essentiel. Ce sera l'un des objets du conseil de défense de février prochain. Tels sont les moyens et les orientations qui sous-tendent la politique de la France à l'égard du continent africain et de l'ensemble de nos partenaires. Le rôle particulier que la France entend jouer, dans l'aide au développement comme dans la francophonie, est conforme à notre histoire, à notre culture et à nos intérêts (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. François Loncle - L'examen du projet de loi de finances nous permet d'évaluer l'effort budgétaire consacré aux affaires étrangères mais aussi, occasion rare, de faire le point sur les objectifs et les actions de notre diplomatie.

C'est pourquoi mon intervention, faite au nom du groupe socialiste, portera sur le budget 2003 mais aussi sur la crise irakienne et sur l'Europe.

Je ne doute pas de la volonté du Quai d'Orsay de respecter les priorités qu'il s'est fixé, s'agissant de la sécurité et de l'efficacité du réseau des services de l'Etat à l'étranger, de la sécurité des Français à l'étranger et de l'amélioration des procédures d'instruction des demandes d'asile. C'est très précisément ce que faisait votre prédécesseur.

Ce qui a changé, en mieux, ayons l'objectivité de le reconnaître, c'est la relance de notre aide publique au développement. Encore convient-il de comptabiliser dans cette progression, les remboursements de dettes des pays en voie de développement consécutives à nos engagements antérieurs. Il faut tenir compte de cet effet d'optique, et relever les observations pertinentes de notre collègue Henri Emmanuelli à se sujet. Il faut aussi réfléchir aux méfaits de la doctrine d'Abidjan, en vertu de laquelle l'aide au développement ne se conçoit qu'après l'intervention du FMI ou de la Banque mondiale. Non seulement l'aide arrive trop tard, mais l'exemple dramatique de l'Argentine montre que les interventions des organismes financiers internationaux peuvent être inadéquates.

Ce qui ne change pas, c'est que ce budget n'est pas prioritaire et qu'il représente une part beaucoup trop faible du budget de l'Etat. Le déclin très préjudiciable constaté entre 1994 et 2000 a été stoppé cette année-là et pendant trois exercices budgétaires, en dépit de gels des crédits dont le président de notre commission avait raison de dire qu'ils sont d'autant plus insupportables qu'ils interviennent très peu de temps après le vote du budget par le Parlement. Nous ne sommes plus dans une phase de déclin, mais nous ne progressons pas.

Hormis l'aide publique au développement, ce budget n'est absolument pas satisfaisant, car il ne permet aucunement de redynamiser l'action diplomatique de la France. Il y a même des sujets inquiétants, dont une baisse des effectifs, et des crédits réduits pour les centres culturels, alors que l'excellent rapport de notre collègue Yves Dauge aurait dû vous conduire à faire de l'action culturelle extérieure une priorité. L'audiovisuel extérieur et la coopération décentralisée ont aussi été négligés. Le rôle de notre pays dans le monde exigerait une plus forte mobilisation.

C'est pourquoi, nous ne pourrons pas approuver ce budget, tout en souhaitant davantage de succès par la suite.

La mondialisation, les innovations technologiques, la montée de l'intégrisme religieux, les exigences de la lutte contre le terrorisme international, la domination de l'hyperpuissance américaine, la construction, salutaire, de l'Europe : tout cela devrait conduire le Gouvernement à faire de l'action extérieure de la France une priorité incontestée, et vous en avez la volonté. Nous avons maints atouts ; nous devons en jouer pour contribuer de manière décisive à une meilleure organisation du monde et au renforcement de l'Europe.

Ce fût le cas avec la crise irakienne, au cours de laquelle notre diplomatie a, reconnaissons-le, fait du bon travail. Mais les difficultés sont devant nous. Le vote unanime de la résolution 1441 confirme que l'ONU reste le passage obligé de toute prévention des conflits. Mais la question reste posée : cette résolution présage-t-elle une guerre contre l'Irak ou est-elle une voie efficace vers le désarmement de ce pays ? Il faut répéter aux Irakiens qu'ils peuvent éviter une nouvelle guerre. Et nous devons, avec nos partenaires européens, poursuivre le dialogue transatlantique et mettre en garde les dirigeants américains contre les risques en chaîne d'un conflit armé dans une région terriblement instable.

Que les choses soient claires : toute condamnation des thèses du Président Bush sur l'Irak qui ne s'accompagne pas d'une condamnation du régime de Saddam Hussein ou qui mésestime les dangers de la prolifération des armes de destruction massive, en Irak et ailleurs, n'a pas la moindre crédibilité.

Mais la guerre ne résout rien : elle ne peut qu'aggraver les désordres. Nous le disions déjà après la tragédie du 11 septembre 2001 : il est grand temps de s'attaquer aux injustices, aux frustrations, aux humiliations vécues par tant de peuples, singulièrement au sud de la planète. Gardons-nous de laisser se créer de nouvelles illusions, comme au temps de la guerre du Golfe, sur la construction d'un nouvel ordre du monde, aussi longtemps que perdurent des conflits aussi désespérants que ceux qui opposent Israéliens et Palestiniens. Nous déplorons, à cet égard, l'absence d'initiatives françaises et européennes au Proche-Orient. Dans ce manque de volonté politique, la défaillance et la complaisance confinent à la lâcheté.

Oui, sur l'Irak, nous sommes fondés à espérer que le Conseil de sécurité ne sera pas dépossédé de ses prérogatives à demander, comme le faisait hier Jean-Marc Ayrault, quelle serait l'attitude de la France si les Américains déclenchaient une opération militaire, à exiger la consultation et le vote du Parlement français si vous décidiez de vous y associer. Il ne suffit pas, pour nous répondre, de dire que « la France prendra ses responsabilités » !

Toute politique fondée sur le droit et la morale doit s'appliquer de manière constante. Aussi, il conviendrait d'aborder autrement des dossiers comme ceux de la Tchétchénie, de nos rapports avec la Chine, de notre politique africaine ou de notre politique pétrolière car la morale n'est pas l'alternative à la politique, elle en est une des composantes.

Nous pouvons évidemment nous rejoindre sur notre avenir commun, l'Europe, espace politique par excellence, construction foncièrement démocratique, association de peuples libres et solidaires, respectueux du droit et de la diversité des cultures.

Son élargissement, c'est-à-dire son unification, lui donne une dimension historique, mais elle exige beaucoup de volonté, d'imagination, de ressources humaines et financières. En évoquant la candidature de la Turquie, le président Giscard d'Estaing a commis une faute, en contredisant les conclusions du Conseil européen d'Helsinki, cosignées par MM. Chirac et Jospin, et selon lesquelles « la Turquie (...) a vocation à rejoindre l'Union européenne sur la base des mêmes critères que ceux qui s'appliquent aux autres candidats ».

