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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 30ème jour de séance, 78ème séance

1ère SÉANCE DU MARDI 26 NOVEMBRE 2002

PRÉSIDENCE de M. Marc-Philippe DAUBRESSE

vice-président

Sommaire

      VOTE ET ÉLIGIBILITÉ DES ÉTRANGERS 2

      EXPLICATIONS DE VOTE 27

      ERRATUM 30

La séance est ouverte à neuf heures.

VOTE ET ÉLIGIBILITÉ DES ÉTRANGERS

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi constitutionnelle de M. Jean-Marc Ayrault et de plusieurs de ses collègues, visant à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux élections locales des étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France.

M. Bernard Roman, rapporteur de la commission des lois - La présente proposition de loi constitutionnelle vise à accorder aux résidants étrangers non ressortissants de l'Union européenne le droit de vote et d'éligibilité aux élections locales, à savoir les conseils municipaux, les conseils régionaux et généraux, l'Assemblée de Corse, et les conseils des collectivités territoriales d'outre-mer.

Nous avons déjà débattu de cette « République des proximités » chère à M. Raffarin - qui y voit surtout une République sénatoriale, alors que la proximité doit d'abord s'adresser aux citoyens.

M. Jean Leonetti - Vous auriez pu attendre un peu avant de déraper !

M. le Rapporteur - Pourquoi tant de réticences à soutenir notre proposition, alors que le Président de la République et le Premier ministre nous ont récemment assurés de leur volonté d'améliorer l'accueil des étrangers en situation régulière ? Ils sont aujourd'hui 3,3 millions dans ce cas, dont 80 % disposant d'un titre de séjour d'une durée de validité de dix ans.

La démocratie de proximité restera inachevée tant que ces personnes, qui sont intégrées, paient leurs impôts et leurs cotisations sociales, participent à la vie de leurs entreprises, à la vie associative, sont souvent parents d'enfants Français, verront leurs droits s'arrêter à la porte des bureaux de vote. Il ne s'agit donc plus d'intégration, mais d'égalité des droits : s'ils ne sont pas tous Français, ils appartiennent à cette « France d'en bas » dont vous affirmez être proches, en attendant de se voir reconnaître le droit de choisir leurs représentants dans les collectivités locales, voire de s'y engager eux-mêmes.

L'égalité est rompue en France, depuis la révision constitutionnelle du 25 juin 1992 qui accorde le droit de vote et d'éligibilité aux ressortissants communautaires pour les élections municipales. Si certains maires - souvent de gauche - associent leurs administrés étrangers à l'exercice de la démocratie locale, le juge administratif censure systématiquement les délibérations qui organisent les élections de conseillers associés représentant les résidents étrangers, de même que les délibérations prises par les conseils municipaux en leur présence. Un amendement de M. Dosière au projet de loi relatif à la démocratie de proximité visait à étendre la consultation des habitants de la commune à toute personne concernée par les décisions en cause. Le Sénat l'a malheureusement repoussé. Le texte présenté aujourd'hui est donc non seulement opportun, mais nécessaire.

M. Thierry Mariani - Que ne l'avez-vous proposé avant ?

M. le Rapporteur - Nous sommes aujourd'hui la lanterne rouge de l'Europe, avec le Luxembourg, la Grèce et l'Autriche.

M. Thierry Mariani - Et l'Allemagne !

M. le Rapporteur - L'Irlande, la Suède, le Danemark, les Pays-Bas, accordent aux étrangers le droit de vote et d'éligibilité aux élections locales, après une certaine durée de résidence, et l'Allemagne, justement, prévoit d'en faire autant prochainement.

M. Thierry Mariani - C'était déjà dans le programme du SPD, il y a quatre ans, mais les socialistes allemands ne tiennent pas plus leurs promesses que les socialistes français ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Rapporteur - Si certains collègues sont chatouillés par l'idée d'accorder le droit de vote aux élections locales aux étrangers, M. Mariani, lui est tout excité ! (Sourires)

Ceux qui feignent de ne pas comprendre pourquoi les socialistes n'ont pas inscrit à l'ordre du jour du Sénat la proposition de loi constitutionnelle adoptée par l'Assemblée nationale le 3 mai 2000 auraient-ils oublié l'hostilité avérée, affichée de la Haute assemblée à cette réforme ? Le Gouvernement de Lionel Jospin a préféré, sagement, privilégier des textes susceptibles d'être adoptés définitivement.

Vous faites un dogme du lien entre nationalité et citoyenneté. Pas moi. Cela se conçoit lorsqu'il s'agit d'élections nationales, mettant en jeu l'exercice de la souveraineté, mais il s'agit ici d'élections locales. N'oublions pas que les hommes et les femmes, à qui vous refusez le droit de vote, sont ceux que nous sommes allés chercher lorsque notre pays avait besoin des leurs (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

M. Thierry Mariani - C'était il y a quarante ans !

M. le Rapporteur - Il est scandaleux d'en faire aujourd'hui des citoyens de seconde zone. Au niveau local, la citoyenneté se fonde sur la résidence, non la nationalité. Les conseils des collectivités territoriales, dont les effectifs, je le rappelle, sont fixés en fonction du nombre d'habitants, indépendamment de leur nationalité, doivent être l'expression de l'ensemble des habitants. Or, dans certains quartiers de nos villes, ce sont 20 %, voire 40 % des habitants qui sont étrangers et, de ce fait, privés du droit de vote ! C'est pourquoi nous proposons une citoyenneté de résidence pour tous les étrangers régulièrement installés en France, après cinq années de résidence.

Nous sommes les héritiers de Jaurès (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), et voulons la « démocratie jusqu'au bout ».

M. Claude Goasguen - Vous ne l'avez jamais lu !

M. le Rapporteur - Le droit de vote et d'éligibilité aux élections locales est nécessaire à la reconnaissance d'une pleine citoyenneté des résidents étrangers. Le Premier ministre préfère, dit-il, privilégier l'acquisition de la nationalité.

M. Robert Pandraud - Il a raison !

M. le Rapporteur - S'il faut évidemment améliorer les procédures, il ne faut pas en faire un objectif exclusif, encore moins une obligation.

La citoyenneté, au moins sur le plan local, ne se réduit pas à la nationalité. Si ce qui est vrai pour les ressortissants européens ne peut l'être pour les autres, il faut que vous expliquiez le sens donné à cette différenciation - ou plutôt à cette discrimination (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Claude Goasguen - La différenciation, c'est l'Europe qui l'établit !

M. le Rapporteur - Cette question fait appel, chez chacun d'entre nous, à ses convictions les plus fondamentales. Le groupe socialiste présente ce texte au nom de l'idéal républicain.

M. Manuel Valls - Très bien !

M. le Rapporteur - Nous pensons que les mêmes droits doivent être reconnus à toutes les femmes et à tous les hommes qui vivent dans notre pays, pourvu que leur résidence soit régulière et durable, ce qui est le cas des personnes auxquelles s'adresse la réforme que nous proposons. Le principe d'égalité ne s'accommode pas de la moindre discrimination. Nous nous honorerions en l'admettant, faisant nôtre ce propos d'Albert Camus « Si l'homme échoue à concilier la justice et la liberté, alors, il échoue à tout » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Thierry Mariani - Vous échouerez longtemps !

M. Claude Goasguen - Vous avez consulté le Dictionnaires des citations !

M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement - Je veux tout d'abord excuser l'absence de M. le Garde des Sceaux, retenu loin de Paris par des engagements prévus de longue date.

La présente proposition de loi du groupe socialiste tend à modifier notre Constitution afin de conférer aux étrangers qui résident en France et ne sont pas ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne le droit de vote et d'éligibilité pour l'élection des conseils de toutes les collectivités territoriales.

La France est un pays de migration ; une partie importante de la population française est issue de l'apport continu des migrants qui, au cours des siècles, ont construit notre pays. Aujourd'hui, plus de 4 millions d'étrangers vivent sur notre sol.

La tradition d'accueil de la France s'est toujours accompagnée d'une volonté d'intégration et même d'assimilation. C'est là une donnée fondamentale de l'idée républicaine de la nation. Mais cette volonté d'intégration, reconnaissons-le, a plus d'assise dans les mots que dans les faits. Le modèle d'intégration républicaine est en panne. Plus grave, la République se fissure : beaucoup de ceux qui la composent ne se parlent plus, ne s'écoutent plus, ne se respectent plus. Ceux qui avaient vocation à la diriger ont privilégié trop longtemps le silence gêné ou les leçons de morale déplacées (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean Leonetti - Très bien !

M. le Secrétaire d'Etat - Cette proposition de loi fait fausse route : elle ne répond ni à l'objectif qu'elle prétend poursuivre, ni aux besoins de notre République.

Nous avons la ferme conviction que notre pays a d'abord besoin de ressouder son pacte républicain, ce qui passe par une véritable politique d'intégration, à la fois généreuse, réaliste et ambitieuse.

Votre proposition de loi contient un certain nombre de contradictions et d'incohérences juridiques fortes. Plus grave, elle ne répond pas aux objectifs affichés, car elle rompt le lien qui, sans discontinuer depuis 1789, unit nationalité et citoyenneté.

J'observe tout d'abord qu'elle concerne des ressortissants étrangers qui, du fait de leur nationalité, conservent un lien d'allégeance avec leur Etat d'origine. Or, la réciprocité est le principe essentiel qui gouverne les relations entre les Etats et entre leurs ressortissants respectifs. Je crois comprendre que, dans l'esprit des auteurs du texte, il ne s'agirait à aucun moment d'exiger l'application de ce principe. Ainsi, un citoyen de nationalité algérienne, ou marocaine, pourrait voter à la fois dans son pays d'origine et dans le nôtre, alors qu'un citoyen français installé en Algérie ou au Maroc ne pourrait exercer ce même droit dans ces pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

En l'état de nos engagements internationaux, le processus de construction d'une citoyenneté européenne est le seul fondement cohérent de la reconnaissance à des étrangers du droit d'être électeurs, voire d'être éligibles.

M. Claude Goasguen - Très bien !

M. le Secrétaire d'Etat - De plus, votre proposition a un champ plus étendu que les textes qui ont autorisé des étrangers ressortissants de l'Union européenne à participer à certains scrutins politiques. Tout d'abord, elle tend à accorder le droit de vote et le droit d'éligibilité à tous les scrutins locaux : élection des conseils municipaux, des conseils généraux et des conseils régionaux. Ainsi, ce que notre Constitution n'a pas reconnu aux étrangers de l'espace européen, vous proposez de le donner aux ressortissants des autres Etats du monde.

M. Claude Goasguen - Très bien !

M. le Secrétaire d'Etat - Ceci explique sans doute le dépôt in extremis d'un amendement pour tenter d'y remédier.

M. le Rapporteur - Pas in extremis : en même temps que le texte lui-même !

M. le Secrétaire d'Etat - Il est permis de se demander si cette incohérence ne pourrait être qualifiée de discriminatoire en droit communautaire, et si la France ne serait pas ainsi exposée à une censure de la Cour de justice des communautés européennes.

En second lieu, et contrairement à la rédaction retenue par le pouvoir constituant le 25 juin 1992 la présente proposition de loi ne prévoit aucune limitation relative à l'exercice des fonctions de maire, d'adjoint au maire et de toutes fonctions qui appellent leurs titulaires à participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l'élection des sénateurs. La rédaction de l'article 88-3 de la Constitution prévoit expressément cette réserve en ce qui concerne les étrangers ressortissants d'un Etat de l'Union européenne - réserve qui trouve sa raison d'être dans la combinaison des articles 3 et 24 de la Constitution, lesquels laissent aux seuls citoyens français le soin de désigner les sénateurs, puisque ces derniers exercent la souveraineté nationale et que les délégués des conseillers municipaux, les conseillers généraux, les conseillers régionaux et les conseillers de l'Assemblée de Corse participent à l'élection des sénateurs.

L'adoption de ce texte reviendrait à provoquer une seconde contradiction dans notre ordre constitutionnel, en conférant plus de droits aux ressortissants d'Etats qui ne se sont pas engagés avec la France dans le processus de construction de la citoyenneté européenne, qu'aux nationaux des Etats qui, eux, poursuivent cet objectif.

La comparaison que certains font avec la participation des étrangers à certaines autres élections n'est pas valable. Les étrangers sont d'ores et déjà titulaires, c'est vrai, du droit de vote et du droit d'éligibilité en matière sociale, qu'il s'agisse de l'élection des délégués syndicaux, des délégués du personnel, des membres de comités d'entreprises, ou de représentants des assurés sociaux.

Mais il s'agit là d'élections professionnelles, qui renvoient à l'exercice, par chaque électeur, d'une profession ou d'une activité, et non de sa qualité de citoyen, comme c'est le cas des élections politiques. L'exercice des droits civiques ne peut se confondre avec la contribution que chacun apporte à la vie économique et sociale : les droits et les obligations qui sont attachés à l'un comme à l'autre diffèrent. C'est la souveraineté politique qui est en cause aujourd'hui - et vous devez vous-même en être convaincus car cet argument n'était pas le plus fort de votre exposé.

