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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 23ème jour de séance, 62ème séance

3ème SÉANCE DU MERCREDI 13 NOVEMBRE 2002

PRÉSIDENCE de M. François BAROIN

vice-président

Sommaire

      ÉLECTION DES JUGES
      DE LA HAUTE COUR DE JUSTICE
      ET DE LA COUR DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE
      RÉSULTATS DES SCRUTINS 2

      RAPPEL AU RÈGLEMENT 3

      LOI DE FINANCES POUR 2003 -deuxième partie- (suite) 3

      AFFAIRES ÉTRANGÈRES, COOPÉRATION
      ET FRANCOPHONIE (suite) 3

      QUESTIONS 7

      ÉTAT B 16

      Titre III 16

      ORDRE DU JOUR DU JEUDI 14 NOVEMBRE 2002 20

La séance est ouverte à vingt et une heures quarante-cinq.

ÉLECTION DES JUGES DE LA HAUTE COUR DE JUSTICE
ET DE LA COUR DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE
RÉSULTATS DES SCRUTINS

M. le Président - Voici le résultat du deuxième tour de scrutin pour l'élection de trois juges titulaires de la Haute Cour de justice :

Nombre de votants : 117

Suffrages exprimés : 112

Majorité absolue : 57

Ont obtenu :

M. Jean-Paul Bacquet : 93 voix

M. Jean Michel : 93 voix

M. André Vallini : 92 voix

M. Georges Hage : 20 voix

MM. Jean-Paul Bacquet, Jean Michel et André Vallini ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, je les proclame juges titulaires de la Haute Cour de justice.

Voici le résultat du scrutin pour l'élection de deux juges suppléant de la Haute Cour de justice :

Nombre de votants : 117

Suffrages exprimés : 112

Majorité absolue : 57

Ont obtenu :

M. Tony Dreyfus : 95 voix

M. Gilbert Le Bris : 95 voix

M. André Gerin : 17 voix

MM. Tony Dreyfus et Gilbert Le Bris ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, je les proclame juges suppléants de la Haute Cour de justice.

Voici le résultat du scrutin pour l'élection de deux juges titulaires de la Cour de justice de la République et de leur suppléants :

Nombre de votants : 117

Suffrages exprimés : 111

Majorité absolue : 56

Ont obtenu :

M. Jean-Paul Bacquet (titulaire)

et M Tony Dreyfus (suppléant) : 93 voix

M. Arnaud Montebourg (titulaire)

et M. Gilbert Le Bris (suppléant) : 92 voix

M. Jacques Brunhes (titulaire)

et Mme Muguette Jacquaint (suppléante) : 19 voix

MM. Jean-Paul Bacquet et M. Tony Dreyfus, Arnaud Montebourg et Gilbert Le Bris ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, je les proclame juges de la Cour de justice de la République.

Je constate qu'à la suite des scrutins intervenus le 23 octobre 2002 et cet après-midi, tous les députés membres de la Haute Cour de justice ont été désignés.

Je vous rappelle qu'on été élus juges titulaires : MM. Pierre Albertini, Loïc Bouvard, Yannick Favennec, Michel Hunault, Christian Jeanjean, Alain Marleix, Christian Estrosi, Daniel Mach, Thierry Mariani, Jean-Paul Bacquet, Jean Michel, André Vallini.

Et qu'ont été élus juges suppléants : M. Dino Cinieri, Mme Maryse Joissains-Masini, M. Pierre Morel-A-L'Huissier, M. Jacques Remiller, M. Tony Dreyfus et M. Gilbert Le Bris.

Tous les députés membres de la Cour de justice de la République ont aussi été désignés.

Ont ainsi été élus respectivement juges titulaires et juges suppléants : MM. Francis Hillmeyer et Georges Fenech, Thierry Lazaro et Jean-Marc Nesme, Philippe Houillon et Jean-Paul Garraud, Alain Marsaud et Xavier de Roux, Jean-Paul Bacquet et Tony Dreyfus, Arnaud Montebourg et Gilbert Le Bris.

Il appartiendra à la Conférence des présidents de fixer la date à laquelle aura lieu la prestation de serment des juges de la Haute Cour de justice et de la Cour de justice de la République.

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Jacques Godfrain - Rappel au Règlement, fondé sur l'article 58.

Cet après-midi, nous avons tous exprimé notre volonté de paix. Or, le hasard veut que nous examinions le présent budget le jour même où l'Irak accepte une résolution de l'ONU largement inspirée par la diplomatie française. Nous nous en réjouissons (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; M. Brard applaudit également). Et je me tourne vers l'exécutif pour l'en remercier.

LOI DE FINANCES POUR 2003 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003.

AFFAIRES ÉTRANGÈRES, COOPÉRATION ET FRANCOPHONIE (suite)

M. le Président - Nous poursuivons la discussion des crédits du ministère des affaires étrangères.

M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères - Permettez-moi tout d'abord de remercier l'ensemble des orateurs pour leurs observations constructives et leurs encouragements. Au moment où la France doit s'exprimer dans un monde en crise, votre soutien m'est particulièrement précieux.

Ce n'est que forts et unis que nous pourrons agir avec efficacité sur la scène internationale, le dossier irakien en est aujourd'hui la meilleure illustration. La France n'a cessé de défendre le droit et la morale, de rechercher l'unanimité du Conseil de sécurité pour faire prévaloir la responsabilité collective et faire en sorte que la force ne puisse être qu'un dernier recours.

Aujourd'hui, comme vient de le dire M. Godfrain, l'ambassadeur d'Irak à New York a annoncé l'acceptation par son pays de la résolution 1441. La France prend acte de cette acceptation qui ouvre la voie au retour rapide des inspecteurs. Elle attend à présent de l'Irak sa coopération pleine et entière avec les Nations unies, conformément aux termes de cette résolution.

Vos interventions montrent à quel point nous partageons les mêmes préoccupations. Je vais donc y répondre en privilégiant une approche thématique. Notre diplomatie est-elle efficace ? C'est la question que posent MM. Nicolin et Myard. Je redis donc ma conviction que notre action internationale ne sera forte que si elle est unie, cohérente et modernisée.

M. Nicolin a insisté sur la nécessité d'une meilleure adéquation des moyens aux objectifs diplomatiques que la France s'est fixés. Je le remercie de soutenir la volonté de réforme du ministère des affaires étrangères. Pour une plus grande efficacité de l'action extérieure de l'Etat, il a proposé de « remettre à plat la carte de nos implantations, rapprocher les fonctions de support, décloisonner les carrières, réformer les différents réseaux contribuant à l'action extérieure de l'Etat ». Je souscris pleinement à cet objectif, qui mobilise d'ores et déjà mon administration.

Je voudrais revenir un instant sur la question du gel budgétaire. M. Myard, comme plusieurs rapporteurs, a souligné les importantes perturbations causées par le gel puis l'annulation des crédits durant l'exercice 2002. Bien entendu, nous ne sommes pas restés inertes et les négociations avec le ministère délégué au budget ont permis de récupérer déjà près de 43 millions d'euros. J'attends maintenant le résultat final des arbitrages que j'ai demandés au Premier ministre sur l'AEFE et les crédits de notre coopération technique - nous devrions là aussi obtenir au moins partiellement satisfaction.

« La défense de la morale internationale demeure l'arme la plus efficace de la diplomatie », a déclaré Gilbert Gantier. Je partage son analyse. Nous devons avoir l'ambition d'un nouvel ordre international fondé sur les trois principes complémentaires que sont la responsabilité collective, la légitimité et l'efficacité. Je vous suis reconnaissant, Monsieur Gantier, du soutien que vous me témoignez au nom de votre groupe.

Les instruments de l'influence de la France dans le monde, c'est-à-dire l'AEFE et nos instruments d'audiovisuel extérieur, remplissent-ils toujours leur rôle ? C'est la question posée notamment par M. Loncle et M. Myard. Comme je l'ai déjà dit, il est exclu d'engager l'AEFE dans un plan d'économies drastique, immédiat et non concerté.

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour la francophonie et les affaires culturelles internationales - Merci.

M. le Ministre - Afin d'assainir la situation financière de l'Agence, je compte procéder en trois temps : obtenir tout de suite les moyens financiers propres à faire face aux besoins les plus urgents ; demander à la direction de l'Agence un plan d'adaptation concerté du réseau en vérifiant pour chaque établissement ses résultats en termes de scolarisation des enfants français et des élites locales ; à terme, poursuivre le redéploiement du réseau.

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis - Très bien !