La sortie de M. Giscard d'Estaing est donc inconvenante, mais elle a eu le mérite de poser une question de fond, celle des limites géopolitiques du projet européen. Il est grand temps de tracer les frontières de l'Europe. Cessons de nourrir de vains espoirs chez les aspirants à l'adhésion ! Définissons plutôt avec eux de nouvelles formes de partenariat. Si nous ne le faisons pas, nous renforcerons les tenants de la zone de libre-échange, au détriment des partisans d'une Europe forte, capable de parler d'une seule voix dans les affaires internationales. L'adhésion de nos compatriotes au projet européen est à ce prix.

Nos différends ne doivent pas nous détourner d'un objectif commun, que résumait ainsi M. Védrine : « Faire de la politique étrangère de la France en action le lieu où s'opère la synthèse de l'expérience historique, du réalisme le plus aguerri, des exigences morales les plus fortes et les plus neuves,... des principes et des actes de la mémoire et de la vision » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Yves Nicolin - « France is back ! » C'est ainsi que Reuters titrait, le 7 mai 1995, la dépêche annonçant l'élection de Jacques Chirac à la Présidence de la République et le résultat des élections du printemps dernier, en mettant fin à la cohabitation, a permis de franchir une étape supplémentaire dans le retour de la France sur le devant de la scène européenne et mondiale.

Plusieurs actes forts en témoignent. Dans le différend entre les Etats-Unis et l'Irak, la France a su ramener la diplomatie américaine devant le Conseil de sécurité. Au c_ur du monde francophone, Jacques Chirac a su, à Beyrouth, s'appuyer sur le dialogue entre les cultures pour promouvoir un modèle de développement alternatif à la mondialisation marchande. En Europe, des décisions courageuses ont été prises, telles celle qui a conduit à repousser les contraintes les plus absurdes du Pacte de stabilité et de croissance. Et en matière d'élargissement, ne vous en déplaise, Monsieur Loncle, beaucoup souscrivent au point de vue du président Giscard d'Estaing sur la Turquie !

Qu'il s'agisse de respect de l'environnement, de développement durable, de respect des droits de l'homme ou de la solidarité Nord-Sud, la politique extérieure de la France a fait naître partout de grands espoirs. Dans ce contexte, la progression très sensible des crédits des affaires étrangères, de la coopération et de la francophonie - en augmentation de 13,34 % par rapport à l'exercice antérieur - traduit la volonté du Gouvernement d'en faire une priorité, même si elle a aussi des causes structurelles, telles la nécessité d'ajuster aux besoins réels les crédits votés sous la précédente législature. Manifestement sous-doté par le précédent gouvernement, ce budget a en outre pâti de nombre de négligences et autres maladresses de gestion. Ainsi, les pertes de changes n'avaient fait l'objet d'aucun abondement en cours de gestion. De même, il n'a pas été mis fin à la dérive des coûts du personnel - notamment pour ce qui concerne les indemnités de résidence des agents en poste à l'étrangre -, pourtant régulièrement épinglée par la Cour des comptes et par Bercy. L'annonce d'un audit à ce sujet doit donc être saluée.

Autre source de pertes en ligne, les anomalies de la politique immobilière du Quai - absence de mise en concurrence, retards de procédures - auxquelles il n'est que temps de mettre bon ordre. La situation de sous-effectif chronique des services consulaires doit également être relevée : les consulats sont la vitrine de la France à l'étranger ; les personnels qui y sont affectés doivent affronter la pression des flux migratoires. A ce titre, leurs effectifs doivent être renforcés.

Nous déplorons également le repli global des moyens de coopération à partir de l'exercice 2001, tant dans le domaine culturel, scientifique et technique qu'en matière de coopération militaire ou d'investissement. Enfin, il a fallu ajuster les crédits initiaux aux besoins réels. Votre budget, Monsieur le ministre, est sincère et il doit permettre de mettre en cohérence vos moyens budgétaires avec les objectifs politiques de notre pays.

Le groupe UMP se félicite donc que vous soumettiez à la représentation nationale un budget sincère et cohérent, qui amorce le redressement de notre aide publique au développement, à laquelle les pays développés se sont engagés à Rio à consacrer 0,7 % de leur PNB en échange d'une réduction des industries polluantes. Nous saluons un budget mis au service de nos compatriotes de l'étranger et qui témoigne de la responsabilité particulière de la France dans le monde : délivrer un message éternel de liberté des nations face aux nouvelles menaces hégémoniques !

Ce budget s'inscrit d'ores et déjà dans la réforme de l'Etat et répond aux exigences posées par la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001.

Outre la réforme du droit d'asile et la création d'une chaîne d'information télévisée indispensable au pluralisme de l'information, vous avez, Monsieur le ministre, entrepris une salutaire réorganisation de la représentation de la France à l'étranger. Avec nos 268 ambassades, représentations permanentes et consulats, nos 438 implantations administratives et des crédits répartis dans 28 sections budgétaires, les risques de dilution et de doublons pouvaient devenir paralysants. Il convient par conséquent de remettre à plat la carte de nos implantations - notamment en Europe -, de regrouper les attributions, de déconcentrer et de globaliser les crédits et de décloisonner les carrières - diplomatiques, économiques, culturelles marquées par une spécialisation excessive. Beaucoup a déjà été fait avec la fusion du ministère de la coopération mais il faut aller plus loin.

Nous nous félicitons également de la relance du comité interministériel des moyens extérieurs de l'Etat, engagée en août dernier pour renforcer la coordination des actions extérieures conduites par les différents ministères.

De même, nous soutenons votre volonté de rationaliser l'outil administratif extérieur en instituant une nouvelle nomenclature budgétaire et en réformant les différents réseaux qui participent à l'action extérieure de l'Etat. Le ministère des affaires étrangères a vocation à devenir l'unique centre d'impulsion de l'action extérieure et il conviendra d'intégrer au sein de nos ambassades l'ensemble des services de l'Etat à l'étranger.

Un tel effort de rationalisation exige une grande volonté, du ministre lui-même, de ses services - et ils n'en sont pas dépourvus - et de tout le Gouvernement. Ce n'est qu'à cette condition que de nouvelles marges de man_uvre pourront être dégagées et que la présence de la France à l'étranger restera parfaitement « lisible ».