M. Manuel Valls - Tous les arguments sont forts !

M. le Secrétaire d'Etat - L'opposition du Gouvernement repose sur une raison plus profonde encore : votre texte, s'il était adopté, provoquerait la rupture du lien entre nationalité et citoyenneté. Votre proposition de loi fait fausse route car elle inverse la logique éprouvée de l'intégration.

Le véritable enjeu, pour les étrangers durablement installés sur notre territoire, c'est l'insertion dans la communauté nationale. Nous ne souhaitons pas qu'elle s'opère au rabais, sous la forme d'une sous-citoyenneté. L'insertion dans la communauté nationale repose sur une citoyenneté à part entière, grâce à l'acquisition de la nationalité française, à l'appartenance à une communauté nationale, enjeu symbolique et réel bien plus large que la seule participation à la vie politique locale à travers le droit de vote.

Notre droit de la nationalité est particulièrement ouvert : il n'exige pas que la personne étrangère renonce systématiquement à sa nationalité première en devenant française. Notre droit interne admet le principe de la double nationalité, sauf à l'égard de certains Etats européens auxquels la France est liée par la convention du Conseil de l'Europe du 6 mai 1963.

Notre droit offre en outre des conditions particulièrement favorables si on les compare à celles de nos voisins européens : acquisition de la nationalité française à la majorité pour les jeunes étrangers nés en France et y ayant résidé durant cinq ans ; accès par mariage sous certaines conditions, naturalisation enfin, pour les personnes qui n'ont vocation à devenir françaises ni par la naissance en France ni par le mariage.

C'est précisément sur l'amélioration du traitement des procédures de naturalisation que le Gouvernement entend porter ses efforts. Tout étranger majeur vivant en France depuis cinq ans peut demander à être naturalisé dès lors qu'il est en situation régulière, n'a pas subi de condamnations et justifie d'une autonomie matérielle et d'une aptitude minimale à l'usage de la langue. Le ministre des affaires sociales prépare des mesures pour accélérer le traitement des dossiers et parvenir ainsi à un délai d'instruction raisonnable - de l'ordre d'une année et, en tout cas, inférieur à dix-huit mois. Cela contribuera à réduire certaines situations de non-droit insupportables.

Non, le texte proposé n'apporte pas la réponse que notre pays attend. L'approche doit être d'une autre nature. La France a besoin d'une véritable politique publique de l'intégration, structurée et coordonnée, capable de recréer ce « vouloir-vivre ensemble » qui fonde la cohésion d'une nation. Comme l'a dit le Premier ministre, « la Marseillaise sera d'autant moins sifflée qu'elle sera entonnée par tous » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Une politique de l'intégration, c'est faire en sorte que les enfants de l'immigration aient tous les mêmes droits et les mêmes devoirs. C'est faire en sorte qu'ils puissent échapper à cette alternative sans issue entre deux images : celle de Zidane - c'est-à-dire l'inaccessible - et celle du jeune dealer qui gagne plus qu'un jeune diplômé - c'est-à-dire l'inacceptable. C'est faire en sorte que les enfants de l'immigration puissent, comme les autres, tracer leur chemin de vie et de réussite.

Cette refondation repose sur trois piliers.

Le premier, c'est une politique de l'immigration assumée, à la fois humaine et ferme. Elle consiste à avoir le courage de dire qu'il est impossible d'accueillir sur notre sol tous ceux qui le désireraient. Elle implique également que soit réformée la procédure du droit d'asile : le Gouvernement s'est ainsi engagé à réduire, d'ici au 1er janvier 2004, les délais d'instruction des demandes d'asile à deux mois, au lieu de deux ans en moyenne aujourd'hui. Corollaire de cette réforme, il faut organiser efficacement la politique de retour en multipliant les accords avec les pays-sources, comme cela a été fait avec la Roumanie et l'Afghanistan, et va l'être avec le Mali et la Bulgarie. Pour la première fois, un gouvernement gère le dossier de l'immigration à sa racine, en amont (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Et ce n'est pas par hasard si la France a fait pression, à Johannesburg, pour relancer l'aide publique au développement, et montré elle-même l'exemple en relevant de 24 % le montant de cette aide dans le budget 2003.

Le deuxième pilier, c'est le contrat d'intégration proposé par le Président de la République à Troyes, le 14 octobre dernier. Ce contrat, qui définira les droits et les devoirs des étrangers arrivant sur notre sol, ouvrira droit à une série de prestations de formation au français, d'orientation vers la formation professionnelle et d'accès au service public de l'emploi. Il devra aussi faire partager les valeurs de la société française, dans le respect de la diversité de chacun. Oui, notre ambition est de recréer un lien social, et ce « contrat d'intégration » y contribuera, en suscitant une volonté renouvelée d'adhésion à la République, en assurant l'égalité des droits et en rétablissant l'égalité des chances.

Troisième pilier : la lutte contre toute forme d'intolérance et de discrimination. Il s'agit d'une lutte de tous les instants contre les mille et une discriminations de la vie quotidienne : accès à l'emploi, au logement, au loisir... C'est dans cet esprit que le Gouvernement a engagé des démarches en vue de créer une autorité administrative indépendante, qui sera une structure de médiation chargée de lutter contre toutes formes de discriminations. Nous nous attacherons aussi à mettre en avant les talents des hommes et des femmes issus de l'immigration qui sont l'honneur de la France.

Telles sont les grandes lignes de notre politique d'intégration, que nous voulons à la fois généreuse et réaliste et dont le pragmatisme sera gage d'efficacité. Avec le rétablissement de l'autorité de l'Etat, elle sera la meilleure réponse à apporter au message que nous ont adressé les Français le 21 avril dernier.

Le débat sur le droit de vote ne doit pas occulter celui, plus fondamental, sur l'acquisition de la nationalité. Il faut en effet clarifier les conditions d'attribution de celle-ci. C'est sur ce terrain-là que le Gouvernement entend agir en matière d'intégration des personnes étrangères durablement installées en France. Comme l'a dit le Premier ministre en installant le Haut conseil à l'intégration le 24 octobre dernier, « n'ouvrons pas la porte du droit de vote aux étrangers pour refermer celle de l'accès à la nationalité » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Manuel Valls - Le moment semble venu d'avoir un débat serein sur le vote et l'éligibilité des étrangers non communautaires. La contribution d'Yves Jego, qui vient s'ajouter aux propos de Gilles de Robien ou de Jean-Louis Borloo, nous confirme que l'inscription d'un tel débat à notre ordre du jour est pertinente. Les esprits ont évolué, en effet, et nos concitoyens semblent désormais prêts à une telle avancée.

M. Thierry Mariani - Vous avez eu cinq ans !

M. Éric Raoult - Vingt-deux ans même !

M. Manuel Valls - C'est bien la construction d'un nouveau rapport à la nation qui est en jeu. Les Français ne comprennent plus ce que nous entendons par « vivre ensemble », et le pacte républicain s'en trouve miné. En n'adaptant pas notre conception de la nation à la mondialisation, à la construction européenne et aux évolutions de la société, nous avons laissé s'affaiblir l'idée de nation, ce qui a fait le jeu du Front national (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Rudy Salles - Quel aveu !

M. Manuel Valls - Abandonner cette thématique aux extrémistes est insupportable. C'est pourquoi, conscients que nous n'avons pas fait preuve d'assez d'audace sur ces questions, nous présentons à nouveau - après le vote positif de l'Assemblée nationale, le 3 mai 2000 sur la proposition de loi de M. Noël Mamère - une proposition de loi constitutionnelle sur le sujet. Je crois qu'il est tout à l'honneur de notre groupe de reprendre ainsi le fil du débat.

Oui, comme le disait Renan, la nation reste « un principe spirituel ». Elle ne doit pas être une affaire de couleur de peau, de religion ou d'origine... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Plusieurs députés UMP - On n'a jamais dit le contraire !

M. Manuel Valls - Il faut réparer l'ascenseur social. Cela passe avant tout par l'école, qui doit aussi enseigner la citoyenneté et redonner leur force à la loi et à l'autorité républicaine.

L'intégration à la française marche mal. Notre modèle n'intègre plus, il exclut. Nous cumulons les inconvénients du communautarisme anglo-saxon - dont nous n'avons même pas les avantages - et les blocages de notre propre modèle.

M. Thierry Mariani - C'est le bilan des années Jospin !

M. Manuel Valls - Les résultats de l'élection d'Orange montrent que personne n'a de quoi être fier ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

La blessure coloniale qui n'est toujours pas refermée, une ségrégation à la fois ethnique, sociale et territoriale : voilà ce dont souffrent les populations qui bénéficieraient de l'extension du vote aux étrangers non communautaires.

La France ne doit pas se contenter d'exiger, elle doit aussi donner. Dire cela, ce n'est pas renoncer à maîtriser les flux migratoires. Une politique européenne d'immigration et de véritables mécanismes de coopération avec le Sud sont en effet plus que jamais indispensables. Nous devons considérer les populations issues de l'immigration comme une richesse et nous donner les moyens de les intégrer pleinement à la communauté nationale.

Le contrat fixant les droits et les devoirs ne doit pas être proposé seulement aux nouveaux arrivants, mais aussi à tous ceux qui sont installés sur notre territoire depuis au moins cinq ans. Les droits de vote et d'éligibilité s'inscrivent tout naturellement dans le cadre de la « citoyenneté de résidence » défendue par M. Roman.

Notre modèle d'intégration en a besoin, car les populations issues de l'immigration extra-européenne se sentent oubliées par la République. Promotion sociale, égalité, droit d'exercer son culte, reconnaissance de la culture : tous oubliés par la République ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

La ségrégation territoriale surdétermine le parcours de chacun. Un enfant grandissant en ZUP a beaucoup moins de chances que d'autres de devenir médecin, ingénieur, député. Je préconise donc une discrimination positive, fondée non sur des critères ethniques mais territoriaux et sociaux, comme pour les zones d'éducation prioritaire. Nous devons faire preuve de volontarisme, notamment pour faciliter l'accès à la fonction publique.

Nous avons du mal à croire en la politique d'intégration du Gouvernement quand nous le voyons dans le même temps remettre en cause la priorité donnée jusqu'ici à l'éducation nationale - sans parler des autres services publics.

A la ségrégation territoriale s'en ajoute une autre, invisible parfois mais que chacun ressent : les jugements au faciès, dont sont victimes en particulier les jeunes qui se présentent sur le marché de l'emploi ou qui cherchent un logement. Il faut donc renforcer la lutte contre les discriminations.

Il nous faut aussi assurer pleinement la diversité de notre République. L'Islam est désormais la deuxième religion de France. Nous devons l'aider à organiser son culte et à se doter d'institutions représentatives, dans le respect de la laïcité et de la neutralité religieuse. La fin d'une lecture rigide de la loi de 1905 et la reconnaissance pour la République du fait religieux doivent, comme le préconise Régis Debray, redonner tout son sens à une laïcité respectueuse des choix et de l'histoire de chacun.

Voter, c'est aller vers l'intégration. En accordant le droit de vote à tous les résidents, nous élargissons le champ de la citoyenneté à ceux qui - comme mes parents - restent attachés à leurs racines et qui ne souhaitent donc pas acquérir la nationalité française. Donner le droit de vote à la première génération, c'est faire passer un message aux suivantes : c'est leur dire que la France a de la considération pour leurs parents, qu'elle a de la reconnaissance envers ceux qui lui ont tant apporté, qui ont travaillé sur les chaînes des usines automobiles, dans les mines, la sidérurgie ou le bâtiment - ou qui, pour certains, sont morts pour la France.

Ce n'est pas désacraliser le vote que de le considérer aussi comme un vecteur d'intégration. Sinon, il faudrait revenir sur le vote des résidents communautaires (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Comment accepter qu'un Algérien ou un Sénégalais n'aient pas les mêmes droits qu'un Danois venu travailler pour quelques années seulement ? Comment accepter que des femmes et des hommes payant leurs impôts (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et participant pleinement à la vie de leur commune n'aient pas la possibilité de s'exprimer sur le devenir de celle-ci ? Et ce au moment même où nous réfléchissons à l'approfondissement de la démocratie locale !

Aujourd'hui, les droits que nous reconnaissons aux étrangers non communautaires s'arrêtent à la porte des bureaux de vote. Une telle discrimination est indéfendable (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Ce débat ne pourrait pas supporter la stigmatisation des positions des uns et des autres au cours des vingt dernières années.

Cette question n'a déjà que trop servi les querelles stériles et les arrière-pensées politiciennes ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Il faut que cela change ! La France est une nation : elle crée des repères communs, elle s'enrichit des apports des nouveaux venus. En un mot, elle évolue - on ne naît pas Français, on le devient. Ne brisons pas ce mouvement !

La France est aussi une République, c'est-à-dire, selon le mot de Jaurès, un acte permanent de confiance en l'homme. Faisons donc confiance et réactivons la République des possibles, une République qui, jusque dans sa représentation nationale, corresponde mieux à la réalité de notre société : c'est l'un des prolongements à donner au 21 avril et à la crise de confiance actuelle.