M. le Ministre - Quant à l'audiovisuel extérieur, il n'est plus l'empilement de politiques et d'instruments que l'on a longtemps stigmatisé, mais repose aujourd'hui sur des pôles radio et télévision très largement rationalisés.

La mise en place d'une future chaîne d'information ne doit pas conduire à une complication de notre paysage audiovisuel. Au contraire, si nous pouvons à l'occasion de cette initiative mieux utiliser les instruments existants et créer des synergies qui simplifient le système audiovisuel extérieur, nous n'hésiterons pas. Les impératifs concernant ce dossier sont donc clairs : mettre en place un outil de qualité à un coût raisonnable et visant un public aussi large que possible, tirer le meilleur parti de l'existant, rationaliser encore davantage le dispositif actuel, le tout au service d'un rayonnement accru de la France dans le monde.

M. Jacques Myard - Très bien !

M. le Ministre - J'en viens aux questions à caractère politique et géographique.

La crise qui secoue le Proche-Orient doit être au c_ur des préoccupations de la communauté internationale et mobiliser toutes nos énergies.

Sur le plan politique, tout paraît bloqué et nous sommes revenus à une situation bien pire qu'avant le processus d'Oslo. La période préélectorale en Israël n'arrange pas les choses. L'angoisse d'un côté, de l'autre le sentiment d'injustice et l'incertitude absolue rendent les deux gouvernements incapables de se projeter dans l'avenir. Sur le plan humanitaire, la situation est dramatique, comme M. Hansen, commissaire général de l'Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, me le rappelait récemment.

La communauté internationale doit donc se mobiliser. Elle n'est pas inactive, certes : les propositions de règlement discutées au sein du Quartette sont bonnes. Nous contribuons tous les jours à ses travaux et tout le monde y adhère. Mais il faut faire preuve de plus d'audace.

M. Jean-Claude Lefort - Très bien !

M. le Ministre - En effet, le règlement de la crise irakienne, même temporaire, rend plus que jamais indispensable la mobilisation internationale autour du conflit israélo-arabe. Il faut cesser d'entretenir le sentiment que l'Occident a « deux poids, deux mesures » au Moyen-Orient. Il faut plus d'audace, aussi, parce que le désespoir est partout : seule une intervention extérieure peut rendre les Israéliens et les Palestiniens conscients qu'il n'y a pas d'autre solution durable que la coexistence dans la paix et la sécurité. Il le faut enfin parce que la crise israélo-palestinienne est emblématique de toutes les frustrations et de toutes les injustices du monde. Ce n'est pas un hasard si les positions des Palestiniens, aux Nations unies, recueillent un large écho : c'est que leur cause est vivement ressentie par tant d'autres, qui vivent les mêmes épreuves dans d'autres régions. En apportant une solution durable à cette crise, nous supprimerons un foyer essentiel d'instabilité du monde.

Cela m'amène à évoquer les points soulevés par M. Lefort, au nom du groupe communiste. Je saisis cette occasion, Monsieur Lefort, pour saluer la position responsable et constructive de votre groupe. Sur l'accord d'association UE-Israël, tout d'abord, le dernier conseil d'association a été l'occasion de rappeler à nos interlocuteurs israéliens l'importance que nous attachons à l'article 2 de l'accord, relatif au respect des valeurs fondamentales et des droits de l'homme dans les territoires palestiniens. Je ne peux que le rappeler ici, un accord est un tout, et les parties sont tenues de le respecter intégralement. Quant à l'idée d'envoyer une force d'interposition, vous le savez, les autorités françaises sont à l'origine de ce débat, et elles continuent à soutenir l'idée d'une mission d'observation internationale. Mais on ne peut déployer ce type de force sans l'accord des gouvernements concernés. Il y a encore à cet égard beaucoup de chemin à faire, mais de nouvelles initiatives en ce sens sont possibles. Enfin, nous avons fait part aux autorités israéliennes de notre préoccupation sur la situation de Marwan Barghouti. Quelles que soient les charges qui peuvent peser sur lui, il doit être jugé et détenu conformément au droit.

Quelques mots sur la politique étrangère et de sécurité commune, sujet de prédilection de M. Myard, avec lequel j'ai régulièrement l'occasion de débattre lors de mes auditions devant la commission des affaires étrangères... La France a l'ambition d'une Union européenne qui soit un véritable acteur de la scène internationale. C'est une constante de notre politique européenne.

M. Jacques Myard - Salut aux chercheurs d'aventure !

M. le Ministre - L'Union joue déjà un rôle économique et commercial de premier plan. Elle doit aussi peser sur les affaires du monde pour contribuer à la paix et à la stabilité. Elle en a été capable dans les Balkans, notamment en Macédoine récemment. A ce jour, en revanche, elle n'est pas parvenue à s'imposer au Moyen-Orient.

Pour renforcer l'action extérieure de l'Union, nous devons aborder avec détermination le débat lancé dans le cadre de la Convention. L'approche française en cette matière s'ordonne autour de deux objectifs. Tout d'abord, elle entend promouvoir des innovations institutionnelles, dans la ligne de la proposition du Président de la République, à savoir un président élu du Conseil européen et un ministre des affaires étrangères de l'Union placé auprès de lui, présidant le Conseil des relations extérieures et doté de prérogatives fortes. Ensuite, nous devons défendre une méthode de travail qui veille au respect des compétences des Etats membres, et notamment des responsabilités particulières qui incombent à la France au titre de la charte des Nations unies.

Un mot, Messieurs Lefort et Janquin, sur la taxe Tobin. Le problème de fond, ici, c'est celui des ressources additionnelles permettant de financer l'aide au développement. La taxe Tobin, comme son auteur lui-même l'a souligné, n'a jamais été conçue pour répondre à cet objectif, et en somme, elle a plutôt faussé le débat. Il faut reprendre le problème sur des bases sérieuses et essayer d'imaginer des moyens de financement nouveaux. La réflexion doit donc se poursuivre de manière approfondie avec pour seul but d'apporter aux pays en développement les ressources supplémentaires dont ils ont un urgent besoin (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; M. Lefort applaudit également)

M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie - Je remercie sincèrement Mme et MM. les rapporteurs pour leur travail remarquable, qui restera une référence pour tous ceux qui s'intéressent aux sujets dont nous débattons. La lutte contre la pauvreté a été la toile de fond de beaucoup d'interventions dans ce débat, comme elle a été celle des grands rendez-vous internationaux depuis le début de l'année : je ne citerai que ceux de Monterey, de Kananaskis, de Johannesburg et de Beyrouth. Chaque fois la France, par la voix du Président de la République, a pris des engagements. A cet égard les réflexions formulées par plusieurs orateurs, et plus particulièrement par M. Nesme, rencontrent les préoccupations du Président et du Gouvernement. La conclusion qui s'impose à nous est claire : pour répondre à la situation angoissante des nombreux pays confrontés à la grande pauvreté, il faut une mobilisation de la volonté. La France, dans la période récente, s'est portée à la tête de ce combat.

Ce qui me conduit à évoquer un sujet qu'ont abordé presque tous les orateurs : l'aide publique au développement. Je me réjouis du large consensus que reflètent sur ce point les propos de MM. Gantier, Nicolin, Nesme, Bourg-Broc, Loncle, Lefort et Myard notamment. Tous ont appelé à une plus forte mobilisation pour l'aide publique au développement, et reconnu que cette priorité était au c_ur du présent budget. Seul M. Janquin a formulé des appréciations d'un pessimisme que je crois excessif. J'espère qu'il pourra se convaincre, dans les mois qui viennent, que ses inquiétudes sur la détermination du Gouvernement ne sont pas fondées.

M. Serge Janquin - J'en accepte volontiers l'augure.

M. le Ministre délégué - Je vous remercie. Plusieurs orateurs, dont MM. Godfrain, Bourg-Broc, Lefort, ont évoqué l'intérêt que présenterait une loi de programmation, permettant une vision prospective à moyen terme de l'aide au développement. L'idée est en effet intéressante, et le Gouvernement y réfléchira.

Sur le problème de la dette, qu'a notamment soulevé M. Lefort, la France, vous le savez, a joué un rôle pionnier, particulièrement visible lors du G8 de Kananaskis. Notre pays est le premier contributeur bilatéral en matière d'annulation des dettes, avec 10 milliards d'euros à ce jour. Elle a mis en _uvre le mécanisme original des contrats de désendettement-développement. Elle entend continuer à être exemplaire et à entraîner ses partenaires. A Johannesburg, le Président de la République a proposé à nos partenaires des pays du Nord une réflexion commune sur la dette des pays à revenu intermédiaire, généralement négligée au profit de celle des pays les plus endettés.