Dès lors, le Parlement doit prendre date dès aujourd'hui avec le ministre délégué au budget pour que le ministère des affaires étrangères soit en mesure d'accentuer dès 2004 l'indispensable effort de modernisation qu'il a engagé à la demande expresse du Premier ministre.

Enfin, devant prendre en charge la présidence du Conseil supérieur de l'adoption, j'appelle votre attention sur l'insuffisance des crédits alloués à la mission pour l'adoption internationale, dont vous assurez la tutelle. Cet organisme est submergé de demandes et il lui est de plus en plus difficile d'assumer ses principales missions dans des délais raisonnables. Il suffit d'essayer de téléphoner à ses services pour s'en rendre compte ! Je souhaite, par conséquent, que le Gouvernement apporte sans tarder la réponse budgétaire qui s'impose au regard des besoins de la MAI.

Bien entendu, le groupe UMP votera les crédits des affaires étrangères pour 2003 (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Claude Lefort - Plus que jamais le monde a besoin de France car moins que jamais il n'existe aujourd'hui d'affaires étrangères stricto sensu . Le monde est devenu à ce point interdépendant que la France est atteinte par l'état du monde : par ses progrès comme par ses souffrances, par ses inégalités, par ses blessures, par ses conflits et par les volontés de domination qui s'y manifestent.

Le monde a besoin de France et d'Europe car les processus à l'_uvre depuis la fin du monde bipolaire se sont encore accentués depuis les terribles événements du 11 septembre 2001. Une superpuissance entend, de manière impériale, dominer le monde et lui dicter sa loi.

Cette volonté a été fort bien décrite dans « Le Grand Échiquier » de Brzezinski. Elle s'exerce aujourd'hui sous l'impulsion d'un homme dont l'absence d'élégance n'a d'égale que la propension à souscrire aux thèses les plus déraisonnables : Georges W. Bush - un président dont les premiers mots après son élection à suspense ont été : « La politique étrangère américaine sera... américaine » ! (Sourires)

De fait, la volonté impérialiste des Américains s'exerce dans tous les domaines et au profit d'intérêts privés colossaux.

C'est pourquoi le monde a besoin de France et d'Europe. Il faut agir pour qu'il se dégage de l'emprise américaine en sorte qu'un monde vraiment multipolaire se mette en place. Il y a là un véritable challenge historique. Nous devons le relever avec succès !

Parler ainsi, ce n'est pas faire preuve d'antiaméricanisme primaire, ...

M. Michel Herbillon - Vous n'en êtes de toute façon pas suspect ! (Sourires)

M. Jean-Claude Lefort - ...c'est être réaliste ! Et le réalisme ne s'exerce à l'encontre de personne. Le peuple américain nous inspire de l'amitié et du respect. Mais il faut faire progresser d'autres valeurs que le dollar et _uvrer à l'édification d'un monde libéré de toute domination.

Le monde a besoin de France car il a besoin de droit. A cet égard, la position américaine sur l'Irak doit être résolument combattue. Certes, je prends acte des efforts de notre pays pour éviter la guerre que nos partenaires d'outre-Atlantique recherchent délibérément ! Mais tout cela sent plus le pétrole que le droit international ! Et au-delà du fait que cela ne répond guère aux exigences onusiennes, chacun sait que l'on ne gagne rien à remplacer un dictateur par un autre dictateur - fut-il à la solde des Etats-Unis.

Seule la levée de l'embargo libérera l'Irak de son joug. Il est indispensable que des inspecteurs de l'ONU réellement indépendants se rendent sur place pour exercer leur mission de manière neutre et objective. Et si les difficultés persistent, n'ajoutons pas une nouvelle fois la guerre au despotisme. Prenez, Monsieur le ministre, l'initiative d'aller sur place avec des parlementaires de toutes les sensibilités (Sourires sur les bancs du groupe socialiste) pour trouver les voies et moyens d'une solution pacifique.

La politique ne doit pas être rongée par la diplomatie. Il faut dire sans plus attendre que nous userons de notre droit de veto si le besoin s'en fait sentir. Cela est d'autant plus urgent que les Etats-Unis affectent de considérer que la résolution 1441 ne les lie pas. Cette attitude est de nature à discréditer cette résolution. Disons le haut et fort : cela n'est pas acceptable.

Un député UMP - C'est vrai !

M. Jean-Claude Lefort - J'observe du reste que la France n'est pas isolée quand elle dit « non ». Bien au contraire !

Le monde a besoin de droit au Proche-Orient où perdure une guerre sans merci contre un peuple occupé et légitime dans sa résistance, qui ne doit pas être confondue avec les injustifiables attentats terroristes. Le Proche-Orient souffre et la communauté internationale pratique à son endroit une insupportable politique de deux poids et deux mesures. Des initiatives fortes s'imposent. Je vous ai écrit à ce sujet, ainsi que sur le sort de notre collègue Marwan Bargouti, kidnappé à Ramallah par l'armée israélienne et objet d'un procès à Tel-Aviv en violation du droit international.

J'attends que soit appliqué à la lettre l'article 2 de l'accord d'association entre l'Union européenne et Israël, qui fonde les relations entre les parties sur le respects des droits de l'homme et des principes démocratiques. Quand nous avons ratifié cet accord, nous avions obtenu l'assurance que cet article 2 serait respecté ; ce n'est pas le cas. La suspension de l'accord serait pourtant un moyen de pression efficace sur le gouvernement Sharon. Qu'on ne nous dise pas que l'Europe n'est pas unanime sur ce point. Prenons l'initiative de demander l'application du droit ; faisons entendre la voix de la France. Je vous le demande.

Il faut mettre en place là-bas une force d'interposition ou à tout le moins des observateurs, comme le réclame le Président Arafat que j'ai rencontré le 3 octobre. Là encore, ne dites pas que le veto américain ne le permet pas. En effet, en cas de blocage au Conseil de sécurité du fait d'un veto l'empêchant de remplir sa mission de maintien de la paix, il y a lieu de déclarer sa carence, comme cela fut fait par les Américains en 1950, à la veille de la guerre de Corée. Huit membres du Conseil de sécurité peuvent se retourner vers l'assemblée générale pour faire respecter les résolutions de l'ONU. L'assemblée générale s'est déjà prononcée deux fois en faveur d'une force d'interposition, à une écrasante majorité. Prenez ces initiatives fortes, et pas trop subtilement diplomatiques. La France est attendue, vous le savez.