Pour reconstruire notre rapport à l'idée « France », pour faire aimer la France, nous devons faire un geste qui donne des repères pour l'intégration. Alors ceux qui, comme l'enfant de Senghor, « ont grandi à l'ombre » de notre pays se sentiront appelés à une communauté de destin.

Ensemble, saisissons cette chance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Éric Raoult - Si Jospin avait parlé en ces termes...

M. Claude Goasguen - ... Vous auriez perdu les élections !

M. Rudy Salles - Je ne puis m'empêcher de penser aux nombreux débats que nous avons eus ici sur les questions de la nationalité ou du droit des personnes, toutes questions essentielles dans une démocratie - et qui relèvent exclusivement du Parlement, en vertu de l'article 34 de la Constitution. Nous avons pu alors confronter des visions différentes de la société et de la responsabilité individuelle. Au contraire, aujourd'hui, on recherche, non le consensus, mais l'affrontement idéologique, et ce sur un sujet sensible, qui a permis aux extrêmes de prospérer : c'est ainsi qu'alors que l'extrême droite recueillait moins de 1 % des voix au début des années quatre-vingt, Jean-Marie Le Pen a pu figurer au deuxième tour de la dernière élection présidentielle ! Tel est le résultat des politiques menées de 1981 à 1986, de 1988 à 1993 et de 1997 à 2002, et notamment d'une politique de l'immigration s'apparentant à un laxisme très poussé ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Manuel Valls - Caricatural !

M. Rudy Salles - M. Valls l'avoue lui-même aujourd'hui dans Libération : « Nous n'avons pas servi l'idée de la nation, nous l'avons même affaiblie, ce qui a fait le jeu du fanatisme et du Front national » ! Que ne nous avez-vous écoutés ? Nous aurions fait l'économie de vingt ans d'errements et d'aveuglement idéologique, et nous n'en serions pas là !

M. Manuel Valls - Je parlais pour nous tous !

M. Rudy Salles - Cette proposition de loi n'est qu'un nouveau chiffon rouge, reprenant une vieille proposition de la gauche, sans cesse agitée mais jamais appliquée en quinze ans de pouvoir ! Le sujet méritait mieux.

Tout d'abord, le dépôt d'une proposition de loi dans le cadre de la fenêtre parlementaire est de nature à susciter des réactions, à provoquer une opinion très divisée sur ce type de réforme. La population étrangère risque fort de faire les frais de cette agitation, du fait d'une gauche qui ne cesse décidément pas de jouer à l'apprenti sorcier.

Alors que le débat devrait être plus pragmatique que dogmatique, la gauche a toujours fait de cette question un enjeu idéologique, refusant que l'on développe des argumentations différentes pour tendre vers une finalité commune : l'intégration des étrangers.

Car l'intégration des étrangers en France est un défi qui nous est lancé à tous. Le relever suppose-t-il qu'on leur accorde le droit de vote ? Je n'en suis pas sûr, je pense même qu'il ne s'agit pas d'un préalable. En effet, les étrangers demandant le droit de vote aux élections locales ne sont qu'une petite minorité. Même, on constate que lorsque la possibilité leur a été ouverte par la loi du 27 février 2002 de participer à l'élection des conseil de quartiers, le nombre de ceux qui l'ont saisie a été infime.

L'intégration fait appel à des notions dépassant les étrangers eux-mêmes. Son résultat est en effet étroitement lié à notre capacité à transmettre les valeurs de la République. Ses réussites ou ses échecs sont ainsi le reflet de notre propre réussite ou de notre propre échec à faire aimer et respecter la France. Quand quelques centaines ou quelques milliers d'individus sifflent La Marseillaise au stade de France en présence d'un Premier ministre sans réaction... (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Manuel Valls - Quel rapport ?

M. Rudy Salles - ...l'intégration recule, car les symboles eux-mêmes sont bafoués ! C'est pourquoi, j'ai déposé une proposition de loi tendant à condamner à 7 500 euros d'amende quiconque insulte le drapeau ou l'hymne national, cette condamnation pouvant être aggravée par une peine de prison quand le délit est commis en réunion. Et cela, je l'ai fait sous la précédente législature, bien avant le match France-Algérie.

En revanche, quand dans le même stade de France des milliers de jeunes agitent des drapeaux tricolores et chantent La Marseillaise en acclamant l'équipe de football black-blanc-beur, je me dis que l'intégration progresse. Elle se nourrit en effet davantage de symboles que de bulletins de vote.

D'autre part, la mesure que vous proposez risque de se retourner contre les étrangers eux-mêmes, en les faisant entrer dans une catégorie de citoyens de seconde zone. Le meilleur moyen d'intégrer un étranger est bien plutôt de lui conférer la nationalité française, avec tous les droits et tous les devoirs qui s'y rattachent. Or, en la matière, notre législation a besoin de la plus grande clarté : la création de plusieurs catégories de citoyens ajoutée à la complexité des modes de scrutin ne semble pas aller dans cette direction.

Ce que je déclarais il y a plusieurs années au Garde des Sceaux, lors du débat sur la nationalité vaut encore ! L'acquisition de la nationalité française doit être un moment qui marque une vie. Ce moment doit donc revêtir une solennité particulière et non consister à recevoir dans sa boîte aux lettres un certificat entre une facture d'électricité et des publicités. Comme pour le mariage, il devrait donner lieu à une véritable cérémonie, où le Français naturalisé s'engagerait devant témoins à respecter la France et ses valeurs républicaines. Et je ne serais pas choqué qu'on lui demande de chanter ou de réciter le refrain et le premier couplet de La Marseillaise, à l'instar de ce que prévoit la législation américaine. Je ne serais pas choqué non plus si l'hymne national était enseigné dans les écoles, à tous les enfants, français ou non. Dès cet instant, le Français naturalisé deviendrait un citoyen à part entière. Ce sont là des symboles forts aux vertus intégratrices évidentes mais que le Garde des Sceaux auquel je faisais allusion a bien entendu rejetés, voyant des tendances nationalistes là où il n'y a que la volonté généreuse de partager l'un de nos biens les plus chers, la nationalité.

La gauche fait valoir que les citoyens non français membres de l'Union européenne bénéficient déjà de ce droit de vote. Mais il y a déjà entre ceux-ci et nous un début de citoyenneté commune. Sont-ce même des étrangers ? Nous partageons tant de valeurs communes, notamment dans le domaine des droits de la personne ; nous avons un passeport commun et, depuis près d'un an, une monnaie commune. Il y a entre les quinze pays de l'Union, une communauté de destin et de projets qui crée une forme de citoyenneté européenne - sans parler de la totale réciprocité existant en matière de droits.

C'est pourquoi je regrette très sincèrement le dépôt de ce texte, qui non seulement ne résout rien mais de surcroît, complique encore une situation qui nécessite la plus grande transparence. Que l'on ne compte pas sur nous pour être les complices de la politique du « chiffon rouge », qui est la pire ennemie de l'intégration ! Nos positions sont humanistes, dans le respect de la tradition française et ne répondent à aucune pression politicienne. Au contraire, après avoir fait reculer l'intégration dans des proportions inquiétantes, la gauche renoue avec la politique politicienne consistant à monter des coups médiatiques sans lendemain. Elle attendait sans doute que la majorité se déchire. Eh bien, elle en sera pour ses frais ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

Ce texte est inopportun et cette démarche est dérisoire, voire humiliante pour ceux qui considèrent l'intégration comme un grand sujet, une priorité nationale. Ce débat à la sauvette est indécent. L'intégration méritait largement mieux que cette mascarade, à laquelle le groupe UDF refusera de s'associer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

M. André Gerin - Le sujet est propice aux vrais comme aux faux débats, quand ce n'est pas aux spéculations politiciennes (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). L'antique peur de l'étranger est en effet un fonds de commerce prospère pour le populisme incarné par Le Pen. Mais il est également exploité par les réseaux mafieux qui tendent à la misère un piège, un miroir aux alouettes où elle vient se prendre. Ces mafias de tout acabit ne sont-elles pas d'ailleurs le corollaire d'un capitalisme mortifère ?

D'autres ont versé dans l'angélisme, face aux problèmes de sécurité qui assaillaient nos cités.

La gauche a eu ce travers (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Depuis quelques années, les réalités apparaissent dans les différents pays européens. Nous avons pratiqué la politique de l'autruche en laissant pourrir les situations : l'intégration des personnes d'origine étrangère de nationalité française, l'intégration des deuxième et troisième générations, l'insertion des jeunes immigrés, l'arrivée de nouveaux migrants de toutes les nationalités, les réseaux mafieux d'immigration clandestine...

Mon groupe est favorable au droit de vote des étrangers.

Les résidents étrangers travaillent, cotisent, payent l'impôt sur le revenu et la TVA. Ils sont soumis aux lois de la République. Il y a 3,2 millions d'étrangers résidant en France, dont plus de 80 % possèdent un titre de séjour de dix ans. Comme l'a justement souligné le rapporteur, un étranger peut diriger une association, être administrateur dans les caisses de sécurité sociale, être délégué syndical et participer aux élections prud'homales. Il est donc juste de leur reconnaître, après cinq années de résidence, le droit de vote. Ce serait renforcer la cohésion nationale, encourager l'intégration, faire vivre nos valeurs d'égalité, de fraternité et de laïcité. Plusieurs pays ont déjà accordé ce droit.

Mais pourquoi faire figurer ce nouveau droit à la suite de l'article 72, dans le titre XII de la Constitution, qui porte sur l'organisation des collectivités territoriales et non sur les droits des personnes ? Un nouvel alinéa doit être ajouté à l'article 3 de la Constitution, portant sur la souveraineté et le suffrage. Cela serait plus respectueux des personnes et ne laisserait pas sous-entendre qu'il existe des citoyens de seconde zone. Par ailleurs, les étrangers devraient pouvoir participer aussi aux élections européennes, car la plupart des décisions prises au niveau européen ont des conséquences sur la vie de chacun. Ce droit peut être aligné sur celui des résidents européens.

Ce texte aurait pu être adopté sous le précédent gouvernement. En mai 2000, une proposition déposée par les députés Verts avait été votée par notre assemblée mais n'a pas été inscrite à l'ordre du jour du Sénat. La gauche l'a payé le 21 avril 2002. Il y a eu dérobade. Certaines promesses n'ont pas été tenues : je pense à la fermeture des centres de rétention et à l'abrogation des lois Pasqua-Debré. En outre, des budgets ridicules ont été consacrés à l'aide au développement.

L'expérience acquise ces dernières années doit nous conduire à une véritable autocritique, à un inventaire de l'action menée depuis 1981. Il faut s'attaquer à la loi du marché, au libéralisme, à l'américanisation de la France. C'est en trouvant une alternative au capitalisme prédateur que nous prouverons à nos concitoyens qu'il est utile de voter.

Invoquant l'article 94 de notre Règlement, la commission a décidé de ne pas formuler de conclusion. L'UMP-godillot abaisse la représentation nationale (Protestations sur les bancs du groupe UMP). L'UMP-godillot utilise le fonds de commerce de l'extrême droite. Comme dans les années 70, vous voulez faire de l'Etat la voiture-balai du libéralisme économique (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Il faut faire le bilan de la gauche, mais aussi celui de la droite !

M. Éric Raoult - Et le stalinisme ?

M. André Gerin - Je condamne le stalinisme comme le capitalisme ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Le contrat d'intégration annoncé semble intéressant, mais la prudence est de mise. Les problèmes de l'immigration sont devant nous. L'Europe est aujourd'hui la plus grande région d'immigration au monde, devant l'Amérique du Nord et l'Australie, avec 1,5 million d'immigrés légaux par an. Les illusions symétriques de l'immigration zéro et de l'immigration libre doivent tomber. Le problème doit être traité au niveau français et européen. Nous avons besoin d'une politique audacieuse en matière de droit d'asile. Il faut cesser de se défausser sur les maires et les collectivités locales. Ce n'est pas en cassant la loi sur la mixité sociale en matière de logement (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) et en refusant le droit de vote aux élections locales qu'on permettra aux immigrés de s'insérer. Et que dire de la double peine ? Les lois Pasqua-Debré, rétrogrades et liberticides, ont stigmatisé l'immigration. Dans vos propos encore, Monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement stigmatise les immigrés des quartiers populaires ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Éric Raoult - Nous avons plus d'élus que vous dans les quartiers populaires !

M. André Gerin - La France n'a jamais eu de politique d'intégration digne de ce nom. Les précédentes vagues d'immigrés ont réussi elles-mêmes leur intégration, à travers l'école, le service national, le travail, le militantisme. La politique d'intégration est à construire. Les fils d'immigrés sont victimes de nombreuses exclusions. Ils se sentent français, mais ils se sentent de trop, car la société ne les reconnaît pas comme membres de la communauté nationale à part entière.

Pour un Islam tolérant et populaire, il faut des mosquées dignes de ce nom. Vous le refusez. J'ai l'impression que vous confondez bonapartisme et République ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Nous sommes confrontés au gouvernement de l'insolence. Le groupe communiste et républicain votera cette proposition de nos collègues socialistes, car elle est une main tendue à tous ceux qui veulent que la France de demain soit une France solidaire (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. Thierry Mariani - Le droit de vote des étrangers est un des serpents de mer de notre vie politique.