L'annulation complète et sans délai de la dette n'est pas à notre portée, Monsieur Lefort. A s'en tenir aux vingt-six pays éligibles à l'initiative PPTE - « pays pauvres très endettés » -, le montant global des dettes atteint 62 milliards de dollars ou d'euros ; quand cette initiative aura été entièrement mise en _uvre, ce montant sera réduit à 22 milliards. Je remercie M. Nesme de ses suggestions à ce sujet.

J'ai pris note de certaines observations intéressantes sur le fonctionnement des institutions multilatérales et la « gouvernance mondiale ». C'est un sujet qui est en train d'évoluer dans le bon sens. Je citerai notamment le nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique, qu'on appelle NEPAD en anglais et NOPADA en français, et qui apporte des nouveautés intéressantes.

Cependant les pays en voie de développement, en particulier nos partenaires africains, souffrent de difficultés pratiques pour participer au fonctionnement des institutions multilatérales. Le sujet a été évoqué à Johannesburg et à Beyrouth en marge des réunions. La France a proposé la mise en place de structures d'appui technique et de conseil.

S'agissant du fonds européen de développement, beaucoup d'entre vous ont relevé les difficultés à obtenir des décaissements rapides. Cette situation nous a conduits à demander au Premier ministre qu'il soit possible en cours d'année, en cas de non-décaissement, d'opérer un basculement sur l'aide bilatérale.

Plusieurs orateurs ont souhaité le développement des partenariats avec la société civile - ONG, collectivités locales, secteur privé. Je redis tout notre attachement à cette démarche, en précisant que la baisse des crédits n'est qu'apparente car il y a eu transfert d'un titre à l'autre.

M. Lefort a évoqué les problèmes de santé. L'accès aux médicaments essentiels passe par l'assouplissement des règles de la propriété intellectuelle, pour permettre une fabrication à faible coût par des industries installées dans le tiers monde. Des négociations sont en cours sur ce sujet ; la date limite a été fixée à la fin de l'année 2002. La France s'active pour aboutir à un succès et a pris la décision de choisir la procédure de l'article 30, qui est la plus favorable à l'octroi de nouvelles flexibilités sur les droits de propriété.

M. Voisin a évoqué la coopération militaire. J'ai indiqué certaines des raisons qui expliquent la diminution régulière, au cours des dernières années, des crédits inscrits à ce titre au budget des affaires étrangères. S'y ajoute le fait que les crédits ne sont jamais consommés dans leur totalité.

Reste que nous considérons la coopération militaire comme plus nécessaire que jamais. Former des armées républicaines est essentiel au renforcement de l'état de droit. Le contexte actuel accroît l'urgence de renforcer les moyens militaires de maintien ou de rétablissement de la paix, notamment en Afrique.

Enfin, vous avez été plusieurs à souhaiter qu'un débat parlementaire permette de temps en temps de faire le point sur la politique de coopération et de développement. Si l'Assemblée nationale le souhaite, je suis sûr que le Gouvernement y sera prêt (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

QUESTIONS

M. François Loncle - Monsieur le ministre, je regrette, tout en ayant apprécié vos réponses, que vous n'ayez pas répondu à nos questions sur l'Irak.

Ma question concerne l'unification européenne. Le Conseil européen a décidé que l'élargissement se ferait en deux temps, avec l'adhésion de dix pays en 2004 et de deux autres, la Bulgarie et la Roumanie, après.

Pouvez-vous nous confirmer l'engagement de Mme Lenoir qui, il y a quelques jours en Bulgarie, a indiqué que la France soutiendrait fortement au sommet de Copenhague l'idée de mentionner 2007 comme date objectif pour ce pays ?

Par ailleurs, je souhaite que vous vous entendiez avec votre collègue de l'intérieur sur la manière dont doivent être traités sur notre sol les ressortissants des pays candidats. Clandestins ou non, ils doivent bénéficier des principes qui fondent nos valeurs communes, figurant dans la charte des droits fondamentaux.

L'application de la convention de Schengen nécessite avec l'élargissement des moyens plus importants. Ce n'est pas une raison pour se comporter comme l'a fait le préfet de la Gironde à l'encontre d'une quarantaine de Bulgares, et pour contester une décision de justice comme l'a fait hier M. Sarkozy. Puisque vous me pressez de conclure, Monsieur le Président, je vous ferai grâce de la lecture de la déclaration très sévère du Premier ministre roumain, M. Nastase, sur la manière dont on traite certains Roumains dans notre pays (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre - La France a noué un dialogue très étroit avec la Bulgarie. En témoigne l'entretien que j'ai eu en octobre dernier avec le ministre des affaires étrangères, M. Passy, la visite de Mme Lenoir sur place et la visite à Paris du Premier ministre, M. Siméon, le 15 novembre.

Nous soutenons la pleine insertion de la Bulgarie dans l'Union européenne et dans l'OTAN. Notre pays a été parmi les premiers à appuyer sa candidature à l'OTAN, que j'ai bon espoir de voir aboutir au prochain sommet de l'Alliance atlantique à Prague. S'agissant de l'adhésion à l'Union européenne, la France est favorable à la fixation de 2007 comme date cible. La feuille de route que le Conseil européen de Copenhague adressera à la Bulgarie comportera un accroissement de l'assistance de pré-adhésion, à laquelle la France apportera bien sûr tout son concours. Il s'agit pour nous de conforter la dynamique de réforme engagée par Sofia, en particulier en matière de lutte contre la corruption et au sujet de l'énergie nucléaire, laquelle implique une exigence de sécurité et de sûreté. Avec notre aide, la Bulgarie peut relever ces défis.

M. Gérard Bapt - Mis en sommeil par les médias depuis plusieurs mois, le dossier tchétchène a fait un retour fracassant dans l'actualité avec la dramatique prise d'otages de Moscou. Si plusieurs dizaines d'otages ont été libérés, plusieurs dizaines d'entre eux ont péri du fait de l'action des gaz mortels utilisés par la police russe pour désarmer le commando. Sans état d'âme, le Président Poutine justifie la méthode retenue par l'impérieuse nécessité de combattre le terrorisme sous toutes ses formes. La France a assez souffert des attentats, notamment en 1983 et en 1995, pour comprendre que l'on condamne sans réserve les actes terroristes. Cependant, le combat contre le terrorisme ne peut pas justifier toutes les dérives. Il faut séparer le bon grain des actions tendant à respecter le droit international de l'ivraie des violations des principes fondamentaux du droit. Vous avez déclaré, Monsieur le ministre : « la force seule est vaine... » lors du sommet bilatéral de Bruxelles du 11 novembre dernier, la France a-t-elle rappelé aux autorités russes que seule une solution politique était susceptible d'installer une paix durable en Tchétchénie ?

M. le Ministre - J'ai rappelé la position français dès le dénouement de ces événements dramatiques. La France condamne le terrorisme sous toutes ses formes, réaffirme son attachement au respect de l'intégrité des frontières et se montre très vigilante quant au respect des droits de l'homme. S'agissant plus précisément de la Tchétchénie, nous sommes convaincus qu'aucun règlement du conflit ne pourra intervenir sans les tchétchènes ou contre eux. Seul un processus politique mettra fin à la crise et la France est déterminée à apporter tout son concours pour qu'il intervienne rapidement.

M. Serge Janquin - L'une des urgences interpellant les consciences en Colombie comme en France concerne la situation des personnes enlevées. L'enlèvement le 11 novembre de Mgr. Jorge Jimenez, président de la conférence épiscopale latino-américaine, est particulièrement inadmissible. Comme les centaines de Colombiens enlevés chaque année, Mgr. Jimenez doit être libéré.

Ma question vise plus particulièrement 23 élus, détenus depuis plusieurs mois. La situation de Mme Ingrid Betancourt - ancienne sénatrice et candidate à la présidentielle - est particulièrement connue dans notre pays. Mais on ne doit pas oublier tous les autres. Permettez-moi de citer notamment le nom du sénateur Eduardo Gechem, qui, au moment de son enlèvement, présidait la commission des droits de l'homme du Sénat colombien.

Le groupe socialiste a saisi l'Union interparlementaire il y a quelques mois et le secrétaire général de cette institution nous a fait savoir qu'une mission de l'UIP se rendrait sur place prochainement.