Le monde a aussi besoin de la France parce qu'il a besoin de justice. Les pays en développement, en particulier les 94 à l'OMC, attendent la France et l'Europe. L'élection de mon ami Lula au Brésil devrait faire réfléchir. Les peuples n'en peuvent plus de cette misère obscène, de ces déclarations officielles jamais suivies d'effets. Cette immense pauvreté est cause des migrations internationales massives, qui ont des conséquences en France, que les mesures de M. Sarkozy ne parviendront pas à réduire. Il faut être radical et attaquer les problèmes à leur racine. Aucune loi, aucun accord fut-il de Schengen n'arrêtera ce mouvement. La richesse est au Nord, la pauvreté est au Sud. Poser une vitre entre eux et nous est insupportable et inefficace : sous la pression de milliards de mains, elle ne peut que céder.

Aussi le souffle du discours de Johannesburg doit-il être suivi d'effets, l'aide publique au développement atteindre au plus vite 0,7 % du PIB, la dette être annulée et convertie en plan de développement.

C'est pourquoi aussi chacun doit pouvoir accéder aux médicaments essentiels, alors que depuis Doha on a reculé sur ce point. De même, l'idée reprise par le Président de la République d'instaurer une taxe sur les ressources de la mondialisation s'impose. Notre assemblée s'est prononcée l'an dernier sur la création d'une sorte de taxe Tobin en Europe.

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Jean-Claude Lefort - Au sein des institutions internationales l'Europe et les pays en développement doivent passer des alliances, au lieu de laisser durer le tête-à-tête entre l'Union européenne et les Etats-Unis, cher au commissaire Lamy.

A quand une représentation externe de l'euro qui permettrait à l'Europe d'être majoritaire au sein du FMI ? A quand une délégation au sein de notre assemblée chargée de contrôler l'action du Gouvernement dans les instances multilatérales où tout se décide dans la plus totale opacité ? Ce qui se passe avec l'AGCS est caricatural : la Commission européenne négocie la libéralisation des services, y compris publics, sans que nous en sachions rien. Pourtant, son mandat procède de l'article 133 du traité de Nice, puis requiert l'unanimité des Etats membres et la consultation du Parlement, que je vous demande d'organiser.

Tout cela me fait dire que le monde a besoin de France.

C'est dans cet esprit que j'ai lu votre projet de budget. Affirmer que vos crédits augmentent est une vérité, d'autant plus sensible que nous sortons de plusieurs années de stagnation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Oui, ils représentent 1,5 % du budget de l'Etat, contre 1,3 % l'an dernier. De même, l'aide publique au développement augmente de 27 %, même si j'attends confirmation que cette tendance porte l'APD à 0,7 % du PIB d'ici à dix ans.

Notre collègue Cazenave croise notre point de vue en disant que les décaissements doivent être effectifs, et nous rejoignons Jacques Godfrain sur la nécessité d'une loi-programme pour la coopération.

M. le Président - Il faut conclure !

M. Jean-Claude Lefort - Un article du Règlement dispose que quand les propos d'un orateur sont particulièrement intéressants, son temps de parole peut être prolongé (Exclamations et rires). J'estime que nous sommes dans ce cas.

Nous observons avec une satisfaction mitigée l'augmentation du FED. En effet, quoi de plus obscur, de plus gaspilleur et de moins décaisseur que ce fonds ? Sur les trois derniers exercices, 9 milliards n'ont pas été décaissés. Quel scandale !

La question cruciale de la dette est l'objet de nombreuses déclarations, en particulier celle du sommet social de l'ONU réuni à Genève en janvier 2001, rappelant qu'en 1999, à Cologne, les pays du G8 avaient décidé d'annuler la dette des 41 pays les plus pauvres, soit environ 214 milliards de dollars.

J'en viens aux franches critiques, car elles existent. S'agissant du fonds de solidarité prioritaire, l'affirmation d'un effort de relance est contredite par la baisse des crédits de paiement, tout comme diminue la contribution aux projets de l'Agence française de développement. Notre collègue Rochebloine relève que les moyens de la francophonie et des relations culturelles internationales reculent, tout comme ceux de l'aide à la coopération décentralisée.

Une plus grande part de l'APD devrait transiter par les collectivités locales et les ONG. En Europe, cette part est de 3 %, contre 1 % seulement en France. J'espère que le collectif comblera ces manques, Bercy restant Bercy et le Quai, le Quai.

Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons ni approuver votre budget, ni le rejeter.

M. Jacques Myard - Et donc ?

M. Jean-Claude Lefort - Cet autre vote que nous allons émettre doit être compris aussi comme un signe de notre extrême attention quant aux efforts de paix pour l'Irak et le Proche-Orient.

Cet effort ne doit être relâché sous aucun prétexte, pour en finir une fois pour toutes avec la guerre. Si toutefois la France devait de lancer dans une aventure guerrière ou la cautionner, nous serions contre vous, et nous ne serions pas seuls, comme en atteste le million de personnes rassemblées à Florence. La guerre, à jamais, doit être jetée aux poubelles de l'histoire.

Notre groupe donne ainsi un signe politique : il est de ceux qui, bien qu'étant dans l'opposition, ont le sens de l'Etat (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - L'indisposition momentanée de M. Lefort m'a incité à augmenter son temps de parole, mais ce ne sera le cas pour personne d'autre !

M. Gilbert Gantier - Porte-parole de mon groupe sur ce budget, je ne dispose donc que d'un temps très limité !

Nous n'avons d'ailleurs que peu de critiques à formuler. Nous prônons dans ce domaine comme dans les autres l'austérité qui doit permettre à nos finances de retrouver leur équilibre et éviter aux générations futures de supporter le poids de nos imprévoyances. Nous savons par ailleurs que le ministère des affaires étrangères, malgré l'importance des tâches qui lui incombent, sait rester mesuré dans ses dépenses. Nous avons apprécié, Monsieur le ministre, l'activité que vous avez déployée depuis six mois au service des intérêts français dans le monde. Pour toutes ces raisons, le groupe UDF votera sans hésitation votre budget.

Cependant, il est important de réfléchir à ce que doit être la politique extérieure de la France après la révision drastique des concepts qui fondaient la diplomatie traditionnelle. Comme l'a observé Bernard Destremau, qui fut un remarquable diplomate et notre collègue, nous fûmes redevables à la fin du XIXe siècle à quelques grands ambassadeurs - les frères Cambon à Londres et à Berlin, Jusserand à Washington, Paléologue à St-Petersbourg ou Barrère à Rome - d'une bonne part de notre victoire de 1918. Mais au début du XXe siècle, le comte de Saint-Aulaire pouvait écrire : « La diplomatie que j'ai connue, la diplomatie des diplomates n'existe plus ».