M. André Gerin - Comment va Saddam Hussein ?

M. Thierry Mariani - Nous en avons déjà débattu en mai 2000 : quatre propositions avaient été examinées à la hâte, suite à un marchandage entre les composantes multiples de la défunte majorité. Mais une fois cette petite loi adoptée, vous n'avez même pas pris la peine de l'inscrire à l'ordre du jour du Sénat. C'est dire à quel point vous y teniez !

Aujourd'hui, votre démarche est médiatique et idéologique (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Il s'agit d'une simple man_uvre politique. Comment expliquer autrement le contenu de la nouvelle proposition ?

Le texte adopté le 3 mai 2000 ne visait qu'à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux seules élections municipales, à condition de ne pas exercer les fonctions du maire ou d'adjoint au maire ni de participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l'élection des sénateurs. Et aujourd'hui, vous voulez accorder le droit de vote et d'éligibilité à toutes les élections locales sans aucune restriction !

Vos appels généreux ne visent qu'à masquer votre incapacité à résoudre le problème de l'intégration. C'est en tenant ce genre de discours irresponsables que vous faites le lit du Front national. Le 21 avril ne vous aura donc rien appris ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

Par cette proposition, vous tentez de faire apparaître des dissensions dans la majorité. Vous n'en trouverez pas ! Tout au plus verrez-vous des nuances sur le contrat d'intégration.

Mais sachez que notre position est claire : le droit de vote passe par la nationalité, et la nationalité ne se brade pas ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Vous expliquez dans votre exposé des motifs, Monsieur Roman, que « le droit de vote n'est certes pas une condition suffisante à l'intégration », mais qu'il « apporte des réponses à ses blocages actuels ». Mais qui est responsable de ces blocages ? Votre échec en matière d'intégration ne vous autorise pas à vous poser en donneurs de leçons (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Sans nier l'importance de l'initiative parlementaire, renforcée par Philippe Séguin, nous considérons que les séances réservées à l'ordre du jour fixé par notre assemblée doivent être consacrées à des réformes directement applicables, qui ne bouleversent pas les institutions. Or vous utilisez votre première niche parlementaire pour nous présenter un texte polémique, uniquement destiné à produire des effets médiatiques (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Présenté donc dans un cadre inadapté, ce texte est par ailleurs laconique et inachevé. Pour l'essentiel, vous renvoyez les conditions d'application de votre proposition à une loi organique virtuelle. Vous n'avez même pas pris la peine d'y ajouter les conditions de la « petite loi » : interdiction pour les étrangers élus de participer aux élections sénatoriales et d'exercer les fonctions de maire et d'adjoint au maire. Vous ne fixez pas davantage de délai de résidence, et vous ne nous dites pas si ce texte s'appliquerait sous réserve de réciprocité. Toutes ces incertitudes montrent bien que votre objectif est uniquement politicien (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

Votre texte heurte notre tradition constitutionnelle, qui a toujours réservé le droit de vote aux nationaux. Seule la Constitution montagnarde de 1793, jamais appliquée, prévoyait la possibilité d'accorder le droit de vote à des étrangers, mais il ne fut, comme l'a dit le professeur Favoreu, qu'une utopie dans le droit public français.

Pour nous, la citoyenneté n'est pas liée à la résidence, mais à la nationalité, elle-même caractérisée par la volonté de participer à un destin partagé. C'est la conception de la Constitution de 1958, confirmée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 9 avril 1992.

Selon vous, toute personne payant des impôts en France doit avoir le droit de vote ; mais lier ces deux éléments, c'est réintroduire le suffrage censitaire ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Est-ce là une grande avancée sociale ? Faudrait-il priver de leurs droits civiques tous ceux parmi nos concitoyens qui ne paient pas l'impôt, soit un foyer sur deux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Vous prétendez qu'il y aurait rupture d'égalité entre les ressortissants de l'Union européenne et ceux des Etats tiers ; mais l'Union européenne engage ses membres dans un destin commun, ce qui justifie l'attribution de droits politiques aux ressortissants, d'autant qu'ils sont soumis à une condition stricte de réciprocité.

Vous affirmez aussi que de nombreux pays de l'Union accordent le droit de vote aux étrangers pour les élections locales. Tel n'est pas le cas en Autriche, en Grèce et au Luxembourg. La Belgique a modifié sa Constitution en 1998, mais n'a jamais adopté la loi organique pour concrétiser ce droit. En Allemagne, le changement que vous annoncez pour demain était déjà au programme du SPD il y a quelques années. En Italie, on en est également resté aux discours.

Dans les huit autres Etats de l'Union, soit ce droit résulte d'une particularité historique, soit il est fortement encadré. Au Royaume-Uni, il est accordé aux ressortissants des pays du Commonwealth. Au Portugal, il peut être accordé sous réserve de réciprocité et sous des conditions de délai ; sont concernés les étrangers originaires de seulement dix pays, dont l'Estonie et le Cap-Vert. En Espagne, il est accordé sous réserve de réciprocité : seuls les Norvégiens en bénéficient. Aux Pays-Bas, il faut cinq années de résidence et l'intéressé ne doit pas être au service d'un autre Etat, conditions de poids qui ne figurent pas dans votre proposition ; en outre, il est impossible de détenir une double nationalité. Au Danemark, où le droit de vote aux élections municipales est accordé aux étrangers résidant sur le territoire depuis plus de trois ans, la situation est bien différente de celle de la France puisque l'acquisition de la nationalité est marquée par le droit du sang ; les règles de naturalisation sont particulièrement contraignantes, de même qu'en Suède et en Finlande.

Bref, les exemples étrangers ne peuvent être transposés. Au demeurant, vous n'êtes pas les arbitres des élégances : libre à la France de choisir ce qu'elle veut faire !

Enfin, votre texte est inutile.

En effet, il ne faut pas confondre intégration et droit de vote : vous dites qu'accorder ce droit aux immigrés de la première génération serait un signe de reconnaissance et de confiance.

Mme Élisabeth Guigou - Oui !

M. Thierry Mariani - En réalité, leur intégration passe par leur participation à la vie sociale et elle peut, sous certaines conditions, déboucher sur l'accession à la nationalité. Dans ma mairie, depuis treize ans, les étrangers viennent demander de l'aide pour trouver un logement ou un travail, jamais le droit de vote ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) S'ils ne le demandent pas, c'est qu'il n'y a pas de rupture d'égalité en leur défaveur : ils ont droit à la même protection sociale que les nationaux : le code du travail exige l'égalité de traitement ; ils peuvent participer aux élections professionnelles, aux élections professionnelles, aux élections prud'homales, être administrateurs de la sécurité sociale, représentants dans les conseils d'HLM, représentants des parents d'élèves...

L'inutilité de votre texte tient aussi au fait que l'acquisition de la nationalité française est relativement simple : à preuve les 150 025 acquisitions de nationalité enregistrées en 2000. Le contrat d'intégration que nous allons créer pourra, si l'étranger a rempli ses obligations et s'il le souhaite, déboucher sur l'accession à la nationalité.

Nous refusons d'accorder aux étrangers une citoyenneté au rabais. Nationalité et citoyenneté sont inséparables.

Enfin, votre proposition est dangereuse, parce qu'elle ouvrirait la voie au droit de vote des étrangers aux élections nationales, parce qu'elle encouragerait les votes communautaristes, et parce qu'elle donnerait aux pays d'origine, souvent très éloignés de la démocratie, un puissant moyen de pression sur la France.

En réalité, votre texte est surtout démagogique : vous jouez, à des fins politiciennes, avec les étrangers eux-mêmes. Quant à nous, notre position est claire : nous réaffirmons que citoyenneté et nationalité sont indéfectiblement liées (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Philippe de Villiers - Quand la gauche va mal, elle retrouve le vieux système Mitterrand : elle tente de refermer le piège de l'immigration sur la droite, qu'elle a réussi à battre de cette manière à plusieurs reprises alors que le marxisme est depuis longtemps une idéologie morte (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Oui, vous croyez trouver dans les immigrés un lumpen proletariat de substitution (Mêmes mouvements) : vous vous servez de l'immigration, vous l'exploitez ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP)

Je m'étonne que nous n'ayons pas un débat sur l'immigration, qui est le premier problème de la France (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Un intellectuel de gauche disait récemment : « La société française ressent aujourd'hui un grand malaise qui tient à un triple sentiment de dépossession, par l'Europe, par l'immigration musulmane (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) et par la mondialisation ».

Nous devons affronter un problème de grande ampleur et que nous proposez-vous ? Un débat sur le droit de vote des immigrés !

Mme Élisabeth Guigou - Vous êtes rouillé, Monsieur de Villiers ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Plusieurs députés UMP - Cela vous va bien de dire cela !

M. Thierry Mariani - M. de Villiers n'a pas eu besoin d'émigrer vers une autre circonscription pour être là ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe de Villiers - Votre défaite du printemps devrait vous rendre plus modeste, Madame Guigou ! Seul le droit de vote des immigrés pourrait maintenant vous rendre le pouvoir, et vous le savez. Vous voulez mettre la pagaille dans notre pays ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Vous avez cru que l'insécurité vous maintiendrait au pouvoir, mais elle s'est retournée contre vous ! (Mêmes mouvements)

Dans tous les pays du monde aujourd'hui, le statut du citoyen se distingue de celui de l'étranger par le droit à pérennité du séjour et par le droit de vote. Chacun garde en mémoire la célèbre phrase de François Mitterrand : « les étrangers sont chez eux en France », qui confondait le droit à l'hospitalité avec le droit au perpétuel séjour. Le gouvernement socialiste a tout fait pour permettre aux étrangers de s'établir de façon permanente en France, et aujourd'hui il voudrait lever le dernier obstacle qui les distingue encore des Français : le droit de vote. Mais l'exercice de celui-ci, intimement lié à notre démocratie et à notre nationalité, est bien plus qu'un simple geste civique ; il reflète l'implication personnelle de chaque citoyen en termes de souvenir et d'avenir - nous ne pouvons donc accepter ce débat dans sa forme actuelle (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Vous encouragez les communautarismes, qui s'opposent à toute assimilation. Bientôt risque de s'installer en France, comme c'est déjà le cas en Belgique ou aux Pays-Bas, un éthno-communautarisme destructeur. Comment, dès lors, réussir l'intégration dans une France qui se désagrège ? Alors qu'il n'est que temps de réaffirmer les notions d'identité, de souveraineté et de fierté nationales, vous nous proposez aujourd'hui un débat indigne et hors sujet, dans le seul but de retrouver le pouvoir en divisant la majorité. L'opposition est à la recherche de ses idées perdues ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-Pierre Dufau - Abject !

Mme Élisabeth Guigou - Le 2 mai 2000, j'ai eu l'honneur, en tant que Garde des Sceaux, d'apporter le soutien du gouvernement de Lionel Jospin à une proposition de loi sur le vote des étrangers aux élections locales. Je suis fière d'avoir ainsi contribué, modestement, à son adoption par l'Assemblée (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

M. Guy Geoffroy - Vous n'êtes pas allée jusqu'au bout !

Mme Élisabeth Guigou - En effet : la majorité sénatoriale s'est toujours opposée à une telle réforme qui, comme toute révision constitutionnelle, doit être adoptée dans les mêmes termes par les deux assemblées.

M. Claude Goasguen - Il fallait le déposer, pour connaître la position du Sénat !

Mme Élisabeth Guigou - Malgré la clairvoyance de certains d'entre vous, qui se sont prononcés pour, c'est bien la droite, aujourd'hui comme hier, qui s'y oppose (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Nous continuerons à défendre cette mesure, jusqu'à ce qu'elle soit adoptée ! Il n'y a pas de raison de refuser d'accorder à tous les étrangers, européens ou non, les mêmes droits, quand tous paient des impôts et participent à la vie économique de notre pays !

M. Guy Geoffroy - Pourquoi ne demandent-ils pas la nationalité française ? Elle leur sera accordée !

Mme Élisabeth Guigou - Il faut étendre à tous les étrangers le droit de vote accordé en 1992 aux ressortissants de l'Union européenne. Rien ne justifie cette discrimination (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Ne confondons pas le droit de vote au élections nationales, effectivement lié à la nationalité, et le droit de vote aux élections locales, justifié par la participation des étrangers à la vie locale (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste). On me dira que seule la naturalisation permet de répondre à cette aspiration.

M. Claude Goasguen - Tout à fait !

Mme Élisabeth Guigou - Je réponds : non ! Nombre d'étrangers en effet, qu'ils soient originaires de l'Union européenne, d'Afrique ou d'ailleurs, n'ont jamais voulu renoncer à leur nationalité.

M. Claude Goasguen - Qu'ils assument leur choix !

Mme Élisabeth Guigou - Nous les avons fait venir dans les années 1960 et 1970 pour des raisons économiques.