La France, en la personne de son ambassadeur à Bogota, peut-elle soutenir l'effort méritoire que va accomplir l'UIP pour que Mme Betancourt, M. Gechem et leurs 21 codétenus retrouvent au plus tôt l'affection des leurs et la plénitude de leurs droits ?

M. le Ministre - La situation en Colombie est particulièrement délicate du fait des enlèvements que vous avez évoqués, lesquels se sont multipliés au cours des derniers mois et concernent aussi bien des élus que d'autres victimes civiles. Mme Ingrid Betancourt est ainsi retenue contre son gré par les FARC depuis le 23 février dernier. Les FARC ont du reste rompu toute discussion avec les autorités colombiennes. Le gouvernement français est mobilisé pour obtenir la libération de Mme Betancourt. Je m'en suis entretenu avec le Président Uribe qui est tout disposé à rechercher les voies d'une solution négociée. Le secrétaire général de l'ONU apporte également son soutien à toute démarche allant dans ce sens. Nous nous efforçons de trouver une issue à cette situation douloureuse. Chacun comprend que nous nous mobilisons en priorité pour nos propres ressortissants et pour ceux qu'unissent à la France des liens particuliers.

M. Gérard Bapt - Monsieur le ministre, les liens privilégiés qui nous unissent au Liban nous incitent à la plus grande vigilance quant au respect des libertés publiques et des règles démocratiques de la vie parlementaire dans ce pays. A cet égard, nos préoccupations sont très vives. J'apprenais ce soir à la lecture de l'Orient du jour que l'un des principaux responsables de l'un des partis de l'opposition désormais dissout avait finalement été libéré au terme de quinze mois d'incarcération, aucune charge sérieuse n'ayant pu être finalement retenue contre lui et pas même la prétendue intelligence avec l'ennemi israélien dont on le soupçonnait jusqu'à présent. Récemment, le Conseil constitutionnel libanais a invalidé l'élection d'un député d'opposition et fermé la télévision dont il disposait au motif que son élection était susceptible de causer des troubles dans la région. Le Conseil constitutionnel a déclaré élu le candidat arrivé en troisième position en considérant que la crise irakienne l'imposait !

Ayant vocation à devenir un facteur de paix, de démocratie et de sécurité collective dans le bassin méditerranéen, le Liban est trop cher à nos yeux pour que nous laissions passer de tels manquements aux règles de la vie démocratique. Pouvez-vous, Monsieur le ministre, garantir que tout sera fait pour que l'exercice de la liberté d'expression soit préservé au Liban ?

M. le Ministre - La France entretient avec le Liban une relation de partenariat tout à fait exceptionnelle. 15 000 de nos compatriotes y résident et nous suivons avec beaucoup d'attention l'évolution de la situation politique du pays. A cet égard, la fermeture de MTV-Liban, la condamnation de certains opposants et l'annulation judiciaire de l'élection de M. Murk sont effectivement de nature à nous préoccuper. Nous encourageons les autorités libanaises à _uvrer pour la conciliation nationale et pour la consolidation de la démocratie.

Dans son discours devant le Parlement libanais, le Président de la République a insisté sur le caractère essentiel de la liberté d'expression et de la démocratie. Le chef de l'Etat a également rappelé que l'évolution vers la paix permettrait au Liban et à la Syrie d'harmoniser leurs relations et d'envisager le retrait complet des forces syriennes conformément aux accords de Taeff. Dans le cadre de l'Union européenne, nous avons multiplié les démarches pour défendre les droits de l'homme et inciter au respect des clauses de l'accord d'association. Enfin, nous avons réaffirmé, au sommet de la francophonie de Beyrouth, notre attachement à la déclaration de Bamako tendant à la constitution d'un dispositif d'observation des droits de l'homme dans les différents pays membres.

M. François Loncle - Le Nigeria s'efforce d'entrer dans une modernité compatible avec la démocratie. Il s'agit d'un grand pays, ami de longue date de la France. Cette amitié doit être respectueuse des voies qu'il a choisies pour élargir l'espace des libertés et du droit. Mais elle doit aussi être exigeante, quand le besoin s'en fait sentir, pour l'aider à passer les caps difficiles qui font obstacle aux vents de la rénovation.

Les droits humains sont universels. Leur régionalisation, au nom d'une authenticité culturelle - ou cultuelle - revendiquée ici ou là donne en règle générale un vernis de légitimité à un déni de justice. C'est le cas pour ce qui concerne la situation des femmes dans certaines provinces du nord du Nigeria.

La condamnation à mort par lapidation de Mme Amina Lawal, au mois d'août dernier, pour avoir donné naissance à un enfant hors mariage, est inacceptable. Cette décision sur laquelle M. Bayrou vous a alerté ici-même la semaine dernière a malheureusement été suivie de plusieurs autres condamnations identiques. Ainsi, M. Ahmadou Ibrahim et Mme Fatima Ousma ont été condamnés à la lapidation, pour avoir entretenu une relation extra-conjugale. Le Nigeria se doit de garantir le libre exercice de toutes les religions pratiquées sur son territoire. Etat fédéral, il doit aussi veiller à ne pas empiéter sur les compétences des collectivités composant la fédération. Mais il est des règles de droit universel qui s'imposent à tous. Le respect de la vie et la tolérance mutuelle sont de ceux-là.

La France, Monsieur le ministre, va-t-elle signaler aux autorités nigérianes le profond malaise provoqué par des décisions de justice inhumaines, décrétées en fonction de traditions d'un autre âge ? Notre pays a-t-il effectué les démarches imposées par la situation afin d'empêcher l'exécution de ces sentences inacceptables ?

M. le Ministre - Merci, Monsieur le député, d'exprimer l'émotion légitime que suscitent ces condamnations. Condamnée le 22 mars dernier à être lapidée à mort dès lors que sa fille serait sevrée, Mme Lawal a vu confirmer sa sentence le 19 août. Tout n'est pas perdu cependant. Mme Lawal reçoit l'assistance d'une association de défense des droits des femmes et toutes les procédures d'appel ne sont pas épuisées. Pour elle comme pour tous les autres, nous restons pleinement mobilisés. Le porte-parole du Quai d'Orsay a exhorté les juges nigérians à la clémence.

Nous avons souhaité que cette affaire connaisse le même dénouement heureux que le cas de Mme Husseini Toungar. A nouveau, la présidence de l'Union européenne, le 21 août, a fait état de notre profonde préoccupation. Le 30 septembre, le Conseil de l'Union européenne a fait une déclaration dans le même sens au niveau ministériel, et j'ai personnellement évoqué cette affaire avec le Président nigérian Obasanjo lors d'un entretien le 13 septembre aux Nations unies. Notre diplomatie est mobilisée sur chacun de ces cas, qui touchent à la question si sensible pour nous des droits de l'homme.

M. François Rochebloine - La situation au Proche-Orient est dramatique, alors qu'aucune issue ne paraît envisageable. Cependant, la communauté internationale semble davantage accaparée par le dossier irakien que par le conflit israélo-palestinien auquel le monde paraît s'habituer. Pourtant, chaque jour, des deux côtés, des victimes tombent. La médiatisation est si forte, avec ses images terribles, que l'opinion internationale semble se partager entre lassitude, révolte et indifférence.

La France a toujours privilégié le dialogue entre les parties en adoptant une attitude constructive et originale. Nous avons pu nous réjouir des prises de position du Président de la République qui, récemment encore, se déclarait favorable à la tenue d'une conférence internationale, et à l'envoi sur place d'une force d'observation, qui favoriserait le retour à un processus de paix. Hélas, cette dernière suggestion s'est heurtée à l'opposition déterminée d'Israël, et donc des Etats-Unis. La France, qui a toujours été attachée à une solution négociée, la seule possible, doit revenir au premier plan. Certes la recherche de la paix incombe en premier lieu aux parties elles-mêmes ; mais il est du devoir de la France et de l'Union européenne de prendre des initiatives au service de la paix. Quel rôle la France entend-elle jouer sur ce point dans les semaines à venir ?

M. le Ministre - J'ai déjà souligné le caractère préoccupant de la situation au Proche-Orient et la nécessité pour la communauté internationale de se mobiliser. La France a lancé l'idée d'une conférence internationale, que le quartette a reprise. Une proposition de règlement est à l'étude tendant à l'établissement d'un Etat palestinien d'ici à 2005. Le quartette se réunira à nouveau en décembre et cherchera à préciser la feuille de route pour y parvenir.