La première partie du XXe siècle a vu des empires politiques et industriels s'affronter dans deux impitoyables guerres mondiales. La seconde a connu la guerre froide, consécutive à l'avènement du nucléaire. L'équilibre de la terreur imposait une paix armée aux deux superpuissances. Le XXIe siècle commence-t-il en 1989, avec la chute du mur de Berlin, ou en 2001 par l'effondrement du World Trade Center ? Toujours est-il que l'abaissement de l'une des deux superpuissances est consacré, tandis qu'un ennemi masqué et implacable apparaît : le terrorisme international.

La menace a donc changé. Discrète et insidieuse, elle n'en est pas moins présente, comme on l'a vu à Bali et à Moscou, cependant que de dangereux foyers d'instabilité subsistent partout dans le monde. Dans ce monde en folie, quel peut être le rôle diplomatique d'une puissance moyenne comme la France ?

M. Jacques Myard - La France n'est pas une puissance moyenne !

M. Gilbert Gantier - L'Irak n'est pas le seul Etat qui menace la paix du monde ou qui possède des armes nucléaires, bactériologiques ou chimiques. C'est pour des raisons stratégiques que les Etats-Unis se sont attaqués à lui en priorité. Une opération militaire sans préparation diplomatique aurait eu des conséquences désastreuses, tant dans les pays islamiques que dans les pays occidentaux, où l'opinion reste divisée.

Sous l'autorité du Président de la République, sans oublier que la France doit au général de Gaulle son siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies, vous avez su faire prévaloir une incontestable autorité morale. Le vote de la résolution 1441 à l'unanimité, y compris la voix de la Syrie, constitue un grand succès pour la diplomatie française. Il met Saddam Hussein en position de faiblesse et prépare peut-être une solution pacifique.

D'autres problèmes, encore plus épineux, devront être résolus pour assurer la paix du monde et garantir aux générations montantes les richesse matérielles et spirituelles auxquelles elles peuvent prétendre. La diplomatie de la canonnière est aujourd'hui périmée.

M. Jean-Claude Lefort - Très bien !

M. Gilbert Gantier - La morale internationale est devenue l'arme la plus efficace dans un monde où l'information peut agir puissamment sur l'opinion des peuples (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe UMP et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Jean-Claude Lefort - Je voudrais juste signaler que l'article du Règlement dont je me suis prévalu existe bien.

M. le Président - Mais il prévoit que c'est le président qui évalue l'intérêt de l'intervention, pas l'orateur lui-même ! (Sourires)

M. Serge Janquin - Si une hirondelle, Monsieur le ministre, ne fait pas le printemps, l'augmentation affichée des crédits de développement ne garantit pas plus de moyens pour l'aide aux pays pauvres. Elle s'explique en effet pour l'essentiel par le doublement de la contribution au fonds européen de développement, qui est, selon notre rapporteur Eric Woerth lui-même, un accroissement optique des crédits du ministère pénalisant ses autres actions. Un autre rapporteur, Richard Cazenave, lui aussi de l'UMP, essaie de ruser devant l'obstacle mais il en revient à dire la même chose.

M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis - J'ai aussi dit que les fonds pour les actions bilatérales augmentent !

M. Serge Janquin - Les allégements de la dette, s'ils sont les bienvenus, sont difficiles à apprécier dans la mesure où ils ne sont pas regroupés sous un même chapitre. Et les efforts annoncés seront-ils accomplis ? Les crédits peuvent être annulés par un collectif. Décision symbolique s'il en est, c'est au fonds de solidarité prioritaire que vous aviez choisi en juillet de vous en prendre pour ajuster votre budget d'exécution. Les rapporteurs ont promis d'être vigilants, nous le serons aussi.

L'augmentation des concours financiers, autre élément marquant du budget, est-elle une bonne nouvelle ? Il ne s'agit pas d'abonder les moyens affectés au développement mais d'une aide d'urgence destinée au paiement des fonctionnaires. Cette aide avait été réduite par le gouvernement de Lionel Jospin, qui préférait financer des projets plutôt que des aides directes aux Etats. Votre choix renoue avec des pratiques que nous pensions oubliées.

La vraie question est de savoir comment nous voulons agir avec l'Afrique et le monde périphérique. Voulons-nous les aider à sortir du mal développement et à devenir autonomes ? ou bien la phraséologie de circonstances dans les conférences sur la faim ou le sida cache-t-elle l'intention d'abandonner les pauvres à leur sort ? Veut-on identifier la pauvreté à cet axe du mal qu trouble le président des Etats-Unis ?

La France et l'Europe devraient s'efforcer de préserver les acquis d'une terre mieux organisée. La France, comme elle l'a fait avec le général de Gaulle et François Mitterrand, doit faire des propositions audacieuses. Le scandale de la pauvreté, parallèle à la montée vertigineuse des profits financiers, est de moins en moins supportable. Le groupe socialiste a proposé de taxer les mouvements de capitaux. Nous savons combien la question est complexe, mais commençons à y réfléchir entre Européens.

Les grandes organisations financières internationales ont fermement conseillé aux pays du sud d'ouvrir leurs économies, de faire des ajustements structurels et de privatiser. Quittant ses fonctions, Michel Camdessus avait fait amende honorable quant à cette politique du FMI. Le résultat a été dénoncé il y a quelques jours à Florence : la pauvreté a été aggravée. Un expert s'il en est, Joseph Stiglitz, ancien collaborateur du Président Clinton et haut fonctionnaire à la Banque mondiale, explique que les entreprises occidentales ont acheté les entreprises et les services publics des pays du Sud et occupé leurs marchés industriels, alors que nos marchés agricoles restaient protégés. Il est temps de repenser les rapports internationaux.

La guerre est une autre plaie du monde en développement. Une convention internationale contre le mercenariat a été négociée il y a quelques années, et il est urgent de la ratifier. Nous ne sommes plus à l'époque du bricolage à la Bob Denard : de grosses sociétés, pour la plupart anglo-saxonnes, opèrent à visage découvert, de l'Afghanistan à la Colombie. Cette hypocrisie internationale est inadmissible.

Où en est-on encore de la défense de la diversité culturelle si brillamment défendue à Beyrouth par le Président de la République au moment où une chaîne de télévision francophone replie ses antennes ?

Franchement, le groupe socialiste ne peut voter un tel budget.

M. Michel Herbillon - Surprise !

M. Serge Janquin - Je ne suis pas atteint, comme M. Lefort, d'une blessure à l'_il qui m'empêche de voir vos effets d'optique !