M. Thierry Mariani - C'était il y a quarante ans ! Aujourd'hui seuls 5 % arrivent avec une carte de travail !

Mme Élisabeth Guigou - S'ils ont pu aspirer autrefois à retourner chez eux, la naissance en France de leurs enfants, qui sont aujourd'hui français, leur a fait abandonner leur projet de retour. Leur reconnaître le droit de vote aux élections locales est une question de dignité, de reconnaissance de leur volonté d'intégration. De la même façon qu'en 1998 nous avons rétabli le droit du sol que vous aviez supprimé (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), il faut aujourd'hui accomplir ce geste pour reconnaître l'histoire de ces étrangers, maghrébins et africains, dont les grands-parents sont bien souvent morts pour la France.

M. Claude Goasguen - Mais ils ont droit à la nationalité française !

Mme Élisabeth Guigou - Pensez à ces goumiers marocains qui ont pris Monte Cassino à l'arme blanche, et dont pas un n'en est revenu ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Claude Goasguen - C'est vous qui avez refusé de naturaliser les légionnaires !

Mme Élisabeth Guigou - Leurs enfants n'ont d'autre avenir que chez nous ! Voter ce texte est la meilleure façon de lutter contre le communautarisme et pour l'intégration dans la République (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Etienne Pinte - Il y a quarante ans, je n'étais pas français, et avais pour seul titre de séjour une carte de résidant, précaire d'abord, de dix ans ensuite. Après avoir fini des études supérieures en France, obtenu un premier emploi à temps partiel, épousé une Française, j'ai décidé de solliciter la nationalité française afin de parachever mon adhésion au pays qui m'avait accueilli. Mes enfants sont donc nés de père français, et j'ai eu la joie, en 1965, de voter pour la première fois en France. Ai-je été frustré de n'avoir pu le faire plus tôt ? Non, car ma préoccupation première était alors d'intégrer la fonction publique - ce qui ne m'a pas empêché d'être élu député, puis maire de l'ancienne capitale royale de la France...

Au-delà de mon expérience personnelle, je vous ferai part d'un autre exemple : il y a vingt ans, Versailles a accueilli des boat people. Il était normal que la ville des droits de l'homme et du citoyen tende la main aux plus déshérités d'entre les déshérités, qui demandaient à apprendre notre langue, à éduquer leurs enfants sur les bancs de nos écoles, à trouver un logement. C'était la première étape de leur parcours d'intégration : celle de l'accueil - celle que propose aujourd'hui le Premier ministre. Ils ont ensuite trouvé du travail, et sont devenus des acteurs à part entière de notre vie économique et sociale. Ce fut leur deuxième étape, l'intégration - celle qui est proposée par le Président de la République. Enfin, ils détiennent la liberté de franchir, s'ils le souhaitent, une ultime étape dans leur adhésion à notre communauté nationale, en sollicitant la nationalité française.

A aucun moment ces étrangers n'ont réclamé le droit de vote. S'ils souhaitent obtenir notre nationalité, c'est souvent moins pour bénéficier du droit de vote que d'une protection juridique au cas où les autorités de leur pays d'origine leur chercheraient des ennuis lorsqu'ils y retournent pour retrouver leur famille... Pourquoi vouloir accorder le droit de vote à des personnes qui ne le sollicitent pas ? Est-ce en raison d'un sentiment d'échec, d'un sentiment de culpabilité qui serait le vôtre pour n'avoir su résoudre les problèmes - bien plus cruciaux - de l'accueil et de l'intégration ? Chaque année, nous accueillons 100 000 étrangers ; sont-ils toujours bien accueillis ? Non. Chaque année, nous naturalisons 100 000 nouveaux concitoyens. Sont-ils toujours bien intégrés ? Non. Oser écrire, comme vous le faites, que l'enjeu n'est plus l'intégration, est non seulement malhonnête mais désespérant... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Bruno Le Roux - Vous avez mal lu !

M. Etienne Pinte - Cela figure à la page 8 du rapport !

C'est désespérant pour ceux qui sont en quête d'égalité dans les domaines de l'emploi, de l'habitat ou de la formation.

M. le Rapporteur - C'est de la malhonnêteté intellectuelle ! C'est honteux !

M. Jean Glavany - Ce n'est pas digne de vous, Monsieur Pinte !

M. Etienne Pinte - Cela vous fait mal que je mette le doigt sur votre incapacité ! J'adhère entièrement aux paroles du Premier ministre lorsque, installant le Haut conseil de l'intégration, il propose un contrat d'accueil donnant droit à toute une série de prestations en matière de formation professionnelle ou d'accès aux services publics de l'emploi, et contribuera à faire partager les valeurs de la France.

Je trouve scandaleuse l'affirmation selon laquelle la citoyenneté serait refusée aux personnes de nationalité étrangère sous le prétexte qu'elles ne détiennent pas le droit de vote. La majorité actuelle leur reconnaît bel et bien la qualité de citoyen : le Premier ministre n'a-t-il pas déclaré, le 24 octobre dernier, que tout individu est fondé à se considérer comme membre d'une communauté de citoyens, même lorsqu'il est étranger ?

Pour toutes ces raisons, et parce que j'ai vécu personnellement l'acquisition de la nationalité et son corollaire, le droit de vote plein et entier...

Un député socialiste - Ne faites pas une généralité d'un cas particulier !

M. Etienne Pinte - ...je suis défavorable à votre proposition de loi. La naturalisation est la seule voie digne de l'accession au droit de vote de nos concitoyens de nationalité étrangère (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Bruno Le Roux - C'est un long débat, qui touche à la question du droit et des droits, de la citoyenneté et de la démocratie. C'est aussi la longue revendication de toute une génération venue à la politique en faisant du combat contre le racisme et pour l'égalité des droits un principe fondateur de son engagement - génération qui a souvent trouvé la gauche bien frileuse sur la question du droit de vote des étrangers.

Si nous en débattons à nouveau, deux ans et demi après le 2 mai 2000, c'est parce qu'il y a blocage, au Sénat et dans notre assemblée - contrairement à ce que certaines déclarations, depuis quelques semaines, auraient pu laisser espérer.

Oui, il est opportun, aujourd'hui, de discuter de ce texte. Nous devons nous mettre en phase avec les Français, et prendre acte du fait que, le 1er mai dernier, nombreux étaient, parmi les manifestants, ceux qui n'avaient pas le droit de vote, et qui étaient néanmoins attachés à la démocratie et à la victoire du Président de la République.

Certains arguments sont dépassés. Non, le droit de vote n'est pas lié à la nationalité : je ne répéterai pas l'excellente démonstration du rapporteur. Si nous avons accordé ce droit aux résidents européens, interrogeons-nous sur notre histoire commune avec tant d'autres pays !

Non, la souveraineté nationale n'est pas atteinte : ni le Parlement ni le Gouvernement ne sont ici en cause, et je n'ai pas entendu les maires, au congrès de l'AMF, dire qu'une once de la souveraineté nationale leur serait concédée par le projet sur la décentralisation...

Bien que les étrangers soient aujourd'hui électeurs et éligibles aux élections professionnelles, prud'homales, aux conseils d'administration de la sécurité sociale, des HLM, des établissements scolaires, doivent-ils forcément passer, pour les élections municipales, par la case « naturalisation » ? Nous sommes prêts à approfondir le débat sur l'intégration, mais force est de reconnaître que vous n'abordez pas celui-ci en proposant de nouveaux droits à ceux qui en manquent. Or, le droit de vote est le meilleur moyen pour que l'étranger ne s'enferme pas dans son appartenance ethnique. C'est tout le contraire de la logique communautarisme redoutée par M. Mariani (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Voter pour notre proposition de loi, c'est faire vivre la démocratie, et montrer notre attachement à l'égalité des droits. Je salue les militants qui, à l'initiative du MRAP, des clubs Léo-Lagrange et d'autres associations encore, ont créé le collectif « Même sol, mêmes droits, même voix », qui permettra, je l'espère, de surmonter le blocage des deux Assemblées conservatrices.

Certains ont évoqué la question de l'impôt, mais en inversant les termes du problème. En vérité, ce n'est pas parce que les étrangers paient l'impôt qu'ils doivent voter, mais parce que, depuis 1789, il est établi que nul ne doit payer l'impôt à moins de l'avoir consenti directement ou par ses représentants. Contrairement à ce que dit M. Goasguen, cela ne constitue en rien un retour au suffrage censitaire !

Inspirée par les idées des Lumières et de la Révolution, appuyée sur de grandes lois républicaines, cette proposition de loi met fin à une discrimination patente. Ne laissons personne hors du vote, faisons de la Cité la chose de tous, car toute exception est une discrimination (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Jean Leonetti - Il est bon que ce débat ait lieu. Il permet en effet à l'UMP de préciser ses positions sur l'intégration, l'assimilation, la citoyenneté, la nation, la République.

L'intégration est-elle réussie ? Probablement sur le plan économique, de façon mitigée sur le plan social, pas du tout sur le plan des valeurs et des relations humaines.

Le risque de communautarisme est grand, dans les territoires où la concentration de béton, de misère, de délinquance, place des populations entières en dehors des lois de la République. Les repères fondamentaux, qui plus est, sont perdus : famille, école, autorité. Enfin, contrairement à ce que déclarait M. Mamère en mai 2000, l'extrême-droite n'est pas durablement affaiblie.

Pourquoi l'intégration, et pour qui ? A mon sens, et dès lors qu'elle se fonde sur des valeurs, l'intégration doit être totale.

M. Jean-Marc Ayrault - Nous sommes d'accord !

M. Jean Leonetti - Il s'agit bien d'intégrer autour des valeurs de la République pour bâtir ensemble une destinée commune. Quant à la citoyenneté, nous en avons trop parlé, et nous avons peu agi. Vous donnez une mauvaise réponse à un faux problème, car, comme le soulignait le Haut conseil à l'intégration, le droit de vote n'est ni nécessaire ni suffisant à l'intégration.

Reprenons une partie de votre argumentation. Si l'on ne doit obéir qu'aux lois que l'on a votées, cela signifie-t-il que l'on puisse impunément être délinquant dans tout pays étranger où l'on séjournerait ? Bien sûr que non. Quant à exciper du fait que les étrangers votent aux élections prud'homales, est-ce à dire que le maire n'est rien d'autre qu'un président de comité ou de syndicat de co-propriétaires ? Tant qu'il y aura, dans une élection, un degré de souveraineté - et c'est le cas des élections municipales -, elle doit être réservée aux nationaux. Vous avez vous-même reconnu, Madame Guigou, le 2 mai 2000, que les ressortissants communautaires étaient vis-à-vis des citoyens français, dans une situation particulière, si bien que l'on ne pouvait pas parler de discrimination au détriment des étrangers non communautaires, et qu'accorder le droit de vote à ces derniers n'était pas mettre fin à une rupture d'égalité...

Nous avons mieux à proposer : d'abord un contrat d'intégration, avec des droits et des devoirs, pour les étrangers qui résident régulièrement sur notre sol ; ensuite, la lutte contre les discriminations de toute nature, l'action dans les quartiers comme celle que mène Jean-Louis Borloo...

M. Manuel Valls - Il est pour le droit de vote des étrangers !

M. Jean Leonetti - Nous respectons l'avis de chacun, car contrairement à vous, nous ne sommes pas des dogmatiques ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Il faut aussi simplifier et clarifier les procédures de naturalisation. M. Roman a opposé, en commission, deux conceptions de celle-ci. Il est vrai qu'il y a d'un côté les dogmatiques du verbe, que vous êtes, et de l'autre les pragmatiques de l'action, que nous sommes ! Il y a ceux qui pensent que l'on peut être citoyen « à la carte » et qui défendent donc l'idée d'une « citoyenneté de résidence », c'est-à-dire d'une citoyenneté de passage, et ceux qui pensent, comme nous, que la citoyenneté est une et indivisible, comme la République.

Il y a aussi ceux qui croient qu'il suffit de déposer de temps à autre des propositions de loi pour avoir bonne conscience et obtenir de bonnes m_urs. A l'instar de Montesquieu, nous pensons, nous, qu'il vaut mieux avoir d'abord de bonnes m_urs et ensuite faire de bonnes lois. Le texte que vous proposez est beaucoup trop petit par rapport au projet ambitieux et humaniste que nous avons en matière d'intégration et d'immigration. Parce que nous croyons encore à la République et à la France, nous voterons contre votre proposition de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Michel Destot - Combien de fois en vingt ans a-t-on accusé ceux qui revendiquaient le droit de vote pour les étrangers d'agiter un chiffon rouge devant les électeurs de Jean-Marie Le Pen ? Cela me rappelle l'argument que l'on opposait aux partisans de l'abolition de la peine de mort : la population n'y était pas prête... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Aujourd'hui, pourtant, des voix s'élèvent de toutes parts pour dire qu'il serait temps d'accorder aux ressortissants des Etats tiers ce que l'on a concédé à ceux de l'Union européenne, et d'octroyer aux résidents non communautaires des droits correspondant à leurs devoirs, car c'est l'essence même du Pacte républicain, fondé sur le « vouloir-vivre ensemble ».

M. Claude Goasguen - Non, sur la Nation !

M. Michel Destot - Reconnaissons la diversité de notre République, car elle est source d'enrichissement. Cette reconnaissance renforcera le respect de nos valeurs républicaines de liberté, d'égalité, de fraternité...