La France est convaincue que seule une intervention extérieure peut aider les deux parties à trouver une solution durable. L'essentiel, par cette conférence, est d'ouvrir une perspective politique pour rendre l'espoir aux deux peuples. Une conférence internationale ne permettrait pas de résoudre des questions aussi complexes que celles de Jérusalem, des réfugiés, des frontières, mais elle permettrait de relancer la négociation. La crise irakienne montre bien qu'il y a urgence à traiter celle du Proche-Orient, en commençant par faire adopter par les deux parties une feuille de route comportant des rendez-vous, celui des élections dans les territoires palestiniens, celui d'une réforme institutionnelle. Les tensions sont vives, le sentiment, l'injustice est profond au Moyen-Orient. C'est pour nous une incitation forte à agir en faveur d'un règlement.

M. Jean-Pierre Brard - Je crois à la complémentarité de la coopération entre les Etats et la coopération décentralisée.

Montreuil a développé dès 1985 un programme de jumelage-coopération avec le cercle de Yélimané, dans la région de Kayes, au Mali. Depuis la loi de décentralisation du 6 février 1992, notre ville a entrepris une coopération décentralisée en étroite relation avec ses ressortissants maliens.

M. Jean-Claude Lefort - Une coopération exemplaire !

M. Jean-Pierre Brard - Le mot est faible ! (Sourires)

Je tiens à souligner le rôle essentiel que les migrants jouent dans ce programme au prix d'efforts et de sacrifices importants, d'autant que le ministre de l'intérieur a désigné le Mali comme le prochain partenaire de sa « nouvelle politique de l'immigration ». J'espère qu'il vous en a prévenu ! Peut-être le Gouvernement pourrait s'inspirer de nos dix-sept années de partenariat.

Le codéveloppement, c'est moins de tensions internationales, moins de populations déracinées, c'est plus d'échanges économiques. Le programme Montreuil-Yélimané s'inscrit pleinement dans cette démarche.

Récemment, nous avons signé avec les autorités maliennes et vietnamiennes un accord de coopération pour le développement de la riziculture au Mali.

L'originalité de la démarche, l'engagement d'une collectivité locale, répondant aux attentes de ses partenaires ont conduit M. Jacques Diouf, directeur général de la FAO, à donner son appui à cet ambitieux projet, qui devrait permettre d'atteindre l'autosuffisance alimentaire dans une partie du Mali.

Etes-vous en mesure d'honorer la promesse du Président Jacques Chirac qui voulait faire de l'aide au développement l'une de ses priorités, en vous engageant, politiquement et financièrement aux côtés des gouvernements malien et vietnamien, de la FAO et de la ville de Montreuil pour la réussite de ce projet à la croisée entre coopération décentralisée et coopération interétatique ?

Je vous sens tellement convaincus que j'ai l'espoir que vous nous aiderez à faire en sorte que le riz qui poussera dans la région de Yélimané pourra faire l'objet de transactions grâce au prolongement de la route de Kayes à Niozo du Sahel, désenclavant ainsi cette zone que M. Godfrain connaît bien. Je sais l'intérêt du Président de la République pour notre projet.

M. le Ministre délégué - Je connais la politique de coopération décentralisée que conduit Montreuil avec une localité de la région de Kayes. Le ministère de la coopération y a du reste collaboré. Je connais aussi le programme de coopération trilatéral entre le Mali, le Vietnam et d'autres intervenants pour développer la riziculture. Il s'agit d'un nouveau type de programme conjuguant les compétences de certains pays avec les financements des autres, en y associant des collectivités locales ou des ONG. Ce genre de démarche mérite d'être encouragé.

Je n'ai pas en main les pièces du dossier que vous avez évoqué. Je suis prêt à les examiner avec vous et à me rapprocher de la FAO et du Mali, avec lesquels nous entretenons d'étroites relations, pour voir comment concrétiser ce projet.

Mme Martine Aurillac - Nous sommes nombreux à nous réjouir de l'augmentation de l'aide au développement, et du rééquilibrage en faveur de l'aide bilatérale.

Organisé pour la première fois au c_ur du monde arabe, le sommet de Beyrouth aura permis, en replaçant la francophonie au rang d'une véritable organisation internationale, de lui donner une dimension politique et de manifester une volonté ferme de relancer l'action. Consacré au thème du dialogue entre les cultures et à la diversité culturelle, ce sommet aura permis aux Etats membres, ainsi qu'à l'Algérie dont la présence a été très remarquée, d'exprimer et de démontrer leur engagement au service de la paix.

Indissociable de la mondialisation, qui ne doit pas rester qu'une aventure anglo-saxonne, la francophonie permet aussi de lutter contre les tendances à l'uniformisation du monde. La francophonie est donc plus que jamais à l'ordre du jour.

M. François Rochebloine - Tout à fait !

Mme Martine Aurillac - Quelles sont vos intentions pour conforter les acquis, renforcer la dynamique de Beyrouth, faire enfin de la francophonie un instrument politique efficace au service des peuples dans leurs diversités et le respect de leurs cultures ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre délégué - Sur l'appréciation du sommet de Beyrouth, je vous approuve. La francophonie, devenue organisation internationale, a su se faire entendre ; sa démarche est plus dynamique.

Le Président de la République a indiqué son intention d'augmenter la contribution française à l'organisation internationale de la francophonie ; il a notamment souhaité que la francophonie et son Agence universitaire puissent intervenir plus efficacement dans le domaine de l'éducation.

Un plan de relance budgétaire substantiel devrait être adopté à l'occasion du collectif de cette fin d'année - il abondera le fonds multilatéral unique qui alimente les différents opérateurs de la francophonie.

Je n'oublie pas certains opérateurs, dont on parle moins que d'autres : la délégation des droits de l'homme et de la démocratie ; l'association internationale des maires francophones - programme d'informatisation de l'état civil - ; l'université Senghor - ses capacités d'accueil devraient être renforcées.

M. Bernard Schreiner - Je vous remercie - et je vous prie d'être mon intermédiaire auprès de Mme Lenoir - pour avoir soutenu la tenue d'un troisième sommet des chefs d'Etat membres du Conseil de l'Europe. Ce sommet est très important, notamment dans le cadre des travaux de la future Commission européenne. Il devrait permettre de réaffirmer le rôle éminent du Conseil de l'Europe dans la nouvelle architecture européenne. Je rappelle le soutien apporté par Jacques Chirac à l'occasion du deuxième sommet de 1998 à Strasbourg.

Je vous demande d'user de votre autorité afin que toutes les mesures soient prises pour réaffirmer la vocation européenne de Strasbourg, siège du Conseil de l'Europe, de la Cour européenne des droits de l'homme, du Parlement européen. Strasbourg doit être rendue plus accessible par le développement des moyens de transports aériens ou ferroviaires (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre - Il est hors de question de céder aux pressions qui visent à déplacer le siège du Parlement européen et du Conseil de l'Europe pour remettre en cause le rôle de capitale européenne de Strasbourg (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

L'Etat soutient Strasbourg par le biais de contrats triennaux depuis plus de vingt ans. Nous privilégions en particulier la desserte de cette ville à partir de plusieurs capitales européennes - seul cas, en France, de soutien public à des lignes internationales. Nous sommes déterminés à poursuivre ce soutien au-delà de l'échéance de 2004 en améliorant la qualité de la desserte en direction de plusieurs métropoles européennes, dont Bruxelles. Parallèlement, nous engagerons une réflexion sur l'amélioration de la desserte ferroviaire : le TGV Est, en 2007, reliera Strasbourg à Paris ; il convient également d'améliorer la liaison entre Strasbourg et l'Allemagne - Strasbourg sera alors à une heure de Francfort (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Gérard Grignon - C'est en mars 1989 que la décision fut prise de réunir, avant fin 1991, un tribunal international d'arbitrage pour délimiter la frontière maritime entre la France et le Canada autour de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Les deux pays avaient donc trois ans pour préparer leurs plaidoiries - elles devaient durer trois semaines, en août 1991 à New York.

Dès 1989, le Canada, sous l'égide de l'ambassadeur Mathis, mettait en place une équipe d'une vingtaine de personnes.

En France, seul le directeur des affaires juridiques du Quai d'Orsay, aidé d'un collaborateur, gérait le dossier. Cinq mois seulement avant l'arbitrage, un local de travail fut attribué aux spécialistes français de droit maritime sollicités ; les services d'une secrétaire - deux heures par semaine - leur furent alors accordés ; bref, une disproportion énorme de moyens dans un dossier particulièrement important pour la France puisqu'il s'agissait de défendre l'étendue de son territoire dans cette partie du monde.