Nous nous joignons aux nombreuses organisations de solidarité internationale qui souhaitent une véritable programmation de la coopération française. L'exercice est exigeant, mais obligerait les partenaires publics et privés à inscrire l'effort global de notre pays dans un cadre cohérent. Selon Eric Woerth, notre budget en faveur des ONG marquerait une « montée en puissance » qui se traduit, je le cite toujours, par « une réduction de 3,8 % entre 2002 et 2003 ». Comprenne ces arabesques stylistiques qui pourra, les socialistes en tout cas s'y refusent (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Marc Nesme - Mon propos portera exclusivement sur la politique du développement et de la coopération.

Plusieurs grands sommets ont dominé l'actualité mondiale, et particulièrement l'actualité africaine - sommet du G8, réunion de l'Union africaine, sommet de la terre, sommet de la francophonie.

La France est de plus en plus influente sur la scène internationale, au point qu'un grand hebdomadaire titrait récemment : « Le monde made in France ». Nous nous en réjouissons.

De nouveaux dangers surgissent, issus d'un monde plus fragmenté ; la mondialisation risque d'avoir de graves conséquences si ces fractures ne sont pas réduites.

D'un côté les pays riches, de l'autre les pays pauvres ; d'un côté les puissants, de l'autre les faibles, ceux qui entrent dans la nouvelle économie mondiale, ceux qui n'y entrent pas. Selon le rapport mondial sur le développement, une proportion significative d'Etats ne pourront réaliser l'objectif du millénaire : réduire de moitié l'extrême pauvreté d'ici à 2015. Bien des pays africains sont plus pauvres qu'il y a vingt ou trente ans ; près de 3 milliards de personnes disposent de moins de deux euros par jour pour survivre ; une personne meurt de faim toutes les quatre secondes.

En décidant d'augmenter l'aide publique au développement, vous rompez avec une baisse régulière de l'APD - 22 % en 5 ans -, et vous vous donnez les moyens de réduire la fracture entre le Nord et le Sud, pour construire un monde plus humain.

La mondialisation sans une politique de solidarité volontariste est vouée à l'échec ; elle engendre les plus grandes frustrations et les plus grandes violences.

Sur 34 conflits recensés dans le monde actuellement, la moitié a pour cadre l'Afrique sub-saharienne. Certaines grandes puissances s'en accommodent ; ce n'est le cas ni de l'Europe, ni de la France. Notre système économique et social ne pourra longtemps faire face aux inévitables poussées migratoires.

L'Afrique, de plus, est travaillée par l'islamisme radical ; la pauvreté est son terreau d'élection pour mener des combats qui n'ont rien à voir avec les vraies richesses de l'islam.

Le développement de l'Afrique est entravé par de nombreux conflits internes qui génèrent une telle insécurité que les investisseurs se détournent. Le problème se pose de la maîtrise de la prolifération des armements, dont la majeure partie est fabriquée dans les pays riches ou dans l'ex-URSS ; se pose aussi le problème des frontières, délimitations artificielles fixées en 1885 par la conférence de Berlin, sans tenir compte de la réalité des ethnies frontalières. Il conviendrait de donner un statut à ces espaces frontaliers, sans mettre en cause l'ensemble des frontières, qui ont acquis une légitimité politique.

Notre tâche, moralement nécessaire, est immense ; il y va de la dignité humaine. L'Afrique a d'énormes atouts ; elle est politiquement à notre portée. Vous donnez d'ailleurs une nouvelle orientation à notre politique de coopération et de développement, en favorisant l'aide bilatérale, en substituant le partenariat à l'assistance, en développant le partenariat public-privé, en assurant la promotion du volontariat associatif - auquel il faudrait adjoindre le volontariat missionnaire. Face aux crises humanitaires d'aujourd'hui, les relations avec les ONG devront être clarifiées.

Votre mission est urgente. Il y a quelques années, la commission des affaires étrangères m'avait confié une mission sur l'application de la convention de Nations unies relative aux droits de l'enfant. Tous les Etats, à l'exception des Etats-Unis, l'ont ratifiée, mais les misères faites aux enfants demeurent incommensurables - maladie, famine, malnutrition, analphabétisme, guerres. Le fossé grandit entre l'idéal juridique et les conditions de vie réelles.

L'aide publique française au développement est-elle suffisante ?

Les crédits augmentent fortement, mais c'est une goutte d'eau dans un océan de pauvreté. La France, le Président de la République, son Gouvernement n'en expriment pas moins une forte volonté politique pour mener la croisade contre la pauvreté.

A cette fin, il faudrait créer un prélèvement de solidarité sur les richesses que la mondialisation procure ; il faudrait également créer un fonds mondial de garantie de la dette des pays africains - les prêteurs publics et privés disposeraient ainsi des garanties dont ils ont besoin.

Je souhaiterais par ailleurs que soit organisé chaque année un débat parlementaire sur la pauvreté dans le monde et l'aide française au développement. Ainsi, l'opinion publique elle-même sera mobilisée ; elle vous aidera à accomplir votre mission.

Voici quelques phrases de Jean Vannier, fondateur des communautés de l'Arche, qui _uvrent pour la dignité des plus pauvres : « Croit-on vraiment, en regardant lucidement les faits, que nos sociétés puissent durer telles qu'elles sont maintenant sans commettre un suicide collectif ? Croit-on que les gaspillages de l'Occident, face aux pénuries et aux misères d'autres pays, ne vont pas susciter une agressivité qui débordera un jour ? Je suis certain que l'état actuel des choses ne peut continuer ; nos sociétés seront transformées soit par le feu de la révolution, soit par les eaux stagnantes de la décadence, soit par le feu et la paix du véritable amour ».

Puisse notre politique s'inspirer de ce feu de la fraternité envers ceux qui attendent des moyens pour les aider à sortir de la misère !

Avec mes collègues du groupe UMP, nous savons que nous pouvons compter sur vous afin que la France engage ce combat contre la misère et entraîne à sa suite la communauté internationale. Cette tâche est difficile ; vous avez la volonté et la compétence pour l'accomplir. Le groupe UMP votera donc ce budget.

M. Daniel Garrigue - La discussion de ce budget est, traditionnellement, l'occasion d'évoquer des problèmes de politique internationale.

L'actualité est dominée par la question irakienne. Vous-même, Monsieur le ministre, et le Président de la République, avez su contribuer à persuader les Etats-Unis de respecter les procédures prévues par la charte des Nations unies ; vous avez également été très ferme vis-à-vis de l'Irak.

Cette crise a relégué au second plan le conflit israélo-palestinien. Pendant plus de vingt ans, la paix sembla progresser - jusqu'aux accords d'Oslo de 1993. En moins de trois ans, tout semble avoir été anéanti.