M. Guy Geoffroy - Oui, mais il ne s'agit pas d'avoir un pied dans la République et l'autre dehors !

M. Michel Destot - A Grenoble, terre d'accueil qui compte plus de quarante communautés étrangères, la participation des quelque 8 000 résidents étrangers n'était plus satisfaisante. C'est pourquoi nous avons doté la ville d'un conseil consultatif des résidents étrangers non communautaires composé de membres désignés à titre individuel par les associations ; il est chargé d'organiser la participation de ces résidents et d'émettre des avis sur certains projets municipaux. Cette avancée importante, à la mesure de ce que peut faire une collectivité locale dans le cadre actuel, n'est cependant pas suffisante, car la véritable participation démocratique, c'est le vote, et son corollaire, l'éligibilité.

La citoyenneté doit dépendre du lieu où l'on s'installe, où l'on paie ses impôts et où l'on élève ses enfants. Elle doit être attachée à la personne elle-même.

Les étrangers disposent déjà du droit de vote dans de nombreuses élections régies par le droit social. Quelle logique y a-t-il à autoriser leur participation à la vie de l'entreprise et de la refuser pour la gestion d'une commune, d'un département ou d'une région ?

M. Claude Goasguen - Ce n'est pas pareil, tout simplement.

M. Michel Destot - Le débat que nous avons aujourd'hui ne suscite plus la même incompréhension que par le passé ; les dernières enquêtes d'opinion en témoignent. Beaucoup de gens considèrent maintenant que l'absence de droit de vote constitue une lacune cruelle de notre démocratie. De son côté, la ville de Grenoble a décidé d'apporter son soutien à la campagne nationale organisée par les collectifs « Même sol, mêmes droits, même voix », « Pour une véritable citoyenneté européenne » et « Un résident, une voix ». Des urnes seront donc déposées en plusieurs lieux de la ville et les habitants pourront ainsi répondre à la question suivante : « Êtes-vous pour la reconnaissance du droit de vote et d'éligibilité des étrangers aux élections locales ? » (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Pendant la deuxième guerre mondiale, (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe UMP), dans le maquis de l'Isère, on ne demandait pas aux résistants du Vercors et d'ailleurs, leur nationalité ! Ils étaient Français mais aussi Polonais, Africains, Américains, ils étaient juifs, chrétiens, musulmans ou athées. Grâce à eux, Grenoble est devenue compagnon de la Libération !

Plusieurs députés UMP - Ça n'a rien à voir !

M. Michel Destot - Est-il concevable, soixante ans après, que leurs enfants ou petits-enfants ne puissent pas élire le maire de Grenoble ?

A quoi bon, me direz-vous, faire voter par les députés un texte qui sera de toute façon bloqué au Sénat ? La question est légitime, mais il faut se souvenir que le droit de vote des femmes a été refusé six fois par le Sénat avant d'être finalement reconnu à la Libération ! Alors, pourquoi ne pas rêver ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Georges Siffredi - La question d'une possible égalité des droits politiques pour tous les résidents d'un Etat nous amène nécessairement à nous interroger sur les concepts de nation, de nationalité, d'Etat et de citoyenneté. L'élargissement des droits politiques des étrangers est-il compatible avec le maintien de la nation en tant que fondement de l'Etat ?

Nous comprenons que des étrangers, qui vivent légalement en France, veuillent s'intégrer. Mais rien ne les en empêche aujourd'hui : cela s'appelle tout simplement la naturalisation. Le droit de vote est l'un de nos droits essentiels, il ne doit pas être galvaudé. Il est la conséquence de l'intégration par naturalisation, et non un simple facteur d'intégration. La naturalisation, c'est la conclusion d'un parcours personnel d'hommes et de femmes qui ont décidé de partager avec les Français une communauté de vie et de destin.

En France, il y a un peu plus de 100 000 naturalisations chaque année. Cela prouve que le processus actuel fonctionne bien. Ces nouveaux citoyens jouissent de tous les droits conférés par leur appartenance, et non d'une citoyenneté au rabais.

De plus, le droit de vote doit être basé sur le principe de la réciprocité. Les pays d'Europe du Nord qui ont étendu le droit de vote à certains résidents non-communautaires l'exigent, pour la plupart, et si l'on étudie de plus près ces pays, on constate qu'ils n'ont pas la même culture d'assimilation que nous. Ils pratiquent en effet le « droit du sang » et l'acquisition de la nationalité y est difficile. C'est sans doute pour cela que les étrangers peuvent y obtenir le droit de vote. En France, où se pratique le « droit du sol » et où les modalités d'acquisition de la nationalité française sont plus souples, il n'est pas nécessaire de donner un tel droit de vote aux étrangers.

En Suède ou en Grande-Bretagne, on vous fait citoyen parce que l'on ne veut pas vous naturaliser. La conséquence de cette politique, c'est le communautarisme, c'est-à-dire la constitution de communautés étrangères, organisées en forces de pression et d'action. Regardez ce qui se passe en Grande-Bretagne entre les communautés indienne et pakistanaise. Est-ce vraiment cela que vous voulez en France ?

Une idée sous-jacente à la proposition de loi, est celle selon laquelle il existerait des différences entre les mandats électifs, certains revêtant un caractère politique, car ils ne toucheraient pas directement à la vie quotidienne des citoyens, et d'autres un caractère bureaucratique, au sens étymologique du terme. Eh bien non ! Le maire, le président du conseil général, le président du conseil régional ne sont pas de simples présidents de syndicats d'administrés. Ne vous en déplaise, ils font partie intégrante de la souveraineté nationale, autant que les députés.

Instituer une citoyenneté de résidence, par opposition à la citoyenneté de nationalité, ce serait créer une citoyenneté itinérante, à la carte. On s'inscrirait sur les listes électorales comme on s'inscrit à la bibliothèque ou à un club sportif ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Vous exigez pour les étrangers extra-communautaires des droits qu'ils ne souhaitent pas (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Leurs attentes se situent en effet au niveau de la société civile. Or, de nombreux scrutins sont ouverts à nos hôtes, que ce soit dans l'entreprise, aux prud'hommes, à la sécurité sociale, dans les HLM ou à l'école. Pourtant, les problèmes d'intégration existent toujours. Est-ce en galvaudant le droit de vote politique que nous réglerons ces problèmes ? Bien évidemment, non !

Cette proposition de loi constitutionnelle me semble donc plutôt constituer pour la gauche une opération de pure communication politicienne. Mais quand acceptera-t-elle de tirer les leçons du 21 avril et se préoccupera-t-elle des attentes des Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Yves Jego - « Parce qu'elle met en cause l'idée que nous nous faisons de notre vie en commun, l'intégration réclame plus et mieux que des polémiques politiciennes ». Je crains que les auteurs de la proposition de loi n'aient pas assez mesuré la force de ce propos, que j'emprunte pourtant à une chronique parue récemment sous la plume d'un ancien Premier ministre socialiste.

Une fois de plus, une partie de la gauche cherche à utiliser l'arbre du droit de vote pour dissimuler la forêt des questions réellement posées par des années d'absence de mobilisation sur les grands sujets que sont l'immigration, l'intégration et la lutte contre les discriminations.

Une fois de plus, il s'agit d'imposer un droit nouveau, sans jamais faire référence aux devoirs, alors que les Français demandent une politique équilibrée, fondée sur ces deux notions républicaines indissociables !

Vouloir à tout prix faire de ce droit de vote un préalable, et sans contrepartie, ne peut qu'aboutir à refermer brutalement le débat et à arrêter le vaste chantier ouvert avec courage par le Président de la République, notamment, dans son discours de Troyes. Nous avons besoin de temps et d'un climat plus serein pour faire vivre un débat trop longtemps abandonné à la seule démagogie des extrémistes. Aborder ce débat à travers le seul droit de vote affaiblit l'attention que nous devrions porter aux 3,4 millions d'étrangers qui vivent légalement sur notre territoire et, plus largement, à tous ceux qui, bien que Français, subissent des discriminations en raison de leurs origines.

Chacun sent bien que l'enjeu est de première importance pour l'avenir même de notre pays, la place de la France en Europe et dans le concert international étant intimement liée à sa capacité d'enraciner en elle les jeunes générations, quelle que soit leur origine, et de leur proposer un projet commun. C'est dans cet esprit que le Premier ministre a régénéré le Haut conseil à l'intégration en lui donnant pour priorités d'enrichir cette notion porteuse d'espoir qu'est le contrat d'intégration et d'étendre à tous les étrangers des dispositifs de protection efficaces. En effet, une politique d'intégration ne doit-elle pas viser d'abord à faciliter l'accès au logement, à la fonction publique et aux responsabilités politiques, culturelles, médiatiques et économiques ?

Mais nous devons, dans le même temps et avec la même force, imposer les notions de devoirs et de laïcité. Le fait religieux angoissant une grande partie de nos concitoyens, nous ne pourrons en effet intégrer durablement les étrangers issus du monde musulman si la République ne sait pas faire respecter son caractère laïc. L'apprentissage du français, la connaissance et le respect de nos lois, l'acceptation de notre culture et de nos traditions doivent à l'évidence faire partie du même contrat.

Or, sur tous ces sujets, je n'ai rien trouvé dans cette proposition ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Si, au cours des années qui viennent, nous réussissons à construire sur le fondement équilibré de droits garantis et de devoirs acceptés, je suis personnellement convaincu que cette question du droit de vote aux élections locales se posera dans des termes nouveaux - surtout si, entre-temps, nous avons réussi à démontrer à nos compatriotes notre capacité de maîtriser les phénomènes migratoires. Mais le texte d'aujourd'hui n'est qu'un texte de circonstance. En réduisant à l'extrême les termes d'un vaste débat après s'être montrée bien discrète sur le sujet au cours des campagnes électorales, une partie du PS ne souhaite à l'évidence qu'un « coup politique ». Ne faisons pas fausse route ! Pour rendre considération et espoir à des millions de déracinés qui ont beaucoup donné à notre pays, il faut bien plus que le seul droit de vote ! Pour être à la hauteur de cette tâche et de notre histoire, pour répondre aux attentes des Français, il nous faut oublier les clivages partisans et nous mobiliser tous, dans le calme et la dignité qu'exige un aussi noble problème de société ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Pierre Cardo - Cette proposition m'évoque un vieux dicton : « Faites ce que je dis, non ce que je fais » - ou plutôt ce que je n'ai pas osé faire hier ! En effet, vous souhaitez aujourd'hui, avec plus de vigueur que lorsque vous étiez au gouvernement, donner aux étrangers non communautaires le droit de voter et d'être élus lors des élections locales, dès lors qu'ils résideraient régulièrement en France depuis cinq ans au moins. Ce serait, dites-vous, le meilleur moyen de favoriser leur intégration...

Je note d'abord que, si, dans l'exposé des motifs, vous visez clairement les étrangers en résidence régulière, la précision disparaît de votre amendement à la Constitution. Dès lors, le juge constitutionnel pourrait se heurter à une contradiction avec la loi ordinaire ultérieure, qui reprendra certainement cette précision.

Par ailleurs, vous donneriez plus de droits à l'étranger non communautaire qu'à l'étranger ressortissant de la Communauté. Comment admettre qu'un Luxembourgeois ou un Espagnol soit électeur et éligible aux élections municipales, sans pouvoir accéder à un mandat exécutif, alors qu'un Américain ou un Angolais pourrait être élu à un conseil municipal, mais aussi à un conseil général ou régional, et y obtenir un mandat exécutif ? Ne percevez-vous pas les dérives qui pourraient en résulter, dans les secteurs où la population étrangère est majoritaire et, plus encore, dans les secteurs où cette population refuserait la nationalité française et contesterait la République ? Le risque est trop fort pour la cohésion nationale, d'autant que la décentralisation va renforcer les pouvoirs des collectivités.

M. André Gerin - Faux !

M. Pierre Cardo - Je conteste également la prétendue générosité qui consiste à donner à un étranger, en l'absence de tout accord de réciprocité, un droit qui reviendra à l'autoriser à voter deux fois quand le citoyen français ou européen ne votera qu'une fois. Au surplus, vous allez dévaloriser le droit de vote reconnu aux étrangers qui ont réussi leur parcours d'intégration.

Selon vous, la politique d'intégration doit concerner les étrangers installés en France depuis un certain temps : belle découverte, et l'on comprend maintenant mieux les raisons de votre échec en la matière ! Cette proposition est en fait un aveu de faillite, vous ne menez là qu'un combat d'arrière-garde pour vous donner bonne conscience, après avoir maintenu en 1992 l'exclusion des étrangers de la fonction publique !

Pour ma part, dans ma circonscription, j'ai dû répondre à de nombreuses demandes d'étrangers : elles concernaient le logement, l'emploi, la sécurité ou l'école, mais jamais le droit de vote, qui semble être le cadet des soucis des populations non intégrées, qu'elles soient d'ailleurs étrangères ou françaises. Ce droit ne sera facteur d'intégration que le jour où la sécurité, l'emploi, le logement et l'école seront à la portée de tous. Ce doit donc être un aboutissement, non un préalable : l'aboutissement d'une démarche que la France n'a pas réussi à accomplir, accueillant les étrangers sans compter, mais en les jetant pêle-mêle dans les quartiers sans rien faire pour compenser les insuffisances de ses institutions. Je ne voterai donc pas cette proposition politicienne, qui relève davantage de l'incantation que de la conviction partagée ou de la volonté affirmée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Éric Raoult - Un mardi matin, jour de grève (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), nous voici donc réunis à la faveur de la « niche » parlementaire réservée au groupe socialiste. Cela pourrait faire sourire si le sujet n'était sérieux ! (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Cette proposition n'est réclamée par personne : il s'agit d'une manipulation, par laquelle les gouvernants socialistes d'hier se muent en donneurs de leçons !