Il fallait s'y attendre : malgré la qualité des fonctionnaires et des spécialistes, notre pays a subi un grave échec puisqu'il n'a pas obtenu le cinquième de la superficie qu'il réclamait - mais seulement un couloir étroit, sans réserves halieutiques suffisantes pour faire fonctionner les usines de pêche, sans même un accès direct aux eaux internationales.

Le Canada ne défendait pas les morues mais les énormes gisements d'hydrocarbures découverts dès le début des années 1970.

Les réserves du seul site de la plate-forme Hibernia sont estimées à plus de 50 % de la totalité des réserves de l'Europe du Nord. Quinze autres sites doivent entrer en exploitation dans les années à venir.

Les réserves du gisement gazier de l'île de Sable à l'entre du golfe du Saint-Laurent sont également considérables.

L'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon est situé en plein c_ur de cet immense champ d'hydrocarbures ; c'est Exxon Mobil qui dispose d'un permis de recherche exclusif...

Compte tenu de l'étroitesse de notre zone économique exclusive, les gisements sont obligatoirement transfrontaliers, ils sont l'objet de traités dits d'unitisation qui définissent les délimitations, les modalités d'exploitation, les retombées économiques et financières pour les pays concernés.

Depuis 1999, des négociations bilatérales ont donc commencé entre Ottawa et Paris mais aucun résultat significatif n'est apparu. Depuis décembre 2001, aucune réunion n'a eu lieu ; il semble que la France n'ait mis ni la volonté, ni la détermination, ni les moyens techniques nécessaires pour atteindre les objectifs fixés.

Pendant ce temps, le Canada avance, le conflit de la frontière maritime entre la Nouvelle-Ecosse et Terre-Neuve est réglé, Exxon Mobil jongle avec le temps, et les compagnies pétrolières nord-américaines exploitent les ressources de la région.

J'attire à nouveau votre attention pour vous convaincre que ce dossier représente un véritable enjeu pour la France et qu'il est vital pour l'avenir de Saint-Pierre-et-Miquelon. J'espère dans votre détermination de mettre en place les moyens matériels, techniques et humains nécessaires dans la défense de nos intérêts (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Ministre - L'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon se trouve en effet dans une zone prometteuse en matière de pétrole et de gaz naturel - zone enclavée dans l'aire d'exploitation canadienne.

La France, depuis deux ans, a engagé des négociations avec le Canada sur un projet d'accord bilatéral pour l'exploration et l'exploitation de ces ressources au large de Saint-Pierre-et-Miquelon. Cet accord favorisera des échanges d'information entre les deux pays, facilitera la connaissance réciproque de la géologie régionale, et permettra d'envisager la négociation d'instruments juridiques encadrant l'exploitation des champs d'hydrocarbure transfrontaliers. Les négociations, sur le plan technique, sont pratiquement achevées. La France a souhaité que Saint-Pierre-et-Miquelon bénéficie des retombées économiques de cette exploitation - activités de fournitures de biens et de services aux plates-formes d'exploitation en particulier. Il faut que les sociétés de ravitaillement puissent exercer leurs activités sans discrimination.

La France souhaite que ces négociations aboutissent rapidement, si possible dès le début de 2003. Ce dossier sera défendu par Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, lors de prochaines consultations bilatérales qui pourraient être organisées dès la fin du mois de novembre.

Mme Béatrice Vernaudon - Avec ses trois collectivités - Wallis-et-Futuna, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française - la France est présente dans le vaste océan Pacifique. Sur les vingt-deux Etats et territoires membres de la communauté du Pacifique - à l'exception de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande -, les francophones ne représentent qu'à peine 7,3 % de la population totale, soit un peu plus d'un demi-million de locuteurs sur un total de 7,5 millions d'habitants. Dans ces conditions il ne leur est pas facile de faire entendre leur voix, dans un espace extrêmement dispersé où l'anglais reste majoritaire.

Jusqu'à la fin des années 1980, la France était sur la défensive, face à l'union sacrée, dans le Pacifique-Sud, pour critiquer sa politique : condamnation systématique de nos essais nucléaires ; dénonciation d'une politique jugée trop restrictive quant à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie. Aujourd'hui le paysage politique de la région s'est considérablement modifié.

L'arrêt définitif des expérimentations nucléaires à Mururoa en 1995 et la mise en place d'un statut d'autonomie avancée en Nouvelle-Calédonie ont permis de couper court aux reproches. Les Etats insulaires manifestent un regain d'intérêt pour la France et la francophonie.

Parmi les vingt-deux Etats et territoires de la région, plusieurs - dont la Papouasie-Nouvelle-Guinée qui à elle seule représente plus de la moitié de toute la population d'Océanie avec plus de 3 millions d'habitants - sont classés parmi les pays les plus pauvres du monde. Par ailleurs, la montée des eaux menace plusieurs groupes d'îles micronésiennes déjà handicapées par la pauvreté.

La France a un rôle à jouer pour peu que l'on sache mettre en _uvre des propositions concrètes de coopération avec les Etats de la région et que l'on développe une approche cohérente à leur égard. Pensez-vous que le moment soit favorable à l'accroissement du rôle de la France dans le Pacifique-Sud ? Quels moyens comptez-vous mettre en _uvre pour répondre aux attentes de ces habitants ? Quelle peut être la contribution des trois collectivités françaises d'outre-mer à l'action de notre pays ?

M. le Ministre - Vous avez raison : l'image de la France dans la région pacifique s'est considérablement affirmée au cours des dernières années. Notre pays entretient des relations d'amitié et de confiance avec tous les Etats de la région. Il est, après l'Australie et la Nouvelle-Zélande, le troisième contributeur régional et cette contribution au développement et à la coopération est appréciée. Nous avons pu vérifier tout cela lors de la réunion du forum Pacifique en août dernier et lors de la visite là-bas d'un groupe de parlementaires.

Les positions de la France en matière de développement durable et d'environnement, depuis l'abandon des essais nucléaires, rencontrent un large écho et fortifient son image. La plupart des Etats du Pacifique déclarent désormais que la présence de la France dans la zone est un élément important de stabilité et de prospérité. L'Australie et la Nouvelle-Zélande multiplient les propositions de coopération triangulaire avec notre pays. Nous comptons donc procéder à des échanges de visites à haut niveau. C'est ainsi que notre pays accueillera prochainement le Premier ministre néo-zélandais, Mme Helen Clark.

M. Michel Herbillon - Le Président de la République a été porteur, lors de la campagne présidentielle, d'un grand projet de création d'une chaîne d'information internationale en français. Un tel instrument peut en effet beaucoup accroître le degré d'influence d'une nation sur la scène internationale et la France, puissance économique et diplomatique, ne saurait le négliger. De plus, l'engagement déterminé de la France en faveur de la diversité culturelle - qui passe en particulier par la garantie de la pluralité des sources d'information dans le monde - est une raison de plus pour que notre pays fasse de ce projet ambitieux une priorité.

Mais naturellement il pose de multiples questions. Comment cette chaîne peut-elle s'intégrer dans le paysage audiovisuel extérieur français, déjà très complexe ? Doit-on ou non s'appuyer sur les entreprises audiovisuelles existantes ? Quels seront le format et le champ de diffusion de la nouvelle chaîne ? Doit-on diffuser seulement des programmes en langue française ou bien laisser une place à d'autres langues afin d'élargir son audience ? Enfin, quel sera le financement ?

Je profite de cette question pour saluer la rapidité avec laquelle le ministère des affaires étrangères et celui de la culture ont lancé une réflexion commune pour répondre à toutes ces questions. Où en est-elle ? Quelles sont les pistes envisagées et à quel horizon, Monsieur le ministre, pensez-vous que la chaîne puisse émettre ?

M. le Ministre - Notre objectif est d'assurer la diffusion d'une information française de qualité, et ce dans des régions où la position de la France doit être portée, en particulier l'Afrique et le Moyen-Orient. J'ai fait procéder à un examen technique des différentes options possibles, qui prend bien sûr en compte les opérateurs publics engagés dans l'audiovisuel extérieur - TV5 et France Télévisions. Il serait pas exemple possible de bâtir la nouvelle chaîne à partir de Canal France international, de même qu'il serait envisageable d'utiliser les services de France Télévisions - qui détient les capacités les plus importantes du service public en matière de traitement de l'information internationale ainsi que des bureaux de correspondants à l'étranger. Nous ne devons pas non plus exclure la possibilité d'un partenariat entre public et privé.