Ce conflit présente les caractéristiques d'une guerre civile. Comment en est-on arrivé là ? On ne peut manquer de rappeler l'assassinat du premier ministre israélien Yitzhak Rabin ; on peut évoquer les faiblesses de l'autorité palestinienne, la montée des extrémismes - dans les deux camps ; on peut aussi regretter l'échec des discussions de Camp David et de Taba où les exigences de politique intérieure des négociateurs israéliens et la méfiance des négociateurs palestiniens n'ont pas permis un rapprochement.

Nous devons déplorer la poursuite du processus de colonisation, que ce soit de façon sauvage ou avec l'aval du gouvernement israélien ; nous devons surtout regretter le manque de cohésion et de fermeté de la communauté internationale.

M. Jean-Claude Lefort - Très bien !

M. Daniel Garrigue - L'adoption d'un nouveau plan de paix, au mois de septembre, à l'initiative de l'Europe, ouvre-t-elle de nouvelles perspectives ? Sans doute certains aspects positifs de ce plan ont-ils été trop souvent passés sous silence - dont le soutien du « quartet », Etats-Unis, Russie, Nations unies, Union européenne, et le fait que les Etats-Unis ont adopté le principe de la création d'un état palestinien théoriquement en 2005.

Mais les doutes et l'inquiétude subsistent car ce plan se résume à quelques grandes lignes. D'autre part, a-t-on la volonté de l'assortir de mesures de fermeté, qui en feraient autre chose qu'un v_u pieux ?

La France a toujours été très attentive à ce dossier, et nous souhaitons que, directement ou à travers l'Union européenne, vous contribuiez au retour de la paix dans cette région (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Bruno Bourg-Broc - Longtemps négligée, la coopération est à nouveau au c_ur de la politique étrangère de la France. Le budget des affaires étrangères en témoigne. En matière d'aide publique au développement, la coopération figure parmi les cinq priorités retenues par le Premier ministre, dans sa lettre de cadrage pour 2003.

L'APD représente aujourd'hui 0,39 % du PIB de la France, alors qu'elle avait chuté de 0,57 % du PIB en 1994, à 0,32 % en 2000.

L'engagement du Président de la République sera tenu, et l'APD majorée de 50 % en dix ans. En outre, la France doit jouer un rôle moteur d'aide publique au développement des pays pauvres.

Vingt pays supplémentaires bénéficient du nouvel instrument d'aide bilatérale, les C2D, contrats de désendettement-développement. Ce dispositif porte sur des programmes prioritaires comme la santé ou l'éducation et transforme les remboursements de la dette en dons. Il associe la coopération française, les autorités étatiques, la population et la société civile.

Grâce à cette initiative, la France dispose d'un budget qui répond à une véritable ambition d'aide au développement.

Par ailleurs, ne faudrait-il pas élaborer une loi-programme pour la coopération, comme l'a suggéré le Président de la République ? Elle serait le pendant à une annulation de la dette, et définirait les objectifs et les méthodes pour les cinq prochaines années.

Si nous ne pouvons engager le budget de l'Etat sur la législature, nous pouvons nous engager sur des objectifs et des méthodes, ce qui nous permettrait de tendre à leur réalisation effective, et d'évaluer les actions menées.

Par ailleurs, une telle loi-programme permettrait d'affecter les moyens mis à disposition, afin de clarifier cette politique de coopération. En effet, les besoins fondamentaux des populations sont prioritaires. En outre, cette loi compléterait les C2D, en encourageant les initiatives locales. Nous éviterions ainsi le « colonialisme intellectuel ».

Il faut avant tout envisager l'avenir à long ou moyen terme, et favoriser les stratégies pluriannuelles de développement. Les réformes structurelles d'un pays ne peuvent souffrir d'échéancier annuel. Par cette loi-programme, la coopération se substituerait à l'assistance.

Enfin, cette loi pluriannuelle rendrait la France plus crédible lors du prochain G8 d'Evian.

Votre action, pour le renforcement de la coopération réhabilite la politique extérieure de la France. Le monde entier, et en particulier l'Afrique, observe la France. On attend beaucoup d'elle. Nous avons des devoirs, et ce budget peut contribuer au maintien de la paix dans le monde (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Voisin - Votre budget souffre de cinq années d'abandon de notre politique de coopération militaire et d'un désengagement progressif du continent africain.

Vous aurez à c_ur, je l'espère, de faire évoluer ce budget qui n'a cessé de baisser depuis le conseil de défense de mars 1998 au cours duquel le gouvernement de l'époque a mis en place une réforme de la coopération militaire de défense.

Les objectifs affichés alors, des enjeux plus précis, une rénovation du champ de la coopération militaire et le renforcement des priorités avaient tout pour séduire, et quelques-uns sur nos bancs avaient même été charmés. Hélas, il faut affronter aujourd'hui la réalité budgétaire.

Heureusement, ce lourd héritage est géré au mieux par la direction de la coopération militaire et de défense, qui a vu ses crédits baisser, entre 2000 et 2003, de 115,1 millions d'euros à 93,5 millions, alors que ses effectifs passaient entre 1998 et 2002 de 548 à 392.

Comment demander alors au personnel militaire de la coopération de croire encore à l'idéal qui le guide.

J'ai eu l'occasion d'apprécier sur le terrain le dévouement de nos militaires qui acceptaient de quitter famille et amis pour répandre à travers le monde nos concepts militaires et nos idéaux républicains. Ils ne seront plus l'année prochaine que 390 !

On ne soulignera jamais assez à quel point ils ont su diffuser l'idée d'attachement à la démocratie et de respect de nos valeurs humanistes.

Vous devez aujourd'hui faire plus avec moins, et j'admire votre foi sans limite. Heureusement, vos collaborateurs sur le terrain vous seront d'un précieux soutien.

Il faut, aujourd'hui plus qu'hier, développer dans tous les pays où s'exerce votre coopération, les moyens de former, dans un partenariat civil et militaire, non seulement les élites, mais aussi les artisans et les techniciens.

Il faut remettre au goût du jour cette action bilatérale, trop vite sacrifiée sur l'autel de la politique étrangère de la sécurité commune.

Cette forme de coopération contribue à l'enseignement du français dans le monde, plus particulièrement grâce à l'organisation de stages de formation.

Il faut également relancer les écoles de formation spécialisées dans la formation des sous-officiers.

Je serai, cette année, indulgent, car je connais votre attachement au développement.