Hélas, malgré toute la fausse bonne volonté des orateurs, rien de moins crédible. L'argument ne vise en fait qu'à restaurer l'unité du parti socialiste, en son sein et avec ses alliés Verts et communistes. Il est vrai que M. Ayrault n'a rien inventé : il copie François Mitterrand. Après le Coup d'Etat permanent, voici venu le coup d'éclat permanent ! (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe UMP) Vous vous servez des étrangers, mais vous ne servez pas l'intégration ! Vous refaites le coup de 1996, avec les sans-papiers, en disant tout et son contraire ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

En promettant, vous faites des amalgames qui ne pourront susciter que des mécontents. Le droit de vote des étrangers ne répond pas chez vous à une conviction, c'est l'objet d'une manipulation, en fonction des circonstances : lorsque vous êtes dans l'opposition, vous présentez la mesure à l'extrême gauche, ce qui vous transforme en otages de vos alliés idéologiques (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), mais une fois dans la majorité, vous jouez au centre, bloquant par exemple en 2000 la proposition de loi de M. Mamère. Celui-ci vous aurait-il fait peur, alors, par son idéologie ? Nous avons aujourd'hui la preuve que non. Mais pourquoi relancer le débat que vous aviez refusé en 1981 et en 2000, sinon pour flatter une dérive communautariste ?

Vous donnez une fausse réponse à une vraie demande de dignité et de reconnaissance. Les étrangers souhaitent être intégrés dans leur quartier, travailler, se loger, avoir une vie sociale équilibrée, mais, si vous tenez des réunions de quartier, les avez-vous jamais entendus réclamer le droit de vote ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste) Nous, non !

M. le Rapporteur - Scandaleux !

M. Éric Raoult - Je suis persuadé qu'il en est de même à Lille ! Les communautés étrangères ne voient dans ce droit que la conséquence d'une intégration réussie. Il faut donc commencer par assurer cette intégration. Vous n'y êtes pas parvenus en vingt ans, vous bornant à des slogans et à des effets d'annonce, allant sur le terrain des extrêmes ! Il est temps que vous retrouviez le terrain que vous avez perdu, celui de la République. Les courants et les congrès, c'est bien, mais les cages d'escaliers et les ascenseurs, c'est mieux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Revenez aux sources de la gauche - de celle qui défendait fièrement le modèle républicain d'intégration !

Vous avez inversé les priorités, confondant citoyenneté et nationalité. Cela ne pouvait conduire qu'à des amalgames douteux et illogiques, et à cette proposition irresponsable. Vivre en France ne peut se résumer à des droits, il y faut une communauté de valeurs, de vie et de destin. Ce gouvernement a mieux compris cela que vous, s'attachant à relever le défi de la considération : ne compte-t-il pas deux ministres d'origine maghrébine et musulmane ? En vingt ans, vous n'avez jamais fait de même ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Votre méthode reste idéologique et votre texte n'est nouveau qu'en ceci qu'au chiffon rouge, il ajoute le brouillard rouge !

Le processus d'intégration est simple. Avant le bulletin de vote, il y a le bulletin de salaire, l'apprentissage de la langue, du mode de vie et de nos valeurs. Les résidents étrangers veulent être considérés avec dignité. Ils n'ont pas besoin d'instruments juridiques de reconnaissance, mais d'un travail, d'un logement, d'une école pour leurs enfants. Voilà ce que nous voulons leur donner.

L'attitude du groupe socialiste est pitoyable. Il se sert de l'intégration pour sortir de son coma idéologique (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Faute de retrouver un chef, il cherche à retrouver une virginité (Mêmes mouvements). Vous voulez séduire les jeunes issus de l'immigration, qui peuvent déjà voter et dont les parents ne voteraient pas pour vous !

Cette proposition vise à reconnaître un droit, alors que c'est un contrat qu'il faut mettre en place. Nous refusons cette proposition politicienne (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois - Ce débat devient traditionnel, pour ne pas dire répétitif. Je fais crédit à la gauche comme à la droite de n'avoir qu'un but : faciliter l'intégration. Mais vous pensez y parvenir en accordant davantage de droits, alors que nous préférons faire naître un désir de naturalisation.

Si le statut de l'immigré se rapproche de celui du national, qu'apporte en fait celle-ci ? Les droits sociaux sont déjà identiques, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Faut-il rapprocher les droits politiques ?

Nous devons nous interroger. Le Français a-t-il une tradition culturelle de racisme ? La réponse est non. Alors, d'où vient cette attitude de repli sur soi qu'on observe dans une partie importante de la population française ? Parce que les Français ne tolèrent pas que les immigrés se replient en communautés étrangères au sein de la terre française (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Ils ne supportent pas que des étrangers ne fassent pas d'efforts pour s'intégrer et veuillent demeurer étrangers. Ils se révoltent contre l'attitude de ceux qui veulent tirer profit de la communauté sans rien lui apporter en retour (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

L'urgence n'est donc pas de donner de nouveaux droits. Faites plutôt votre examen de conscience. Quelles mesures avez-vous prises pour favoriser l'apprentissage de la langue ? Et pourquoi avoir abrogé les dispositions qui obligeaient un jeune né de parents étrangers à manifester sa volonté de devenir Français ? Rien n'est pire, en ce domaine, que l'automaticité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Il n'y a qu'un seul moyen de réussir l'intégration : faire naître le désir de devenir Français chez tout étranger qui souhaite vivre durablement sur le sol français (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Rapporteur - A l'issue de ce débat, nous n'avons pas à regretter d'avoir déposé cette proposition, car la démonstration est faite qu'il y a ici deux conceptions diamétralement opposées de la République (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

En premier lieu, je veux vous mettre en garde : les niches d'initiative parlementaire appartiennent à la droite comme à la gauche, à la majorité comme à l'opposition. Si nous avons une haute idée de notre rôle, nous devons respecter le droit qu'a chaque groupe d'inscrire à l'ordre du jour le texte de son choix. Parler de « proposition inutile » ou de « débat à la sauvette », ce n'est pas valoriser le rôle du Parlement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Monsieur le secrétaire d'Etat, il était utile d'entendre l'avis du Gouvernement. Si je ne m'abuse, certains de ses membres, comme M. de Robien ou M. Borloo, ne partagent pas votre conception de la République, qui lie nationalité et citoyenneté. Vous avez rappelé la logique du Gouvernement, et cette clarification était nécessaire. Elle fait de MM. Borloo et de Robien deux trublions au sein de celui-ci ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Enfin, on nous dit que notre position serait « idéologique ». Eh bien oui, elle l'est ! L'idéologie, c'est la force des idées, et nous sommes ici pour faire vivre l'idée de République ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

On a stigmatisé les jeunes, mais ce n'est pas d'eux qu'ils s'agit - pour 95 % d'entre eux, ils sont déjà Français - mais de leurs parents.

J'aimerais bien savoir, Monsieur le secrétaire d'Etat, quel est le devoir que n'aurait pas un résident étranger et qu'aurait un citoyen français ? Demandez-vous plutôt quelle image nous renverrions à ces jeunes et à leurs parents si nous refusions d'adopter ce texte ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

Il y a bien deux conceptions de la République : celle d'une France ouverte, d'une démocratie vivante qui donne sa place à chacun, et celle d'une France fermée, recroquevillée sur elle-même. Les Français jugeront (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Secrétaire d'Etat - J'ai écouté attentivement cet intéressant débat. Ma conviction est que cette proposition fait fausse route car elle porte en germe une citoyenneté au rabais.

Monsieur Valls, vous arrivez - bien tardivement - au même diagnostic que nous quant au fait que la République se fissure, mais je m'étonne qu'il ne vous soit jamais venu à l'esprit de trouver là quelque part de responsabilité... (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Non, la bataille du vote n'est pas la bataille de l'intégration. Mais sans doute cette formule a-t-elle été le moyen, au sein de votre famille politique, d'éviter d'aborder les sujets qui fâchent...

M. Bernard Accoyer - Très bien !

M. le Secrétaire d'Etat - C'est parce que vous continuez de croire que le droit de vote peut tenir lieu d'intégration que les Français vous ont désavoués (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Abstenez-vous, je vous prie, vous qui avez soutenu un gouvernement qui a saboté les zones franches (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), de mettre en cause la politique économique et sociale que nous menons dans les quartiers difficiles ! Abstenez-vous aussi d'évoquer l'affaiblissement de l'idée de nation : à qui la faute ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Que n'avez-vous mis en _uvre le contrat d'intégration que nous proposons aujourd'hui ?

Mme Martine David - C'est quoi ?

M. le Secrétaire d'Etat - Le droit de vote ne peut pas être un laissez-passer, c'est l'aboutissement logique d'une adhésion à nos valeurs communes, adhésion qui conduit à l'acquisition de la nationalité française (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Monsieur Salles, vous avez raison, cette proposition de loi est un chiffon rouge. J'ai d'ailleurs constaté que M. Roman le pensait aussi (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Oui, c'est vrai, les symboles sont importants : un droit de vote automatique ne garantit pas l'adhésion à La Marseillaise et au drapeau.

Monsieur Gerin, après avoir invoqué le principe d'égalité des droits et des devoirs, vous avez parlé d'une durée de résidence : mais pourquoi cinq ans ? Où placer le curseur pour que le principe d'égalité soit, selon vous, respecté ?

J'ai apprécié votre séquence d'autocritique : vous avez ainsi rappelé que vous n'avez pas aboli les lois Pasqua. Pour ma part, je ne le regrette pas, même si j'aurais bien aimé que vous les appliquiez. En revanche, je déplore que vous n'ayez pas résisté aux amalgames douteux entre l'actuelle majorité parlementaire et le Front national, avec lequel la droite républicaine a toujours refusé de s'allier (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP), cassant ainsi le jouet diabolique du mitterrandisme.

Monsieur Mariani, vous avez raison, on peut se demander si la gauche a retenu les leçons du 21 avril. Je vous suis pleinement sur l'idée que la qualité du citoyen est heureusement détachable de celle du contribuable ou du salarié votant aux élections professionnelles. Vous avez bien montré, en examinant la situation de nos voisins, que la France n'était pas lanterne rouge et que rien ne servait d'ouvrir la porte du vote pour refermer celle de la nationalité.

Monsieur de Villiers, vous avez souligné à juste titre que les confusions opérées par la gauche étaient porteuses de tous les risques, y compris celui du communautarisme (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Madame Guigou, arrêtez de faire croire que votre recul est lié au Sénat. Cela commence à bien faire ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Vous n'aviez qu'à déposer ce texte au Sénat ! A moins que vous soyez de ceux qui craignent les combats difficiles... (Mêmes mouvements) Vous cachez derrière cet argument vos propres contradictions. Où étaient durant cette matinée - même si nous les voyons maintenant - les si nombreux députés socialistes prétendument favorables à ce texte ? Je n'ai pas vu M. Hollande, je n'ai pas vu M. Dray...

MM. François Hollande et Julien Dray - Nous sommes là !

M. le Secrétaire d'Etat - Je n'ai pas vu M. Fabius, je n'ai pas vu M. Strauss-Kahn, lui si prompt à se défiler pour les débats télévisés quand les circonstances sont difficiles (Très vives protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Laissez parler le ministre.

M. Julien Dray - Qu'est-ce que ces mises en cause personnelles ?

M. le Secrétaire d'Etat - Monsieur Dray, vous auriez mieux fait d'arriver un peu plus tôt (Mêmes mouvements sur les bancs du groupe socialiste) Monsieur Pinte... (Mêmes mouvements) Où sont l'écoute et la tolérance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Monsieur Pinte, vous avez magnifiquement raconté votre formidable parcours d'intégration. Vous avez montré que la nationalité donne à celui qui l'acquiert un ensemble de droits et de devoirs.

Monsieur Le Roux, je ne peux pas vous laisser dire que le fait, pour un étranger, de ne pas avoir le droit de vote est une discrimination. Quelle injure pour ceux qui sont victimes de véritables discriminations ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Monsieur Leonetti, vous avez rappelé combien le lien entre nationalité et citoyenneté est essentiel. Je vous remercie d'avoir fait l'éloge du contrat d'intégration.

Monsieur Destot (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste). Ça vient, Monsieur Destot ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Dans la catégorie des amalgames, on est monté, grâce à vous, toujours plus haut ! (Mêmes mouvements)

M. le Président - S'il vous plaît, laissez le ministre répondre !

M. le Secrétaire d'Etat - Monsieur Destot, disais-je, votre comparaison avec la peine de mort était vraiment déplacée. Et quant à votre référence aux étrangers qui se sont battus aux côtés des Français dans les heures tragiques de leur histoire, nous avions été nombreux à être choqués par votre refus de la naturalisation des légionnaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Monsieur Siffredi, je rejoins votre raisonnement sur le processus de naturalisation, comme sur la distinction entre élus locaux et nationaux : une discrimination de plus !