Chacune des options étudiées présente des avantages et des inconvénients. L'expertise technique se poursuit donc, nous allons l'approfondir au cours des prochaines semaines, en espérant la conclure au début de l'an prochain, de façon à engager le lancement de la chaîne dans les mois qui suivront.

M. Bruno Bourg-Broc - Le sommet de la francophonie qui s'est tenu à Beyrouth le mois dernier a conforté les orientations décidées lors des deux précédents sommets, en confirmant notamment la vocation politique de la francophonie, qui ne consiste pas seulement en la défense de notre langue.

Il a aussi été décidé de poursuivre la rénovation de la coopération multilatérale francophone, l'objectif étant de rationaliser progressivement l'ensemble des opérateurs. L'agence universitaire de la francophonie a donc été réformée et l'université Senghor d'Alexandrie ainsi que l'agence intergouvernementale de la francophonie ont fait l'objet d'évaluations, qui viennent de s'achever. Comme tous les membres de l'assemblée parlementaire de la francophonie, je suis très attentif à ces questions et j'aimerais donc, Monsieur le ministre délégué, que vous nous disiez les conclusions de ces évaluations et la suite que vous compter leur donner.

M. le Ministre délégué - Je rends hommage à l'action que vous-même et vos collègues de la section française de l'assemblée parlementaire de la francophonie - que j'ai bien connue dans d'autres temps - menez avec détermination. L'ensemble des opérateurs de la francophonie multilatérale ont, comme vous l'avez dit, été soumis à un processus d'évaluation, qui a débuté avec l'agence universitaire de la francophonie et s'est progressivement étendu aux autres opérateurs, l'université Senghor puis l'agence de la francophonie. L'organisation internationale de la francophonie a su tirer les conséquences de ces évaluations en engageant les réformes nécessaires.

L'évaluation de l'AUF a conduit à une révision des statuts et à une profonde réorganisation de l'agence qui, sous la conduite de son nouveau recteur, Mme Gendreau-Massaloux, connaît désormais un nouvel élan.

Lancée en novembre 2000, l'évaluation de l'université Senghor a donné lieu au rapport remis le 29 mars 2001, qui préconise des réformes de fonctionnement, la révision des statuts afin de garantir un meilleur équilibre des pouvoirs entre les différents organes, une meilleure maîtrise des coûts et une augmentation de l'offre de formation de façon à revenir à des promotions de 100 auditeurs. Ces mesures ont commencé à être mises en _uvre sous l'autorité du nouveau recteur, M. Fred Constant.

Enfin, l'évaluation de l'Agence de la francophonie a amené son comité de suivi à élaborer quatre recommandations qui ont été adoptées par le sommet de Beyrouth : adoption d'un cadre stratégique décennal, le premier devant être approuvé par le sommet de Ouagadougou en 2004 ; allongement du cycle de programmation de deux à quatre ans ; amélioration des méthodes de financement ; enfin, simplification du fonctionnement des instances.

Dans tous les cas, il s'agit de donner plus d'efficacité à ces opérateurs.

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions.

J'appelle les crédits inscrits sur la ligne « Affaires étrangères »

ÉTAT B

Titre III

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis - La commission des affaires étrangères avait adopté à l'unanimité un amendement supprimant la mesure nouvelle négative de 6,4 millions d'euros inscrite au chapitre 36-30. Cet amendement ayant été déclaré irrecevable, je présente à titre personnel un amendement 166 qui retranche la même somme des moyens généraux des services du ministère des affaires étrangères, afin d'inviter le Gouvernement à procéder à un redéploiement de ces crédits au profit de l'AEFE.

Les difficultés auxquelles celle-ci est confrontée proviennent de la récente réforme des rémunérations des enseignants résidents, laquelle entraîne un surcoût de plus de 14 %, ce qui fait que le retour à l'équilibre financier de l'agence nécessitera plusieurs exercices.

Il est donc surprenant que le projet de loi de finances prévoie simultanément une mesure nouvelle non reconductible de 15,5 millions d'euros pour financer cette réforme et une mesure nouvelle négative de 6,4 millions , au titre d'une « rationalisation du réseau de l'agence » qui risque de se solder par la fermeture de plusieurs établissements, et ce au détriment de nos objectifs de rayonnement de la langue et de la culture françaises.

Si une réforme de l'AEPE est nécessaire, il faut en saisir le législateur et en débattre. Mais en tout état de cause, le projet de loi de finances n'est pas le bon support pour l'opérer.

C'est pourquoi je vous demande d'adopter cet amendement.

M. le Ministre - Je partage vos préoccupations concernant la situation financière de l'agence mais, comme je vous l'ai dit, je suis assuré d'obtenir en collectif budgétaire les crédits nécessaires à la mise en _uvre raisonnée d'un plan d'adaptation du réseau. Je vous ai dit aussi ma détermination à faire évoluer ce réseau, en le centrant sur le c_ur de ses missions, à savoir scolariser les enfants français et, là où c'est nécessaire, les élites nationales. Au bénéfice de ces engagements, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

M. Bruno Bourg-Broc - Sans préjuger de la bonne utilisation des fonds de l'AEFE, je partage le point de vue de M. Rochebloine. Alors que nous sommes unanimes à vouloir développer la présence culturelle française dans le monde, il est paradoxal de mettre, de fait, dans l'impasse la gestion de l'AEFE, ce qui serait le cas si nous adoptions le budget tel qu'il est présenté. Je suis donc favorable à cet amendement, tout en prenant acte de l'annonce de M. le ministre selon laquelle, en collectif, le tir sera pour une part rectifié.

M. Jacques Myard - Nous sommes devant un cas d'école, qui illustre la beauté et la perversité de la réglementation budgétaire de cette assemblée... Paradoxalement, il nous faut couper certains crédits pour en augmenter d'autres - étrange jeu de billard. On a vu que d'autres chapitres étaient en baisse, Monsieur le ministre : la coopération militaire, et le nombre des agents du ministère. Il est scandaleux que notre département soit le seul mouton de l'Etat qui se fasse tondre sans cesse... Je fais une proposition : puisque nous sommes tous préoccupés par la baisse des crédits de fonctionnement de votre ministère, prenons l'engagement, sur tous les bancs, de faire pression sur Bercy, en vue d'obtenir la remise à niveau de certains chapitres. Mais vous devez, Monsieur le ministre, nous permettre de vous aider. Ne pourriez-vous, en vous rapprochant de son excellence le président de la commission des affaires étrangères, prendre une initiative pour que nous puissions vous aider à obtenir de meilleurs crédits de fonctionnement ? Il s'agit de 6 millions ici, de 7 millions là : ce n'est pas la mort du cheval ! Il est urgent d'agir dans ce but en connivence avec notre assemblée. Je ne peux voter l'amendement de M. Rochebloine, mais sur le fond je partage sa colère.

M. Eric Woerth, rapporteur spécial de la commission des finances pour les affaires étrangères - La commission des finances n'a pas examiné cet amendement. A titre personnel, j'estime que son objectif est légitime. J'ai dit moi-même que l'AEFE manquait de moyens et qu'elle aurait du mal à boucler son budget ; le ministre lui-même en est conscient. Mais nous ne pouvons pas aujourd'hui redéployer de la sorte les crédits de fonctionnement du ministère, qui sont moins importants que les crédits mêmes de l'AEFE : il y a un problème de proportion. Je ne crois pas qu'aujourd'hui les crédits du ministère puissent dégager assez de marges pour boucher le trou de l'AEFE sans créer un trou ailleurs. Il faudra traiter le problème plus sereinement dans le collectif, dans quelques semaines.

M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour les affaires étrangères - La commission des affaires étrangères n'a pas examiné la deuxième mouture de cet amendement, de sorte que je m'exprime à titre personnel ; mais la question a fait chez nous l'objet d'un débat soutenu. On ne voit pas en effet comment l'AEFE pourrait prendre en cours d'année des décisions qui auraient quelque effet sur le budget de l'année calendaire ; le déconventionnement d'un établissement, par exemple, n'aura d'effet qu'à compter du mois de septembre suivant. Il est donc incohérent de demander à l'agence de faire 6,4 millions d'économies sur l'année 2003...

Dès lors il y a deux solutions. Ou bien nous avons un engagement très clair du ministre sur une somme, dut-elle déflorer ce que Bercy voulait peut-être réserver pour une annonce ultérieure. Après tout il est devant la représentation nationale : il peut lui faire des annonces. Ou bien - solution plus compliquée - nous pouvons voter l'amendement, puis faire en sorte que le Sénat rétablisse les moyens généraux du ministère, Bercy ayant entre-temps cédé sur l'AEFE... Avant que nous en décidions, le ministre pourrait peut-être se montrer plus précis sur la nature et le montant de son engagement, car je n'ai pas entendu de chiffre. Nous sommes de vieux parlementaires, et nous nous sommes fait « avoir » plusieurs fois...