C'est sans enthousiasme, mais avec espoir dans l'avenir et dans votre action que je voterai cette année les crédits de la coopération militaire, les autres étant déjà acquis (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jacques Myard - Monsieur le ministre des affaires étrangères, vous tenez « l'auberge France », qui est sise au carrefour de l'Europe, donc du monde. Et pour tenir cette auberge dans de bonnes conditions, vous devez affirmer une ligne politique indépendante, claire et déterminée. Mais il vous faut aussi des moyens suffisants. A cet égard, je salue votre budget, qui marque le redressement bienvenu de cette mission régalienne de l'Etat après des décennies de déclin qui ont mis notre diplomatie à rude épreuve. Elle doit être restaurée, et l'on se félicitera donc que le budget des affaires étrangères augmente de 13,4 % en 2003.

Cet effort est nécessaire car la France possède l'un des réseaux diplomatiques les plus étendus au monde. Certains esprits s'en étonnent - ce sont d'ailleurs les mêmes qui prônent une politique d'abaissement.

Ce réseau important n'est que le gage d'une présence : c'est aussi un atout irremplaçable pour faire entendre notre voix.

Ces dernières années, le ministère a rendu des postes budgétaires ; c'est une faute que j'ai souvent dénoncée. Il est urgent que cela cesse, car ce ne sont pas les 9 409 agents des Affaires étrangères qui pèsent sur le niveau de notre dette : il faut être sérieux !

Il est, du reste, paradoxal de constater que ceux qui souhaitent l'abaissement de la présence française dans le monde sont souvent les mêmes qui poussent les régions, unités artificielles, à ouvrir des quasi-ambassades à l'étranger. La politique étrangère, c'est la voix de la France dans le monde. C'est à l'Etat de remplir cette mission, et à personne d'autre !

Si votre budget global augmente, certains postes ne méritent pas la rigueur qui leur est imposée. Ainsi, la nouvelle baisse de vos effectifs n'est pas acceptable. Ce n'est plus à votre ministère, qui a perdu plus de 10 % de ses agents en dix ans, de faire des économies dans l'appareil d'Etat. Elles peuvent facilement être trouvées ailleurs.

On ne peut se satisfaire davantage de la baisse des crédits de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger, des établissements culturels, de coopération et de recherche à l'étranger, des opérateurs de l'action audiovisuelle ou encore de la coopération militaire, et je partage le sentiment de mon collègue Voisin à ce sujet.

J'avais déposé des amendements pour rétablir ces crédits, mais la guillotine budgétaire ne leur a pas laissé la chance de vivre... Monsieur le ministre, ne vous laissez pas impressionner par les comptables car vous devez recouvrer les moyens d'une politique étrangère indépendante et déterminée. On connaît le discours selon lequel hors la PESC, point de salut. Mais à ceux qui considèrent la France comme une puissance de seconde zone, les temps infligent un cinglant démenti. L'Europe est certes une dimension nécessaire de notre action, mais elle n'est pas exclusive, tant s'en faut.

La taille ne fait pas la puissance, et la France a des intérêts qui lui sont propres, en Europe mais aussi en Méditerranée, au Proche et Moyen-Orient et dans le reste du monde. Ces intérêts sont de tous ordres, et ils ne sont pas fongibles dans un super Etat européen.

De surcroît, la France a une vision du monde qui lui est propre. Conforme à ses intérêts, elle dérange parfois les puissants mais suscite souvent une attente forte de très nombreux peuples. C'est cette « demande de France » à laquelle il a plusieurs fois été fait allusion.

Il est du reste plaisant de relever que ceux qui critiquent cette indépendance sont ceux qui prônent un régionalisme extrême, qui permettrait d'intégrer l'Europe des régions dans un atlantisme bon teint.

Monsieur le ministre, vous venez de démontrer que lorsque la France est déterminée, elle peut non seulement tenir son rang de grande puissance mais qu'elle est capable de faire échec à des puissances impériales.

L'Irak, qui occupe une position stratégique, doit demeurer indépendant. C'est un pays arabe plus laïque que d'autres, et il n'est pas nécessaire d'y renforcer l'intégrisme. La France entretien des relations séculaires avec le monde arabe, où sa langue est beaucoup parlée. Chacun se souvient de François Ier recevant à Toulon la flotte du Grand Turc alors que Charles Quint voulait imposer ses conceptions à toute la chrétienté. A bon entendeur, salut ! (Sourires).

Le monde arabe commande aujourd'hui l'équilibre au Moyen-Orient, au Proche Orient et en Méditerranée, et c'est dans cette partie du monde que se jouera la paix durant les prochaines années. Mener une guerre contre l'Irak, c'est accélérer tous les facteurs politiques de déstabilisation de la région et encourager l'idéologie du terrorisme. C'est donc une faute.

Une autre politique est possible, plus efficace, fondée sur l'ouverture et le soutien aux forces démocratiques. Il faut agir à long terme en s'attachant à réduire les causes de l'affrontement. Je me félicite donc que la France augmente son aide publique au développement jusqu'alors fortement négligée et qu'un secrétaire d'Etat soit chargé de suivre les questions relatives à la Méditerranée.

L'administration directe de l'Irak prévue par les Américains ne m'inspire qu'une observation : « Je leur souhaite bien du plaisir ! » La France doit se démarquer de cette aventure.

En rappelant aux Etats-Unis que la politique internationale n'est pas une vile copie de ces westerns où les bons et les méchants sont clairement identifiés, la France a retrouvé sa place sur la scène diplomatique.

Certains, et jusqu'à un ancien président de la République, ont prétendu que la France devait européaniser sa position sur l'Irak, car elle y gagnerait en influence. Cette analyse est périmée car par son indépendance et ses positions clairvoyantes, la France rallie bien davantage que les adeptes des positions communes paralysantes des eurolâtres.

Nos partenaires européens n'ont rien à craindre d'une France qui refuse de se lier les mains par des procédures bruxelloises. Ils n'ont rien à craindre d'une France qui proclame et maintient son indépendance : cela n'agace que les timorés ou les euro-pleurnichards qui ont abandonné depuis longtemps toute volonté d'exister.

En revanche, ils auront tout à perdre d'une France qui s'efface car ils se retrouveront américains. Ce sera sans moi ! « Cecos ac caeser » disaient les Gaulois !

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

ÉLECTION DES JUGES DE LA HAUTE COUR DE JUSTICE ET DE LA COUR DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE (suite)

M. le Président - Les scrutins pour l'élection des juges de la Haute Cour de justice et de la Cour de justice de la République ont été clos à 18 heures.

Les résultats en seront annoncés au cours de la séance de ce soir.

Prochaine séance ce soir, 21 heures 45.

La séance est levée à 20 heures 10.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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