Monsieur Jego, c'est vrai, l'arbre du droit de vote ne doit pas dissimuler la forêt de l'échec de l'intégration.

Je vous rejoins aussi, Monsieur Cardo : le non-respect du principe de réciprocité est un véritable obstacle.

Je suis également d'accord avec vous, Monsieur Raoult, cette démarche relève du « petit coup médiatique ». De grâce, que les socialistes nous épargnent leurs leçons de morale, surtout sur l'intégration ! La présence de deux ministres musulmans au sein de ce Gouvernement témoigne à elle seule de la force de la République (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains.)

M. Jean Glavany - C'est quoi, un ministre musulman ?

M. le Secrétaire d'Etat - Discuter dans les salons parisiens, c'est tendance, mais agir, c'est mieux ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) La dissolution du lien entre nationalité et citoyenneté est le point de rupture entre la gauche et la majorité.

N'oublions pas que l'enjeu essentiel est le désir d'accéder à la nationalité française ! Comme l'a déclaré le Premier ministre, « La Marseillaise sera d'autant moins sifflée qu'elle sera entonnée par tous ! N'ouvrons pas aux étrangers la porte du droit de vote pour refermer celle de la nationalité » (Huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean-Marc Ayrault - Rappel au Règlement ! Avons-nous encore le droit de déposer des propositions de loi ? A ceux qui n'ont cessé de nous répéter, ce matin, que nous avions eu tort de choisir celle-ci, je réponds : vous appartient-il de décider des textes que nous déposons ? Ou faut-il considérer qu'il revient au Sénat de choisir ce dont nous pouvons discuter ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Les groupes parlementaires, de la majorité comme de l'opposition, peuvent, en dehors de l'ordre du jour prioritaire dont le Gouvernement a la maîtrise, inscrire dans la « fenêtre » dont ils disposent, le texte de leur choix. C'est ce que nous avons fait ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste)

Nous aurions souhaité un débat serein...

M. Bernard Accoyer - Ce n'est pas un rappel au Règlement ! !

M. Jean-Marc Ayrault - Cela n'a guère été possible, tant en raison des propos tenus par certains orateurs, que par la volonté du représentant du Gouvernement d'entretenir la polémique (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Vous êtes allés trop loin, Monsieur Copé, quand vous vous êtes targué de la présence, au sein du Gouvernement, de deux ministres « musulmans » ! Il n'y a pas de ministres musulmans, catholiques, protestants, juifs ou athées (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. Bernard Accoyer - Ça suffit !

M. Jean-Marc Ayrault - Nous sommes tous ici des représentants du peuple français, quelle que soit notre conviction religieuse, et vos propos sont déplacés. Décidément, la droite reste fidèle à elle-même, malgré les écrans de fumée qu'elle jette sur l'intégration (Claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Compte tenu de la gravité des propos tenus, je demande une demi-heure de suspension de séance pour réunir mon groupe (Huées sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

La séance, suspendue à 12 heures 5, est reprise à 12 heures 15

M. le Secrétaire d'Etat - Monsieur le président Ayrault, je ne voulais pas qu'il y ait de malentendu ou d'ambiguïté sur le terme que j'ai employé, et que je retire bien volontiers (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Je voulais simplement dire que la présence au sein du Gouvernement, de personnes issues de l'immigration témoignait de leur formidable parcours d'intégration dans la République (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Président - La commission des lois n'ayant pas présenté de conclusions, l'Assemblée conformément à l'article 94, alinéa 3, du Règlement, est appelée à statuer sur le passage à la discussion de l'article unique du texte initial de la proposition de loi constitutionnelle.

Conformément aux dispositions du même article du Règlement, si l'Assemblée vote contre le passage à la discussion de l'article unique, la proposition de loi constitutionnelle ne sera pas adoptée.

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Claude Goasguen - J'appelle l'Assemblée à ne pas délibérer et à voter contre l'article unique qui vous est présenté (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Nous avons entendu citer Camus, Jaurès, Senghor, mais pas un seul argument en faveur du texte lui-même, seulement la répétition d'une tautologie : « il faut voter parce qu'il faut voter ».

Quelles ont été, en vérité vos motivations ? Vous vous servez aujourd'hui du vote des étrangers comme vous vous en êtes servis hier, et en dernier lieu voici deux ans, en pleine préparation des municipales, quand vous aviez des difficultés avec M. Mamère et que vous lui avez trouvé une raison - ou plutôt la moitié d'une raison - pour préparer les alliances municipales, avec le succès que l'on sait ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Nombreux députés socialistes - À Paris, par exemple !

M. Claude Goasguen - Ayant cru déceler des dissensions au sein de la majorité, vous avez tenté, dans la veine politicienne qui a toujours été la vôtre, de les exploiter et de les approfondir. Vous avez aujourd'hui la réponse : non, il n'y a pas de dissensions au sein de la majorité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Vous agitez le chiffon - qui n'est même plus rouge tant il est délavé (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) - pour tenter désespérément de mobiliser votre électorat et vos militants. Ça a marché en 1982, ça a failli marcher en 2000, alors peut-être le congrès du parti socialiste se passera-t-il mieux au début 2003 ! (Mêmes mouvements)

Lorsque nous étions dans l'opposition, nous respections, nous, l'esprit des « niches » parlementaires : c'est ainsi que nous avons réussi à faire voter un certain nombre de dispositions en y associant la majorité - je pense notamment à la proposition de M. Mattei. Notre attitude n'avait rien à voir avec la vôtre, qui est de pure magouille politicienne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Vous ne croyez pas vous-mêmes à ce que vous dites ! Vous oubliez que la République se fonde sur le libre choix, sur la volonté des individus. Or, lorsque vous avez fait, il y a deux ans, circuler une pétition pour le droit de vote des étrangers, elle a recueilli 8 000 signatures seulement, sur un corps électoral potentiel de 3 millions d'individus ! Où est la demande sociale qui est censée fonder votre proposition de loi ? La citoyenneté et la nationalité ne se trouvent pas dans une pochette surprise ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Vous évoquez des exemples étrangers, mais en oubliant qu'il y a souvent une condition de réciprocité, et que l'acquisition de la nationalité est plus difficile qu'en France. Ce que je souhaite, c'est que l'on facilite l'application du droit à la naturalisation, tel que régi par l'article 21, trop méconnu, du code civil (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Martine David - Guignol !

M. Claude Goasguen - Vous êtes moins regardants sur les injures que vous ne l'étiez tout à l'heure !

Je demande au Gouvernement, disais-je, de faire mieux appliquer l'article 21 du code civil, aux termes duquel la procédure de naturalisation ne doit pas excéder 18 mois (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Président - Je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public sur le passage à la discussion de l'article unique.

M. Jean Le Garrec - Nous aurions pu espérer, dans ce débat, une certaine hauteur de vues, une certaine conscience de notre histoire. Hélas, l'intervention de M. Goasguen ne va pas dans ce sens là, non plus que les réactions d'une partie de la majorité à l'intervention excessive, caricaturale, de M. de Villiers, ni que votre intervention, Monsieur le ministre, qui ne correspond pas au respect que doit témoigner au Parlement un Gouvernement qui ne représente pas seulement une majorité, mais la République (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Plusieurs orateurs ont parlé d' « aboutissement ». Oui, le débat d'aujourd'hui est l'aboutissement d'une certaine histoire de notre pays, de son histoire coloniale (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP), militaire et économique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

L'histoire coloniale et l'histoire militaire sont tragiquement liées, et il faudra bien que notre pays fasse un jour retour sur elle.

M. Jacques Myard - Vive la Coloniale !

M. Jean Le Garrec - Quant à l'histoire économique, j'ai encore en mémoire la politique des années 1970, où l'on faisait venir 200 000 personnes par an, car la France avait besoin de ces immigrés pour construire le port de Dunkerque, pour produire de l'acier ou des automobiles... J'ai eu entre les mains des documents par lesquels des entreprises passaient commande des femmes et des hommes dont elles avaient besoin !... (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Plusieurs députés UMP - Qu'avez-vous fait pendant toutes ces années ?

M. Jean Le Garrec - C'est un combat que je mène depuis vingt-cinq ans ! J'ai travaillé avec Mme Geneviève Anthonioz-de Gaulle et avec l'abbé Pierre à l'amélioration des conditions d'accueil, de logement, de travail de tous ces gens (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Poser ce problème-là aujourd'hui, et le poser comme l'aboutissement d'une histoire, c'est grandir la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Je suis très fier d'avoir fait voter en novembre 2001, avec l'appui de Mme Guigou, une loi contre les discriminations. Elu d'une circonscription où l'on retrouve toutes les strates de l'immigration, je sais que les jeunes issus de celle-ci ont beau être Français, ils rencontrent tous les jours des difficultés quand ils cherchent un emploi ou un logement, et ils les ressentent comme une terrible injustice. La première d'entre elles, à leurs yeux, consiste à ne pas voir reconnaître ce que leurs parents ont fait en France et pour la France (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) ce qui a été la vie du père, qui s'est crevé au boulot (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), la vie de la mère, qui a du élever ses enfants dans des conditions de logement souvent pitoyables. Ils nous demandent donc de reconnaître à leurs parents le droit de vote aux élections municipales.

Nombreux députés UMP - Mais non !

M. Jean Le Garrec - Vous ne voulez pas l'admettre, mais c'est vrai : c'est une de leurs premières demandes ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Raoult a qualifié le débat de ce matin « d'idéologique », comme s'il s'agissait là d'une tare irrémédiable. Mais il n'y a pas de honte à manier des idées ! Oui, le débat que nous avons est bien un débat d'idées !

M. Claude Goasguen - Non, c'est un débat politicien.

M. Jean Le Garrec - La majorité actuelle a peur de regarder l'avenir (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), elle conserve de la République une vision rétrécie, repliée sur elle-même. Nous, nous faisons confiance à la République et nous voulons donc que le débat se poursuive ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. André Gerin - La façon dont le Gouvernement traite la représentation nationale laisse flotter un parfum de monarchie (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), et le débat de ce matin, avec ce groupe UMP-godillot (Protestations sur les bancs du groupe UMP) nous a fait sentir d'autres parfums : ceux du populisme et du colonialisme ! (Mêmes mouvements)

J'ai vu le Gouvernement et la majorité se parer de vertus tout à fait nouvelles pour eux. Mais remettent-ils en cause les charters ? Les liberticides lois Pasqua et Debré ? (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP)

Les centres de rétention ? Au-delà de cette proposition de loi, que nous approuvons, il faudra que nous les remettions en cause. Porter les valeurs de la France, ce n'est pas confondre République et bonapartisme ! Malheureusement, nous avons en face de nous un gouvernement de l'insolence et l'anti-solidarité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Rudy Salles - Introduire ce débat en passant par la niche parlementaire n'est pas de bonne méthode, pas plus qu'il n'est de bonne méthode de prendre le vaste problème de l'intégration par la seule question du droit de vote, comme le fait la gauche. Ce problème nous interpelle tous et nous avons tous à le traiter, au-delà du clivage gauche-droite. Nous devons d'abord tous nous demander si nous donnons l'exemple dans l'amour de la France et le respect de nos règles ? Si tel n'est pas le cas, comment attendre des étrangers un tel amour et un tel respect ?

Qu'a fait la gauche pendant quinze ans ? En tout cas, elle n'a pas fait progresser l'intégration, bien au contraire (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

Le débat de ce matin a au moins le mérite de faire apparaître plusieurs façons de concevoir la politique et de considérer la société. A gauche, on distribue les droits comme on distribuerait des sucres d'orge ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Nous, nous pensons que le droit de vote est lié à la nationalité. Nous sommes prêts à le partager avec d'autres : ceux qui auront fait la démarche d'acquisition de la nationalité française et qui auront accepté les droits et les devoirs qui vont avec.

La gauche se plaint de ne pouvoir s'exprimer. Mais moi qui siège depuis quinze ans - et plus longtemps dans l'opposition que dans la majorité - je me souviens des jours et des nuits que nous avons passés à débattre de la nationalité et je me rappelle que nous avions alors déposé 2 000 amendements : pas un seul ne fut accepté ! La gauche n'est donc pas la mieux placée pour donner des leçons en matière de respect de l'opposition ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

Le groupe UDF votera contre le passage à la discussion de l'article unique de la présente proposition de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

A la majorité de 221 voix contre 124, sur 345 votants et 345 suffrages exprimés, l'Assemblée décide de ne pas passer à la discussion de l'article unique. La proposition de loi constitutionnelle n'est pas adoptée.

Prochaine séance cet après-midi à quinze heures.

La séance est levée à 12 heures 45.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

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ERRATUM

au compte rendu analytique de la 3ème séance du vendredi 22 novembre 2002.

Page 11, rétablir comme suit :

M. Pierre Cardo - ... Imaginons le cas d'une petite commune très pauvre... (le reste sans changement)


© Assemblée nationale