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour la francophonie et les relations culturelles internationales - Je comprends bien vos arguments, Monsieur le ministre. Mais je rappelle que l'AEFE a reporté à décembre son conseil d'administration prévu en novembre, précisément pour avoir connaissance des crédits qui lui seront attribués et prendre ses décisions en conséquence. S'il n'y avait que votre parole, je serais d'accord, mais il y a Bercy, et là je n'ai aucune confiance ! Je maintiens donc mon amendement. M. Cazenave vient de vous demander des précisions supplémentaires. Pourquoi nous dire d'attendre le collectif budgétaire, alors que nous pouvons prendre une décision aujourd'hui ? A quoi servons-nous si Bercy décide de tout ? Quand on connaît votre action à la tête de ce ministère, dont on a encore vu les fruits à propos de l'Irak, il est regrettable d'être réduits à discuter de la sorte pour 6,4 millions... Peut-être l'agence a-t-elle en effet besoin d'une réforme. J'ai auditionné sa directrice, une femme remarquable, qui m'a paru animée de cette volonté de réforme. Il faut l'aider, et les discours ne suffisent plus.

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial pour la commission des finances pour la coopération et le développement - Nous sommes peut-être d'anciens parlementaires, Monsieur Cazenave, mais vous témoignez d'une certaine fraîcheur quand vous imaginez pouvoir déflorer Bercy... (Sourires) Rendons service au ministre en votant l'amendement. Après tout ce qui a été fait, notamment l'ouverture d'un lycée français à Kaboul, il serait incompréhensible de soumettre l'AEFE à de telles fluctuations. Oui, en votant l'amendement, chers collègues de la majorité, vous éviterez au ministre des pourparlers interminables ; et, comme nul n'imagine que le ministère puisse être privé de ses moyens généraux, vous rendrez service en définitive au Quai d'Orsay.

L'amendement 166, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Eric Woerth, rapporteur spécial - Par l'amendement 123, je vous propose une mesure d'économie, par la réduction des crédits du Haut Conseil de la coopération internationale. Cet organe satellite du ministère, créé en 1999, a organisé à ce jour divers colloques et séminaires. Son fonctionnement est coûteux et n'a pas fait apparaître une efficacité majeure. Je propose une réduction drastique de 647 909 euros, soit la totalité des crédits de fonctionnement prévus par la loi de finances - à quoi s'ajoutent des postes contractuels et des agents mis à disposition par d'autres ministères. La commission des finances n'a pas officiellement examiné cet amendement, mais elle l'a fait officieusement...

M. Jean-Claude Lefort - Qu'est-ce que cela signifie ?

M. Eric Woerth, rapporteur spécial - Cela signifie qu'on lui a demandé son opinion, et qu'elle a exprimé son assentiment.

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial - « Officieusement », cela n'existe pas. La commission ne l'a pas examiné, c'est tout. Vous n'allez pas refaire la terminologie et les règles du Parlement !

M. Jacques Godfrain, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour la coopération et le développement - Cet amendement trahit un souci légitime de bonne gouvernance, qu'exprime cet adage du Massif central : le premier argent gagné, c'est celui qui n'est pas dépensé... J'indique cependant que le HCCI a produit plusieurs rapports tout à fait intéressants. L'élaboration de son rapport sur la nutrition mondiale, par exemple, a permis de mettre en phase les chercheurs les plus avancés dans le domaine des OGM et les ONG les plus « vertes », qui ont finalement accepté la culture de ces organismes moyennant certaines précautions. Le Haut Conseil apparaît donc comme un lieu où l'on peut susciter dialogue et consensus sur de telles questions de société. Son coût apparaissant toutefois excessif, nous pourrions transiger en décidant une certaine réduction de ses crédits, mais en, maintenant son existence.

M. Jean-Claude Lefort - L'exposé des motifs de cet amendement est surprenant... Nous sommes ici deux membres du HCCI, Jacques Godfrain et moi-même : on ne saurait donc dire que cet organisme ne fait que représenter la société civile. Par ailleurs, qu'y-a-t-il de scandaleux à ce que les représentants de la société civile aient une liberté de ton suffisante pour s'exprimer aussi « hors de cet organisme », comme le dit l'exposé sommaire ? Comme communiste, je sais de quoi je parle ! (Sourires) Vous nous présentez un amendement post-soviétique... (Mêmes mouvements)

Enfin, le HCCI a produit de nombreux rapports et rassemble nombre de personnalités importantes. Dans cette affaire, mon destin personnel m'importe peu ; la question est de savoir si le Gouvernement a besoin d'avoir auprès de lui une instance de réflexion. Un couteau a toujours besoin d'une meule.

M. François Loncle - Cet amendement est mesquin.

M. le Ministre délégué - Après nous avoir dit que les moyens affectés à ce budget étaient insuffisants, on nous propose de faire une économie de quelques centaines de milliers d'euros...

Le Haut Conseil de la coopération internationale a été créé en 1999. Placé auprès du Premier ministre, il émet des avis et recommandations et est chargé de faciliter les échanges sur les actions de coopération publiques ou privées. Ses soixante membres ont été nommés pour trois ans.

Son bilan est contrasté. Il a donné une dizaine d'avis par an, organisé des colloques intéressants, mais on a observé une certaine dispersion dans les thèmes abordés, ainsi que des coûts de fonctionnement trop lourds. Pourtant, il rassemble un potentiel certain d'expertise et a vocation à être un lien de concertation et de réflexion entre les acteurs de la coopération.

Plutôt que de le supprimer, il a paru plus judicieux au Gouvernement de le réformer. Un décret en ce sens a été adopté ce matin même en conseil des ministres (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Il redéfinit les missions du HCCI, prévoit qu'il doit appliquer un programme de travail fixé par le Premier ministre pour trois ans, limite son effectif à quarante-cinq membres, en donnant plus de place aux élus, aux représentants des collectivités locales et au monde économique. Il réduit le budget de fonctionnement de 26 %, en le ramenant de 876 000 € en 2002 à 647 000 € en 2003, et réduit à due proportion le nombre d'emplois.

Cette réforme me semble aller pleinement dans le sens souhaité par M. Woerth, à qui je demande donc de bien vouloir retirer son amendement. Supprimer cette instance de concertation serait adresser un message très négatif au moment où on cherche à favoriser les partenariats.

M. Eric Woerth, rapporteur spécial - Le Gouvernement a été rapide... Preuve, d'ailleurs, que la réforme était nécessaire.

Je propose d'aller un peu plus loin, en réduisant les crédits de 50 % par rapport à 2002, ce qui fait une économie de 210 000 euros.

MM. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial, et François Loncle - Ridicule !

M. Eric Woerth, rapporteur spécial - Un euro est un euro ! Parlez-en à vos électeurs !

M. le Ministre délégué - Aller au-delà de la réduction de moyens souhaitée par le Gouvernement serait mettre en cause le fonctionnement de cette instance. Avis défavorable à ce coup de hache !

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis -Très bien !

L'amendement 123 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les crédits inscrits à l'état B, titre III, mis aux voix, sont adoptés, de même que les crédits inscrits à l'état B, titre IV.

Les crédits inscrits à l'état C, titre V et titre VI, sont successivement adoptés.

M. le Président - Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère des affaires étrangères.

La suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003 est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu demain, jeudi 14 novembre, à 15 heures.

La séance est levée à 23 heures 55.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU JEUDI 14 NOVEMBRE 2002

A QUINZE HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003
(n° 230).

M. Gilles CARREZ, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Rapport n° 256)

Affaires sociales, travail et solidarité, égalité professionnelle ; articles 69 et 70

- Solidarité :

Mme Marie-Anne MONTCHAMP, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Annexe n° 4 du rapport n° 256)

- Action sociale, lutte contre l'exclusion et ville :

Mme Christine BOUTIN, rapporteure pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. (Tome II de l'avis n° 257)

- Formation professionnelle :

M. Jean-Michel FOURGOUS, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Annexe n° 5 du rapport n° 256)

M. Christian PAUL, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. (Tome III de l'avis n° 257)

- Travail :

M. Michel BOUVARD, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Annexe n° 6 du rapport n° 256)

Mme Irène THARIN, rapporteure pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. (Tome IV de l'avis n° 257)

A VINGT-ET-UNE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


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